M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur spécial des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux », et « Prêts à des États étrangers » ainsi que du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », je m’en tiendrai à l’essentiel. Je vous invite, si vous souhaitez des détails chiffrés, à vous reporter au rapport afférent de la commission des finances.
J’évoquerai tout d’abord nos accords monétaires avec les pays de la zone franc.
En 2011, comme en 2008, en 2009 et en 2010, ces accords n’ont pas de poids budgétaire, compte tenu de l’importance des réserves bancaires existantes.
M. Joël Bourdin. Très bien !
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. Mais l’absence de traces budgétaires ne saurait nous faire oublier les difficultés de ces pays, liées notamment à la chute des cours des matières premières, à la progression des dépenses de ces pays et à leurs difficultés à exporter du fait d’un renchérissement de l’euro par rapport au dollar.
Ensuite, le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » illustre la modestie de notre présence industrielle dans les pays concernés. J’avais d’ailleurs eu l’occasion l’année dernière de faire le même constat. Les chiffres ne doivent pas nous tromper. En effet, sur les 6,880 milliards d’euros de crédits de paiement du compte, 6,143 milliards d’euros sont fléchés vers la Grèce.
J’évoquerai maintenant les prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes.
Dans ce domaine, la France, mes chers collègues, continue d’être le premier contributeur. La Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo et le Soudan en sont les bénéficiaires. Il convient de rappeler, concernant la Côte d’Ivoire, que la démocratie et le respect des droits de l’homme sont le premier moteur du développement. (Applaudissements.)
Une fois encore, il nous faut rappeler la nécessité d’une approche globale et non uniquement monétaire. Ainsi, on observe dans ces pays, spécialement endettés, la présence de divers fonds d’investissements très spéculatifs.
L’année dernière, j’avais évoqué l’évolution de la situation des terres en Afrique. Selon certains observateurs, entre 15 millions et 20 millions d’hectares de terres seraient achetées par des puissances extérieures à l’Afrique.
Félicitons-nous des contrats de désendettement et de développement que nous continuons de faire vivre, ainsi que des prêts de l’Agence française de développement, dont les remboursements, comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, tiennent compte des circonstances économiques. À cet égard, je rappelle que nous sommes le seul pays à proposer ce type de contrat.
J’aborderai enfin le prêt à la Grèce, dont il a beaucoup été question. Je rappellerai simplement que la France est susceptible de prêter 6,143 milliards d’euros à ce pays en 2010.
J’en viens à mon dernier point : la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale.
Lors de la conférence des Nations unies sur le climat, qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009, les pays développés ont collectivement décidé de financer dans la période 2010-2012 des actions dans les pays en voie de développement destinées à lutter contre le changement climatique. L’accord porte sur 30 milliards de dollars, soit 7,2 milliards pour l’Union européenne et 1,260 milliard d’euros pour la France.
Le dispositif relatif à la forêt intéresse ce que l’on appelle les « quotas souverains » de la France. Notre aide alimente différents fonds et emprunte soit le canal multilatéral, soit le canal bilatéral.
Afin d’honorer nos engagements spécifiques contre la déforestation, nous avons besoin d’un financement supplémentaire de 150 millions d’euros sur trois ans. Ils seront inscrits dans deux nouveaux programmes, hors budget général, relevant d’un nouveau compte d’affectation spéciale, qu’il vous est proposé de créer.
Ces 150 millions d’euros seront donc financés, je l’ai dit, par la vente des « quotas carbone » que nous avons économisés. L’État français dispose en effet d’un excédent qu’il peut vendre à d’autres États. Cette situation résulte de notre bonne performance énergétique. Je rappelle à cet égard que la France émet en moyenne 6 tonnes de carbone par habitant, contre 15 tonnes pour les États-Unis et 10 tonnes pour l’Allemagne.
Il s’agit là d’un financement innovant et vertueux. Souhaitons qu’il soit durable.
À cet égard, permettez-moi de formuler une observation. Ce dispositif de cessions de « quotas souverains » en faveur de la forêt est différent du système dit de « gestion des actifs carbone de l’État », défini par l’Union européenne et visé à l’article 32 du présent projet de loi de finances.
Dans ce dispositif, il revient à chaque État de répartir entre les différentes installations industrielles concernées une quantité globale de quotas, tout dépassement se trouvant pénalisé. Il nous faut compter également avec les nouvelles entreprises qui entrent dans le dispositif, car cela augmente considérablement le tonnage supplémentaire de dioxyde de carbone prévu. À l’origine, pour ces nouveaux entrants, le tonnage prévu était de 2,74 millions de tonnes. Aujourd'hui, il est estimé à 9 millions.
La commission des finances a prévu un montage financier pour faire face à la situation. Nous verrons le sort qui y sera réservé, monsieur le président de la commission des finances.
À titre personnel, même si je comprends bien la dualité de quotas et de régimes – nous avons, d’un côté, des quotas industriels et, de l’autre, des quotas souverains – j’estime qu’elle n’est tout de même pas d’une accessibilité intellectuelle immédiate… (Sourires.)
Lorsque j’évoque ce compte spécial, nous vendons un surplus. Lorsque j’évoque ces quotas industriels, je crains que nous ne soyons obligés d’acheter et, donc, de dépenser.
Conclusion de ces rapports spéciaux, les crédits figurant dans notre rapport écrit ne portent que sur une fraction de l’aide publique au développement.
Monsieur le ministre, je vous prie d’excuser ce qui vous semblera une répétition par rapport à ce que j’avais déjà indiqué l’an dernier, mais je souhaiterais qu’il y ait une consolidation totale des comptes de l’aide au développement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Si nous intégrions dans ces comptes la totalité de la coopération décentralisée des collectivités territoriales, que personne au niveau gouvernemental ou des administrations centrales ne connaît de manière précise pour différentes raisons, je suis persuadé que nous aurions quelques raisons supplémentaires d’être fiers.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter sans modification les crédits de ces comptes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre, laissez-moi vous dire tout d’abord le plaisir qui est le mien de vous retrouver aujourd’hui au banc du Gouvernement dans vos nouvelles attributions. Votre présence met un terme à une période, somme toute assez longue, pendant laquelle il n’y avait pas de ministre de la coopération, même si le ministre des affaires étrangères exerçait cette responsabilité.
Je souhaite bien sûr aussi vous adresser de chaleureux vœux personnels de succès dans vos nouvelles fonctions, d’une part, en raison des relations d’amitié qui nous unissent et, d’autre part, parce qu’un véritable pilotage politique de l’aide publique au développement nous semble indispensable.
Un tel pilotage politique est nécessaire pour coordonner les nombreuses administrations qui concourent à cette mission – je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour leur rendre hommage –, mais également pour expliquer le sens de notre action à nos concitoyens et à nos partenaires du Nord et du Sud, sachant que la France demeure le deuxième contributeur mondial en matière de développement.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et dans le court temps de parole qui m’est imparti, je tiens à rappeler que le présent projet de loi de finances prévoit une stabilisation des crédits de l’aide au développement. Dans le contexte actuel, il s’agit d’un résultat plutôt satisfaisant, me semble-t-il, qui montre la volonté du Gouvernement de préserver les crédits de la coopération ; nous connaissons tous les contraintes qui s’exercent sur notre budget.
Certes, nous aurions souhaité que la France soit plus riche, que le déficit public soit moins élevé et que les crédits de la coopération soient plus importants. Néanmoins, je pense qu’une telle sanctuarisation constitue pour nous tous un élément de satisfaction.
Le projet de budget pour 2011 manifeste également une volonté de redressement de notre aide bilatérale.
La commission des affaires étrangères avait souligné à de nombreuses reprises le déséquilibre croissant entre les crédits multilatéraux et les crédits bilatéraux.
La France a mené une stratégie de montée en puissance de nos contributions aux grandes institutions internationales, afin d’orienter leur programmation vers l’Afrique. Cette stratégie a, du reste, plutôt bien réussi, mais nous sommes sans doute allés un peu trop loin. Nous constatons dans chacune de nos missions à l’étranger combien les crédits dont disposent les agences de l’Agence française de développement et les ambassades sur le terrain se sont réduits.
Nous nous félicitons donc de cette tentative de redressement, permise, à budget constant, par une légère diminution de nos contributions à la Banque mondiale et surtout au Fonds européen de développement.
Cette évolution permet d’augmenter les crédits de notre aide bilatérale qui concourent à des projets instruits par l’AFD dans les domaines de l’infrastructure, de l’eau, de l’urbanisme ou de l’agriculture à destination de pays en crise comme l’Afghanistan ou Haïti, ainsi qu’aux ONG et aux collectivités territoriales qui mènent des actions de coopération décentralisée. Mon collègue André Vantomme et moi-même souhaitons les saluer tout particulièrement.
M. Charles Revet. C’est mérité !
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Cette évolution marque un arrêt dans la diminution continue ces dernières années de notre moyen d’intervention sous forme de dons.
Comme l’a souligné le Comité d’aide au développement, de l’OCDE au mois de septembre dernier : « Les cinq secteurs sur lesquels la France veut se concentrer sont des secteurs dont la plupart sont susceptibles d’être appuyés par des dons et ne se prêtent que difficilement aux prêts. Pourtant, la France a réduit ses dons. Cela pose un défi pour la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA, qu’elle a proposé. ». Ce défi-là est aujourd’hui le vôtre, monsieur le ministre : faire coïncider nos crédits avec nos priorités.
Nous avons par ailleurs constaté ces dernières années le dynamisme de l’AFD, dont la croissance se fonde sur une diversification géographique et sectorielle qui suscite néanmoins quelques interrogations.
L’AFD est aujourd’hui le principal opérateur français de l’aide au développement, mais intervient à 87 % sous forme de prêts dans des pays de plus en plus éloignés de nos priorités géographiques. Cette situation résulte à la fois d’une diminution des subventions d’État et d’un choix assumé de diversification.
Cette évolution a retenu l’attention de la commission des affaires étrangères. C’est pourquoi, en application de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, notre commission souhaitera se saisir du contrat d’objectifs et de moyens en cours de négociation entre l’AFD et l’État.
À ce sujet, monsieur le ministre, nous souhaiterions vivement avoir quelques indications sur le calendrier des négociations du contrat.
La commission a également souligné la nécessité d’assurer au niveau européen une synergie et une complémentarité entre tous les acteurs du développement. L’Europe, c’est 60 % de l’aide publique au développement mondiale, mais nous nous y engageons encore en ordre trop dispersé, sans stratégie commune et peut-être même sans véritable politique européenne.
Dans le contexte de dégradation des finances publiques que nous connaissons en Europe, on ne peut plus continuer à avoir vingt-sept politiques de coopération, en sus de celle de l’Union européenne, menant les mêmes actions dans les mêmes pays.
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, nous vous invitons plus que jamais à promouvoir des programmations conjointes fondées sur une division du travail en fonction des avantages comparatifs de chacun. Il y a des expériences pilotes dans ce domaine ; il faut les soutenir.
Au-delà des crédits, il y a aussi les résultats. Au sein de la commission, nous avons beaucoup insisté sur l’évaluation nécessaire des résultats au cours de l’année avec le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la coopération. On nous dit que c’est complexe ; c’est tout à fait exact. Mais l’aide au développement n’a pas le monopole de la complexité.
Monsieur le ministre, vous et nous sommes redevables devant les citoyens et les contribuables de cette politique. C’est pourquoi nous souhaiterions que le ministère avance sur le sujet. Nous avions regretté que la nouvelle stratégie française de coopération et d’aide au développement n’ait pas été élaborée à l’issue d’une évaluation de l’ensemble de notre politique en la matière. Le précédent ministre nous avait proposé de nous associer à un bilan de celle-ci. Qu’en sera-t-il avec vous, monsieur le ministre ?
Au-delà de ces précisions, cette première rencontre ici, au Sénat, dans vos fonctions, devrait être pour nous l’occasion d’entendre votre conception personnelle de l’aide au développement, le bilan que vous faites de notre coopération et vos priorités pour les prochains mois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Catherine Tasca applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité stratégique pour l’élaboration et le suivi de la stratégie nationale de la recherche énergétique, en application de l’article 2 de l’arrêté du 10 septembre 2010.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
4
Dépôt du rapport annuel de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le rapport pour 2009 de cette commission.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes spéciaux « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».
Aide publique au développement
Compte spécial : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
Compte spécial : Accords monétaires internationaux
Compte spécial : Prêts à des États étrangers
(suite)
M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais prolonger les propos de mon collègue Christian Cambon, avec lequel j’ai le plaisir de « corapporter » ce budget, en vous faisant part des interrogations de la commission des affaires étrangères.
Malgré la préservation des crédits de la mission, l’effort français en faveur du développement ne permettra pas à la France d’atteindre, conformément aux engagements qu’elle a pris depuis 2005, un taux d’effort de 0,7 % du revenu national brut en 2015.
Les projections jusqu’en 2013, quand le taux d’effort devrait se situer entre 0,41 % et 0,49 %, montrent clairement que nous n’atteindrons pas 0,7 % en 2015.
On peut jouer à ceux qui ne savent pas, on peut dire aussi que, à la vérité, nul n’ignore que l’aide publique au développement française ne passera pas de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015. La fin d’une vague d’annulation de dettes et le début des remboursements des très nombreux prêts consentis ces dernières années risquent au contraire bien plus de diminuer notre aide publique au développement que de l’augmenter.
À un moment où la France préside le G20 et souhaite miser sur une diplomatie d’influence en jouant un rôle moteur dans la lutte contre le sous-développement, cette situation n’est pas satisfaisante.
Comme l’a souligné la revue à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement, en septembre, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire qui nous aurait permis de définir une stratégie crédible pour arriver à notre objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque pas d’ailleurs de le faire savoir.
Cet engagement n’est pas le seul que la France a pris ces dernières années, toutes majorités confondues. Je pourrais évoquer le doublement de notre aide à l’Afrique de 2005 à 2010, 1 milliard d’euros pour l’agriculture africaine de 2008 à 2013, 1,5 milliard d’euros pour la sécurité alimentaire de 2009 à 2011, et j’en passe.
Nous retraçons dans le rapport écrit l’ensemble des engagements pris par la France. Le bilan, pour être pudique, est très inégal, ce qui risque de nuire à notre crédibilité.
Vous le verrez lors de vos voyages en Afrique, on vous demandera des comptes, comme on nous en a demandé à nous, rapporteurs, sur les engagements pris : la crédibilité de vos propos sera jugée à l’aune de ces engagements.
Cette année encore, la France, par la voix du Président de la République, s’est engagée à augmenter de 420 millions d’euros les dépenses au titre de la lutte contre le réchauffement climatique – c’était à Copenhague, en décembre dernier –, à consacrer 100 millions d’euros additionnels à la lutte contre la mortalité infantile et maternelle – c’était à Muskoka, en juin –, à augmenter de 60 millions d’euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida – c’était à New York, en septembre.
La commission des affaires étrangères aimerait, sur ces trois engagements, que vous nous disiez, monsieur le ministre, où sont imputées ces sommes et à quel niveau.
S’agissant des dépenses pour la lutte contre le réchauffement climatique, nous avions compris que la France s’était engagée à ce que ces crédits soient des dépenses nouvelles et additionnelles par rapport aux engagements de notre pays en faveur du développement.
Nous constatons aujourd’hui que les quelque 250 millions d’euros de la mission « Aide publique au développement » recensés par le document de politique transversale consacré au réchauffement climatique seront intégralement déclarés au titre de l’aide au développement.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, où sont les crédits qui permettraient d’atteindre les 420 millions d’euros et ce qu’il faut comprendre par « dépenses additionnelles » ?
S’agissant de l’augmentation de notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, nous constatons qu’elle ne figure pas dans le projet de budget, qui évoque la possibilité de recourir à la taxe sur les billets d’avion. Nous comprenons que le Gouvernement a la possibilité, soit de prélever des crédits initialement destinés à UNITAID, soit d’augmenter la taxe sur les billets d’avion. Pouvez-vous nous dire comment vous comptez financer cet engagement présidentiel ?
En ce qui concerne les 100 millions d’euros additionnels consacrés à la lutte contre la mortalité infantile et maternelle, nous nous en félicitons. En effet, au-delà du sida, il faut considérer toutes les maladies qui expliquent le taux de mortalité scandaleusement élevé dans certains pays d’Afrique. Nous pensons, en particulier, aux diarrhées et à la pneumonie, dont l’incidence est très supérieure à celle du sida. Nous souhaiterions néanmoins savoir sur quelle ligne budgétaire sont imputées ces sommes.
Voilà quelques questions que les travaux de la commission ont soulevées. Vos réponses devraient éclairer notre débat sur ce budget au sujet duquel la majorité de la commission, majorité à laquelle je n’appartiens pas, a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur ministre, qu’il me soit tout d’abord permis de m’associer personnellement aux compliments qui vous ont été adressés par mon collègue Christian Cambon, à la suite de votre nomination à la tête d’un ministère aussi important que celui de la coopération.
La semaine dernière, Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et moi-même sommes intervenus devant la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, pour nous féliciter de la refonte du programme 185, qui tend à regrouper désormais, sous un intitulé plus pertinent, l’ensemble des crédits de notre diplomatie culturelle et d’influence.
Toutefois, nous avions regretté que cet effort de mise en cohérence n’ait pas également porté sur les crédits de la francophonie multilatérale, qui continuent d’être inscrits sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».
En effet, notre commission de la culture a plaidé à l’unanimité pour le rattachement des crédits de la francophonie à la mission « Action extérieure de l’État », précisément au programme 105 relatif à l’action de la France dans le monde et en Europe, qui regroupe les contributions de notre pays à un grand nombre d’organisations internationales.
Je rappelle une nouvelle fois que les programmes mis en œuvre par l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, ne s’adressent plus uniquement aux pays en développement, mais soutiennent également la promotion du français dans les pays d’Europe de l’Est et dans les grandes organisations internationales.
Le rattachement au programme 105 de la mission « Action extérieure de l’État » aurait, selon moi, plusieurs mérites.
D’une part, on évoquerait, enfin, la francophonie multilatérale en même temps que la diplomatie d’influence lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État », ce qui me semble plus cohérent, compte tenu du statut de vecteur d’influence dont jouit notre langue.
D’autre part, on distinguerait enfin notre politique francophone de notre politique traditionnelle d’aide publique au développement, dans un souci de plus grande sincérité budgétaire et, surtout, de modernité.
La ministre d’État nous a alors confirmé qu’elle assumerait directement la pleine responsabilité de notre politique francophone. Nous avons pris acte de ces déclarations et nous en sommes satisfaits. Néanmoins, nous attendons encore que la francophonie, dont l’appellation a disparu de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, soit rétablie dans la nomenclature des débats budgétaires.
En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre, de nous confirmer que les crédits de la francophonie multilatérale figureront bien dorénavant, dans le prochain budget, au sein de la mission « Action extérieure de l’État » relevant du ministère des affaires étrangères et européennes.
Aux problèmes de forme, s’ajoutent les problèmes de fond, et ils sont aujourd’hui encore plus préoccupants.
Comme pour l’ensemble des administrations de l’État, l’horizon budgétaire des trois prochaines années n’est pas forcément réjouissant.
Les contributions de la France à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs font logiquement les frais des normes de réductions budgétaires. Elles diminuent de 5,7 % sur le programme 209, pour s’établir à 61,2 millions d’euros. La diminution est encore plus prononcée, de près de 8 %, si l’on ne tient pas compte, dans le calcul, du loyer de la Maison de la francophonie, qui constitue une dépense incompressible résultant d’un engagement international.
Ce sont nos contributions volontaires à l’OIF et à l’Agence universitaire de la francophonie, l’AUF, qui pâtissent le plus de cette rigueur. C’est d’autant plus surprenant que ces deux organismes ont consenti des efforts considérables et exemplaires pour rationaliser leur fonctionnement.
L’AUF est un exemple de gestion rigoureuse et affiche des charges administratives inférieures à 18 %. Il me semble qu’on l’encourage de la plus mauvaise des manières dans la poursuite de ses efforts en diminuant notre contribution à son budget de 11,5 %.
Choquée par le peu de considération accordée aux opérateurs de la francophonie, notre commission a adopté, en conséquence, un amendement tendant à ramener, autant que faire se peut, les crédits de la francophonie multilatérale à leur niveau de 2010. C’est la crédibilité même de notre engagement en faveur de la francophonie qui est en jeu afin de satisfaire une offre que nous ne sommes plus en mesure de proposer, alors que la demande pour la langue française est toujours forte dans de nombreux pays.
En conclusion, mes chers collègues, la commission de la culture a regretté à l’unanimité la baisse préoccupante des crédits de la francophonie multilatérale, le seul progrès enregistré n’étant que d’avancer dans les réductions !
La commission n’a donc pas été en mesure de donner un avis favorable à l’adoption des crédits consentis à la francophonie au sein du programme 209 et a choisi, mes chers collègues, de s’en remettre à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.- M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, applaudit également.)