M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. J’aborderai, pour conclure, deux sujets importants à mes yeux.

Tout d’abord, la question de l’information des salariés constitue une préoccupation tout à fait légitime, partagée par les membres de la commission des lois.

Le droit actuel des procédures collectives comporte déjà de nombreuses dispositions permettant d’assurer de manière me semble-t-il satisfaisante l’information tout au long du déroulement d’une procédure collective. Je pense notamment aux rapports que l’administrateur judiciaire doit faire régulièrement au comité d’entreprise.

Sur l’initiative du groupe SRC de l’Assemblée nationale, un amendement, modifié par trois sous-amendements du Gouvernement, a été adopté s’agissant de l’information des représentants des salariés.

L’article L. 631-10-2 du code de commerce qui en est résulté organise l’information des représentants des salariés – le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel –, par l’administrateur ou le mandataire judiciaire, lorsqu’une mesure conservatoire est ordonnée dans le cadre d’une action en extension prévue à l’article L. 621-2 du même code.

À cet égard, je note que seule l’action en extension est visée, ce qui semble omettre l’action en responsabilité instituée par l’article 2 de la proposition de loi comme l’action existante pour insuffisance d’actif.

La commission des lois considère qu’il aurait été judicieux de mentionner, outre l’article L. 621-2, les deux articles L. 631-10-1 et L. 651-4 du code de commerce.

Néanmoins, la commission des lois n’a pas proposé d’amendement, considérant comme prioritaire que les mesures soient prises et applicables le plus vite possible. Toutefois, nous tenons à souligner – comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, les propos tenus en séance peuvent être utiles pour l’interprétation de la loi – que ce nouvel article se place dans le titre relatif au redressement, alors qu’il vise une disposition du titre relatif à la sauvegarde. Nous considérons donc que les administrateurs et mandataires judiciaires feront très probablement une interprétation large de leur nouvelle obligation d’information. Telle est, en tout cas, la position de la commission des lois que je tiens à affirmer très clairement : l’intention du législateur est bien que l’information des représentants des salariés, en cas de mesures conservatoires, ait lieu de manière exhaustive, dans les trois cas prévus aux articles L 621-2, L. 631-10-1 et L. 651-4 du code de commerce.

Par ailleurs – c’est le second point très important –, nous avons été informés du fait que les salariés avaient très mal perçu le rejet par l’Assemblée nationale d’un amendement portant sur leurs droits, leurs acquis et les garanties qu’ils ont pu obtenir au fil des années.

Monsieur le garde des sceaux, vous venez de confirmer, comme vous m’en avez informé hier soir, ce que vous avez écrit conjointement avec M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique aux représentants des salariés.

Je tiens donc à dire ici, à la suite des débats que nous avons eus en commission, qu’il nous paraît très important que l’action en extension de la procédure de sauvegarde, liquidation et redressement à une tierce personne emporte « des obligations sociales » – ce sont les termes mêmes figurant dans le texte. Aussi, nous nous réjouissons que vous ayez déclaré à cette tribune, au nom du Gouvernement, que vous entendez par « obligations sociales », non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour ses filiales éventuelles, ce qui relève de quatre sources : le code du travail, les conventions collectives, les accords d’entreprises et les contrats individuels.

À mon sens, en l’absence de la disposition qui n’a pas été adoptée par l’Assemblée nationale, ces quatre garanties ici proclamées engagent le Gouvernement – et même, oserais-je dire, les gouvernements futurs – et valent interprétation des termes « obligations sociales » figurant dans la proposition de loi.

Mes chers collègues, au regard de ces différentes observations et après en avoir longuement délibéré, la commission des lois vous propose d’adopter la présente proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UCR et de l’UMP.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet
Discussion générale (suite)

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Haïti

Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de présidents de commissions permanentes de la Chambre des députés de Haïti, conduite par M. Guy-Gérard Georges, président de la commission des affaires étrangères de cette assemblée. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

La délégation est accompagnée par notre collègue Bernard Piras, président du groupe sénatorial « France-Caraïbes », que je salue.

Nos collègues haïtiens sont venus étudier auprès des deux assemblées parlementaires françaises les méthodes de travail législatif et de contrôle du pouvoir exécutif mises en œuvre par nos commissions.

Deux ans après l’épreuve du séisme du 12 janvier 2010, je me réjouis que notre coopération interparlementaire reprenne son cours

Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues haïtiens, et que votre visite soit fructueuse. (Applaudissements.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet
Discussion générale (suite)

Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charles Revet.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en guise de préambule, je souhaiterais associer à mon propos mon collègue Patrice Gélard, sénateur de la Seine-Maritime, avec qui Catherine Morin-Desailly, qui va intervenir dans quelques instants, et moi-même avons suivi cet important dossier.

Chacun peut comprendre et partager, je crois, l’inquiétude des salariés que nous avons rencontrés sur le terrain, dont la démarche est toujours restée responsable et constructive.

L’annonce par M. le Président de la République, précédé sur le terrain par M. Eric Besson, ici présent, dont je salue l’engagement, d’une reprise temporaire pour six mois de l’activité de raffinage par le groupe Shell, précédent propriétaire de cette raffinerie, va permettre d’explorer les différents projets de redémarrage définitif.

En cette fin de législature, je me réjouis de la discussion de ce texte, assez consensuel, qui vise, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, à introduire dans le droit « des mesures permettant de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent les actifs de l’entreprises défaillante, organisent leur protection face au risque de voir leur responsabilité engagée, ou privent cette entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations », notamment environnementales et sociales urgentes.

En effet, des exemples récents démontrent la nécessité d’introduire dans notre droit ce type de mesures pour mettre fin à une faiblesse juridique avérée.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il existe déjà dans le code de commerce des dispositions permettant de déroger aux exigences de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, sur le fondement desquelles, même en l’absence d’une créance paraissant fondée dans son principe, le juge peut ordonner des mesures conservatoires. Cependant, ces mesures nécessitent qu’une procédure de liquidation judiciaire soit en cours.

Or, même dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la mise en cause de tiers est possible. C’est la raison pour laquelle deux nouvelles mesures nous sont proposées dans le cadre de ce texte.

Il s’agit, d’une part, d’étendre aux autres procédures collectives que la liquidation judiciaire la faculté pour les personnes pouvant exercer de telles actions d’obtenir du juge qu’il ordonne des mesures conservatoires permettant, notamment, d’éviter que tous ceux qui sont visés par ces actions ne fassent échapper à la procédure un certain nombre de biens.

Ainsi, si le responsable de l’affaire, véritable dirigeant de la société en difficulté, est propriétaire d’éléments que cette dernière détient pour son compte, il sera possible de saisir à titre conservatoire ces éléments d’actif dont il aurait pu exiger la restitution avant qu’une décision judiciaire ne retienne sa responsabilité dans la défaillance de la société. Il appartiendra au juge de veiller à ce que la mesure conservatoire soit adaptée à la nature et à l’objet des actions exercées à l’encontre du propriétaire.

Il s’agit, d’autre part, de permettre la cession, par décision de justice, des éléments d’actif, ou d’une partie d’entre eux, dans un certain nombre de cas. Par principe, les fonds provenant des opérations de la procédure sont versés à la Caisse des dépôts et consignations et ainsi protégés par la disposition suivante figurant dans le code de commerce : « Aucune opposition ou procédure d’exécution de quelque nature qu’elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n’est recevable. »

Dès lors, si la cession est autorisée ou ordonnée, le propriétaire pourra éventuellement en percevoir le prix, notamment s’il est mis hors de cause. Cependant, les sommes perçues en paiement de la cession de ces éléments doivent pouvoir, en totalité ou en partie, être utilisées par les mandataires de justice, administrateur judiciaire ou liquidateur, pour faire face à un certain nombre de dépenses liées à la détention de ces biens. Il s’agira, par exemple, des dépenses de conservation ou de celles qui sont rendues nécessaires pour prévenir des risques imminents générés par ces éléments, comme les risques de pollution, ou encore pour assurer la mise en œuvre de mesures de sécurité urgentes les concernant.

Nous nous réjouissons que l’ensemble de ces dispositions soient applicables aux procédures collectives en cours.

Face à la crise, nous avons tous un rôle à jouer. Le Gouvernement, dont je tiens à saluer la persévérance sur ces dossiers économiques complexes, car de portée internationale, n’a cessé de tenter de trouver des solutions pour répondre aux situations les plus graves et éviter, en particulier, de voir disparaître des entreprises et des emplois.

Dans ce contexte, il est essentiel de prendre des mesures destinées à prévenir le risque que des tiers fassent échapper des biens à une procédure ou puissent éviter la mise en cause de leur propre responsabilité.

C’est dans le cadre de cette rare complexité des relations économiques, susceptible de favoriser des pratiques par lesquelles certains pourraient se constituer une garantie d’immunité, que la raffinerie de Petit-Couronne, appartenant au groupe suisse Petroplus, placée en redressement judiciaire le 24 janvier dernier, aurait vu ses comptes de trésorerie en France vidés en totalité par les banques de sa société mère quelques heures avant le dépôt de bilan.

Le groupe Petroplus, propriétaire des stocks de pétrole brut présents sur le site, qui s’élèveraient à 200 millions d’euros, ne semble prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l’égard des 550 personnes employées par sa filiale française ni sa responsabilité environnementale quant aux risques de pollution liés à la vétusté du site.

Ce type de multinationale met ainsi en cause la survie de ses filiales et d’entreprises, souvent performantes, comme celle de Petit-Couronne, parfois même bénéficiaires, et ce sans tenir compte de ses responsabilités.

L’État n’est pas impuissant face aux difficultés de ces entreprises et de leurs salariés ; il peut et doit agir, notamment en faisant évoluer le cadre législatif et réglementaire applicable afin de sanctionner les abus.

Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que la proposition de loi fasse consensus et qu’elle puisse être adoptée conforme, car, la navette s’arrêtant là, elle sera opérationnelle dès la fin de la procédure législative.

C’est pourquoi le groupe UMP soutient cette proposition de loi pertinente et opportune. En tant qu’élu de la Seine-Maritime, comme mes collègues, de gauche ou de droite, j’y suis d’autant plus sensible. (M. Marc Massion s’exclame.)

Certains ont dit que la procédure législative était bâclée : certes, la discussion a été rapide ; mais comment ne pas saisir l’occasion que le calendrier législatif nous offre pour résoudre une faiblesse de notre droit et répondre ainsi à plusieurs difficultés récentes rencontrées par des entreprises françaises ?

Mes chers collègues, cette proposition de loi nous donne la possibilité d’apporter une protection efficace et concrète à un grand nombre d’entreprises en difficulté, tout particulièrement dans le cas de filiales de groupes étrangers défaillants ou sous-traitants dépendant d’un seul client.

C’est pourquoi, ainsi que je l’ai indiqué il y a quelques instants, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Bas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que, à défaut d’avoir défini une stratégie globale en matière de politique industrielle, le Gouvernement attend d’être au pied du mur pour réagir.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Très bien !

Mme Esther Benbassa. Avec sa majorité présidentielle, il n’a pas su exploiter les atouts existants pour accompagner en amont la reconversion des sites en déclin vers les secteurs industriels d’avenir. Quelque 100 000 emplois dans l’industrie ont été supprimés en France au cours des trois dernières années, plus de 750 000 depuis dix ans.

Les économistes s’accordent à dire que les déstructurations d’usines et les licenciements ne sont pas uniquement imputables à la crise. On tente de nous faire croire que celle-ci serait à l’origine de tous les maux et difficultés que connaissent aujourd’hui nos entreprises, mais il en va autrement. C’est bien à la politique catastrophique menée depuis dix ans dans ce domaine qu’incombe une grande part de responsabilité.

Avec un taux de chômage de 9,7 % pour le troisième trimestre 2011, nous avons malheureusement atteint tous les records, et ce en dépit des promesses du Président de la République. Celui-ci n’était-il pas en effet censé mettre en œuvre une politique industrielle contre les délocalisations « en choisissant les secteurs stratégiques sur lesquels concentrer nos efforts », comme lui-même l’avait annoncé en 2007 ?

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Hélas !

Mme Esther Benbassa. Tel n’a malheureusement pas été le cas. De nombreuses usines ont effectivement été délocalisées, entraînant le licenciement de centaines de salariés, la diminution de la qualité des produits et la remise en cause des acquis sociaux.

Par ailleurs, la regrettable situation de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, appartenant au groupe suisse Petroplus, à l’origine du texte qui nous est aujourd’hui soumis, est le symbole d’une industrie française abandonnée à la seule logique financière. Les sénatrices et sénateurs écologistes font donc, une fois de plus, le même constat : les salariés paient le prix de l’imprévoyance environnementale et sociale du Gouvernement.

Il eût, en effet, été préférable d’anticiper ces phénomènes, d’accompagner la reconversion des secteurs industriels du passé, à l’instar de l’acier ou de la pétrochimie, en investissant dans les industries d’avenir, pour encourager le développement durable, la dépollution des sites, la filière bois et biomasse ou les énergies renouvelables de haute technologie. Le développement de ces secteurs a d’ailleurs permis à l’Allemagne de créer un grand nombre d’emplois et, partant, de diminuer son taux de chômage, désormais à 5,5 %.

La présente proposition de loi met en place, à bon escient, un dispositif permettant de prendre des mesures conservatoires pour protéger les actifs des entreprises dès la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.

Je salue, d’ailleurs, les amendements adoptés à l’Assemblée nationale, bien que déposés par des députés de l’opposition parlementaire. Grâce à cette proposition de loi, votée en l’état par la commission des lois du Sénat, l’accent est mis désormais sur l’obligation faite aux entreprises défaillantes de répondre à leurs obligations sociales et environnementales, ainsi que sur la nécessaire information des représentants des salariés.

Le texte qui nous est soumis va donc dans le bon sens. Je m’étonne, cependant, que le Gouvernement se soit appliqué, au cours des dernières années, à faire en sorte de diminuer la responsabilité des dirigeants, réduisant ainsi à une peau de chagrin les mesures introduites par la loi du 26 juillet 2005.

Il était donc temps d’inverser la tendance, en nous intéressant de nouveau aux salariés victimes de dirigeants fautifs ayant contribué à la cessation de paiement de l’entreprise.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons et parce qu’il importe de trouver des solutions permettant de soutenir au mieux les intérêts des salariés confrontés à de telles difficultés, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Marc Massion. Très bien !

M. René Garrec. Bonne conclusion, ma chère collègue !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 janvier dernier, sitôt après la reprise de nos travaux parlementaires, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’avais tenu à alerter ce dernier sur la situation critique de la raffinerie Petroplus, située à Petit-Couronne, dans notre département.

M. Philippe Bas. Vous avez bien fait !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je dis « notre département » à dessein, puisque nous sommes plusieurs, chers collègues de la Seine-Maritime, à nous être mobilisés ce matin sur un texte de loi, certes de portée générale, mais de nature à répondre à la situation de cette entreprise.

Je ne rappellerai pas par le menu la longue histoire de la Société maritime des pétroles, de la raffinerie de Petit-Couronne construite et mise en service en 1929, longtemps exploitée par la Shell avant d’être cédée au groupe suisse Petroplus en 2005. La presse s’est fait largement l’écho non seulement des péripéties qui ont conduit malheureusement ledit groupe, enregistrant de lourdes pertes d’exploitation depuis 2009, à la cessation de paiement, occasionnant l’arrêt de la raffinerie, mais surtout, à chaque étape, du désarroi grandissant des salariés.

Au moment où nous avons été alertés sur le sujet, j’ai personnellement reçu les salariés à leur demande à la fin du mois de décembre, puis je me suis rendue sur place, une première fois, comme beaucoup d’autres élus, au début du mois de janvier. Entre-temps, les choses se sont accélérées. Aujourd’hui, il nous faut répondre à une situation d’urgence, dont chacun aura pris la mesure, le groupe Petroplus ne semblant prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l’égard des 550 employés ni sa responsabilité environnementale quant aux risques de pollution liés à la vétusté du site ainsi abandonné.

Monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, vous avez bien exposé l’objet de ce texte technique, mais stratégique : permettre de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent des actifs au sein d’entreprises défaillantes. Il est de notre responsabilité, à nous, législateurs, de veiller à répondre aux situations qui fragilisent nos entreprises tout en complétant les dispositifs existants pour faire évoluer notre droit.

Aussi, je tiens à saluer l’initiative de nos collègues députés de la Seine-Maritime, notamment Françoise Guégot, qui ont déposé le texte à l’Assemblée nationale. S’agissant du cas présent, la raffinerie de Petroplus, il s’inscrit dans la continuité d’une mobilisation générale des parlementaires et de l’ensemble des élus locaux. Cette mobilisation fut suscitée, il faut le reconnaître, par l’ensemble des salariés, dont je tiens à saluer ici l’esprit de responsabilité.

La présente proposition, de bon sens, vise donc à faire face efficacement aux comportements abusifs, en permettant l’adoption de toute disposition paralysant l’organisation de l’abandon d’une entreprise. Le code de commerce présente actuellement une lacune sur ce point. Il prévoit que des mesures conservatoires spécifiques, dérogatoires au droit commun des procédures civiles d’exécution, peuvent être adoptées au stade de la liquidation judiciaire, mais pas au stade de la sauvegarde ni à celui du redressement judiciaire. Avec les dispositions du texte qui nous sont soumises, des saisies conservatoires et des sûretés judiciaires pourront désormais être prises afin d’empêcher des dirigeants, peu scrupuleux, d’organiser leur insolvabilité.

Pour dire vrai, ce texte de portée générale fait partie intégrante d’un plan de sauvetage plus large du site visant à permettre le redémarrage de la raffinerie.

Il permettra certes de sanctuariser les 200 millions d’euros que représentent les stocks de la raffinerie, ce que les salariés appellent leur « trésor de guerre », mais il ne peut suffire à lui seul à régler la situation, comme l’a très clairement rappelé le Président de la République lors de son déplacement sur le site, vendredi dernier. Une bataille essentielle reste donc à mener : trouver un repreneur solide et sérieux qui veuille investir dans l’usine afin d’assurer la pérennité – je dirais même la durabilité ! – de l’entreprise. Je sais, monsieur le ministre chargé de l’industrie, que vous êtes particulièrement mobilisé sur cette question.

Dans l’intervalle, la raffinerie bénéficiera d’un contrat de travail à façon pour le compte de Shell, qui devrait permettre de redémarrer les unités de la raffinerie et d’effectuer les travaux nécessaires.

Il est incontestable que la fermeture de cette raffinerie serait un drame pour notre région.

Un drame humain, avant tout : n’oublions pas que, si une entreprise, c’est un capital financier, des outils, c’est avant tout un capital humain. Ce sont 550 emplois directs et des centaines d’emplois indirects qui sont en jeu !

Un drame écologique aussi, compte tenu non seulement de la vétusté du site, mais aussi des conséquences qu’entraînerait sa fermeture.

Un drame économique enfin, sachant que le trafic lié à l’entreprise représente 10 % de celui du port de Rouen et 10 % de celui du Havre. En tant qu’ancien ministre de l’aménagement du territoire, chargé du Grand Paris, monsieur le garde des sceaux, je pense que vous serez très sensible à cette précision.

L’attention portée à notre région à travers le projet ambitieux du Grand Paris, sur lequel le commissaire général pour le développement de la vallée de la Seine, Antoine Rufenacht, vient de rendre ses conclusions, doit se traduire, de prime d’abord, par le maintien des activités de premier plan, telles que celles de la raffinerie.

Il est vrai que la situation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne illustre les difficultés rencontrées par tout un secteur industriel, celui du raffinage. Du fait de la baisse de demande des produits pétroliers liée à la crise, particulièrement en Europe, et surtout en raison de l’inégalité de traitement entre les produits pétroliers raffinés en France et ceux qui sont importés, le raffinage tend à se développer dans les pays émergents, où les normes sociales et environnementales sont moins contraignantes.

Il était nécessaire, monsieur le ministre chargé de l’industrie, que soit mis en œuvre ce plan d’action pour le raffinage décidé par le Gouvernement, en juin dernier, pour pérenniser durablement nos capacités de raffinage sur notre territoire, nos emplois et notre indépendance énergétique.

Avant de conclure, j’ajouterai que la proposition de loi trouve un écho malheureux dans l’actualité des entreprises de Haute-Normandie, région dont je suis l’élue. Après Petroplus, nous avons en effet appris, lundi après-midi, le placement du pôle des quatre quotidiens normands du groupe Hersant, qui détient notamment Paris Normandie, en redressement judiciaire.

La proposition de loi répond donc à des préoccupations très prégnantes pour les élus haut-normands et seinomarins, soucieux de se mobiliser sur le front de la sauvegarde des emplois.

Bien que les deux entreprises précitées connaissent ces difficultés pour des raisons très différentes, elles ont cependant un point commun : leur situation illustre la nécessité d’affronter et d’accompagner aujourd’hui des mutations industrielles de grande ampleur. La crise sans précédent que nous vivons a bel et bien accéléré ce phénomène. Ce qui est en jeu ici, c’est notre capacité à nous mobiliser auprès des entreprises, grandes, petites et moyennes, en veillant à ce que les seules logiques financières de dirigeants peu scrupuleux ne prennent pas le pas sur l’intérêt général.

En conclusion, je tiens à saluer le travail effectué par la commission des lois sur ce texte, compte tenu des délais pour le moins serrés – pour ne pas dire « hors norme » ! – auxquels nous étions soumis. Je remercie également, pour leur travail, notre rapporteur, Jean-Pierre Sueur, ainsi que les administrateurs du Sénat.

Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera évidemment la proposition de loi, qui a été améliorée dans le sens d’une plus grande transparence de l’information due aux salariés. Je sais que l’objectif était d’aboutir à l’adoption rapide d’un texte qui soit juridiquement solide, fasse consensus sur le fond et permette de combler un vide juridique.

J’espère que ce texte, qui relève de l’intérêt général, recueillera l’assentiment de l’ensemble de nos collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à dire d’emblée que nous ne nous opposerons pas à ce texte.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Thierry Foucaud. Qu’il me soit toutefois permis de préciser, après avoir relu le rapport de la commission, que le consensus n’est qu’apparent. Il faut donc cesser de dire n’importe quoi !

Charles Revet a indiqué qu’il associait Patrice Gélard à ses propos. Or celui-ci déclarait, hier, en commission : « Je suis le régional de l’étape, Petit-Couronne étant dans ma circonscription, en Seine-Maritime. Les parlementaires de tous bords se sont penchés sur le problème, afin de trouver une solution aux difficultés de cette entreprise, dont le propriétaire s’est comporté comme un voyou. Je partage les inquiétudes de Jean-Jacques Hyest sur la rédaction de ce texte, imparfaite à tous points de vue et susceptible de poser problème par la suite. »