PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’ordre du jour réservé, nous examinons les conclusions de la commission des affaires culturelles sur une proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Carle visant à assurer l’égalité de traitement entre écoles publiques et privées en matière de financement de leurs missions communes de service public.
Plus précisément, il s’agit de garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Cette parité est déjà prévue en principe, mais il est nécessaire de légiférer pour permettre sa mise en œuvre.
Je le rappelle, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 avait pour objet de réaffirmer la parité entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat. Ce principe, posé par la loi du 30 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privé, dite loi Debré, ne fait plus l’objet d’aucune contestation. Encore faut-il qu’il soit réellement appliqué.
L’article 89 de la loi du 13 août 2004 posait le principe d’une participation de chaque commune aux frais d’accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Sa justification était claire : il s’agissait d’éviter que certains maires ne se défaussent de leurs obligations financières sur les communes voisines. Or, s’il a permis de mettre fin aux abus, il ne les a pas tous empêchés.
En obligeant les communes à prendre en charge les frais de fonctionnement des établissements privés sous contrat, ce dispositif a limité l’incitation faite aux maires de pousser les parents à scolariser leurs enfants dans les établissements privés des communes voisines, mais il n’y a pas entièrement mis fin. En effet, l’article 89 pose l’obligation faite aux communes de contribuer à ces frais, mais sans préciser la répartition entre la commune d’origine et la commune de résidence des enfants.
Ainsi, une commune pouvait se trouver contrainte à les prendre en charge pour un établissement privé situé sur son territoire, alors que ces frais auraient dû incomber à la commune de résidence pour une école publique.
À titre d’exemple, la ville de Melun, où je suis élue, a longtemps pris en charge les élèves des écoles primaires privées pour ne pas mettre ces établissements en péril.
C’est donc pour mettre fin à de ces abus persistants que l’Association des maires de France, l’AMF, a engagé un dialogue constructif et fructueux avec les ministères de l’éducation nationale et de l’intérieur. Ces négociations ont permis d’aboutir au compromis de mai 2006 et à l’édiction de deux circulaires presque identiques prévoyant que « la commune de résidence doit participer au financement de l’établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d’une école publique qui accueillerait le même élève ».
Ainsi, l’accord entre l’AMF, l’État et l’enseignement catholique a permis de parvenir à un compromis équilibré sur cette question sensible, mais sans supprimer toutes les possibilités d’abus, étant donné la protection juridique relativement précaire du principe de parité, qui n’était défendu que par des circulaires. Il convenait donc de le garantir solidement en l’ancrant dans la loi.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi. Il s’agit de soustraire les communes de résidence à l’obligation de participer aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d’un enfant dans une école privée extérieure, comme pour l’enseignement public, à condition, naturellement, qu’elles puissent l’accueillir dans leur propre école publique, abstraction faite des cas dérogatoires prévus par l’article L. 212-8 du code de l’éducation nationale.
Pour mémoire, ces cas particuliers relèvent de trois situations, à savoir les obligations professionnelles des parents dont la commune de résidence n’assure pas la restauration et la garde des enfants, l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans une école de la même commune ou des raisons médicales.
Ainsi, sans mettre en cause ces dérogations, qui restent évidemment justifiées, la proposition de loi de notre collègue tend à abroger l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et à définir précisément les situations dans lesquelles le financement par les communes de résidence sera obligatoire. Je ne reviens pas sur ces situations, qui ont été très clairement présentées par l’auteur de la proposition de loi.
Les conditions de ce financement sont exactement identiques à celles qui s’appliquent à l’enseignement public.
J’ajoute que ce texte est le fruit de longues réflexions de la commission des affaires culturelles, d’un large consensus et d’un travail pédagogique dans lequel notre collègue Jean-Claude Carle s’est énormément impliqué aux côtés de l’AMF et des ministres.
Je souhaite que ce texte, juste et utile, soit appliqué dans les meilleurs délais.
Bien entendu, le groupe UMP suivra la position de la commission des affaires culturelles et votera ses conclusions sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet de la proposition de loi que nous examinons est simple. Il s’agit de clarifier les règles contenues dans l’article 89 du 13 août 2004 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Son intérêt est donc évident. Je souhaite d’emblée féliciter nos collègues Jean-Claude Carle et Yves Détraigne, qui en ont pris l’initiative.
Parmi les quatre formes d’enseignements privés qui existent, l’enseignement privé sous contrat d’association avec l’État est aujourd'hui, et de loin, la plus importante. En effet, elle représente près de 2,2 millions d’élèves en 2007, l’ensemble des établissements privés d’enseignement accueillant environ 17 % des effectifs totaux.
Ouverte à tous, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance, l’école privée sous contrat propose un projet éducatif adapté.
Par conséquent, la contribution financière de la commune constitue le moyen de faire vivre le pluralisme scolaire dans le cadre de la liberté de choix des familles, reconnue par la Constitution française.
Bien évidemment, mes propos sur la qualité de l’enseignement privé n’entachent aucunement l’enseignement dispensé au sein de nos écoles publiques. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, chaque jour, et parfois dans des conditions difficiles, mettent tout en œuvre pour apporter un enseignement de qualité à nos enfants, voire à nos petits-enfants.
Comme cela a été souligné à plusieurs reprises aujourd'hui, le Sénat a adopté, lors de l’examen du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, une disposition étendant aux écoles privées sous contrat d’association les règles de financement des écoles publiques.
Aujourd’hui encore, je me demande si nous avions conscience des débats que ce dispositif susciterait lorsque nous l’avons voté. Il est vrai que notre collègue Michel Charasse l’avait présenté avec beaucoup de doigté et compétence. Mais, destinée à harmoniser les conditions de financement des écoles privées et publiques, cette mesure a créé un véritable paradoxe.
Pour ma part, j’ai rencontré de nombreux maires de mon secteur des Flandres, territoire rural s’il en est, et je sais qu’ils sont inquiets. D’ailleurs, étant moi-même maire d’une commune rurale, je partage leur inquiétude.
En effet, compte tenu de la législation actuelle, si, en tant que maires, nous refusons d’accorder une dérogation autorisant un enfant à s’inscrire, pour convenance personnelle, dans une école publique d’une autre commune, il est à craindre qu’il ne s’oriente vers une école privée. Dans ces conditions, les communes de résidence se voient dans l’obligation de financer l’école privée d’une ville voisine, alors qu’elles n’ont pas à le faire pour l’école publique.
Bien évidemment, et j’insiste sur ce point, les maires respectent parfaitement le choix des parents qui souhaitent inscrire leurs enfants dans une école privée d’une autre ville, mais cela relève d’une décision personnelle que les communes de résidence n’ont pas à assumer.
La présente proposition de la loi vise à clarifier et à stabiliser un cadre juridique flou. Ce texte, que je qualifierais de « texte de compromis », doit enfin satisfaire tous les acteurs concernés. Cependant, il est bien dommage qu’il ait fallu plus de quatre ans pour enfin y aboutir. Mais le résultat est là.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai les conclusions de la commission sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques mois, le 6 février dernier très exactement, notre collègue Jean-Claude Carle, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Todeschini, affirmait qu’il n’y avait pas lieu de rouvrir le débat sur l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Pourtant, les multiples initiatives parlementaires restées vaines sur ce sujet constituaient la preuve même que l’application de ce dispositif posait un problème sérieux, dont le législateur devait se saisir. D’ailleurs, nous n’avons pas non plus vu venir de texte gouvernemental, alors que cela avait été évoqué pendant un temps. À croire que cela ne devait pas être assez porteur médiatiquement pour faire l’objet d’annonces intempestives, donc pour voir le jour !
Il faut le reconnaître, notre ministre de l'éducation nationale a été bien plus prompt à transférer une part de la responsabilité de l’État en matière scolaire aux collectivités locales, avec une loi sur le service minimum d’accueil difficilement applicable,…
M. Serge Lagauche. … ou à mettre les communes devant le fait accompli du bouleversement des horaires hebdomadaires de l’école primaire, qu’à résoudre la délicate question de la contribution de la commune de résidence aux frais de scolarité des enfants scolarisés dans une école privée sous contrat d’une autre commune.
Je salue donc le ralliement de notre rapporteur qui convient aujourd'hui de la nécessité de légiférer. Je regrette juste le temps perdu. En effet, sur le terrain, les maires attendent depuis longtemps une clarification permettant d’aboutir une solution opérante et juridiquement sûre.
Pour notre part, nous avons pris acte du refus de la majorité sénatoriale, comme de celle de l’Assemblée nationale, d’abroger purement et simplement l’article 89 de la loi du 13 août 2004.
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
M. Serge Lagauche. Cela nous a été clairement signifié par le rejet de nos propositions de loi sur le sujet.
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
M. Serge Lagauche. Les groupes socialistes de nos deux assemblées ont saisi toutes les occasions législatives pour tenter de sortir du statu quo, en vain.
Notre priorité reste de mettre fin aux désaccords sur l’interprétation de l’article 89, à ce flou juridique préjudiciable, par un cadre législatif juste et équilibré.
En effet, des décisions de tribunaux, notamment l’arrêt du tribunal administratif de Dijon, ont depuis fragilisé un peu plus l’application de l’accord conclu entre l’Association des maires de France et le secrétariat général de l’enseignement catholique, selon lequel la commune de résidence participe au financement de l’école privée extérieure selon les mêmes règles de financement que les écoles publiques extérieures. Quant au Conseil d’État, il n’a toujours pas statué sur le fond.
Par ailleurs, ce flou entretient la suspicion à l’égard de certaines écoles privées, auxquelles il est reproché de bénéficier de financements publics indus.
Il faut dire que certains organismes de gestion d’établissements scolaires privés semblent ignorer, volontairement ou non, les modalités d’application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et saisissent les communes de demandes de financement pour tous les élèves scolarisés dans leurs écoles. Il est donc urgent d’instaurer un cadre législatif clair.
Selon nous, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui y participe. Par la prise en compte explicite de la notion de capacité d’accueil, et la reprise textuelle des cas dérogatoires rendant la contribution obligatoire, elle nous semble présenter les garanties suffisantes à une application apaisée du principe de parité entre le public et le privé.
Néanmoins, nous sommes sensibles au risque de pression financière sur les plus petites communes et à celui d’une fragilisation de l’école publique en milieu rural.
Si nous comprenons tout à fait l’impression que peuvent ressentir certains maires mis devant le fait accompli, parce que l’information sur le choix opéré par les familles de scolariser leurs enfants dans une école privée leur échappe, la demande portée par certaines associations de soumettre à l’avis du maire les dérogations pour le privé n’est pas recevable.
En effet, subordonner l’inscription dans une école privée sous contrat d’association à l’autorisation d’un élu local serait assurément inconstitutionnel.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Tout à fait !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !
M. Serge Lagauche. Comme le relève très justement notre rapporteur : « La jurisprudence constitutionnelle fait en effet obstacle à toute disposition subordonnant l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale ».
Cela ne nous empêche pas, cependant, de partager les craintes exprimées, de part et d’autre, de déstabilisation des petites écoles des communes rurales.
C’est pourquoi notre collègue Pierre-Yves Collombat, vice-président de l’Association des maires ruraux, a souhaité déposer un amendement, afin de mentionner explicitement les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, dans le cadre général de la proposition de loi. Le caractère obligatoire de la contribution serait alors subordonné à la capacité d’accueil du RPI.
Je ne doute pas que cette mesure d’équité trouvera un large écho dans notre assemblée.
Pour conclure, j’insisterai une dernière fois sur la nécessité de sortir de l’incertitude juridique par un dispositif équilibré, et ce dans les meilleurs délais possibles au regard de l’affluence législative qui prévaut dans nos deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Charasse et Gouteyron applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Dans la section 3 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi L. 442-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-5-1. - La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d'accueil.
« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :
« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;
« 2° À l'inscription d'un frère ou d'une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;
« 3° À des raisons médicales.
« Lorsque la contribution n'est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l'établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé à l'alinéa suivant.
« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu'aurait représenté pour la commune de résidence l'élève s'il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l'absence d'école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à approuver une proposition de loi au double motif de l’exigence d’un retour à la sérénité et de la clarification des conditions d’application de l’article 89 de la loi de 2004.
Je veux examiner rapidement ces deux arguments.
Sérénité, d’abord : mais d’où vient le trouble ? Il provient d’un privilège exorbitant qui a été accordé à l’école privée à la faveur d’un vote intervenu à deux heures du matin, dans cet hémicycle, par un ensemble de nos collègues, éclairés certes, mais dont le noctambulisme ne permettait peut-être pas de déjouer tous les aspects de ce que notre collègue a appelé tout à l’heure « une présentation faite avec doigté ». (M. le président et M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles s’exclament.)
Cette présentation a été faite avec doigté, je le répète, (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) par quelqu’un qui n’avait nullement l’intention d’accorder un privilège nouveau à l’enseignement privé.
M. Michel Charasse. C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. Son explication, à l’époque, était parfaitement claire. On peut donc mettre en cause sa maladresse, et de fait elle doit être mise en cause, mais pas sa sincérité.
M. Michel Charasse. Merci !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les législateurs qui ont alors voté se sont prononcés dans un but bien précis, pas un autre, en tout cas pas dans celui qui a été constaté par la suite au vu du résultat obtenu.
Cette demande de notre collègue Michel Charasse résultait-elle d’une pression ou d’une revendication, d’une mobilisation des tenants de l’enseignement catholique, du secrétariat de l’enseignement catholique ou des parents d’élèves de l’enseignement catholique ? Pas du tout ! (Exclamations sur les travées de l’Union centriste.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Je le répète, chers collègues, pas du tout !
M. Michel Charasse. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Personne ne réclamait quoi que ce soit ! On a donc pris une mauvaise décision à une heure avancée de la nuit.
Ensuite, quand on s’en est aperçu, les groupes progressistes – le groupe socialiste, le groupe communiste républicain et citoyen, …
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. « Progressistes » !
M. Jean-Luc Mélenchon. … et d’autres encore – ont continuellement demandé le seul élément de clarification possible, l’abrogation d’une disposition que personne ne demandait. C’est cette abrogation qui a été refusée.
Dans cette situation, la seule clarification possible est bien l’abrogation de l’article 89 et le retour à la situation antérieure qui convenait à tout le monde, puisque personne ne s’y était opposé auparavant.
Dès lors, on aura compris que ce ne sera pas cette fois-ci non plus que l’on verra céder les défenseurs intransigeants de l’école publique et oublier leur devoir, devant la séduction qu’opère toujours dans ce type de circonstance la musique doucereuse du risque de retour de la guerre scolaire surtout quand cela vient de ceux-là mêmes qui, sans trêve ni repos, repoussent sans cesse la frontière entre les droits de l’enseignement public et de l’enseignement privé.
Mes chers collègues, ce n’est pas la gauche qui a mis en cause la paix scolaire dans cette affaire et qui la met en cause en cet instant. Non, la mettent en cause ceux qui organisent de propos délibéré la concurrence scolaire sur tout le territoire de notre pauvre pays. Nous avons d’autres choses à faire et, tant qu’il existe des communes sans école publique, il n’est pas acceptable d’envisager de financer le transfert des élèves vers les écoles privées.
Enfin, vous avez déclaré, cher collègue, en tant que rapporteur et auteur de la proposition de loi, que la vieille formule « à l’enseignement privé, les fonds privés, à l’enseignement public, les fonds publics » était dépassée. Permettez-moi de vous dire que tel n’est pas l’avis de tous les législateurs.
S’il est vrai que, dans nos communes et dans nos collectivités, nous nous soumettons à la loi, pour autant il n’est pas dit que nous soyons contraints dans cette enceinte d’aller contre notre conscience et de faire autre chose que de demander l’abrogation d’une disposition qui accorde un privilège exorbitant à l’enseignement privé au détriment des efforts de l’État et des communes en faveur des écoles publiques sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre nous dans cette enceinte, je suis un enfant de l’école de la République et à ce titre particulièrement attaché au principe de laïcité, socle des principes républicains.
M. Michel Charasse. Vous n ‘êtes en effet pas le seul !
M. François Fortassin. Tous les élus républicains, quelle que soit leur sensibilité, se doivent de défendre et de développer l’école publique, c'est-à-dire l’école de la République.
Au demeurant, je loue l’effort qui est fait afin de ne pas rallumer la guerre scolaire.
Être laïc au sens profond du terme, c’est accepter toutes les confessions, toutes les religions, leur expression, mais c’est aussi affirmer qu’elles doivent avoir un caractère exclusivement privé.
À l’évidence, il faut mettre en exergue le principe de liberté, qui est fondamental, mais il n’en faut pas moins respecter les autres principes républicains et les devoirs qu’ils impliquent, sous peine d’être en quelque sorte pris au piège. Tout à l’heure, on a parlé à juste titre de « double peine ».
Permettez-moi d’évoquer ici le cas, que beaucoup d’entre nous connaissent, d’un regroupement pédagogique intercommunal. Dans l’exemple que je veux citer, cinq communes regroupées ont participé au développement d’un RPI et au financement des locaux ; en définitive le RPI se trouve doté de deux établissements scolaires. Il serait anormal que les communes qui sont dépourvues d’école, mais qui sont associées dans un RPI, soient soumises à l’obligation de financer le transfert des élèves vers les écoles privées sous contrat.
Le problème que je soulève ici est extrêmement important, sans parler des certificats médicaux et des dérives possibles en la matière…
Si l’amendement du groupe socialiste est adopté, ce dont je ne doute pas, je voterai la présente proposition de loi ; sinon, je m’abstiendrai.
M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre devant s’absenter quelques minutes pour une obligation impérative, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
M. Michel Charasse. Pour ne pas allonger nos débats, je ferai une seule observation sur l’article 1er ou, plus exactement, je poserai une question à M. le rapporteur et, éventuellement, à M. le ministre. Je présenterai également une suggestion de sous-amendement à l’amendement n° 2.
Mon observation est très simple. Dans le système qui était en fait celui de l’article 89 de la loi du 13 août 2004, mais qui est beaucoup mieux explicité et beaucoup plus clairement rédigé dans la proposition de loi issue des travaux de la commission des affaires culturelles, il était entendu que, lorsque la commune ne payait pas pour la scolarisation d’enfants à l’école publique de la commune voisine, elle n’avait rien à payer pour la scolarisation à l’école privée de la commune voisine. C’était clair. La règle de parallélisme s’appliquait, sauf, bien entendu, dans les trois cas de dérogation, c'est-à-dire lorsque les élèves partent dans la commune voisine sans que le maire puisse s’y opposer. S’il refuse, c’est le préfet qui le lui impose.
Dans ce cas, la règle est également valable pour les établissements privés sous contrat de la commune voisine.
Il doit être bien entendu, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que, si une commune est amenée à payer pour la scolarisation dans l’enseignement privé de la commune voisine dans des cas de dérogations parce qu’elle paie pour les mêmes cas à l’école publique, l’enseignement privé ne peut pas pour autant exiger de la commune de domicile qu’elle paye pour tous les autres cas, c'est-à-dire pour ceux qui ne relèvent pas des dérogations prévues.
Autrement dit, si une commune ne paye à la commune voisine que pour les enfants scolarisés par dérogation dans l’enseignement public, elle n’a à payer, pour ce qui est de l’enseignement privé, que pour les enfants relevant des cas de dérogation.
M. Michel Charasse. Par ailleurs, monsieur le ministre, je sais que vous avez eu une petite discussion entre vous à propos des RPI.
Le sujet est assez compliqué. Mon collègue Yves Collombat s’en expliquera tout à l’heure puisqu’il est l’auteur de l’amendement n° 2.
Les RPI relèvent tous d’organisations différentes, puisqu’il s’agit, en fait, d’ententes intercommunales au sens du code général des collectivités territoriales, et chacun arrange ses affaires comme il l’entend.
Dans certains cas, les dépenses sont mutualisées, dans d’autres, elles ne le sont pas. Le pouvoir du maire reste entier pour la partie de l’école qui est sur son territoire.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suggère de préciser, à l’amendement n° 2 de M. Collombat, que, pour les RPI, l’organisation sera fixée, au regard de la loi « Carle », par décret, de façon que les règles soient uniformes sur l’ensemble du territoire.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation :
« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou le regroupement pédagogique intercommunal dont elle fait partie ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son ou ses écoles publiques ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider est justifiée par des motifs tirés des contraintes liées :
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.