M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement a déjà été défendu par le Gouvernement et la commission.
En complément de ce qu’a dit M. le rapporteur, je souhaite faire une remarque.
Actuellement, comme M. le rapporteur l’a souligné, environ 370 gendarmes sont déployés hors du territoire national, en Côte d’Ivoire, au Kosovo ou encore en Géorgie. Mais M. le rapporteur n’a pas dit que la gendarmerie, en tant que force de police à statut militaire, capable d’agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, est particulièrement adaptée à ce type d’opérations.
Cet amendement vise à clarifier les conditions d’exercice du commandement des forces de la gendarmerie nationale lorsqu’elles participent à des interventions des forces armées sur des théâtres extérieurs.
Les forces de gendarmerie seront alors placées sous commandement militaire au même titre que les autres forces participant à ces interventions.
Cette disposition aura pour effet d’exclure l’existence d’une double chaîne de commandement. Il serait un peu surprenant qu’il y ait à l’étranger deux chaînes de commandement, d’autant que ce ne serait pas sans conséquences !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. L’amendement n° 44, qui vise à supprimer l’article, tend à remettre en cause le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, rattachement qui constitue l’axe principal du projet de loi.
La commission ne peut être d’accord avec vous, monsieur Carrère. Par conséquent, elle vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 47 vise à une nouvelle rédaction du 3° de l’article 1er, qui est consacré aux missions de la gendarmerie nationale.
La première précision sur le statut général des militaires ne paraît pas utile. Il va de soi que les officiers et les sous-officiers de gendarmerie restent des militaires. En tant que tels, ils sont soumis au statut général des militaires.
De plus, la rédaction de cet amendement est problématique, car le personnel de la gendarmerie comprend également des personnels civils qui ne sont pas soumis au statut des militaires.
Par ailleurs, le deuxième ajout ne relève pas du domaine de la loi. On peut même s’interroger sur son caractère normatif.
En outre, les brigades de gendarmerie sont présentes non pas sur toute l’étendue du territoire, mais uniquement dans les zones de compétence de la gendarmerie nationale qui, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, recouvrent 95 % du territoire, principalement en zones rurales et périurbaines. Les grandes agglomérations relèvent, pour leur part, de la zone de compétence de la police nationale.
Pour ces raisons, monsieur Carrère, la commission vous demande de retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 49 tend à rédiger différemment le 4° de cet article. La commission y est défavorable dans la mesure où l’amendement n°4 a été rectifié et offre une nouvelle rédaction.
M. Daniel Reiner. J’avais la faiblesse de penser que mon amendement était meilleur ! (Sourires.)
M. Jean Faure, rapporteur. L’amendement n° 35 est satisfait par la rédaction proposée par la commission. En conséquence, cette dernière demande à M. Pozzo di Borgo de bien vouloir le retirer.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je le retire !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. S’agissant de l’amendement n° 44, j’ai longuement expliqué en quoi le placement de la gendarmerie nationale sous l’autorité du ministre de la défense était logique et nécessaire à la mise en œuvre d’une politique de sécurité à la hauteur des enjeux.
J’ai également souligné que ce placement s’opérerait dans le respect du statut militaire de la gendarmerie. J’y suis attachée. C’est aussi la volonté du Président de la République et du Gouvernement dans son ensemble. L’équilibre souhaité est assuré par le texte du projet de loi. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Les amendements nos 2 et 20 tendent à reformuler le dernier alinéa de l’article 1er pour lever une ambiguïté rédactionnelle. J’y suis favorable.
Les amendements nos 3 et 21 visent à définir les missions de la gendarmerie nationale de façon plus précise que dans le projet de loi. Ils tendent à l’exhaustivité et sont d’ailleurs en partie repris par l’amendement n° 4 rectifié, accepté par le Gouvernement. Ce dernier est favorable aux deux amendements identiques, puisque nous nous sommes expliqués sur la notion de missions judiciaires.
Mme la présidente. Madame la ministre, le sous-amendement n° 59 est-il maintenu ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’amendement n° 47, présenté par M. Carrère, vise à appliquer le statut militaire à l’ensemble du personnel de la gendarmerie, y compris au personnel civil. Cette proposition est bizarre.
Il vise également à ce que le statut général des militaires s’applique aux corps militaires des officiers et sous-officiers ou aux personnels militaires de soutien, ce qui me paraît la moindre des choses ! La rédaction ne me semble donc pas judicieuse.
En ce qui concerne l’ancrage territorial de la gendarmerie, M. Faure a parfaitement répondu à cette question.
Par ailleurs, au-delà de ce projet de loi, je tiens à rassurer M. Carrère : le Gouvernement n’a pas du tout l’intention de mettre en cause l’implantation territoriale de la gendarmerie.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 47.
Il est également défavorable à l’amendement n° 49, qui ne tend qu’à proposer le statu quo.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes en train de démontrer de façon absolument imparable qu’il est nécessaire de discuter de ce texte de manière un peu plus approfondie.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Dans une autre période de ma vie, il m’est arrivé de faire classe : je poserai dans un petit moment des questions sur les amendements pour vérifier que chacun suit le débat et sait à quel endroit du texte nous nous trouvons ! (Sourires.)
Il n’est pas sérieux de se livrer à des exercices de cette nature quand on légifère sur un texte aussi important !
Je regrette que, pour ne pas retarder l’examen de ce projet de loi, il ne nous ait pas été accordé de poursuivre la discussion quelques heures de plus en commission. De nouveaux amendements continuent d’être déposés : comment allons-nous procéder ? Cette manière de travailler n’est pas sérieuse !
Je connais par avance le sort de l’amendement n° 44 ; alors, mettez-le aux voix, madame la présidente ! Mais essayons de trouver une solution satisfaisante pour la gendarmerie et pour la République !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 2 et 20.
M. Jean-Louis Carrère. L’amendement n° 2 permet le transfert intégral de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Je voudrais relever ce qui me semble une anomalie : l’article L. 1142-1 du code de la défense, modifié par l’article 1er de ce projet de loi, devra à nouveau être modifié lors de la prochaine discussion du projet de loi de programmation militaire pour la période de 2009 à 2014. À quelques semaines d’intervalle, le même article sera donc modifié par plusieurs projets de loi ! Quand nous vous disons que vous légiférez dans la confusion et l’incohérence, en voilà encore une démonstration !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 20.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 21.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 47 n’a plus d’objet.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, je ne comprends pas en quoi l’amendement n° 47 serait devenu sans objet.
Mme la présidente. Mon cher collègue, l’amendement n° 3 que nous venons d’adopter a déjà rédigé entièrement l’article L. 3211-3 du code de la défense ; or cet article ne peut être rédigé deux fois. L’amendement n° 47 devient donc sans objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 49.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La direction générale de la gendarmerie nationale est une direction autonome au sein du ministère de l’intérieur.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 37, puisqu’il s’inscrit dans le même esprit que l’amendement n° 36.
Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 37, présenté par M. Pozzo di Borgo, et ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par décret en conseil des ministres par le Président de la République parmi les officiers généraux de gendarmerie.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Yves Pozzo di Borgo. L’amendement n° 36 tend à consacrer l’existence de la direction générale de la gendarmerie nationale et son autonomie au sein du ministère de l’intérieur, conformément à l’une des recommandations du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie, adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de notre assemblée.
En effet, le maintien d’une direction générale de la gendarmerie nationale autonome au sein du ministère de l’intérieur constitue une garantie importante du maintien de la dualité des forces de sécurité dans notre pays et du statut militaire de la gendarmerie, garantie d’autant plus importante dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
L’amendement n° 37 tend à inscrire dans le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale le principe selon lequel le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé parmi les officiers généraux de gendarmerie.
Alors que le poste de directeur général de la gendarmerie nationale a pendant longtemps été occupé soit par des officiers des armées, soit par des magistrats ou des préfets, depuis quelques années – je crois d’ailleurs que cette initiative revient à Mme le ministre –, un officier général issu des rangs de la gendarmerie occupe cette fonction. On peut d’ailleurs observer le même phénomène à propos de la direction générale de la police nationale, dont le directeur général est un policier.
Dans le contexte du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, cette règle contribuerait également à garantir le maintien du statut militaire de la gendarmerie. C’est aussi l’une des recommandations du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie.
Si vous me permettez une remarque générale sur ces deux amendements, madame la présidente, je rappellerai que la France a la chance d’avoir une administration très puissante, dont les cadres sont bien formés et les directeurs sont efficaces. Chaque ministère, qu’il s’agisse de l’éducation nationale, des finances, de l’intérieur, de la défense ou des affaires sociales, a sa propre culture bien ancrée et un esprit de corps.
J’ai fait partie du groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Il nous paraissait alors étonnant que les gendarmes, qui sont des militaires, puissent se retrouver à égalité de traitement avec les policiers. Nous sommes habitués à avoir des corps indépendants qui cohabitent harmonieusement sous l’autorité du ministre, surtout quand les directeurs sont efficaces.
J’insiste particulièrement sur le fait que le directeur général de la gendarmerie général doit être un officier général – je ne sais pas si cette mesure relève de la loi ou du décret –, parce que cela me paraît obéir à un principe fondamental. Voilà cinq ou six ans – je n’étais pas encore parlementaire –, j’avais été profondément choqué par une manifestation de gendarmes en uniforme : étant moi-même issu d’une administration publique, je m’étais dit que ces gendarmes, dont le patron était à l’époque un préfet – je n’ai rien contre ce corps, qui est très important pour nous –, n’auraient peut-être pas manifesté si leur directeur général avait été lui-même un gendarme. Mais je ne voudrais pas réécrire l’histoire !
Quoi qu’il en soit, je suis très sensible à cet aspect, et j’ai d’ailleurs perçu cette préoccupation au sein de la gendarmerie, qui tient à conserver son esprit de corps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie avaient exprimé les mêmes préoccupations que l’auteur de ces deux amendements.
En effet, le maintien d’une gendarmerie nationale autonome au sein du ministère de l’intérieur correspond à l’une des recommandations du groupe de travail. Toutefois, l’organisation interne d’un ministère relève non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. D’ailleurs, en cas de saisine, le Conseil constitutionnel pourrait déclasser cette disposition. Aussi demanderai-je à mon collègue de bien vouloir retirer son amendement n° 36.
En ce qui concerne l’amendement n° 37, le groupe de travail avait également exprimé les préoccupations dont Yves Pozzo di Borgo se fait l’écho. Le fait que le directeur général de la gendarmerie nationale soit un officier général issu de ses rangs constitue une garantie importante dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Toutefois, inscrire ce principe dans la loi semble constituer une rigidité excessive et méconnaître les limites du domaine de la loi. Aussi demanderai-je également le retrait de cet amendement. En cas de refus de la part de son auteur, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées par M. Yves Pozzo di Borgo. Je crois d’ailleurs que mon intervention dans la discussion générale, mes déclarations et le projet de loi même vont tout à fait dans le sens de ses préoccupations.
En ce qui concerne l’organisation interne du ministère de l’intérieur, la création d’une direction générale de la gendarmerie nationale à côté de la direction générale de la police nationale procède d’une évidence, mais elle relève du décret et non pas de loi, comme vous sembliez d’ailleurs vous en douter vous-même, monsieur le sénateur. Il serait donc sage que vous retiriez votre amendement n° 36 ; mais je puis vous assurer que votre préoccupation sera prise en compte.
En ce qui concerne la nomination du directeur général de la gendarmerie nationale, je vous remercie d’avoir rappelé que c’est moi qui ai voulu nommer un officier général ; en effet, cela ne s’était jamais produit jusqu’alors, ou le précédent remontait à une époque très ancienne. C’est moi également qui ai nommé un policier à la tête de la police nationale, car ce type de décision correspond, à mon avis, à une attente et peut permettre une bonne gestion.
Pour autant, sur le plan juridique, la nomination des directeurs ne relève pas de la loi, et il me paraît important de laisser au Gouvernement la possibilité de décider, en fonction des circonstances, qui doit occuper un tel poste. D’ailleurs, si un texte législatif avait précédemment fixé une règle en ce domaine, je n’aurais pas été en mesure de nommer un général de gendarmerie directeur général de la gendarmerie nationale !
Telle est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer également l’amendement n° 37, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Pozzo di Borgo, les amendements nos 36 et 37 sont-ils maintenus ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Je me rallie aux arguments de la commission et du Gouvernement. Je souhaitais simplement souligner, par ces amendements, la nécessité de garantir l’autonomie de la gendarmerie ; mais je reconnais que les arguments juridiques avancés sont imparables.
Je retire donc mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 36 et 37 sont retirés.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L’amendement n° 23 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4.- Le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 5.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.
Le dualisme de la police judiciaire constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. En effet, il permet au procureur et au juge d’instruction de choisir librement entre la police et la gendarmerie, et de ne pas dépendre ainsi d’un seul service pour réaliser ses enquêtes. Or, ce principe ne figure actuellement que dans la partie réglementaire du code de procédure pénale.
Cet amendement doit être examiné en liaison avec l’amendement n° 3 adopté à l’article 1er, qui affirme clairement que « la police judiciaire constitue l’une [des] missions essentielles [de la gendarmerie nationale] ».
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je comprends et partage le souci de garantir aux magistrats le principe de dualité des services d’enquête. D’ailleurs, depuis 2002, la liberté de choix des magistrats n’a pu à aucun moment être considérée comme menacée par les attributions nouvelles du ministre de l’intérieur. Cela dit, ces deux amendements traduisent une préoccupation à laquelle je m’associe. Par conséquent, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement nous semble utile pour tenter de sauvegarder les attributions de l’autorité judiciaire face à la voracité prévisible du ministère de l’intérieur.
M. Jean-Louis Carrère. J’ai évoqué la voracité non pas du ministre de l’intérieur, mais du ministère de l’intérieur ! (Sourires.)
Cet amendement prend acte du danger contenu dans le projet de loi, s’agissant du risque d’une remise en cause à terme du dualisme de la police judiciaire et, par voie de conséquence, du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire. Il revêt donc pour nous une grande importance.
Nous nous prononcerons en faveur de cet amendement, madame la présidente. Mais je regrette vraiment que ni Mme le garde des sceaux ni M. le ministre de la défense n’aient eu la courtoisie, à l’égard tant de la gendarmerie que du Sénat, de participer aux débats sur ce projet de loi.
Mme Catherine Troendle. Il a raison !
M. Hubert Haenel. Oui, il a raison !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 23.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2
À l'article L. 1321-1 du code de la défense, après les mots : « Aucune force militaire » sont insérés les mots : «, à l'exception de la gendarmerie nationale, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 38 et 45 sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par Mme Demessine, MM. Billout, Hue, Mélenchon et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, cet article est assez révélateur de la méthode que vous employez pour faire passer le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur pour une simple réforme de structure sans conséquence. D’un côté, vous prétendez préserver le statut militaire de la gendarmerie et, de l’autre, vous vous employez subrepticement à vider celui-ci de son contenu !
En effet, avec cet article, vous supprimez la procédure de réquisition écrite pour les interventions, y compris avec du matériel de combat lourd, des forces de gendarmerie dans le cadre du maintien de l’ordre public. Vous les excluez ainsi du champ d’application du dispositif et, par conséquent, vous leur déniez l’une des spécificités des forces militaires.
Supprimer cette disposition revient également à contrevenir au principe républicain de la subordination des forces armées aux autorités civiles – c’est lui qui a rendu nécessaire l’instauration d’une procédure de réquisition écrite –et à banaliser l’emploi de la force armée.
Cette suppression ne saurait pas non plus être justifiée par le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. En effet, l’emploi de la force publique au maintien de l’ordre relève de l’exercice du pouvoir exécutif, et non de l’exercice du pouvoir hiérarchique d’un ministre.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas justifier cette évolution par la lourdeur formelle de la procédure de réquisition. Celle-ci mérite certainement d’être modernisée et adaptée au contexte de notre époque. Mais les différents échelons de réquisition prévus ont fait leurs preuves et représentent la principale garantie d’un emploi raisonné et approprié de la force armée.
En dernier lieu, cette suppression ôterait aux commandants d’unité de gendarmerie toute possibilité de recours en cas d’abus de pouvoir.
Pour cet ensemble de raisons, je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Daniel Reiner. Notre discussion porte sur la suppression de la procédure de réquisition, dont le principe est consacré par l’article L. 1321-1 du code de la défense. Hérité de la Révolution, celui-ci dispose qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Le principe figure également à l’article D. 1321-3 du code de la défense, selon lequel « les forces armées ne peuvent participer au maintien de l’ordre que lorsqu’elles en sont légalement requises ». Ces dispositions s’appliquent à toutes les forces armées.
La remise en cause du principe de réquisition de la gendarmerie, pour son emploi au maintien de l’ordre, revient donc à dénier à cette dernière la qualité de force militaire. C’est bien parce que la gendarmerie est une force militaire que l’autorité civile doit recourir à une réquisition écrite déterminant l’objectif à atteindre !
Par ailleurs, supprimer le principe de la réquisition revient à méconnaître l’absence de lien de subordination hiérarchique entre l’autorité civile et l’autorité militaire. Cette dernière reste maîtresse des modalités d’exécution de la mission qui lui est confiée et engage sa responsabilité. Il s’agit d’une exigence forte : son action doit être adaptée à la situation et aux buts, un contrôle de proportionnalité étant exercé par le juge. La réquisition ne lui laisse pas carte blanche quant au déploiement de la force et à l’usage des armes.
La séparation des autorités civiles et militaires plaide en faveur du maintien de la procédure de réquisition, qui offre également des garanties précieuses pour les citoyens, pour l’armée elle-même et pour nos institutions.
Nous contestons fermement l’opinion selon laquelle ces garanties ne seraient qu’apparentes. Je ne citerai pas une nouvelle fois les propos des deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale. Comme nous l’avons signalé précédemment, ceux-ci considèrent que cette suppression est insupportable au regard des libertés publiques.
Il convient par ailleurs de nuancer les comparaisons entre les militaires de la gendarmerie départementale, qui exercent de leur initiative et au quotidien leur mission de sécurité publique, et les militaires de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine.
On nous oppose que le maintien de la procédure de réquisition est incompatible avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Toutefois, nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 1er du projet de loi et nous défendrons un amendement de suppression de l’article 3, qui tend à placer les commandants locaux des unités de la gendarmerie nationale sous l’autorité des préfets. Notre démarche est donc cohérente.
Je rappelle que, en avril dernier, le groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie nationale s’était clairement exprimé sur ce sujet. Il a considéré que le système des réquisitions constituait un élément important de notre dispositif de sécurité et d’ordre public et qu’il convenait, dans ces conditions, d’en conserver le principe.
Nous nous étonnons aujourd’hui que les amendements de réécriture proposés par les rapporteurs soient en contradiction avec cette recommandation du groupe de travail.
Nous observons à cet égard les limites de l’exercice des commissions. Ces dernières, en choisissant de s’aligner sur les orientations du projet de loi, ont été dans l’obligation de chercher à encadrer le recours, dans le cadre du maintien de l’ordre, aux moyens militaires spécifiques de la gendarmerie nationale, ainsi que les conditions d’usage des armes.
Pour notre part, nous ne sommes pas opposés à rénover, à moderniser, voire à simplifier la procédure de réquisition. Nous sommes ouverts à toute proposition qui irait dans le sens d’un allégement du formalisme actuel, en assouplissant si nécessaire les contraintes administratives superflues, dès lors que le principe même de la réquisition ne serait pas remis en cause.