compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
Mme Sylvie Desmarescaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Transmission du projet de loi de finances pour 2010
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Acte est donné de cette transmission.
3
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009 2010), dont la commission des finances est saisie au fond est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Loi de finances pour 2010
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (nos 100, 101).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Woerth, ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, face à la plus grande crise qu’ait connue notre économie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement a choisi d’être un acteur majeur de la reprise qui, nous l’espérons tous, se fera jour en 2010.
Le budget que nous vous présentons aujourd’hui n’est pas un budget qui se contente d’attendre un redémarrage économique providentiel. C’est un budget qui s’inscrit dans le prolongement de notre stratégie économique et sociale.
Il y a un an, l’objectif prioritaire du Gouvernement était d’éviter que le système financier et l’activité ne s’effondrent. Tout le budget pour 2009 et les différents collectifs qui l’ont complété ont été construits en fonction de l’impératif de faire face à une crise exceptionnelle.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, notre objectif est de réussir la sortie de crise. Il ne s’agit plus, comme il y a un an, de tout faire pour limiter l’ampleur de la chute. Il s’agit, désormais, de tout faire pour favoriser la reprise et pour que celle-ci soit durable.
Renouer avec la croissance et avec une croissance plus forte, c’est sur cet impératif que nous avons construit le projet de loi de finances pour 2010 ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui a été examiné au Sénat la semaine dernière.
Avant d’entrer dans le détail du budget pour 2010, je reviendrai quelques instants sur l’année 2009.
Face à cette crise exceptionnelle, le Gouvernement a, en matière budgétaire, pris trois décisions essentielles.
La première décision est de mettre en œuvre des mesures immédiates de soutien aux banques ; la deuxième est d’accepter des baisses de recettes fiscales d’une ampleur inégalée ; la troisième est de relancer l’activité économique par un effort supplémentaire d’investissement et de pouvoir d’achat.
L’année dernière, à la même l’époque, le plan de relance français avait été jugé par l’opposition mal construit et insuffisant, et le soutien aux banques avait été trouvé excessif et coûteux.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est toujours pareil !
M. Éric Woerth, ministre. Nous constatons bien aujourd’hui combien ces critiques étaient erronées.
L’opposition nous expliquait qu’elle ne trouvait pas son compte dans ce plan de relance. Mais l’économie, elle, s’y est retrouvée, et la France aussi !
En matière de croissance, nous faisons aujourd’hui mieux que nos principaux partenaires. D’après la Commission européenne, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni verraient en 2009 leur activité baisser de 4,5 points à 5 points, contre un repli d’environ 2,25 points pour la France.
Les résultats sont là : on ne peut les nier !
M. François Marc. Vous marquez des buts avec les mains !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons réussi l’examen de passage de 2009 : celui de la gestion de crise et du plan de relance !
Cependant, si rien n’est assuré et que la situation en matière d’emploi n’est pas satisfaisante, je considère que notre gestion de l’année 2009 a prouvé son efficacité et son équilibre. Les décisions du Gouvernement ont largement permis de soutenir la consommation.
Nos mesures ont permis de limiter la contraction de l’investissement.
Les mesures de sauvetage des banques ont été proportionnées et efficaces. Ce soutien a rapporté au contribuable, en 2009, 1,4 milliard d’euros, qui viennent s’ajouter au budget de l’État.
Bien sûr, le déficit de l’État est sans commune mesure avec celui que nous avions connu les années précédentes : il atteindrait 141 milliards d’euros à la fin de l’année. Mais il faut être très clair, près de 100% de cette dégradation est due à la situation de crise.
Les dépenses « hors relance » sont tenues. Mieux, comme j’aurais l’occasion de vous le montrer lors de l’examen du collectif, elles sont même en diminution, certes légère, par rapport à l’exécution de 2008 et aux dépenses votées en 2009.
Je ne laisserai donc pas caricaturer notre action. Ce sont les recettes qui ont fondu spectaculairement sous l’effet de la crise et non pas les dépenses de tous les jours qui ont explosé !
Entre 2008 et 2009, l’État a perdu 53 milliards d’euros de recettes.
Rien que sur l’impôt sur les sociétés, la baisse est de 30 milliards d’euros, soit quasiment l’ampleur du déficit budgétaire de 2007.
Entre une année normale, qui voit ses recettes fiscales augmenter de 10 milliards à 12 milliards d’euros, et l’année 2009, qui a enregistré une baisse de 53 milliards d’euros, la différence est pratiquement de l’ordre de 65 milliards d’euros, ce qui est une somme absolument gigantesque.
La sphère sociale se trouve dans la même situation.
Là encore, je ne laisserai passer aucune caricature. Le déficit du régime général atteindrait 23,4 milliards d’euros, mais la moitié de ce déficit est due à la crise. Notons que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, que vous avez voté sur l’année 2009 sera tenu à 3,3 % ou à 3,4 %.
Loin de moi l’idée de dire que nous sommes satisfaits d’un déficit public qui au total dépassera 8 points de PIB. Qui pourrait l’être ?
Cependant, il faut regarder autour de nous, cette dégradation est moins forte en France. Le FMI et la Commission européenne le confirment, la dégradation du déficit public devrait être depuis 2007 de plus de 7 points de PIB pour l’ensemble des pays industrialisés et de plus de 6 points pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, contre 5,5 points pour la France.
Cela signifie deux choses : nous avons obtenu de meilleurs résultats en matière de croissance et notre positionnement relatif en matière de déficit s’est amélioré.
Le résultat est concret. Notre prélèvement sur recettes pour l’Union européenne augmentera. Or, comme il est calé sur les autres, cela prouve que notre situation relative s’est améliorée.
Notre politique budgétaire nous a donc permis d’enrayer la chute de l’activité en 2009 et de terminer l’année avec une récession moindre que prévue. Quoi qu’il en soit, vous le savez, la situation reste extrêmement fragile. Le défi majeur de l’année 2010 sera, bien évidemment, de réussir durablement la sortie de crise.
Réussir la sortie de crise, c’est d’abord faire en sorte que la reprise, aujourd’hui encore fragile, ne casse pas. Cela signifie qu’il faudra porter une grande attention aux conditions dans lesquelles le plan de relance sera retiré.
Ce plan a une vocation temporaire. Pour l’essentiel, les dépenses de relance pour 2009, soit 39 milliards d’euros si l’on inclut les 6,7 milliards d’euros de prêts aux constructeurs automobiles, ont donc vocation à ne pas être reconduites en 2010. Néanmoins, nous avons décidé qu’un petit nombre d’entre elles seront maintenues, car il serait excessivement dangereux pour la sortie de crise de les stopper brutalement.
Les dépenses de la mission « Plan de relance de l’économie » représenteront donc encore 4,1 milliards d’euros de crédits en 2010. Elles seront consacrées à deux priorités, l’investissement et l’emploi.
Le budget prévoit, notamment, les crédits nécessaires à la poursuite des mesures exceptionnelles en faveur de l’emploi mises en œuvre dans le cadre du Fonds d’investissement social, le FISO, mais également l’exonération de charges pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises.
Le secteur automobile continuera à bénéficier d’un soutien particulier grâce au maintien, en 2010, de la prime à la casse, dont le montant sera néanmoins progressivement réduit.
Au-delà des crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » notre vigilance sur la reprise de l’activité nous a conduits à accentuer notre effort en matière de soutien à la trésorerie des entreprises. Nous poursuivrons, au travers du crédit d’impôt recherche, notamment, ce soutien de trésorerie essentiel à l’activité des entreprises.
Tous ces choix, vous le comprendrez, ont été très longuement pesés. Ils ne sont d’ailleurs pas propres à la France. La plupart des grandes économies développées considèrent l’année 2010 comme une année charnière pour réussir la sortie de crise et utilisent leur budget public en conséquence.
Le G 20 a, à cet égard, bien montré le très fort consensus sur les plans de relance.
Ce retrait progressif du plan de relance conduit à une réduction de 25 milliards d’euros du déficit de l’État, qui passera, en 2010, de 141 milliards d’euros à 116 milliards d’euros. Les 16 milliards d’euros qui manquent pour nous permettre de descendre sous la barre symbolique des 100 milliards d’euros nous semblent indispensables pour sécuriser la reprise. Ils correspondent aux mesures de relance maintenues, au crédit d’impôt recherche ou encore à la suppression de la taxe professionnelle en un an qui entraîne un surcoût temporaire.
D’une part, le déficit budgétaire s’améliore ; d’autre part, les comptes sociaux se dégradent en raison de la situation de l’emploi. Ne nous leurrons pas, il nous reste quelques mois difficiles à vivre sur le front du chômage, même si la stabilisation du marché du travail au troisième trimestre s’avère une bonne nouvelle. La situation dégradée du marché du travail pénalise les rentrées de cotisations sociales. En dépit des efforts réalisés pour maîtriser les dépenses de l’assurance maladie, le déficit du régime général continuera donc de se dégrader, pour atteindre 30,6 milliards d’euros. Le déficit des administrations sociales passera donc de 1,4 % du PIB en 2009 à 2,3 % du PIB en 2010.
Au total, l’ensemble des déficits publics devrait atteindre 8,5 % du PIB en 2010. Mais, comme je l’ai évoqué, la réforme de la taxe professionnelle coûte plus cher…
Mme Nicole Bricq. Beaucoup trop cher !
M. Éric Woerth, ministre. … à l’État en 2010 qu’en régime de croisière, puisque nous concentrons tous les remboursements sur une seule année. Si l’on isole ce « surcoût » temporaire, le solde public se stabilise à 8,2 % du PIB. La réduction du déficit de l’État est donc compensée par une augmentation du déficit de la sécurité sociale.
La dette publique, quant à elle, atteindra 84 % du PIB, elle progresserait donc de vingt points entre 2007 et 2010. Mais l’ensemble des pays de la zone euro connaissent la même situation et, sur la même période, la dette publique des États-Unis a augmenté d’un peu plus de trente points du PIB, celle du Royaume-Uni et du Japon d’un peu moins de quarante points.
Face à la situation de nos finances publiques, nous pouvons nous engager sur un vrai chemin. Ceux qui pensent que l’on peut encore augmenter les impôts en France se trompent lourdement, ils condamneraient la reprise à une impasse.
M. François Marc. Et pourtant, c’est vous qui les augmentez !
M. Éric Woerth, ministre. Alors que notre pays occupe le cinquième rang au monde pour le niveau des prélèvements obligatoires, croire que l’on peut faire retrouver des recettes en augmentant purement et simplement le taux des impôts est une hérésie économique et probablement politique !
En conséquence, le Gouvernement ne soutiendra aucune mesure qui irait dans le sens d’une augmentation générale des impôts, qu’il s’agisse de créer de nouvelles tranches de barème de l’impôt sur le revenu ou de « détricoter » le bouclier fiscal. Le Gouvernement soutiendra d’autant moins cette politique de hausse des impôts que, depuis 2007, il les a réduits de 16 milliards d’euros, dont plus de 10 milliards d’euros au bénéfice des ménages !
Mme Nicole Bricq. Oui, mais lesquels ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre choix consiste à faire revenir les recettes grâce à l’augmentation de l’activité et au retour de la croissance – tel est l’enjeu du débat sur la suppression de la taxe professionnelle – et non en augmentant les taux d’imposition. Ce budget repose sur une conviction simple : face à nos déficits, nous devons, d’une part, tout faire pour encourager le retour de la croissance et, d’autre part, poursuivre parallèlement, avec encore plus de vigueur, notre action de resserrement de la dépense publique.
Des réformes structurelles pour la croissance et des réformes structurelles pour réduire les dépenses, tel est le chemin que nous avons choisi !
Pour renforcer notre potentiel de croissance, dont M. le rapporteur général nous a parlé à plusieurs reprises, notre budget prend quatre décisions parfaitement cohérentes avec cette stratégie de croissance.
Premièrement, il engage des réformes fiscales de grande ampleur pour rendre notre économie plus compétitive : Christine Lagarde reviendra sur cette question et j’écourterai donc mon propos sur ce point.
Deuxièmement, notre budget conforte la priorité donnée à la formation et à l’économie de la connaissance : l’enseignement supérieur et la recherche continuent d’être prioritaires, comme en 2008 et en 2009, avec une augmentation de leurs moyens à hauteur de 1,8 milliard d’euros cette année ; le plan pour l’intégration des jeunes, qui a été présenté par le Président de la République et Martin Hirsch, se voit attribuer dans le budget pour 2010 un crédit d’environ 500 millions d’euros en faveur de la formation des moins de 25 ans.
Troisièmement, nous continuons à tout faire pour valoriser le travail, conformément à la ligne directrice annoncée par le Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Nous rétablissons une plus grande équité de taxation entre les revenus de remplacement et les revenus du travail : par exemple, les indemnités de départ en retraite volontaire seront fiscalisées au premier euro. Au nom de ce principe, j’ai accepté l’amendement visant à fiscaliser les indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail, présenté à l’Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Marc. C’est honteux !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat avait déjà voté cette mesure deux années de suite !
M. Éric Woerth, ministre. De même, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons élargi le financement de la protection sociale par les revenus du capital pour éviter qu’il ne repose à l’excès sur le travail.
Ces mesures sont des mesures d’équité, sur lesquelles, comme vient de le rappeler Philippe Marini, le Sénat avait montré la voie. Elles ne méritent pas la caricature politique que vous en faites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Marc. Vous augmentez les impôts !
M. Claude Bérit-Débat. Et les niches ?
M. Éric Woerth, ministre. Quatrièmement, nous poursuivons le basculement de l’économie française vers un modèle de croissance plus verte : en déplaçant une partie de la fiscalité de la production vers la pollution avec la taxe carbone, en procédant à un certain nombre d’ajustements de nos dispositifs fiscaux pour encourager les comportements écologiques – je pense en partie au « verdissement » de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ou du dispositif Scellier et à la poursuite du crédit d’impôt « chaudière », qui encourage l’acquisition d’équipements performants de maîtrise de l’énergie.
Enfin, travailler au retour durable de la croissance, c’est aussi poursuivre la réforme du capitalisme pour ne pas reproduire les errements du passé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une plaisanterie !
M. Éric Woerth, ministre. Dans le prolongement des décisions des sommets de Londres et de Pittsburgh, Christine Lagarde et moi-même poursuivons résolument la lutte contre les paradis fiscaux et contre la fraude.
Nous menons donc, d’une part, une action forte pour favoriser le retour durable de la croissance et poursuivons, d’autre part, notre effort de resserrement de la dépense publique. En effet, la situation de nos finances publiques ne s’améliorera pas si nous relâchons notre effort en matière de dépenses.
En 2009, je le dis clairement, notre comportement en matière de dépenses a été exemplaire. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Donc, tout va bien !
M. Éric Woerth, ministre. Permettez-moi de rappeler qu’en plein milieu de cette crise économique violente, nous avons été capables de tenir les deux objectifs que le Parlement avait fixés au Gouvernement : une stricte maîtrise des dépenses de l’État – vous pouvez toujours le contester, mais la réalité des chiffres parle d’elle-même ! – et une maîtrise des dépenses d’assurance-maladie plus forte qu’elle ne l’a jamais été depuis 1997 !
Je souhaite donc que nous poursuivions cet effort sans relâche en 2010. Face aux déficits structurels, nous ne pouvons qu’engager des réformes structurelles.
Ces réformes concernent l’État au premier chef : ses dépenses, d’un montant de 352 milliards d’euros, n’augmenteront pas plus vite que l’inflation, alors même que l’hypothèse d’inflation est plus faible – elle passe de 1,75 %, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, à 1,2 % dans ce projet de loi de finances – et que la crise nous conduit à augmenter certains postes par rapport au budget triennal – je pense aux dépenses concernant l’emploi, qui augmentent de 700 millions d’euros, ou aux dotations sociales majorées de 1,5 milliard d’euros. Enfin, les charges contraintes progressent, notamment les dépenses dues aux pensions, en raison des départs en retraite, qui augmentent d’un milliard d’euros, et les prélèvements sur recettes en faveur de l’Union européenne, majorés de 600 millions d’euros, soit une croissance de 3,2 %, compte tenu du bon positionnement de la France par rapport à ses partenaires européens.
Un effort encore plus exigeant doit donc être accompli sur l’ensemble des autres dépenses. Ainsi, les effectifs de l’État diminueront de 34 000 postes en 2010, dont 16 000 postes au ministère de l’éducation nationale et plus de 8 000 postes au ministère de la défense. Entre 2007 et 2010, nous aurons supprimé 100 000 postes dans la fonction publique d’État, réalisant ainsi une économie brute de 3 milliards d’euros.
Nous allons également accentuer notre effort sur les dépenses de fonctionnement. Entre 2009 et 2010, elles diminueront de l’ordre de 1 % en valeur, grâce aux réformes structurelles engagées dans tous les ministères.
Enfin l’État mène aussi un certain train de vie et doit aussi se montrer exemplaire à l’égard des Français en la matière. Notre politique immobilière rencontre de bons résultats, mais je pense aussi à la réduction de nombreuses autres dépenses considérées comme liées au train de vie de l’État.
Enfin, les dotations en faveur des collectivités territoriales augmenteront de 0,6 % et, parmi ces concours, la dotation globale de fonctionnement augmentera de 0,9 %. Bien évidemment, le Fonds de compensation pour la TVA progressera en fonction des dépenses réalisées, et sa dotation augmente de près de 6 %. Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les fondements du projet de budget pour 2010.
Dans les quelques minutes qui me restent, je souhaiterais évoquer les perspectives que nous envisageons d’ici à 2012 pour atteindre nos objectifs.
Globalement, je conserve l’analyse que j’avais développée lors du débat d’orientation budgétaire. Si nous poursuivons la stratégie consistant, d’une part, à favoriser le retour des recettes par la croissance et non par l’augmentation des impôts et, d’autre part, à contenir les dépenses, nous pouvons réduire le déficit de l’ordre d’un point de PIB par an. Concrètement, un taux de croissance de 2,5 % à compter de 2011 – on peut contester ce chiffre, mais il est sur la table, et d’autres pays affichent des ambitions du même ordre de grandeur – et une progression des dépenses publiques de 1 % en volume nous permettront de maintenir ce rythme de baisse. En 2011, l’amélioration devrait même se révéler plus importante encore, avec l’extinction du plan de relance et la disparition du surcoût lié à la suppression de la taxe professionnelle.
La clé du succès résidera bien évidemment, en premier lieu, dans notre capacité à accélérer la croissance par la poursuite des réformes structurelles : autonomie des universités, réforme de la formation professionnelle, loi de modernisation de l’économie, travail du dimanche, réforme de l’accompagnement vers l’emploi, etc. Toutes ces réformes transforment la société française et améliorent ses chances de réussite dans l’avenir. Il suffit d’ailleurs d’observer les réformes engagées par nos partenaires !
En second lieu, notre capacité à limiter dans la durée à 1 % par an, en euros constants, l’augmentation de la dépense publique suppose la poursuite des réformes structurelles portant sur la dépense. Les engagements pris par le Gouvernement pour cette année 2010 démontrent notre détermination, qu’il s’agisse de la modernisation de notre système hospitalier, de la montée en puissance des réorganisations administratives, etc.
Certains veulent que nous réduisions encore plus vite nos déficits. Ainsi, la Commission européenne nous demande de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB dès 2013. Bien évidemment, nous sommes prêts à nous engager sur des objectifs ambitieux, car le redressement des finances publiques répond à une nécessité. Mais cet engagement n’aura de sens que si les objectifs fixés ne restent pas hors de portée. Nous poursuivrons les discussions avec la Commission. Si nous pouvons aller plus vite, nous le ferons, mais nous devons conserver des objectifs crédibles en fonction des capacités de notre économie. En matière de déficit, il faut redescendre une marche après l’autre pour ne pas retomber dans l’escalier de la crise. Telle est la politique que nous entendons mener !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le budget pour 2009 était un budget de gestion de la crise ; celui de 2010 sera un budget de gestion de la sortie de crise par la croissance, par la compétitivité et par l’emploi. L’année 2010 sera une année charnière. La reprise restera éminemment fragile et nous devrons tout faire pour réussir, non seulement à la consolider, mais également à renouer durablement avec la croissance. Il importe, plus que jamais, de ne pas céder à l’illusion de l’augmentation des impôts, à la facilité fiscale et de préférer la voie, bien plus difficile mais bien plus prometteuse, de la réforme en faveur de l’investissement, de la croissance et de la baisse des dépenses.
Dans quelques instants, Alain Juppé et Michel Rocard présenteront au Président de la République les conclusions de la commission chargée de réfléchir à l’emprunt national, qu’ils ont coprésidée.
Mme Nicole Bricq. Et le Parlement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet emprunt illustre notre volonté de donner la priorité à l’investissement sur la dépense de fonctionnement. Il ne devra en aucun cas fournir un prétexte à l’augmentation des dépenses de fonctionnement. Au contraire, il devra nous offrir une vraie chance d’améliorer la compétitivité de notre économie, en se focalisant sur une sélection d’investissements à très forte rentabilité, mais nous aurons bien évidemment l’occasion d’en reparler. Lorsque les modalités de cet emprunt auront fait l’objet de décisions, le Parlement sera naturellement invité, dans le cadre d’un collectif budgétaire, à se prononcer sur son contenu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais être brève sur un certain nombre de points qui ont été largement abordés par Éric Woerth.
Je reviendrai toutefois sur la politique économique que nous entendons mener en 2010, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, et qui s’inscrit dans le droit-fil de celle de l’année 2009. Cette politique économique est fondée sur deux axes principaux : l’investissement et l’emploi.
Ces axes principaux, qui nous guideront pendant l’année 2010, sont effectivement ceux qui ont sous-tendu notre politique pour 2009 et celle-ci a porté ses fruits. Ainsi, la France achève l’année 2009 avec des performances deux fois meilleures que la moyenne de la zone euro. Évidemment, il n’y a pas de quoi se réjouir, puisque la croissance est environ à moins 2,2 %. Néanmoins, la moyenne enregistrée sur le reste de la zone euro est à moins 4 % et l’Allemagne est à moins 5 %.
Mme Nicole Bricq. On est les meilleurs ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour ceux qui s’étonnent de ces performances, je préciserai qu’elles sont le résultat, à la fois, du plan de relance et d’une politique ayant consisté à concentrer notre effort sur l’investissement et sur l’emploi, sans négliger les ménages les plus modestes. Ainsi 14 milliards d’euros sur les 45 milliards d’euros de soutien à l’économie ont été consacrés au soutien des ménages.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut perdre de vue les grands équilibres financiers. Qu’il s’agisse du déficit public ou de l’endettement, nous devons avoir un objectif à long terme de restauration de ces grands équilibres. Cet effort doit être entamé avec l’exercice 2010 et, très certainement, s’amplifier avec l’exercice 2011, si le pari que nous faisons d’un retour de la croissance à partir de l’année 2010 est effectivement tenu.
Nous allons débuter l’année 2010 avec un élan de croissance supérieur à celui d’un certain nombre de nos partenaires européens, ayant enregistré, contrairement à la plupart d’entre eux, une croissance positive sur le deuxième trimestre et le troisième trimestre de 2009.
Je voudrais répondre à un argument que j’ai entendu, ici ou là, et qui me paraît mériter un point de clarification. Vous savez que le plan de relance que nous avons engagé grâce à de multiples travaux parlementaires, dont je souhaiterais ici vous remercier, comportait un volet relatif aux banques. En particulier, nous avons mis en place un plan de soutien au secteur bancaire, afin d’éviter une thrombose du crédit aux ménages et aux entreprises. Dans ce cadre, nous avons renforcé les capitaux propres des banques grâce à des prêts – le plus souvent des prêts participatifs ou des titres supersubordonnés – et mis en place du crédit interbancaire en engageant la garantie de l’État.
Or certains semblent penser que nous aurions dû entrer au capital de ces banques, spéculer et engranger des plus-values. Ce n’est pas la solution que nous avons retenue. Nous l’avons bien entendu envisagée – nous ne sommes pas plus idiots que les autres ! –, mais nous avons estimé qu’il n’était pas question de spéculer avec l’argent des Français et qu’il était bien préférable de consentir des prêts, en ayant la certitude qu’ils seraient remboursés intégralement et avec intérêts.
Ces intérêts représentent aujourd’hui 1,4 milliard d’euros apportés aux finances publiques et nous percevrons quelques sommes supplémentaires, sous forme d’intérêts et de dividendes, au titre de l’année 2010. J’ajoute que la plupart des établissements bancaires ont remboursé les emprunts que nous leur avions octroyés. Il me semble donc que l’approche que nous avons retenue était la bonne !