M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, en apparence purement technique, est en réalité une manipulation de plus de la démocratie et du suffrage universel. Mais ce gouvernement est coutumier du fait quand il s’agit des questions européennes.
Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans la lignée de toutes les mesures coercitives destinées à imposer votre conception d’une construction européenne, niant la souveraineté des peuples.
Ainsi, en 2005, les Français avaient eu la mauvaise idée de répondre très majoritairement « non » à la question qui leur était posée dans le cadre du référendum sur le projet de Constitution européenne. Qu’à cela ne tienne ! Aussitôt élu, le Président de la République fit adopter par la voie parlementaire le traité, dit « traité de Lisbonne », copie conforme du texte rejeté par le peuple français.
C’est également dans ce cadre que vous voulez maintenant faire adopter par le Parlement un projet de loi constitutionnelle qui imposerait aux majorités et aux gouvernements futurs le carcan budgétaire du « pacte pour l’euro plus ».
Il faut avoir ce contexte à l’esprit quand on lit le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
D’ailleurs, François Bayrou, qui n’est pourtant pas de mes amis politiques mais que je cite d’autant plus volontiers en la circonstance qu’il partage votre conception de la construction européenne, a pu dire à l’Assemblée nationale : « Il est peu de scandales à l’état pur, mais ce texte en est un. »
Vous tentez en effet de répondre par la loi à la question suivante : comment rectifier, après coup, des résultats électoraux qui, une fois de plus, vous ont été défavorables ?
En juin 2009, nos concitoyens se sont prononcés et ont choisi leurs députés au Parlement européen. Les Français, pour cette élection, avaient envoyé siéger une majorité de députés de l’opposition de gauche, ce qui ne correspondait donc pas à votre majorité à l’Assemblée nationale.
Or, entre-temps, une disposition du traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre de la même année, prévoyait que douze pays auraient droit à des sièges supplémentaires pour les représenter. Dès lors, se posait la question de leur mode de désignation.
Des négociations se sont ouvertes entre les États membres concernés ; elles ont abouti en 2010 à un protocole adopté par une conférence intergouvernementale, qui offrait à chaque pays le choix entre trois possibilités d’élection.
C’est là que votre gouvernement a fait preuve d’une certaine originalité politicienne. Vous avez choisi d’opter pour la solution que vous avez été seuls à proposer.
M. Michel Billout. Vous avez raison, monsieur le ministre, c’est cohérent, et aussi très pratique !
Vous avez donc opté pour la désignation, au sein de l’Assemblée nationale, des deux députés européens supplémentaires. Ce choix est tout de même choquant, et cela à plusieurs titres.
Comparée aux deux autres scénarios proposés par nos partenaires européens, c'est-à-dire l’élection au suffrage universel direct ou la référence aux résultats des dernières élections européennes, votre solution est la seule qui empêche les citoyens de choisir eux-mêmes directement, c’est-à-dire démocratiquement, leurs représentants au Parlement de Strasbourg. Ce n’est pas un détail !
Il eût été logique, et tout simplement démocratique, de procéder comme le font nos partenaires européens : avoir recours aux résultats des dernières élections européennes pour désigner soit les deux premiers non élus, soit les deux candidats de la liste ayant recueilli le plus grand nombre de voix non productives, ou bien encore avantager les régions les moins bien représentées.
En revanche, refuser de prendre le vote des Français de juin 2009 comme référence, c’est purement et simplement avouer ouvertement que vous voulez effacer ce résultat.
Cette façon de procéder risque de heurter profondément nos concitoyens. Elle accroîtra à coup sûr leur désintérêt, voire leur méfiance à l’égard de tout ce qui touche aux affaires européennes, et je le regrette profondément. S’ils ont le sentiment que leur vote est détourné et inutile, il ne faudra pas déplorer par la suite la progression des abstentions lors de ces élections, qui détiennent déjà le record à cet égard.
Je crains même que cette option ne renforce chez nous, à l’instar de ce qui se passe chez certains de nos voisins, les courants qui doutent de l’utilité de l’Europe et qu’elle ne suscite immanquablement des réflexes étroitement nationaux.
En outre, choisir de désigner les parlementaires européens au sein de l’Assemblée nationale, c’est méconnaître le principe qui fait du Parlement européen une assemblée élue sui generis et non une assemblée composée de parlementaires nationaux. De nombreuses années ont pourtant été nécessaires avant que le Parlement européen ne puisse tirer sa légitimité d’un mode de représentation directe. Or, en désignant des parlementaires nationaux pour siéger au Parlement européen, vous revenez sur l’un des acquis de la construction européenne, qui dotait l’Union d’un Parlement pourvu d’une véritable légitimité démocratique.
Notre collègue Antoine Lefèvre, dans son rapport, a bien relevé cette régression en notant qu’elle nous ramenait à une époque où le Parlement européen était une simple « Assemblée des Communautés européennes », composée de membres délégués par chaque Parlement national.
Enfin, ce mode de désignation entre aussi en contradiction avec l’Acte de 1976, en vertu duquel les représentants au Parlement européen sont élus au suffrage universel direct et à la proportionnelle.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je crois percevoir chez vous un certain malaise, une certaine difficulté à justifier et à soutenir ce texte, et, même à cette heure avancée de la nuit, ce n’est probablement pas dû à la fatigue…
Notre rapporteur a ainsi laissé apparaître quelques réticences en soulignant combien la solution choisie était peu satisfaisante, la moins mauvaise parmi de mauvaises solutions : un choix par défaut en quelque sorte.
On peut également reprocher au Gouvernement de ne pas avoir anticipé la situation créée par les conséquences du traité de Lisbonne, en réglant cette question avant les élections européennes de 2009. Cela aurait pu se faire, par exemple, en définissant avant le précédent scrutin les régions françaises devant bénéficier des deux députés supplémentaires. C’est d’ailleurs ce à quoi une réunion du Conseil européen avait invité les douze États concernés dès le mois de décembre 2008. Il faut noter que la moitié des États avaient suivi cette recommandation avant le scrutin.
Notre rapporteur a très clairement expliqué les choses à ce sujet, et je le cite avec plaisir : « Cette gestion précoce des conséquences du traité de Lisbonne aurait en effet permis de lever les obstacles juridiques et techniques soulevés par le Gouvernement, puisque les électeurs auraient pu être informés, préalablement au vote, de l’existence de deux futurs sièges à pourvoir – et donc de respecter l’impératif de sincérité du scrutin –, et que la population à prendre en compte pour l’attribution de ces sièges aurait pu être déterminée ex ante et en toute transparence. »
Certes, les situations et les modes de scrutin ne sont pas identiques dans tous les pays. Cependant, la solution originale, et contestable, que vous avez retenue ainsi que le moment choisi pour la mettre en œuvre laissent la désagréable impression d’arrière-pensées politiciennes.
D’autres critiques implicites évoquées dans le rapport sont également tout à fait pertinentes.
Il s’agit, en particulier, des conséquences que ce dispositif, juridiquement incertain, pourrait avoir sur l’Assemblée nationale.
Afin de pouvoir fonctionner correctement, c’est-à-dire d’éviter les désagréments d’élections partielles, il faudrait que le protocole de juin 2010 soit rapidement ratifié par tous les pays, avant nos élections de 2012. Sinon, il faudrait exiger de deux députés élus en 2012 d’accepter d’abandonner leur mandat pour aller siéger deux ans à Strasbourg. À la réaction de leurs électeurs, qui pourraient estimer à juste titre avoir été trompés, s’ajouterait certainement la difficulté de trouver des candidats au changement d’assemblée.
Je ne dirai qu’un mot sur le second volet de votre projet de loi, qui consiste, pour nos compatriotes installés à l’étranger, à rétablir la possibilité de voter lors des élections européennes, ce qui est une très bonne chose.
À vrai dire, je suis sceptique sur l’argumentation technique et symbolique tendant à justifier le regroupement des suffrages dans la circonscription Île-de-France. Pour autant, je ne pense pas que cela soit de nature à fausser sensiblement le sens du scrutin.
Au-delà de toutes ces difficultés et de ces graves défauts, je veux insister sur le fond et sur ce que dénote votre projet de loi.
À mesurer l’enjeu, on comprend mieux que le souci de ne pas mettre en difficulté la majorité présidentielle en proposant un vote conforme à celui de l’Assemblée nationale l’ait emporté sur toutes les autres considérations de notre rapporteur.
En effet, au travers de toutes les mesures législatives qui nous sont proposées en matière européenne et qui sont autant de subterfuges, la majorité présidentielle n’a qu’une idée en tête : faire accepter comme une fatalité la mise sous tutelle financière et budgétaire des États.
Le Marché commun, puis la Communauté européenne, l’Union européenne maintenant ont toujours présenté l’Europe comme un espace de progrès et de démocratie. Or elle devient, dans de nombreux domaines, source de diverses régressions et elle limite les souverainetés populaire et nationale.
C’est dans cet état d’esprit qu’une première fois vous avez nié le vote des Français consultés par référendum.
Avec ce projet de loi, vous voulez maintenant détourner, bien que de façon marginale, j’en conviens – mais elle n’en est que plus symbolique –, le sens de leur vote pour le Parlement européen.
Avant-hier, à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter un texte qui, sous prétexte d’équilibrer nos finances publiques, vise à institutionnaliser l’austérité économique et sociale, à soumettre notre budget au diktat de la Commission européenne et, surtout, à tenter de rendre impossible toute politique alternative à la vôtre.
Tout cela fait partie d’un ensemble cohérent, d’un carcan antidémocratique que vous mettez progressivement en place, avec la bonne conscience que vous confère le débat parlementaire.
Monsieur le ministre, vous aurez compris que, dans ces conditions, le groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du Parti de gauche ne votera pas votre projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme vous le savez, soixante-douze députés représentent actuellement notre pays au Parlement européen.
Le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, attribue dix-huit sièges supplémentaires à douze États, dont deux à la France.
Cependant, ce traité est entré en vigueur le 1er décembre 2009, c’est-à-dire après les dernières élections européennes, qui se sont tenues au mois de juin 2009. Ces deux députés supplémentaires n’ont donc pu être pris en compte lors de ces dernières élections.
Selon le protocole adopté en juin 2010 par une conférence intergouvernementale, trois options étaient envisageables pour désigner les personnes qui occuperont les sièges supplémentaires : soit l’organisation d’élections spéciales au suffrage universel direct, soit le recours aux résultats des élections européennes de juin 2009, soit la désignation par le Parlement national des députés manquants.
La France a choisi la procédure qui lui permet de désigner ses deux futurs députés européens selon une procédure ad hoc au sein du Parlement national. Ce choix est le plus raisonnable.
Si ce mode de désignation n’a été adopté que par notre pays, il n’en est pas moins légitime. L’essentiel, pour notre pays, est que nous ayons une procédure simple, sûre et acceptée par l’ensemble de nos partenaires européens. C’est le cas, et les deux députés nationaux qui seront amenés à siéger au Parlement européen disposeront de toute la légitimité que leur donnent leur élection au suffrage universel et le choix éclairé de leurs pairs.
Il s’agit aujourd’hui, pour notre assemblée, de reconnaître la légitimité et l’importance du Parlement européen.
Comme la nôtre, la légitimité des députés européens, procède du peuple. Son importance n’est plus à démontrer, même si certains de nos collègues semblent parfois feindre de l’ignorer.
L’Assemblée nationale désignera donc en son sein, à la représentation proportionnelle, les deux représentants supplémentaires. Ceux-ci siégeront jusqu’au renouvellement général de 2014.
Contrairement à ce que d’aucuns veulent faire croire, les nouveaux députés européens ne seront pas des députés européens de deuxième classe. Ils seront désignés par l’Assemblée nationale, élue démocratiquement par l’ensemble des Français.
Mme Colette Mélot. Ainsi, en allant à Strasbourg, nos deux eurodéputés supplémentaires iront renforcer les effectifs de la délégation française. Car le Parlement européen, on l’ignore souvent, est une institution stratégique pour l’influence de la France, et cette question doit faire l’objet d’une attention constante.
Le projet de loi comporte un second volet, qui constitue une avancée importante pour nos concitoyens de l’étranger, comme l’a parfaitement rappelé Robert del Picchia.
Nous allons redonner aux Français établis hors de France la possibilité de voter aux élections européennes en participant au scrutin dans leur consulat. Leurs suffrages seront comptabilisés dans la circonscription d’Île-de-France, dont le nombre de sièges sera augmenté en conséquence.
Pourquoi l’Île-de-France ? D’une part, parce que les organes de gestion de représentation des Français établis à l’étranger sont situés à Paris ; d’autre part, parce que les juridictions compétentes pour le contentieux des opérations de vote dans les circonscriptions consulaires et l’inscription sur les listes électorales consulaires ont un ressort parisien.
En revanche, il convient de préciser qu’il sera interdit aux Français résidant dans un État de l’Union européenne de voter dans leur consulat s’ils ont été admis à le faire pour l’élection des députés européens de leur pays de résidence.
À cet instant, je tiens à remercier notre rapporteur, Antoine Lefèvre, pour la qualité de son travail, ainsi que les membres de la commission des lois.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, parce que notre pays doit occuper toute sa place au sein du Parlement européen, le groupe UMP, unanime, souhaite l’adoption des deux textes qui nous sont présentés aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes sont profondément outrés par l’attitude provocatrice du Gouvernement, qui présente aujourd’hui ces deux projets de loi.
Le premier autorise la ratification du protocole sur les dispositions transitoires annexées aux traités, préalable nécessaire au second projet de loi, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen.
S’il est plus que temps de se préoccuper de cette question, la solution retenue par le Gouvernement est éminemment contestable en ce qu’elle relève d’un déni manifeste de démocratie.
En effet, le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, permet à la France de compter deux nouveaux sièges au Parlement européen, faisant passer de soixante-douze à soixante-quatorze le nombre de ses représentants.
Les dernières élections européennes, qui ont eu lieu le 7 juin 2009, se sont donc déroulées sous l’empire du traité de Nice, le nouveau traité européen n’étant pas encore entré en vigueur. Les Français n’ont donc élu que soixante-douze eurodéputés, la France n’ayant pas fait le choix d’anticiper cette augmentation du nombre de sièges, pourtant déjà prévue de longue date ! Le Conseil européen de décembre 2008 avait, en effet, déjà mis en exergue la forte probabilité d’une entrée en vigueur du traité de Lisbonne postérieure à l’élection des eurodéputés.
Cependant, monsieur le ministre, vous aviez volontairement omis d’avertir les électeurs du changement à venir ! Cela est d’autant plus surprenant que, lors de ce Conseil européen de décembre 2008 le « président de l’Union européenne », qui n’était autre que M. Nicolas Sarkozy, avait fait part de son intention de faire adopter « dès que possible » des mesures permettant d’anticiper la nouvelle répartition des eurodéputés.
D’ailleurs, l’Espagne avait fort bien compris cela puisque, lors des dernières élections européennes de 2009, quatre candidats, conformément au nombre de sièges supplémentaires alloués à cet État, ont été désignés afin qu’ils puissent siéger dès novembre 2009 au Parlement européen.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je tiens à vous faire part aujourd’hui, monsieur le ministre, de toute mon indignation face à la procédure choisie par le Gouvernement pour désigner ces deux nouveaux députés européens. Cette opportunité que nous offre le traité de Lisbonne, vous l’avez transformée en un déni de démocratie !
Permettez-moi donc de vous rappeler que les principes de transparence démocratique et du droit à des élections libres impliquent que les règles électorales soient définies et déterminées de manière objective avant chaque scrutin. Or le projet relatif à l’élection des députés européens que vous nous proposez aujourd'hui est particulièrement attentatoire à ces principes fondamentaux et engendre évidemment de nombreuses difficultés.
En effet, l’article 1er de ce projet de loi dispose que « les membres de l’Assemblée nationale élisent, en leur sein, les deux représentants supplémentaires au Parlement européen ».
Sur douze États européens ayant obtenu un nombre plus important d’eurodéputés, onze ont fait le choix de désigner ces « députés Lisbonne » en se fondant sur les résultats des dernières élections européennes. Le douzième, la France, se démarque de cette logique, au profit de la solution antidémocratique que vous nous soumettez aujourd’hui.
Pourquoi ne pas avoir adopté un dispositif similaire ? Tout simplement pour avantager de façon honteuse votre majorité !
La France aurait logiquement dû, en effet, appliquer la même règle dans les régions désavantagées du point de vue du nombre d’élus rapporté à la population, ce qui aurait conduit à déclarer élus députés européens un député Europe Écologie, dans la circonscription Nord, et un élu UMP, dans la circonscription Ouest.
Vous bafouez sans vergogne la démocratie et l’éthique politique puisque cette décision d’élire deux eurodéputés au sein de l’Assemblée nationale organise un cumul des mandats déguisé. En effet, si l’article 3 du projet de loi pose le principe du non-cumul des mandats de député et d’eurodéputé, rien n’impose à ces nouveaux « députés Lisbonne » de cesser leurs mandats locaux. Encore un cumul annoncé, un de ces cumuls que dénoncent régulièrement les écologistes !
De surcroît, cette décision ne correspond pas au choix des électeurs. En effet, s’ils élisent, lors des élections législatives le candidat qui leur semble être le meilleur pour les représenter à l’Assemblée nationale, ils ne souhaitent pas forcément pour autant que cette même personne les représente au Parlement européen.
De même, les citoyens se sont prononcés, lors des élections européennes, pour des candidats précis figurant sur une liste. Par la mise en œuvre de la méthode choisie par le Gouvernement, le résultat ne correspond pas au choix de nos concitoyens, et ne respecte donc pas l’expression du suffrage universel.
Vous avez l’occasion de prouver à la France que la démocratie a un sens, tout comme le vote des Français. Ne cédez pas à l’opportunisme !
Je veux enfin vous rappeler le contenu de l’article 1er de l’Acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, pris par le Conseil européen, tel que modifié par la décision du Conseil du 25 juin 2002. Cet article 1er dispose : « Les représentants, au Parlement européen, des peuples des États réunis dans la Communauté sont élus au suffrage universel direct. » Le présent projet de loi n’est donc pas en conformité avec nos engagements communautaires !
Je me permets également de vous rappeler, monsieur le ministre, la position de notre commission des lois, qui estime que « la solution retenue par le Gouvernement était peu satisfaisante ». Cela figure à la page 14 du rapport de M. Lefèvre. Votre texte est donc loin de faire l’unanimité !
C’est aux citoyens qu’il revient de décider qui ils entendent voir siéger au Parlement européen. Par ce projet de loi, le Gouvernement « court-circuite » le processus démocratique et ternit, aux yeux de tous nos partenaires européens, l’image de la France.
Enfin et surtout, j’espère que nul n’aura oublié que les écologistes, clairement désavantagés par votre texte, n’ont eu de cesse d’alerter sur la nécessité de prendre position de façon anticipée quant à la détermination de ces représentants au Parlement européen.
Pour ce qui est du Sénat, je rappellerai la question écrite posée dès le 21 mai 2009 par ma collègue Marie-Christine Blandin, qui vous sollicitait déjà en précisant : « Une méthode démocratique et concertée respectant le pluralisme et la géographie électorale est indispensable pour définir comment seront désignés ceux qui compléteront notre représentation. Cette méthode mérite d’être collectivement définie avant le scrutin européen, et connue de tous. »
Malheureusement, nos espoirs seront restés vains et aucune réponse n’a été apportée à cette question.
Les sénatrices et sénateurs écologistes sont donc, pour toutes ces raisons, fermement opposés au vote de ce texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je tiens à apporter brièvement certaines précisions aux différents intervenants, afin d’éclaircir quelques points du débat ou rétablir quelques vérités.
Richard Yung, puis Michel Billout et enfin Mme Boumediene-Thiery nous ont expliqué, au moins de manière implicite, que le dispositif proposé serait juridiquement incertain. Or, comme l’a rappelé Colette Mélot, cette solution a certes été choisie par la France, mais elle résulte d’une décision unanime du Conseil européen et elle est conforme au droit européen. J’ajoute qu’elle a été validée par le Conseil d’État, votée par l’Assemblée nationale et approuvée par la commission des lois du Sénat.
Lorsqu’un dispositif fait l’objet, tout à la fois, d’une décision unanime du Conseil européen, d’une validation par le Conseil d’État et d’un vote positif à l’Assemblée nationale et en commission des lois du Sénat, il est tout de même difficile d’affirmer qu’il est juridiquement incertain !
Mme Alima Boumediene-Thiery. La majorité est très influente !
M. Philippe Richert, ministre. Par ailleurs, vous avez laissé entendre, monsieur Billout, que les résultats de l’UMP aux élections européennes n’avaient pas été bons. Or, je le rappelle, l’UMP a obtenu 29 % des suffrages, le PS 14 %, et les Verts 14 %. Je veux bien admettre que le score de notre parti n’était pas extrêmement flatteur, mais il a tout de même totalisé un peu plus de voix que le PS et les Verts réunis ! (M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères opine.) Alors, il faut tout de même raison garder !
Comme l’ont noté plusieurs intervenants, la date de la ratification du protocole est encore incertaine, notamment au regard du déroulement du processus en Grande-Bretagne, mais aussi dans d’autres pays.
Mme Boumediene-Thiery a cité l’Espagne en exemple, mais en laissant quasiment entendre que les députés supplémentaires espagnols siégeaient déjà au Parlement européen. Or ils ne pourront y siéger que lorsque l’ensemble des États concernés seront parvenus au bout du processus.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je n’ai pas dit qu’ils siégeaient, j’ai dit qu’ils avaient été élus par anticipation !
M. Philippe Richert, ministre. À l’heure actuelle, il n’y a aucun député supplémentaire au Parlement européen.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Évidemment !
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur del Picchia, vous avez d’ailleurs souligné l’intérêt de subordonner la désignation par la France des deux députés européens supplémentaires à l’entrée en vigueur du protocole modificatif. Au demeurant, l’article 4 du protocole l’exige.
Vous avez par ailleurs évoqué l’initiative du député britannique Andrew Duff concernant l’évolution du scrutin européen, aux termes de laquelle vingt-cinq députés pourraient être élus sur une liste transnationale. Je ne suis pas en mesure de dire si l’institution d’une telle liste serait de nature à mieux faire percevoir à nos concitoyens l’intérêt des élections européennes... Personnellement, je ne suis pas convaincu que cela permettrait d’améliorer la participation des citoyens aux élections européennes, mais je n’ai pas d’élément tangible à faire valoir pour appuyer cette impression.
En tout état de cause, il nous faudra sans doute réfléchir à la façon dont les choses se passent aujourd'hui dans notre pays. La régionalisation des élections européennes n’a certes pas comblé, cela a été dit, tous les espoirs que l’on avait placés en elle, mais je ne suis pas sûr pour autant que des élections à l’échelle européenne, si l’on devait y venir un jour, puissent apporter davantage de résultats en termes de participation.
S’agissant d’un éventuel rattachement des Français de l’étranger aux départements et collectivités d’outre-mer pour les consultations électorales, le Gouvernement n’a pas souhaité faire ce choix afin de ne pas donner le sentiment que ces collectivités ne seraient pas considérées comme les régions métropolitaines. Le débat, me semble-t-il, est aujourd'hui clos : pour les raisons d’ordre pragmatique que rappelait tout à l’heure Colette Mélot, les Français résidant hors de France sont rattachés à la circonscription d’Île-de-France.
Ne voulant pas prolonger le débat, je m’en tiendrai, pour l’heure, à ces quelques éléments, mais je suis prêt à communiquer par écrit des réponses plus complètes à ceux d’entre vous qui le souhaiteraient. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
projet de loi autorisant la ratification du protocole modifiant le protocole sur des dispositions transitoires annexé à trois traités européens
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les dispositions transitoires annexé au traité de l’Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique.
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole modifiant le protocole sur les dispositions transitoires annexé au traité sur l'Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, signé à Bruxelles, le 23 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
projet de loi relatif à l’élection des représentants au parlement européen
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen.
Chapitre Ier
Dispositions organisant, à titre transitoire, l’élection en France de deux représentants supplémentaires au Parlement européen
Article 1er
(Non modifié)
Jusqu’au renouvellement général du Parlement européen suivant la publication de la présente loi, et par dérogation aux dispositions de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les membres de l’Assemblée nationale élisent, en leur sein, les deux représentants supplémentaires au Parlement européen à élire en France en vertu du protocole du 23 juin 2010 modifiant le protocole sur les dispositions transitoires, annexé au traité sur l’Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique.