M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. Absolument ! Très juste !
Mme Nicole Bricq. Je développerai successivement mon point de vue sur les dépenses, les recettes et la dette, puis traiterai des prélèvements obligatoires.
Côté dépenses, vous insistez beaucoup sur la compression des dépenses – vous l’avez encore fait ce matin, même si vous avez légèrement modéré vos propos par rapport à ceux que vous avez tenus à l’Assemblée nationale –, en fixant pour trois ans la règle d’une progression limitée à l’inflation pour l’État et les dotations aux collectivités locales.
Cette règle – je pense que vous le savez – va se révéler redoutable avec la progression du coût des pensions des fonctionnaires et de la dette. Pour ce qui est des dépenses sociales, le vieillissement de la population laisse augurer une augmentation des coûts et, pour ce qui est des collectivités locales, M. le rapporteur général a souligné hier devant la commission des finances ce qu’il avait mentionné dans son rapport écrit, à savoir le caractère « irréaliste » des prévisions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Côté recettes, il faut noter qu’elles plafonnent depuis plusieurs années, alors même que la croissance était positive. On connaît l’impact funeste des dépenses fiscales. Il est donc urgent non seulement de plafonner ces dernières, comme le groupe socialiste l’a toujours demandé, mais aussi de les évaluer. Et, s’agissant de cette évaluation, l’initiative doit appartenir à la commission des finances : c’est à mon avis son rôle, du reste conforté par la Constitution.
Mais, monsieur le ministre, il faudrait commencer par ne plus créer de dépenses dans une conjoncture particulièrement difficile. Or, pas plus tard que la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi en faveur des revenus du travail, votre collègue M. Xavier Bertrand s’est prononcé contre notre amendement, identique à celui du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Serge Dassault, tendant à supprimer l’article 1er.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. Il avait été voté à l’unanimité !
Mme Nicole Bricq. Absolument ! Nous l’avions voté à l’unanimité en commission des finances. Nous nous opposions en effet au nouveau crédit d’impôt visant à favoriser l’intéressement, dont le coût devrait s’élever, si cela fonctionnait, ce dont nous doutons quand même, à près d’un milliard d’euros en année pleine !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Vous êtes trop souvent dans la contradiction entre vos déclarations et votre action !
Par ailleurs, il est intéressant de se pencher sur le coût pour les finances publiques des exonérations des heures supplémentaires, disposition adoptée voilà dix-huit mois : il est de 4 milliards d’euros.
Il suffit de se livrer à un simple calcul pour démontrer que, dans le contexte actuel de montée du chômage, cette démarche est absurde dans la mesure où elle dissuade les entreprises d’embaucher.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Il serait donc grand temps de la ranger au « frigidaire », de laisser l’idéologie au repos et de redéployer les 4 milliards d’euros dans le soutien à l’économie et à l’emploi, qui en ont bien besoin !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En matière d’idéologie, vous n’avez pas de leçons à nous donner !
Mme Nicole Bricq. Le même raisonnement pourrait être appliqué au bouclier fiscal. (M. le rapporteur pour avis s’exclame.)
Alors que, avant les effets de la crise financière, nos résultats étaient moins bons que ceux de nos partenaires de l’Union européenne, vous gardez la même hypothèse de travail en la décalant dans le temps. En fait, vous remplacez un zéro par un deux. Je pense que, très rapidement, vous vous affranchirez de votre engagement.
Il me faut maintenant dire quelques mots sur la dette, dont on a beaucoup moins parlé ce matin qu’à l’habitude.
Dans votre hypothèse, monsieur le ministre, vous considérez que la dette publique ne sera aggravée que par le déficit. Celui-ci devant, selon vous, se réduire, la dette baisserait pour arriver progressivement à 61,8 % du PIB en 2012. Cela suppose donc une stabilisation du déficit et un retour dès 2010 à une croissance de 2,5 %. Voilà une hypothèse bien optimiste qui fait fi du ralentissement économique dont le poids ne manquera pas de peser sur les dépenses sociales ! Il est fort possible que la dette atteigne 68 % en 2012.
J’ajoute que les mesures de recapitalisation des banques évoquées par M. le rapporteur général dans son rapport écrit, même si elles n’atteignent pas les 40 milliards d’euros prévus – mais 10,5 milliards d’euros sont déjà engagés dans le plan d’urgence de la loi de finances rectificative –, pèseront sur l’encours de la dette et sur la charge de celle-ci. On en arriverait ainsi à ce que le service de la dette devienne dans la période triennale le premier budget de l’État, devant celui de l’éducation nationale ! Cela veut dire qu’il faut revoir l’orientation des finances publiques.
À ce titre, permettez-moi, madame, monsieur les ministres, de vous rappeler que vous vous êtes engagés devant nous à associer le Parlement au suivi de ce plan d’urgence. Or jusqu’à présent – en tout cas, jusqu’à hier soir –, nous n’avons pas eu de concrétisation de cet engagement.
Quant aux prélèvements obligatoires, il nous faut redire – les années se succèdent en se ressemblant – que leur seul niveau ne suffit pas à déterminer s’ils sont justes et efficaces. Ce qui compte, c’est l’assiette des prélèvements et leur finalité.
D’une part, l’État se défausse sur les collectivités locales et la sécurité sociale ; d’autre part, toutes les mesures que vous avez prises ont eu pour effet de faire reculer la progressivité de l’impôt, et donc, à nos yeux, de la justice fiscale.
La vérité est que le Gouvernement persiste à priver l’État de munitions fiscales face à la crise. Les mesures fiscales prévues pour 2009 s’équilibrent quasiment entre hausse et baisse d’impôts. La maîtrise des dépenses est, dans le scénario gouvernemental, le seul levier d’action. Du reste, monsieur le ministre, vous avez insisté lourdement devant nos collègues députés en proclamant qu’un budget, c’est d’abord une « autorisation de dépense ».
Certains ministères voient leurs budgets reculer, et les collectivités locales sont appelées à supporter la rigueur. C’est au moment où la menace de récession exige une politique de soutien fiscal active…
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Et vous pensez que l’on va dynamiser l’économie comme cela…
Mme Nicole Bricq. …que les États ayant multiplié les allégements d’impôts – la France n’est en effet pas le seul pays dans ce cas ! – se trouvent démunis. Le ralentissement économique dans un système fiscal de moins en moins progressif a un impact immédiat sur les recettes et menace fortement l’équilibre budgétaire.
Nous sommes à un moment charnière des politiques fiscales en Europe. M. le rapporteur général voit juste quand il indique dans son rapport écrit que la fiscalité ne restera pas à l’écart de la remise à plat et de la remise en cause des idées reçues. Mais il est sceptique sur le débouché de cette remise à plat quant à la réhabilitation de l’impôt. C’est sans doute là où nous nous séparons.
Je pense que la concurrence et la course au moins disant fiscal ont vécu sans pour autant que le tabou sur l’impôt soit encore levé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est très fort !
Mme Nicole Bricq. Le système fiscal national, tel qu’il est bâti aujourd’hui, repose essentiellement sur les ménages et les entreprises captives, alors même que les entreprises mondialisées et les hauts revenus particuliers développent des stratégies d’évitement de l’impôt. Si l’impôt ne pèse plus que sur les revenus ne bénéficiant pas d’une mobilité internationale, prenons garde qu’il ne se trouve alors délégitimé. Or l’impôt n’est pas un simple instrument économique. Il reflète un choix de société, un choix de justice. C’est vrai au niveau national, c’est vrai au niveau européen.
J’ai évoqué tout à l’heure la sortie de crise. Elle passe par un retour à une croissance positive et, si possible, à notre seuil de croissance potentielle, qui est fondamentalement et durablement le moyen de susciter des gains de pouvoir d’achat dès lors que l’efficience de notre système de prévention et de redistribution sociale sera elle-même accrue.
En visant le moyen terme, il faudrait promouvoir éducation, formation et recherche. Pour ce faire, la remise en cause des mesures rentières prises par les gouvernements – l’actuel et les précédents – est indispensable. La réinstauration de la progressivité de l’impôt sur le revenu, une évaluation très volontaire des niches en vue de supprimer toutes celles qui ne servent pas l’investissement productif ou le bien-être social, la réduction progressive des baisses de charges sociales consenties aux grands groupes permettraient de mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Dans l’immédiat, compte tenu de l’assèchement de nos finances publiques, il convient sans doute de mobiliser l’épargne privée dans le soutien au programme du bâtiment et des travaux publics peu importateurs et créateurs d’emplois afin de satisfaire aux demandes de nos concitoyens en matière de logement et de transports.
Nous ne trouvons pas trace dans cette proposition de votre volonté d’assurer le présent et de préparer l’avenir. Vous nous proposez une hypothèse macroéconomique « vulnérable », des recettes à périmètre constant. Votre seul levier d’action est la dépense, et vous faites peser sur les collectivités locales les deux tiers de l’effort de réduction du déficit, ce qui est très étonnant compte tenu de la contribution essentielle de ces collectivités à l’investissement public civil – 73% –, …
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. La rigueur ne doit pas seulement s’appliquer à l’État !
Mme Nicole Bricq. …sauf à les obliger à augmenter les impôts alors que vous prétendez stabiliser les prélèvements obligatoires. Vous êtes, à mon avis, dans une contradiction insurmontable. Un effet de ciseau terrible peut dépendre de votre prévision de dépenses.
Comprenez que ce premier exercice pluriannuel augure assez mal pour nous des projets de loi de finances qui vont suivre, notamment de celui de 2009 dont nous discuterons dès la semaine prochaine. En conséquence, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est la traduction de la réforme institutionnelle votée au mois de juillet par le Parlement.
Sa portée normative est limitée, mais ses objectifs vertueux en matière de gestion publique concourent au nécessaire, mais très difficile, retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Néanmoins, ce projet de loi a tout lieu d’être qualifié d’anachronique, même si, sur la forme, il a le mérite d’exister.
Il est anachronique, car, malheureusement, la crise financière et boursière qui a touché, depuis sa rédaction, l’ensemble des pays a totalement bouleversé les perspectives économiques pour les années à venir. Malgré les réponses volontaristes apportées par les différents gouvernements, notamment européens, les perspectives initialement tracées ne peuvent être perçues comme totalement réalistes.
Naturellement, madame, monsieur les ministres, nous ne vous tenons pas pour responsables de ce décalage, d’autant, madame la ministre, que, à l’ouverture de cette discussion, vous avez apporté les correctifs nécessaires.
L’on ne peut que saluer le réalisme qui a conduit le Gouvernement à retenir des hypothèses de croissance plus adaptées à la situation. Du fait des difficultés auxquelles nous allons être confrontés lors de l’examen du projet de budget pour 2009, on peut néanmoins se demander comment il peut être envisagé d’encadrer les volumes des dépenses de toutes les missions budgétaires pour l’année 2012 en se basant sur des taux d’inflation qui ne peuvent être tenus !
Ce projet de loi montre à quel point il est difficile, en particulier en matière de finances publiques, d’effectuer des prévisions et d’en tirer des lois de programmation dont la date de péremption peut être très rapidement atteinte.
Cependant, je le disais, ce texte a le mérite d’exister, de fixer des cadres budgétaires et surtout – soyons un peu optimistes – de créer un climat budgétaire marqué par la vertu financière, vertu dont, madame, monsieur les ministres, nous vous savons d’ailleurs dotés.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 représente une avancée dans la maîtrise des comptes publics en permettant au Parlement de fixer la trajectoire des finances publiques vers l’équilibre des comptes des administrations. C’est une démarche nouvelle, qu’il convient de saluer.
L’inscription constitutionnelle de l’équilibre des comptes publics constitue une double avancée.
Tout d’abord, il est désormais fait référence au principe d’équilibre des comptes de l’ensemble des administrations publiques, ce qui englobe l’État, les organismes de sécurité sociale, mais aussi les collectivités territoriales.
Ensuite, pour la première fois, est affirmée dans la Constitution la nécessité de concilier deux exigences : celle de la pluriannualité budgétaire, déjà introduite conformément à la philosophie de la LOLF, et celle de l’objectif d’équilibre des comptes publics.
Cette loi de programmation est ainsi le support de la stratégie budgétaire à l’horizon 2012 : le redressement de nos finances publiques doit être atteint sans augmentation du poids des impôts et des charges, et donc entièrement grâce à la maîtrise des dépenses.
Enfin, certaines propositions, telle celle qui permet d’affecter les éventuels surplus budgétaires – on peut rêver ! – au désendettement, sont les bienvenues et recueillent naturellement le soutien du groupe Union centriste.
Je reviendrai maintenant sur la question des prélèvements obligatoires et de leur évolution, point sur lequel porte aussi notre débat du jour.
Le taux des prélèvements obligatoires est toujours un instrument de mesure imparfait. En effet, d’une part, on compare souvent l’évolution dans le temps, mais les paramètres sont si complexes qu’il est évidemment difficile de parvenir à les lire correctement et, d’autre part, la comparaison avec les autres pays se fait rarement avec le même périmètre d’action et rend donc bien évidemment assez obsolètes les chiffres que l’on peut donner pour la France.
Chacun l’a déjà rappelé, le taux des prélèvements obligatoires pour 2007 s’élève à 43,3% du PIB, en baisse par rapport à 2006.
Les prévisions pour les années à venir laissent à penser, selon l’excellent rapport de M. le rapporteur général, que ce taux se stabilisera, voire sera en légère diminution suivant les scénarios économiques envisagés.
Cette stabilisation me semble tout à fait opportune et, pour le coup, elle entre dans le cadre des normes fixées par le projet de loi de programmation qui nous intéresse aujourd’hui.
On peut regretter que ce taux soit trop élevé, du point de vue de l’histoire de nos finances publiques mais aussi en comparaison avec nos partenaires, notamment l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Pour autant, il semble difficile, compte tenu de mes propos précédents, de prétendre diminuer les prélèvements obligatoires tant les contraintes financières sont importantes sur les administrations publiques. Par ailleurs, il paraît inopportun – et nous avons toujours défendu cette position – de chercher à les augmenter, car ce serait une mesure totalement contreproductive à l’encontre non seulement de nos concitoyens, mais aussi de nos entreprises.
Les prélèvements obligatoires, au-delà de leur niveau, appellent un second constat, s’agissant de leur structure.
Une fois encore, nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, un phénomène, dont on a d’ailleurs souvent parlé ici, à savoir la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux.
Je citerai un exemple chiffré : sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous féliciter du tassement des taux de prélèvements obligatoires, car les charges croissantes qui résulteront du vieillissement de la population nous obligeront bientôt à dégager encore de nouvelles marges de manœuvre.
En conclusion, on l’aura compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra, d’abord, le retour à l’équilibre de nos finances publiques et, par la suite, l’abaissement des prélèvements obligatoires afin de restaurer la compétitivité de notre économie. La crise financière actuelle ne doit d’ailleurs pas nous détourner de cet objectif d’équilibre. Mais c’est la structure de ces prélèvements obligatoires, plus que le niveau de ces derniers, qui pose problème aujourd’hui.
Je disais précédemment que l’on ne pouvait pas augmenter les prélèvements obligatoires, notamment pour la bonne santé de nos entreprises ; je souhaite pour terminer, madame, monsieur les ministres, aborder le problème du développement économique de nos PME, notamment dans cette période de crise qui les touche bien sûr directement tant sur le plan de leurs besoins de trésorerie que sur celui de leurs investissements.
Le Président de la République rappelait récemment que les prélèvements publics sur les entreprises représentaient près de 15 % du PIB en France, contre 11,5 % dans les autres pays de la zone euro.
Cet écart de 3,5 points représente plus de 70 milliards d’euros et constitue un véritable handicap pour nos entreprises dans la compétition internationale. Le poids de la fiscalité qui pèse sur nos PME ternit largement l’attractivité de notre pays face à nos voisins européens.
Dans cette période de crise, ne serait-il pas possible, par des mesures à court terme, de renforcer les fonds de roulement de nos PME et de favoriser leurs projets d’investissement en fléchant de manière peut-être plus encadrée encore les crédits accordés aux banquiers à destination des entreprises ?
J’aimerais aussi, madame, monsieur les ministres, que vous esquissiez devant nous d’éventuelles mesures tendant à diminuer les prélèvements publics sur nos entreprises, notamment les plus innovantes.
Vous avez en effet reçu cette semaine un rapport sur le financement des PME, dans lequel est présentée une série de onze mesures sur ce thème dont la plupart me semblent très intéressantes.
L’un des problèmes pointé dans ce rapport est non pas le manque de financement de la recherche dans notre pays, mais bien le faible nombre de bons projets innovants. Nos PME ont besoin de collaborer beaucoup plus étroitement avec les centres de recherches, en particulier avec ceux qui ont une vocation mondiale.
Pourquoi en France, comme cela a été rappelé dans une interview des auteurs de ce rapport parue hier dans Les Échos, la proportion des PME qui deviennent de véritables groupes n’est-elle que de 1 %, contre 7 % en Europe et même 25 % en Amérique du Nord ?
Il est urgent d’accélérer et d’amplifier la politique de financement par projet de notre recherche en renforçant en ce sens le rôle de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, mouvement qui est d’ailleurs déjà engagé, notamment grâce au programme blanc qui vise, par définition, à soutenir des projets innovants et qui représentera 35 % des financements de l’ANR, contre 28 % aujourd’hui.
D’autres mesures proposées dans ce rapport, qui dénonce une certaine insuffisance du soutien de l’État aux PME, concernent les jeunes entreprises innovantes : il faut soutenir ces entreprises, flécher les aides et les investissements dans leur direction, revoir les aides fiscales à l’investissement, développer les garanties financières, réduire les délais de paiement, notamment dans la sphère publique, souvent très mauvaise élève sur cette question…
Nous devons aider nos entreprises, et c’est encore plus nécessaire en cette période d’incertitude. C’est pourquoi j’espère que ces propositions auront votre faveur, madame, monsieur les ministres : l’avenir de notre structure économique et les emplois de demain en France dépendent de l’attention que les pouvoirs publics vont porter à l’innovation menée dans les entreprises et à l’attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs du Cambodge
Mme la présidente. Mes chers collègues, je tiens à saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de sénateurs du Cambodge, à qui je souhaite la bienvenue. (Mme et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence et suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et le débat sur une déclaration du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Dans la suite de la discussion commune, la parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’interviens à la place de mon collègue Guy Fischer, qui a dû s’absenter.
Ce débat se situe à la fois sous l’angle de la nouveauté et sous celui de l’absence de nouveauté.
L’absence de nouveauté, c’est le fait que ce débat sur les prélèvements obligatoires ait lieu, puisqu’il s’agit d’une sorte de rituel, confirmé par la loi organique. On pourrait d’ailleurs constater que nos différences d’approche idéologique et politique sont quasiment irréductibles, ainsi que l’ont montré les débats antérieurs.
La nouveauté, c’est le contexte de crise dans lequel cette discussion se déroule. Il s’agit d’une crise financière aiguë, sans précédent, la plus importante depuis un siècle, dont les turbulences économiques et sociales sont dévastatrices.
Nous vivons dans un monde où plus de 200 millions de personnes sont privées d’emploi et où le tiers de la population active disponible subit la précarité et est en proie à des incertitudes quant à ses conditions d’emploi !
La crise économique conserve un impact essentiel sur la situation des comptes publics. Notre système de prélèvements obligatoires, de même que l’utilisation des recettes fiscales et sociales qui en découle, est bien corrélé au contexte économique.
Pour autant, les décisions politiques qui peuvent être prises par les gouvernements, et notamment par le nôtre, tant en loi de finances, en loi de financement de la sécurité sociale que dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, ne sont pas sans influence.
Un autre événement est à prendre en compte dans notre discussion. Depuis mardi, les électeurs de l’une des plus grandes démocraties du monde ont voté en faveur d’un candidat qui entend faire de l’action publique dans les domaines de la santé, de l’énergie, de l’éducation l’une des conditions de la relance de l’activité économique et qui y voit l’une des solutions aux problèmes de son pays.
Que l’on ne vienne pas, à cette occasion, nous parler encore une fois du poids excessif de nos prélèvements obligatoires !
Pour notre part, nous sommes convaincus que les choix que nous avons faits en France sur ces questions de santé, d’éducation ou de protection sociale sont moins coûteux et plus efficaces que ceux des pays où la logique de la couverture individuelle l’a toujours emporté !
L’une des leçons de la crise est bien que le financement des retraites par la voie de la capitalisation peut se révéler hasardeux quand l’argent part en fumée sur les places boursières ! Et l’efficience d’un financement individualisé des dépenses de santé est loin d’être prouvée dans un pays comme les États-Unis, où 50 millions de personnes n’ont aucune couverture sociale et où 40 % de la population doit aux dispositifs Medicaid et Medicare de pouvoir être prise en charge dans les hôpitaux publics !
Vous voyez, mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet...
La question de nos prélèvements obligatoires et celle de la situation des finances publiques sont étroitement liées. La situation des finances publiques dépend profondément des choix fiscaux et sociaux que nous opérons dans les lois de finances comme dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Je poserai donc d’emblée l’une des questions clés que soulève ce débat.
Depuis plus de trente ans maintenant, les comptes de l’État présentent, en loi de règlement, un déficit d’exécution particulièrement significatif, atteignant des niveaux très élevés. J’observe d’ailleurs que ce sont bien souvent les gardiens du temple de la réduction des déficits qui sont les premiers à laisser croître ces derniers quand l’occasion leur en est donnée.
Toujours est-il que nos prélèvements sont devenus, au fil du temps, injustes et illisibles.
Ils sont injustes, parce que, sur le fond, il n’est un secret pour personne que, pour complaire aux marchés financiers et au capital, on n’a eu de cesse, depuis plus de trente ans, d’alléger toujours plus la contribution des revenus du capital, de l’exploitation du travail et du patrimoine au financement des missions publiques.
Ils sont également injustes, parce que l’effort pèse aujourd’hui bien plus qu’auparavant sur la consommation et sur la rémunération du travail, comme l’attestent le niveau des prélèvements sociaux ou la masse de recettes découlant de la TVA et de l’ensemble des droits de consommation.
Les prélèvements sont illisibles, quand s’empilent, année après année, mesures dérogatoires, allégements sociaux ou niches fiscales diverses, qui font que, dans telle ou telle situation, les prélèvements ne sont pas réalisés.
Je ne citerai que quelques chiffres pour étayer mon propos.
Le budget de l’État présenterait en 2009 un déficit de 52 milliards d’euros, auquel il convient d’ajouter 8,6 milliards d’euros de déficit du régime général de la protection sociale. Or, dans le même temps, le montant des remboursements, dégrèvements divers, allégements d’impôts directs locaux pour les entreprises s’élèvera à 85 milliards d’euros. En outre, les allégements de cotisations sociales normalement dues par les entreprises atteindront l’année prochaine 42 milliards d’euros, soit 10 milliards d'euros de plus que cette année ! Mes chers collègues, connaissez-vous beaucoup de dépenses publiques dont on autorise qu’elles progressent de 30 % en un an ?
En d’autres termes, nous dépensons aujourd’hui des sommes considérables à tronquer nos prélèvements obligatoires, au motif déclaré de favoriser la croissance, l’emploi, voire le pouvoir d’achat, sommes qui se révèlent bien supérieures aux montants des déficits attendus !
Quant à l’impact de ces dispositifs sur la croissance, il demeure pour le moins réduit : il n’est qu’à regarder l’évolution du PIB ces derniers temps...
Avouez que c’est étonnant ! Plus on fiscalise la protection sociale, plus elle est en déficit, ce qui impose de pénibles gymnastiques de gestion d’une dette qui s’accumule malgré la purge imposée aux assurés sociaux sur le niveau des prestations servies !
Plus on corrige nos impôts de dispositions dérogatoires, plus l’État est en déficit, déficit de caractère structurel que toutes les politiques malthusiennes de réduction de la dépense publique, par suppression d’emplois publics ou annulation de crédits, ne parviennent pas à combattre !
Notre débat d’aujourd’hui n’échappe pas à cette règle.
C’est à de nouveaux sacrifices en matière de protection sociale, en matière d’action de l’État et maintenant en matière d’action des collectivités locales que la loi de programmation des finances publiques prépare les Françaises et les Français.
Plutôt que de réhabiliter l’action publique, dans un contexte de crise où elle seule peut répondre aux attentes de la population, on persévère encore dans des choix d’austérité budgétaire et d’injustice sociale que nous ne pouvons que rejeter. Tout cela pour nous conformer à un mode de construction européenne dont tout montre, depuis quelques jours, qu’il ne correspond plus, ou pas, aux nécessités du temps !
Justice sociale et fiscale, efficacité économique, réponse aux besoins collectifs, voilà ce qui devrait guider les politiques budgétaires ! Voilà ce que, aujourd’hui et à l’avenir, nous défendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)