Article 8
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Article 9 bis

Article 9

(Supprimé)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Article 10

Article 9 bis

(Supprimé)

Article 9 bis
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Article additionnel après l'article 10

Article 10

Le code de l’aviation civile est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 421-4 est complété par les mots : « ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à tout accord ayant la même portée » ;

2° À l’article L. 421-5, les mots : « qui n’ont pas la nationalité française » sont remplacés par les mots : « autres que celles mentionnées au 1° de l’article L. 421-4 » ;

3° L’article L. 421-6 est ainsi rétabli :

« Art. L. 421-6. – Le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un État communautaire autre que la France ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou aux accords bilatéraux passés par la Communauté européenne avec la Suisse, ainsi que le personnel navigant salarié d’un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l’un des États précités, qui exercent temporairement leur activité en France n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 421-3. » ;

4° L’article L. 421-8 est abrogé ;

(nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 426-1, les mots : « inscrit sur les registres prévus à l’article L. 421-3 du présent code » sont remplacés par les mots : «, nonobstant les dispositions de l’article L. 421-3 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Sueur, Collombat, Peyronnet, Anziani et Yung, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Ries, Lagauche, Daunis, Michel, Botrel et Percheron, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 149 est présenté par Mmes Schurch, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 91 rectifié.

M. Daniel Raoul. Les auteurs de cet amendement demandent la suppression de cet article car la lecture de la proposition de loi ne permet pas d’en saisir les enjeux et les motifs.

En effet, nous ne voudrions pas laisser se reproduire ce qui s’est passé avec la loi de modernisation de l’économie, la fameuse loi LME, ou loi Michel-Édouard Leclerc…

Mon collègue Roland Courteau et moi-même nous en souvenons très bien, le Gouvernement, sous couvert de transposition de dispositifs de la directive Services, était allé bien plus loin que nécessaire, en éliminant les contraintes à la libre implantation des grandes surfaces, entre autres.

Je vous rappelle, en particulier, que, pour les villes de moins de 20 000 habitants, le maire n’a rien à dire et ne peut même pas solliciter la commission départementale !

Nous sommes conscients que cette directive est complexe et polémique, mais nous refusons l’approche choisie par le Gouvernement, qui vise à relativiser le problème posé par cette transposition.

Cette approche ne nous semble pas pertinente ; elle a prouvé son inefficacité et cela fait déjà un an que la date limite de transposition est dépassée. De plus, soumettre ce problème à la représentation nationale n’est pas suffisant, alors qu’un débat d’ensemble est nécessaire. Je vous rappelle que nous demandions déjà au Gouvernement un texte législatif cadre explicitant le statut des services sociaux d’intérêt général, les SSIG, en leur garantissant une exclusion large et claire de la directive. Or rien de tout cela n’a été fait, et l’on s’est contenté d’attendre l’expiration du délai, désormais dépassé depuis plus d’un an.

Compte tenu notamment de ces enjeux sociaux, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une transposition telle que vous la concevez, monsieur le ministre.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 149.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 10 dispose que l’inscription dans les registres du personnel navigant de l’aéronautique civile n’est pas réservée aux ressortissants français, mais est ouverte aux autres ressortissants européens.

Il prévoit que cette inscription n’est pas obligatoire pour le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un pays de l’Union européenne autre que la France, dans un pays de l’Espace économique européen ou en Suisse, et pour le personnel navigant salarié d’un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l’un de ces États.

Le champ d’application est donc très large.

Comme vous le savez, chers collègues, la loi du 4 avril 1953 portant statut du personnel navigant professionnel, impose cette inscription et exige des personnels des conditions de nationalité, d’honorabilité et d’aptitude, à savoir « être titulaire des brevets ou certificats déterminés par décret et d’une licence en cas de validité ».

Il ne s’agit donc pas d’une simple formalité : l’enjeu est bien d’apporter les garanties nécessaires à l’exercice rigoureux des activités concernées. Ainsi, s’agissant du personnel navigant commercial, ces documents sont constitués d’un certificat de formation à la sécurité et d’une licence d’aptitude physique et mentale.

Comme le dénonce très justement le personnel navigant commercial, « cette inscription au registre constitue le socle du statut et toute remise en cause totale et partielle de celle-ci n’est pas sans effet et, à l’inverse, fragilisera le certificat de formation à la sécurité, l’aptitude médicale ainsi que la pérennité du régime de retraite des navigants ».

Sur ce dernier point, nous notons tout de même que la dispense d’inscription au registre est maintenue pour le personnel exerçant son activité temporairement en France. Or on sait d’expérience, avec la multiplication des contrats précaire, ce qu’est le « temporaire »...

M. Daniel Raoul. Il n’y a qu’à voir Ryanair !

Mme Josiane Mathon-Poinat. En réalité, cela va donc bien au-delà des exigences communautaires de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006. En effet, la législation actuelle n’entrave pas l’emploi en France de ressortissants de la Communauté européenne, ni d’ailleurs celui de personnes de pays tiers.

Au contraire, ce dispositif présente le risque majeur d’encourager les compagnies françaises à recruter ailleurs qu’en France, notamment dans des pays où les contraintes en termes de qualification et d’aptitude médicale seront moindres, voire inexistantes.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Enfin, en plus des conséquences sur le statut des personnels et l’harmonisation sociale par le bas qui est promue, nous considérons que cet article aurait des conséquences assez graves sur la sécurité à bord, en raison de la coexistence de personnels navigants aux formations et aux compétences diverses.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de supprimer cet article.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Nos collègues de l’opposition ont déposé un certain nombre d’amendements qui tendent tous à supprimer les articles visant à transposer la directive Services.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je peux comprendre le regret de l’absence d’une grande loi de transposition de la directive. Certains, tels que notre collègue Jean Bizet, ont exprimé le même regret.

Néanmoins, force est de constater que la transposition de la directive par morceaux est un processus entamé depuis plusieurs années. Vous l’avez rappelé, nous l’avons transposée dans la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », ou loi HPST, dans la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, ou encore dans la loi LME. Nous sommes donc engagés dans un mouvement qu’il serait difficile d’interrompre, d’autant plus, vous le savez très bien, que la France est déjà menacée de sanctions pécuniaires en raison du retard pris dans cette transposition.

M. Daniel Raoul. C’est vous qui vous êtes mis en retard !

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Si donc je peux comprendre, sur le fond, que vous ayez quelques regrets, ce sont, à mon sens, des regrets d’arrière-garde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Il faut aujourd’hui poursuivre le mouvement de transposition de la directive Services.

M. Daniel Raoul. Restez calme !

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Mais je suis tout à fait serein, mon cher collègue !

La commission de l’économie émet néanmoins un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression, tout simplement parce que les dispositions de l’article 10, comme d’autres qui seront débattues tout à l’heure, ont déjà été reprises dans le cadre de la proposition de loi présentée par nos collègues Bizet, Emorine et Longuet portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne.

Après réflexion, nous estimons que cette proposition de loi, qui bénéficie de l’engagement de la procédure accélérée, a toutes les chances d’être adoptée avant la proposition de loi qui nous donne le plaisir d’être ensemble ce soir.

La commission de l’économie émet donc un avis favorable sur ces amendements de suppression de l’article 10, comme elle le fera sur les autres articles pour lesquels le même constat peut être fait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur pour avis.

Je précise que la commission mixte paritaire est prévue le 21 décembre !

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je souhaite réagir aux propos de notre collègue Hervé Maurey.

Je vous assure que c’est un véritable travail de bénédictins pour s’y retrouver, entre un texte qui traîne depuis un an, la proposition de loi Warsmann, et puis, si j’ose dire, le dernier avatar législatif en date, à savoir la proposition de loi Longuet.

Pour réussir à s’y retrouver dans les codes que ces propositions de loi tendent à modifier, je vous assure qu’il faut du temps, et de la bonne volonté !

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je n’ai pas dit le contraire !

M. Daniel Raoul. Mais je n’ai pas mis en cause vos propos, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je l’espère bien ! (Sourires.)

M. Daniel Raoul. Notez, je le ferai peut-être, je garde des arguments sous le coude ! (Nouveaux sourires.)

Mais, puisque la commission émet un avis favorable…

Cependant, monsieur le président, franchement, quels sont ceux qui ont passé autant de temps que nous pour essayer de comprendre ce qu’il restait dans chacune des propositions de loi ? Quand nous avons examiné la proposition de loi Longuet, on nous a soutenu que c’était déjà dans la proposition de loi Warsmann, et quand nous examinions la proposition de loi Warsmann, on prétendait que c’était dans la proposition de loi Longuet…

Dans le même temps, personne n’a maîtrisé – en tous les cas, pas les membres de l’opposition – le calendrier de discussion de ces propositions de loi, dont l’une fait l’objet d’une procédure accélérée et l’autre pas.

Il n’était pas simple de s’y retrouver – je pense en particulier à un bug gouvernemental concernant l’urbanisme – et de savoir sur quel texte nous devions déposer les amendements afin, pour une fois, d’aider le Gouvernement, ce qui nous arrive.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pour ne pas discuter du fond !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 rectifié et 149.

(Les amendements sont adoptés à l’unanimité des présents.)

M. le président. L'article 10 est donc supprimé.

J’avais été saisi d’un amendement n° 261, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, et qui était ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L'article L. 6521-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un État communautaire autre que la France ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou aux accords bilatéraux passés par la Communauté européenne avec la Suisse, ainsi que le personnel navigant salarié d'un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l'un des États précités, qui exercent temporairement leur activité en France, n'entrent pas dans le champ d'application du présent article. » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 6527-1, les mots : « inscrit sur les registres prévus par l'article L. 6521-3 » sont remplacés par les mots : «, nonobstant les dispositions du 2° de l'article L. 6521-2 ».

Cet amendement n'a plus d'objet.

Article 10
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Article 10 bis

Article additionnel après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 1321-6 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

Ces dispositions ne sont pas applicables :

1° Aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers ;

2° Aux documents nécessaires à la certification, à la maintenance, à l’utilisation opérationnelle des aéronefs et aux supports de formation dans ces domaines.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’article L. 1321-6 du code du travail fixe le principe selon lequel tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français.

Dans le domaine aérien, l’application de ces dispositions soulève vraiment de très grandes difficultés pour certaines documentations techniques de sécurité relatives à l’utilisation opérationnelle, la maintenance ou la navigabilité des aéronefs, ce qui induit des risques importants pour la sécurité aérienne.

L’anglais aéronautique est la langue internationale ; c’est ainsi, mes chers collègues !

En effet, compte tenu du caractère international du transport aérien, l’anglais aéronautique, dont le vocabulaire, très spécifique et propre au monde de l’aérien, comporte d’ailleurs un nombre limité de mots, s’est imposé depuis une vingtaine d’années comme le seul langage universel. Il est l’unique moyen d’assurer les échanges avec les organismes de contrôle aérien dans la majorité des pays desservis par les compagnies françaises.

Je rappellerai d’ailleurs que la langue anglaise est utilisée par l’Agence européenne de la sécurité aérienne pour la certification des aéronefs et la diffusion d’informations obligatoires de maintien de navigabilité à la suite d’incidents.

Il est donc impossible pour les entreprises de transport aérien d’échapper à l’utilisation de documents techniques et de référentiels rédigés en anglais. C’est pourquoi la compréhension et l’expression en anglais sont imposées à tous les pilotes et contrôleurs aériens par nos textes réglementaires depuis plusieurs décennies et, plus récemment, par des normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale, encore plus contraignantes.

Je souhaiterais simplement insister sur les difficultés que suscite l’obligation de traduction : il y a des risques pour la sécurité et il n’est pas raisonnable de ne pas en tenir compte.

En outre, la traduction systématique des documents constitue une opération délicate, donc longue et coûteuse, dont la responsabilité ne doit pas incomber aux compagnies aériennes.

Je demande fermement que l’on soit extrêmement attentif sur ce dossier.

Tant pour des raisons de sécurité que par souci de cohérence avec les pratiques internationales, il est proposé une adaptation de l’article L. 1321-6 du code du travail afin d’exclure de son champ d’application les documents techniques de sécurité relatifs à l’utilisation opérationnelle, la maintenance et la navigabilité des aéronefs.

Je sais que la commission n’avait pas émis un avis favorable sur cet amendement initialement, mais j’insiste malgré tout particulièrement sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Ma chère collègue, comme vous l’avez rappelé à l’instant, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 70 rectifié.

En effet, il convient de rappeler que, par un arrêt du 1er octobre 2010 – très récemment, donc – la cour d’appel de Paris a obligé Air France à traduire en français toutes ses documentations techniques.

Il est vrai que l’anglais est la langue internationale de l’aviation,…

M. Daniel Raoul. Non ! Ce n’est pas de l’anglais !

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … que les pilotes ont l’obligation professionnelle de maîtriser les termes techniques relatifs à l’exercice de leur métier dans cette langue, que le ciel aérien est par essence transnational et qu’il est indispensable de communiquer dans une langue commune.

Toutefois, un certain nombre de questions sont soulevées à la fois par l’arrêt et par votre amendement. Ce dernier touche tout de même à la question de la langue française, qui n’est pas un sujet anodin, ainsi qu’aux relations sociales du monde du travail.

Naturellement, quand j’ai pris connaissance de votre amendement, j’ai reçu les organisations syndicales, qui m’ont toutes fait savoir depuis qu’elles y étaient opposées. Certes, je ne soutiens pas qu’il faut systématiquement suivre l’avis des syndicats – que mes collègues de l’opposition se rassurent ! (Sourires) -, mais il convient de le prendre en compte.

Par conséquent, la commission de l’économie souhaite le retrait de cet amendement, afin que la question puisse être examinée à la fois par la commission de la culture et la commission des affaires sociales.

Je le répète, un tel sujet a des implications multiples, non seulement industrielles et techniques – vous les avez mentionnées –, mais aussi sociales et culturelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Des Esgaulx, je comprends tout à fait l’objet de votre amendement, qui vise à élargir l’exception au principe de rédaction en français des documents comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail.

Vous avez fort bien expliqué la situation : il s’agit d’élargir les cas légaux dans lesquels les salariés ne disposeraient pas de documents nécessaires à l’accomplissement de leur travail en langue française.

Cependant, si l’argument selon lequel des raisons de sécurité nécessiteraient de renoncer au français apparaît fort dans un premier temps, il peut également être renversé, s’agissant notamment des pilotes et des salariés français qui, naturellement, parleront et comprendront probablement mieux le français que n’importe quelle autre langue !

Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis, des problèmes se sont souvent posés entre les salariés et les compagnies aériennes sur ce sujet.

Très récemment, par un arrêt en date du 1er octobre 2010, la cour d’appel de Paris a condamné Air France à mettre à la disposition de ses salariés des documents incriminés en langue française. À cet égard, l’amendement que vous présentez vise bien entendu à contrarier la jurisprudence de la cour d’appel de Paris. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)

Madame Des Esgaulx, vous êtes une grande juriste et je rends hommage à ces qualités. Vous comprendrez donc d’autant plus que l’on ne puisse pas accepter de remettre ainsi en cause, à l’occasion d’un amendement, fût-il intéressant, une jurisprudence de la cour d’appel de Paris.

Je vous propose donc de retirer votre amendement à ce stade de la procédure, compte tenu du temps qu’il nous reste avant le vote d’un texte de loi définitif.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Mme Des Esgaulx a raison !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il reste une lecture à l’Assemblée nationale, une autre lecture au Sénat et un examen du texte par une commission mixte paritaire ; l’échéance est donc assez éloignée. Par conséquent, nous aurons le temps de regarder plus à fond cette question, j’en prends l’engagement devant vous.

Dans ces conditions, il serait préférable que vous retiriez votre amendement. À défaut, le Gouvernement invite le Sénat à ne pas le voter.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Mes chers collègues, vous serez peut-être surpris, mais je soutiendrai partiellement cet amendement. (Sourires.)

Tout d’abord, je souhaiterais y apporter une correction : les documents techniques des aéronefs – puisque c’est ainsi qu’on les nomme – sont écrits non pas en anglais mais en « globish » technique. Il ne faut pas sortir de Cambridge ou d’Oxford pour comprendre ce qui est rédigé ; ce n’est pas la langue de Shakespeare ! Il en va de même pour l’idiome des contrôleurs aériens : si vous avez eu l’occasion d’aller dans une cabine de pilotage et d’écouter les instructions des contrôleurs aériens, vous savez qu’ils n’emploient que quelques mots de vocabulaire de base.

Alors que l’aéronautique est internationalisée, que se posent les problèmes des brevets et de la nécessaire limitation du nombre de langues dans lesquelles il faut traduire les documents, je trouve que cet amendement aurait pu convenir. Ma chère collègue, si vous aviez enlevé le 1° et que vous aviez restreint ces dispositions aux seuls aéronefs à usage commercial – sans viser, donc, les aéronefs de particuliers dans tous les aéro-clubs de France et de Navarre –, je vous aurais suivie à 100 %.

Toutefois, évitez de parler de la langue anglaise pour désigner le langage utilisé au quotidien dans l’aviation, car c’est non pas de l’anglais mais bien du « globish ».

M. le président. Madame Des Esgaulx, l'amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je vais retirer cet amendement.

J’indiquerai simplement à M. le ministre que je ne peux pas recevoir l’argument de la décision de la cour d’appel, je suis désolée. Les tribunaux sont là pour faire appliquer la loi et nous, nous sommes là pour la faire ! Ne mélangeons pas tout. Cet argument est donc, selon moi, tout à fait irrecevable.

Toutefois, j’accepte de retirer mon amendement parce qu’il me semble que nous sommes allés trop loin.

Je me permets néanmoins d’insister sur le problème de fond que j’ai soulevé : il faut arrêter de croire qu’il n’y a que la France ! Nous vivons aujourd'hui dans un monde globalisé.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est la Constitution !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En l’occurrence, cette question recèle de véritables enjeux de sécurité, donc le sujet est tout de même sérieux.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Notre collègue a raison !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié est retiré.