Mme Lucette Michaux-Chevry. Effectivement, mes chers collègues, la Guyane et la Martinique sont différentes, mais, en tout état de cause, tous les pouvoirs seront concentrés entre les mains d’une seule personne en Guyane : ceux du département, et ils sont nombreux, ainsi que ceux de la région, tout aussi nombreux !
Certes, la commission permanente sera élue à la proportionnelle, mais regardons les choses en face : lorsqu’un président un tant soit peu aguerri veut obtenir une majorité, il sait quels moyens utiliser pour y parvenir. On sait ce qu’il en est ! Quand un président présente son compte administratif, c’est-à-dire son compte de gestion, personne ne le critique ! Je le sais pour l’avoir vécu en tant que présidente d’une instance où siégeaient vingt-neuf élus : aucun ne disait rien quand je présentais mon compte administratif, même parmi les membres de l’opposition…
En ce qui concerne la Martinique, ce qui m’inquiète, c’est le scrutin de liste pour l’élection du conseil exécutif. L’assemblée n’aura plus aucun pouvoir ! Certes, l’opposition pourra toujours s’exprimer, déposer des amendements, critiquer, mais le conseil exécutif détiendra tous les pouvoirs.
Je pense que je voterai cet article, mais je tiens à souligner que l’outre-mer réclame depuis toujours un contre-pouvoir. Que l’opposition s’exprime n’a jamais gêné les détenteurs du pouvoir !
La création d’un superprésident en Guyane et d’un conseil exécutif tout-puissant en Martinique suscitera des frustrations au sein des assemblées : vous ne tarderez pas à vous en apercevoir. Accorder les pleins pouvoirs à une seule personne ou à un seul camp n’est pas une bonne option en matière de gouvernance. Pour ma part, je pense au contraire que, pour répondre aux attentes de l’outre-mer, il faut favoriser la discussion, le débat avec l’opposition, la pleine expression du pluralisme. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’élection des assemblées à la proportionnelle, afin d’y assurer une représentation de tous les courants. (M. Claude Lise applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais faire remarquer aux uns et aux autres qu’il revient à chaque collectivité de choisir. Des révisions constitutionnelles ont ainsi permis aux collectivités, aux départements de choisir leur évolution. Ensuite, on consulte les populations et elles prennent leurs responsabilités.
Il est curieux de distinguer le pouvoir d’un président de conseil général ou régional et celui d’un président de conseil exécutif. Dans toute assemblée, qui a le pouvoir ? Imaginez quel pouvoir détient le président de la région d’Île-de-France, qui gère des sommes colossales !
M. Bernard Frimat. Dans ce cas, le pouvoir est bien exercé ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien ou mal, c’est une autre question ! Mais j’espère que le mandat n’est pas reconduit lorsque le pouvoir est mal exercé !
Le président d’un exécutif a un pouvoir de proposition, mais ne peut pas prendre de décisions, sauf concernant la gestion, car il revient tout de même aux assemblées de voter.
Le système proposé est aussi pluraliste dans la mesure où, comme vient de l’expliquer notre collègue Georges Patient, la commission permanente sera désignée à la proportionnelle. Il s’agit, en réalité, d’un système départemental, qui présente des caractéristiques l’apparentant toutefois, sur le plan de l’élection, au système régional. Mais rien n’interdit à une collectivité de demander un jour des évolutions.
Certains veulent absolument, pour la Guyane, le modèle que la Martinique a choisi explicitement. Mais lorsque la population a refusé que la collectivité soit régie par l’article 74 de la Constitution, cela signifiait aussi qu’elle voulait rester dans le système actuel, à la fois départemental et régional.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Mais non !
M. Jean-Étienne Antoinette. Cela veut dire que la Martinique n’est pas régie par l’article 73 ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez très bien compris ce que je veux dire, mon cher collègue ! Dans cette affaire, respectons la volonté qui s’est dégagée.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je voudrais formuler deux remarques à la suite des propos qui viennent d’être tenus.
Sur le fond, tout d’abord, le Gouvernement n’entend pas créer, au travers de l’évolution institutionnelle, deux catégories de territoires, comme il a pu exister, par le passé, des départements-régions d’outre-mer, d’une part, des collectivités d’outre-mer, d’autre part. Il a fait le choix de responsabiliser les élus, comme ceux-ci le souhaitaient, me semble-t-il.
Il ne faut pas essayer d’opposer Martinique et Guyane, car ces deux territoires ne sont pas du tout comparables. Considérons plutôt leurs projets respectifs : que veulent les Guyanais pour assurer demain leur développement économique ? Que souhaitent les Martiniquais ? Si la Martinique entend être beaucoup plus étroitement associée au développement de la Caraïbe, peut-être a-t-elle intérêt à faire le choix qu’elle opère aujourd'hui.
Il revient donc aux élus de déterminer quel statut est le plus propre à leur permettre d’atteindre leurs objectifs. La volonté du Gouvernement est de les accompagner dans cette démarche. La presse s’en est fait l’écho, je considère que nous aurons peut-être, à terme, autant de statuts que de territoires, chacun de ces statuts étant lié à la relation particulière qu’entretient le territoire avec la métropole.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. N’imposons pas un modèle unique aux territoires. Respectons le choix des élus, en garantissant simplement qu’il permettra un bon fonctionnement des institutions, et respectons aussi la volonté de la population, qui nous a fait savoir qu’elle entendait rester dans le cadre de l’article 73 de la Constitution !
Seconde remarque, il n’y aura jamais de statut parfait. Ce sont les hommes qui feront qu’un statut sera viable et permettra à la collectivité de fonctionner. Lorsqu’une collectivité est dirigée par une personne faisant preuve d’esprit d’ouverture, l’opposition peut parfaitement s’exprimer, quel que soit le modèle institutionnel en vigueur.
Pour ma part, je crois beaucoup plus en l’esprit de responsabilité des hommes qu’en la perfection d’un quelconque statut juridique. Tel est le message que je tenais à vous adresser, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. La gouvernance est un sujet important. Je persiste à croire qu’il n’y a pas, en la matière, d’un côté le bien, de l’autre le mal.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh non !
M. Bernard Frimat. On peut exprimer une préférence pour un mode d’organisation se rapprochant plutôt de celui des régions actuelles, avec un président et une commission permanente élue à la proportionnelle, ou au contraire pour un système voisin de celui qui est en vigueur en Corse. Cela est compréhensible et légitime.
Au-delà, des doutes se sont fait jour sur la position majoritaire des élus. En Martinique, le congrès s’est réuni et s’est prononcé, mais cela n’a pas été le cas en Guyane, à cause de divers blocages. Dans ces conditions, il me semble naturel que des positions divergentes se soient exprimées dans cette enceinte.
In fine, je puis vous rejoindre sur un point, madame la ministre : « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », et si « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Je laisse à chacun le soin de chercher, en fonction de ses sympathies, des exemples présents et passés de telles dérives, dans l’Hexagone ou ailleurs dans le monde.
Il convient donc de renvoyer les élus de Guyane et de Martinique à leurs responsabilités, car tout est affaire de comportement. Nous savons tous que des dérives sont possibles, qu’un homme dont le charisme a soulevé les foules et permis l’élection peut se transformer, par la suite, en un potentat et se conduire comme tel dans l’administration de sa collectivité. Les institutions ont leurs limites, nous en reparlerons à propos d’autres textes.
Pour ma part, j’ai trop entendu, dans cet hémicycle, un ministre nous expliquer en quoi le dispositif qu’il proposait était un modèle, qui permettrait d’instaurer la stabilité. La confrontation à la réalité fut douloureuse, et il est apparu que le problème était plus complexe que ne le laissaient croire des affirmations péremptoires…
En l’espèce, la grandeur du débat républicain est de respecter tant la position de M. Antoinette que celle de M. Patient.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que je fais !
M. Bernard Frimat. Je vous en donne acte, monsieur le président de la commission des lois.
Comme je l’ai indiqué ce matin lors de la discussion générale, je sais ce qu’est le droit, mais je ne sais pas ce qu’est une vérité institutionnelle. Même si un tel propos peut choquer, je sais aussi que le droit, c’est souvent la codification d’un rapport de force tel qu’il existe dans une société. Ce qui est considéré comme légal à une époque donnée dans un certain pays, dans des circonstances particulières, sera considéré comme illégal, voire criminel, dans un autre pays, à une autre époque.
Il faut raison garder. Dans ce débat, le véritable enjeu est de savoir comment l’évolution institutionnelle pourra donner à la Guyane et à la Martinique les moyens de se développer non pas en comptant seulement sur leurs propres forces, mais en utilisant toutes les richesses de leur territoire avec le soutien résolu de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 106.
M. Bernard Frimat. Je soutiens la position de la commission, qui a émis un avis défavorable sur cet amendement du Gouvernement.
Comme l’a bien souligné Mme Michaux-Chevry, le président de la nouvelle collectivité unique sera à la fois président d’un conseil général et président d’un conseil régional. Très honnêtement, on peut penser que, en matière de mandats locaux, cela suffit et qu’il faut s’en tenir là si l’on souhaite que le pluralisme vive. Je salue la grande sagesse de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà un amendement qui pourrait donner des idées à d’autres collectivités ! C’est tentant …. (Sourires.)
L’outre-mer, semble-t-il, est précurseur en matière d’incompatibilités. Je suivrai donc la commission.
Mme la présidente. Monsieur Jean-Étienne Antoinette, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?
M. Jean-Étienne Antoinette. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 61 est retiré.
Monsieur Jean-Étienne Antoinette, en est-il de même de l'amendement n° 65 ?
M. Jean-Étienne Antoinette. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 65 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. J’indique au Sénat que la commission suit l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° 103 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l’amendement n° 60.
M. Bernard Frimat. La commission a émis un avis de sagesse positive sur cet amendement, qui vise à rendre obligatoire la saisine du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge.
C’est dans cet hémicycle, je le rappelle, que la création de ce conseil consultatif a été décidée, sur proposition – je parle sous le contrôle des élus de Guyane – de notre ancien collègue Georges Othily.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Bernard Frimat. Il faut prendre conscience de l’étendue géographique de la Guyane et de ses particularités, du Maroni à l’Oyapock ! Je trouve donc tout à fait positive l’initiative qui consiste à demander que ce conseil consultatif soit saisi sur les textes concernant la Guyane, sachant qu’à défaut de réponse dans le délai d’un mois son avis est réputé avoir été donné.
De plus, une telle proposition sera, j’en suis certain, considérée comme un signe de reconnaissance par les populations amérindiennes et bushinenge.
À mes yeux, mais mes collègues en parleraient certainement mieux que moi, il est d’autant plus important d’adopter cet amendement qu’une partie des populations amérindiennes est actuellement très déstabilisée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Étienne Antoinette. Comme vient de le rappeler notre collègue Frimat – je vais d’ailleurs renchérir sur ses propos –, la commission a émis un avis de sagesse plutôt favorable sur cet amendement.
Nous connaissons tous la situation dramatique que subissent actuellement les communautés amérindiennes, tant sur l’Oyapock que sur le Maroni. Au moment où nous mettons en place des institutions, ce ne serait pas donner un signe fort que d’exclure définitivement du processus de décision ces communautés, tant amérindiennes que bushinenge.
Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je voudrais lever toute ambiguïté.
Il est évident que la place des communautés amérindiennes est très importante. D’ailleurs, lors de l’examen de la loi pour le développement économique des outre-mer, le Gouvernement les avait soutenues et mon prédécesseur avait fait en sorte qu’elles trouvent toute leur place.
Cela étant, si le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement, c’est parce qu’il convient de bien faire la différence entre ce conseil consultatif, qui rend un avis mais dont la consultation est facultative, et la section de la culture, de l’éducation et de l’environnement du Conseil économique, social, environnemental et culturel.
Ce dernier a le statut d’organe institutionnel de la collectivité, alors que le conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge est un organe complémentaire qui permet d’éclairer les décisions de la collectivité, mais qui n’a pas le même pouvoir décisionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Après Bernard Frimat et Jean-Étienne Antoinette, je voudrais à mon tour insister sur l’importance du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge.
Ne serait-ce que pour permettre une plus grande représentativité de ces populations dans les organes, mêmes consultatifs, de Guyane, nous ne pouvons être que très favorables à un tel amendement.
Nous y reviendrons tout à l’heure lorsque nous parlerons du découpage ou des sections, mais, si nous mettons tant en avant la diversité, c’est bien pour que ces populations se retrouvent dans certains de ces organes de Guyane.
Il est vrai que ce conseil a été mis en place à l’époque, mais il faut reconnaître que ses moyens sont actuellement très limités. M. Le rapporteur lui-même laissait entendre que ses membres n’ont même pas de quoi payer le carburant nécessaire pour se rendre en pirogue aux réunions qui se tiennent à Cayenne !
Par conséquent, même s’il ne s’agit pas d’un organe composé d’élus, il convient de lui donner une place importante dans ce projet de loi.
Mme la présidente. Madame Terrade, acceptez-vous de corriger l’amendement n° 6 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?
Mme Odette Terrade. J’accepte de supprimer le paragraphe I, afin de ne laisser subsister que le paragraphe II.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mmes Terrade, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 374
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est associé ou participe, au sein de la délégation française, à la négociation des projets d'accords visés au premier alinéa de l'article L. 7153-1.
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Dans le cadre de la discussion générale, j’avais expliqué que le seul enjeu de ce projet de loi était celui de la gouvernance, dans la mesure où il s’agit d’additionner les compétences du conseil général et du conseil régional, sans moyens financiers supplémentaires.
Or l’amendement n° 66, que j’ai défendu, n’ayant pas été adopté, je voterai contre l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote sur l'article.
M. Claude Lise. Pour ma part, je m’abstiendrai, même si j’ai été convaincu par les arguments de notre collègue Antoinette, car je ne veux pas prendre parti dans ce débat guyanais.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communes aurifères de Guyane, cette population est la population totale multipliée par 1,193. »
II. – Les conséquences financières pour l’État résultant de la majoration de la dotation globale de fonctionnement sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. La mission commune d’information du Sénat relative à la situation des départements d’outre-mer, dans son rapport Les DOM, défi pour la République, chance pour la France,100 propositions pour fonder l’avenir, a fait le constat, déjà bien établi, d’un recensement lacunaire de la population des DOM.
Cette sous-évaluation s’explique en partie par les difficultés de recensement de la population. C’est particulièrement le cas en Guyane française, où ce problème se pose avec une très grande acuité, en raison de l’importance de la population vivant en situation irrégulière.
Cet amendement vise à multiplier par 1,193 la population totale recensée dans les communes aurifères de Guyane. Le résultat obtenu sera pris en compte dans le calcul de la dotation forfaitaire allouée à ces collectivités territoriales.
J’ajoute qu’il existe une association déclarée des communes aurifères de Guyane. En effet, treize des vingt-deux communes de ce département sont aurifères, et la dangerosité des opérations de recensement ne permet pas aux services de l’INSEE de procéder au décompte exhaustif de la population.
À la page 89 de son rapport annuel 2009, l’IEDOM Guyane, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, indique que, « selon les sources, la Guyane compterait entre 3 000 et 15 000 orpailleurs clandestins ». Sur la base de la population officielle de ces communes en 2011, les orpailleurs clandestins représentent entre 3,98 % et 19,88 % des populations recensées. Sur la base d’une population moyenne clandestine de 9 000 personnes, la proportion des clandestins représente 11,93 % des populations recensées par l’INSEE.
Face à l’impossibilité pour les services de l’INSEE de procéder à un recensement efficace des populations des communes aurifères de Guyane, il paraît légitime de majorer le nombre d’habitants pris en compte pour le calcul des dotations de l’État, comme cela se pratique déjà en France métropolitaine. Je pense, par exemple, à la majoration par place de caravane pour les aires d’accueil des gens du voyage.
Le ministère de l’intérieur et l’INSEE, qui a reconnu l’impossibilité d’effectuer ce recensement eu égard à la dangerosité de la situation, sont saisis de cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Je serai bref.
En effet, tous les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 2 revêtant une dimension financière, il me semble qu’ils trouveraient mieux leur place dans un projet de loi de finances.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils ont déjà été présentés dans ce cadre !
M. Christian Cointat, rapporteur. Ils devront l’être à nouveau.
Les sujets évoqués sont extrêmement importants et particulièrement sensibles. Bernard Frimat et moi-même avons pu toucher du doigt cette réalité sur le terrain. Il est vrai, par exemple, que l’indice superficiaire, dont il est question à l’amendement n° 83, n’est absolument pas adapté à la Guyane. Il est également curieux de constater que des dérogations sont accordées aux communes situées en zone de montagne en métropole, alors que celles qui sont implantées en zone forestière en Guyane ne bénéficient d’aucun aménagement de la législation. Pourtant, toutes ces communes ont les mêmes responsabilités.
Les dispositions concernant l’octroi de mer ou les mines n’ont pas non plus leur place dans ce projet de loi. Elles aussi doivent être examinées dans le cadre d’un projet de loi de finances.
C’est pour cette raison de forme, et non de fond, que la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 81 ainsi que sur l’ensemble des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements relatifs à des dotations financières. Pour autant, cela ne signifie pas que nous sous-estimons les difficultés financières rencontrées par la Guyane. La preuve en est que, au cours de la réunion qui avait pour objet de rendre un arbitrage sur certaines décisions concernant cette évolution institutionnelle, le Président de la République nous a demandé d’être attentifs à la situation de ce territoire.
Monsieur le sénateur, eu égard aux propos que vous avez tenus ce matin, je souhaite vous rassurer. Nous avons en effet progressé sur un certain nombre de points.
Le 7 juin prochain, je serai amenée à présider une réunion, à laquelle participera mon collègue Philippe Richert, destinée à évoquer l’ensemble des questions concernant les dotations des collectivités, en particulier celles de la Guyane. Il n’existe aucune volonté de notre part de réduire les dotations, bien au contraire.
Au cours de ces dernières années, le Gouvernement a toujours soutenu la Guyane. Je vous rappelle que ce département a notamment bénéficié d’une dotation exceptionnelle de 5 millions d’euros pour la construction de ses établissements scolaires. La question du foncier a également été revue, ce qui a permis d’alléger la participation financière des collectivités territoriales. En outre, vous le savez, un décret permettant à l’État de mettre gratuitement à disposition les terres dont il est propriétaire sera prochainement publié.
D’une manière générale, le Gouvernement fait en sorte d’accompagner la restructuration financière des collectivités.
N’oubliez pas non plus que la question des dotations renvoie aussi au fonctionnement du Comité des finances locales. Sans doute serait-il nécessaire de mener une réflexion afin que les critères concernant l’outre-mer soient mieux pris en compte dans le cadre de ses travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, sachez qu’il met tout en œuvre pour trouver des solutions adaptées pour la Guyane.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Mais si je me suis permis de revenir sur des questions que j’ai déjà évoquées ce matin, à plusieurs reprises, c’est parce que, à chaque fois, j’ai reçu la même réponse.
Sénateur depuis trois ans, je n’ai cessé d’intervenir à propos de la dotation globale de fonctionnement, de l’octroi de mer et du recensement non exhaustif mené en Guyane, qui rencontre des difficultés mises en avant, notamment, par l’INSEE.
Vous l’avez vous-même reconnu, le chef de l’État avait demandé, en novembre 2010, qu’un rapport sur les finances locales soit présenté en même temps que ce projet de loi. Or le texte que nous examinons se borne à additionner les recettes du conseil général et du conseil régional, sans prévoir de ressources nouvelles.
En réponse à mes amendements, vous m’opposez le fait que les questions financières n’auraient pas leur place dans le cadre de notre discussion. Quoi qu’il en soit, j’irai au bout de ma démarche et, s’il le faut, comme je l’ai évoqué ce matin, je déposerai une question prioritaire de constitutionnalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Je tiens à réagir à l’intervention de M. le rapporteur, qui nous demande de redéposer nos amendements dans le cadre d’un projet de loi de finances. Pourtant, la commission et le Gouvernement le savent bien, à ce moment-là, nous entrons dans le cadre général des finances de la nation ; il ne s’agit pas seulement de se prononcer sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
M. Jacques Gillot. Nous savons déjà ce que penseront nos collègues de nos propositions : « Ils vont encore nous piquer de l’argent ! ». Ils vont donc de nouveau s’y opposer.
Si je comprends que M. le rapporteur et Mme la ministre demandent à M. Patient de retirer ses amendements, qui n’entrent effectivement pas dans le cadre de ce projet de loi, je m’étonne qu’ils ne s’engagent pas à les soutenir à l’occasion de l’examen d’un autre texte.
Je redoute que nos populations n’interprètent ces avis défavorables de la commission et du Gouvernement comme un refus d’accompagner les instances qui vont être mises en place.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.