M. Bruno Sido. Il avait bien raison !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un déchirement que nous devrons bien surmonter, mes chers collègues.
Par ailleurs, nous sommes toujours sous la menace d’une seconde délibération.
Lorsqu’elle traduit les souhaits du Parlement, une seconde délibération est politiquement recevable. En revanche, lorsqu’elle vient contredire son vote, elle est vécue comme une violence faite par l’exécutif au Parlement.
Pour que nous soit épargné ce type de traitement, peut-être faudrait-il envisager une compression un peu plus forte…
M. Denis Badré. On mégote là !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Badré, mes chers collègues, pardonnez-moi de vous faire perdre quelques minutes pour vous raconter cette anecdote.
Au début des années quatre-vingt-dix, tout juste élu au poste de président du conseil général de la Mayenne, je m’entendais dire, par mes collègues, qu’il fallait absolument mettre en place une prime à la vache allaitante. Après de nombreuses concertations avec différents organismes, dont la chambre d’agriculture, nous avons décidé d’une prime de 1 000 francs – l’euro n’existait pas encore – par vache, destinée à aider les jeunes agriculteurs qui s’installaient.
Le jour où nous avons créé la prime, le prix des vaches a augmenté de 1 000 francs ! Autrement dit, nous avons aidé, non pas les jeunes qui s’installaient, mais les vieux qui vendaient les vaches !
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Toutes ces aides faussent les conditions du marché. N’y a-t-il donc pas, dans certaines positions, comme une vanité politique, qui, par ailleurs, met en péril nos finances publiques ?
Ce dont les artisans et les commerçants ont besoin, c’est du pouvoir d’achat des consommateurs et le pouvoir d’achat des consommateurs dépend moins du commerce que d’une capacité retrouvée à produire et à créer des emplois ! Je m’inscris donc en faux contre l’idée selon laquelle la consommation est le moteur de la croissance. C’est vrai dans une économie fermée, mais cela ne l’est pas dans une économie mondialisée. Quand on relance la consommation en France, on crée beaucoup d’emplois en Asie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
Mes chers collègues, je vous invite à faire preuve de concision, même si M. le président de la commission n’a pas vraiment donné l’exemple ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Danglot. La baisse de certains crédits pose un véritable problème.
La proposition de transfert qui nous est faite à travers cet amendement prouve, comme je le disais dans mon intervention, que ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux économiques et, surtout, des discours ambitieux sur une relance de l’industrie et de l’emploi dans notre pays.
Au-delà des effets d’annonce, il y a la réalité des chiffres ! La diminution des dépenses publiques passe avant l’emploi. Vous évoquez maintenant, monsieur le secrétaire d’État, le Système européen de banques centrales. Mais qui a voté pour cette Europe-là ?
Ces remarques étant faites, je précise que nous voterons cet amendement tendant à corriger la baisse des crédits du FISAC. En revanche, nous nous abstiendrons sur les amendements nos II-391 et II-393 rectifié, car l’INSEE n’a pas à faire les frais de ce transfert, à cause d’un budget insuffisant. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Avant de donner notre position sur cet amendement n° II-143 relatif aux crédits du FISAC, permettez-moi, mes chers collègues, de réagir aux propos de M. le président de la commission.
Celui-ci nous a expliqué très doctement – j’ai noté exactement ses propos – que le déficit abyssal de l’État français serait la conséquence de l’art de vivre à la française. Je veux prendre mes distances par rapport à cette affirmation : je crois plutôt que ce déficit est la conséquence d’un certain nombre de choix qui, en définitive, n’ont pas toujours été très opportuns, et je ne vise pas uniquement des décisions prises dans un passé immédiat.
Cela étant dit, j’en viens maintenant à la position du groupe socialiste sur la proposition de la commission de l’économie.
Puisque Denis Badré a accepté de retirer son amendement au profit de l’amendement n° II–143 de la commission de l’économie, nous voterons ce dernier, qui, comme cela a été dit, a été adopté l’unanimité des membres de ladite commission. Celui-ci vise à maintenir la dotation du FISAC au niveau des crédits de paiement inscrits en loi de finances initiale pour 2010.
Aucune raison ne justifie, à mon sens, que le FISAC subisse une pareille réduction de ses crédits. Nous avons tout de même noté une baisse de 33 % des crédits de paiement et de 40 % des autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.
Or vous savez qu’un rapport récemment rendu public dresse un bilan particulièrement élogieux de l’action menée par le FISAC depuis sa création, en 1992, et ce jusqu’en 2009. Pourquoi, dans ce contexte, opérer une telle coupe dans un dispositif qui donne satisfaction, notamment dans les zones rurales ? Nous sommes tout à fait favorables au maintien de ces crédits.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis très sensible au plaidoyer de M. le président de la commission des finances et je ne voudrais pas paraître rancunière, mais je rappelle tout de même que, dans le cadre du plan de relance de l’année dernière, on nous a fait acquérir pour 60,5 millions d’euros, dans l’indifférence générale et sans expertise des domaines, la salle Pleyel. Ce choix n’était pas forcément adapté à la situation de nos territoires et il eût été préférable d’affecter ces 60,5 millions d’euros au FISAC.
Pour ma part, je me suis battue contre cette opération parfaitement inopportune, soutenue, faut-il le rappeler, par le groupe CRC-SPG.
Il y a donc deux poids et deux mesures !
Par conséquent, si je comprends très bien ce que nous dit M. le président de la commission des finances, j’aimerais que nous fassions preuve de plus de mesure, s’agissant de prochaines dépenses qui pourraient nous sembler moins justifiées que d’autres.
M. Bruno Sido. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux bien qu’on se fasse plaisir, mais je redoute vraiment que le Gouvernement ne demande une seconde délibération. Si M. Cornu voulait bien rectifier l’amendement de la commission de l’économie et réduire à 10 millions d’euros, par exemple, l’abondement des crédits du FISAC (Exclamations.), ce serait une façon de se prémunir, mes chers collègues.
M. le président. Je constate que vous rouvrez le débat, monsieur le président de la commission…
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Monsieur le président de la commission, c’est parce que j’anticipais votre objection que je me suis rallié à l’amendement de la commission de l’économie, mais, au risque de devoir vous peiner, je considère que descendre en deçà de 20 millions d’euros serait un très mauvais signal adressé aux artisans et aux commerçants, lesquels risquent déjà d’être indisposés par la réduction des crédits du FISAC.
En conséquence, j’invite l’ensemble de nos collègues à voter l’amendement de la commission de l’économie. Ce serait un bon « placement », à tous égards. Dans le cas contraire, toute la classe politique risquerait d’en être affectée.
M. le président. La parole est à Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Monsieur le président de la commission, je ne mésestime pas le risque d’une seconde délibération ; pour autant, je ne rectifierai pas l’amendement de la commission de l’économie, qui, je le rappelle une nouvelle fois, a été voté à l’unanimité de ses membres.
Cela dit, je me souviens que, voilà deux ans, un amendement que nous avions voté à l’unanimité et qui n’avait pas fait l’objet d’une seconde délibération avait été « retoqué » en commission mixte paritaire.
Monsieur le président de la commission, vous êtes membre de la commission mixte paritaire et vous aurez donc la main. Aussi, dans l’hypothèse où le Gouvernement ne demanderait pas une seconde délibération sur cet amendement, si celui-ci est voté – unanimement, je l’espère –, je vous demande d’entendre la clameur qui monte de toutes les travées de cet hémicycle en faveur de son adoption. Il s’agit d’un amendement raisonnable que le Gouvernement et le président de la commission des finances doivent prendre en considération.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-143.
M. Jacques Gautier. Je m’abstiens !
M. Charles Revet. Moi aussi !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vote contre !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Grandeur et solitude du président de la commission des finances… (Sourires.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-391 est présenté par M. Sido.
L'amendement n° II-393 rectifié est présenté par M. Badré, Mme Dini, MM. Dubois et J.L. Dupont, Mmes N. Goulet et Payet et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et de l'emploi Dont Titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Tourisme |
||||
Statistiques et études économiquesDont Titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Stratégie économique et fiscaleDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l’amendement n° II-391.
M. Bruno Sido. Nous abordons là une question, qui, pour être moins sensible et moins populaire que celle du FISAC, n’en n’est pas moins très importante.
Cet amendement vise en effet à revaloriser les crédits des centres techniques industriels, les CTI, et organismes assimilés. Ces CTI sont des organismes de droit privé qui remplissent des missions d'intérêt général.
Les subventions allouées aux CTI s'inscrivent dans l'exercice de leurs missions d'intérêt général, dans le cadre d'une délégation de service public. Ces actions sont menées de manière mutualisée et bénéficient à l'ensemble des entreprises de leur ressort, en premier lieu aux petites et moyennes entreprises. En effet, les CTI sont les seules structures existantes pour aider les PME-PMI dans la recherche appliquée.
La mission sur les CTI et sur les comités professionnels de développement économique, les CPDE, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques a publiquement reconnu, lors d'une réunion à mi-parcours, l'efficacité de ces centres dans la réalisation de leurs missions.
Dans ce contexte, étant donné les efforts réalisés par ces organismes depuis dix ans et les objectifs qui leur sont fixés dans le cadre des politiques publiques, la réduction très sensible de leurs crédits de 20%, soit plus de 7 millions d'euros, semble incompréhensible.
Depuis 2000, soit depuis onze ans, à périmètre inchangé, les crédits alloués n'ont pas été revalorisés ; de fait, ceux-ci ont diminué de 20 % en euros constants.
Les CTI ont engagé des efforts de rationalisation de fonctionnement et sont parvenus à réaliser des gains de productivité dans l'organisation et la gestion des actions technologiques, mais ont dû également en passer par une réduction des effectifs, en particulier parmi les ingénieurs et les chercheurs.
En 2010, sur les 35 millions d’euros inscrits dans la loi de finances, seulement 31,8 millions d’euros seront versés, d'où une réduction supplémentaire de 9 % de 2009 à 2010.
Cette année, le projet de loi de finances n'inscrit que 28 millions d’euros de crédits, soit une réduction supplémentaire de 12 %, nonobstant ce qui s’est passé en cours d’année.
Il est ainsi proposé qu'une augmentation de 2 millions d'euros soit attribuée à l'action n° 3, Actions en faveur des entreprises industrielles, du programme 134, Développement des entreprises et de l'emploi, pour revaloriser les crédits des CTI et organismes assimilés.
En gage, il est proposé de prélever 1 million d'euros sur les crédits de l'action n° 2, Information sur les entreprises et synthèses économiques, du programme 220, Statistiques et études économiques. Cette action bénéficie pour 2011 d'une augmentation de ses crédits.
Un autre million d'euros serait prélevé sur les crédits de l'action n° 5, Soutien, du programme 220. Les crédits de cette action – autorisations d'engagements hors dépenses de personnel – bénéficient d'une hausse de 6,2 millions d’euros par rapport aux crédits pour 2010.
Cet amendement vise à rétablir un certain équilibre en faveur des CTI, pour éviter qu’ils ne soient contraints de restreindre leurs activités de recherche et pour qu’ils puissent enfin soutenir les PME, priorité affichée de manière récurrente par le Gouvernement. Cet amendement a donc pour objet de permettre que les actes suivent enfin les paroles.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° II-393 rectifié.
M. Denis Badré. Cet amendement étant identique à celui qui vient de nous être présenté par Bruno Sido, je n’ajouterai rien au brillant plaidoyer de notre collègue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Rebsamen, rapporteur spécial. Je suis très sensible à l’argumentation développée par nos collègues, mais il n’est pas possible de gager la mesure proposée par un prélèvement sur les crédits du programme 220, c’est-à-dire sur le budget de l’INSEE.
Les CTI ont en effet pour l’objet la promotion du progrès technique et sa diffusion auprès des PME. Parmi les organismes sous tutelle de l’État, certains bénéficient d’une dotation budgétaire tandis que certains autres perçoivent le produit de taxes fiscales reposant sur les entreprises.
M. Bruno Sido. C’est exact !
M. François Rebsamen, rapporteur spécial. Ces taxes représentent au total près de 110 millions d’euros et les dotations budgétaires environ 30 millions d’euros.
Au moins deux motifs plaident en défaveur de ces deux amendements.
En premier lieu, la réduction de la dotation pour 2011 en faveur des CTI doit être relativisée, car il faut prendre en compte le budget global dont disposent ces organismes, budget qui pourrait être alimenté davantage par les contributions des entreprises que par l’État.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils pourront faire appel au crédit d’impôt recherche !
M. François Rebsamen, rapporteur spécial. Cela me semble en effet un très bon argument.
En second lieu, l’augmentation de leurs crédits se ferait au détriment des moyens de l’INSEE, qui – je suis bien placé pour le savoir – doit faire face à cinq chantiers, assumer de nouvelles missions, en même temps qu’il doit gérer son déménagement à Metz, ainsi que le Président de la République en a décidé. Ce n’est donc pas raisonnable ! Au passage, je tiens à faire remarquer à M. Sido que, non seulement les crédits de l’INSEE n’augmentent pas, mais encore ils retrouvent simplement leur niveau de 2006 et de 2007.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. M. le rapporteur spécial a tout dit ! Les CTI rendent certes un grand service, mais vous savez comme moi que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, ils sont appelés à revoir leurs modes de fonctionnement, à mutualiser leurs actions et à faire des économies. À cet égard, M. Rebsamen et M. le président de la commission ont évoqué plusieurs pistes.
En outre, il n’est pas raisonnable de gager ces amendements sur le programme Statistiques et études économiques. L’INSEE, cela a été dit, doit notamment gérer les conséquences de son installation à Metz.
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaite simplement informer mes collègues que l’Assemblée nationale avait adopté un amendement identique à ceux que mon collègue Denis Badré et moi-même soumettons à votre vote, amendement qui a finalement été supprimé au terme d’une seconde délibération, ce qui constitue une véritable agression contre les parlementaires.
Nos collègues députés ayant montré qu’ils avaient parfaitement conscience du problème qui se pose, il m’étonnerait que la Haute Assemblée ne les imite pas.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis impressionné par la prolifération de tous ces organismes techniques ou professionnels. Certes, mes chers collègues, je ne doute pas que vos amendements reposent sur de réelles convictions, mais je vous invite à examiner ce qui se passe dans chacun de ces organismes et à en étudier le mode de fonctionnement.
Les quelques exemples que j’ai en tête m’incitent à penser que les rémunérations que perçoivent leurs dirigeants ont connu ces dernières années une véritable inflation, au seul motif qu’il fallait les aligner sur celles qui étaient pratiquées sur le marché. Mais ce marché est une fiction totale !
À la suite de M. le rapporteur spécial, j’ajoute que, plutôt que de percevoir le produit de cotisations, ces CTI auraient plutôt intérêt à recourir au crédit d’impôt recherche, qui permet d’obtenir une aide correspondant à 30 % de l’investissement en matière de recherche et de développement.
J’estime donc que le compte y est et, à titre personnel, je voterai contre ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-391 et II-393 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Économie ».
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien |
850 000 000 |
850 000 000 |
Désendettement de l’État |
0 |
0 |
Optimisation de l’usage du spectre hertzien |
850 000 000 |
850 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’examen de l’article rattaché à cette mission a été réservé jusqu’après le vote de l’article 51.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Aide publique au développement
Compte spécial : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
Compte spécial : Accords monétaires internationaux
Compte spécial : Prêts à des États étrangers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes spéciaux « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les trois programmes de la mission « Aide publique au développement » associent le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que le ministère chargé de l’immigration, lequel, désormais, se confond avec le ministère de l’intérieur.
Pour cette mission, le projet de loi de finances prévoit 4,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,4 milliards d’euros en crédits de paiement.
Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, on constate une forte hausse des autorisations d’engagement, de 59 %. Cette hausse, il faut le dire, tient au hasard du calendrier de la reconstitution des fonds multilatéraux auxquels la France contribue.
Les crédits de paiement de la mission, en revanche, sont quasi constants d’un exercice à l’autre. La programmation pour 2011-2013 assure cette stabilité sur l’ensemble de la période, notamment en faveur du programme géré par le ministère des affaires étrangères et européennes. Ce point est important, car ce programme concentre la part de l’aide la plus visible, donc la plus politique, notamment les dons-projets mis en œuvre par l’Agence française de développement, l’AFD.
L’orientation budgétaire ainsi retenue témoigne de la priorité que le Gouvernement a choisi de donner à la politique d’aide au développement. En tant que rapporteur spécial, je ne peux que m’en réjouir.
Cependant, cette mission représente seulement 47 % des crédits de paiement prévus dans le budget général pour 2011 qui seront comptabilisables en aide publique au développement et 35 % du total de l’aide publique au développement française estimée pour l’année prochaine.
En effet, d’une part, la politique « transversale » de l’aide au développement repose, à titre principal, sur quatorze programmes et sur sept missions du budget général.
D’autre part, le reste de l’effort national en la matière proviendra de crédits hors budget général – notre collègue Edmond Hervé vous les présentera tout à l’heure –, d’opérations de traitements de dettes des pays pauvres n’ayant pas directement d’impact budgétaire, mais pesant lourd dans notre aide au développement – elles ont représenté plus de 1 milliard d’euros en 2009 –, de la coopération décentralisée assurée par les collectivités territoriales – à hauteur de 70 millions d’euros en 2009 –, et enfin du produit de la contribution de solidarité sur les billets d’avion, d’un montant de 170 millions d’euros l’année dernière.
En 2009, et ce malgré la crise, les apports des pays développés à l’aide publique au développement se sont accrus, tous types d’aide confondus, de 0,7 % par rapport à 2008. Hors allégements de dettes, cette progression atteint 6,2 % d’une année sur l’autre. Ainsi 119,6 milliards de dollars ont-ils été versés aux pays en développement l’année dernière.
Parmi les principaux donneurs en volume, les États-Unis ont conservé leur premier rang, leur apport s’élevant à près de 29 milliards de dollars. La France, en soutenant un effort d’aide de plus de 9 milliards d’euros, soit 0,46 % du revenu national brut, s’est hissée au deuxième rang mondial des donneurs en volume, devant l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon.
Cependant, dans le classement en valeur, c’est-à-dire en fonction de l’aide au développement rapportée à la richesse nationale, notre pays ne se trouve qu’à la onzième place. Nous nous situons juste derrière le Royaume-Uni et la Suisse, et devant l’Espagne et l’Allemagne. Je précise que, dans ce classement en valeur, les États-Unis sont au dix-neuvième rang, entre le Portugal et la Grèce…
L’année 2010 devrait donner lieu à une nouvelle progression de l’aide française, à hauteur de 9,7 milliards d’euros, soit 0,5 % du revenu national brut. Toutefois, pour 2011, un repli est anticipé, l’aide versée par notre pays ne devant atteindre que 9,5 milliards d’euros, soit 0,47 % de la richesse nationale. Le budget général de l’État, globalement, devrait fournir à ce titre 7,1 milliards d’euros.
En tout état de cause, la France semble encore loin, nous le voyons, de pouvoir traduire en actes l’engagement qu’elle a pris, et même renouvelé en 2008, de consacrer à l’aide publique au développement, à l’horizon de l’année 2015, 0,7 % de la richesse nationale. En 2010 déjà, notre pays n’honorera pas son engagement de consacrer au moins 0,51 % du revenu national brut à l’aide publique au développement, alors que le Royaume-Uni devrait, lui, y parvenir. Il est vrai que la France ne sera pas la seule dans cette situation de défaut, que devraient connaître d’autre pays, notamment l’Allemagne.
Encore faut-il analyser non seulement la quantité, mais également la qualité de cette aide.
Sous cet aspect, il est important de noter que la part bilatérale dite « programmable » de l’aide publique au développement française est minoritaire. En effet, l’aide multilatérale et européenne – environ 4 milliards d’euros – représente 45 % de notre aide globale, mais cette proportion devient supérieure à la moitié si l’on ne tient pas compte des dépenses bilatérales, dites « non programmables ».
Cette répartition, nous le savons, est préjudiciable à l’aide de terrain, c'est-à-dire l’aide aux projets, l’aide à la coopération technique, notamment. Or il y va du rayonnement international de notre pays, car, grâce à son aide bilatérale, la France est visible à l’étranger, et d’abord auprès des populations bénéficiaires. Dans la masse de l’aide multilatérale, son rôle, hélas ! passe souvent inaperçu.
De ce point de vue, il est heureux que nous ayons obtenu, pour la période 2011-2013, une baisse de notre clé de contribution au Fonds européen de développement. En 2011, cette contribution s’élèvera tout de même à 804 millions d’euros, mais je prends acte du rééquilibrage prévu en faveur du bilatéralisme qui, dépenses non programmables incluses, devrait croître jusqu’à 64 % d’ici à 2012.
Pour autant, la comptabilisation au titre de l’aide publique au développement de certaines dépenses bilatérales non programmables reste sujette à caution.
Il en va ainsi de l’aide versée à Wallis-et-Futuna, qui est de l’ordre de 85 millions d’euros par an. On doit cependant noter un progrès : du fait de la transformation de Mayotte en département, l’aide versée à cette île – environ 300 millions d’euros par an – ne sera désormais plus comptabilisée au titre de l’aide publique au développement.
De même, on peut contester le fait que soient considérés comme entrant dans l’aide au développement les frais d’écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement et les aides accordées aux réfugiés originaires de ces pays, soit respectivement 670 millions d’euros et 270 millions d’euros en 2009.
À l’inverse, certaines dépenses publiques, qui concourent pourtant de façon effective au développement, ne sont pas comptabilisables comme telles selon les normes de l’OCDE, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale. Notre pays a là manifestement un travail à mener afin de faire réviser les règles de comptabilisation de l’aide.
Je précise que l’aide bilatérale française bénéficie principalement à l’Afrique subsaharienne, à hauteur de 49 % du total, et aux pays à revenu intermédiaire.
Toutefois, en 2009, la Chine et la Turquie ont respectivement occupé le deuxième et le cinquième rang parmi les pays bénéficiaires. Là encore, on peut s’interroger sur la pertinence d’une comptabilisation de ces dépenses au titre de l’aide au développement.
Tous ces éléments sont autant de justifications de l’entreprise de rationalisation dans laquelle notre pays vient d’engager son dispositif d’aide publique au développement.
Je rappelle en effet que le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, lors de sa réunion du 5 juin 2009, a resserré les priorités géographiques, mais également clarifié les priorités sectorielles de cette aide, en vue d’en renforcer l’efficacité.
À la suite de cette réunion, un document-cadre a été élaboré tout au long de l’année 2010 et finalisé au début du mois de novembre. Le Gouvernement nourrit l’ambition de refonder la politique de coopération au développement.
Le Parlement a été invité à participer à la réflexion en la matière, et le Sénat, notamment par l’intermédiaire de la commission des affaires étrangères et de la commission des finances, y a pris une large part.
Ce document-cadre a le mérite de présenter, à destination de l’ensemble des acteurs, la doctrine française en matière d’aide publique au développement. Il tend, de façon opportune, à considérer que cette aide doit relever non de la charité et de la seule compassion, mais d’une véritable stratégie géopolitique, dans laquelle on considère non seulement la nécessité de soulager la pauvreté, mais aussi les intérêts de notre pays dans le monde.
Néanmoins, ce document n’aborde que de façon très parcimonieuse les aspects financiers, le choix ayant été fait de dissocier l’exposé de la stratégie et la programmation des moyens budgétaires. Si cette organisation peut se comprendre, elle nuit à la crédibilité des ambitions affichées.
En outre, le statut du document-cadre reste indéterminé. En effet, ce texte n’a pas de valeur juridique. De plus, à ma connaissance, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement n’a pas été convoqué pour son adoption formelle. Dans ces conditions, et à ce stade, on peut douter de l’autorité politique qu’il revêtira en pratique.
Afin que ce document ne risque pas de rester un vœu pieu, je pense, monsieur le ministre, qu’il conviendrait de donner à ce nouvel outil les formes d’adoption et de publicité officielle appropriées qu’il mérite.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements.)