M. Christian Cointat, rapporteur. Sur l’amendement n° 15, la commission a émis un avis défavorable puisqu’il s’agit de réduire la prime majoritaire de neuf à quatre.
Avec l’amendement n° 71, vous proposez, monsieur Lise, de ramener la prime de neuf à cinq.
Certes, ainsi que vous l’avez dit, la prime de onze sièges prévue par le texte n’a pas fait l’objet de consensus.
Mais, mon cher collègue, aujourd'hui, pour l’élection d’un conseil régional, la prime est de 25 %, alors qu’avec onze sièges à la Martinique, elle serait de 20 %. C’est déjà moins. Quant à la commission, elle descend à neuf.
Si nous avons retenu ce chiffre, c’est pour avoir une référence. En l’occurrence, cette référence remonte à 2009, date à laquelle, en dépit de l’opposition de M. Desessard, les deux chambres du Parlement ont voté l’augmentation de trois à neuf sièges de la prime majoritaire en Corse.
Si nous avons pris la Corse pour référence, c’est parce que son Assemblée compte 51 membres, comme en Martinique, et qu’elle a un conseil exécutif de huit membres, plus un président du conseil exécutif.
En 2009, le Parlement avait voté l’augmentation de la prime majoritaire à neuf sièges parce qu’il avait estimé que ce chiffre permettait d’assurer un équilibre, dans la mesure où il assurait une prime majoritaire significative tout en laissant au jeu démocratique la possibilité de s’exprimer. Avec neuf sièges, la prime est de 17 %, soit, reconnaissez-le, une certaine réduction par rapport à 25 %.
Nous avons donc eu l’impression d’aller dans votre sens même si nous savions que nous ne vous donnerions pas satisfaction, mon cher collègue. Au demeurant, admettez que nous avons fait un pas vers vous, tout en nous fondant sur une décision adoptée dans notre assemblée. Nous avons pensé qu’un choix effectué dans notre assemblée, dans des conditions comparables, pouvait être réédité.
Nous ne pouvons pas descendre plus bas. En effet, pourquoi nous arrêter à tel ou tel chiffre ? Pourquoi nous arrêter sur cinq ou quatre ?
Je dois reconnaître que la proposition du groupe CRC-SPG se justifierait davantage puisqu’elle consiste à attribuer un siège par section, ce qui nous amène à quatre. À la limite, vous auriez pu, chers collègues, le porter à deux par section, ce qui aurait donné huit. Mais je ne comprends pas comment on en arrive à cinq. Pourquoi pas six ?
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 71.
J’en arrive à l’amendement n° 72, qui, pour être, je l’avoue, assez astucieux, n’en est pas moins assez compliqué. En effet, il consiste à appliquer une prime de 20 % sur le nombre de sièges obtenus, c'est-à-dire que la liste majoritaire, qui peut l’être avec 20 ou 25 sièges sans avoir la majorité absolue, se verra appliquer une prime de 20 %. En réalité, cela ne lui permettra pas de gouverner parce qu’il pourra très bien arriver que la liste située en tête n’ait pas suffisamment de sièges pour avoir la majorité absolue.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 72.
Quant à l’amendement n° 16, il vise à revenir à quatre sièges. La commission y est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je souscris aux explications de M. le rapporteur. Le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Antoinette et Patient, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Après le mot :
éligibles
insérer les mots :
dans chacune des sections
et après les mots :
sont domiciliés dans
insérer les mots :
la section de la
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement vise à faire obligation aux candidats à l’Assemblée de la collectivité territoriale d’être inscrits dans la section dans laquelle figure la liste sur laquelle ils sont inscrits.
Dans le système électoral que crée cet article 6, les candidats figurent sur une liste unique qui se décompose elle-même en autant de listes que de sections. Chaque candidat est donc associé à une liste et à une section.
Le principe même qui nous fait adopter la division de la circonscription unique en sections est d’assurer une représentation de chaque territoire et de sa population. Chaque section correspond donc à des entités humaines, sociales, géographiques dont le découpage respecte les obligations imposées par le Conseil constitutionnel sur le découpage des circonscriptions.
Pourquoi le Conseil impose-t-il ces règles strictes de découpage ? Il l’explique dans ses décisions par le principe de base démographique de l’élection afin d’assurer une représentation égale de la population, c’est-à-dire assurer à chaque circonscription la présence de représentants au sein du collège des élus.
Un autre principe du droit électoral veut que le candidat soit inscrit sur les listes électorales de la circonscription qu’il veut représenter, l’objectif étant que ce soit un membre de la communauté qui représente les membres de la collectivité dont il fait partie à l’assemblée des élus.
Si le texte présent fait l’analogie, à juste titre, entre section et circonscription pour les conditions de découpage afin de respecter la base démographique de l’élection, il peut le faire entre la section et la circonscription pour l’obligation d’inscription sur la liste électorale afin d’être certain que chaque section soit représentée par un de ses membres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Je comprends très bien pourquoi cet amendement a été déposé. En effet, si on veut que certains territoires de Guyane soient représentés, encore faut-il qu’ils le soient par des gens qui les connaissent.
Je vous répondrai, mon cher collègue, qu’avec le système de répartition des sièges par section qui est préconisé – répartition des sièges par section et non pas d’une manière globale –, si les partis politiques qui présentent des candidats veulent recueillir des voix et avoir des élus, ils ont intérêt à présenter des candidats connus dans la section. Sinon, ils risquent d’avoir de grosses désillusions !
Je crois donc que, par la force naturelle des choses, l’équilibre souhaité sera atteint, peut-être pas à la première élection, mais en tout cas par la suite.
Cela dit, il se trouve que nous sommes dans le domaine de l’article 73, c'est-à-dire dans le droit commun. Aussi, même s’il procède d’une démarche intéressante, cet amendement ne peut recevoir notre accord.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 67 et 68
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 138, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 85
Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 558-22. - Pour les déclarations de candidature avant le premier tour, le candidat désigné tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de quarante-huit heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la collectivité, qui statue dans les trois jours.
« Lorsque le refus d'enregistrement est motivé par l'inobservation des dispositions des articles L. 558-10, L. 558-11, L. 558-13 ou L. 558-20, la liste dispose de quarante-huit heures pour se compléter, à compter de ce refus ou de la décision du tribunal administratif confirmant le refus.
« Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la candidature est enregistrée si le tribunal administratif, saisi par le candidat tête de liste ou son mandataire, n'a pas statué dans le délai prévu au premier alinéa.
« Pour les déclarations de candidature avant le second tour, le candidat désigné tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la collectivité, qui statue dans les vingt-quatre heures de la requête. Faute par le tribunal d'avoir statué dans ce délai, la candidature de la liste est enregistrée.
« Dans tous les cas, les décisions du tribunal administratif ne peuvent être contestées qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection.
« Art. L. 558-22-1. - Aucun retrait volontaire ou remplacement de candidat n'est accepté après le dépôt d'une liste.
« Les listes complètes peuvent être retirées, avant le premier tour, au plus tard le quatrième samedi précédant le scrutin, à midi ; avant le second tour, avant l'expiration du délai de dépôt des candidatures. La déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste. Il est donné récépissé des déclarations de retrait.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 93
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 558-25. - L'État prend à sa charge les dépenses provenant des opérations effectuées par les commissions instituées par l'article L. 558-24 ainsi que celles qui résultent de leur fonctionnement.
« Sont remboursés aux listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés : le coût du papier, l'impression des bulletins de vote, affiches, circulaires et les frais d'affichage. Un décret en Conseil d'État détermine la nature et le nombre des bulletins, affiches et circulaires dont le coût est remboursé ; il détermine également le montant des frais d'affichage.
« Art. L. 558-25-1. - Les articles L. 165, L. 211 et L. 215 sont applicables à l'élection des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 99, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – En conséquence, après l’alinéa 99
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 558-27-1. - Les voix données aux listes comprenant un candidat qui a fait acte de candidature sur plusieurs listes sont considérées comme nulles ; ces listes ne peuvent obtenir aucun siège.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s’agit là encore d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DES JURIDICTIONS FINANCIERES
Article 7
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° L’article L. 212-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-12. – I. – Les chambres régionales des comptes de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ont le même président, les mêmes assesseurs et le ou les mêmes représentants du ministère public. Le siège de chacune des chambres régionales des comptes, qui peut être le même, est fixé par décret en Conseil d’État.
« II. – Pour l’application du présent code en Guyane :
« 1° La référence au département, au département d’outre-mer, à la région ou à la région d’outre-mer est remplacée par la référence à la collectivité territoriale de Guyane ;
« 2° La référence au conseil général ou au conseil régional est remplacée par la référence à l’Assemblée de Guyane ;
« 3° La référence au président du conseil général ou au président du conseil régional est remplacée par la référence au président de l’Assemblée de Guyane.
« III. – Pour l’application du présent code en Martinique :
« 1° La référence au département, au département d’outre-mer, à la région ou à la région d’outre-mer est remplacée par la référence à la collectivité territoriale de Martinique ;
« 2° La référence au conseil général ou au conseil régional est remplacée par la référence à l’Assemblée de Martinique ;
« 3° La référence au président du conseil général ou au président du conseil régional est remplacée par la référence au président du conseil exécutif de Martinique. » ;
2° Après le c du II de l’article L. 312-1, sont insérés un c bis et un c ter ainsi rédigés :
« c bis) Le président de l’Assemblée de Guyane et, quand ils agissent par délégation de celui-ci, les vice-présidents et autres membres de l’Assemblée de Guyane ;
« c ter) Le président du conseil exécutif de Martinique et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 7224-12 et L. 7224-20 du code général des collectivités territoriales, les conseillers exécutifs ; ». – (Adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 8
L’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « de président du conseil exécutif de Corse, », sont insérés les mots : « de président de l’Assemblée de Guyane, de président de l’Assemblée de Martinique, de président du conseil exécutif de Martinique » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « conseillers régionaux, », sont insérés les mots : « aux conseillers à l’Assemblée de Guyane, » ;
b) Après les mots : « conseillers exécutifs de Corse, », sont insérés les mots : « aux conseillers exécutifs de Martinique, » ;
c) Après les mots : « conseil régional, », sont insérés les mots : « du président de l’Assemblée de Guyane, » ;
d) Après les mots : « conseil exécutif », sont insérés les mots : « de Corse, du président du conseil exécutif de Martinique ». – (Adopté.)
Article 9
Le livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« CONTINUITÉ DE L’ACTION TERRITORIALE DANS LES COLLECTIVITÉS RÉGIES PAR L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 1451-1. – Le représentant de l’État dans une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution veille à l’exercice régulier de leurs compétences par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.
« Lorsqu’une collectivité néglige de prendre ou de faire prendre par un de ses établissements publics les mesures relevant de ses compétences et nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l’environnement ou au respect des engagements internationaux ou européens de la France, le représentant de l’État peut engager une procédure de constatation de l’état de carence.
« Le représentant de l’État informe la collectivité ou l’établissement public de son intention d’engager la procédure. Il lui précise les faits qui le justifient et l’invite à présenter ses observations dans le délai d’un mois. Il en informe également le Gouvernement.
« En l’absence de réponse dans le délai d’un mois ou s’il juge que les observations présentées le justifient, le représentant de l’État peut mettre en demeure la collectivité ou l’établissement public de prendre les mesures nécessaires.
« À défaut de mesures prises par la collectivité dans le délai de quinze jours à compter de la mise en demeure ou s’il juge les mesures prises insuffisantes, le représentant de l’État peut demander au Gouvernement de prononcer l’état de carence.
« Dans ce cas, le Gouvernement peut prononcer l’état de carence par décret motivé pris en conseil des ministres. Il en informe le Parlement dans le délai le plus bref possible. Ce décret attribue compétence au représentant de l’État pour arrêter, en lieu et place de la collectivité ou de l’établissement public et à ses frais, les mesures qui s’imposent.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, sur l'article.
M. Serge Larcher. L'article 9, qui institue un pouvoir de substitution renforcé du représentant de l’État, est constitutionnellement injustifié. En effet, cette disposition ne concerne que l’outre-mer et devrait donc répondre à une caractéristique particulière fondée sur l'article 73 de la Constitution. Or il n’en est rien !
La seule justification que j’ai pu relever dans le rapport est que ce dispositif permettrait de régler les difficultés posées aux autorités françaises par l’absence d’application de certaines règles fixées par le droit communautaire. En effet, la France a été condamnée pour non-respect de dispositions communautaires. Est-ce particulier à l’outre-mer ? Je ne le crois pas !
En réalité, ce renforcement des pouvoirs du préfet est un choix politique stigmatisant pour tous les élus de l’outre-mer. Nous voilà revenus à une tutelle qui nous éloigne de la logique de décentralisation et de responsabilisation des élus qui semblait prévaloir dans ce texte !
Je tiens par ailleurs à souligner que ce pouvoir de substitution existe déjà sous une forme générale dans le droit des collectivités territoriales. En fait, ce renforcement s’inspire de dispositifs existants pour certaines collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Or, lors des consultations du mois de janvier 2010, les électeurs de Martinique et de Guyane ont choisi une collectivité unique demeurant régie par l’article 73 de la Constitution.
De plus, la mesure proposée est inopérante et la nouvelle rédaction adoptée par la commission des lois n’y change rien, et ce parce qu’il n’est tenu aucun compte des raisons qui pourraient provoquer l’état de carence de la collectivité concernée. Dans la réalité, la négligence prêtée aux élus est bien souvent la conséquence de situations financières et budgétaires dégradées. Cela est dû à deux facteurs principaux : la faiblesse des moyens dont disposent les collectivités d’outre-mer et, en grande partie, le désengagement de l’État.
Que peut faire le préfet en de telles circonstances ? Comment mettra-t-il en place les financements qui font défaut et les contreparties aux financements communautaires possibles dans les programmes opérationnels européens, du moins ceux de la génération actuelle ?
Dans son étude intitulée « Collectivités territoriales et obligations communautaires » du mois d’octobre 2003, le Conseil d’État précisait : « De façon générale, l’État doit veiller à définir avec clarté et simplicité les compétences des collectivités territoriale, à ne pas compliquer le droit interne applicable à celles-ci et à leur donner les moyens financiers de faire face aux compétences qui sont les leurs. » Il mettait également en garde contre la fausse solution qui consisterait à doter sur ce point les préfets d’un pouvoir de substitution.
Mes chers collègues, c’est pour cet ensemble de raisons que je vous demande de voter la suppression de cet article 9.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.
M. Georges Patient. L’organisation de l’État, plus particulièrement dans les régions d’outre-mer, conduit le représentant de l’État à exercer simultanément les fonctions de préfet de région et de préfet de département.
Le concept d’« interlocuteur unique », voire de « guichet unique », qui préside à la construction de la collectivité unique, a donc déjà été intégré dans l’organisation de l’État et se poursuit en 2011 par le regroupement des différentes directions décentralisées.
La création d’une collectivité unique, fusion du département et de la région, n’est donc pas de nature à déséquilibrer les rapports entre pouvoir national et pouvoir local. Cette évolution contribue même au rééquilibrage des pouvoirs. Le pouvoir de substitution prend surtout appui sur la condamnation de l’État dans le domaine de la gestion des déchets, dont la compétence est dévolue aux communes ou aux intercommunalités.
Jusqu’à ce jour, la décentralisation a été pour l’État un moyen non seulement d’améliorer la démocratie locale, mais également un support à la maîtrise de ses dépenses. Par absence de moyens financiers et non par mauvaise volonté, les collectivités de Guyane, en charge de la gestion des déchets, n’ont pu mettre en place les équipements requis. L’État français a donc été condamné par l’Union européenne à réaliser les équipements avec, en outre, la menace d’avoir à payer une amende substantielle. De ce fait, de manière tout à fait involontaire, les collectivités de Guyane ont inscrit des dépenses au budget de l’État, contrecarrant ainsi l’un des objectifs non avoués, mais essentiels de la décentralisation.
Par ce projet de loi, l’État souhaite que son représentant mette un terme à ce phénomène.
La carence des collectivités ne repose que sur l’absence de moyens financiers et ne reflète aucune mauvaise volonté ni irresponsabilité des exécutifs. Les collectivités n’ont pu – et ne pourront pas – mettre en place des équipements nécessaires à une bonne gestion environnementale ou en assumer les coûts d’exploitation, en particulier dans la gestion des déchets.
Or l’insuffisance des moyens résulte essentiellement de la politique financière discriminatoire cumulative de l’État à l’égard des collectivités de Guyane. J’ai eu l’occasion de développer ce point précédemment.
L’État ne peut donc pas, d’un côté, ne pas octroyer de moyens financiers suffisants aux collectivités pour réaliser des équipements, en particulier dans le domaine environnemental, dans le plus grand département de France, qui engendre des coûts proportionnels à la taille du territoire, et, de l’autre, arguer de l’absence des équipements pour se substituer aux collectivités. Le préfet n’ayant pas le pouvoir d’imputer des dépenses au budget de l’État, les dépenses consécutives à son pouvoir de substitution seront obligatoirement assumées par les contribuables et consommateurs locaux.
Je propose donc, à l’instar de mes collègues, tant cette question fait consensus, le refus catégorique de ce pouvoir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l'article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Je me joins au chœur des représentants de Martinique et de Guyane que nous venons d’écouter pour dénoncer une fois encore cet article 9, qui est perçu dans nos territoires comme le retour à la période coloniale.
C’est un retour à des temps révolus, et pas à cause de cette espèce de paternalisme de très mauvais aloi qui voudrait que le préfet prenne les rênes d’une collectivité d’outre-mer qui ne remplit pas ses obligations. Pourtant, cela seul suffirait à rendre cet article odieux. La notion même de négligence, qui conditionne la procédure de carence à l’alinéa 6, traduit la désinvolture avec laquelle est traitée la responsabilité des élus d’outre-mer choisis par leur population.
L’inacceptable, c’est la négation des acquis de la départementalisation de 1946 qui assimile aux départements de métropole les vieilles colonies devenant départements d’outre-mer. Jusqu’aux lois de décentralisation de 1982, la tutelle du préfet relevait alors de dispositions générales dans la mesure où toutes les collectivités françaises étaient soumises aux mêmes obligations.
Or, par cet article 9, vous donnez au représentant de l’État dans une collectivité ultramarine un pouvoir de contrôle beaucoup plus important qu’au préfet d’une collectivité située en métropole.
Certes, l’article 73 de la Constitution permet l’adaptation des lois pour les départements et régions d’outre-mer. Mais celle-ci est conditionnée par les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Comment justifiez-vous le pouvoir du préfet – ou du Premier ministre dans la version proposée par la commission des lois – au regard de ces circonstances locales ? Les élus ultramarins sont-ils tous irresponsables et de piètres garants de l’ordre public dans leur collectivité ? Ils ne sont rien de tout cela et doivent faire face, comme les élus de métropole, à de nombreuses charges et contraintes, avec des moyens bien inférieurs au strict nécessaire. Ils endossent déjà des responsabilités correspondant à des défaillances de l’État. C’est le cas, par exemple, en matière de transport scolaire fluvial en Guyane ou encore d’une bonne part de l’action sociale dans certaines communes.
Les contraintes particulières que connaissent nos territoires demandent des adaptations de fond de la législation plutôt qu’un renforcement excessif du contrôle du préfet. Si le maintien de l’ordre public – sécurité, salubrité et tranquillité – peut demander des mesures parfois extrêmes, mais toujours proportionnées, le contrôle du préfet, qui existe en droit positif, est largement suffisant pour en assurer le respect.
L’institution de cet état de carence n’est aucunement justifiée par les circonstances locales et constitue un signal de défiance envoyé aux élus et aux populations d’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, sur l'article.
M. Jacques Gillot. Comme le précisent nos deux collègues Christian Cointat et Bernard Frimat, rapporteurs de la mission d’information sur l’évolution institutionnelle de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, à la suite de leur récent déplacement aux Antilles, il n’y a pas que la Guyane et la Martinique qui soient concernées par l’extension du pouvoir de substitution du préfet à d’autres domaines que ceux qui sont actuellement prévus. Les autres collectivités ultramarines – Mayotte, la Guadeloupe et la Réunion – le sont également.
Le projet de loi prévoit ainsi d’instituer un nouveau pouvoir de substitution du préfet dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution, qui s’ajoute à ceux qui sont déjà prévus par le droit commun.
Le refus du renforcement du pouvoir du préfet souhaité par le Gouvernement emporte un large consensus, et pas seulement chez les élus d’outre-mer, et ce d’autant plus que cet élargissement est vaste : sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l’environnement, mais également respect par la France de ses engagements internationaux et européens.
Le cas spécifique du problème du traitement des déchets en Guadeloupe a trouvé récemment une solution, sans même que l’intervention du représentant de l’État pour défaillance ou manquement de nos collectivités ait été nécessaire. Mme la ministre peut en témoigner. Ce problème des déchets résulte du manque de capacité financière des collectivités à mettre en place les politiques de traitement des déchets. Les collectivités demandent plus à être aidées et accompagnées qu’à être contraintes !
En l’espèce, et puisque c’est le principal argument avancé par le Gouvernement pour justifier la création d’un nouveau pouvoir de substitution du représentant de l’État, l’application du droit commun suffit. Ce nouveau pouvoir est inutile. Qui plus est, il est perçu comme un symbole de recentralisation, d’atteinte au principe de libre administration des collectivités, engendrant un sentiment d’humiliation chez les élus d’outre-mer, ce qui est extrêmement négatif.
C’est pourquoi nous demandons la suppression pure et simple de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Terrade, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 26 est présenté par MM. Bel, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 17.