M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : le dispositif proposé est un cavalier législatif et n’a rien à faire dans un texte sur la fonction publique.
Au demeurant, le Gouvernement est opposé à l’adoption à cette mesure pour des raisons de sécurité juridique. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Madame Virginie Klès, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Non, je le retire, monsieur le président. Nous essaierons de faire en sorte qu’une telle mesure fasse l’objet d’un texte de loi comportant un article unique.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Le Menn et Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 23 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels recrutés en qualité de fonctionnaires par un syndicat interhospitalier conservent ce statut nonobstant cette transformation. »
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. L’article 23 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit que les syndicats interhospitaliers seront « transformés, sans dissolution ni création d’une personne morale nouvelle, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, soit en communauté hospitalière de territoire, soit en groupement de coopération sanitaire, soit en groupement d’intérêt public » avant le 21 juillet 2012.
Le décret fixant les conditions d’application de cette disposition n’a toujours pas été publié. En l’état actuel du droit, les personnels fonctionnaires ne peuvent pas être recrutés dans les nouvelles structures, les communautés hospitalières de territoire, ou CHT, les groupements de coopération sanitaire, ou GCS, et les groupements d’intérêt public, ou GIP, en gardant leur statut.
Lors de l’examen de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, déposée par M. Jean-Pierre Fourcade, mon groupe et moi-même avions déposé un amendement similaire à celui qui est présenté aujourd’hui afin de permettre aux personnels concernés de poursuivre leur carrière de fonctionnaires jusqu’au bout dans ces nouvelles structures.
À l’époque, Mme Muguette Dini, la présidente de la commission des affaires sociales, et M. Alain Milon, le rapporteur de la proposition de loi, avaient émis un avis favorable. Le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, nous avait répondu qu’il s’agissait d’un « véritable sujet » et promis de présenter au plus vite des solutions à la représentation nationale.
Le ministre s’étant engagé, nous lui avions accordé notre confiance et nous avions retiré notre amendement. Or rien n’a été fait depuis lors.
Cet amendement vise donc à nouveau à inscrire dans la loi le maintien du statut des personnels ayant été recrutés en qualité de fonctionnaires par un syndicat interhospitalier par la suite transformé en CHT, en CGS ou en GIP. Le présent véhicule législatif permettra ainsi de sécuriser juridiquement la situation administrative de ces personnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettrait aux fonctionnaires déjà employés au sein des syndicats interhospitaliers de conserver leur statut lors de la transformation du syndicat en groupement d’intérêt public ou en groupement de coopération sanitaire, comme cela est prévu par la loi HPST.
Cette mesure destinée à garantir la bonne organisation de ces structures répond à l’évidence à un principe d’équité à l’égard des fonctionnaires ayant déjà rempli leurs fonctions au sein des structures concernées. En effet, il est indispensable de maintenir en leur sein les compétences nécessaires à un bon fonctionnement. De ce point de vue, le changement de forme juridique ne doit pas provoquer des ruptures ou des régressions.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. M. le Menn soulève un vari problème, que nous sommes en train de régler par voie de circulaire. Je ne pense donc pas qu’il faille une mesure législative. En effet, le ministre de la santé a pris les dispositions en cas de transformation des établissements en GIP.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. Jacky Le Menn. Certainement pas ! On l’a déjà fait une fois !
M. François Sauvadet, ministre. Je le répète, une mesure législative ne s’impose pas, puisque le problème est sur le point d’être réglé par une circulaire. D’ailleurs, je peux vous la faire parvenir si vous le souhaitez.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais saluer l’état d’esprit qui a présidé à ces travaux pendant deux jours et vous en remercier.
La transcription dans la loi d’un accord syndical qui, vous le savez, a été signé par six des huit organisations syndicales est un moment important non seulement pour l’ensemble des fonctionnaires, mais aussi, et Mme le rapporteur l’a rappelé, pour la démocratie sociale.
Je me réjouis que ce projet de loi permette de régler le premier problème, celui de la précarité, grâce à la CDIsation, qui pourra concerner 100 000 fonctionnaires, à la valorisation des acquis de l’expérience et à une possibilité de titularisation qui concernera 50 000 agents.
Le projet de loi comporte également des mesures facilitant la mobilité, c'est-à-dire les évolutions de carrière et la prise en compte dans cette évolution de l’aspiration des agents eux-mêmes. Il porte aussi sur la question des moyens syndicaux, qu’aucun gouvernement n’avait abordée depuis une trentaine d’années. Ces moyens seront sécurisés et la transparence sera assurée. Nous procédons également à une réforme de l’encadrement supérieur, notamment pour la fonction publique territoriale. Je tenais donc vraiment à saluer cette belle unanimité.
Pour ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que l’égal accès de tous aux emplois de la fonction publique, une première étape a été franchie au Sénat. À ce titre, je remercie particulièrement Mme le rapporteur de l’aide qu’elle nous a apportée.
J’indique que la loi fera obligation de remettre annuellement un rapport et d’organiser chaque année un débat public sur cette question. J’espère que la disposition sera validée par le Sénat. Ainsi, les évolutions pourront être mesurées avec précision. Il en va de même pour le handicap.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le futur conseil commun de la fonction publique a recueilli aujourd’hui même l’avis favorable du Conseil d’État. Là aussi, je me réjouis de la coopération avec le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et le conseil supérieur de la fonction publique de l’État. Le futur conseil commun sera installé, comme j’en avais pris l’engagement auprès des organisations syndicales et, à travers elles, des fonctionnaires, le 31 janvier prochain.
Cette avancée offre des perspectives professionnelles aux fonctionnaires en tenant compte de leurs goûts et leur ouvre l’accès aux trois fonctions publiques afin d’améliorer les évolutions de carrière. Ces personnels pourront, ainsi, assumer pleinement une mission qui n’est pas comme les autres, car s’engager dans la fonction publique, c’est être au service de l’intérêt général et défendre certaines valeurs.
Le Sénat, c’est tout à son honneur, a adressé aujourd’hui un signal fort de convergence, qui prend en compte les mutations profondes et les efforts qui sont demandés à chaque agent.
Je vous remercie très sincèrement de la qualité des débats et du fort engagement manifesté par l’ensemble des groupes. (Applaudissements sur diverses travées.)
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 26 janvier 2012, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-231 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Réforme des ports d'outre-mer
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports (projet n° 205, texte de la commission n° 268, rapport n° 267).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est une traduction concrète de la politique maritime voulue par le Gouvernement.
Le comité interministériel de la mer du 10 juin dernier a décidé de réformer en profondeur la gouvernance des ports d’outre-mer, dans le prolongement de la réforme portuaire métropolitaine de 2008.
Quatre ports sont concernés par cette réforme : les ports de Fort-de-France en Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane, de Port Réunion à La Réunion relevant de l’État et le port autonome de la Guadeloupe.
En raison de la disparité des statuts des ports maritimes des départements d’outre-mer, le Gouvernement avait décidé, dès 2008, que la réforme serait engagée, dans un premier temps, dans les seuls ports métropolitains. Cette réforme métropolitaine étant aujourd’hui achevée, il s’agit d’étendre, dans les meilleurs délais, la modernisation des ports aux départements d’outre-mer.
À ce jour, les installations des trois ports d’outre-mer relevant de l’État sont confiées en gestion aux chambres de commerce et d’industrie.
Cette dualité entre l’État et son concessionnaire est cause de dysfonctionnements et de dilution des responsabilités. Par ailleurs, elle n’est pas adaptée aux exigences croissantes de réactivité du commerce maritime international.
Enfin, la représentation des collectivités territoriales au sein des instances de gouvernance paraît insuffisante, en dépit de leur rôle croissant dans le développement économique local.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui vise donc essentiellement à permettre aux ports d’outre-mer de mieux s’intégrer dans leur environnement régional et de valoriser pleinement leur potentiel de développement.
Pour ce faire, la réforme doit contribuer, dans chacun des départements d’outre-mer, au développement de l’économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont en effet au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement de ces territoires et sont, à ce titre, un élément essentiel de la compétitivité de ces derniers. Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu décisif pour le maintien de la paix sociale.
Le projet de loi a également pour objet de renforcer la place des collectivités territoriales afin que le développement des ports d’outre-mer accompagne et favorise l’évolution des territoires sur lesquels ils sont implantés. La représentation des chambres de commerce et d’industrie, jusqu’à présent très importante en raison, notamment, de leur position particulière de concessionnaire, a également été prise en compte.
Le projet de loi qui vous est soumis comprend trois grands axes.
Le premier est de prévoir de transformer les trois ports d’intérêt national, ainsi que le port autonome de la Guadeloupe, en grands ports maritimes, établissements publics nationaux. Ce statut leur permettra, d’une part, de diversifier leurs ressources, notamment par la mobilisation d’emprunts, et, d’autre part, de se recentrer sur des missions d’aménageurs et de pôle commercial. Ils seront mieux à même de répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.
Les futurs grands ports maritimes regrouperont les personnels des services portuaires des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, soit environ 80 agents, avec les personnels actuels des concessions portuaires, soit environ 340 personnes. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et de regrouper les compétences techniques et les moyens sous une seule entité. Le projet de loi vise à garantir, en ce sens, l’unicité de fonctionnement et de gestion des ports. J’y vois un gage d’efficacité et de fiabilité.
Le deuxième apport du projet de loi concerne la gouvernance.
Comme dans le régime des grands ports maritimes métropolitains, ces nouveaux établissements publics portuaires seront dotés d’une gouvernance modernisée, mais celle-ci sera adaptée aux spécificités ultramarines. Le projet de loi prévoit, ainsi, la création de plusieurs structures : un conseil de surveillance de dix-sept membres permettant d’assurer la représentation de l’État et des collectivités, du personnel, des personnalités qualifiées et des chambres de commerce et d’industrie ; un directoire collégial composé de trois membres ; un conseil de développement, consultatif, composé de vingt membres. Ce dernier permettra, notamment, d’assurer la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs intéressés par la vie portuaire.
Pour répondre aux attentes des acteurs locaux, nous avons prévu une représentation renforcée des collectivités territoriales ainsi qu’une représentation accrue des chambres de commerce et d’industrie, très impliquées dans les ports d’outre-mer.
J’ai bien noté, par ailleurs, votre souci d’associer au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement. Sachez que je serai attentif à cette demande dans le cadre de la désignation des membres du conseil. Je sais combien il est important de maîtriser les prix afin que les ports d’outre-mer continuent à être des poumons économiques stratégiques pour ces territoires.
En outre, le projet de loi prévoit désormais, et je m’en félicite, l’institution d’un conseil de coordination interportuaire pour la zone Caraïbe. Ce nouveau conseil permettra à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Guyane d’adopter une stratégie partagée pour faire face aux enjeux actuels, qu’il s’agisse de l’élargissement du canal de Panama ou du développement de l’activité de croisière.
Pour autant, je souhaite revenir, mesdames, messieurs les sénateurs, sur une disposition adoptée par l’Assemblée nationale, qui vise à prévoir la consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance. Le Gouvernement a déposé un amendement rédactionnel sur ce point afin de faciliter le dispositif de consultation.
Le troisième élément du projet de loi concerne les activités de manutention.
L’ensemble des activités de manutention demeureront de la compétence des nouveaux établissements publics portuaires créés en outre-mer. Le projet de loi prévoit, cependant, la faculté pour chacun d’entre eux d’envisager à terme, s’ils le souhaitent, une cession des outillages selon les possibilités d’ouverture à la concurrence locale.
Comme vous le savez, ce projet de loi est le fruit d’une concertation préalable approfondie que Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, et moi-même avons menée avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée. Je pense, notamment, aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et d’industrie, aux professionnels portuaires, ainsi qu’aux représentants des personnels.
Ce texte représente, en ce sens, un compromis équilibré entre la nécessaire modernisation des ports ultramarins et la prise en compte des situations locales, compromis très attendu par l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse des professionnels ou des organisations syndicales. Le Gouvernement est par conséquent très attaché au respect des équilibres trouvés, qui visent à apporter les meilleures garanties possibles à la mise en œuvre de ces nouveaux établissements publics portuaires.
Au-delà de ces dispositions, je tiens à rappeler que l’État continuera à soutenir une politique d’investissement durable et significative en outre-mer afin de permettre à ses ports de moderniser leurs infrastructures et de s’adapter à l’évolution du commerce maritime. Comme il le fait pour les grands ports métropolitains, l’État poursuivra également sa participation aux opérations de dragage dans les ports ultramarins concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que s’achève en France « l’année des outre-mer », le texte sur lequel vous allez vous prononcer constitue une étape cruciale dans le développement de la compétitivité de nos territoires ultramarins.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Jusque-là, tout va bien !
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président de la commission, j’ai presque achevé mon propos : je ne devrais donc pas vous décevoir !
Cette réforme constitue l’assise d’une ambition renouvelée pour notre économie maritime ultramarine, une ambition partagée par nombre d’entre vous, au-delà des clivages politiques. La France ne serait pas une grande puissance maritime sans ses outre-mer, et nous devons, plus que jamais, nous donner les moyens d’une politique forte pour le développement de ces territoires. Pour cela, nous avons besoin de nouvelles structures organisées de manière optimale.
Par ailleurs, le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens dans le domaine des transports.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. In cauda venenum !
M. Thierry Mariani, ministre. Rassurez-vous, les ordonnances pour lesquelles l’habilitation est sollicitée ne contiennent pas de venin ! Elles contribueront, pour plusieurs modes de transport, à améliorer la sécurité et à faciliter les formalités administratives ou l’exercice des activités des opérateurs économiques.
Pour répondre à cet objectif, le projet de loi vise notamment à parfaire la transposition du règlement de 2009 dit « paquet routier » concernant les conditions d’accès à la profession de transporteur.
Les ordonnances visent, par ailleurs, à étendre, conformément à la position défendue par mon prédécesseur, les dispositions relatives au temps de travail au profit des conducteurs routiers indépendants.
Elles ont également pour objectif de permettre l’adoption du cadre technique nécessaire, tout d’abord, à la sécurité aérienne et à la conduite des enquêtes de sécurité à la suite d’accidents aériens ; ensuite, au déploiement de systèmes dits de transport intelligents destinés à permettre aux différents utilisateurs d’être mieux informés et de faire un usage plus sûr, plus coordonné et plus « intelligent » des réseaux de transport ; et, enfin, à la mise en place, pour les navires, de procédures dématérialisées de déclaration d’entrée et de sortie des ports.
Je connais les réticences du Parlement à accepter les demandes d’habilitation du Gouvernement à prendre certaines dispositions urgentes par voie d’ordonnance. L’Assemblée nationale a d’ailleurs réduit le délai accordé au Gouvernement, lequel a accepté cet effort qui lui était demandé.
Votre commission a décidé de supprimer les ordonnances du texte que nous examinons. Mais, dans le cas présent, il s’agit véritablement pour la France de respecter ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens. Seules les ordonnances portant sur des dispositions pour lesquelles la France risque d’être condamnée pour défaut de transposition ont été introduites dans le projet de loi initial. Le Gouvernement souhaite leur réintroduction par voie d’amendements. Chacun le sait, si nous ne mettons pas rapidement en œuvre les dispositions communautaires concernées, la France encourra des sanctions financières que nous pouvons encore éviter.
Aussi, à l’instar du débat constructif qui s’est tenu à l’Assemblée nationale au-delà des clivages politiques, je forme le vœu que la Haute Assemblée prenne conscience, dans sa légendaire grande sagesse, de ces enjeux déterminants pour la crédibilité de la France en Europe et pour l’avenir de nos finances publiques, quels que soient ceux qui en seront responsables à l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. le président de la commission de l’économie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Odette Herviaux, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans après la réforme des ports maritimes hexagonaux, nous examinons aujourd’hui le projet de réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État.
La commission de l’économie se réjouit à deux titres du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
D’une part, la commission se félicite que le Gouvernement ait déposé un texte portant spécifiquement sur les outre-mer. Trop souvent en effet – nos collègues ultramarins l’ont dénoncé à de nombreuses reprises –, la détermination des règles législatives applicables aux outre-mer est renvoyée à des ordonnances, comme ce fut le cas dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
D’autre part, la commission de l’économie salue l’utilisation par le Gouvernement, une fois n’est pas coutume, du premier alinéa de l’article 73 de la Constitution, qui autorise l’adaptation de la législation nationale aux réalités des départements d’outre-mer. Trop souvent également, les dispositions législatives nationales votées par le Parlement sont inadaptées aux réalités des outre-mer, comme l’avait notamment souligné en 2009 la mission d’information sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par Serge Larcher et dont le rapporteur était Éric Doligé.
Sur le fond, la commission de l’économie estime que la réforme des ports d’outre-mer telle qu’elle est prévue par l’article 1er du projet de loi constitue une réforme importante pour les outre-mer, attendue avec impatience par les acteurs locaux. Elle est relativement consensuelle, comme vous l’avez souligné dans votre propos, monsieur le ministre.
Ce texte est essentiel pour nos départements d’outre-mer, car le port constitue bien souvent, plus qu’une infrastructure, un « poumon économique » incontournable. Le rôle du port est bien plus important en outre-mer que dans l’Hexagone, où il a pourtant déjà une place importante.
Le port constitue en effet le point quasiment unique d’approvisionnement : dans les quatre départements concernés par le présent projet de loi, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, plus de 95 % du fret transite par le port. De ce fait, il est vital pour le bon fonctionnement de l’économie des départements concernés que le port fonctionne en continu. Sa paralysie entraîne celle de l’ensemble de l’économie.
Je souhaite souligner ensuite que la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État est aujourd’hui indispensable.
Le fonctionnement de ces ports, et notamment celui des trois ports d’intérêt national concédés aux chambres de commerce et d’industrie, est plus que perfectible, comme l’a souligné un rapport de 2009 cosigné par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le conseil général de l’environnement et du développement durable.
Les conclusions de ce rapport étaient particulièrement sévères. Elles dénonçaient le caractère illisible de l’organisation de ces ports, avec une direction bicéphale État-chambre de commerce. Elles pointaient un mauvais fonctionnement de la formule de la concession, les concessionnaires ayant rarement été à la hauteur. Ainsi, la trésorerie des ports a parfois servi à financer la concession aéroportuaire. Elles soulignaient également que l’État s’était désintéressé de la gestion de ces ports, en n’assurant aucun contrôle de l’activité des concessionnaires. Par exemple, bien que la trésorerie des trois ports concédés ait été excédentaire, l’État n’a jamais imposé une baisse des tarifs portuaires ! Monsieur le ministre, cette situation est incompréhensible quand on connaît la sensibilité de la question des prix dans nos outre-mer.
Dans ces conditions, le présent projet de loi prévoit l’application aux départements d’outre-mer de la réforme portuaire de 2008, sous réserve de quelques adaptations.
Ces départements sont en effet restés à l’écart de la réforme portuaire de 2008, comme ils l’avaient été d’ailleurs de celle de 2004.
L’article 1er du projet de loi définit les modalités d’application des dispositions de 2008 aux futurs grands ports maritimes ultramarins que le Gouvernement compte créer entre juillet 2012 et janvier 2013 – j’espère que vous nous confirmerez cette volonté, monsieur le ministre.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le texte de 2008 prévoyait notamment la réforme de la gouvernance des ports avec la mise en place d’un conseil de surveillance, d’un directoire et d’un conseil de développement, ainsi que l’élaboration d’un projet stratégique par chacun des ports.
La première adaptation prévue par l’article 1er porte justement sur la composition du conseil de surveillance : elle vise à accorder davantage de place aux acteurs locaux, notamment aux chambres de commerce et d’industrie. Par ailleurs, cette composition est adaptée à la situation locale : un siège de plus est ainsi accordé aux collectivités territoriales en Guyane et en Guadeloupe, c’est-à-dire aux territoires dont les ports sont situés sur plusieurs communes.
La seconde adaptation porte sur les outillages, dont la cession constituait une disposition phare de la réforme de 2008 : par dérogation aux règles applicables aux ports hexagonaux, les grands ports maritimes pourront, s’ils le souhaitent, acquérir et exploiter les outillages, éventuellement pour s’agrandir, comme vous l’avez évoqué, monsieur le ministre.
La commission de l’économie estime que la réforme prévue par le projet de loi constitue une avancée importante.
Toutes les personnalités que j’ai auditionnées au cours de mes travaux ont affirmé leur soutien à la réforme, nombre d’entre elles estimant même qu’il fallait qu’elle entre en vigueur le plus tôt possible.
Les adaptations apportées à la réforme de 2008 sont bienvenues.
La modification de la composition du conseil de surveillance me paraît indispensable pour tenir compte des spécificités ultramarines : la surreprésentation des chambres de commerce et d’industrie est justifiée par leur rôle essentiel en matière de développement économique outre-mer et par le fait que trois d’entre elles ont géré pendant plusieurs décennies ces ports.
En ce qui concerne les outillages, le dispositif prévu est également adapté à la réalité ultramarine : il s’agit non pas d’interdire le transfert des outillages, mais de permettre à chaque port ultramarin de décider s’il les conserve. Cette question ne concerne en fait que les départements antillais. Il n’existe en effet pas d’outillage en Guyane, tandis que Port Réunion a été en avance par rapport à l’Hexagone : avant même la réforme de 2008, les outillages y étaient opérés par les manutentionnaires. Dans les Antilles, il me paraît préférable, à court terme, de ne pas prévoir le transfert des outillages, notamment parce que la prédominance au sein des manutentionnaires du principal armement pourrait conduire à une situation monopolistique.
La commission de l’économie soutient également les deux dispositions introduites dans le texte par les députés.
D’une part, la désignation des personnalités qualifiées amenées à siéger au sein du conseil de surveillance sera soumise à l’avis des collectivités territoriales. Cette disposition permettra d’associer davantage les acteurs locaux à la gouvernance des ports.
D’autre part, un conseil de coordination interportuaire est institué entre les trois ports guadeloupéen, guyanais et martiniquais. L’institution d’une telle instance de concertation est indispensable à l’heure où les deux ports antillais portent des projets qui pourraient être concurrents.
La commission de l’économie a complété la semaine dernière le projet de loi par deux dispositions qui ne remettent en rien en cause l’équilibre du texte adopté par les députés. Ces deux dispositions portent sur la question des prix, problématique particulièrement sensible dans les outre-mer et intimement liée à l’organisation portuaire.
Sur l’initiative de notre collègue Serge Larcher, la commission a prévu que le conseil de développement des futurs grands ports maritimes ultramarins comprendra au moins un représentant des consommateurs. Dans les grands ports maritimes hexagonaux, seules les associations de protection de l’environnement représentent les milieux associatifs au sein de cette instance.
Pour ma part, j’ai proposé d’introduire dans le projet de loi un article 2 bis visant à consacrer l’existence des observatoires des prix et des revenus existant dans les outre-mer, en prévoyant qu’ils assurent la transparence des coûts de passage portuaire.
Les amendements que nous examinerons tout à l’heure, déposés notamment par nos collègues ultramarins et pour lesquels la commission a émis un avis favorable, ne visent d’ailleurs pas à revenir sur les grands axes de la réforme. Ils permettent simplement de la compléter utilement.
Au-delà du bilan positif de cette réforme, je souhaite profiter de mon intervention pour appeler votre attention, monsieur le ministre, sur les attentes des acteurs locaux, et notamment des personnels.
Une fois le projet de loi définitivement adopté – nous œuvrerons pour que cela soit fait rapidement ! –, une nouvelle étape s’ouvrira avant la création effective des grands ports maritimes ultramarins. Cette étape sera notamment marquée, dans trois des quatre ports concernés, par les discussions portant sur les conditions du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie et des services de l’État concernés.
Les personnels, qui soutiennent la réforme, sont légitimement inquiets des conditions de ce transfert. Cette inquiétude s’explique en partie par le fait qu’ils ne disposent pour le moment d’aucun interlocuteur à même de répondre à leurs interrogations. Monsieur le ministre, il sera donc urgent, une fois la loi votée, que le Gouvernement nomme des préfigurateurs à même de prendre en charge cette période transitoire importante.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la commission de l’économie soutient la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État, portée par l’article 1er du présent projet de loi. Elle vous invite donc à voter le texte, modifié par les amendements sur lesquels elle aura émis un avis favorable.
Monsieur le ministre, vous l’aurez deviné, la commission n’apporte pas le même soutien aux articles 3 à 8 du projet de loi, qu’elle a supprimés – après de longs débats – la semaine dernière et que le Gouvernement nous propose de rétablir aujourd’hui. Ces articles visaient à mettre en œuvre – pour cinq d’entre eux, via le recours aux ordonnances – six textes européens portant sur des questions variées, telles que le transport routier ou l’aviation civile.
La commission de l’économie juge que les arguments développés par le Gouvernement pour justifier la présence de ces articles dans ce texte ne sont pas recevables.
D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à ne pas être convaincus par ces arguments. Mes chers collègues, permettez-moi de vous lire un court extrait de la première page du rapport de notre collègue député Daniel Fidelin, à qui je rends hommage pour la qualité de ses travaux : « [Le projet de loi] fait office de "voiture-balai". […] Une nouvelle fois, il est insupportable de voir le Parlement être quasiment forcé de se dessaisir de ses compétences car le Gouvernement n’a pas été en mesure de présenter suffisamment tôt les textes adéquats. »…