M. Roland Courteau. Encore une !
M. Marc Massion. Le jour même, le président de la Société des pétroles Shell déclarait que seuls étaient acquis 10 millions d'euros. Le reste est attendu sous forme de commandes si les travaux de redémarrage s’effectuent correctement. Il a également annoncé un contrat de processing d’une durée de six mois maximum.
Monsieur le ministre, j’y insiste, quel accord avez-vous vraiment signé avec la Shell ?
La question essentielle demeure : quel repreneur ? Les syndicats exigent avec raison un repreneur industriel et non un financier, qui, après avoir engrangé quelques profits, risque de mettre la clé sous la porte. Tout le monde est conscient de la difficulté, mais pouvez-vous nous dire aujourd'hui s’il existe des pistes sérieuses ? Je comprends que vous ne puissiez nous donner trop de précisions, mais au moins fournissez-nous une indication.
Je suppose que la date du 15 mars fixée par l’administrateur pour trouver un repreneur sera reportée de la durée du contrat de processing. Monsieur le ministre, j’espère que vous nous confirmerez ce report.
Au-delà de l’avenir industriel de Petroplus se pose la question de l’avenir du raffinage en France. Dunkerque, Berre-l’Étang, Petit-Couronne, faut-il poser la question : « Et après ? ».
Pourtant, au mois de juin dernier, à l’issue d’une table ronde, qui avait duré plusieurs mois, un plan d’action national avait été annoncé d’ici à la fin de l’année 2011. Qu’en est-il aujourd'hui ? Rien en faveur de la compétitivité du raffinage français ! Rien sur les débouchés des produits issus du raffinage ! Rien sur l’anticipation des restructurations et la préservation de l’emploi ! Rien à l’échelon européen, alors que c’est à ce niveau que l’essentiel devrait se jouer !
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour assurer la pérennité du raffinage, filière industrielle si importante pour l’économie de notre pays et pour l’emploi ?
La rive gauche de la Seine, dans la toute proche banlieue de Rouen, est de tradition industrielle. Trois entreprises témoignent de ce patrimoine industriel : à Grand-Couronne, Chapelle-Darblay – ce nom rappelle peut-être des souvenirs à quelques-uns –, à Petit-Couronne, Petroplus, même si tout le monde parle encore de la Shell, à Grand-Quevilly, Grande Paroisse. Malgré les nuisances, malgré les risques, ces usines en activité symbolisent la vie économique et sont des repères pour toute la population, attentive à toutes les menaces pesant sur l’emploi. J’en veux pour preuve le grand rassemblement du 20 janvier, que j’évoquais précédemment. Salariés, retraités, commerçants, bref, toute la population s’est mobilisée pour défendre cet outil de travail et, malgré son inquiétude, elle ne baisse pas les bras.
Pour terminer, je veux saluer la détermination des salariés et l’engagement de leurs représentants ici présents dans une démarche empreinte de volontarisme et de lucidité.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, j’espère obtenir des réponses aux questions précises que j’ai posées. Les membres du groupe socialiste ont l’intention de voter la proposition de loi, même s’ils ont bien conscience – ne nous voilons pas la face – que Petroplus est en sursis. Nous demandons donc au Gouvernement de faire tous les efforts pour arriver à la seule solution possible : la reprise industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Dans le cadre de ma réponse, je m’en tiendrai au droit ; Éric Besson, eu égard à son engagement constant au service de notre industrie, des entreprises et des salariés, se chargera d’apporter un certain nombre de précisions sur la politique industrielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à tous vous remercier d’avoir décidé de voter en faveur des dispositions tendant à modifier le code de commerce. Cet outil manquait à notre arsenal juridique. De ce fait, des mesures conservatoires pourront être prises. Grâce aux amendements d’ores et déjà adoptés, il sera même possible d’aller au-delà puisque, sous le contrôle du juge, le produit de la cession des biens qui feraient l’objet de mesures conservatoires pourra assurer l’exécution des obligations sociales et environnementales.
Je sais bien que votre décision ne remet pas en cause vos convictions politiques, et d’ailleurs je ne vous demande pas d’y renoncer. Simplement, il est bon que, de temps en temps, lorsque cela est nécessaire, nous puissions aboutir à une solution commune.
D’aucuns m’ont reproché de faire de la politique. Oui, je le revendique : nous sommes élus pour cela ! Faire de la politique, ce n’est pas forcément se livrer à des calculs politiciens : « Si la politique n’est pas tout, elle est en tout », écrivait Emmanuel Mounier.
Les mesures conservatoires proposées ont pour objet de faciliter la reprise des entreprises en difficulté. Elles ne prendront tout leur sens et ne produiront leur pleine efficacité que si, demain, il y a un repreneur, comme l’a dit M. Massion, et si le produit de la cession éventuelle des biens qui appartiennent aux propriétaires de la société de raffinage est confié à la Caisse des dépôts et consignations. De ce fait, les nécessaires négociations précédant la reprise de la raffinerie seront plus aisées.
L’outil qui manquait jusqu’à présent à notre arsenal juridique, nous pouvons l’offrir ce matin à Petroplus et demain à l’ensemble des entreprises qui se trouveront dans une situation identique. C’est pourquoi je tiens à nouveau à remercier M. Sueur et tous les autres sénateurs de permettre à une telle disposition de figurer dans le code de commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Quelle que soit votre appartenance politique, je vous remercie tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apprêter à voter la présente proposition de loi. Mes remerciements s’adressent singulièrement à ceux d’entre vous qui siègent sur la gauche de cet hémicycle. Malgré vos réserves, je sais que vous agissez ainsi afin d’aider Petroplus et ses salariés.
Nous n’allons pas engager un grand débat sur la politique industrielle aujourd’hui. Cependant, force est de reconnaître que la situation est contrastée.
Des pans entiers de notre industrie se portent bien. Je pense à l’aéronautique, à l’espace, aux transports, à l’industrie du luxe, aux cosmétiques – l’Oréal gagne des parts de marché partout dans le monde. Reste que d’autres secteurs connaissent incontestablement des difficultés et des restructurations. Malgré ce que l’on peut entendre, nous ne les découvrons pas. Dire le contraire, ce serait faire injure à l’action quotidienne du Comité interministériel de restructuration industrielle. Le CIRI sauve en effet des entreprises ainsi que des dizaines, des centaines, voire des milliers d’emplois chaque année. C’est aussi le cas de la médiation du crédit, de la médiation de la sous-traitance. Sachez que les services du ministère et les organismes associés travaillent en permanence dès qu’une entreprise est en difficulté.
Ce n’est pas notre faute si les projecteurs médiatiques sont braqués sur un certain nombre de sujets, pour cause de campagne électorale. Ne venez donc pas nous dire qu’on s’agite à cause des élections. On agit tout le temps !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Agit ou s’agite ?
M. Éric Besson, ministre. La clé d’une politique industrielle, c’est l’innovation, la recherche et le développement. Convenez qu’aucun autre gouvernement n’a investi autant d’argent en ces domaines, et ce pendant cinq ans. Cela nous renvoie au débat sur la compétitivité de notre pays, le financement de nos prélèvements obligatoires et de la protection sociale. C’est l’un des enjeux de la période actuelle ; je n’y reviens donc pas.
Pour ce qui concerne le Président de la République, je ne ferai pas d’effet de tribune ici, mais je constate que vous lui reprochez tout et son contraire, en l’accusant soit d’immobilisme, soit d’électoralisme.
Par exemple, quand Petroplus rencontre une difficulté, le candidat socialiste va devant la raffinerie et demande où est le Président de la République. Il travaille, avec le Gouvernement, à négocier ce qu’on appelle un contrat de « processing », un contrat à façon, non seulement avec Shell, mais aussi avec l’ensemble de la filière pétrolière pour trouver une solution rapide. Soit dit par parenthèse, les experts et les salariés savent qu’une raffinerie ne peut rester longtemps à l’arrêt sinon elle « rouille » et le coût du redémarrage est important.
Il aura fallu des jours et des nuits de tractations et d’âpres négociations pour arriver à ce résultat, que vous qualifiez d’électoraliste.
Le texte est utile, mais il constitue juste une étape. Il précise simplement qu’une société-mère ne peut pas vider les caisses la veille du dépôt de bilan, car cet argent sera nécessaire pour la reprise.
S’agissant des déclarations du Président de la République, il a, me semble-t-il, dit les choses très honnêtement en indiquant que le contrat permet une relance de l’activité pendant six mois : nous avons donc six mois pour trouver un repreneur dans de bonnes conditions. La relance de l’activité favorise la reprise : personne ne peut contester cette réalité !
Pour ce qui concerne Florange, monsieur Todeschini, c’est exactement la même chose. Quand ArcelorMittal arrête les hauts fourneaux en disant que c’est temporaire, on entend instantanément : « Que fait le Gouvernement ? Que n’exige-t-il d’ArcelorMittal que Florange reparte et que les hauts fourneaux soient remis en activité ? ». Comme s’il appartenait à un gouvernement de donner un ordre de reprise d’activité à une entreprise et comme s’il fallait nier la conjoncture.
Oui ou non la demande d’acier a-t-elle baissé en Europe l’année dernière ? Oui ou non la reprise de la demande d’acier est-elle moindre en Europe que dans le reste du monde ? Ce n’est pas le gouvernement français qui décrète la demande d’acier dans le monde. Elle est simplement beaucoup plus forte en Asie ou en Amérique latine qu’en Europe, où les experts prévoient cette année 0,5 %, voire 1 % de demande d’acier supplémentaire.
Quand, hier après-midi, le Président de la République reçoit Lakshmi Mittal, mettant fin à des semaines de discussions et de négociations avec ArcelorMittal, et annonce ce matin un certain nombre de bonnes nouvelles, c’est de nouveau un procès en électoralisme !
Monsieur Todeschini, je répondrai maintenant très précisément à deux questions que vous avez posées.
Concernant le contrat avec Shell, ce sont bien 20 millions d’euros qui sont mis sur la table : 10 millions d’euros tout de suite pour les travaux de redémarrage ; 10 millions d’euros pour les investissements de maintenance payés par Shell au fur et à mesure du processing. Je vous ai dit par ailleurs qu’il s’agit de six mois au maximum. C’est donc une étape. Cela permettra de discuter avec les repreneurs.
Pour ce qui concerne Florange, beaucoup nous demandaient si les hauts fourneaux allaient repartir. Les doutes sont désormais levés. ArcelorMittal a clairement réaffirmé le caractère stratégique de la France pour la production d’acier et annoncé la relance des hauts fourneaux dès que la conjoncture le permettra. D’ailleurs, le groupe, après avoir déjà investi 2 millions d’euros dans la maintenance, réinvestit tout de suite 2 millions d’euros supplémentaires pour préparer la reprise d’activité, l’objectif étant la relance au deuxième semestre.
Certains disaient récemment que, derrière le dossier des hauts fourneaux, c’était l’ensemble du site de Florange qui serait déstabilisé. Nous affirmions au contraire que, à notre connaissance, ArcelorMittal voulait continuer à investir sur le site. Les 15 millions d’euros d’investissements que vous avez évoqués nous confirment dans cette idée.
Enfin, je n’insiste pas – parce que vous connaissez le dossier – sur le fait que le Gouvernement et ArcelorMittal sont mobilisés sur le projet Ulcos de captage-stockage de CO2. (M. Jean-Marc Todeschini se montre dubitatif.)
Vous froncez les sourcils, mais la réalité est que nous agissons. Le Premier ministre a en effet indiqué à la Commission européenne que nous voulions privilégier ce dossier dans les demandes que nous avons adressées. L’État affectera 150 millions d’euros d’investissements d’avenir, ce qui n’est pas rien, et je me suis moi-même rendu à Bruxelles, le 8 novembre dernier, pour rencontrer, au cours du même après-midi, les trois commissaires concernés par ce dossier, afin de plaider notre cause. Que voulez-vous que nous fassions de plus pour pousser le projet de captage-stockage de CO2, qui est un dossier majeur pour l’avenir de l’industrie sidérurgique en France et en Europe ?
J’en reviens à la proposition de loi.
Ce texte technique, j’en conviens, n’est pas majeur en matière de politique industrielle. Il ajoute une petite pierre à notre édifice juridique pour éviter les abus des montages en cascade de certaines sociétés-mères pour s’exonérer de leurs responsabilités tant sociales qu’environnementales. Quoi qu’il en soit, il favorisera la reprise de l’activité à Petroplus. C’est pourquoi je remercie à nouveau toutes les sénatrices et tous les sénateurs de leur soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. C’est un très bon texte !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 621-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application des deuxième et troisième alinéas du présent article, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du défendeur à l’action mentionnée à ces mêmes alinéas, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office. »
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 1er, nous entrons dans le vif du sujet puisqu’il concerne les mesures conservatoires, par principe jusqu’ici appliquées en cas de liquidation, en vertu des dispositions de l’article L. 651-4 du code de commerce.
L’exemple de Petroplus, où la trésorerie disponible a été littéralement asséchée par la maison mère, en Suisse, quelques heures ou quelques jours avant la déclaration de cessation de paiement, est suffisamment parlant pour que des mesures soient prises.
Je souhaite cependant appeler l’attention sur plusieurs aspects de la question.
Le moindre n’est pas d’étendre de manière non négligeable les possibilités existantes de maintien de la cohérence d’un site industriel, puisque toute mesure conservatoire prise dans le cadre d’une gestion fautive ayant conduit à la procédure collective permettra la préservation de certaines capacités de production, particulièrement intéressantes dans la perspective de cession et de reprise de l’activité. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il nous semble fortement souhaitable que les pouvoirs dévolus au comité d’entreprise comme aux délégués du personnel, s’il y a lieu, soient étendus dans l’ensemble des entreprises où ces instances existent.
L’affaire Petroplus comme les dossiers Photowatt ou Lejaby montrent à l’envi qu’il est temps que nous sortions de la monarchie patronale qui garde encore tout son poids dans la vie de nos entreprises.
M. Alain Fouché. N’importe quoi !
Mme Éliane Assassi. Allez voir les salariés !
M. Thierry Foucaud. Renseignez-vous, vous verrez ce qu’est encore aujourd'hui la monarchie patronale !
M. Alain Fouché. On a vu les profits avec Pinault quand vous étiez au pouvoir !
M. Thierry Foucaud. Je n’ai pas encore parlé des profits patronaux, mais je veux bien dialoguer avec vous sur tous ces sujets.
Quand des chefs d’entreprise « organisent » la faillite d’une entreprise – avec Petroplus, c’est bien de cela qu’il s’agit, puisque l’unité de Petit-Couronne présentait tout de même, mes chers collègues de la minorité sénatoriale, malgré le climat social dégradé, une rentabilité de 5,5 % à 7 % –, le bien-fondé du pouvoir patronal tout-puissant est de moins en moins établi.
Les salariés de Petroplus, puisque c’est là l’exemple qui nourrit cette proposition de loi, sont porteurs de projets et d’idées pour le développement de leur entreprise, et ils ne sont aucunement convaincus, contrairement à ce que certains ont pu dire et écrire, que le secteur du raffinage soit « perdu » en France, au seul motif que les réserves de pétrole s’épuisent ou que raffiner ailleurs coûterait sensiblement moins cher.
En revanche, il est vrai que, lorsque l’Europe signe un accord d’importation privilégiée avec les Antilles néerlandaises, où le seul raffineur en activité est évidemment Shell, elle joue elle-même contre ses propres intérêts, notamment ceux de la filière de production de produits raffinés en France.
Oui, les salariés de Petroplus ont des idées pour la relance de l’activité du site ! Ainsi s’interrogent-ils sur la rationalisation de l’arrivage de pétrole sur le site, notamment par le réaménagement de l’accès par la voie fluviale, ou encore sur la possibilité de capter le CO2 émis sur le site.
Il est temps, pour cette affaire Petroplus comme pour bien d’autres, que cesse le processus privant les salariés, leurs représentants et leurs instances de tout moyen d’agir, de concert avec l’administrateur ou le mandataire judiciaire, pour concevoir les pistes d’une reprise de l’activité et, à tout le moins, de sa viabilité.
Cette dimension n’est certes pas vraiment contenue dans le texte qui nous est soumis, et nous prendrons celui-ci comme ce qu’il est : une concession faite à l’égard d’un mouvement social. Mais cela ne vaut pas quitus ni solde de tout compte. Le groupe CRC souhaite que toutes ces questions, qui émanent, bien sûr, du groupement des salariés soient réellement prises en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Le dossier Petroplus, cela a été rappelé à plusieurs reprises, est hautement symbolique d’une lutte courageuse non seulement pour l’emploi et pour l’indépendance énergétique de notre pays, mais également pour mettre un terme au déficit abyssal de notre balance commerciale.
Mes chers collègues, j’ai ici un document qui a été rédigé par l’intersyndicale de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne ; il mérite que vous le lisiez. On y apprend que nous consommons environ 85 millions de tonnes de produits raffinés, que nos capacités de production s’élèvent à 67 millions de tonnes et, surtout, que nous importons 41 millions de tonnes.
Pour moi, France ouverte ne doit pas signifier France offerte. J’estime que, telle qu’elle a été réalisée, l’ouverture du marché est discutable ; en tout cas, il faut en discuter.
Je tiens à saluer les représentants syndicaux et les salariés du site de Petit-Couronne, qui ont eu le courage, alors que les financiers quittaient la place, d’affirmer que la France, ce n’est pas la désertion industrielle et que l’énergie et l’emploi, ce sont des combats très importants. Ils n’ont pas lâché prise et, heureusement, des élus les ont entendus et ont défendu ce dossier avec conviction. Reconnaissons que la proximité des élections a donné davantage d’écho à leur combat.
Je voudrais également dire, puisque Thierry Foucaud a soulevé la question de l’abstention, que notre groupe, le président du Sénat en tête, votera cette proposition de loi. Nous voulons qu’il n’existe aucun obstacle à la reprise de l’entreprise. C'est pourquoi aucune de nos voix ne manquera.
Pour autant, tout restera à faire pour trouver un repreneur. Quel rôle l’État jouera-t-il dans l’élaboration d’un plan de reprise offensif, pour redonner enfin à la politique du raffinage toute sa place en France ? Quels plans d’investissement seront-ils conçus en matière énergétique ? Il a été déclaré tout à l'heure qu’il suffirait de quelques mois pour amortir 5,5 millions d'euros. Or le groupe Petroplus n’a même pas consenti ces investissements. En tant qu’ancien syndicaliste, je regarde toujours le niveau d’investissement d’une entreprise, car, quand une société n’investit plus, cela signifie qu’elle s’apprête à fermer.
Tout à l'heure, nous avons évoqué l’innovation. De fait, c’est bien le remède aux délocalisations. L’intersyndicale de Petit-Couronne propose d’ailleurs un plan d’investissement audacieux.
On résume souvent l’investissement à sa dimension matérielle, aux machines, au site industriel. Or il faut aussi prendre en compte le capital humain. À cet égard, la fermeture du site de Petit-Couronne aurait constitué un véritable gâchis. Il faut investir dans ces hommes et ces femmes et préserver leurs acquis sociaux. Il ne faudrait pas que, lors de la reprise de l’usine, des financiers sans scrupule mettent ces acquis sociaux de côté ; ces derniers doivent donc être au cœur des négociations avec les éventuels repreneurs.
La réindustrialisation est une grande cause nationale. Si près de cinq millions de personnes recourent aux services de Pôle Emploi, si certains évoquent une France sans usines, c’est parce que des chefs d’entreprise et des grands groupes décident, discrètement ou ouvertement, en utilisant le coût du travail comme alibi, d’investir ailleurs qu’en France.
Or, selon une étude de l’INSEE qui vient de paraître, la productivité horaire est aussi importante que le coût du travail. Lorsque des entreprises – j’en vois dans le Jura – reviennent en France, elles s’aperçoivent que, si l’on tient compte des coûts logistiques, cela n’est pas toujours plus rentable de s’installer hors de France, dans les pays émergents par exemple.
Voilà pourquoi nous devons promouvoir une culture de l’industrie. Il faut une volonté politique farouche, pour que chaque emploi industriel soit préservé et même pour que de nouveaux emplois soient créés. C’est seulement à ce prix que la France sera forte ; c’est seulement à ce prix que nous mettrons fin au désastre social, humain et économique que représente le chômage de masse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après l’article L. 631-10 du même code, sont insérés deux articles L. 631-10-1 et L. 631-10-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 631-10-1. – À la demande de l’administrateur ou du mandataire judiciaire, le président du tribunal saisi peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait à l’encontre duquel l’administrateur ou le mandataire judiciaire a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur.
« Art. L. 631-10-2. – Les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel sont informés par l’administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire des modalités de mise en œuvre des mesures conservatoires prises en application de l’article L. 621-2. »
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Marc Massion a parlé de la rive gauche de Rouen. Pour ma part, j’évoquerai la zone industrielle d’Oissel, qui est située un peu plus au sud, où le groupe Pechiney s’était implanté. Nationalisée dans les années quatre-vingt, puis dénationalisée par la suite, cette entreprise, dans laquelle je travaillais, a perdu 500 salariés. Un peu plus loin se trouve l’usine Chapelle-Darblay, où s’est déroulée, à la même époque, la lutte contre le plan Parenco ; là aussi, 500 emplois ont été supprimés.
Si je rappelle ces événements, notamment à mon collègue et ami Martial Bourquin, c’est parce que les salariés ont de la mémoire. C’est pour cette raison qu’ils demandent aujourd'hui des garanties, non pas à la droite, en laquelle ils n’ont pas confiance, mais à la gauche, qu’elle soit socialiste ou communiste.
M. Charles Revet. Pour l’instant, c’est la droite qui règle les problèmes !
M. Thierry Foucaud. Nous n’oublions pas l’histoire, mais nous sommes également tournés vers l’avenir : nous souhaitons une véritable politique industrielle, notamment dans le domaine du raffinage, afin de garantir l’indépendance énergétique de la France. Tel est le sens de notre abstention, qui n’empêchera en rien l’adoption de la proposition de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 651-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut maintenir la mesure conservatoire ordonnée à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait en application de l’article L. 631-10-1. » – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Après l’article L. 663-1 du même code, il est inséré un article L. 663-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 663-1-1. – Lorsque les mesures conservatoires ordonnées en application des articles L. 621-2, L. 631-10-1 et L. 651-4 portent sur des biens dont la conservation ou la détention génère des frais ou qui sont susceptibles de dépérissement, le juge-commissaire peut autoriser, aux prix et conditions qu’il détermine, l’administrateur, s’il a été nommé, le mandataire judiciaire ou le liquidateur à les céder. Les sommes provenant de cette cession sont immédiatement versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations.
« Le juge-commissaire peut autoriser l’affectation des sommes provenant de cette cession au paiement des frais engagés par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire de ces biens, y compris pour assurer le respect des obligations sociales et environnementales résultant de la propriété de ces biens, si les fonds disponibles du débiteur n’y suffisent pas. » – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
La présente loi est applicable aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire en cours à la date de sa publication. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Marc Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Nous voterons la proposition de loi, comme Martial Bourquin et moi-même l’avions indiqué, mais la réponse de M. le garde des sceaux m’a laissé sur ma faim. Par conséquent, le flou du débat d’hier soir à l’Assemblée nationale concernant le problème des obligations sociales n’a pas été dissipé.
M. Marc Massion. Ma question était pourtant simple : les obligations légales et contractuelles, comme l’a dit hier François Guégot, reprennent-elles les droits acquis des salariés ? Les représentants de l’intersyndicale présents en tribune aimeraient être fixés.