M. Daniel Raoul. Vous êtes un expert !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Raoul, l’ambiguïté et les faux-semblants sur le nucléaire ont justement été l’une des causes de ma rupture avec le parti socialiste.

J’ai donc lu que le parti socialiste propose de sortir à la fois du « tout-nucléaire » et du « tout-pétrole ». J’attendais avec intérêt que vous nous disiez comment, mais le temps vous a sans doute manqué, car vous n’en avez pas parlé…

Monsieur Poniatowski, vous avez raison de le rappeler, l’énergie, c’est non seulement l’électricité, mais également la chaleur.

La biomasse, sur laquelle vous avez beaucoup insisté, est l’une des sources les plus appropriées pour la production de chaleur. Le Gouvernement a mis en place le fonds chaleur à cette fin, avec les résultats que vous avez évoqués : 31 projets retenus en 2009 ; un succès également en 2010, avec de nouveau 31 projets retenus, pour 313 millions d’euros d’investissement et une puissance thermique de 665 mégawatts, ce qui représente une économie de 338 000 tonnes de pétrole. La biomasse concerne aussi l’électricité produite en cogénération : depuis 2010, les tarifs de rachat de l’électricité ainsi produite ont doublé, conformément aux engagements du Président de la République.

Quant à la méthanisation, les tarifs de rachat de l’électricité qui en est issue seront publiés ce mois-ci. Le décret est actuellement examiné par le Conseil d’État et pourrait être publié en juin ou, au plus tard, dans le courant de l’été.

Monsieur Chevènement, j’espère ne pas vous porter préjudice en relevant que je suis d’accord avec de nombreux points de votre intervention. Vous avez eu raison de souligner que le nucléaire reste un atout pour notre pays. Je n’aurais pas utilisé les formules dont vous avez le secret, mais j’ai tout de même noté que vous aviez parlé de « démagogie obscurantiste et technophobe » : il fallait oser !

Vous avez très bien expliqué ce qu’ont été les enchaînements de l’accident de Fukushima : un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, puis un tsunami d’une violence inouïe et, malgré cela, la centrale de Fukushima n’a, pour l’essentiel, pas bougé. C’est si vrai d’ailleurs qu’il a fallu attendre vingt-quatre à trente-six heures pour qu’on commence à parler d’un problème nucléaire. La centrale a ensuite « encaissé » beaucoup de répliques de force 6 ou 7 pendant le mois suivant. Elle a donc bien résisté.

M. Jean-Jacques Mirassou. Bref, ça aurait pu être pire…

M. Éric Besson, ministre. Ce sont, vous l’avez souligné, les systèmes de refroidissement qui ont cédé. Il faut en tirer une leçon pour l’avenir. L’audit nous le confirmera, et ira probablement plus loin : bien que nos systèmes de refroidissement soient plus puissants et plus solides qu’à Fukushima, il sera sans doute nécessaire de les multiplier, de mieux les protéger, en les rehaussant encore pour empêcher toute inondation. Surtout, il sera indispensable d’installer des systèmes de secours à proximité, en cas d’accident majeur.

En ce qui concerne la sortie du nucléaire, vous avez bien posé les termes du débat. Je le dis à ceux qui sont intervenus en ce sens, nous pouvons évoquer ce sujet, qui n’est pas tabou. Il faut simplement proposer une solution de remplacement et, surtout, évaluer combien il en coûtera à nos concitoyens.

Ma remarque vaut pour Jean-Jacques Mirassou et Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Même traitement !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, je regrette que vous ayez encore cité, dans votre intervention, votre mot fétiche : le moratoire. Je vous suggère de respecter un « moratoire sur les moratoires », car vous n’arrêtez pas de les multiplier…

Je conclus en répondant à Jean Desessard. Monsieur le sénateur, vous êtes constant et cohérent lorsque vous demandez que nous sortions du nucléaire, personne ne le conteste. Mais, de grâce, ne caricaturez pas le problème ! Nous n’avons jamais évoqué le risque zéro. Il n’existe ni en matière industrielle ni en matière nucléaire. Simplement, nous pensons que ce risque est bien maîtrisé en France.

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que le Commissariat à l’énergie atomique a investi 150 millions d’euros dans les énergies renouvelables. Nous contribuons au développement du solaire et de l’éolien, mais vous devez dire clairement qu’il s’agit d’énergies par essence intermittentes. En effet, lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent ne souffle pas, ces énergies s’arrêtent. Il faut donc prévoir des énergies de substitution.

Enfin, je livre ces quelques données pour illustrer notre débat, notamment à l’adresse des écologistes qui prennent souvent l’Allemagne comme exemple : les ménages allemands paient leur électricité deux fois plus cher que les ménages français ; les entreprises allemandes paient leur électricité une fois et demie plus cher que les entreprises françaises ; un Allemand émet 40 % de gaz à effet de serre de plus qu’un Français. Il faudra bien un jour essayer d’en comprendre les raisons. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Considérant que le droit à l’énergie est un droit fondamental de l’homme, que l’accès à l’énergie doit être garanti équitablement à l’ensemble des peuples et des individus,

Considérant que l’énergie, bien essentiel au développement humain, ne peut être assimilée à une marchandise,

Considérant que l’indépendance énergétique et la sécurité énergétique constituent des enjeux majeurs dans les relations internationales,

Considérant qu’il est essentiel de protéger les équilibres de la planète et les intérêts écologiques des générations futures,

Considérant que la sûreté des installations de production, de transport et de distribution de l’énergie, et particulièrement de l’énergie nucléaire, doit être renforcée,

Considérant que la spéculation financière sur les matières premières énergétiques, la volatilité des prix qui en résulte et la rémunération des actionnaires sont responsables de l’augmentation chronique des tarifs énergétiques renforçant les inégalités sociales et la précarité énergétique,

1. Considère que la libéralisation du secteur énergétique, sa soumission à la concurrence libre et non faussée découlant des textes européens et internationaux et sa privatisation sont incompatibles avec les exigences de sécurité, sûreté, d’indépendance énergétique et avec celles du service public de l’énergie, tant en terme d’accessibilité que de solidarité,

2. Affirme que les activités de production, de transport, de distribution et de commercialisation doivent être entièrement publiques et placées sous le contrôle de la puissance publique, dans le cadre d’un pôle public de l’énergie qui associe les citoyens et les travailleurs du secteur énergétique,

3. Souhaite insister sur l’importance de la qualification des personnels du secteur, de l’organisation du travail, et interdire la sous-traitance,

4. Estime nécessaire d’instaurer une régulation dans la fixation des tarifs de l’énergie et de garantir la transparence dans leur formation,

5. Réaffirme solennellement son attachement au renforcement des investissements dans la recherche dans le secteur énergétique, notamment celui des énergies renouvelables, pour trouver de nouveaux moyens de production d’énergie et de traitement des déchets,

6. Souhaite l’organisation d’un grand débat public national sur les choix en matière de politique énergétique nationale dans les années à venir, portant sur l’utilisation actuelle du nucléaire dans des conditions de sécurité renforcées, mais aussi sur l’ensemble des choix énergétiques menacés,

7. Estime nécessaire que tous les moyens utiles soient mis en œuvre au niveau national, européen et international pour porter ces exigences.

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Je vous rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 151
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, la proposition de résolution est rejetée.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la politique énergétique de la France
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse
Discussion générale (suite)

Droit de la chasse

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, présentée par M. Pierre Martin (proposition n° 355, texte de la commission n° 444, rapport n° 443).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse
Article 1er

M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il y a plus d’un an, le 15 mars 2010, je déposais, sur le bureau de notre Haute Assemblée, une proposition de loi que j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter. Je suis très heureux, vous vous en doutez, que ce texte puisse enfin être examiné.

Cette proposition de loi comporte huit articles et vise, d’une part, à promouvoir une gestion plus efficace de la biodiversité et, d’autre part, à moderniser la législation pour permettre aux chasseurs de mieux accomplir leur mission d’intérêt général.

Lorsque je déposais cette proposition, mes chers collègues, l’année 2010 avait justement été consacrée « année internationale de la biodiversité » et il m’était alors apparu nécessaire de rappeler la contribution de la chasse à la gestion des espèces et des espaces.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi. Quelles que soient nos sensibilités au sein de cet hémicycle, je crois que nous avons tous le souci d’une gestion équilibrée des espaces naturels et d’une responsabilisation toujours plus grande de l’ensemble des acteurs intervenant dans la préservation de la biodiversité.

Avant de détailler le texte qui est soumis à notre examen aujourd’hui, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles il a été élaboré.

Le premier élément sur lequel je voudrais insister est la diminution croissante du nombre de chasseurs, qui a été divisé par deux en moins de trente ans. Si la France reste le premier pays de chasseurs en Europe, devant l’Espagne et l’Italie, elle a toutefois vu le nombre de pratiquants passer de 2,4 millions au milieu des années soixante-dix à environ 1,3 million en 2008. Cet élément doit être pris en compte pour rénover la pratique de la chasse : il est impératif de trouver des moyens de la rendre plus attractive et plus accessible, aux jeunes notamment.

Par ailleurs, les deux années qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, dite « loi Poniatowski », ont permis de mettre en lumière certaines insuffisances en matière de pratique de la chasse et l’inadaptation de certaines dispositions en vigueur, faiblesses auxquelles nous pouvons aujourd’hui remédier.

Je suis intimement persuadé que le législateur doit avoir une approche pragmatique, avec le souci constant d’améliorer des dispositifs qui, une fois entrés en application sur le terrain, font apparaître un certain nombre de difficultés. Nous sommes des élus locaux, nous devons être attentifs à la bonne application des normes générales sur nos territoires.

C’est dans cet esprit que j’ai entrepris, notamment en tant que président du groupe d’études Chasse et pêche au Sénat, d’apporter des réponses aux difficultés rencontrées sur le terrain par les chasseurs. Ma démarche a privilégié la concertation. J’insiste sur ce point, car il me semble absolument indispensable, sur un sujet comme la chasse, de consulter l’ensemble des acteurs concernés et de recueillir leurs observations concrètes pour faire avancer les choses dans le bon sens…

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez concerté tout seul, alors !

M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi. … sans éveiller de polémiques inutiles et surtout contreproductives. J’ai donc travaillé avec les chasseurs, les associations communales de chasse agréées, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et l’ensemble des acteurs contribuant sur le terrain à une gestion équilibrée de la biodiversité.

Le texte issu de ce long travail de concertation ne révolutionne pas l’exercice de la chasse. Il n’en a pas l’ambition. Il prétend, au contraire, contribuer modestement, mais efficacement, à une amélioration de sa pratique et à une mise en valeur du rôle des chasseurs en matière de biodiversité. C’est un texte court, précis et pragmatique. Il n’entend rallumer aucune polémique, ni revenir sur des équilibres acquis. Il vise simplement à adapter ce droit séculaire qu’est le droit cynégétique aux évolutions contemporaines, à le simplifier pour permettre une pratique de la chasse démocratique, apaisée et responsable.

Venons-en maintenant au détail de la proposition de loi. Ses huit articles s’articulent autour de trois objectifs principaux.

Le premier objectif est une gestion plus efficace de la biodiversité, qui reconnaît le rôle essentiel des chasseurs, notamment dans la préservation et la gestion des zones humides ; le deuxième objectif est d’améliorer le fonctionnement institutionnel par le biais d’une réforme des modalités d’adhésion aux associations communales de chasse agréées, confrontées à une baisse constante de leurs membres qui pourrait aboutir à priver des pans entiers de territoires de gestion cynégétique ; le troisième objectif, enfin, plus concret et pragmatique, est de poursuivre la simplification du droit de la chasse.

Sur les huit articles initiaux, seul un a été supprimé en commission de l’économie, à l’initiative du rapporteur Ladislas Poniatowski : il s’agit de l’article 8 prévoyant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les modalités que pourraient prendre un suivi des exactions commises en matière d’obstruction des activités de chasse par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Le Gouvernement s’était fortement engagé devant notre assemblée en 2008 à créer par décret un délit d’entrave à la chasse afin de pouvoir apporter une réponse juridique à cette difficulté. Au moment où j’ai rédigé cet article, il n’avait toujours pas publié ce décret. C’est chose faite depuis, avec la parution du décret du 4 juin 2010, ce dont je me réjouis, tout en espérant qu’il fasse l’objet d’une application sans complaisance.

C’est donc avec mon approbation que le rapporteur a proposé de supprimer cet article devenu inutile en la forme, même si les exactions commises par les extrémistes des droits de l’animal n’ont pas cessé en dehors du cadre de la chasse.

Un article additionnel a également été introduit lors du passage en commission : il s’agit d’une simple précision, à laquelle je suis tout à fait favorable, concernant l’article L. 141-1 du code de l’environnement, qui ne mentionnait pas explicitement les fédérations régionales et interdépartementales de chasseurs au titre de l’éligibilité à l’agrément de protection de l’environnement, alors que c’était le cas de la fédération nationale et des fédérations départementales.

Quant aux autres articles, je me félicite aujourd’hui que l’esprit et les objectifs qui étaient les leurs dans ma proposition initiale aient été préservés, et même confortés, par la commission de l’économie.

Les articles 1er et 3 visent à reconnaître le rôle essentiel des chasseurs en matière de préservation de la biodiversité. À ce sujet, j’insiste sur le rôle éminent joué par les fédérations en matière d’information et d’éducation au développement durable, comme en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage. C’est un fait, sur le terrain, en 2010, quatre-vingts fédérations départementales et régionales ont été sollicitées localement sur l’éducation à l’environnement.

L’article 2, relatif à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties situées en zone humide, a été précisé pour davantage d’efficacité pratique, et je m’en réjouis. L’objectif demeure : il s’agit de garantir sur le terrain la possibilité pour les installations de chasse situées dans une zone humide – de type tonne, gabion ou hutte – de bénéficier de l’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties, la TFNB. Au contraire, aujourd’hui, ces dernières en sont a priori exclues au motif que le fait de pouvoir y chasser serait incompatible avec l’engagement de préservation de l’avifaune, qui fait figure de condition essentielle pour pouvoir en bénéficier.

Cet article, mes chers collègues, est très important : il répond à une réelle demande de la part des chasseurs, qui, dans de nombreux départements, vous le savez sûrement, ont été des précurseurs dans l’entretien et la restauration des zones humides. Pensez aux platières du nord de la France, aux marais de la Charente-Maritime ou du Médoc, ou encore aux lagunes des Landes !

Ce serait assurément un signal très fort et positif à envoyer aux chasseurs afin de les inciter à préserver ces zones humides, aujourd’hui menacées et dont on constate pourtant à quel point elles constituent des lieux privilégiés de préservation de la biodiversité en général, et pas seulement de la faune chassable – il faut insister sur ce point.

L’article 4, quant à lui, prévoit de régler enfin la question de l’accumulation du grand gibier dans les territoires non chassés, où celui-ci se réfugie avant de provoquer des dégâts matériels dans les champs voisins. La commission de l’économie a fort justement relevé lors de l’examen de cet article que cette accumulation occasionnait, outre des dégâts agricoles, de nombreux accidents de circulation.

Le préfet pourra désormais imposer, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire d’un territoire qui ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces sur son fonds, lorsque ces dernières causent des dégâts.

Si ce prélèvement n’est pas fait, la responsabilité financière du propriétaire pourra être engagée. Il n’est pas possible de laisser les fédérations continuer de supporter seules le poids financier de l’indemnisation des dégâts. Par ailleurs, j’approuve le remplacement de la notion de « plan de tir » par celle de « prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux » effectué par la commission de l’économie.

Ce problème récurrent est, je le rappelle, très important : les dégâts financiers et humains causés par cette accumulation de gibier peuvent être considérables. Je tiens également à être tout à fait clair : cette mesure ne remet nullement en cause le droit à l’opposition cynégétique puisque le propriétaire peut refuser d’exécuter ou de faire exécuter son prélèvement. Dans ce cas, il est tenu d’assumer sa responsabilité environnementale et d’indemniser les dégâts agricoles commis par les animaux provenant de son fonds.

Les articles 5 et 6 permettent une meilleure organisation institutionnelle des associations communales de chasse agréées, les ACCA. L’article 5 autorise leur fusion en une seule association intercommunale. L’article 6 assouplit les modalités d’adhésion dans le cas de l’acquisition d’une propriété ou d’une fraction de propriété ayant fait l’objet d’un apport à la date de création de l’ACCA. Dans le cas où l’acquisition porte sur la totalité de ce territoire, le nouveau propriétaire sera membre de droit de l’ACCA s’il le demande. Dans le cas où ce dernier n’est acquéreur que d’une fraction de ce même territoire, il ne sera automatiquement membre de droit que si cette portion est supérieure au seuil d’opposition en vigueur dans le département. Dans le cas contraire, les modalités de son éventuelle adhésion sont déterminées par le règlement intérieur de l’ACCA.

Cette solution, qui va un peu plus loin que ma proposition initiale, est très satisfaisante, d’autant qu’elle émane des ACCA elles-mêmes. Ces dernières se sont saisies – et il faut s’en féliciter – du problème de la baisse du nombre d’adhérents, faisant ainsi preuve de leur capacité à s’adapter pour garantir une bonne gestion cynégétique dans la durée.

L’article 7, enfin, améliore la rédaction du dispositif introduit par la loi de 2008 sur la réfaction appliquée à la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs. En outre, sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, la commission de l’économie a introduit à cet article la possibilité pour un chasseur détenteur d’un permis départemental validé pour un an d’obtenir une validation d’un jour valable dans un autre département.

Cette mesure, réclamée par les jeunes chasseurs notamment, va dans le sens d’une plus grande attractivité de la pratique de la chasse. J’y suis personnellement favorable dans son principe, sous réserve de prévoir un encadrement du dispositif. En effet, pour éviter le nomadisme des chasseurs et pour mettre en œuvre une organisation rationnelle de la délivrance de ces validations, il faudra déterminer précisément quelle fédération les délivre – s’agit-il de la fédération d’origine ou de la fédération d’accueil ? –, selon quelles modalités, etc. Au total, je juge cet ajout sympathique, mais assez difficilement applicable. Il existait déjà le permis de neuf jours et celui de trois jours. Nous inventons aujourd’hui le permis d’un jour sans avoir mesuré toutes ses implications.

M. Jean-Louis Carrère. À quand le permis d’une heure ?

M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi. Voilà rapidement brossé le détail de la proposition de loi que je suis heureux de voir arriver en discussion devant vous aujourd’hui. Elle ne transformera pas en profondeur le droit de la chasse – elle n’y a pas vocation –, mais, par petites touches, elle s’attache à atteindre l’objectif énoncé par Victor Scherrer dans le rapport intitulé Réinventer la chasse au 21e siècle qu’il a rédigé pour le Conseil économique, social et environnemental : « la chasse, réinventée pour le 21e siècle, contribue à la restauration de la qualité écologique des territoires ruraux et au rétablissement de liens sociaux harmonieux ». Cet objectif doit être aujourd’hui le nôtre.

Mes chers collègues, je souhaite que votre vote soit identique à celui de la commission de l’économie afin de démontrer, une fois de plus, que le Sénat est une réelle force de proposition, d’adaptation et de modernisation, aujourd'hui au service de la chasse et du monde rural. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Joseph Kergueris applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 avril dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté à l’unanimité des présents la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse de notre collègue Pierre Martin.

Je me réjouis de voir notre collègue de retour dans notre hémicycle après une interruption de plusieurs semaines pour des raisons de santé : je le vois d’attaque, non pas pour chasser en l’occurrence (sourires), mais pour défendre sa proposition de loi, qu’il a déposée le 15 mars 2010 et que nous avons adoptée en y apportant quelques modifications.

Je tiens à saluer le travail que Pierre Martin a effectué et à le féliciter d’avoir été à l’initiative d’un texte qui, comme il vient de nous l’exposer, vise, d’une part, à rappeler le rôle essentiel des chasseurs en matière de préservation de la biodiversité et, d’autre part, de manière plus concrète, à améliorer la pratique de la chasse.

Ce texte, élaboré un peu plus d’un an après la dernière loi relative à la chasse, la loi du 31 décembre 2008, dont j’étais à l’origine, constitue le sixième texte relatif à la chasse en un peu plus de dix ans. Est-il vraiment utile ? Ma réponse est clairement oui, car le monde de la chasse est confronté à un double contexte que vous connaissez tous, mes chers collègues, et que vient d’évoquer Pierre Martin.

En premier lieu, on assiste à une diminution constante du nombre de chasseurs, qui a été divisé de moitié en à peine une génération. Les pratiquants sont en effet moins de 1,3 million aujourd’hui, alors qu’ils étaient le double dans les années 1970. Il n’y a qu’un seul moyen d’agir face à cela : il faut rendre la chasse toujours plus accessible et toujours plus attractive.

En second lieu, le rôle et la place des chasseurs en tant qu’acteurs de la préservation de la biodiversité ont évolué, cette évolution étant inextricablement liée à la baisse de leur nombre.

Des états généraux de la chasse se sont tenus à Paris en février dernier. Plusieurs d’entre nous y ont d’ailleurs assisté et votre intervention, madame la ministre, y a été très appréciée. Ces états généraux ont été l’occasion de débattre du rôle et de la place de la chasse dans la société d’aujourd’hui et de demain, et d’analyser, en toute logique, l’évolution majeure qui a caractérisé le début du XXIe siècle : l’émergence du concept même de biodiversité.

Au cours de ces dernières années, les acteurs concernés sont parvenus à trouver un équilibre agro-sylvo-cynégétique, qui s’est traduit par une volonté de protéger et de restaurer les zones humides, d’indemniser les dégâts de gibier et, enfin, d’améliorer et de moderniser la gestion de la pratique de la chasse. Ce serait une erreur de le remettre en cause.

Dans ce double contexte, cette proposition de loi courte et efficace a le mérite de remédier aux insuffisances de la législation en vigueur et de conforter le rôle des chasseurs.

J’apporterai deux précisions avant d’examiner ce texte.

Tout d’abord, l’élaboration de ce texte a fait l’objet, cher Pierre Martin, d’une réelle concertation en amont. J’ai eu, en tant que rapporteur, l’occasion de m’en rendre compte au fil des auditions – une vingtaine – que j’ai effectuées.

Ensuite, comme vous le savez sans doute, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a inscrit à son ordre du jour une proposition de loi déposée près d’un an après celle que nous examinons aujourd’hui et qui reprend l’essentiel de ses dispositions. Ce procédé, qui n’est pas très élégant, ne doit pas nous empêcher d’examiner sereinement et sérieusement notre texte.

Pierre Martin ayant très bien exposé les enjeux de sa proposition de loi, je serai bref et me concentrerai sur les modifications apportées par la commission de l’économie.

La proposition de loi initiale comportait huit articles. Elle en comporte toujours huit : en effet, la commission de l’économie a supprimé un article, mais elle en a inséré un nouveau.

Sur mon initiative, la commission de l’économie a étendu le champ d’application de l’article 1er aux fédérations régionales des chasseurs. En effet, ces dernières mènent, au même titre que les fédérations départementales et interdépartementales, des actions d’information et de sensibilisation en matière d’environnement : il est donc nécessaire de l’inscrire dans le code de l’environnement.

La commission a également adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction de l’article 2 visant à faire bénéficier les installations de chasse situées en zone humide de l’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties prévue par le code général des impôts afin d’inciter à la préservation des zones humides. Aujourd’hui, ces territoires ne peuvent en bénéficier par principe, dans la mesure où la condition de préservation de l’avifaune est réputée incompatible avec la pratique de la chasse, ce qui est surprenant. L’article 2, tel qu’il a été rédigé par la commission, précise donc clairement que cet engagement de gestion n’exclut pas, par principe, la pratique de la chasse.

L’article 3, sur lequel est longuement intervenu l’auteur de la proposition de loi, remplace la notion d’ « écosystème » par celle de « biodiversité ». Il a été adopté sans modification.

L’article 4 traitant d’un sujet particulièrement important, permettez-moi de m’y arrêter un instant.

Il existe en France entre 700 et 800 territoires non chassés, territoires privés et publics, communaux ou appartenant à l’État. Certains de ces territoires sont très étendus, comme les terrains militaires. Ces zones posent le problème, soulevé depuis plusieurs années déjà, des dégâts provoqués par le gibier qui s’y accumule. Ces dégâts représentent environ 1,5 million d’euros à la charge des fédérations départementales, soit 5 % de leur facture annuelle. En outre, le gibier qui s’accumule sur ces territoires non chassés provoque non seulement des dégâts agricoles, mais également des dégâts matériels et humains en raison des nombreux accidents qui en découlent, comme l’a fort justement souligné François Patriat lors de la réunion de la commission.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion des articles, mais l’article 4 règle un problème important. Il prévoit que le préfet peut, à la demande de la fédération de chasse, imposer le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire de l’un de ces territoires qui ne régule pas ou ne procède pas à la régulation des animaux présents sur son territoire alors que ceux-ci causent des dégâts. En cas de refus du propriétaire, le préfet pourra exiger une indemnisation financière.

L’article 5 apporte de la souplesse au dispositif de regroupement des associations communales de chasse agréées en une seule association intercommunale. Ces associations ont aujourd’hui la possibilité de se regrouper, mais en gardant chacune leur personnalité propre. Cet article leur permettra de fusionner si elles le souhaitent.

Quant à l’article 6, qui vise à assouplir les modalités d’adhésion aux ACCA, la commission de l’économie en a adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction, fondée sur une proposition, que je qualifierai de très responsable, des ACCA elles-mêmes. Il s’agit d’éviter les effets néfastes de la désertification humaine dans certaines communes. En effet, des pans entiers du territoire pourraient se trouver privés de toute forme de gestion cynégétique.

Aujourd’hui, lorsque vous achetez un terrain soumis à l’action d’une ACCA, le droit de chasser est transféré à l’ACCA et vous ne pouvez en disposer. Le nombre de membres des ACCA ne cesse donc de diminuer. Tel qu’il est désormais rédigé, l’article 6 prévoit deux cas de figure. Si l’acquéreur achète l’intégralité de la propriété, il est alors reconnu membre de droit de l’ACCA, s’il en fait la demande. Si l’acquéreur achète une partie de cette propriété, et si cette fraction est supérieure à 10 % du seuil d’opposition en vigueur pour le département – taux suggéré par les ACCA elles-mêmes et non imposé par le Parlement –, il est reconnu membre de droit de l’ACCA. Même si le taux est inférieur à 10 % – cerise sur le gâteau ! –, l’ACCA peut, dans ses statuts, prévoir que le nouvel acquéreur pourra devenir membre de l’association.

À l’article 7, qui prévoit de rectifier une erreur matérielle concernant la réfaction sur la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs, la commission de l’économie a introduit, sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, la possibilité pour tout détenteur d’une validation départementale de son permis de chasser d’obtenir une validation d’un jour valable dans un autre département.

Cette mesure est un petit clin d’œil aux chasseurs qui n’est pas inutile. La chasse se pratique en effet en grande convivialité. Très souvent, on est invité et on renvoie l’invitation. Grâce à cette mesure, on peut obtenir l’autorisation d’aller chasser dans un département voisin pour une journée.

L’article 8 initial de la proposition de loi, qui prévoyait un rapport du Gouvernement sur les modalités d’un éventuel suivi par l’Observatoire national de la délinquance des exactions commises par les extrémistes lors des chasses et des réponses pénales, a été unanimement rejeté par la commission, en accord avec Pierre Martin – que j’avais auditionné par téléphone dans la période difficile qu’il a traversée –, dans la mesure où le décret prévoyant le délit d’entrave à la chasse a enfin – et je vous en remercie, madame le ministre – été publié le 4 juin 2010.

Il a été inséré, à mon initiative, un article additionnel visant à combler une lacune à l’article L. 141-1 du code de l’environnement. Ce nouvel article précise que les fédérations régionales et interdépartementales des chasseurs sont, comme les fédérations départementales, éligibles à l’agrément au titre de la protection de l’environnement.

Voilà en quelques mots, mes chers collègues, l’essentiel des propositions de la commission, qui modifient ou entérinent les articles du texte initial présenté par notre collègue Pierre Martin. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Joseph Kergueris applaudit également.)