M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’initiative de M. Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, le Sénat est donc invité ce matin à approuver une proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.
La séance de ce matin me prive d’ailleurs de participer au séminaire gouvernemental qui se tient en ce moment même…
M. Roland Ries, auteur de la proposition de résolution. J’en suis désolé !
M. Henri de Raincourt, ministre. Cependant, d’une part, le Gouvernement est à la disposition du Parlement, et je suis heureux d’en faire la démonstration en son nom, et, d’autre part, je n’ai aucun regret, dans la mesure où ce que j’ai entendu depuis plus d’une heure me fait chaud au cœur ; je suppose qu’il en est de même pour chacune et chacun d’entre vous.
J’ai en effet entendu des interventions de grande qualité, d’une profonde authenticité, ayant toutes pour objet de défendre une juste et noble cause. J’ai vu se déployer ce matin beaucoup de talent et de passion, dans le mélange harmonieux du cœur et de la raison.
Je voudrais donc vous dire d’emblée, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement souscrit pleinement et intégralement aux motivations et aux termes de la proposition qui vous est soumise. J’espère vivement que la Haute Assemblée sera en mesure de lui apporter l’adhésion la plus large possible, peut-être même unanime. Ce serait pour le Gouvernement un soutien de poids, d’une forte portée symbolique et politique.
Il est essentiel en effet – dans cette affaire, nous sommes évidemment tous mobilisés – que, dans sa défense du siège à Strasbourg du Parlement européen, le Gouvernement, à la place qui est la sienne, puisse savoir compter sur l’appui du Parlement français. Je me félicite à cet égard qu’une initiative similaire ait été portée à l’Assemblée nationale, sur le rapport de Christophe Caresche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi quelques observations même si tout a été dit, et fort bien dit !
Le 9 mars, lors du vote du calendrier des sessions plénières pour 2012-2013, le Parlement européen a donc adopté, dans le cadre d’un vote à bulletin secret – j’ai bien entendu ce qu’a dit à l’instant M. Sueur sur ce sujet –, presque honteusement…
Mme Annie David. On peut le dire !
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt, ministre. … un amendement réduisant chacune des deux sessions plénières d’octobre de quatre à deux jours tout en les regroupant sur une même semaine.
Disons-le clairement : cet amendement est ni plus ni moins, une nouvelle fois, la mise en cause directe de Strasbourg comme ville de siège du Parlement européen ; il est, dans sa motivation, parfaitement inacceptable.
De plus, en droit, en effet, monsieur Sueur, cet amendement est contestable au regard de l’esprit et de la lettre des traités, qui stipulent bien que le Parlement européen a son siège à Strasbourg. Or, nous le savons les uns et les autres, ce qu’un traité a fait, seul un autre traité peut le défaire.
Je pense d’ailleurs que les auteurs de cet amendement le savent fort bien, mais que, tel le Petit Poucet, ils sèment sur le chemin un caillou après l’autre, menant ainsi un combat politique subreptice pour, un jour, parvenir à la décision qu’ils souhaitent.
Eh bien, les choses ne pourront pas se passer de cette façon, parce que le gouvernement français a décidé de contester ce qui a été voté, en portant l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Le recours sera déposé dans les tout prochains jours.
Que l’on ne se méprenne pas : nous respectons bien sûr pleinement le Parlement européen, qui est une institution majeure de l’Union et qui apporte une contribution déterminante au projet européen. Nous sommes les défenseurs de son action et de son développement, qui constitue un progrès pour la démocratie européenne elle-même. Nous ne mettons certainement pas en cause son pouvoir d’organisation interne. Il s’agit en revanche de veiller simplement à ce que ce pouvoir s’exerce dans le cadre et le respect des traités et, au-delà, dans le respect de l’esprit européen. Cet amendement combat en réalité, certains d’entre vous l’ont fort bien relevé, cet état d’esprit européen que nous avons en partage.
Comme vous le savez sans doute, le Grand-duché de Luxembourg – M. Ries l’a dit lui-même –, par la voix de son Premier ministre, Jean-Claude Juncker, a annoncé à la suite d’un entretien avec Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, son intention de se joindre au recours des autorités françaises. Je rappelle que, dans des circonstances similaires, nos deux pays étaient intervenus ensemble en 1997.
Cet appui des autorités luxembourgeoises est très important, car c’est bien la « trilocalisation » du Parlement européen que nous entendons défendre, dont le principe est énoncé dans le protocole n° 6 annexé aux traités. Je rappelle, mais vous le savez évidemment tous, que le Luxembourg accueille le secrétariat général et les services du Parlement européen.
Oserai-je dire également que, dans le cas d’espèce, nous avons le sentiment, en contestant le vote du 9 mars, de défendre l’efficacité du Parlement européen ?
Qui peut croire en effet que l’institution parlementaire, dont les attributions ont été significativement renforcées par le traité de Lisbonne, serait en mesure d’accomplir l’ensemble des tâches qui lui reviennent à la faveur de deux sessions d’à peine deux jours chacune, regroupées sur une seule semaine, alors même que le débat budgétaire a lieu au cours de l’une des sessions d’octobre ?
Au-delà, c’est aussi une conception particulière du projet européen que nous entendons défendre. Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun avec vos propres mots, exprimé un même idéal. Soyez assurés que le gouvernement français le partage.
Le siège de Strasbourg porte en effet témoignage de l’histoire et des valeurs dans lesquelles s’inscrit le projet européen. Il est profondément regrettable et potentiellement dangereux de prétendre ignorer cette réalité, voire de la considérer comme dépassée, au risque d’affecter durablement le sentiment d’appartenance et l’adhésion des citoyens au projet européen, à l’heure où il aurait plutôt besoin d’être renforcé. Comment pourrait-on espérer bâtir un avenir européen commun en ignorant l’histoire ? Cela ne ferait qu’affaiblir la perspective européenne que nous avons en partage.
Notre conception de la réalité européenne n’est pas non plus celle d’une concentration des pouvoirs en un lieu unique, mais, bien au contraire, celle de la nécessaire diversité géographique des sièges. À cet égard, je fais pleinement miens les mots de Roland Ries, lorsqu’il relève que « la concentration ne correspond pas aux besoins d’une Union européenne élargie ». D’autres l’ont dit après lui, et je relève également que cette nécessité est bien comprise des groupes parlementaires du Parlement européen, qui organisent régulièrement des journées d’études dans différentes villes de l’Union européenne.
Le Parlement européen irait ainsi tenir des journées d’études, ici ou là, dans les vingt-sept pays membres, mais serait privé à terme de la possibilité de siéger à Strasbourg… Quelle conception surprenante !
Pour l’ensemble de ces raisons, nous continuerons, non seulement de défendre, mais aussi de promouvoir le statut européen de Strasbourg et ses atouts auprès de nos partenaires et des différents acteurs européens.
Comme vous le savez, ce siège fait également l’objet, depuis 1980, d’un contrat triennal conclu entre l’État et les collectivités territoriales alsaciennes, comme l’ont rappelé, entre autres, MM. Ries et Reichardt. Une enveloppe de quelque 245 millions d’euros est mobilisée à ce titre pour la période 2009-2011, à laquelle l’État contribue à hauteur de 117,5 millions d’euros, et la négociation du contrat triennal s’engagera prochainement pour la période 2012-2014.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Henri de Raincourt, ministre. Dans ce cadre, la poursuite de l’amélioration de l’attractivité de Strasbourg et, singulièrement, de son accessibilité sera une priorité forte.
Il est tout de même assez paradoxal de vouloir remettre en cause le siège du Parlement européen à Strasbourg alors que l’accès à la métropole alsacienne a été notoirement amélioré, et qu’il le sera encore à l’avenir.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais brièvement faire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement français.
Pour conclure, je me réjouis que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif défendent ensemble cette noble cause. Il ne s’agit pas de défendre le siège de Strasbourg parce que la ville est française ; il s’agit de défendre la ville française de Strasbourg, qui, au moins autant que d’autres, pour ne pas dire plus, occupe une place singulière dans ce bel idéal de la construction européenne. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,
Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,
Vu le protocole n° 6 du Traité sur l’Union européenne sur la fixation des sièges des institutions de l’Union européenne,
Vu l’article 135 du règlement du Parlement européen,
Considérant que la légitimité historique et le caractère hautement symbolique qui a fondé le choix de la ville de Strasbourg comme siège du Parlement européen ne peuvent être remis en cause,
Considérant que la conception polycentrique de l’Union européenne traduit la volonté d’un équilibre institutionnel entre les États membres,
Rappelle que, en vertu des traités, « le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire »,
Estime que les actions visant à vider de leur contenu les sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg vont à l’encontre de ces dispositions des traités,
Demande par conséquent aux institutions européennes et notamment au Conseil d’empêcher toute remise en cause de la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.
Je constate qu’il n’y a pas de vote contre.
M. le président. Par ce vote, la proposition de résolution est devenue résolution du Sénat. Elle sera communiquée au Gouvernement et publiée, imprimée et distribuée, et sera mise en ligne sur le site du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à onze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
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Politique énergétique de la France
Rejet d'une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean-Claude Danglot et les membres du groupe CRC-SPG (proposition n° 397).
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution.
M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, mes chers collègues, si les sénateurs du groupe CRC-SPG ont souhaité que leur proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France soit examinée par le Sénat en séance publique, c’est notamment parce qu’ils considèrent qu’il est grand temps que soit lancé un véritable débat public sur les questions énergétiques et que les femmes et les hommes politiques assument leur projet énergétique et l’expliquent clairement à la population .
L’accident nucléaire majeur qui est survenu au Japon, et qui touche en premier lieu les populations se trouvant à proximité de la centrale de Fukushima ainsi que les personnels intervenant sur le site, a réveillé les inquiétudes fondées et légitimes de la société civile sur cette source d’énergie.
Cet accident a cristallisé les antagonismes entre les partisans et les opposants au nucléaire. Le Président de la République a rapidement clos les discussions en déclarant deux jours après le drame que, pour la France, il n’était « évidemment pas question de sortir du nucléaire », tandis que d’autres voix, tout aussi intransigeantes, portaient le message d’une sortie immédiate, oubliant malheureusement les contraintes scientifiques et climatologiques qui s’imposent à nous.
Rappelons à ce propos que, pour répondre à l’urgence climatique, il faudra diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre dans les pays de l’OCDE d’ici à 2050.
En l’état actuel des connaissances scientifiques, quelle est la solution alternative à l’arrêt immédiat des centrales ? Les énergies carbonées ? Cela mérite une clarification.
Notre proposition de résolution, vous l’aurez noté, pose les termes d’un débat qui dépasse la seule question du nucléaire. Selon nous, on ne peut prendre de décision en ce domaine sans examiner l’ensemble des problématiques énergétiques. J’ajoute que notre débat ne peut faire l’économie de la question des actions et des politiques à mener au niveau européen et mondial.
Or, jusqu’à présent, les débats raccourcis organisés par le Gouvernement au Sénat, au travers des questions cribles thématiques, un jour sur « l’avenir de la filière photovoltaïque », un autre sur « les problèmes énergétiques », ne nous ont pas permis d’avoir des discussions de fond sur la politique énergétique.
Ils ont cependant mis en exergue les impasses dans lesquelles la droite a conduit la France en faisant le choix de la libéralisation et de l’argent. Cette politique est mauvaise ; elle est incapable d’ouvrir la voie aux investissements énormes qui devraient être réalisés dans le secteur ; elle ignore la recherche ; et elle est source de désorganisation et de fragilisation de l’ensemble du système énergétique.
Ces désordres, qui découlent des contradictions entre les objectifs de rentabilité à travers la spéculation, la rémunération du capital, les marchés spot, la concurrence, ont des conséquences délétères sur l’indépendance énergétique et la sécurité de l’ensemble des installations et des réseaux. Ce sont là autant de vecteurs d’inégalités sociales.
Cependant, si une maîtrise publique du secteur énergétique – tant à l’échelon national et qu’au niveau européen – est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Elle doit s’accompagner d’une plus grande transparence et associer étroitement les citoyens et les salariés aux décisions prises, comme aux problèmes rencontrés.
Or la politique de privatisation menée par la droite a été conduite dans le mensonge et le secret.
En 2004, en effet, Nicolas Sarkozy déclare : « Il n’y aura pas de privatisation d’EDF et de Gaz de France, c’est clair, c’est simple et c’est net. » Pourtant, en 2006, la droite vote la privatisation de GDF et, en 2010, elle contraint EDF à engraisser les opérateurs privés…
En 2007, partant du constat selon lequel la France traversait une crise climatique et écologique de grande ampleur, le Président de la République lance le Grenelle de l’environnement avec M. Borloo. C’est ce dernier qui a signé les permis d’exploration en France de gaz de schiste sans la moindre transparence.
François Fillon, quant à lui, a confié à l’Autorité de sûreté nucléaire la réalisation d’une étude sur la sûreté des installations nucléaires au regard des risques d’inondations, de séismes, de pertes d’alimentation électrique et de pertes de refroidissement. Or, quand ma collègue Evelyne Didier a demandé en séance un audit social, aucune réponse ne lui a été apportée !
Vous jurez que le nucléaire restera sous maîtrise publique. Mais l’article 1er de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME, prévoit – et cette disposition a été introduite par la droite sénatoriale – que l’on pourrait envisager « une prise de participation d’opérateurs privés dans les réacteurs nucléaires d’EDF ».
Enfin, vous affirmez haut et fort le principe de transparence en ce qui concerne, notamment, la sûreté dans le domaine nucléaire. Nous vous avons demandé que le rapport Roussely sur la filière industrielle nucléaire soit rendu public ; tout n’est pas classé « secret défense » ! Là encore, refus du Gouvernement !
Ce double langage témoigne de l’incapacité ou, pis, de l’absence de volonté du Gouvernement de répondre aux attentes de nos concitoyens en termes d’accès à l’énergie, de sécurité, d’indépendance énergétique et de préservation de l’environnement.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons changer radicalement notre politique énergétique. Les logiques marchandes et financières, qui ont guidé l’action des gouvernants aux niveaux national, européen et mondial, doivent être abandonnées. La perversité du marché, qui entraîne des délocalisations d’industries polluantes et qui multiplie les transports de marchandises par avion et camion, tout cela témoigne, au passage, de la grande illusion de l’écologie libérale.
L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres. Elle est vectrice de développement humain, de progrès social. Or, dans le monde, 1,6 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Le tiers des habitants de la planète n’a pas du tout accès aux sources d’énergie modernes et 20 % de la population mondiale consomme 80 % de la production énergétique. Cette situation emporte des conséquences dramatiques sur le niveau des services de santé, d’éducation, de transport, particulièrement pour les populations du Sud.
La politique étrangère en matière énergétique dans le contexte de raréfaction des ressources énergétiques doit être orientée vers la coopération et la solidarité, non vers l’exploitation et la guerre.
La précarité énergétique est un fléau qui progresse également en Europe et en France. Comme vous le savez, grâce à votre Observatoire de la précarité énergétique, et comme le vivent 3,5 millions de personnes au quotidien, ces foyers consacrent 10 % à 15 % de leurs ressources aux factures de gaz et d’électricité, soit une deux fois et demie plus importante que celle qu’y consacrent les ménages les plus riches. Et combien de personnes renoncent à se chauffer, faute d’avoir les moyens de payer leur facture ?
Depuis 2009, en pleine crise économique, le Gouvernement a également abandonné les ménages aux revenus modestes en supprimant la prime à la cuve. Cette prime les aidait à payer une facture dont le prix a augmenté de 61 % entre octobre 1999 et octobre 2009, soit près de 5 % par an. Votre argument : le prix du fioul a baissé ! Depuis, les prix ont flambé, mais la prime n’a pas été rétablie… La contribution des compagnies pétrolières que vous avez annoncée est une goutte d’eau dans l’océan des difficultés financières des ménages.
Alors que les bénéfices de Total continuent d’augmenter ses – le groupe a réalisé un bénéfice net de 3,1 milliards d’euros au premier trimestre de 2011 –, vous laissez le groupe fermer des sites de raffinage stratégiques pour l’indépendance énergétique du pays et vous jetez des centaines de salariés à la rue !
Depuis le début de la libéralisation du secteur de l’énergie, les tarifs du gaz et de l’électricité ont également augmenté de façon spectaculaire. Cela s’accompagne, bien entendu, d’une augmentation des coupures de gaz et d’électricité chez les particuliers, coupures que les tarifs sociaux ne parviennent pas à endiguer.
La politique économique et sociale du Gouvernement aggrave la détresse des foyers. Le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, le faible niveau des retraites, la vétusté des logements et des installations ont plongé une partie de la population dans une véritable misère sociale.
Là où devrait s’imposer une réflexion sur une politique tarifaire solidaire et de long terme, c’est la déréglementation, la concurrence au profit de la hausse des prix qui s’organisent. Pour le gaz, les tarifs ont augmenté de 5,2 % le 1er avril 2011, ce qui porte l’augmentation à plus de 20 % en un an et à plus de 61 % depuis 2005. Au titre de 2010, GDF-Suez a réalisé 4,6 milliards d’euros de bénéfices.
Ces augmentations ont été cautionnées par le Gouvernement puisqu’il s’est complètement désengagé de la fixation des tarifs du gaz. En effet, le décret du 18 décembre 2009 met en place une seule révision annuelle et prévoit, entre deux décrets, que l’entreprise peut modifier ses tarifs sur sa seule initiative, en demandant simplement l’avis la Commission de régulation de l’énergie. L’article 13 de la loi NOME organise pour 2015 un dispositif similaire pour les tarifs de l’électricité.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir réviser la formule tarifaire du gaz. Est-ce encore d’actualité ? Si c’est le cas, il serait judicieux de ne plus faire payer aux consommateurs le déficit de la marge commerciale, inventé de toutes pièces par la direction commerciale : vous le savez fort bien, il n’y a jamais eu de vente à perte sur l’ensemble de la chaîne, depuis l’approvisionnement jusqu’à la vente ; il s’agit simplement d’un transfert de marge interne au détriment de la branche commerciale de GDF-Suez.
L’opacité dans la formation des tarifs n’est pas acceptable. Nous demandons qu’une commission composée d’élus, de salariés et d’usagers soit associée à l’État pour définir des mesures de régulation dans la fixation des tarifs réglementés. Il est également nécessaire de revenir à la notion de coûts réels comptables, qui permettrait aux usagers de bénéficier de l’optimisation des approvisionnements.
En ce qui concerne l’électricité, votre ministère a annoncé une « légère hausse » des tarifs pour cet été. L’entreprise aurait demandé « de 28 % à 37 % » d’ici à 2015. Alors, de quoi se plaint-on ? D’ailleurs, selon la Commission européenne, le prix de l’électricité, qui a déjà augmenté de 6,4 % depuis un an, serait trop bas dans notre pays…
La recherche de la rentabilité au profit de l’actionnariat public ou privé, qui pèse lourdement sur les consommateurs, a également des conséquences sur la réduction des investissements nécessaires à la maintenance et à la sûreté des installations, des réseaux de transport et de distribution électriques.
À ce titre, la loi NOME, adoptée par la majorité, est un véritable gâchis du patrimoine énergétique de la France. Elle est absurde et injuste. En effet, elle constitue une véritable aide de l’État au privé, au détriment des investissements de l’entreprise publique, lesquels ont été payés, faut-il le rappeler, par les usagers.
Cette loi oblige EDF à revendre une partie de sa production nucléaire et lui permet de reporter la mise en œuvre du plan de constitution des actifs dédiés au démantèlement des installations nucléaires. Il semblerait que le drame de Fukushima ait joué en faveur du tarif de rachat proposé par M. Proglio, le Gouvernement prenant subitement conscience des dépenses que devra couvrir l’entreprise pour assurer la maintenance de ses installations nucléaires.
Pour notre part, nous avons demandé le retrait pur et simple de cette réglementation. La production énergétique, en particulier celle qui est d’origine nucléaire, ne doit pas être laissée entre les mains d’opérateurs privés. Or la loi NOME ouvre cette voie, notamment en donnant aux opérateurs privés l’obligation d’investir dans des moyens de production d’énergie. Pourtant, le nucléaire reste la principale source de production énergétique.
Pour ce qui concerne la filière nucléaire, nous demandons que la production des pièces ne soit pas sous-traitée. Je rappelle que le groupe AREVA a déjà reçu des mises en garde de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN. En effet, le contrôle de l’ASN « a mis en évidence un écart dans la conformité de la réalisation d’essais mécaniques permettant de vérifier la qualité des pièces fabriquées ».
Si le Gouvernement souhaite réellement plus de transparence dans ce secteur, qu’il arrête de mettre en concurrence l’opérateur AREVA, le CEA – Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – et EDF. S’il veut améliorer la sûreté, pourquoi avoir tenté d’instaurer une redevance pour financer l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ?
Grâce à la résistance des salariés, la solution alternative votée dans la loi de finances est un moindre mal. En effet, contrairement à ce qui était prévu pour la redevance, la contribution sera payée non pas pour chaque dossier, mais correspondra à un forfait annuel. Surtout, elle sera versée au Trésor public et non pas directement à l’IRSN.
En matière de sûreté et de sécurité de toutes les installations et de tous les réseaux énergétiques, notamment du secteur nucléaire, il est absolument nécessaire de garantir de hautes conditions salariales, ainsi qu’une formation poussée, qui passe en partie par le retour d’expérience. Le management privé, les petites économies faites sur le personnel, la sous-traitance doivent être prohibés.
En occultant le problème de la sous-traitance, une manière pour les donneurs d’ordres d’externaliser 80 % des risques professionnels, en particulier les doses de radioactivité et les dégâts sociaux, le Gouvernement et les entreprises refusent d’aborder le véritable débat : celui d’une gestion uniquement tournée vers l’argent. Des positions claires doivent être prises pour garantir l’aspect social de la sûreté. II faut en revenir, en dépit du troisième paquet énergétique, qui reste un choix purement idéologique, au modèle de l’entreprise intégrée.
Les exigences sociales appellent une maîtrise publique, et, en cela, elles rejoignent les impératifs environnementaux et climatologiques.
En effet, le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre, la raréfaction des ressources fossiles, la spéculation qu’elle engendre et la nécessité de sortir des énergies carbonées contraignent les États à abandonner toute libéralisation du secteur énergétique. Les objectifs de rentabilité et les logiques marchandes ne sont pas conciliables avec les objectifs de préservation de l’environnement. Les États se sont d’ailleurs engagés aux niveaux mondial et européen à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Des efforts doivent être consentis, nous en sommes d’accord, en faveur des économies d’énergie et du développement des énergies renouvelables. Cependant, la politique du Gouvernement en la matière de même que les dispositions du Grenelle restent anecdotiques et ne tiennent pas compte de la réalité, notamment en ce qui concerne la vétusté de certains logements et la pauvreté des personnes qui y habitent.
Pour ce qui est des énergies renouvelables, le rôle de l’État est fondamental. Le fiasco du photovoltaïque est emblématique d’un État incapable de conduire une telle politique énergétique et industrielle cohérente, complémentaire à l’échelle de l’ensemble de son territoire. Vous le savez, mes chers collègues, les énergies renouvelables sont contraignantes dans le sens où elles doivent être associées à d’autres sources d’énergie.
De plus, l’État doit définir une politique industrielle de la formation professionnelle au traitement des déchets produits par ces types d’énergie. On est donc loin du compte !
Le Gouvernement a été pris à son propre piège en faisant reposer les énergies renouvelables sur l’initiative privée anarchique, l’incitation fiscale et le crédit d’impôt. En confiant la production d’électricité d’origine hydraulique à des intérêts privés, vous avez également fragilisé la stabilité du système électrique. En effet, dès lors que l’énergie hydraulique de pointe sera entre les mains d’industriels ou de traders, l’État perdra une grande partie de ses capacités d’action en ce domaine.