Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-François Humbert.
2. Démission d'un membre d'une commission et candidature
3. Démission d'un membre d'une délégation et candidature
reconnaissance des aidants familiaux
Question n° 157 de M. André Trillard. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. André Trillard.
situation sanitaire préoccupante du pas-de-calais
Question n° 250 de M. Dominique Watrin. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Dominique Watrin.
retraite des français ayant travaillé dans plusieurs pays
Question n° 275 de M. Robert del Picchia. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Robert del Picchia.
conditions d'exercice de l'hébergement social d'urgence en région île -de-france
Question n° 284 de M. Alain Richard. – Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; M. Alain Richard.
situation financière préoccupante de l'amicale du nid rhône
Question n° 285 de Mme Muguette Dini. – Mmes Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; Muguette Dini.
Question n° 283 de Mme Josette Durrieu. – Mmes Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; Josette Durrieu.
conséquences de la restructuration annoncée par le groupe sanofi
Question n° 260 de M. Christian Bourquin. – Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; M. Christian Bourquin.
efficacité de l'utilisation de l'argent public à partir du cas de l'entreprise indra sas
Question n° 288 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mmes Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; Marie-Christine Blandin.
assujettissement aux cotisations sociales des indemnités des commissaires enquêteurs
Question n° 123 de M. Antoine Lefèvre. – Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; M. Antoine Lefèvre.
Suspension et reprise de la séance
réalisation de la ligne nouvelle paris-normandie
Question n° 130 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Catherine Morin-Desailly.
implantation de centrales photovoltaïques dans le nord de la france
Question n° 281 de M. Yves Daudigny. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Yves Daudigny.
Question n° 227 de M. Vincent Delahaye. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Vincent Delahaye.
sécurité et délinquance en nouvelle-calédonie
Question n° 94 de M. Hilarion Vendegou. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Hilarion Vendegou.
application de la législation sur les « devis modèles » relatifs aux obsèques
Question n° 290 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Jean-Pierre Sueur.
Question n° 295 de M. Jean Louis Masson. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Jean Louis Masson.
enseignement du latin et du grec
Question n° 217 de Mme Maryvonne Blondin. – M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale ; Mme Maryvonne Blondin.
études sur les incidences de l'utilisation des ogm sur la santé
Question n° 230 de M. Gérard Bailly. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Gérard Bailly.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
Question n° 277 de M. Joël Guerriau. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Joël Guerriau.
maintien du service public de la poste dans la vallée de l'ondaine
Question n° 292 de Mme Cécile Cukierman. – M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Mme Cécile Cukierman.
statut social des formateurs occasionnels
Question n° 279 de M. Jean-Claude Carle. – MM. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Jean-Claude Carle.
5. Nomination d'un membre d'une commission
6. Nomination d'un membre d'une délégation
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
7. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de sept projets de loi dans le texte de la commission
Accord relatif au Centre spatial guyanais. – Adoption de l'article unique du projet de loi.
8. Réforme de la biologie médicale. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
Amendements identiques nos 7 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, 15 rectifié de M. Alain Milon et 41 rectifié bis de M. Gilbert Barbier. – MM. Gérard Roche, Alain Milon, Gilbert Barbier, Jacky Le Menn, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Marisol Touraine, ministre. – Adoption, par scrutin public, des trois amendements.
Amendement n° 53 (priorité) de la commission ; amendements identiques nos 61 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et 62 de M. Alain Milon. – MM. le rapporteur, Gérard Roche, Alain Milon, Gilbert Barbier, Mme Marisol Touraine, ministre. – Adoption de l’amendement n° 53, les amendements nos 61 et 62 devenant sans objet.
Amendement n° 59 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Adoption.
Amendement n° 42 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.
Amendement n° 51 de la commission. – M. le rapporteur.
M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre ; M. René-Paul Savary, Mme Laurence Cohen, M. Gérard Roche, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales ; M. Gilbert Barbier. – Adoption, par scrutin public, de l’amendement n° 42 rectifié, l’amendement n° 51 devenant sans objet.
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
Amendement n° 16 de M. Alain Milon. – MM. Alain Milon, le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Demande de priorité de l’amendement n° 52. – Mmes la présidente de la commission, Marisol Touraine, ministre. – La priorité est ordonnée.
Amendement n° 52 (priorité) de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 13 rectifié de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 38 rectifié bis de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.
Amendement n° 32 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Catherine Génisson. – M. Yves Daudigny.
M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Adoption de l’amendement no 52, les amendements nos 13 rectifié, 38 rectifié bis, 32 et 45 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 5 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, 17 de M. Alain Milon et 46 rectifié de Mme Catherine Génisson. – MM. Gérard Roche, Alain Milon, Yves Daudigny, le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
M. le rapporteur, Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 56 du Gouvernement. – Mme Marisol Touraine, ministre.
Amendement n° 23 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud.
Amendement n° 33 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.
M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre.
Suspension et reprise de la séance
Mme Marisol Touraine, ministre. – Retrait de l’amendement no 56 ; dépôt d’un amendement n° 64.
Amendement n° 64 du Gouvernement. – M. le rapporteur, Mme Catherine Génisson, M. Gilbert Barbier, Mme Laurence Cohen, MM. René-Paul Savary, Alain Milon, Gérard Roche, Mmes Aline Archimbaud, la présidente de la commission. – Adoption de l’amendement n° 64, les amendements nos 23 et 33 devenant sans objet.
Amendement n° 34 de Mme Laurence Cohen. – M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 35 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 24 de Mme Aline Archimbaud et sous-amendement n° 58 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Mme Aline Archimbaud, M. Gérard Roche.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Catherine Génisson. – Mme Catherine Génisson.
M. le rapporteur, Mmes Marisol Touraine, ministre ; Catherine Génisson. – Retrait de l’amendement n° 49 rectifié ; adoption du sous-amendement n° 58 et de l'amendement n° 24 modifié.
Amendement n° 18 rectifié de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 43 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.
M. le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre ; M. René-Paul Savary. – Adoption, par scrutin public, de l’amendement no 18 rectifié, l’amendement n° 43 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 8
Amendements identiques nos 19 de M. Alain Milon et 36 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – MM. Alain Milon, Gérard Roche, le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Articles additionnels après l'article 10
Amendements identiques nos 21 de M. Alain Milon et 47 rectifié de Mme Catherine Génisson. – M. Alain Milon, Mme Catherine Génisson.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.
M. le rapporteur, Mmes Marisol Touraine, ministre ; Catherine Génisson, Aline Archimbaud, M. René-Paul Savary. – Adoption des deux amendements identiques nos 21 et 47 rectifié insérant un article additionnel, l’amendement n° 31 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 22 de M. Alain Milon. – MM. René-Paul Savary, le rapporteur, Mme Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
M. Michel Magras.
Amendement n° 60 du Gouvernement. – Mme Marisol Touraine, ministre ; MM. le rapporteur, Michel Magras. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
MM. Alain Milon, Gérard Roche, Mmes Laurence Cohen, Catherine Génisson, Aline Archimbaud, MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mmes la présidente de la commission, Marisol Touraine, ministre.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
9. Modification de l’ordre du jour
M. le président, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
10. Création du contrat de génération. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission.
Discussion générale : MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Isabelle Debré.
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
11. Débat préalable à la réunion du conseil européen des 7 et 8 février 2013
MM. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes.
MM. Jean-Paul Emorine, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Jean Arthuis, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Éric Bocquet, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Jean-Pierre Chevènement, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Yannick Vaugrenard, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Philippe Marini, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
Mme Bernadette Bourzai, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Joël Guerriau, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Jean Bizet, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Jean-Yves Leconte, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. Roland Courteau, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
MM. André Gattolin, Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
12. Création du contrat de génération. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : M. Dominique Watrin, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Michel Baylet, Ronan Kerdraon, Jean-Noël Cardoux, Mme Gisèle Printz, MM. André Reichardt, Claude Jeannerot, Jean-Étienne Antoinette, Mme Patricia Schillinger.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Démission d'un membre d'une commission et candidature
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. François Marc, comme membre de la commission des affaires européennes.
J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires européennes en remplacement de M. François Marc, démissionnaire.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
3
Démission d'un membre d'une délégation et candidature
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Claude Dilain, comme membre de la délégation sénatoriale à la prospective.
J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à la prospective en remplacement de M. Claude Dilain, démissionnaire.
Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
reconnaissance des aidants familiaux
M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 157, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. André Trillard. Je souhaite évoquer ce matin la question des parents d’enfant en situation de handicap, parents qui, leur vie durant, vont prendre en charge leur enfant en qualité d’« aidant familial ».
Madame la ministre, vous le savez bien, la survenue du handicap chez un membre de la famille modifie les repères ainsi que tous les projets familiaux.
Au-delà du traumatisme, c’est souvent à un vrai bouleversement que donnent lieu, dans l’urgence, l’adaptation et le réaménagement familial, professionnel et relationnel, avec le risque de placer dans une situation de véritable isolement celui des parents auquel incombera le rôle d’aidant familial, le plus souvent la mère.
Sur le plan professionnel, la mère est fréquemment contrainte d’arrêter temporairement ou définitivement son activité. Il s’ensuit une perte de revenu pouvant conduire à la précarisation.
La vie conjugale du couple est souvent mise entre parenthèses. Chacun vivant l’épreuve de manière différente, des ménages éclatent. La relation avec les autres enfants est incontestablement transformée.
Très rapidement, la réalité fait apparaître une fatigue physique et morale, tant pour l’aidant que pour l’ensemble de la famille.
Si des progrès ont été accomplis au cours des dernières années pour prendre en compte cette situation très particulière et, autant que possible, faciliter matériellement certains aspects de la vie quotidienne des aidants familiaux, il reste que le dédommagement, inférieur à l’indemnité ou au salaire d’un professionnel, ne donne accès ni aux droits sociaux ni aux droits à la retraite. Et pourtant, cette « rétribution » est imposable !
Faut-il rappeler que la journée de travail de l’aidant familial fait vingt-quatre heures et qu’il n’a pas de vacances ?
Madame la ministre, j’ai deux questions à vous poser.
La première, qui est une question de fond, concerne les intentions concrètes du gouvernement auquel vous appartenez s’agissant de ce problème précis de la reconnaissance des droits pour les familles et les proches apportant une aide régulière à leur enfant ou à tout autre membre de la famille : je veux parler de l’amélioration du droit à compensation et des prestations familiales, mais aussi du droit au répit, au soutien personnalisé, à la formation, des mesures liées à la vie professionnelle, des aides au retour à l’emploi, de la mise en place d’équivalences professionnelles.
Ma seconde question est plutôt une suggestion qui consisterait à attribuer une distinction comparable à celle de la médaille de la famille, laquelle récompense aujourd’hui les parents ayant élevé quatre enfants et plus. L’idée serait de témoigner à ces parents, dont la vie a été mise entre parenthèses, la reconnaissance qu’ils méritent, et de saluer l’abnégation et le dévouement dont ils font preuve.
Reprenant récemment la genèse de cette médaille créée en 1920, j’ai pu constater que, contrairement à une idée répandue, elle n’avait pas de visée nataliste. L’objectif alors poursuivi était de récompenser des parents ayant élevé dignement leurs enfants. Ma proposition me semble s’inscrire parfaitement dans cette philosophie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, les aidants familiaux jouent un rôle essentiel et de plus en plus reconnu. En France, ce sont huit millions de personnes qui s’occupent directement de leurs proches malades ou en perte d’autonomie, ou qui leur apportent un soutien moral ou financier.
Les pouvoirs publics ont pleinement conscience du rôle essentiel joué par ces aidants familiaux dans le soutien à domicile de leurs proches en perte d’autonomie, handicapés ou malades. Pour ma part, je suis particulièrement attentive à la situation extrêmement difficile des parents d’enfants handicapés qui, tout au long de leur vie, prennent en charge leurs enfants.
Il existe déjà un ensemble de mesures visant à soutenir les aidants familiaux : tout d’abord, les congés familiaux sont là pour les aider à concilier leur vie professionnelle et leur rôle auprès de leur enfant ; ensuite, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, ou AEEH, la prestation de compensation du handicap, ou PCH, et l’allocation personnalisée d’autonomie, ou APA, soutiennent financièrement l’aide qu’ils apportent à leur enfant ; enfin, le développement de la formation, de l’accompagnement et du répit permet de les aider à faire face et de regarder un peu plus sereinement, quand c’est possible, vers l’avenir.
D’année en année, on voit se multiplier les initiatives favorisant le soutien et le répit apportés aux aidants de la part de multiples acteurs : associations, collectivités territoriales, caisses de retraites de base et complémentaires, centres locaux d’information et de coordination, ou CLIC, consultations mémoire, fondations...
La caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ou CNSA, ainsi que les agences régionales de santé, ou ARS, peuvent cofinancer des actions de formation et de soutien destinées à tous les aidants de personnes handicapées ou âgées qui en ont besoin.
Le Président de la République s’est engagé à développer « des actions de formation et des structures permettant aux aidants d’avoir des temps de répit », engagement qui sera travaillé dans le cadre du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement de la population, que ma collègue Michèle Delaunay prépare activement. Je serai à ses côtés sur ce point.
Le Gouvernement a par ailleurs soumis aux partenaires sociaux la proposition d’assouplir le congé de soutien familial, afin qu’il soit plus facile d’y recourir.
L’attribution d’une distinction honorifique spécifique aux aidants familiaux serait-elle la forme adéquate de reconnaissance nationale de leur dévouement ?
Parmi les distinctions honorifiques, la médaille de la famille est décernée aux personnes qui élèvent ou qui ont élevé dignement, par leurs soins attentifs et leur dévouement, de nombreux enfants. Elle rend ainsi hommage aux mérites de ces personnes et témoigne de la reconnaissance de la nation. Les critères d’attribution de la médaille de la famille sont avant tout fondés sur le nombre d’enfants élevés et sur les efforts consentis pour les élever dans les meilleures conditions matérielles et morales.
Le dévouement et les soins apportés par les parents aidants familiaux à leur enfant en situation de handicap relèvent donc de cette logique, bien que le critère du nombre d’enfants élevés puisse limiter leur accès à cette distinction. Le Centre d’analyse stratégique, dans sa note d’analyse de septembre, a d’ailleurs relevé que la médaille de la famille reste dans notre pays l’apanage des pères et mères de familles nombreuses, alors que d’autres valeurs sont mises à l’honneur dans d’autres pays, comme la mise en œuvre d’une véritable égalité parentale.
C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que la question de la reconnaissance des mérites des familles ayant élevé un enfant handicapé aura toute sa place dans la réflexion globale que compte engager très prochainement la ministre déléguée à la famille sur les récompenses honorifiques pour les familles. Je soutiens donc votre suggestion.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je vous rappelle que, interrogée en novembre dernier par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, ou UNAPEI, sur les priorités de la politique du handicap à mener pour l’année et les années à venir, vous avez répondu ceci : « Beaucoup de choses ont été faites sur le handicap » – vous avez d’ailleurs développé ce point tout à l’heure. « Je souhaite m’inscrire dans la continuité de cet engagement, principalement porté par les familles. » Nous sommes bien d’accord sur ce point, et je ne peux que vous féliciter de ce parti pris.
Vous venez de rappeler les projets du Gouvernement. Je reste quelque peu sur ma faim, mais nous verrons lors du prochain texte de loi !
Je vous remercie également pour l’accueil que vous avez réservé à ma proposition bien modeste d’accorder une distinction aux parents de personnes handicapées. Je pense qu’elle trouvera bien sa place dans le texte sur la famille annoncé par le Gouvernement pour le printemps prochain et qu’elle vaudra bien certaines dispositions qui n’ont rien à y faire !
situation sanitaire préoccupante du pas-de-calais
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 250, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, vous connaissez, comme moi, la situation sanitaire préoccupante du Nord–Pas-de-Calais : une espérance de vie de deux à trois ans inférieure à la moyenne nationale et une mortalité évitable sur l’ex-bassin minier supérieure de 60 % à 70 % à la moyenne nationale.
Les centres de santé du régime minier aujourd’hui ouverts au régime général sont l’un des meilleurs atouts de ce territoire sous-médicalisé, confronté à un taux de chômage record, pour réduire les retards de santé et pour répondre aux besoins de la population. Celle-ci peut ainsi accéder à des soins de qualité, sans dépassement d’honoraires et sans avance de frais – tiers-payant. C’est toute la population qui peut bénéficier d’une prise en charge globale dans le cadre d’une filière médicale, sanitaire et médicosociale cohérente, héritée des mines. Pourtant, de 2010 à 2012, le nombre de centres de santé est passé de cent vingt-huit à cent douze dans le Nord–Pas-de-Calais.
Les investissements nécessaires à la mise à niveau des locaux, des équipements médicaux et des projets de santé à porter ont été bloqués par le gouvernement précédent et sont devenus urgents. Trois projets d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, pourtant opérationnels à Avion, Billy-Montigny et Auchel/Lozinghem, sont même toujours bloqués par la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé, alors que le taux d’équipement sur les territoires concernés est pourtant inférieur de près de moitié à la moyenne nationale. Le Nord–Pas-de-Calais subit un traitement discriminant. Pis, au nom du moratoire qui a été décrété, les services du ministère de la santé bloquent les projets positifs, tandis que l’hémorragie de l’offre de soins se poursuit.
Madame la ministre, entendez-vous rompre avec la politique de la droite et les contraintes étouffantes imposées par Xavier Bertrand dans la convention d’objectifs et de gestion 2012-2013 imposée au régime minier ? Vous le savez, plusieurs clauses de cette convention interdisent de fait tout projet d’investissement qui n’aurait pas pour résultat des économies financières ou qui développerait l’offre de soins.
Quand entendez-vous redonner à l’offre de soins du régime minier les moyens de son équilibre financier, largement remis en cause par l’ouverture des pharmacies libérales aux ressortissants du régime minier ?
Madame la ministre, l’annonce du regroupement de la plupart des activités du centre de santé d’Auchel sur un nouveau site à Bruay a suscité la réaction légitime des élus et des syndicalistes soucieux du bien-être sanitaire des populations du régime général comme du régime minier. Ceux-ci ne peuvent se résoudre à la perte du système de consultations en radiologie, dermatologie, ophtalmologie, dentaire... alors que les besoins ne feront qu’exploser.
Je vous demande donc l’organisation dans les meilleurs délais, sous l’égide de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France et de Mme la sous-préfète de Béthune, d’une table ronde avec toutes les parties concernées – élus, représentants des ayants droit... – pour faire le point sur ce dossier et pour envisager les évolutions nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, le territoire correspondant au bassin minier dans l’Artois–Douaisis connaît des difficultés importantes en matière de santé publique. L’offre de soins aujourd’hui disponible est tout juste suffisante pour répondre à l’ensemble des besoins de la population. Il ne s’agit pas que cette situation difficile s’aggrave.
Le Gouvernement s’est engagé à trouver des solutions concrètes et pragmatiques pour permettre à tous les Français de continuer à être soignés par le bon professionnel de santé, situé à proximité. C’est le sens du « Pacte territoire-santé » : douze engagements pour lever tous les obstacles à une bonne répartition de l’offre de soins qui répondent aux besoins des Français.
Des solutions opérationnelles doivent donc être trouvées pour le territoire du bassin minier. Or les grandes difficultés du régime minier pourraient aggraver la situation.
En effet, de nombreuses structures dépendent du régime minier : centres polyvalents, centres spécialisés, centres dentaires, laboratoires d’analyses médicales, cabinets d’optique, pharmacies et laboratoires de prothèses dentaires. Elles constituent une part non négligeable de l’offre de soins utile et nécessaire. Le schéma régional d’organisation des soins intègre pleinement ces moyens disponibles, et la disparition de ces centres nuirait à l’accès aux soins.
Or l’équilibre économique de ces structures n’est aujourd’hui absolument pas garanti. Le déficit des centres de santé, notamment, est très important.
Mme la ministre de la santé a demandé à l’Agence régionale de santé du Nord–Pas-de-Calais et aux responsables du régime minier de se rapprocher, afin de travailler et de trouver les solutions pour que l’offre de soins soit toujours adaptée aux besoins des patients du bassin minier.
Il est important de connaître plus précisément l’activité de ces centres, leur zone d’attraction et les populations concernées, qui relèvent du régime minier mais pas uniquement, pour prévoir les évolutions nécessaires. À ce jour, un certain nombre de mesures, notamment la mise en œuvre de la mutualisation, ont pu être prises par la CARMI, qui est le gestionnaire de ces centres.
Monsieur le sénateur, un plan d’action va donc être élaboré pour anticiper les évolutions nécessaires de l’offre de soins du régime minier dans le Nord–Pas-de-Calais.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, je prends acte des précisions que vous m’avez apportées. Vous avez dit très justement que la disparition des centres de santé nuirait à l’offre de soins. Je partage évidemment ce constat. Malheureusement, je vois ces centres disparaître les uns après les autres et l’offre de proximité que vous vantez s’amenuiser. Il faut donc réagir sans attendre trop longtemps.
Je regrette en particulier que vous n’ayez pas répondu à ma demande expresse de mettre en place une table ronde sur le problème particulier du centre de santé d’Auchel. Selon moi, c’est en mettant toutes les données sur la table qu’on pourra avancer. En tout cas, vous ne vous êtes pas opposée à cette proposition, que je souhaite bien évidemment voir aboutir.
J’attendais également une avancée sur la problématique des pharmacies du régime minier. Vous avez évoqué les « difficultés » de ce régime. Mais elles sont pour une grande part artificielles.
En effet, auparavant, les déficits des centres de santé étaient compensés par les excédents des pharmacies des mines. Or, aujourd’hui, ce sont 20 millions d’euros des assurés sociaux qui sont passés aux mains des officines privées, au lieu que les excédents servent à conforter l’offre publique et gratuite de soins. Si je comprends une telle philosophie de la santé venant d’un gouvernement de droite, j’attendais aujourd’hui autre chose !
Enfin, les centres de santé, quel que soit leur statut – mutualiste, municipal ou minier –, posent un problème général.
Dès son arrivée au ministère, Mme la ministre de la santé avait fait des déclarations positives et encourageantes concernant le devenir des centres de santé. Pourtant, à ce jour, je n’ai vu aucun acte concret. Ces centres continuent même à être discriminés par rapport à la médecine libérale : pas d’abondement financier en ce qui concerne le suivi des affections de longue durée ou la prise en charge des patients âgés ; aucune compensation financière pour les frais induits par le système du tiers-payant.
En conclusion, je dirai que le changement, c’est maintenant, et de façon urgente !
retraite des français ayant travaillé dans plusieurs pays
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la question n° 275, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Robert del Picchia. Madame la ministre, ma question porte sur le refus de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, de respecter la jurisprudence permettant d’appliquer de façon cumulative plusieurs conventions bilatérales de sécurité sociale pour le calcul du taux de la retraite de nos compatriotes ayant travaillé dans deux ou plusieurs pays.
Prenons l’exemple d’une personne ayant travaillé deux ans en France, puis vingt ans en Belgique et, pour finir, vingt ans aux États-Unis.
Sur ces quarante-deux années de travail, la CNAV n’en retiendra que vingt-deux : les deux années en France, complétées soit par les vingt années effectuées en Belgique, soit par les vingt années effectuées aux États-Unis.
Voilà donc une personne ayant effectué une carrière complète, qui devrait par conséquent pouvoir bénéficier du taux plein pour le calcul de sa retraite, mais à qui la CNAV n’accorde qu’un taux réduit, et même le taux minimum !
Dans un arrêt de principe du 28 mars 2003, la Cour d’appel de Caen, confirmant la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 février 2002, affirme qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux [...] et aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’impose en l’espèce qu’un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre soit effectué par l’assuré susceptible de bénéficier de l’un et de l’autre ».
Madame la ministre, comme ce n’est pas la première fois que je pose cette question, je vous demanderai de nous épargner les pseudo-arguments de la direction de la sécurité sociale sur les champs d’application des conventions bilatérales. Personne ne conteste en effet que les conventions bilatérales ne concernent que les deux parties signataires !
La question n’est pas de savoir si l’on peut inclure un pays tiers dans le champ d’application d’une convention bilatérale, ni même de dire qu’un pays tiers peut être pris en compte dès lors qu’il serait lié par une convention bilatérale avec deux pays, eux-mêmes liés par une convention bilatérale.
La question est de savoir si l’on peut appliquer de façon cumulative des conventions bilatérales ou si l’assuré doit effectuer un choix entre le bénéfice de l’une ou de l’autre.
C’est du moins la question que se pose la CNAV, puisqu’il est évident pour tout le monde qu’à partir du moment où un État n’a pas à demander l’avis de ses précédents partenaires avant de signer une nouvelle convention avec un nouveau partenaire, il n’a pas à demander leur avis pour appliquer la nouvelle convention. Par exemple, si la France signe une convention avec l’Espagne, elle n’a pas à se demander s’il en existe déjà une avec le Portugal.
Les tribunaux ont répondu sans ambiguïté à cette question, confirmant qu’on pouvait cumuler les conventions. La Cour d’appel de Caen a même pris le soin de préciser qu’aucune mesure réglementaire ou technique n’était nécessaire pour appliquer la règle du cumul.
Madame la ministre, l’administration étant soumise au droit et au principe de légalité, elle doit se conformer à l’interprétation normative des tribunaux. Cela permet, vous en conviendrez, de protéger les citoyens contre l’arbitraire. Dès lors, au nom des retraités injustement pénalisés par le non-respect du droit, je vous demande de bien vouloir donner instruction à la CNAV et aux caisses régionales de respecter l’ordre juridique et d’appliquer sans délai la jurisprudence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, la France est liée à presque quarante États à travers le monde par des conventions de sécurité sociale, afin que la mobilité de nos concitoyens soit facilitée par la mise en œuvre de règles bilatérales permettant d’assurer une continuité de leurs droits en matière de sécurité sociale.
Si l’on ajoute les vingt-sept États de l’Union européenne, les trois États de l’Association européenne de libre-échange qui sont liés à l’Union européenne par l’accord de l’espace économique européen, à savoir l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, ainsi que la Suisse, liée à l’Union européenne par un accord sur la libre circulation des personnes, le réseau français de sécurité sociale s’étend à soixante-huit États. Comparé à ceux de nos principaux partenaires, il est l’un des plus importants. La plupart des pays de l’Union européenne n’ont signé en effet qu’une dizaine de conventions avec des pays autres que les États membres.
Les conventions bilatérales de sécurité sociale signées par la France avec des pays étrangers reposent sur les deux principes fondamentaux de réciprocité et d’exportabilité des pensions de retraite acquises. En effet, le pays signataire d’une convention bilatérale avec la France s’engage à reconnaître la même durée d’assurance vieillesse que la France et à rendre exportable la pension de retraite due sur ces bases. Le champ de ces accords bilatéraux est limité en outre par des champs d’application – personnel, matériel et géographique –, qui rendent imperméables les dispositions d’une convention bilatérale par rapport à une autre, sauf accord des parties pour étendre le bénéfice de la convention.
Une convention bilatérale ne peut donc inclure un pays tiers qu’avec l’accord des deux pays signataires, et non uniquement de la France. Pour cette raison, de nombreuses conventions bilatérales ne reconnaissent pas encore, à ce stade, les périodes d’activité effectuées dans des pays tiers.
Il existe certes un arrêt d’une cour d’appel faisant droit à la demande d’un requérant que soit pris en compte simultanément des périodes d’assurance, même si celles-ci relèvent de deux conventions bilatérales différentes. Selon la juridiction, bien qu’il n’existe pas de convention entre la Nouvelle-Calédonie et le Gabon en la matière, le cumul est possible, car il n’est pas interdit.
Toutefois, ce raisonnement, qui ne tient pas compte de la limite des engagements réciproques agréés entre États souverains dans le cadre de conventions internationales, ne peut être considéré comme étant à l’origine d’une jurisprudence ayant été validée par l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2004.
En effet, le recours en cassation de la caisse régionale d’assurance maladie de Normandie portait uniquement sur la restitution de la portion de pension de l’intéressé correspondant au versement qu’il avait effectué au titre de l’assurance volontaire pour atteindre le taux plein au titre de sa pension française.
L’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2004 ne se prononce donc pas sur la solution proposée par la cour d’appel. Il confirme simplement que le remboursement des sommes versées par le requérant au titre d’un rachat volontaire de périodes ne doit pas donner lieu à la restitution des sommes perçues par celui-ci, car c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé souverainement que ce supplément de pension constituait les dommages et intérêts demandés par le requérant.
Toutefois, une telle difficulté peut effectivement se révéler délicate à gérer, en particulier quand un assuré ne peut se prévaloir du taux plein pour sa retraite, faute de reconnaissance réciproque entre les États parties dans le cadre des conventions bilatérales de sécurité sociale.
Pour remédier à l’absence de prise en compte simultanée des périodes acquises sous l’empire de deux ou plusieurs conventions bilatérales, les conventions de sécurité sociale signées ou modifiées récemment prennent en compte cette préoccupation, puisqu’elles incluent les pays tiers dès lors qu’ils sont liés par convention aux deux autres pays signataires.
C’est le cas, par exemple, des conventions signées récemment avec l’Uruguay et l’Inde. Un tel souci sous-tend ainsi la dynamique actuelle d’élaboration des conventions et s’étend même progressivement aux conventions déjà signées, comme, notamment, celle avec le Maroc.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les Français expatriés qui le souhaitent peuvent cotiser volontairement à l’assurance volontaire vieillesse, l’AVV, qui permet une reconstitution parfaite des droits à l’assurance vieillesse de l’affilié, quel que soit le pays où il se trouve.
Enfin, la loi portant réforme des retraites de novembre 2010 prévoit un droit à l’information des assurés expatriés en matière de retraite. En conséquence, un groupe de travail dédié à ce sujet a été mis en place en avril 2011 au sein du GIP Info Retraite. Il traitera notamment de la manière optimale d’informer les futurs expatriés sur leurs droits, ainsi que sur leur possibilité d’adhérer à l’assurance volontaire vieillesse.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la ministre, j’entends bien vos arguments, qui ont d’ailleurs été déjà invoqués ici : nous avons en effet obtenu quasiment les mêmes réponses à cette question !
Vous nous dites que ces assurés n’ont qu’à prendre une assurance complémentaire. Or, si la France a signé des conventions de sécurité sociale, c’est précisément pour leur éviter de payer deux fois, puisqu’ils sont obligés, dans ces pays étrangers, de cotiser pour leur retraite.
On a l’impression que le droit, en dépit des décisions rendues, ne sert à rien ! Certes, l’affaire est délicate, et je ne vous accuse pas personnellement, madame la ministre, ni même le gouvernement auquel vous appartenez. En effet, les réponses qui m’ont été faites sous les gouvernements précédents étaient identiques.
À quelqu’un qui a déjà payé ses cotisations durant quarante-deux ans, on répond qu’il aurait dû prendre une assurance complémentaire ! Peut-être aurait-il fallu le lui dire plus tôt. Vous affirmez que, désormais, l’information sera donnée. Mais à tous ceux dont la carrière est derrière eux et qui ont déjà payé, que proposez-vous ? Repartir pour quarante-deux ans maintenant qu’ils sont informés ?
Je suis très naïf, madame la ministre, car j’ai cru que nous arriverions à faire comprendre le problème. Malheureusement, malgré tous les moyens que j’ai pu mettre en œuvre, je n’ai obtenu que des réponses négatives. Ayant posé la même question orale au gouvernement précédent, j’avais eu à peu près la même réponse. La vôtre, certes, est beaucoup plus technique et complète. Nous allons l’étudier. Mais je vous le dis franchement, je sais bien ce que me diront les retraités à qui je la montrerai : mon cher ami sénateur, nous espérions plus d’un gouvernement socialiste !
conditions d'exercice de l'hébergement social d'urgence en région île -de-france
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, auteur de la question n° 284, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Alain Richard. Madame la ministre, je souhaite dialoguer avec vous concernant le problème de la charge d’hébergement dans les agglomérations urbaines, en évoquant bien évidemment la situation de l’Île-de-France, que je connais particulièrement.
Une grande partie de cette fonction d’hébergement est assurée dans des hôtels, retenus par les organismes en général associatifs chargés de la gestion sociale de l’hébergement. Je crois que vous connaissez les trois difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le Val-d’Oise, car elles ne sont pas apparues avec ce gouvernement.
Premièrement, les organismes de gestion sociale – je pense en particulier au SAMU social de Paris, qui est le cas le plus emblématique parmi ceux que je connais – n’assurent qu'un suivi social extrêmement irrégulier des personnes dont elles ont la charge, lesquelles restent souvent sans le moindre contact pendant plusieurs mois.
Deuxièmement, les personnes qui sont juridiquement en situation d’hébergement d’urgence dans ces établissements d’accueil y restent en réalité des mois et des mois, parfois plus d'une année. Cette durée de séjour est anormalement longue.
Troisièmement, enfin, ces établissements sont dans un état matériel parfois très dégradé.
Par conséquent, mes questions sont le symétrique de ces constats.
D’abord, quel effort avez-vous l’intention d’engager afin qu’une vigilance accrue soit exercée quant à un suivi social régulier assuré par ces associations auprès des personnes et des familles accueillies dans ces structures d’accueil et que le partenariat qui vous unit à elles soit renforcé ?
Ensuite, est-il dans votre projet de développer une méthode permettant de garantir que, dans toute la mesure possible, les familles accueillies en hébergement provisoire n’y resteront pas « coincées » et verront leur situation résidentielle évoluer ?
Enfin, quelle politique de contrôle de l'état et de la sécurité des locaux d’hébergement comptez-vous engager ?
Je serais heureux de connaître vos intentions à cet égard, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la situation de l'hébergement social d’urgence, plus particulièrement en Île-de-France, où la tension dans ce domaine est particulièrement forte.
Le Premier ministre et moi-même avons d’ores et déjà travaillé sur cette question, notamment à l’occasion de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Vous avez parfaitement raison de rappeler que, à aucun moment, l'hébergement en hôtel ne peut et ne doit être considéré comme une solution pérenne. Le Premier ministre s'est d'ailleurs exprimé à ce sujet, et la circulaire du 4 janvier dernier précise de manière très claire que le « recours à l'hôtel ou à des accueils ne respectant pas un niveau de qualité satisfaisant et ne permettant pas de faire de l'accompagnement de qualité doit être évité ».
C'est bien le chemin que nous prenons, celui d'une pérennisation de lieux d'accueil de bonne qualité offrant des solutions d’accompagnement. Par ailleurs, nous développons, en relation avec la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement en Île-de-France, la DRIHL, des services intégrés d'accueil et d'orientation, des dispositifs d'accompagnement vers et dans le logement, des solutions d’intermédiation locative, autant de réponses permettant d’assurer à ces familles un accompagnement de bonne qualité et utile vers un relogement définitif.
Ce ne sont pas là que de vaines paroles. En effet, ces engagements feront l’objet d’un accompagnement financier dans le cadre du budget 2013. Au cours de cette année, 9 000 places d'hébergement d’urgence et 9 000 places en logement accompagné seront créées. Cet effort extrêmement important nous permettra d'apporter une réponse structurelle.
Par ailleurs, force est de constater que le recours aux hôtels en Île-de-France est lié à l’aggravation de la crise et à l’augmentation des besoins en hébergement puisque le dispositif généraliste comptait au mois de juin 2012 plus de 31 100 places, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. La réalité de la crise, il faut en être conscient, c'est une réalité humaine et sociale extrêmement violente, qui a des conséquences sur les hommes, les femmes, les familles. Cette situation nous a contraints ces derniers mois, tout particulièrement à l'automne, à accroître de manière très significative le nombre de places d'accueil et d’offres d’accompagnement. C’est en effet à cette période que nous avons constaté une aggravation de la situation, notamment celle des familles.
De fait, l'accompagnement renforcé des publics hébergés à l'hôtel fait partie de nos priorités, tout spécialement en Île-de-France. Le projet territorial de sortie d’hiver, sur lequel travaille d’ores et déjà la préfecture, sera l’un des éléments devant permettre d’aboutir à un système d'hébergement différencié, lequel s'accompagnera bien évidemment d’une mobilisation très importante de logements sociaux destinés à accueillir les personnes bénéficiant du droit au logement opposable, le DALO – c'est le cas d’un certain nombre des personnes hébergées en hôtel –, et d’un soutien à l’effort massif de construction en faveur duquel s’est engagé le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Je remercie Mme la ministre de la qualité et de la pertinence de sa réponse, qui confirme nombre d'éléments encourageants, notamment le financement de nouvelles places d’hébergement en 2013.
Néanmoins, je me permettrai d'insister sur deux points.
D'une part, il serait à mon avis bon que s’engage un dialogue plus serré avec les associations quant au contenu effectif de leur mission en matière de suivi social. N’ayant pas suffisamment creusé la question, je me garderai de poser un diagnostic sur l'accomplissement des missions du SAMU social de Paris, mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'interrogation est permise.
D’autre part, tout en poursuivant cette politique de développement des capacités d'accueil, il conviendrait de demander aux services préfectoraux compétents de s'assurer que les établissements hôteliers, qui ne se videront pas du jour au lendemain, offrent une qualité minimale d’accueil.
En conclusion, je formulerai deux observations.
Premièrement, madame la ministre, je souhaite – comme vous, j’imagine – que les places d'hébergement que vous avez l’intention de créer à court terme fassent l’objet d’un effort de redéploiement. Vous le savez aussi bien que moi, à ce jour, la très grande majorité de ces places sont concentrées dans des communes qui sont elles-mêmes fortement défavorisées. On assiste donc à un phénomène de suraccumulation, dont les manifestations sont en particulier les difficultés scolaires ou la surcharge des services sociaux.
Deuxièmement, à la lumière du constat que nous pouvons dresser en matière d’hébergement, il nous faudra engager un vrai travail d’évaluation des conséquences du DALO sur la politique du logement.
situation financière préoccupante de l'amicale du nid rhône
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 285, transmise à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, ma question porte sur la situation financière préoccupante de l’association l’Amicale du Nid Rhône.
À Lyon, depuis 1966, cette association accueille, héberge, accompagne et forme, dans son centre d’hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS, de 95 places, des femmes et des hommes, avec ou sans enfants, ayant connu des situations de violence, et plus particulièrement des prostitués, majoritairement des femmes.
La qualité et l’efficacité de ce travail sont reconnues par les élus et les acteurs locaux.
Les personnes accueillies ont un long et lourd parcours de reconstruction à accomplir avant d’envisager une insertion sociale, professionnelle, et d’acquérir un logement.
Les nombreuses violences vécues et les conséquences traumatiques qui en résultent nécessitent un accompagnement global, spécialisé, professionnel, basé sur la complémentarité des différents services de ce CHRS : un accueil de jour, un hébergement, avec des places en appartement dit « éclaté », un atelier d’adaptation à la vie active.
Ce sont plusieurs centaines de personnes qui sont prises en charge, chaque année, par l’Amicale du Nid Rhône.
Cette association indique être confrontée depuis plusieurs années à des baisses de financement entraînant des déficits importants.
En septembre 2011, j’avais interpellé le précédent gouvernement sur ce sujet, puisque, cette année-là, pour la première fois, la dotation de cette association était inférieure à celle des années précédentes.
J’ai de nouveau été alertée par l’Amicale du Nid Rhône sur ses difficultés de financement, dues surtout aux impayés de l’État. Pour 2011, ces derniers s’élèvent, en cumulé, à 319 239 euros.
Cette situation peut entraîner, dans un délai très court, la cessation de paiement de l’association tout entière et, en conséquence, la cessation d’activité, le licenciement de deux cents salariés et l’arrêt de ses missions.
L’établissement a déjà engagé un effort très important pour réduire ses coûts, tout en préservant la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes aidées. Il ne pourra faire plus.
Je connais l’engagement du Gouvernement sur le dossier de la prostitution. On ne pourra envisager de résorber celle-ci – je doute en effet qu’on puisse l’abolir – si l’on ne donne pas les moyens aux associations de mener à bien leurs actions de réinsertion.
Madame la ministre, il est important que l’État assume ses engagements à l’égard de l’Amicale du Nid Rhône. Je vous remercie de m’indiquer les moyens que vous comptez mettre en œuvre pour qu’il en soit ainsi.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Madame la sénatrice, vous m’alertez sur la situation de déséquilibre financier de l’Amicale du Nid Rhône et ses éventuelles conséquences sur les activités de l’association et le devenir de ses salariés.
Comme vous le rappelez, les décisions prises par le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale ont fixé au 1er janvier 2012 une dette totale de l’État à l’égard de l’association d’un montant de 319 239,36 euros au titre de la dotation globale de fonctionnement.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, et moi-même avons été alertées sur ce sujet tant par la présidente de l’association, Geneviève Duché, que par Hélène de Rugy, sa déléguée générale.
L’Amicale du Nid, je confirme vos propos, effectue un travail remarquable auprès de publics fragiles et apporte des réponses appropriées à ces personnes, qui, pour certaines d’entre elles, sont en grave difficulté. En outre, l’association a fait montre de responsabilité en redoublant d’effort, en lien avec les services déconcentrés, pour redresser sa situation.
Pleinement conscientes du risque financier que ce déséquilibre fait courir à l’Amicale du Nid, nous avons accéléré la procédure pour qu’une solution permettant à l’association de pérenniser ses activités soit trouvée. C’est ainsi que j’ai le plaisir de vous informer que la dette contractée par l’État sera réglée au tout début de l’année 2013 selon des modalités qui pourront vous être communiquées précisément par le préfet de la région Rhône-Alpes.
Najat Vallaud-Belkacem et moi-même avons cosigné un courrier pour informer la présidente de l’association et sa déléguée générale de cette décision. Elles ont déjà dû le recevoir.
Votre question, madame la sénatrice, m’offre l’occasion de rappeler l’engagement très fort du Gouvernement en faveur de l’hébergement des femmes victimes de violence. Nous travaillons à la fois sur l’offre en matière d’hébergement d'urgence et sur un accompagnement social spécifique et adapté à ces personnes en situation de rupture sociale du seul fait des violences conjugales sont elles sont victimes.
Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi « logement et urbanisme » que je présenterai au Parlement à la fin du premier semestre de cette année, nous proposerons des solutions visant à faciliter l'accès des femmes en difficulté au parc social. Même si ces sujets sont très techniques, je pense en particulier à la possibilité de bénéficier d'un logement social avant qu'une ordonnance de non-conciliation ne soit prononcée dans le cadre d'une procédure de divorce.
Nous sommes très attentifs à ce que non seulement des réponses d'urgence, mais également des réponses pérennes soient apportées aux femmes en difficulté qui font preuve d'une grande volonté dans leur insertion, pour l'avenir de leurs enfants et pour leur épanouissement.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, dont je me réjouis. Je vous remercie également des actions que vous envisagez de mener en faveur des femmes victimes de violences. Soyez assurée que je soutiendrai toutes les actions en ce sens.
réseaux d'initiative publique
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 283, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
Mme Josette Durrieu. Ma question porte sur le numérique, sur les réseaux d’initiative publique et sur la couverture des zones peu denses dans les territoires ruraux.
Madame la ministre, vous savez fort bien que les opérateurs privés ne couvrent pas ces zones peu denses, au motif qu’elles ne sont pas rentables. Par conséquent, les charges liées à la réalisation des réseaux d'initiative publique pèsent sur les collectivités territoriales. Il faut savoir que les espaces ruraux constituent 80 % de notre territoire national.
L'enjeu, pour nos territoires, est tellement important en termes d'attractivité que, pour maintenir les populations résidentes, pour faire venir des entreprises et conserver celles qui sont en place, de nombreuses collectivités font le choix de s'engager dans la réalisation d’un réseau d’initiative publique, mais c’est là une entreprise difficile.
À ce jour, 8 millions d'usagers utilisent quotidiennement un réseau d'initiative publique, ce qui est important. Il n'empêche que ces efforts représentent pour les collectivités un coût insupportable.
En tant que présidente du conseil général des Hautes-Pyrénées, j'ai engagé un partenariat public-privé pour le déploiement de quatre cents kilomètres de fibre optique. J’en connais le coût et je sais également que nous ne toucherons pas le moindre euro de la part de l’État.
Premièrement, madame la ministre, des aides financières sont nécessaires. Que comptez-vous faire pour modifier le fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, l’ex-fonds national pour la société numérique ? Il ne reste plus rien de la péréquation nationale. C'est un point essentiel.
Deuxièmement, quand on a un réseau, on évolue vers un schéma directeur territorial d’aménagement numérique, ou SDTAN ; c’est déjà plus facile que quand on n’a rien. Mais, madame la ministre, vous savez mieux que quiconque que ce sera là encore au-dessus de nos moyens. Cette évolution fera-t-elle l’objet d’un accompagnement pour ceux qui possèdent déjà un réseau ? J'émets des doutes pour ceux qui n'ont rien.
Troisièmement, les usages du numérique sont multiples et je ne les énumérerai pas. Êtes-vous prête, madame la ministre, à soutenir les efforts nécessaires notamment dans le domaine de l’e-santé ? Nous avons des choses intéressantes à faire.
Quatrièmement, je ne sais pas si le retour sur investissement a été mesuré ; nous avons en tout cas besoin de savoir combien rapporte à l'économie locale un kilomètre de fibre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame Durrieu, les réseaux d’initiative publique sont effectivement au cœur même de l’aménagement numérique des territoires, et le projet que vous avez porté dans votre département des Hautes-Pyrénées en est un formidable exemple.
Je connais l’ambition du plan Hautes-Pyrénées Numérique, dont l’objet est de proposer un débit de 2 mégabits par seconde pour tous et le fibrage des zones d’activité et des sites d’intérêt public.
Comme vous le soulignez dans votre question, en l’absence de toute véritable politique d’aménagement numérique de l’État depuis dix ans, ce sont en effet les réseaux d’initiative publique, ou RIP, portés par les collectivités territoriales, qui ont permis de limiter les effets de la fracture numérique en apportant un haut débit de qualité au plus grand nombre. Ces réseaux d’initiative publique ont permis de maintenir la compétitivité des territoires en raccordant les zones d’activité et autres sites d’intérêt public.
Le Gouvernement a conscience du savoir-faire développé dans les territoires, des compétences, des expériences et des énergies des collectivités territoriales en matière de numérique. Il entend aujourd’hui s’appuyer sur leurs initiatives pour mener à bien son projet d’une couverture intégrale du territoire en très haut débit d’ici à dix ans. Il s’agit, vous le savez, d’un engagement fort pris par François Hollande lors de la campagne pour l’élection présidentielle.
Le changement majeur par rapport à la période antérieure, c’est que le Gouvernement ne laissera plus les collectivités seules. Vous le soulignez vous-même, ces projets sont techniquement complexes, opérationnellement délicats, commercialement risqués et financièrement très lourds.
L’État stratège doit enfin assurer pleinement son rôle de soutien opérationnel et financier aux projets de réseaux d’initiative publique pour en garantir le succès, notamment – vous l’avez souligné – dans les zones peu denses ou non rentables.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a institué, voilà maintenant plus de deux mois, sur mon initiative, une mission « Très haut débit » dont le rôle est d’identifier les conditions et les moyens de parvenir à la réalisation de l’ambitieux objectif du très haut débit pour tous. Cette mission a ainsi préparé un projet de feuille de route qui précise les modalités de soutien technique, opérationnel et financier que l’État pourrait apporter aux collectivités territoriales.
Ce projet de feuille de route fait actuellement l’objet d’une assez large consultation ; plus d’une cinquantaine de collectivités, opérateurs, industriels, y ont déjà répondu. Dans ce cadre, je réunirai la semaine prochaine les principaux acteurs des déploiements du très haut débit, les représentants des collectivités territoriales, bien sûr, mais également les opérateurs et les industriels de la filière, y associant naturellement la ministre de l’égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot.
Sans préjuger les orientations finales qui seront arrêtées lors du séminaire gouvernemental consacré au numérique, qui se tiendra à la fin du mois, et lors du séminaire gouvernemental sur les investissements d’avenir, qui aura lieu dans deux semaines, je peux vous assurer, madame la sénatrice, que la dynamique constructive qu’a instaurée le projet de feuille de route invite à l’optimisme.
Ce projet vise en particulier à lever les ambiguïtés du passé : l’objectif final du déploiement du FttH, ou fiber to the home, est univoque et impose une véritable réflexion sur l’extinction du réseau cuivre, qui, vous le savez, aura des conséquences très importantes sur la rentabilité des réseaux d’initiative publique et, d’une manière plus générale, sur le déploiement de la fibre optique.
Il entend instituer avec les opérateurs des relations de partenariats exigeants mais équilibrés qui permettront de sécuriser leurs engagements d’investissement, au-delà de la simple manifestation d’intentions. Aujourd’hui, le problème tient au fait que le cadre juridique n’est pas suffisamment incitatif pour les opérateurs et que les collectivités n’ont pas vraiment les moyens de se retourner contre les opérateurs qui ne respecteraient pas les engagements d’investissement. L’État fera en sorte de créer un cadre beaucoup plus engageant pour les opérateurs.
Le projet de feuille de route suggère également la création d’une structure nationale de pilotage qui sera en mesure de garantir une harmonisation des techniques, des architectures, des systèmes d’information au travers de guides de bonnes pratiques, de référentiels, et qui pourra soutenir et accompagner les collectivités dans leurs différents projets. Il est en effet aussi important de garantir une interopérabilité des réseaux et une harmonisation technique des projets qui seront déployés par les collectivités territoriales.
En ce qui concerne enfin le financement, le projet de feuille de route suggère d’augmenter sensiblement le soutien aux collectivités territoriales qui s’inscriront dans la stratégie nationale de développement du très haut débit, en apportant une attention particulière aux territoires les moins bien desservis, les plus reculés et où les déploiements de nouveaux réseaux sont les plus coûteux.
Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, les choses avancent, et vite. Non seulement l’ambition du Président de la République sera respectée, mais le calendrier, sur ce chantier d’envergure, sera tenu.
Le séminaire gouvernemental permettra notamment aux ministres chargés de la santé, de l’éducation, des personnes âgées, de présenter leurs priorités en matière de développement des usages. En matière de santé et de maintien à domicile des personnes âgées, l’économie numérique peut nous permettre d’apporter un meilleur service à nos concitoyens mais également des perspectives de réduction de la dépense sociale. Il s’agit donc d’une piste extrêmement intéressante que je suivrai de très près.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. La question du développement des réseaux d’initiative publique est bien évidemment à replacer au cœur du débat sur l’aménagement du territoire et la décentralisation.
Je le répète, et nous devons garder ce chiffre présent à l’esprit, 80 % de notre territoire est concerné et 14 millions d’habitants vivent dans cet espace dit rural et peu dense. Ce n’est pas rien !
Par ailleurs, j’ai noté votre définition de l’action de l’État stratège. L’État doit en effet être au cœur de la volonté d’aménager le territoire afin de réduire la fracture numérique qui est non pas un risque, mais une réalité. Et je crains fort que la perspective du très haut débit ne creuse encore les écarts.
Ainsi, l’ensemble du réseau numérique des Hautes-Pyrénées, avec ses quatre cents kilomètres de fibre optique et les perspectives de développement du Wimax et du satellite, absorbe aujourd’hui 29 millions d’euros, et ce chiffre atteindra 152 millions d’euros dans vingt ans avec le partenariat public-privé.
Dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, que nous sommes en train d’étudier, le financement des équipements pour l’accès au très haut débit sur un espace couvrant 85 % de notre département s’élève à 145 millions d’euros. J’ai du mal à croire que nous, et vous, pourrons faire face, madame la ministre. Il ne faut donc pas trop promettre et avoir bien conscience de la réalité.
Vous avez mentionné l’élaboration d’un projet de feuille de route, et je m’en réjouis. Il est en effet souhaitable d’avoir une trajectoire sur laquelle nous positionner. Vous avez également évoqué l’instauration d’un partenariat exigeant avec les opérateurs. Vous avez raison, car si la concurrence est ouverte, elle ne doit pas devenir injuste.
Enfin, vous avez dit vouloir augmenter « sensiblement » les fonds qui seront consentis aux collectivités locales. Le mot me gêne un peu, et j’espère que nous affirmerons notre différence.
conséquences de la restructuration annoncée par le groupe sanofi
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, auteur de la question n° 260, adressée à M. le ministre du redressement productif.
M. Christian Bourquin. Madame la ministre, en septembre dernier, l’annonce par le laboratoire Sanofi de la mise en place d’un plan de restructuration a suscité émotion et colère chez les salariés. Ces sentiments sont d’autant plus légitimes que le groupe pharmaceutique, en dépit de la crise économique et financière, affichait, pour la seule année 2012, un résultat net de près de 9 milliards d’euros.
Le groupe a également perçu, durant cette période, de 100 à 150 millions d’euros – les chiffres varient selon les sources, mais restent élevés – au titre du crédit d’impôt recherche. Il perçoit donc des aides de l’État, et ce dernier est dès lors en droit de lui demander des comptes.
Parmi les sites touchés par ce plan de restructuration figure le site de Montpellier. Ce dernier devrait voir ses activités de recherche délocalisées en région parisienne et à Lyon. Vous comprendrez que, président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, je sois concerné tout particulièrement par les questions d’emplois et de développement économique sur ce territoire, et que j’observe avec la plus grande attention les choix stratégiques opérés actuellement au sein du groupe Sanofi. Ils ont en effet des conséquences sociales désastreuses immédiates, mais aussi des effets négatifs à plus long terme en matière de dynamique économique territoriale.
J’ai pu assister, le 18 décembre dernier, à des auditions spécifiques organisées par la commission des affaires sociales du Sénat. Ont alors été entendus M. Christian Lajoux, président de Sanofi en France, ainsi que des délégués syndicaux.
Les propos tenus par M. Lajoux ne m’ont vraiment pas rassuré ! Par expérience, je sais bien que, en matière de délocalisations et de plans de départs volontaires, les conditions normales du dialogue social sont très rarement réunies. Bien trop souvent aussi, des salariés sont « laissés sur le carreau ».
Je ne peux non plus me réjouir de voir des emplois supprimés à Montpellier, quand bien même on recourrait à un plan de départs volontaires et non à des licenciements purs et simples !
Quant aux engagements formels du groupe, ils sont limités dans le temps : aucun licenciement ne devrait intervenir jusqu’à la fin de l’année 2015... Mais que va-t-il se passer après cette date ?
Dans ces conditions, l’avenir immédiat des 1 064 salariés de Montpellier est critique, celui des employés de Sanofi en France reste sombre, tandis que celui du groupe Sanofi, selon les analystes financiers, demeure quant à lui florissant.
Madame la ministre, ma question est multiple : quelles assurances peuvent être données aux salariés de Sanofi à Montpellier en matière de respect du dialogue social ? Que compte faire le Gouvernement pour préserver l’activité de recherche pharmaceutique dans notre pays ?
Enfin, j’aimerais savoir, puisque nous sommes face à ce qui pourrait s’apparenter à un nouveau cas de licenciements boursiers abusifs, où en est la réflexion du Gouvernement sur le projet de loi en préparation visant à interdire ce type de licenciements.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur Bourquin, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre du redressement productif, retenu ce matin par le lancement du Conseil national de l’industrie.
Le groupe Sanofi, qui a réalisé plusieurs milliards d’euros de profits, a envisagé de fermer certains de ses centres de recherche, de licencier et de se séparer de collaborateurs qui lui ont été fidèles pendant des années, à Montpellier et à Toulouse.
Les élus locaux, les pouvoirs publics nationaux, nous-mêmes au ministère avons donc décidé de réagir avec vigueur, obtenant un reformatage d’ampleur des projets du groupe. Nous avons engagé avec la direction de Sanofi des discussions qui sont toujours en cours, et nous soulignons que ce n’est pas le moment d’oublier ce qui a permis les profits de Sanofi.
Lorsqu’une entreprise dégage 5 milliards d’euros de profits, comme c’est le cas de Sanofi, lorsqu’elle n’est pas en difficulté manifeste, elle a certes le droit de se réorganiser, mais son plan de réorganisation ne peut être accepté qu’à la condition que les syndicats soient d’accord. C’est pourquoi nous demandons à l’entreprise de négocier avec les syndicats et nous veillons à ce que ce soit bien le cas.
Monsieur le sénateur, pour Sanofi en France, on peut estimer à 82 % la part de son chiffre d’affaires médicaments, hors taxes, solvabilisée par l’assurance maladie, c’est-à-dire par les Français. Il est donc normal que la République demande à ce groupe d’assumer ses responsabilités à l’égard du peuple français, comme il le fait pour ses actionnaires.
Le changement voulu par le Président de la République consiste à remettre les choses à leur juste place. C’est pourquoi nous déployons notre dynamique et nous recueillons, je dois le dire, les premiers résultats.
Le PDG de Sanofi a rencontré les représentants du Gouvernement au mois de juillet, annonçant de 2 800 à 2 500 réductions de poste. L’entretien a été musclé.
Au mois d’août, à l’Élysée, nous étions parvenus à un plan de licenciements qui portait encore sur 1 390 postes. Le lendemain, la direction de Sanofi acceptait de sortir le site de Toulouse de son plan, et nous avons ainsi préservé 500 emplois supplémentaires.
Le plan de Sanofi pourrait donc se traduire par la suppression de 914 postes dans les secteurs de la recherche et les vaccins. Sanofi s’engage à ce que cela se fasse sans licenciement et uniquement sur la base du volontariat. C’est déjà un acquis considérable par rapport à ce qui était annoncé.
Le Gouvernement considère que la plus grande vigilance s’impose. Nous l’avons fait savoir à Sanofi et à ses dirigeants.
Le Gouvernement est particulièrement sensible à ce que Sanofi garde ses centres de décisions en France et maintienne sa part de recherche et développement française à hauteur de 50 % de ses dépenses globales de R&D. Il attache aussi une importance toute particulière à ce que Sanofi conserve l’ensemble de ses sites de production.
Monsieur le sénateur, la négociation avec les dirigeants du groupe Sanofi se poursuit. Nous restons mobilisés et très vigilants.
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Madame la ministre, je suis étonné et déçu que vous ne m’en disiez pas plus. Nous sommes confrontés à une situation délicate, grave, et l’observation de la stratégie du groupe Sanofi dans d’autres pays montre clairement que celui-ci sait adopter des comportements proches de comportements voyous !
Ainsi, récemment, au Canada, alors que le pays l’aidait plus que ne le fait la France, il a su tirer sa révérence très rapidement.
Aujourd’hui – et j’appelle votre attention sur ce point –, avec les financements et les ambitions que nous avons su accorder à ce groupe, avec la fabrication des nombreux médicaments qui lui a été confiée – et vous l’avez rappelé, madame la ministre, 82 % du chiffre d’affaires du groupe est lié aux financements de la sécurité sociale –, nous aurions me semble-t-il de quoi être beaucoup plus fermes quant aux engagements que nous exigeons. Je ne reviendrai pas sur la situation du site de Toulouse. Élu du Languedoc-Roussillon, de Montpellier, j’apprécierais beaucoup la fermeté du Gouvernement au regard de ces comportements inqualifiables.
efficacité de l'utilisation de l'argent public à partir du cas de l'entreprise indra sas
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la question n° 288, adressée à M. le ministre du redressement productif.
Mme Marie-Christine Blandin. J’attire l’attention de M. le ministre du redressement productif et, ce faisant, de Mme la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, que je remercie de sa présence, sur l’efficacité de l’utilisation de l’argent public à partir du cas de l’entreprise INDRA SAS.
La reconversion du site lourdement pollué de Metaleurop a donné lieu à un projet de réindustrialisation adossé au complexe SITA AGORA porteur de plusieurs éco-entreprises. INDRA SAS y assure depuis 2009 le démontage et le recyclage de véhicules hors d’usage. Ses actionnaires sont SITA Suez et Renault, à parts égales.
Cette réindustrialisation sur un site lourdement pollué, dans un territoire sinistré, fut une bouffée d’oxygène.
SITA AGORA n’a été possible qu’avec des subventions cumulées : 950 000 euros provenant du fonds spécial d’implantation de la région Nord–Pas-de-Calais et conditionnés à la création d’emplois, dont 625 000 euros ont été versés ; la prime d’aménagement du territoire, pour laquelle l’État a versé 2,85 millions d’euros ; le Fonds européen de développement régional, le FEDER, pour lequel l’Europe a versé 1,9 million d’euros.
Le concept de déconstruction automobile est unique, avec ses 85 % de réemploi, recyclage ou valorisation des matériaux, et son réseau national de vente de pièces. Adossé à un département de recherche et développement, INDRA SAS garde en vue l’objectif de 95 % de valorisation voulu par l’Union européenne.
Pourtant, aujourd’hui, le site de Noyelles-Godault est sur le point de fermer, trois ans après son ouverture, avec pour conséquence la suppression de trente-cinq emplois, laissant dans le plus grand désarroi des hommes qui avaient cru au projet.
Installés en piquet de grève, ils posent de véritables questions : alors que le process est innovant, que l’outil de travail est en bon état, que la rentabilité est crédible même en dehors des primes à la casse, alors que 11 000 véhicules hors d’usage par an suffisent sur les 2,5 millions disponibles, pourquoi a-t-on laissé plomber la rentabilité de l’entreprise par un loyer démesuré, de l’ordre du million d’euros par an pour une terre non constructible, non cultivable ?
On ne peut que se perdre en conjectures quand on découvre que c’est à SITA AGORA, propriétaire du terrain, que INDRA paye le loyer, elle dont l’actionnaire n’est autre que SITA FRANCE, dont SITA AGORA n’est qu’une filiale...
Pendant ce temps, INDRA SAS prospecte dans d’autres régions et installe son process à Saint-Nicolas-de-Redon, bénéficiant d’une aide régionale d’un montant de 150 000 euros.
Madame la ministre, quelles garanties le Gouvernement compte-t-il se donner pour que l’usage des subventions ne soit pas dévoyé dans un système comptable interne au groupe via des filiales ou dans un nomadisme opportuniste, au gré des subventions versées par les collectivités, l’État et l’Europe ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, afin de soutenir les projets d’investissements et de création d’emplois, l’État, vous le savez, dispose de divers dispositifs, notamment la prime à l’aménagement du territoire, ou PAT, et l’aide à la ré-industrialisation, ou ARI.
Ces dispositifs ont démontré leur efficacité et, dans le cadre de sa politique de redressement productif, le Gouvernement a ainsi décidé de dégager une dotation supplémentaire de 120 millions d’euros pour l’aide à la ré-industrialisation, avec l’objectif de soutenir une trentaine de nouveaux projets.
Ces aides, la PAT et l’ARI, permettent d’accompagner des projets solidement étayés, de long terme, en vue de créer des emplois pérennes. Elles sont accordées sous la condition de la réalisation d’investissements et de la création d’emplois, avec des engagements précis de la part des bénéficiaires en termes de montants et de nombre d’emplois à créer et à maintenir sur une période d’au moins cinq ans.
Dans le cas où ces engagements ne sont pas respectés, les entreprises bénéficiaires sont naturellement contraintes de rembourser les aides. Le Gouvernement entend que ce principe soit respecté et il y sera particulièrement attentif.
Pour faire face aux conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires constatées à la fermeture de Metaleurop Nord à Noyelles-Godault, le groupe Suez, et plus spécifiquement sa filiale SITA, s’est porté volontaire pour réhabiliter et réindustrialiser la partie industrielle du site.
Ce projet comportait deux grandes phases distinctes : la dépollution, la déconstruction et le confinement des sources de pollution ; la constitution d’un écopôle, assurant le redéploiement économique sur des activités liées aux éco-industries.
Le site est aujourd’hui réhabilité et il est devenu un écopôle unique en France par sa taille et la variété de ses prestations de traitement de déchets non dangereux. Le projet a permis la création de 125 emplois à durée indéterminée en équivalents temps plein.
Afin de permettre la concrétisation de ce projet et de ses divers volets de création de nouvelles activités, l’État et les collectivités se sont mobilisés au travers de subventions à l’investissement significatives, octroyées à SITA, maître d’œuvre du projet global, en distinguant chacun de ses volets. Ces subventions ont été accordées sous la condition de la réalisation d’investissements et de la création d’emplois, en prévoyant un remboursement des aides dans le cas de non-respect de ces conditions.
La convention FEDER – 1,9 million d’euros de subvention décidée – prévoyait une fin de programme d’investissements au 31 décembre 2008, avec une clause de création d’emploi au 30 juin 2010. À cette échéance, les emplois créés étaient au nombre de 125 CDI en équivalents temps plein sur les différentes entités juridiques concernées – dont 27 pour INDRA – au regard de l’objectif de 190. Seul un acompte de 730 000 euros a été versé, à comparer aux 1 578 900 euros auquel le bénéficiaire pouvait prétendre au regard des clauses de la convention.
La convention PAT – 2 836 200 euros de subvention décidée – prévoyait, quant à elle, une fin de programme d’investissements au 17 août 2011. À cette échéance, les emplois créés étaient de 125 CDI en équivalent temps plein sur les différentes entités juridiques concernées – dont 23 pour INDRA –, au regard d’un objectif de 174. Seul un acompte de 945 400 euros, soit un tiers de l’aide décidée, a été versé, à comparer à un niveau de 2,4 millions d’euros auquel le bénéficiaire pouvait prétendre au regard des clauses de la convention.
Pour estimer l’impact sur les subventions qu’aurait l’arrêt définitif du site de déconstruction de véhicules hors d’usage, les services de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la DIRECCTE, ont demandé à SITA de distinguer les investissements se rapportant au seul programme VHU, information non encore disponible à ce jour.
Toutefois, le programme VHU ne correspondant qu’à environ 20 % de la globalité du site, les montants d’acomptes versés sur les subventions FEDER et PAT sont significativement inférieurs à ce à quoi SITA peut prétendre. L’arrêt définitif de l’unité véhicules hors d’usage induirait donc, non plus le remboursement de subventions, mais au contraire des versements complémentaires, à ajuster en fonction de l’effectif réellement maintenu sur l’ensemble du site.
Il faut donc bien faire la distinction entre les subventions prévues mais conditionnées à des objectifs stricts en termes d’investissements et d’emplois, maintenus sur le long terme, et les montants effectivement versés à ce jour.
Au regard du « poids » relatif du projet VHU par rapport à l’ensemble de l’écopôle SITA-AGORA, aucune subvention versée par l’État ou par l’Europe ne risque aujourd’hui d’être indûment conservée par SITA.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’activité de déconstruction automobile de la société INDRA, une solution de reprise est activement recherchée. Dans ce cadre, si un accompagnement financier public est apporté, il profitera exclusivement à la société repreneuse et non pas aux sociétés INDRA ou SITA.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à apporter quelques précisions complémentaires.
L’activité de l’INDRA représente 14,6 % du total de son investissement et 23 % des emplois. J’ajoute que la région a versé 2 500 000 euros pour la dépollution, que vous mettiez au seul compte de l’entreprise.
J’entends bien que l’argent est contrôlé et repris lorsque les engagements ne sont pas respectés. Mais derrière, il y a de l’humain, il y a des entreprises nomades, il y a des gens qui croient qu’ils sont embauchés, soutenus par de l’argent public et que l’on jette le lendemain pour aller s’installer ailleurs.
Si nous pouvons être satisfaits de la traçabilité de l’argent public, humainement et pour le développement économique d’une région, le compte n’y est pas.
assujettissement aux cotisations sociales des indemnités des commissaires enquêteurs
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 123, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les règles d’assujettissement aux cotisations de sécurité sociale des indemnités perçues par les commissaires enquêteurs, collaborateurs occasionnels du service public.
L’assujettissement des indemnités que perçoivent les intéressés aux cotisations de sécurité sociale pose en effet problème.
Par ailleurs, si les URSSAF s’appuient sur le décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000 portant application de l’article L. 311-3-21 du code de la sécurité sociale pour justifier l’assujettissement des sommes perçues par les commissaires enquêteurs, il n’est pas certain que la même lecture soit faite sur l’ensemble du territoire national !
Ainsi, lorsque l’État est le maître d’ouvrage, aucune retenue n’est effectuée, mais lorsqu’il s’agit d’une collectivité, le montant de l’indemnisation du commissaire enquêteur est soumis à prélèvement de charges sociales, ce qui paraît totalement injuste.
En effet, des départements mitoyens voient leurs URSSAF assujettir ou non les indemnités aux charges sociales et patronales, ce qui est la source de nombreuses incohérences.
Enfin, en fonction des procédures d’enquêtes publiques mises en œuvre, la prise en charge du paiement par les collectivités directement ou, dans certaines hypothèses, par l’intermédiaire du Fonds national d’indemnisation des commissaires enquêteurs, entraîne, là encore, de multiples interrogations et incohérences quant aux retenues effectuées.
De plus, la légalité de la désignation d’un commissaire enquêteur pourrait être remise en cause si celui-ci perçoit un salaire de la collectivité au profit de laquelle il a conduit une enquête.
En effet, l’article L. 123-6 du code de l’environnement rappelle l’obligation d’indépendance du commissaire enquêteur, donc la nécessité qu’aucun lien de subordination n’existe entre lui et la collectivité. Or un salaire peut être considéré comme un lien de subordination. C’était d’ailleurs l’une des motivations qui avait conduit à la création du Fonds national d’indemnisation.
De plus, il convient de souligner que la décision de payer un salaire à un commissaire enquêteur pourrait également être remise en cause par l’intéressé, du fait qu’aucun contrat de travail ne le lie à la collectivité considérée.
Aussi, il semblerait plus simple et plus juste, soit de supprimer, étant donné les différentes interprétations faites selon les juridictions, soit à tout le moins de limiter les retenues aux contributions – CSG et CRDS –, en préservant les mécanismes actuels de calcul, qui prévoient, notamment, des exonérations totales ou encore une retenue forfaitaire lorsque les montants n’excèdent pas certains seuils.
En conséquence, je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir indiquer les intentions du Gouvernement afin de pallier les inconvénients précités, maintes fois relevés par les intéressés, mais aussi par les collectivités locales contraintes de verser des sommes importantes au titre de la part patronale, alors même qu’elles sont au préalable dans l’ignorance du montant de l’indemnité fixée, a posteriori, par ordonnance du tribunal administratif.
En effet, il semble temps de trancher ce litige permanent en adoptant une interprétation identique pour tous et connue de tous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, le dispositif des collaborateurs occasionnels du service public, les COSP, auquel vous faites allusion, a été institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Les commissaires enquêteurs ont été intégrés dans son champ d’application par le décret du 17 janvier 2000 modifié portant rattachement de certaines activités au régime général.
Ce dispositif conduit à affilier au régime général plusieurs catégories de personnes qui perçoivent des rémunérations au titre d’une activité d’expertise, conduite de façon indépendante, à la demande d’une autorité publique : outre les commissaires enquêteurs, sont notamment concernés les membres des comités de lecture du Centre national du livre, les hydrogéologues agréés ou les médecins des commissions départementales du permis de conduire.
Dans le cadre de cette affiliation, les rémunérations versées à ces experts sont assujetties aux cotisations sociales à des taux réduits, soit les taux applicables aux salariés du régime général réduits de 20 %. Elles sont en outre assujetties à la CSG et à la CRDS. Ces prélèvements sont identiques, que les sommes soient versées par le Fonds national d’indemnisation des commissaires enquêteurs ou directement par les collectivités locales. Naturellement, ces cotisations assurent aux personnes concernées l’acquisition de droits sociaux, notamment en matière d’assurance retraite.
Il est important de rappeler que les règles qui s’appliquent en droit de la sécurité sociale n’emportent pas de conséquences en droit du travail, de même qu’elles n’en découlent pas nécessairement non plus.
En particulier, l’indépendance de l’activité d’expertise, par rapport à la personne publique qui la commande, n’est pas remise en cause par l’affiliation au régime général, pas plus que cette dernière ne requiert l’existence d’un contrat de travail et la qualification d’une relation de subordination. La liste des activités qui impliquent une affiliation au régime général par assimilation, sans que l’activité relève obligatoirement du salariat, est précisée dans l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale – les collaborateurs occasionnels du service public y sont visés au 21.
Les règles d’application du dispositif des COSP, qui est relativement ancien, sont claires et s’imposent à tous sur l’ensemble du territoire.
Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à vous rapprocher du cabinet du ministre du budget, dès lors que vous auriez observé des interprétations variables selon les lieux concernés.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
Je connais bien la réglementation en la matière, mais elle ne s’applique pas de la même façon sur tout le territoire national. Toutefois, je retiens votre suggestion de vous faire remonter toutes les informations discordantes à cet égard.
M. le président. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 130, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, je souhaite, une fois de plus, attirer l’attention du Gouvernement sur le dossier prioritaire de la ligne nouvelle Paris-Normandie, la LNPN.
Vous le savez, c’est un chantier qui nous tient particulièrement à cœur, à nous élus normands, tant il est essentiel pour l’avenir de notre région. Mon collègue Hervé Maurey, sénateur de l’Eure, a eu l’occasion de vous le rappeler récemment, et je le souligne à mon tour aujourd’hui en tant qu’élue de la Seine-Maritime.
Ce projet est non seulement capital pour la Normandie mais, pour reprendre les mots prononcés à Caen par l’actuel Président de la République, en janvier 2012, il répond également à « l’intérêt du pays ».
En effet, la réalisation de cette ligne est indispensable pour améliorer la qualité du service rendu à des dizaines de milliers d’usagers quotidiens. Elle est indispensable pour faire de la Normandie la porte d’entrée de l’ouest de l’Europe, et permettre ainsi à nos ports, réunis au sein du groupement d’intérêt économique Haropa, de consolider leurs acquis et de prendre un nouvel essor.
De surcroît, toute l’activité de nos entreprises pourrait bien sûr accéder à de nouveaux débouchés si celles-ci disposaient, à leur porte, du réseau ferroviaire européen à grande vitesse.
Plus largement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner avec mes collègues centristes, c’est tout le programme « Axe Seine », projet global d’aménagement du territoire, qui apparaît en filigrane de la LNPN.
Je ne reviendrai pas sur le travail déjà accompli sur ce dossier et sur le consensus qui se fait jour au niveau local quant à la nécessité de cette nouvelle ligne : une « dette » envers la Normandie a été évoquée par le président de la SNCF. Dans les trois régions concernées, les conseils économiques sociaux et environnementaux des régions, les CESER, se sont fédérés au sein de l’association pour la promotion de la LNPN. Cette structure a d’ailleurs récemment mis en ligne une pétition. Les collectivités territoriales de tous niveaux ont elles-mêmes voté des motions pour soutenir ce projet.
Je le rappelle, lors de sa campagne, le candidat François Hollande avait affirmé que, durant le quinquennat, ce dossier lui tiendrait particulièrement à cœur.
Aussi, alors que la commission que vous avez installée en octobre dernier sur la hiérarchisation des projets identifiés par le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, ne devrait plus tarder à rendre ses conclusions, et alors que vous-même, monsieur le ministre, vous apprêtez à établir un Schéma national de mobilité durable, je souhaite que vous nous donniez des garanties, non seulement quant au chantier de la LNPN, mais aussi quant à la réalisation globale de cette ligne du Havre jusqu’à Roissy, et donc sur le phasage des travaux que ces opérations induisent.
Je le sais, vous vous êtes rendu à Rouen la semaine dernière. Je n’ai pu être présente à la réunion que vous avez organisée, et je m’en suis excusée. Ma question était prévue de longue date, et je vous remercie par avance des éléments de réponse que vous m’apporterez.
M. Philippe Bas. Excellente question. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, en premier lieu, je tiens à vous remercier d’avoir maintenu votre question.
Certes, il y a quelques jours, lors de mon déplacement dans la Manche et à Rouen, j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer les élus haut-normands et bas-normands, et M. le sénateur Philippe Bas a pu mesurer mon implication concernant ce territoire. Toutefois, dans cet hémicycle, il m’est possible de vous préciser les avancées accomplies via les propos que j’ai échangés avec les présidents de région, Alain Le Vem et Laurent Beauvais, ainsi qu’avec mes collègues Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, le 1er février dernier.
Concernant la LNPN, vous avez cité, par deux fois, les propos du Président de la République, et je vous en remercie.
Vous le savez, sur ce projet, le débat public engagé afin de relier le Grand Paris à sa façade maritime – en ciblant une réduction à une heure quinze du temps de parcours entre Paris et Le Havre – s’est tenu entre octobre 2011 et février 2012. Il a porté sur quatre scénarios pour la partie à l’ouest de Mantes-la-Jolie, et sur deux familles de scénarios pour la partie francilienne.
Pour les Normands, un accès facilité à Roissy a été présenté – vous y avez d’ailleurs fait référence –, grâce à la connexion au futur réseau de métro automatique de la gare nouvelle située dans le secteur de Nanterre. Le coût total de ce projet est évalué à 12 milliards d’euros, dans les conditions économiques de 2010.
Vous avez également souligné cet enjeu : ce projet devrait permettre le développement du fret ferroviaire.
Par ailleurs, il convient d’assurer une meilleure régularité le long de l’« Axe Seine » en dégageant, sur la ligne historique Paris-Rouen-Le Havre, de nouvelles capacités pour les trains de marchandises comme pour les transports de voyageurs.
À court terme, l’écoulement du trafic des ports normands s’inscrit également dans le cadre de la stratégie maritime et portuaire de notre pays, qui constitue un enjeu majeur. À ce titre, je viens d’inaugurer le grand salon Euromaritime, qui se tient actuellement à Paris, pour souligner la nécessité d’assurer l’interface entre la mer et la terre et, partant, de développer les activités portuaires.
Bref, l’écoulement des trafics du Havre et de Rouen doit être amélioré grâce à la création d’une liaison complémentaire de l’axe historique, via Serqueux et Gisors. La remise à niveau de la ligne existante constitue une première étape, qui devrait s’achever fin 2013.
La commission parlementaire « Mobilité 21 », qui réunit à la fois des députés et des sénateurs et que préside Philippe Duron, a pour objet de hiérarchiser ces différents enjeux et de donner plus de visibilité aux projets que regroupe le SNIT, lourd de 245 milliards d’euros. Cette hiérarchisation doit permettre de rendre les investissements à la fois réalistes et réalisables.
Cette question est d’autant plus importante qu’elle constitue un enjeu d’aménagement du territoire et de réduction de la fracture territoriale. À cet égard, la LNPN mérite une attention toute particulière.
Je ne me substituerai pas aux parlementaires de la commission « Mobilité 21 » – vous pourriez, à juste titre, m’en tenir rigueur ! –, à qui je fais entière confiance dans le cadre de cette mission. Je ne préempterai pas davantage leurs conclusions, qui seront du reste soumises au débat : le moment venu, je me tournerai vers les commissions compétentes des deux assemblées pour évoquer ces enjeux de structuration et d’amélioration de la desserte de notre territoire.
Toutefois, sachez qu’en lien avec RFF le Gouvernement a d’ores et déjà tenu à rehausser les exigences de modernisation des lignes. Un plan de 2 milliards d’euros a été annoncé. Je me suis entretenu, hier, avec le président de RFF, Jacques Rapoport. L’identification des éléments de blocage immédiats sur la ligne ferroviaire que vous évoquez – notamment au niveau de Mantes – doit nous conduire à faciliter le trafic en direction de Paris, tout en assurant une meilleure régularité.
Enfin, en lien avec les collectivités concernées, notamment avec les régions, le renouvellement du matériel roulant constituera un enjeu incontournable. Nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce sujet, et le Gouvernement réfléchit actuellement aux conditions permettant aux régions d’accéder à des modes de financement privilégiés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse. J’ai bien noté que vous étiez prêt à agir de concert avec les présidents des régions concernées sur les points de blocage immédiats, notamment pour résoudre le problème de la régularité. Le remplacement du matériel roulant s’inscrit dans ce cadre.
Malgré tout, je ne saurais trop insister sur l’importance que revêt la réalisation de la LNPN dans sa globalité. Cet axe doit être prolongé jusqu’au Havre, et ainsi desservir la Basse-Normandie. Je le répète devant mon collègue Philippe Bas ici présent : c’est un enjeu considérable. (M. Philippe Bas acquiesce.)
J’ai cité en effet l’actuel Président de la République : alors qu’il était encore candidat, il s’était engagé à poursuivre ce projet lancé sous le précédent quinquennat. Nous sommes extrêmement attentifs et vigilants sur ce dossier, d’autant qu’en régions certains collègues sénateurs – notamment notre président de région, Alain Le Vern – parlent souvent exclusivement du nœud mantois et de la gare de Rouen. Ils n’évoquent jamais le projet dans sa globalité du projet, ou alors ils le font avec de grandes réserves.
Je le répète, ce dossier mobilise toute notre attention, eu égard à son ampleur nationale, Rouen-Le Havre devant constituer le grand avant-port de Paris. Il s’agit là un enjeu de compétitivité économique auquel les entreprises accordent une importance capitale.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie des éléments de réponse que vous nous avez communiqués.
implantation de centrales photovoltaïques dans le nord de la france
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 281, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, le Président de la République a érigé la transition énergétique en priorité de son mandat pour « faire de la France la nation de l’excellence environnementale ».
Conformément à la feuille de route pour la transition écologique adoptée lors de la Conférence environnementale qui s’est déroulée les 13 et 14 septembre dernier, Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a présenté, au début du mois de janvier 2013, des mesures d’urgence pour la relance de la filière photovoltaïque.
Nous ne pouvons qu’adhérer à l’objectif ambitieux et indispensable d’un doublement des volumes ciblés, conduisant au développement d’au moins 1 000 mégawatts de projets solaires dans notre pays au cours de l’année 2013.
Toutefois, au regard des résultats de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire d’une puissance supérieure à 250 kilowatts crête, lancé en février 2012, nous dressons l’amer constat qu’aucun dossier n’a été retenu au nord de la Loire.
Pourtant, de la lecture des mesures d’urgence annoncées, je retiens avec attention l’objectif suivant : dans le souci de préserver les terres agricoles, le prochain appel d’offres pour les centrales au sol doit privilégier les programmes de développement sur des sites dégradés. De tels projets de centrales photovoltaïques constituent en effet de belles occasions pour la reconversion de sites.
Telles sont la philosophie et l’ambition des élus locaux du département de l’Aisne travaillant sur la reconversion du site de défense de Laon-Couvron, que l’armée vient de quitter. Alors que le contrat de redynamisation du site prévoit un plan d’action de 38 millions d’euros, l’implantation d’un tel équipement photovoltaïque est envisagée. Toutefois, vous le comprenez, les résultats du dernier appel d’offres inquiètent vivement l’ensemble des acteurs.
Les industriels du secteur, mais également les élus locaux, s’interrogent donc légitimement sur les critères d’attribution et demandent que les territoires où l’ensoleillement est plus limité ne soient pas exclus de cet effort nécessaire de développement du photovoltaïque.
Mme la ministre a appelé à un véritable patriotisme écologique. Monsieur le ministre, les élus des territoires du nord de la France veulent vous accompagner dans cette voie et s’associer à cette démarche.
Face au défi de la désindustrialisation, nous ne baissons pas les bras, nous travaillons à l’élaboration de projets d’avenir. Nous nous demandons cependant si nos territoires peuvent s’inscrire, au même titre que toute autre région française, dans le défi de la transition énergétique. Pouvez-vous, monsieur le ministre, garantir une égalité de traitement dans le prochain appel d’offres pour les grandes installations, quel que soit le niveau d’ensoleillement ?
Ne pouvons-nous imaginer deux lots géographiques pour ce nouvel appel d’offres, concernant l’un le nord et l’autre le sud de la France ?
Nos territoires du nord de la Loire, monsieur le ministre, seront-ils des acteurs de la relance de la filière photovoltaïque, relance indispensable pour atteindre l’objectif de mix énergétique fixé par le Président de la République à l’horizon 2025 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, Delphine Batho vous remercie de votre question. Elle m’a demandé de bien vouloir vous apporter quelques éléments de réponse, même si vous auriez sans doute préféré l’avoir en face de vous, ce que je puis très bien comprendre d'ailleurs. (Sourires.)
La transition énergétique est une priorité du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie pour 2013. Dans l’attente des conclusions du débat national sur la transition énergétique et du projet de loi de programmation qui en résultera d’ici à la fin de 2013, Delphine Batho a pris trois mesures d’urgence le 7 janvier dernier, afin de rendre du souffle à la filière du photovoltaïque.
Tout d’abord, le Gouvernement a relancé des appels d’offres automatiques pour les moyennes installations, avec un cahier des charges révisé qui intègre, notamment, le bilan carbone des panneaux photovoltaïques.
Ensuite, pour les petites installations, l’évolution des tarifs de rachat a été prévue. Celles d’entre elles qui respectent un ou deux critères européens liés à la production ou à l’assemblage bénéficient d’un système de bonification.
Enfin, pour les grandes installations photovoltaïques, d’une puissance supérieure à 250 kilowatts, un nouvel appel d’offres sera prochainement lancé afin de favoriser les technologies innovantes et le développement économique local. Le volume est fixé à 400 mégawatts et sera destiné, d'une part, aux technologies innovantes, c’est-à-dire au photovoltaïque à concentration et au photovoltaïque avec suivi du soleil, et, d'autre part, aux technologies matures sur ombrières et sur toitures.
Concernant les centrales au sol, l’appel d’offres privilégiera le développement sur des sites dégradés comme les friches industrielles, les anciennes carrières ou les décharges, afin d’éviter les conflits d’usage, notamment avec les terres agricoles. L’appel d’offres valorisera la compétitivité-coût des projets proposés, mais aussi leur contribution à la protection de l’environnement et du climat, ainsi qu’à la recherche, au développement et à l’innovation.
Ces critères ont vocation à soutenir rapidement la filière solaire française dans un contexte de concurrence déloyale que nous connaissons tous.
Un second appel d’offres sera lancé au cours de l’année 2013, ciblant notamment d’autres technologies innovantes dans le domaine solaire.
En ce qui concerne l’appel d’offres que vous évoquez, monsieur le sénateur, il relève de l’ancienne procédure. Les projets lauréats ont été sélectionnés sur la base de plusieurs critères, dont, notamment, le prix proposé, l’impact sur l’environnement, la contribution du candidat aux actions de recherche et développement, les délais de réalisation et l’acceptabilité locale.
Dans un souci de maîtrise des coûts pour le consommateur d’électricité, il n’a pas été retenu de critère géographique destiné à encourager le développement du photovoltaïque dans les zones peu ensoleillées du territoire par une régionalisation des tarifs d’achat.
Nous souhaitons que les projets qui n’ont pu être retenus au titre de cette ancienne procédure puissent très vite se positionner sur les prochains appels d’offres. Les services du ministère se tiennent à votre disposition et à la disposition des porteurs de projets pour les aider à s’approprier ces nouvelles procédures.
Vous êtes élu dans une région que vous qualifiez de peu ensoleillée. Je suis moi-même élu de Boulogne-sur-Mer et j’ai des panneaux photovoltaïques sur ma toiture. Votre remarque m’apparaît donc précise et judicieuse. Votre région se situe finalement dans le sud !
M. Yves Daudigny. Dans le sud du nord !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En tout cas, au même niveau que le sud de l’Allemagne, qui elle-même est très dotée en photovoltaïque. Cela signifie que nos régions peuvent également bénéficier d’un développement raisonné et raisonnable de cette énergie propre.
Le débat national sur la transition énergétique, qui se déroulera bientôt dans chaque région, sera ouvert à tous et abordera tous les sujets, dont le potentiel de développement des énergies renouvelables région par région. Ce sera l’occasion de développer des installations solaires de grande taille dans les régions les moins ensoleillées.
Nos régions sont peut-être moins ensoleillées, mais elles sont tout aussi attractives !
M. Jean-Pierre Sueur. Surtout Boulogne-sur-Mer, qui ouvre le chemin dans de nombreux domaines. Vive Boulogne ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Merci, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu apporter et qui, sans aucun doute, ouvrent des perspectives nouvelles en comparaison de ce qui est arrivé à l’appel d’offres évoqué dans ma question.
L’exemple de l’Allemagne est judicieux. Il prouve que l’installation de centrales photovoltaïques dans des régions qui ne sont pas plus ensoleillées que le nord de la France, où se situe le département de l’Aisne, est économiquement possible.
En effet, il ne faudrait pas en arriver à une situation absurde dans laquelle, demain, toutes les centrales photovoltaïques étant dans le sud de la France, nous serions contraints de construire des lignes à haute tension pour transporter ce courant vers le nord. L’énergie photovoltaïque doit être produite et consommée localement, vous l’avez dit vous-même.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir ouvert ainsi des perspectives intéressantes pour le nord de la France.
prise en compte des derniers répertoires d'immeubles localisés connus pour le calcul de la population servant de base à la dgf
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la question n° 227, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Vincent Delahaye. Ma question porte sur le recensement de la population par l’INSEE.
Le problème du logement est une question centrale pour nos concitoyens, particulièrement en Île-de-France. Le Gouvernement s’est engagé à construire 500 000 logements par an. J’espère que cette promesse sera tenue. En tout cas, nous y serons très attentifs.
En Île-de-France, 70 000 logements doivent être construits. À cette fin, il est nécessaire de s’appuyer sur les maires. Siégeant dans une assemblée aussi attentive aux collectivités territoriales, nous sommes sensibles aux efforts de ces dernières en vue de construire ces logements.
Toutefois, vous le savez, construire du logement n’est pas toujours aisé. Tout d'abord, ce n’est pas toujours populaire. Le réflexe des habitants consiste souvent à considérer que les constructions de logements sont bien nécessaires, mais dans les autres municipalités !
De plus, nous sommes confrontés à des textes et des normes de plus en plus complexes.
Enfin, cela pose un défi financier. Bâtir des logements impose de construire aussi des crèches et des écoles, et le coût du processus dans son ensemble dépasse souvent les recettes que procurent les nouveaux habitants.
Depuis 2002, l’INSEE évalue la population en effectuant un recensement sur la base d’enquêtes pluriannuelles menées sur des échantillons de 8 %. Sans remettre en cause cette méthode, car je comprends qu’on factorise un nombre de logements par un taux d’occupation moyen calculé sur cinq ans, je voudrais soulever la question de la date que l’INSEE prend en compte comme référence du nombre de logements.
Au 1er janvier 2013, le chiffre référence considéré est issu de la moyenne du nombre de logements recensé dans la commune entre le 1er juillet 2009 et le 1er juillet 2010, ce qui équivaut peu ou prou au nombre de logements au 1er janvier 2010. L’évaluation a donc trois ans de retard.
Dans les communes qui construisent beaucoup, comme Massy, mais aussi Évry et d’autres villes d’Île-de-France, les nouveaux logements sont pris en compte avec beaucoup de retard.
Cette situation entraîne des conséquences financières non négligeables, non seulement sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, mais aussi sur le calcul de la péréquation, qui prend de plus en plus d’importance et dont le calcul est basé sur le potentiel financier par habitant.
Dans ma commune, les chiffres au 1er juillet 2012 sont déjà très bien connus, par mes services comme par l’INSEE, qui a disposé de six mois pour les vérifier – un délai raisonnable au vu des moyens modernes de communication et de statistique disponibles. Si cette date avait été choisie comme référence, la population légale de Massy serait plus importante d’à peu près 1 000 habitants, dans 2 300 logements, selon mes calculs.
Les nouveaux habitants sont donc pris en compte dans le potentiel financier à partir duquel est calculée la contribution à la péréquation de ma commune, en revanche, ils ne sont pas pris en considération dans la population légale sur la base de laquelle est calculée la DGF. Ma commune contribue donc à financer d’autres municipalités qui, elles, construisent beaucoup moins de logements.
Monsieur le ministre, pouvez-vous demander à l’INSEE, qui dépend de votre ministère, de prendre comme référence un chiffre datant non de trois ans, mais de six mois, qui est vérifiable et sur lequel il est possible de s’accorder très rapidement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur la prise en compte des derniers répertoires d’immeubles localisés connus pour l’évaluation de la population servant de base au calcul de la DGF.
Vous avez raison de souligner qu’il existe un décalage de trois ans entre la date de référence des populations légales et l’année en vigueur.
Même s’il peut encore paraître important, notamment pour les communes où la population est en forte croissance, comme Massy, ce décalage de trois ans constitue une nette amélioration par rapport au dispositif précédent, dans lequel près de dix ans séparaient deux recensements de la population.
La durée de ce décalage s’explique par les contraintes fortes relatives au calcul. Les méthodes de calcul de la population doivent assurer l’égalité de traitement entre les communes en fournissant des données de population avec une robustesse équivalente, quelle que soit la collectivité.
Dans les communes de moins de 10 000 habitants, l’estimation s’appuie sur la disponibilité des données sur la taxe d’habitation. Dans le cas des communes de 10 000 habitants et plus, l’estimation de la population repose sur la mise à jour du RIL, et l’estimation d’un nombre moyen de personnes par logement.
Le nombre de logements de la commune est certes connu, mais cela ne suffit pas à fournir une estimation fiable de la population, même si on en a une idée. Le calcul du nombre moyen de personnes par logement, élément très important dans le calcul de la population, est ardu et nécessite une expertise. En outre, ce nombre diminue régulièrement sous l’effet d’un double mouvement sociologique que nous connaissons partout, et notamment en Île-de-France : de plus en plus de personnes vivent seules et il y a de moins en moins de familles nombreuses.
La commission nationale d’évaluation du recensement de la population, ou CNERP, présidée par le sénateur Jean-Claude Frécon et dont sont membres les représentants des associations d’élus, a examiné, au cours de sa réunion du 10 mai 2012, la possibilité d’avancer la date de référence des populations légales.
Elle a conclu que, au prix de quelques investissements méthodologiques relativement lourd, il était possible d’avancer la date de référence des populations légales d’un an au maximum. Je suis bien conscient de ne pas répondre ainsi tout à fait à votre attente.
La CNERP a prévu de lancer une concertation pour recueillir l’avis des associations d’élus et demander à l’INSEE de poursuivre ses travaux et de réaliser des simulations afin de tester la force, la robustesse et la précision des estimations.
Je pense que votre attente est ainsi prise en considération, et j’espère que ces travaux en cours permettront de rapprocher votre point de vue de la réalité statistique.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Je m’attendais à ce que vous annonciez un gain d’un an et je trouve que c’est déjà un pas dans la bonne direction. L’ancien système était archaïque, un recensement tous les neuf ans ne permettant pas du tout de prendre en compte les évolutions de la population. Le système actuel permet d’être plus proche de la réalité et, avec un an de moins, on en sera plus proche encore.
Je ne remets pas en cause le taux moyen d’occupation par logement, qui résulte d’enquêtes réalisées dans chaque commune sur les cinq dernières années.
Je suis sûr que les problèmes techniques seront résolus peu à peu et j’espère que nous parviendrons progressivement à prendre en compte le chiffre le plus proche de la réalité, c’est-à-dire celui des six derniers mois – celui du 1er juillet de l’année précédente lorsque le calcul est fait le 1er janvier. En tout cas, monsieur le ministre, je prends note du progrès que vous avez annoncé, en espérant que votre propos sera suivi d’effets.
Enfin, je souhaite que l’INSEE fasse preuve d’une transparence encore plus grande dans les informations fournies aux collectivités territoriales, s’agissant notamment des corrections apportées au répertoire d’immeubles localisés.
En effet, si certaines corrections sont parfaitement compréhensibles, d’autres interviennent au dernier moment et ne sont ni expliquées ni justifiées. Dans ma commune, ces corrections inexpliquées peuvent concerner jusqu’à cent ou deux cents logements. Je serais donc ravi, monsieur le ministre, si vous pouviez donner à l’INSEE l’instruction de fournir davantage d’explications aux communes.
sécurité et délinquance en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Hilarion Vendegou, auteur de la question n° 94, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Hilarion Vendegou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Nouvelle-Calédonie est en proie à un mal que tous les élus connaissent bien : une délinquance parfois très violente qui ne cesse de croître, notamment parmi les jeunes.
De nombreux facteurs entrent en jeu. Il y a, bien sûr, le chômage, qui laisse nos jeunes désœuvrés et livrés à eux-mêmes. Il y a surtout les ravages causés par la consommation d’alcool, dont la vente illicite ne semble pas pouvoir être enrayée, et aussi, malheureusement, le trafic de drogue.
Le cannabis et l’alcool provoquent bien des drames en Nouvelle-Calédonie, notamment dans les îles. À cet égard, un reportage diffusé mercredi dernier dans le journal de vingt heures de France 2 et intitulé « Les Ravages de l’alcool et de la drogue sur les routes de Nouvelle-Calédonie » fut particulièrement édifiant.
Bien sûr, la police et la gendarmerie font de leur mieux, mais ce n’est pas suffisant. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour nous aider sur ces sujets sensibles ? Je vous remercie par avance de votre réponse, très attendue en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je prendrai un peu de temps pour vous répondre, car vous m’avez interrogé sur un problème important : la délinquance, parfois très violente, qui ne cesse de croître en Nouvelle-Calédonie, notamment parmi les jeunes.
Pour répondre aux exigences de sécurité légitimes de vos concitoyens et de leurs élus, mon collègue Victorin Lurel et moi-même sommes déterminés à garantir l’ordre républicain et à renforcer la tranquillité et la sécurité des populations dans tous les territoires des outre-mer.
La délinquance appelle des réponses au fond, qui prennent du temps, impliquent tous les leviers de l’action publique et mobilisent l’ensemble des acteurs concernés ; je pense notamment aux politiques de prévention et d’éducation. Reste que si la réponse policière n’est pas suffisante à elle seule, elle est indispensable. Accompagnée de la réponse judiciaire, elle doit être ferme et efficace.
Comme vous l’avez signalé, monsieur le sénateur, plusieurs formes de délinquance sont préoccupantes en Nouvelle-Calédonie. C’est le cas, par exemple, des vols avec violence, essentiellement commis par de jeunes majeurs ou des mineurs multiréitérants, souvent en état d’ivresse. Le fait est que la consommation excessive d’alcool par une partie de la jeunesse est l’une des causes importantes de la délinquance. Pour les seuls huit premiers mois de l’année, les services de police et de gendarmerie ont constaté 3 060 ivresses publiques et manifestes.
Pour lutter contre ce phénomène et contre la délinquance qui l’accompagne, les forces de l’ordre doivent agir dans plusieurs directions.
Policiers et gendarmes ont d’ores et déjà renforcé leur présence sur la voie publique ; s’il faut faire plus, nous le ferons. Divers dispositifs spécifiques ont été mis en œuvre pour renforcer l’action des forces de sécurité : des opérations anti-délinquance menées conjointement par la police, la gendarmerie et les douanes sont organisées chaque mois sur réquisition du parquet de Nouméa et des opérations mixtes de sécurité sont menées régulièrement par la police et la gendarmerie avec les polices municipales qui existent.
À Nouméa, des patrouilles renforcées sont organisées les nuits de fin de semaine en raison des rassemblements importants de jeunes gens alcoolisés sur le littoral. En outre, des mesures préventives de restriction de vente d’alcool sont prises le week-end entre midi et vingt et une heures ; vous me direz, monsieur le sénateur, si ces mesures sont bien appliquées.
Par ailleurs, l’alcool étant une des causes principales des accidents de la circulation, les opérations de contrôle d’alcoolémie ont été intensifiées. C’est ainsi que, depuis le mois de janvier dernier, près de 1 000 opérations ont été réalisées par les policiers et les gendarmes, conduisant à 30 000 dépistages préventifs. De plus, la gendarmerie a créé en août dernier un poste d’officier adjoint chargé de la sécurité routière afin d’aider les instances locales à développer des dispositifs adaptés. Mon administration, mon cabinet et moi-même sommes disposés à accueillir votre avis sur ce type de dispositifs.
La prévention est un élément essentiel de cette action. À Nouméa, le contrat local de sécurité signé au début de l’année dernière a fixé deux axes majeurs : la prévention de la délinquance des mineurs, qui passe par des diagnostics de sécurité dans les établissements scolaires ainsi que par le signalement et le suivi des jeunes en rupture de scolarité, et la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie.
Dans ce cadre, une permanence de médecin a été mise en place à l’hôtel de police, du lundi au samedi. Des entretiens en addictologie, à la suite de suspensions de permis de conduire tendent également à se développer. Enfin, en Nouvelle-Calédonie comme en métropole, les brigades motorisées de la gendarmerie interviennent auprès des entreprises ou des établissements scolaires en matière de prévention contre l’alcoolisme.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, ce phénomène d’alcoolisation, fréquemment conjugué à une consommation de cannabis cultivé localement, provoque des faits de délinquance souvent gratuits, commis par une frange de la jeunesse – dans de nombreux cas, des mineurs multiréitérants. Pour nombre de ces jeunes, venus de zones rurales, l’échec scolaire et le déracinement provoquent une désocialisation.
Certes, la Nouvelle-Calédonie ne connaît guère de trafic de drogue au sens métropolitain du terme, mais plutôt des deals relevant davantage du troc, le cannabis local étant devenu, me semble-t-il, un moyen de paiement pour acheter de l’alcool. Reste que la drogue constitue un problème. L’action des forces de l’ordre permet d’importantes saisies dans les zones urbaines, mais aussi dans le reste de l’archipel, avec l’appui de la section aérienne et du peloton de surveillance et d’intervention à cheval de la gendarmerie. Les douanes de l’aérodrome de Nouméa-Magenta sont également en première ligne dans ce combat et le parquet de Nouméa apporte une réponse pénale à chaque infraction à la législation sur les stupéfiants.
Une importante action est aussi menée sur le plan de la prévention, dans le cadre du partenariat établi entre les forces de police et de gendarmerie et l’éducation nationale. C’est ainsi qu’une vingtaine de formateurs anti-drogue de la police et de la gendarmerie ont mené, au cours de l’année 2011, quelque 56 opérations de sensibilisation au profit de près de 2 000 mineurs.
Tels sont, monsieur Vendegou, les moyens mis en œuvre pour s’attaquer aux maux que vous avez décrits. Soyez sûr que le Gouvernement est attentif aux problèmes que vous avez soulevés et que je reste à votre disposition, ainsi qu’à celle de tous les élus de Nouvelle-Calédonie, pour améliorer les dispositifs en vigueur, mesurer leur efficacité et mieux répondre aux attentes des habitants de l’archipel.
M. le président. La parole est à M. Hilarion Vendegou.
M. Hilarion Vendegou. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse et je veux croire à votre volonté de faire évoluer la situation, afin d’assurer aux Calédoniens la tranquillité à laquelle ils aspirent de la plus légitime des façons. Aussi, je serai très attentif aux mesures que vous prendrez pour lutter plus efficacement encore contre l’insécurité et la délinquance qui rongent notre société. D’avance, monsieur le ministre, je vous remercie pour la Nouvelle-Calédonie de tous les efforts que vous voudrez bien entreprendre.
application de la législation sur les « devis modèles » relatifs aux obsèques
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 290, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la vie, vous le savez, est pleine d’imprévus… (Sourires.) Il y a plus de vingt ans, ayant eu l’honneur d’être nommé secrétaire d’État aux collectivités locales dans un ministère que, cher Manuel Valls, vous connaissez bien, j’ai trouvé sur mon bureau un dossier auquel je ne m’attendais pas : la réforme du monopole des pompes funèbres.
Comme l’avait très bien montré un rapport de trois inspections générales, il existait dans ce domaine un système tout à fait fallacieux, conjuguant un pseudo-monopole biaisé avec une concurrence faussée. Nous nous sommes donc mis au travail, avec le soutien de Pierre Bérégovoy tout particulièrement. Finalement, le Parlement a adopté la loi du 8 janvier 1993 modifiant le titre VI du livre III du code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire. Cette loi a instauré la concurrence entre les différents opérateurs agréés et redéfini le service public dans ce domaine extrêmement sensible.
Au cours de la dernière lecture de ce texte, j’ai acquis la conviction que certaines dispositions auxquelles je tenais beaucoup, relatives aux prix et, notamment, aux devis types, relevaient du domaine réglementaire. Autrement dit, un règlement national ou municipal pourrait prévoir l’établissement de devis modèles.
Pourquoi ces devis types sont-ils indispensables ? Malheureusement, chaque famille française peut être frappée par un deuil. Or, en pareille occasion, il faut prendre beaucoup de décisions en moins de vingt-quatre heures. Bien entendu, toutes les entreprises du secteur doivent fournir des devis – la loi le prévoit. Mais qui, touché par le décès d’un être cher, va se plonger dans la lecture de devis longs de quarante pages, écrits en petits caractères et largement incompréhensibles, en tout cas difficilement comparables ?
J’ai toujours représenté aux professionnels du domaine funéraire, que je connais bien, que la transparence était dans l’intérêt de tous. Or pour que celle-ci soit assurée, il faut que l’on puisse très simplement connaître les prix proposés par les divers opérateurs agréés pour des prestations clairement définies.
N’étant pas parvenu à mes fins il y a quelque temps, je suis revenu à la charge au Sénat – vous me connaissez, monsieur le ministre… Avec le concours de nombreux parlementaires, en particulier de M. Lecerf et, à l’Assemblée nationale, de M. Gosselin, nous avons réussi à faire voter à l’unanimité par le Sénat et par l’Assemblée nationale la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire.
Entre autres mesures très importantes, touchant notamment à la crémation, cette loi fait obligation à tous les opérateurs funéraires agréés de déposer chaque année dans les mairies des devis modèles par lesquels ils s’engagent à fournir, à un prix fixé pour l’année, des prestations de référence. Du temps de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, nous sommes parvenus, après un long dialogue, en particulier avec les services de la direction générale des collectivités locales, à la parution de l’arrêté du 23 août 2010, qui définit ces prestations de manière extrêmement claire.
La loi ayant été votée et l’arrêté ayant été publié, toutes les entreprises agréées ont aujourd'hui l’obligation d’indiquer dans les mairies, dans l’ordre prévu par l’arrêté, les prix qu’elles pratiquent pour chacune des prestations. Quant aux mairies, en vertu de la loi, elles sont tenues de mettre ces devis modèles à la disposition des citoyens, soit à la mairie, soit, plus simplement, sur leur site Internet.
Or j’ai malheureusement constaté que ces dispositions étaient assez peu appliquées. L’agrément des entreprises qui ne respectent pas la loi ne leur est pas retiré, et un certain nombre de communes omettent, peut-être par méconnaissance des dispositions de la loi, de mettre les devis modèles à la disposition de leurs habitants.
Si je vous interpelle sur ce sujet, monsieur le ministre, c’est parce que je suis convaincu que la transparence des prix est nécessaire. Les prix de certaines cérémonies d’obsèques, qu’il s’agisse d’inhumation ou de crémation, peuvent être très élevés. Il existe aujourd'hui une tendance au low cost, mais ces prix très bas correspondent à des prestations qui ne respectent pas toujours – je pèse mes mots – la dignité qui s’impose lors de ces cérémonies. Il faut de la clarté et de la rigueur, afin de garantir le respect du service public et des familles ; cela passe par les mesures de transparence que j’ai évoquées.
Monsieur le ministre, je pense que vous avez beaucoup réfléchi à ces questions, et je vous remercie par avance de la réponse que vous pourrez m’apporter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous évoquez un sujet grave. Nous savons tous que les familles qui viennent de perdre un être cher sont confrontées aux problèmes concrets que vous avez mentionnés. Ces problèmes ajoutent de la complication à leur douleur.
Le Gouvernement est évidemment attentif au strict respect des dispositions qui encadrent la liberté des prix. Votre proposition de loi, devenue la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire – j’avais suivi comme député les débats qui ont précédé son adoption –, a incontestablement constitué une avancée très importante, qui reflète votre sensibilité à ces questions. Cette loi a instauré un modèle de devis pour les prestations funéraires, dans un souci de transparence.
L’arrêté du 23 août 2010 définit une terminologie commune afin de faciliter la comparaison des tarifs pratiqués par les différentes entreprises de pompes funèbres. Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011. Certains préfets ont déjà engagé des sanctions administratives à l’encontre d’entreprises n’ayant pas respecté ce modèle. Il faudra poursuivre dans cette voie si nous constatons que la législation n’est pas respectée.
Vous attirez plus particulièrement mon intention sur le second alinéa de l’article L. 2223-21-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les devis « peuvent être consultés selon des modalités définies, dans chaque commune, par le maire ». Vous estimez que de nombreuses entreprises ne respectent pas cette obligation et que l’information n’est pas suffisamment relayée.
Dès le 20 décembre 2010, une circulaire rappelait l’existence de ces dispositions aux préfets et détaillait les modalités possibles de consultation des devis. Ceux-ci peuvent notamment être mis à disposition dans les locaux de la mairie ouverts au public, par exemple à l’accueil ou à l’état civil.
La circulaire rappelait également que les communes ne devaient pas fausser la concurrence entre les entreprises de pompes funèbres en ne sollicitant que les devis modèles des entreprises implantées sur leur territoire ou à proximité. En effet, l’habilitation préfectorale délivrée aux entreprises de pompes funèbres est valable sur l’ensemble de notre territoire.
Le Gouvernement est conscient des difficultés que vous avez soulignées, notamment s'agissant de la bonne application de l’article L. 2223-21-1 du code général des collectivités territoriales. Dans les mois qui viennent, je demanderai aux préfets, si nécessaire par voie de circulaire, d’être très attentifs à l’attitude des entreprises, mais aussi à celle des collectivités territoriales, qui ont différents moyens matériels et immatériels d’informer les habitants de la diversité des prix, afin de garantir la clarté et la transparence de l’information des familles. Les préfets veilleront au respect de l’ensemble des obligations prévues par les textes législatifs et réglementaires.
Monsieur le sénateur, je ne manquerai pas de vous informer du travail que nous poursuivrons dans ce domaine. Soyez assurés que les préfets seront extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ce que le Parlement a voté et des obligations qui ont été définies par le ministère de l’intérieur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de votre réponse. Vous avez raison de rappeler que le sujet est grave. En effet, il s'agit de difficultés qui touchent les familles à un moment où elles sont éprouvées. Chacun a pu faire l’expérience – c’est malheureux, mais c’est la réalité –, que, dans ces moments-là, il faut prendre très vite de nombreuses décisions. Il revient donc aux pouvoirs publics d’aider les familles éprouvées à faire leurs choix dans la plus grande transparence possible. En la matière, je défends la cause des familles depuis très longtemps.
Je pense qu’il est de l’intérêt des professionnels de mettre en œuvre une transparence totale ; je sais qu’ils n’y ont pas toujours été favorables. C'est pourquoi votre réponse est importante, monsieur le ministre.
J’appelle de mes vœux la circulaire que vous avez évoquée. Il ne serait pas inutile de rappeler aux préfets la nécessité de faire respecter la loi par tous. Que les entreprises agréées respectent la loi, c’est la moindre des choses ; c’est d'ailleurs l’une des conditions de leur agrément. Et que les mairies utilisent les moyens modernes dont elles disposent pour veiller, en toute neutralité – vous avez eu raison d’insister sur ce point –, à ce que l’information soit facilement accessible aux familles, c’est également une disposition prévue par loi ; il convient donc de la faire appliquer.
Je vous remercie de l’action de votre ministère et de votre implication personnelle sur ce dossier important pour toutes les familles de notre pays.
réserve parlementaire
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 295, transmise à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, la réserve parlementaire permet aux députés et aux sénateurs de faire allouer des subventions de l’État avec pour but prioritaire de financer les investissements des communes. Accessoirement, elle permet aussi de soutenir des associations exerçant une activité d’intérêt général.
Ces subventions ont récemment fait l’objet de critiques largement relayées par la presse ; je pense notamment aux articles récents du Monde, du Parisien-Aujourd’hui en France, de Mediapart et du Figaro Magazine. Toutefois, c’est moins leur principe que l’opacité et le caractère occulte de leur procédure qui sont en cause. En effet, la réserve parlementaire, qui relève d’une pratique coutumière, a longtemps fonctionné dans un quasi-secret, ne profitant qu’à un petit nombre d’initiés.
Un effort de moralisation a certes été engagé depuis peu, mais il reste insuffisant, notamment s'agissant des subventions aux associations. N’étant soumises à aucun contrôle, même a posteriori, celles-ci donnent lieu à de multiples abus, voire, comme cela est arrivé récemment, à de véritables détournements de fonds publics.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous envisagez d’encadrer le fonctionnement de la réserve parlementaire de manière plus rigoureuse.
Tout d'abord, il faudrait donner une base juridique à la réserve parlementaire. Celle-ci doit avoir une définition juridique précise et regrouper l’ensemble des crédits permettant d’allouer des subventions de l’État sur proposition des parlementaires. Pour chaque ministère, cela correspondrait à l’abondement effectué dans le cadre de la mission « Provisions » du projet de loi de finances initiale, auquel pourraient s’ajouter d’éventuels abondements complémentaires.
Ensuite, il est nécessaire d’encadrer la réserve parlementaire pour éviter les abus. Afin de limiter les dérives au profit d’associations ou autres structures occultes, il faut que la dotation de chaque parlementaire soit affectée à hauteur d’au moins 90 % aux investissements des collectivités territoriales. De plus, il faut interdire qu’un parlementaire puisse faire attribuer des subventions à des fondations ou à des associations à but politique, ainsi qu’à toute structure de droit privé dans laquelle il aurait un intérêt personnel.
Enfin, il importe de garantir l’égalité de traitement entre parlementaires et la transparence de la répartition.
L’équité exige que chaque député ou sénateur bénéficie d’une part égale de la réserve parlementaire, sans être tributaire des arbitrages de tel ou tel responsable de la commission des finances ou de son groupe politique. Quant à la transparence, elle serait assurée par la publication chaque année de l’affectation détaillée de la réserve parlementaire ; ce document préciserait, pour chaque subvention, le montant et son objet, le nom et l’adresse du bénéficiaire, ainsi que le nom du parlementaire ayant formulé la proposition.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez questionné le Premier ministre sur le cadre juridique régissant la réserve parlementaire ; vous m’interrogez sur le même sujet aujourd'hui. Les services du ministère de l’intérieur sont l’un des gestionnaires administratifs de la réserve parlementaire. Cependant, vous le savez, ce sont les députés et les sénateurs qui ont le pouvoir de décider de l’emploi des crédits.
Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur – on sent qu’il y a du vécu dans vos propos ! –, puisque vous avez récemment déposé une proposition de loi tendant à garantir l’équité et la transparence dans la répartition de la réserve parlementaire.
Vous m’avez interrogé sur la base juridique de la réserve parlementaire. Chaque année, cette dernière est alimentée par une disposition de la loi de finances initiale qui définit son montant global. En ce qui concerne la part gérée par le ministère de l’intérieur, les subventions allouées au titre de la réserve sont régies par le décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’État pour des projets d’investissement.
S'agissant de l’emploi des crédits de la réserve, des critères très précis encadrent l’octroi des subventions tout en préservant le pouvoir d’appréciation et de décision en opportunité des parlementaires.
Par exemple, pour ce qui concerne les crédits gérés par le ministère de l’intérieur, seuls des projets d’investissement dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par une collectivité locale peuvent être subventionnés. Par ailleurs, la subvention est soumise à un triple plafond : 200 000 euros par opération, ce montant ne pouvant conduire à un taux de subvention supérieur à 50 % de la dépense subventionnable et à 80 % de l’ensemble des financements publics.
La répartition entre parlementaires relève d’une décision souveraine des assemblées, dans laquelle il n’appartient pas au pouvoir exécutif de s’immiscer. Les actuels présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale ont souhaité que les crédits de la réserve soient désormais répartis au prorata des effectifs des groupes parlementaires. Des engagements ont également été pris en matière de transparence ; c’est tant mieux.
J’ajoute que le ministère de l’intérieur communique chaque année à la Cour des comptes les montants alloués par département au titre de la réserve parlementaire. La liste des opérations subventionnées dans chaque commune peut également être communiquée, sur demande ; là aussi, la transparence s’impose. Enfin, il vous est tout à fait loisible de communiquer de votre propre initiative sur les opérations que vous avez subventionnées avec l’enveloppe qui vous a été allouée.
Monsieur le sénateur, je reste disponible auprès des assemblées pour faire en sorte que la transparence et l’équité que vous réclamez s’imposent à la réserve parlementaire comme à toutes les opérations financières liées à l’action de mon ministère.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, vous avez répondu essentiellement pour votre ministère, mais ma question était plus large, puisqu’elle s’adressait à M. le Premier ministre et concernait donc d’autres ministères.
Effectivement, vous avez tout à fait raison, il y a eu quelques petites améliorations dans le fonctionnement de la réserve parlementaire. Néanmoins, nous sommes encore très loin de l’équité, de la transparence et, même, de l’honnêteté qui doivent prévaloir en matière d’utilisation de l’argent public.
Ainsi, monsieur le ministre, vous m’avez transmis des statistiques par département dont il ressort que les subventions parlementaires aux communes sont presque toujours inférieures à 30 000 euros. Elles ne dépassent 100 000 euros que pour des projets exceptionnels et, bien entendu, elles ne sont jamais reconduites à ce niveau d’année en année.
Or, toujours selon vos statistiques, une commune a reçu près d’un million et demi d’euros chaque année – j’y insiste : chaque année ! Réjouissons-nous pour ses habitants, car cela représente une économie de 30 % sur leur taxe d’habitation. Toutefois, c’est une profonde injustice par rapport aux autres Français.
Quant aux associations, c’est encore pire, car il n’y a strictement aucun contrôle sur l’utilisation des fonds. Ainsi, Mediapart a débusqué un parlementaire qui s’est auto-attribué une subvention de 60 000 euros sous couvert d’une association dont il est le président, dont la trésorière est sa première adjointe, dont le délégué général est son assistant parlementaire, tandis que son siège est dans son propre bureau. En outre, cette association n’a pas de comptabilité. En réalité, elle joue le rôle de « pompe à finances » pour couvrir les dépenses personnelles dudit parlementaire.
Or, dans cette affaire, votre collègue Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie essaye de camoufler ce véritable détournement de fonds publics. Plus précisément, au lieu de jouer la transparence, elle fait semblant d’ignorer la jurisprudence du Conseil d’État et refuse même de se conformer à l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, laquelle lui a enjoint d’autoriser la consultation du dossier.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, entre l’opacité de certains ministères et les pratiques quasi délictuelles de tel ou tel parlementaire, il reste encore beaucoup à faire pour moraliser le système.
Pour vous en convaincre, je vais reprendre les deux exemples que je viens de citer.
Tout d’abord, en ce qui concerne la concentration abusive des subventions parlementaires au profit d’une commune ultra-favorisée, je vous rappelle que ce cas précis avait déjà été épinglé par la chambre régionale des comptes de Picardie. Celle-ci s’était ainsi interrogée sur l’octroi de 3,1 millions d’euros de la réserve parlementaire en 2006 et de 2,4 millions d’euros en 2007, toujours à la même commune.
Aujourd’hui, les faveurs extravagantes au profit de cette commune sont certes légèrement réduites, mais le niveau actuel de subventions dont elle bénéficie encore reste, à mon avis, inacceptable. On ne peut se satisfaire de l’absence d’une véritable égalité de traitement entre communes.
Quant au second exemple, à savoir celui du détournement des fonds de la réserve parlementaire, votre collègue Mme Batho veut enterrer le dossier et se contente de répondre que, à l’avenir, ses services seront plus vigilants. Or elle devrait au moins exiger le remboursement des sommes considérables versées à la pseudo-association « Valeur écologie ».
Ce n’est pas en fermant les yeux sur un détournement de fonds publics, aggravé par une prise illégale d’intérêts, que Mme Batho redressera la position de la France, laquelle recule de façon inquiétante dans le classement international des pays les plus corrompus.
M. Michel Vergoz. Nous assistons là à un véritable règlement de comptes !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le sénateur, il n’est pas de tradition de répondre ainsi de nouveau à un honorable parlementaire lors d’une séance de questions orales. Toutefois, dans le dossier que vous évoquez, il faut que les règles du jeu soient respectées.
Je vous ai répondu pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur…
M. Jean Louis Masson. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre !
M. Manuel Valls, ministre. Mais vous avez interrogé le ministre de l’intérieur.
J’ai donc dit – mais cela vaut pour l’ensemble du Gouvernement et, partant, pour le Premier ministre – que nous étions évidemment favorables à la plus grande transparence. Comme je l’ai déjà annoncé, tous les documents seront transmis, car il ne peut y avoir le moindre doute.
Ensuite, il appartient aux assemblées parlementaires, dont vous êtes soucieux de l’indépendance, notamment dans la gestion de leurs fonds, de faire en sorte que la plus grande transparence s’établisse. Toute l’action des présidents Bel et Bartolone va dans ce sens.
Enfin, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs, Montesquieu étant ici une référence suprême, je vous invite tout de même à ne pas transformer le Sénat en une cour de justice chargée de régler vos conflits avec l’un de vos collègues ou une ministre. J’imagine que si vous avez des choses à dire à la justice sur l’utilisation de ces fonds, vous n’hésiterez pas à le faire dans les formes requises. Il n’est pas nécessaire de faire de cette séance de questions orales un règlement de comptes personnel avec lequel je n’ai rien à voir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 217, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moins de postes, la fermeture de cursus à l’université, une partie seulement des postes ouverts au CAPES de lettres classiques pourvus, une diminution des élèves et étudiants en latin et en grec : telle est la situation périlleuse dans laquelle se trouve, depuis plusieurs années déjà, la transmission des langues et cultures de l’Antiquité.
Les professeurs de lettres classiques s’inquiètent donc légitimement. En 2012, environ 20 % d’une même classe d’âge de collégiens a fréquenté les enseignements de latin-grec. Au lycée, où ces matières ne sont plus qu’en option, cette proportion chute à moins de 10 %. Un tel déficit d’élèves crée une situation critique, alors que ces disciplines devraient faire partie du corpus des connaissances des lycéens. Elles permettent, je le rappelle, la transmission des langues, non seulement comme instrument d’expression, mais aussi comme moyen d’accéder à une culture.
Le tassement du nombre d’élèves latinistes et hellénistes est dû non seulement à une demande familiale et sociale déclinante, mais également à l’image d’élitisme, voire d’inutilité qui a été accolée à ces matières depuis quelques années.
De surcroît, au nom des contraintes budgétaires, la politique nationale d’économies de fonctionnement, voulue par la majorité précédente, n’a fait qu’accentuer cette tendance.
Au collège, les dotations horaires se sont considérablement réduites, entraînant des suppressions de postes ; les effectifs de latinistes des classes de cinquième ont été limités ; les élèves et les horaires en quatrième et troisième ont été astucieusement regroupés à des heures difficiles…
Au lycée, la réforme Chatel de la classe de seconde provoque une grave érosion de ces effectifs, avec la mise en place des enseignements dits « d’exploration » et de créneaux horaires dissuasifs.
Enseignements d’excellence, mais non discriminants, le latin et le grec recèlent bien des vertus. Ils permettent ainsi à des enfants qui sont parmi les plus en difficulté, notamment en français, de travailler dans de bonnes conditions, en groupes plus restreints, et de reprendre confiance en eux. Ils sont fondamentaux, non seulement pour la maîtrise des langues qui en découle, mais également pour l’acquisition d’une culture humaniste. En somme, ils s’intègrent parfaitement au socle commun des connaissances et des compétences.
Si les sections littéraires ont, certes, été « balayées » par l’hégémonie du scientifique, le bac S étant devenu un véritable sésame, on constate un revirement, timide mais prometteur.
Ainsi, au-delà des traditionnelles filières, telles que les classes préparatoires aux concours de l’enseignement, les pourfendeurs les plus utilitaristes de ces langues de l’Antiquité sont contredits, car même les plus grandes écoles de commerce et de management proposent aujourd’hui une option de langue ancienne à l’écrit, voire à l’oral, et recrutent des jeunes ayant suivi cette formation, censée leur apporter faculté d’analyse, de synthèse et d’écriture. C’est dire toute la valeur des compétences mises en œuvre !
La qualité de la formation des élèves et l’égalité des chances étant tributaires de la volonté politique, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des précisions sur l’avenir de l’enseignement du latin et du grec, ainsi que sur les débouchés possibles de ces études.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame Blondin, je suis très frappé par la conviction qui émane de vos propos.
Vous avez parfaitement réussi à montrer toutes les richesses de l’enseignement des langues anciennes, lequel permet à la fois de mieux structurer sa pensée, de prendre connaissance de notre tradition, d’apprendre à penser dans le temps long, mais aussi, vous y avez insisté, de mieux maîtriser sa propre langue. C’est d’autant plus important que, comme vous le savez sans doute, parmi les difficultés que rencontre notre jeunesse, il y a, tout particulièrement, ce défaut de maîtrise de la langue.
Les tests que nous avons réalisés avant Noël, je pense aux évaluations PIRLS, montrent précisément que la capacité à prendre de l’information dans des textes, à maîtriser la langue, et même à avoir une certaine confiance en soi pour le faire sont en train de décliner. À cet égard, les garçons, dont la situation n’était déjà pas bonne, sont malheureusement désormais rejoints par les filles.
Nous avons donc besoin de maintenir cet enseignement.
Vous l’avez évoqué, il y a des éléments négatifs sur le long terme, en particulier cette très grande déperdition du collège au lycée. Néanmoins, nous pouvons être plus optimistes, puisque, depuis deux ans, cette érosion a cessé. Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons ouvert nettement plus de postes au concours du CAPES de lettres classiques. J’ai souhaité, s’agissant des emplois d’avenir professeur, que des instructions soient données pour qu’on aide des jeunes étudiant dans ces disciplines à se destiner au métier de professeur.
Pour encourager du mieux possible l’enseignement des lettres classiques, il convient de traiter deux problèmes en profondeur.
Tout d’abord, il y a, dans ce pays, un problème de diversité des excellences. Nous sommes en train de tarir nos élites, car nous sommes incapables de reconnaître la diversité des compétences et des excellences dont nous avons besoin. C’est vrai dans le domaine technologique ou professionnel, mais aussi pour ce qui concerne la culture humaniste.
Il s’agit d’une erreur, d’où découle le second problème : nous aurons, ainsi que je l’ai annoncé hier aux organisations syndicales, après m’être exprimé dimanche devant les lycéens, à reprendre la réforme du lycée, car non seulement elle n’a pas porté ses fruits, mais elle a entraîné un certain nombre d’inconvénients. Ainsi, il faut savoir qu’il y a beaucoup plus d’élèves qui font du latin ou du grec dans la filière scientifique – ils sont 65 % – que dans la filière littéraire – ils sont seulement 16 % –, laquelle est tout à fait dévalorisée par rapport à ce qu’elle devrait être.
Le rééquilibrage des filières, la diversité des excellences, la possibilité de se nourrir d’une culture classique doivent rester pour nous des horizons d’action. Ils sont inscrits à l’agenda de la refondation, même si ce n’est pas dans un temps court.
Vous pouvez compter sur ma totale détermination.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être venu répondre à cette seule question qui vous était adressée.
Si j’en juge par le nombre de courriers électroniques que j’ai reçus, cette question semble susciter un grand d’intérêt. Nos concitoyens sont attachés à cette culture humaniste que vous avez évoquée.
Les professeurs de lettres classiques réclament les mêmes conditions de travail que leurs collègues, et non pas des horaires placés systématiquement en fin de journée.
Monsieur le ministre, l’intérêt que vous portez à cette question et la perspective de reprendre la réforme du lycée dans le but de revaloriser la filière littéraire sont, à mes yeux, très importants.
Pour conclure, je vous rappellerai que, si je soutiens ces langues anciennes avec beaucoup d’ardeur, je suis aussi attachée aux langues minoritaires et régionales, dont nous aurons certainement à discuter plus longuement dans un autre cadre.
études sur les incidences de l'utilisation des ogm sur la santé
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 230, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport Séralini, récemment publié, a fait état de la dangerosité des OGM sur des rats alimentés avec du maïs NK 603, lui-même traité avec de l’herbicide Roundup.
Cette information a été très largement diffusée par les médias, que ce soit la presse écrite, les radios ou la télévision. On peut comprendre que cette publication ait suscité de nombreuses interrogations, des craintes et des jugements négatifs vis-à-vis des agriculteurs, notamment ceux qui utilisent ces produits.
D’autres experts ayant ensuite réagi de façon différente, ces mêmes médias ont, quelques jours plus tard, relativisé la dangerosité révélée par les expériences du professeur Séralini et la crédibilité de cette étude, mais le mal était déjà fait.
Ces annonces ont toujours des conséquences néfastes, voire dramatiques, pour les producteurs, toutes filières confondues. C’est pourquoi je souhaiterais connaître les précautions qui sont exigées, ou qui pourraient l’être, avant la publication de ces rapports relatifs à notre santé. Une publication susceptible de créer tant de polémiques ne devrait-elle pas être mieux encadrée ?
Comme de nombreux élus et comme tout consommateur, je souhaiterais que des études importantes et sérieuses sur l’utilisation des OGM puissent être réalisées, au niveau européen, par des organismes reconnus, sans aucun intérêt commercial et respectant une absolue neutralité. Aujourd’hui, qui peut dire avec certitude si notre santé est, oui ou non, en danger ? Même s’ils sont interdits en France, nous savons que des produits importés consommés sur notre territoire contiennent des OGM, ce qui est inquiétant.
Les agriculteurs sont les premiers à souhaiter la réalisation de tels travaux. Si la dangerosité des OGM était confirmée, il serait nécessaire et même indispensable que ces techniques soient bannies et que l’interdiction d’importer des produits alimentaires ou servant à l’alimentation animale soit totale. Toutefois, si tel n’était pas le cas, pourquoi interdire en France les OGM, au risque de placer les agriculteurs français dans une situation défavorable par rapport aux pays concurrents dans le domaine agricole ?
Chacun sait que la planète aura besoin de davantage de production alimentaire. Ne dit-on pas que la population mondiale augmente chaque jour – j’y insiste – de 200 000 individus ? Dans les années 2050, il faudra nourrir neuf milliards d’hommes : il est donc impératif de savoir quelle est la dangerosité des OGM pour la santé et, si elle est avérée, de développer une agriculture qui joue de tous ses autres atouts pour nourrir la planète.
Je souhaiterais donc connaître les objectifs et les moyens que le Gouvernement envisage, à l’échelon national et européen, pour obtenir des études scientifiques sérieuses et fiables sur les incidences de l’utilisation des OGM sur notre santé, qui est notre bien le plus cher !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, il est d’usage, en début d’année, de présenter ses vœux en souhaitant une bonne santé, car c’est l’essentiel. Je saisis donc cette occasion pour vous souhaiter une bonne année et une bonne santé ! (Sourires.) Cela dit, je souhaite revenir sur deux points abordés par votre question.
En premier lieu, vous avez noté, à juste titre, que la publication de certaines études avait un énorme retentissement dans l’opinion dès qu’elles concernaient la santé, et vous vous êtes demandé si de telles publications ne mériteraient pas un meilleur encadrement.
Permettez-moi simplement de rappeler que la réalisation de l’étude du professeur Séralini avait été cachée à tout le monde, afin d’obtenir le plus large écho possible lors de sa publication. Même si des mesures d’encadrement avaient existé, personne n’était au courant du déroulement de cette étude ni, a fortiori, de sa publication, en raison même des précautions prises par son auteur. Dans ce cas précis, vous pouvez constater qu’il était difficile d’intervenir de manière préventive.
En second lieu, vous avez posé un certain nombre de questions très justes relatives à la protection de la santé. Cette étude révélait un problème posé par un OGM, mais aussi une difficulté liée à l’herbicide toléré par cet organisme, que vous avez mentionné sous son nom commercial connu de tous. Une partie des conséquences négatives relevées par cette étude serait liée à cet herbicide lui-même.
La France a interdit l’utilisation du maïs concerné et le Gouvernement a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, et au Haut Conseil des biotechnologies, le HCB, de confirmer la validité de cette étude. La réponse, quelle qu’elle soit, ne change rien à la nécessité de revoir les protocoles d’autorisation à l’échelle européenne, comme je l’avais dit dès le début de cette affaire.
Nous travaillons aujourd’hui à la préparation d’un certain nombre de textes visant à revisiter les règles qui s’appliquent aujourd’hui à l’autorisation des OGM. Ces débats sont récurrents dans de nombreux pays européens et nécessitent qu’une clarification juridique soit entreprise à l’échelle de l’Union européenne.
Dès la publication de cette étude, le Gouvernement a annoncé qu’il saisirait la Commission européenne de nouvelles propositions. À cette fin, il s’appuiera sur les travaux que Corinne Lepage et moi-même avions réalisés au Parlement européen, il y a quelques années, afin de corriger les règles d’autorisation et d’évaluation des OGM. Sur de tels sujets, nous devons en effet avoir la certitude scientifique de préserver ce bien essentiel qu’est la santé.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Ma question concerne tout le monde, en effet, puisqu’elle touche à la santé.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui correspond à mes attentes : avant la publication d’une étude, il faut être plus attentif aux réactions qu’elle peut provoquer dans l’opinion. Toutefois, il faut aussi que la recherche avance à l’échelon européen.
Par ailleurs, comme beaucoup de mes collègues, il ne me semble pas acceptable de laisser détruire des plants qui servent à des recherches, même s’il s’agit d’OGM, car de tels actes me paraissent illogiques.
Monsieur le ministre, il faut donc avancer dans le sens que vous avez indiqué. Le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, lors d’une réunion à laquelle je participais la semaine dernière, a souligné – je l’en remercie – que nos produits agricoles étaient reconnus comme faisant partie des plus sains de la planète. Il a ajouté que l’inscription par l’UNESCO de la gastronomie française au patrimoine mondial immatériel de l’humanité confirmait, s’il en était besoin, cette reconnaissance.
Il serait donc dommage que la publication d’études de ce type vienne à perturber les efforts entrepris par nos agriculteurs pour améliorer encore la qualité de leurs produits. Monsieur le ministre, votre réponse me donne entièrement satisfaction et j’espère qu’elle sera suivie d’effets rapides, afin que l’on ne parle pas encore de ces problèmes dans dix ans.
(M. Jean-Patrick Courtois remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
devenir du fléchage de la taxe soda en faveur de l’allégement des charges des exploitants agricoles et maraîchers
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 277, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le coût du travail en France est au centre de nos préoccupations, car il pénalise toutes les activités qui font appel à une main-d’œuvre importante. Dans le monde agricole, tel est plus particulièrement le cas des exploitations maraîchères.
Le coût du travail crée une distorsion de concurrence, y compris et surtout vis-à-vis de nos voisins européens. En France, le coût horaire d’un travailleur saisonnier pour un maraîcher est supérieur de 80 % à celui qui est observé en Allemagne ; cet écart passe à 39 % dans le cas de l’Espagne et à 46 % dans le cas de la Belgique.
Pour faire en sorte de rattraper ces écarts avec nos concurrents européens, des mesures avaient été prises : l’allègement des charges salariales, mais aussi la création d’une taxe sur les sodas et d’une autre sur les carburants utilisés par les agriculteurs. Le produit de ces deux taxes devait financer l’allègement des charges patronales, à hauteur d’un euro par heure travaillée, pour les salariés permanents.
La loi de finances pour 2013 a modifié à la baisse les allégements de charges et la redistribution aux maraîchers des taxes actuellement prélevées n’est toujours pas intervenue. J’ajoute que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne compensera que très partiellement la perte subie par nos maraîchers.
Les entreprises de production de légumes emploient près de 200 000 salariés en France et offrent des emplois à du personnel peu qualifié ou en difficulté d’insertion. Un hectare de serres, par exemple, donne du travail à huit salariés.
Le recul de la production légumière est déjà largement amorcé dans notre pays. Au cours des quinze dernières années, les surfaces cultivées en légumes ont diminué de 30 % en France, alors que, au cours de la même période, elles ont progressé de 30 % en Allemagne et aux Pays-Bas.
Le maraîchage est une activité essentielle du bassin nantais. En Loire-Atlantique, le département dont je suis l’élu, 4 000 emplois directs sont concernés. Le non-versement des mesures promises et financées par la taxe sur les sodas, auquel s’ajoute la remise en cause des allégements de charges par la loi de finance pour 2013, va se traduire, rien que pour les maraîchers de mon département, par un manque à gagner évalué à 10 millions d’euros, soit 20 % de leur masse salariale.
Les maraîchers nantais se sont organisés pour former du personnel saisonnier, à l’origine non qualifié, issu pour l’essentiel de milieux urbains défavorisés. Des conventions avec tous les partenaires institutionnels locaux ont été établies en ce sens. Les emplois occasionnels, devenus qualifiés, ont été revalorisés et la diversité de production des entreprises regroupées a permis de donner à ces salariés du travail quasiment toute l’année. Le souhait de la profession est de fidéliser et de pérenniser ces emplois. Tous les partenaires trouvent leur intérêt dans cette démarche.
Ce rôle social, reconnu régionalement, est aujourd’hui découragé par des mesures qui incitent à ne pas renouveler ces contrats correctement valorisés et à leur substituer des emplois précaires, moins rémunérés mais davantage aidés.
Tout un projet, à la fois économique et social, va être déstabilisé parce que sa spécificité n’est pas prise en compte. Ce projet a été soutenu, depuis plusieurs années, par des entreprises dynamiques, innovantes, qui ont su organiser leur filière et valoriser leurs produits.
Les maraîchers nantais, malgré tous les efforts accomplis, sont très inquiets aujourd’hui. La perte de compétitivité n’est pas le fait d’un manque d’investissement, c’est même exactement le contraire : que faire lorsque la récolte de la mâche, mécanisée en France, se révèle plus coûteuse qu’en Allemagne, où elle est entièrement manuelle et réalisée par une main-d’œuvre peu chère, pour l’essentiel étrangère et rurale ?
Tout le problème réside dans la distorsion de concurrence liée au coût du travail, notamment du travail saisonnier, que subissent les producteurs français. Plutôt que d’aggraver encore la situation, il est nécessaire d’agir de manière ciblée, maintenant, pour éviter de créer dans quelques années un nouveau ministère du redressement productif, agricole cette fois, et dont les plans de sauvetage seront beaucoup plus coûteux que les mesures à prendre aujourd’hui. Quelles mesures envisagez-vous d’adopter, monsieur le ministre, pour permettre aux exploitants français d’être immédiatement, et surtout durablement, compétitifs au niveau européen ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je partage votre souci de donner à la filière du maraîchage, en particulier dans la région des Pays de la Loire, la capacité d’être compétitive et de garantir la pérennité de cette activité dans le marché européen tel qu’il est.
En ce qui concerne, premièrement, les allègements de charges applicables au travail saisonnier, je l’ai déjà dit, l’enveloppe prévue pour le dispositif en faveur des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emplois, ou TODE, correspond exactement, en 2013, à ce qu’avait prévu le gouvernement précédent pour 2012, soit 506 millions d’euros.
Vous avez évoqué, par ailleurs, une mesure prise par le gouvernement précédent, sans qu’elle ait été appliquée : la taxe sur les sodas, dont le produit devait être utilisé pour réduire les charges pesant sur le travail permanent.
Permettez-moi de rappeler, tout d’abord, que le dispositif en faveur des TODE, dont le coût avait été évalué à 506 millions d’euros pour 2012 a entraîné une dépense effective de 680 millions d’euros, en raison du caractère intéressant de ce dispositif pour les agriculteurs. Il a donc fallu combler cet écart de 174 millions d’euros, sinon la Mutualité sociale agricole, la MSA, se serait trouvée déficitaire. Nous avons réussi à rééquilibrer financièrement le dispositif en 2012 grâce à l’affectation du produit de cette fameuse taxe sur les sodas.
Ensuite, vous allez prochainement recevoir un document du ministère donnant des exemples de calcul portant sur le cumul des exonérations applicables aux TODE et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Vous pourrez constater que ce cumul permet d’aller beaucoup plus loin en termes d’aides ou d’exonérations que les dispositifs précédents, notamment les exonérations de charges sur le travail permanent financées par la taxe sur les sodas. Nous renforçons considérablement les aides allouées aux entreprises pour améliorer leur compétitivité.
Deuxièmement, vous avez évoqué des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne qui sont inadmissibles. Le Gouvernement a donc pris l’initiative de demander la renégociation de la fameuse directive concernant le détachement des travailleurs, qui permet d’employer un certain nombre de salariés dans des conditions inacceptables.
Troisièmement, vous avez évoqué les conditions sociales des exploitants et maraîchers. Le fait que de grands pays proches du nôtre – l’Allemagne, en particulier – n’aient pas de salaire minimum, notamment dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire, nous expose à une concurrence directe, sans que nous ayons la capacité de nous aligner de quelque manière que ce soit, sauf à revenir à un salaire horaire de 6 euros !
J’espère que le débat, d’ores et déjà engagé en Allemagne dans le cadre des prochaines élections, va permettre de poser cette question du salaire minimum.
À l’échelon européen, il faut travailler sur la correction de la directive relative au détachement des travailleurs et faire intégrer par chaque pays l’idée toute simple que, sur notre continent, on a besoin d’un salaire minimum. Cette harmonisation sociale, voire fiscale, c’est aussi le meilleur moyen d’assurer une compétitivité acceptable par tous les acteurs du continent, en particulier par les producteurs français.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Si j’ai bien entendu vos réponses, monsieur le ministre, je ne suis pas certain d’être tout à fait d’accord sur l’analyse que vous tracez. Ainsi, quand vous parlez de la reconduction d’un budget de 506 millions d’euros, vous dites bien que ladite reconduction s’entend par rapport à ce qui avait été prévu pour le budget 2012.
Vous ajoutez que la dépense réelle a été nettement supérieure, puisqu’elle s’est élevée à 680 millions d’euros. Donc, en reconduisant 506 millions d’euros, vous réduisez, en réalité, de 180 millions d’euros la masse que vous allez consacrer à l’exonération des charges patronales. Il s’agit donc bien, en l’espèce, d’un manque à gagner pour nos maraîchers !
Je pense – et vous partagez cet avis, je le sais – qu’il est extrêmement important pour nous de tout faire pour maintenir notre production en France. Tout ce qui peut conduire à inciter les uns ou les autres à appeler des sociétés de services étrangères en vue d’intervenir sur ce milieu serait forcément très préjudiciable pour l’activité économique de notre pays.
C’est la raison pour laquelle il me semble important d’aller de l’avant sur ces sujets et de trouver des solutions concrètes.
Vous avez évoqué la question de la protection sociale. La convergence sociale européenne me paraît être, en effet, une nécessité. Nous en sommes malheureusement encore bien loin ! Ce travail est devant nous, et il va falloir nous battre.
maintien du service public de la poste dans la vallée de l'ondaine
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, auteur de la question n° 292, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la réduction des horaires d’ouverture des bureaux de poste de la vallée de l’Ondaine, située dans le département de la Loire.
Permettez-moi, en guise d’introduction, de faire un bref rappel historique. Jusque dans les années quatre-vingt-dix, ceux qu’on appelait alors les PTT employaient des fonctionnaires d’État, utilisaient des véhicules et des bâtiments du parc immobilier du domaine de l’État. Les recettes finançaient à l’époque les salaires et une grande partie des investissements. Ainsi, il est bon de le préciser, jusqu’en 1990, en tout cas, les postiers n’étaient pas payés par l’impôt. À compter de cette date, la réforme Rocard-Quilès a scindé les PTT en deux, donnant naissance à France Télécom et à La Poste.
Dix ans plus tard, le 23 mars 2010, l’ouverture de son capital aux deux investisseurs publics que sont l’État et la Caisse des dépôts et consignations a fait de La Poste une société anonyme. Et ce, malgré l’importante votation citoyenne qui fut organisée par un collectif très large d’associations, de syndicats et de partis politiques pour dire non à cette ouverture du capital, votation qui recueillit 2 500 000 suffrages.
Aujourd’hui, les deux actionnaires de La Poste exigent, au même titre que des actionnaires privés, des dividendes. En 2011, ces derniers ont représenté 133 millions d’euros de recettes pour l’État.
Comme dans les grandes entreprises privées, la variable d’ajustement pour augmenter ces dividendes est, le plus souvent, la baisse de la masse salariale. Aussi, de réorganisation en réorganisation, le constat est clair : des emplois sont supprimés en nombre important : 90°000 depuis 2006.
Ce petit rappel éclaire ce que nous vivons aujourd’hui dans la Loire et, plus particulièrement, dans la vallée de l’Ondaine. La situation actuelle est la conséquence directe de décisions politiques qui affectent nos territoires.
Il faut également préciser que La Poste a séparé ses champs d’activités en différentes branches, complètement indépendantes, qui entretiennent entre elles des relations clients-fournisseurs.
L’enseigne qui nous intéresse aujourd’hui a regroupé ses bureaux du Chambon-Feugerolles, d’Unieux et de Fraisses au sein d’un territoire centré sur Firminy. Le personnel est donc polyvalent sur l’ensemble des bureaux, ce qui permet à La Poste d’envisager de réduire significativement ses horaires, soit en décalant les heures d’ouverture ou de fermeture, soit en fermant des demi-journées complètes. Au total, sur les quatre bureaux, vingt-cinq heures d’ouverture hebdomadaires seraient supprimées.
Le personnel et les usagers ne peuvent accepter un tel projet, qui réduit l’accès pour tous au service public de La Poste. Je pense surtout aux plus âgés, qui devront se déplacer – et avec quelles difficultés ! – jusqu’à la ville d’à côté lorsque leur bureau sera fermé. C’est, d’ailleurs, ce qui a amené de nombreuses personnes à signer les pétitions mises en place dans les différentes communes concernées.
La direction justifie ce projet par une baisse de trafic. Toutefois, la fréquentation des bureaux baissera au gré des réductions d’amplitudes d’ouverture. Et elle diminuera d’autant plus que l’utilisation des automates est encouragée avec insistance.
Dans la branche « distribution », les mêmes causes ayant les mêmes effets, nous constatons que, parfois, le courrier n’est pas distribué par manque d’effectif.
La Poste a été capable, à une époque, de fournir un service envié dans beaucoup de pays. C’est malheureusement de moins en moins le cas aujourd’hui !
La Poste appartient à la Nation. Ce sont ses usagers et son personnel qui la font vivre. Elle doit conserver son rôle de service public et d’aménageur du territoire. Elle n’appartient pas à ceux qui veulent tirer profit des activités dites « rentables » et abandonner les autres.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, comment l’État actionnaire entend intervenir auprès de la direction de La Poste pour pérenniser ce service public sur l’ensemble de nos territoires, ce qui passe par le maintien d’un réseau au plus près des usagers et facilement accessible à tous.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Madame la sénatrice, je voudrais, tout d’abord, partager avec vous l’idée que La Poste est un outil essentiel en termes d’aménagement du territoire.
À ce titre, le Gouvernement a, en 2012, versé une subvention de l’ordre de 650 millions d’euros, somme bien supérieure d'ailleurs au montant du dividende que vous avez mentionné et qui est versé aux actionnaires. Il y a bien là un engagement de l’État à garantir que, comme vous le souhaitez à juste titre, La Poste demeure un outil d’aménagement du territoire et de proximité pour un certain nombre de nos concitoyens. Et il faut lui permettre d’assurer l’ensemble de ses services.
En même temps, on le sait, les choses ont évolué et La Poste, dont l’objectif est d’assumer ce rôle de service public et d’aménagement du territoire, doit aussi tenir compte d’un certain nombre de réalités.
Il y a, de toute façon, entre l’État et La Poste, un contrat d’entreprise pleinement justifié par rapport aux objectifs que nous partageons en termes d’aménagement du territoire, en fonction des attentes de nos concitoyens quant à la manière de gérer les distances à parcourir.
S’agissant des horaires d’ouverture des bureaux, le contrat de présence postale territoriale conclu entre l’État, l’Association des maires de France et La Poste pose, en tout état de cause, des règles extrêmement strictes et précises.
Ainsi, il est prévu que toute évolution de l’amplitude horaire d’un bureau devra faire l’objet d’un diagnostic préalable en association avec le maire de la commune concernée. La réduction éventuelle des horaires d’un bureau ne peut pas conduire à une amplitude inférieure à douze heures par semaine. Si réduction il y a, l’amplitude ainsi définie ne peut plus être de nouveau réduite pendant deux ans après son adoption. Tout cela est accompagné d’exigences précises en matière d’information des clients sur les horaires d’ouverture.
Les règles que je viens de rappeler, posées dans ce cadre de gouvernance, doivent permettre d’assurer ce qui est de la responsabilité de l’opérateur, de La Poste, de gérer et d’assurer la meilleure activité possible en adéquation avec les demandes et les attentes. Ces règles sont là aussi pour garantir, comme vous le souhaitez, pour tous nos concitoyens, sur tous nos territoires, une facilité d’accès à La Poste.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, j’entends vos propos, et je vous en remercie. La consultation a lieu, bien évidemment, mais, dans la vallée de l’Ondaine, la majorité des maires ont, à ce jour, refusé l’offre qui leur a été faite.
Ce que craignent les élus, la population, comme les personnels de La Poste, c’est que l’on commence par réduire et par rendre peu à peu illisibles les choix d’horaires d’ouverture et qu’ensuite, avec la baisse de la fréquentation, d’ici à deux à trois ans, on aille vers d’autres restrictions. Cette crainte, elle existe, et il nous faut travailler sur ce point.
J’entends également vos propos, car ils reflètent une réalité – les chiffres parlent d’eux-mêmes – sur l’évolution du trafic et des services postaux. Toutefois, on peut regretter qu’il soit désormais procédé à une distribution séparée des lettres et des colis.
Aujourd’hui, avec l’explosion d’internet, le volume des lettres tend à se réduire, alors que, parallèlement, toujours avec internet, le volume des colis à distribuer explose, et cela sur l’ensemble du territoire. Le choix qui est fait aujourd’hui se porte de plus en plus sur un mode de distribution avec une réception par les enseignes privées, ce à quoi vous encouragent les opérateurs auprès desquels vous achetez par correspondance afin d’accélérer la livraison ou de réduire les frais.
Aujourd’hui privée d’une partie de l’activité qui pourrait être la plus intéressante pour elle, La Poste est mise en difficulté pour la distribution pure du courrier standard, c'est-à-dire des lettres. Le rapport au service courrier-colis est en mutation. Peut-être faut-il revoir ce chantier pour rendre toute sa place à La Poste, sans laisser d’espace aux petites enseignes privées.
statut social des formateurs occasionnels
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 279, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
M. Jean-Claude Carle. Je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la nécessité de préserver et de sécuriser le statut des formateurs occasionnels.
L’intervention ponctuelle de professionnels et d’experts est indispensable à la qualité des formations. La remise en question du statut de formateur occasionnel serait un véritable gâchis économique et, surtout, pédagogique. Or c’est ce qu’il risque de se passer si le Gouvernement ne veille pas au strict respect de l’arrêté du 23 décembre 1987 sur le statut social du formateur occasionnel.
Les organismes de formation ont, depuis toujours, recours à des professionnels pour intervenir ponctuellement durant les sessions de formation, et ce dans des domaines très divers : ce peut être un conducteur de machines, un conseiller maître à la Cour des Comptes, un directeur commercial, pour ne citer que quelques exemples.
Ces experts transmettent une expérience et un savoir-faire de terrain qui sont indispensables à la qualité des formations et ils n’ont aucun lien de subordination avec les organismes de formation.
Un arrêté de 1987 a reconnu le statut social du formateur occasionnel et lui a accordé un régime correspondant à la spécificité de son activité. Il prévoit ainsi que le formateur issu d’un autre domaine d’activité que la formation et qui intervient moins de trente fois et trente jours par an pour un organisme de formation est soumis à un régime forfaitaire de cotisations au régime général de la sécurité sociale.
De plus, ces formateurs occasionnels ne sont pas obligés de s’inscrire en tant que formateurs indépendants.
Toutefois, depuis 2010, les URSSAF ont multiplié les redressements des organismes de formation : considérant que ceux-ci sont liés aux formateurs occasionnels par un contrat de travail, elles leur ont appliqué les cotisations d’assurance chômage.
Au-delà de l’insécurité juridique qui résulte de cette situation, la remise en cause de ce dispositif est une atteinte au modèle social, économique et pédagogique des formations assurées par des professionnels.
Remise en cause du modèle social : le formateur occasionnel se voit aujourd’hui assujetti à des cotisations au régime du chômage – et, pourquoi pas, demain, du régime vieillesse – sans obtenir de droits en retour.
Remise en cause du modèle économique : ces cotisations sociales diminuent la rémunération perçue par le formateur occasionnel.
Enfin, remise en cause du modèle pédagogique : contraindre ainsi le recours à des formateurs occasionnels revient à nuire à la qualité des formations.
Si le statut de formateur occasionnel venait à disparaître, ce serait un véritable gâchis pour les organismes de formation, pour les formateurs occasionnels, bien sûr, mais aussi et surtout pour les apprenants.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier, qui offre une parfaite illustration d’une interprétation absurde des textes par rapport à l’esprit de la loi.
Avec de tels comportements, la formation professionnelle, qui est régie par le contrat, risque d’être victime de la contrainte : pour glaner quelques euros, on risque de détruire un système qui marche !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur Carle, vous avez attiré mon attention sur le statut des formateurs occasionnels auxquels les organismes de formation privés ont ponctuellement recours dans le cadre des programmes qu’ils mettent en place.
Pour tout vous dire, c’est, avec le sauvetage de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, un des sujets auxquels je me suis intéressé dès ma prise de fonction, l’été dernier. En effet, dans un cas comme dans l’autre, mon souci est de mettre à la disposition de l’ensemble de nos concitoyens une offre de formation de qualité, s’appuyant sur des professionnels reconnus. Nous partageons, j’en suis certain, cette préoccupation et cette exigence.
La question qui se pose à nous, et qui fait débat depuis quelques années déjà, hélas ! concerne le statut du formateur qui intervient ponctuellement dans un organisme de formation.
Doit-il être considéré comme un salarié de l’organisme de formation qui le sollicite, le formateur étant, eu égard à la prestation qu’il exécute, en situation de subordination à l’égard de l’organisme de formation qui l’emploie, même temporairement ? Dans ce cas, la relation de travail s’analyse comme un contrat de travail, soumis aux charges sociales patronales et salariales.
Ou bien doit-il être considéré comme un collaborateur externe ? Dans ce cas, deux situations peuvent se présenter : soit le collaborateur est un travailleur indépendant qui cotise lui-même aux assurances sociales ; soit il est salarié d’une autre structure et affilié à ce titre.
Prenant en compte la diversité de ces situations et devant la difficulté d’établir dans les faits la relation de salariat, l’arrêté du 23 décembre 1987 que vous avez évoqué a établi que « sont appelés formateurs occasionnels des formateurs dispensant des cours dans des organismes ou entreprises au titre de la formation professionnelle continue ou dans des établissements d’enseignement et dont l’activité de formation n’excède pas trente jours civils par année et par organisme de formation ou d’enseignement ». Je tiens à préciser que cet arrêté ne vise que les cotisations de sécurité sociale.
L’UNEDIC a, pour sa part, une appréciation différente et présume la relation de salariat à l’organisme de formation. Selon elle, il incombe au formateur occasionnel d’apporter la preuve contraire en produisant un document attestant son enregistrement comme travailleur indépendant.
Vous le voyez, cette situation assez complexe ne dépend pas entièrement de l’État : elle est également liée aux règles posées par les partenaires sociaux s’agissant de l’assurance chômage.
Tout d’abord, il est primordial de garantir le droit des salariés et d’éviter les dérives. Selon moi, il est en effet essentiel de sécuriser la relation entre l’intervenant et la structure qui le sollicite. Sans qu’il soit possible de chiffrer les dérives, il est manifeste, selon les organismes de contrôle, que certains organismes contraignent des « formateurs permanents » à prendre le statut de « formateur occasionnel », alors même qu’ils exercent la profession de formateur à temps plein, ou celui d’autoentrepreneur – les motifs sont suffisamment évidents pour que je n’aie pas besoin d’y insister –, ou bien encore celui de travailleur indépendant, ce qui leur fait perdre le bénéfice des droits attachés au salariat.
Ces situations sont bien sûr néfastes aux salariés, aux organismes de formation qui respectent le droit et, plus globalement, à notre système de protection sociale.
Il est néanmoins important – et soyez convaincu que j’y veille – de rendre possibles, en assurant une certaine souplesse, des interventions ponctuelles d’experts dans le cadre de dispositifs de formation de longue ou de courte durée. Vous l’avez dit à juste titre, c’est un élément de la qualité des formations dispensées et cela procède d’une démarche de contribution à l’éducation et à la formation propice à des échanges d’expériences entre pairs.
Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, je ne vous apporterai pas aujourd’hui de réponse « clé en main ». Je tiens cependant à vous indiquer que nous avons engagé dès cet été, en lien avec la Fédération de la formation professionnelle, représentant les organismes privés de formation, avec l’UNEDIC, avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et avec la Direction générale du travail, un travail d’identification des points de blocage et de mise à plat des solutions envisageables satisfaisant aux critères que j’ai énoncés précédemment : garantir la qualité de l’offre de formation, et donc le recours possible à des professionnels en poste, mais aussi sécuriser les formateurs dans le cadre de leur contrat et quant à l’exercice de leurs droits aux prestations de chômage et de retraite.
J’espère pouvoir faire aboutir positivement cette concertation afin de garantir, tout à la fois, les droits des salariés et la possibilité pour les organismes de formation de recourir ponctuellement à des collaborateurs experts de leur domaine pour enrichir les formations. Je vous informerai, bien entendu, de la solution qui aura été adoptée, aussi complexe que soit son élaboration. D’ailleurs, c’est sans doute cette complexité qui explique pourquoi mes prédécesseurs ne se sont pas réellement « frottés » à ce problème…
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.
Au vu de la situation, il est vrai complexe, nous devons prévenir un certain nombre de dérives. Je salue votre volonté de trouver une solution partenariale qui garantisse une nécessaire souplesse, sécurise les formateurs occasionnels – en l’espèce, la sémantique a son importance, et le terme « intervenant » serait sans doute mieux approprié –, sans remettre pas en cause un système qui satisfait pour tous les acteurs, au premier chef les apprenants.
Je comprends le souci de l’URSSAF d’optimiser sa gestion, mais je ne suis pas convaincu que ce soit sur les intervenants occasionnels qu’il faille faire porter l’effort : le gain escompté, de l’ordre de 1,5 à 2 millions d’euros, n’est pas en rapport avec le risque de déstabilisation d’un système qui fonctionne.
Je vous renouvelle la proposition que je vous avais faite, monsieur le ministre, lors d’une précédente séance de questions orales : l’UNEDIC pourrait demander à la Suisse le remboursement des indemnités qu’elle verse aux chômeurs français licenciés en Suisse, et dont le montant annuel s’élève, là, à 120 millions d’euros. Outre qu’une telle mesure procurerait un gain bien plus substantiel, elle mettrait un terme à une situation injuste et inacceptable.
Je sais que vous aurez à cœur de trouver une solution, car je connais votre pugnacité. Encore une fois, il serait dommage de déstabiliser un système qui marche.
5
Nomination d'un membre d'une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Yannick Botrel, membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. François Marc, démissionnaire.
6
Nomination d'un membre d'une délégation
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Marc Daunis, membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de M. Claude Dilain, démissionnaire.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de sept projets de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord relatif à l’établissement d’un bureau de l’ipgri en france
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) relatif à l'établissement d'un bureau de l'IPGRI en France et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe), signées à Rome, le 16 novembre 2010 et à Paris, le 3 janvier 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l’Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) relatif à l’établissement d’un bureau de l’IPGRI en France et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (projet n° 582 [2011-2012], texte de la commission n° 301, rapport n° 300).
(Le projet de loi est adopté.)
convention relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, adoptée le 15 juin 2006, dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 187 de l’Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (projet n° 375 [2011-2012], texte de la commission n° 305, rapport n° 304).
(Le projet de loi est adopté.)
accord relatif au centre spatial guyanais
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais et aux prestations associées (ensemble deux annexes), signé à Paris le 18 décembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais et aux prestations associées (projet n° 451 rectifié [2011-2012], texte de la commission n° 309, rapport n° 308).
(Le projet de loi est adopté.)
convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (ensemble une annexe), signée à Hambourg, le 30 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (projet n° 527, texte de la commission n° 303, rapport n° 302).
(Le projet de loi est adopté.)
convention relative à la recherche sur les antiprotons et les ions en europe
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe (ensemble une annexe), signée à Wiesbaden, le 4 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe (projet n° 606 [2011-2012], texte de la commission n° 307, rapport n° 306).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec le luxembourg concernant un centre commun de coopération policière et douanière
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, concernant la mise en place et l'exploitation d'un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune, signé à Luxembourg le 24 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant la mise en place et l’exploitation d’un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune (projet n° 665 [2011-2012], texte de la commission n° 312, rapport n° 311).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec le luxembourg relatif à la coopération dans les zones frontalières
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières, signé à Luxembourg le 15 octobre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (projet n° 664 [2011-2012], texte de la commission n° 311, rapport n° 310).
(Le projet de loi est adopté.)
8
Réforme de la biologie médicale
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale, présentée par M. Jacky Le Menn et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 243, texte de la commission n° 278, rapport n° 277).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 7.
Article 7
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 6211-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6211-12. – Lorsque le parcours de soins suivi par le patient comporte des tests, recueils et traitements de signaux biologiques ayant fait l’objet d’une prescription et nécessitant un appareil de mesure, le biologiste médical s’assure, à l’occasion d’un examen, dans des conditions fixées par décret, de la cohérence entre les données du dispositif médical ou du dispositif médical de diagnostic in vitro et le résultat de l’examen de biologie médicale qu’il réalise. » ;
2° Le I de l’article L. 6211-18 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « par arrêté du ministre chargé de la santé » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « d’analyse » sont supprimés ;
3° La seconde phrase de l’article L. 6212-4 est supprimée ;
4° L’article L. 6213-2 est ainsi modifié :
a) La première phrase du 1° est ainsi rédigée :
« 1° À compter de la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale, une personne qui remplit les conditions d’exercice de la biologie médicale ou qui a exercé la biologie médicale dans un établissement public de santé, dans un établissement de santé privé d’intérêt collectif ou dans un établissement de transfusion sanguine, soit à temps plein, soit à temps partiel, pendant une durée équivalente à deux ans depuis le 15 janvier 2000. » ;
b) Au 2°, le mot : « précitée » est remplacé par les mots : « n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale » ;
c) (nouveau) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Le directeur ou directeur adjoint d’un centre national de référence. » ;
5° Les articles L. 6213-3 et L. 6213-4 sont abrogés ;
6° Le 3° de l’article L. 6213-6 est abrogé ;
7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6213-8, les mots : « privé de santé » sont remplacés par les mots : « de santé privé » ;
8° Après l’article L. 6213-10, il est inséré un article L. 6213-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6213-10-1. – Un décret fixe les conditions dans lesquelles, par dérogation aux articles L. 6213-1 et L. 6213-2 les biologistes médicaux peuvent se faire remplacer à titre temporaire. » ;
9° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 6221-9, le mot : « ministère » est remplacé par le mot : « ministre » ;
10° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6222-1, les mots : « , public ou privé, » sont supprimés ;
11° À la fin de l’article L. 6222-2, la référence : « L. 1434-9 » est remplacée par la référence : « L. 1434-7 » ;
12° Au premier alinéa de l’article L. 6223-3, les mots : « personne morale » sont remplacés par le mot : « société » ;
13° Le 1° de l’article L. 6223-5 est ainsi modifié :
a) Les mots : « autorisée à prescrire des examens de biologie médicale » sont supprimés ;
b) Après les mots : « in vitro », sont insérés les mots : « un établissement de santé, social ou médico-social de droit privé, » ;
14° Au dernier alinéa de l’article L. 6231-1, les mots : « de l’organisation du contrôle national de qualité » sont remplacés par les mots : « du contrôle de qualité prévu à l’article L. 6221-10 » ;
15° Le titre III du livre II de la sixième partie est complété par un article L. 6231-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 6231-3. – En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer l’interruption immédiate, totale ou partielle, du fonctionnement des moyens techniques nécessaires à la réalisation de l’activité, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. » ;
16° L’article L. 6241-1 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le fait, pour un laboratoire de biologie médicale, de ne pas déclarer son activité telle que prévue à l’article L. 6211-19 ou d’effectuer une fausse déclaration ; »
b) Au 8°, après le mot : « privé, », sont insérés les mots : « à l’exception des laboratoires exploités sous la forme d’organisme à but non lucratif, » ;
c) À la fin du 10°, la référence : « à l’article L. 6221-4 » est remplacée par les mots : « au 3° de l’article L. 6221-4 ou n’ayant pas déposé la déclaration mentionnée aux 1° et 2° du même article » ;
d) Le 13° est ainsi rédigé :
« 13° Le fait, pour un laboratoire de biologie médicale, de ne pas faire procéder au contrôle de la qualité des résultats des examens de biologie médicale qu’il réalise dans les conditions prévues à l’article L. 6221-9 ou de ne pas se soumettre au contrôle national de la qualité des résultats des examens de biologie médicale prévu à l’article L. 6221-10 ; »
e) Le 14° est ainsi rédigé :
« 14° Le fait, pour un laboratoire de biologie médicale qui réalise des examens d’anatomie et de cytologie pathologiques de méconnaître les exigences mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre II de la sixième partie du présent code ; »
f) Au 20°, après le mot : « médicale », est inséré le mot : « privé » ;
17° Au 1° du I de l’article L. 6241-2, la référence : « aux 3° » est remplacée par les références : « aux 1°bis, 3° » ;
18° Après l’article L. 6241-5, il est inséré un article L. 6241-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6241-5-1. – Les chambres disciplinaires de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens sont compétentes pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale privé lorsque cette société est inscrite au tableau de l’ordre des pharmaciens ou de l’ordre des médecins.
« Lorsque la société mentionnée au premier alinéa est inscrite simultanément au tableau de l’ordre des médecins et au tableau de l’ordre des pharmaciens, est saisie soit la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins si les biologistes médicaux exerçant au sein du laboratoire de biologie médicale sont majoritairement inscrits au tableau de l’ordre des médecins, soit la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des pharmaciens dans l’hypothèse inverse. En cas d’égalité entre médecins biologistes et pharmaciens biologistes, le plaignant détermine la chambre disciplinaire compétente.
« Si la plainte concerne un manquement à une obligation de communication envers un ordre particulier, seules les chambres disciplinaires de l’ordre concerné sont saisies.
« Les sanctions mentionnées aux articles L. 4124-6 et L. 4234-6 sont applicables aux sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale privé faisant l’objet de poursuites disciplinaires, respectivement, devant l’ordre des médecins ou devant l’ordre des pharmaciens. Dans ce cas :
« 1° L’interdiction prononcée par la chambre disciplinaire de première instance mentionnée au 4° de l’article L. 4124-6 est, pour les sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale privé inscrites au tableau de l’ordre des médecins, une interdiction temporaire de pratiquer des examens de biologie médicale, avec ou sans sursis ; cette interdiction ne peut excéder un an ;
« 2° Les interdictions prononcées par la chambre disciplinaire de première instance au titre des 4° ou 5° de l’article L. 4234-6 sont, pour les sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale privé inscrites au tableau de l’ordre des pharmaciens :
« a) Une interdiction temporaire de pratiquer des examens de biologie médicale d’une durée maximale d’un an, avec ou sans sursis ;
« b) Supprimé
19° À l’article L. 6242-3, les références : « aux articles L. 6231-1 et L. 6232-2 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 6231-1 » ;
20° Au dernier alinéa de l’article L. 1434-9, les mots : « de soins mentionnée au 1° » sont supprimés ;
21° L’article L. 4352-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé les personnes ayant obtenu, avant leur entrée dans la profession, un titre de formation ou une autorisation requis pour l’exercice de la profession de technicien de laboratoire médical ou relevant des dispositions du 1° de l’article L. 4352-3 et des articles L. 4352-3-1 et L. 4352-3-2, ainsi que celles qui, ne l’exerçant pas, ont obtenu leur titre de formation depuis moins de trois ans. » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « de leur autorisation », sont insérés les mots : « ou de la preuve d’un exercice aux dates respectivement mentionnées au 1° de l’article L. 4352-3 et aux articles L. 4352-3-1 et L. 4352-3-2. » ;
22° Après l’article L. 4352-3, sont insérés deux articles L. 4352-3-1 et L.4352-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 4352-3-1. – Les personnes qui exerçaient, à la date du 29 novembre 1997, les fonctions de technicien de laboratoire médical dans un établissement de transfusion sanguine sans remplir les conditions exigées mais qui justifient, à la date du 23 mai 2004, d’une formation relative aux examens de biologie médicale réalisés dans un établissement de transfusion sanguine peuvent continuer à exercer les mêmes fonctions.
« Art. L. 4352-3-2. – Les personnes qui exerçaient, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale, les fonctions de technicien de laboratoire médical et ne peuvent se prévaloir d’un des titres de formation prévus par les articles L. 4352-2 et L. 4352-3, peuvent continuer à exercer les fonctions de technicien de laboratoire médical. » ;
23° Le sixième alinéa de l’article L. 4352-7 est supprimé ;
24° Au 18° de l’article L. 5311-1, après le mot : « appropriée », sont insérés les mots : « en application du 3° de l’article L. 6211-2 ».
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 145-5-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 145-5-6. – Les sections des assurances sociales de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens sont compétentes pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale privé lorsque cette société est inscrite au tableau de l’ordre des pharmaciens ou de l’ordre des médecins.
« Lorsque la société mentionnée au premier alinéa est inscrite simultanément au tableau de l’ordre des médecins et au tableau de l’ordre des pharmaciens, doit être saisie de la plainte soit la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins si les biologistes médicaux exerçant au sein du laboratoire de biologie médicale sont majoritairement inscrits au tableau de l’ordre des médecins, soit la section des assurances sociales compétente de l’ordre des pharmaciens dans l’hypothèse inverse. En cas d’égalité entre médecins biologistes et pharmaciens biologistes, le plaignant détermine la section des assurances sociales compétente.
« Les sanctions prononcées sont celles prévues aux articles L. 145-2 et L. 145-4, à l’exception de l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, de donner des soins aux assurés sociaux qui est remplacée par l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, de pratiquer des examens de biologie médicale pour les assurés sociaux. L’interdiction temporaire, avec ou sans sursis, d’exercer des activités de biologie médicale ne peut excéder un an. » ;
2° À la première phrase de l’article L. 162-13-1, le mot : « exacte » est supprimé.
III. – L’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 7 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Jusqu’au 31 octobre 2018, aucun laboratoire de biologie médicale non accrédité au sens de l’article L. 6221-1 du code de la santé publique ne peut fonctionner sans respecter les conditions déterminées par un arrêté du ministre chargé de la santé relatif à la bonne exécution des analyses de biologie médicale.
« Jusqu’à cette même date, aucun laboratoire de biologie médicale privé non accrédité ne peut fonctionner sans détenir l’autorisation administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 6211-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance.
« L’autorisation peut être retirée lorsque les conditions de sa délivrance cessent d’être remplies.
« À compter du 1er novembre 2016, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur 50 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent.
« À compter du 1er novembre 2018, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur 80 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent.
« À compter du 1er novembre 2020, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur 100 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent.
« Les accréditations prévues aux trois alinéas précédents portent sur chacune des familles d’examens de biologie médicale. » ;
b) À la première phrase du II, après le mot : « délivrée », sont insérés les mots : « , dans les conditions définies au I, » ;
c) Le III est ainsi modifié :
- Après le mot : « administrative », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « délivrée dans les conditions définies au I : » ;
- La dernière phrase du 1° est supprimée ;
- Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Un laboratoire de biologie médicale qui ouvre un site nouveau, dans le respect des limites territoriales définies au même article L. 6222-5, à condition de ne pas dépasser le même nombre total de sites ouverts au public ; »
- À la fin de la seconde phrase du 2°, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2014 » ;
d) Au IV, après le mot : « administratives », sont insérés les mots : « délivrées dans les conditions définies au I » et l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2018 » ;
e) Le V est ainsi rédigé :
« V. – Le fait de faire fonctionner un laboratoire de biologie médicale non accrédité au sens de l’article L. 6221-1 du code de la santé publique sans respecter les conditions déterminées par un arrêté du ministre chargé de la santé relatif à la bonne exécution des analyses de biologie médicale et, pour les laboratoires de biologie médicale privés, sans détenir une autorisation administrative telle que définie aux articles L. 6211-2 à L. 6211-9 du même code dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance est constitutif d’une infraction soumise à sanction administrative dans les mêmes conditions que l’infraction mentionnée au 10° de l’article L. 6241-1 dudit code. » ;
2° L’article 8 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « ordonnance », la fin du III est ainsi rédigée : « continue de produire les effets mentionnés à l’article L. 6211-5 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance. » ;
b) À la première phrase du V, l’année : « 2013 » est remplacée par l’année : « 2014 » ;
c) Au VI, après la référence : « V », sont insérés les mots : « du présent article et celles mentionnées au I de l’article 7 » ;
3° L’article 9 est ainsi modifié :
a) Au I, après la référence : « L. 6223-1 », sont insérés les mots : « du code de la santé publique » ;
b) Au premier alinéa du II, les références : « aux dispositions de l’article L. 6223-4 et du 2° de l’article L. 6223-5 » sont remplacées par les références : « aux articles L. 6223-4 et L. 6223-5 du même code » ;
c) Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – Les personnes ayant déposé auprès du ministre chargé de la santé, avant la date de publication de la présente ordonnance, une demande d’autorisation d’exercice des fonctions de directeur ou directeur adjoint de laboratoire sans qu’une décision leur ait été notifiée au plus tard à cette même date peuvent présenter une demande d’autorisation d’exercer les fonctions de biologiste médical ; cette demande est adressée au ministre chargé de la santé qui prend sa décision après avis de la commission mentionnée à l’article L. 6213-12 du code de la santé publique, dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Avec l’article 7 et l’article 8, lequel concerne la détention du capital social des sociétés d’exercice libéral de biologie médicale, nous sommes au cœur de cette proposition de loi et des inquiétudes qu’elle fait naître chez les professionnels de santé, ainsi que chez certains patients.
Comme vous, nous avons reçu de nombreux messages émanant d’organisations syndicales représentatives d’une partie de la profession, de biologistes non syndiqués, voire de certains de nos concitoyens, qui craignent que le basculement du régime actuel dit de « certification » vers celui d’accréditation n’entraîne la fermeture de nombreux laboratoires de biologie médicale. Non que ces derniers ne soient pas sûrs et n’offrent pas aujourd’hui toutes les garanties nécessaires, mais parce que le coût de l’accréditation serait, pour les plus petits d’entre eux, insurmontable.
D’autres laboratoires pourraient se conformer à la procédure d’accréditation en cédant une partie plus ou moins grande de leur capital social à des structures d’ordre financier, qui profiteraient de cette occasion pour transformer le laboratoire de proximité en un simple centre de prélèvements.
Autant vous le dire, mes chers collègues, nous partageons ces craintes.
À cet égard, je voudrais citer ce que disait M. Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes en 2011 devant le 58e congrès de la Fédération nationale des infirmiers : « La réforme imposée par une accréditation de type industriel, cette demande de concentration en plateaux techniques, a permis de faire entrer des financiers dans la biologie. Sur 4 500 laboratoires en France l’an dernier, nous avons déjà perdu 1 000 structures en un an. »
Cette situation, très bien décrite par M. Blanchecotte, nous interpelle nécessairement, d’autant que tous les professionnels que nous avons rencontrés nous ont dit la même chose : les normes auxquelles il faudra satisfaire demain pour pouvoir être accrédité résultent, en réalité, de la transposition des normes d’autres pays où la pratique de la biologie est différente. Il s’agit de pays où, précisément, les centres de proximité ne sont que des centres de prélèvements et où les examens de biologie sont réalisés au sein de superstructures centralisées dans lesquelles les analyses sont essentiellement rendues par des machines et où les examens sont massifiés. Autrement dit, ces examens sont à la fois très nombreux, puisque des prélèvements réalisés sur des centaines de sites de prélèvements sont regroupés, et leur traitement est essentiellement automatisé.
Dans ce contexte, l’application de règles prudentielles particulières, destinées à encadrer une pratique qui relève plus de l’industrie de soins, peut se comprendre eu égard aux risques inhérents à la massification. Mais cela s’entend nettement moins lorsqu’il s’agit de structures de proximité qui, en raison de leur taille, ne sont pas exposées aux mêmes risques.
Il se pourrait, également, que certains groupes financiers, dont on sait qu’ils sont aux aguets, profitent de la volonté légitime de renforcer la sécurité sanitaire pour organiser la concentration de l’activité en imposant des fermetures, des fusions ou des regroupements. Nous ne sommes pas les seuls à éprouver une telle inquiétude.
Certes, les amendements présentés en commission des affaires sociales par notre rapporteur, qui prévoit un échelonnement dans le temps de la procédure d’accréditation, vont dans le bon sens. Malgré cela, on sait que certaines structures ne pourront se mettre aux normes. Je pense particulièrement aux laboratoires de biologie médicale des centres de santé dont la politique met l’accent sur l’approche globale du patient. Or, si ces laboratoires sont obligés de fermer, ce qui contraindra certaines personnes à se rendre dans d’autres structures pour effectuer leurs prélèvements, il est à craindre que l’équilibre financier des centres de santé ne soit rompu, ce qui mettra leur existence même en péril.
Madame la ministre, pour ces structures, comme pour les plus petits laboratoires, dans des territoires déjà dévastés sur le plan médical, croyez-vous qu’il soit possible de soutenir financièrement les transformations nécessaires à l’obtention de l’accréditation ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, sur l'article.
M. Gilbert Barbier. Les quelques jours qui se sont écoulés depuis le début de la discussion de cette proposition de loi en séance publique m’ayant permis de prolonger ma réflexion sur les articles que nous avons d’ores et déjà votés, je souhaite revenir sur le très long débat que nous avons eu concernant l’article 4 et la phase pré-analytique.
Il s’avère, madame la ministre, que le Sénat a voté là une disposition extrêmement préjudiciable au regard de l’objectif qui nous est apparemment commun d’éviter la financiarisation de la biologie médicale.
Le terme de « prélèvement » avait été adopté à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale de Mme Valérie Boyer, notamment avec le soutien du groupe socialiste, exprimé par la voix de Catherine Lemorton, et contre l’avis de la ministre de l’époque, Mme Nora Berra, et du rapporteur, M. Jean-Luc Préel.
Madame la ministre, je ne comprends pas très bien ce revirement, sur ce point essentiel, ni celui de M. le rapporteur. À l’évidence, il existe une différence notable entre « prélèvement » et « phase pré-analytique ». Renseignements pris, la phase pré-analytique peut se décomposer en une dizaine d’étapes alors que le prélèvement n’en comprend que trois : le prélèvement lui-même, le transport et la conservation.
En revanche, tout ce qui concerne la forme du prélèvement relève, bien entendu, de la responsabilité du biologiste.
En fait, et c’est cela qui est important, l’article 4 tel que nous l’avons voté dégage la responsabilité du biologiste médical, la reportant sur une convention qu’il signerait avec le professionnel de santé amené à effectuer le prélèvement. En cas de problème, c’est vers lui que le biologiste médical, éloigné du centre de prélèvements, se retournera.
Cela rejoint ce que vient de dire Mme Cohen sur l’accréditation. Effectivement, l’accréditation à 100 % est essentiellement réclamée par les grands groupes, qui entendent mettre la main sur la biologie médicale, sachant, comme vient de le souligner notre collègue, qu’une telle accréditation sera très difficile à obtenir pour les laboratoires indépendants en raison des coûts qu’elle emporte. Ces laboratoires renonceront donc souvent à pratiquer tel type de prélèvements.
Nous assisterons alors progressivement à la disparition des biologistes indépendants qui maillent notre territoire et qui font la force du service médical rendu, notamment dans les départements ruraux.
Madame le ministre, pouvez-vous nous préciser votre position à l’égard de cette financiarisation en cours ?
Autant nous souhaitions ratifier cette ordonnance comme le prévoyait la proposition de loi Boyer, autant il n’en va pas de même des modifications qui sont apportées ici par le rapporteur et que le Gouvernement soutient sur le problème de la phase pré-analytique, à l’article 7 pour ce qui est de l’accréditation et à l’article 8 pour ce qui est du pourcentage du capital.
L’évolution qu’a subie ce texte, qui paraissait initialement intéressant, est tout à fait regrettable : la biologie indépendante placée sous la houlette de maîtres biologistes médicaux va disparaître au profit de grands groupes financiers. (MM. Jean-Claude Requier, Gérard Roche et René-Paul Savary applaudissent.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir sur un certain nombre des points qui viennent d’être évoqués.
Sans reprendre le débat là où nous l’avions laissé la semaine dernière, je tiens à dire, monsieur Barbier, que j’ai bien entendu les préoccupations que vous avez réitérées à propos à l’article 4.
En tout état de cause, nous allons pouvoir reprendre le travail engagé puisque, même si ce texte est examiné en procédure accélérée, nous ne sommes pas au terme du processus parlementaire et la discussion à l’Assemblée nationale nous permettra sans doute d’apporter certaines précisions à la rédaction actuelle de cet article.
Je veux en tout cas vous rassurer : j’ai entendu les interrogations, les inquiétudes, les doutes exprimés quant au contenu même de l’article 4. Je crois que tout le monde, de bonne foi, a le même objectif. La question est de savoir si la rédaction adoptée au Sénat est la mieux à même de nous assurer que cet objectif sera atteint. Croyez bien, monsieur le sénateur, que nous mènerons ce travail de façon ouverte et que, bien entendu, M. le rapporteur et l’ensemble du Sénat seront associés à tout ce qui sera fait dans la perspective du débat à l’Assemblée nationale ; il n’y a en effet aucune raison de ne pas avancer collectivement.
J’en viens à l’article 7, qui soulève la question de l’accréditation.
Là encore, nous partageons tous un même objectif : faire en sorte que notre pays dispose d’une biologie médicale de qualité. Nous pensons tous que la procédure d’accréditation est un moyen très important pour apporter des garanties en matière de qualité des laboratoires de biologie médicale. Tout le monde est ici d’accord pour considérer que la qualité ne saurait se partager : je veux dire par là qu’il ne serait pas acceptable que, selon leur localisation ou en fonction de certains critères qui resteraient à définir, des laboratoires soient de moindre qualité que d’autres.
Dès lors que nous ne voulons pas d’une qualité « à deux vitesses », que nous estimons que la biologie médicale doit répondre aux exigences des patients à son égard, il faut faire en sorte que cela soit réalisable concrètement. J’entends les préoccupations pragmatiques qui peuvent s’exprimer : comment passe-t-on de l’énoncé d’un principe à sa mise en œuvre ?
J’ai compris que les inquiétudes concernaient le rythme de l’accréditation, la compatibilité d’une d’accréditation à 100 % avec l’innovation, en particulier dans les centres hospitalo-universitaires, la faisabilité de cette procédure pour les petits laboratoires, notamment dans les départements ultramarins, et, enfin, le coût que représente cette procédure.
Pour ce qui est du rythme, je vous rappelle qu’il existe un référentiel de bonnes pratiques qui a été publié en 1994. Il apparaît donc comme dépassé et il faut maintenant qu’un nouveau référentiel se mette en place rapidement. Nous devons accélérer ce processus, ne pas rallonger les délais, ce qui n’est pas incompatible avec une démarche de palier, même si un objectif ultime doit être fixé.
L’objectif de 100 % qui est fixé au terme de la procédure est-il un obstacle à l’innovation ?
M. Gilbert Barbier. Oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne le crois pas, mesdames, messieurs les sénateurs. À l’inverse, je crois même qu’afficher d’emblée un objectif ultime inférieur, de 80 %, 85 % ou 90 %, aurait des effets délétères. Cela voudrait dire que l’on accepte, que l’on intériorise par avance le fait que des zones d’exception pourraient être maintenues. D’ailleurs, cela ne concerne pas uniquement les CHU, mais aussi certains laboratoires de ville qui doivent pouvoir concilier l’objectif, selon un calendrier donné, de 100 % et leur volonté d’innovation. Bien entendu, le Cofrac – Comité français d’accréditation – devra tenir compte de tout cela.
Pour ce qui est des territoires ultramarins, nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons l’article 11. Il me semble que nous avons la volonté commune d’avancer et que des progrès ont pu être réalisés lors du travail collectif que nous avons mené.
S’agissant du coût de l’accréditation – je réponds là, notamment, à Mme Cohen –, le Cofrac garantira que les prix sont strictement liés au coût réel. Telle est bien l’ambition que nous devons avoir. C’est la volonté résolue de l’État, qui siège au conseil d’administration de ce comité, que de faire en sorte que cette exigence soit respectée. Pour autant, il sera indiscutablement nécessaire de procéder à des contrôles externes afin de s’assurer que l’objectif que nous avons fixé sera bien atteint.
Je tiens à souligner qu’il s’agit pour nous de garantir une procédure de qualité. C’est précisément en mettant l’accent sur la qualité que nous pourrons lutter contre la financiarisation de la biologie médicale, contre laquelle nous nous élevons tous. Nous y reviendrons lors du débat très sensible, car emblématique, que nous aurons sur l’article 8.
Ce texte d’inspiration sénatoriale, le Gouvernement l’a examiné au travers de sa volonté de lutter pied à pied contre un mouvement de financiarisation qui n’est acceptable ni en matière de biologie médicale ni en matière de santé de façon générale. Nous ne sommes pas là dans un secteur qui relève de la compétitivité ou de la rentabilité, comme certains ont parfois voulu nous le faire croire.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.
L'amendement n° 41 rectifié bis est présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, ma présentation de cet amendement vaudra également pour l'amendement n° 61.
L’objet de l’amendement n° 7 rectifié est de maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 6213-2 du code de la santé publique.
En effet, cet article fixe les conditions dérogatoires selon lesquelles des non-biologistes médicaux, tels qu’ils sont académiquement définis à l’article L. 6213-1, peuvent exercer les fonctions de biologiste médical.
Or les alinéas 9 à 11 de l’article 7 du présent texte assouplissent ces conditions et prorogent le délai d’extinction desdites dérogations. Je rappelle que, lors de notre séance du 31 janvier 2013, l’article 6, qui prévoyait de nouvelles dérogations, a été supprimé par le Sénat.
Si l’on veut effectivement assurer la médicalisation de la spécialité de biologie médicale – et il s’agit l’un des objectifs affichés de la présente réforme –, il convient au contraire de maintenir le code de la santé publique en l’état.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié.
M. Alain Milon. En substituant à la date de publication de l’ordonnance celle de la promulgation de la loi à venir, la disposition prévue aux alinéas 9 à 11, qui visent à modifier l’article L. 6213–2 du code de la santé publique, tend à ouvrir un nouveau délai concernant une situation qui nous semble aujourd’hui stabilisée.
Nous considérons que cette mesure est source de confusion et d’insécurité juridique, et qu’elle est donc inopportune.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 41 rectifié bis.
M. Gilbert Barbier. Je m’associe aux arguments qui viennent d’être avancés par nos collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les alinéas visés par ces amendements contiennent des mesures de simple coordination.
Les alinéas 9 à 11 tendent à supprimer les modifications apportées à l’article L. 6213-2 du code de la santé publique sur les conditions permettant d’exercer la biologie médicale.
Cet article dispose actuellement :
« Peut également exercer les fonctions de biologiste médical :
1° À compter de la date de la publication de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, […] une personne qui a exercé la biologie médicale […] pendant une durée équivalente à deux ans à temps plein au cours des dix dernières années. »
Dix ans avant la publication de l’ordonnance, c’était le 15 janvier 2000. Le texte que nous vous proposons vise non plus l’ordonnance, mais la loi. Dix ans avant la loi que nous allons voter, ce serait février ou mars 2003. Pour ne pas léser ceux qui ont validé leur année entre 2000 et 2003, il faut donc maintenir la date du 15 janvier 2000. C’est ce que nous faisons.
L’article L. 6213-2 prévoit par ailleurs des possibilités de limitation d’exercice pour ceux qui n’ont exercé la biologie médicale que dans une spécialisation déterminée.
Cette procédure, qu’il s’est avéré impossible de mettre en œuvre depuis trois ans, est supprimée. Les alinéas 9 à 11 n’apportent donc rien de nouveau ni ne touchent à des situations cristallisées.
Je demande par conséquent le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme l’a excellemment souligné M. le rapporteur, les dispositions de coordination que ces trois amendements visent à supprimer permettent de garantir qu’un petit nombre de personnes qui se sont engagées dans l’exercice de la biologie médicale en vertu de l’ordonnance de 2010 pourront poursuivre leur activité.
Il y a là une volonté de reconnaître la situation de ces personnes par rapport, non plus à la date de publication de l’ordonnance, mais à celle de l’entrée en vigueur de la loi à venir.
Le maintien de ces alinéas me paraît donc utile et j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié, 15 rectifié et 41 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Monsieur le rapporteur, je crois savoir que vous souhaitez que l’amendement de la commission soit examiné par priorité.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. En effet, monsieur le président.
M. le président. Le Gouvernement s’oppose-t-il à cette priorité ?
M. le président. La priorité est donc de droit.
L'amendement n° 53, présenté par M. Le Menn, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Le directeur ou directeur adjoint d’un centre national de référence pour la lutte contre les maladies transmissibles mentionné aux articles L. 1413-4 et L. 1413-5, par autorisation du ministre chargé de la santé, après avis de la commission prévue à l’article L. 6213-12. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les postes de directeur ou de directeur adjoint des centres nationaux de référence, les CNR, peuvent être occupés par des chercheurs qui ne sont pas des biologistes médicaux.
Je souhaiterais rappeler la raison pour laquelle cette disposition est essentielle au bon fonctionnement de la veille sanitaire et à l’efficacité la lutte contre les pandémies.
Les CNR sont au nombre de quarante-sept en France. Plusieurs ont des compétences nationales ; certains ont même des compétences internationales lorsqu’ils sont également centres de référence pour l'Europe et pour l'Organisation mondiale de la santé. Dix-neuf de ces centres font partie de l'Institut Pasteur, sur ses trois sites de Paris, Lyon et Cayenne. C'est d’ailleurs cet institut qui nous a alertés sur la nécessité de prévoir un statut adapté à la spécificité de leur situation.
Les CNR exercent principalement quatre types de missions : expertise microbiologique, contribution à la surveillance épidémiologique, alerte et conseil aux autorités sanitaires et aux professionnels de santé.
En cas d'émergence d’une nouvelle bactérie ou d'un nouveau virus, ce sont les CNR qui sont chargés de l’identifier et de développer les tests permettant une identification rapide. Ces centres participent à la recherche des modalités de lutte contre les bactéries et virus émergents et ont une action de formation essentielle pour la préparation des professionnels de santé aux urgences sanitaires.
Je ne citerai que quelques-uns des thèmes traités par les CNR de l'Institut Pasteur : la rage, le choléra, la peste – nous savons bien, mes chers collègues, que ces vieux ennemis sont toujours présents ! –, mais aussi le méningocoque, listeria, le papillomavirus, la grippe et j’en passe.
Si nous n’adoptons pas la disposition prévoyant une exception pour les CNR, ces derniers seront gravement et immédiatement désorganisés, et leur capacité à poursuivre leurs missions sera remise en cause. En effet, ces centres sont sélectionnés après un appel d'offres de l'Institut de veille sanitaire qui a lieu tous les quatre ans. Or le mandat actuel des centres ne s'achève qu'en septembre 2016.
Cette disposition concernerait au plus 94 postes, pour une mission de service public dont l'intérêt est évident pour tous. Il me semble que cette exception, adoptée par la commission et que nous vous proposons de préciser encore, est une nécessité. La faire disparaître, ce serait prendre un risque pour la santé publique que je ne suis pas prêt à assumer, tout comme vous, j’en suis convaincu, mes chers collègues.
M. le président. Les amendements nos 61 et 62 sont identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 62 est présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 61 a déjà été défendu.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Alain Milon. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 53, 61 et 62 ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 53. À l'instigation de M. le rapporteur, la commission a fort justement souhaité que le rôle des directeurs ou directeurs adjoints de centre national de référence soit précisé. Cet ajout est tout à fait nécessaire.
Je rappelle que notre pays compte en tout cent vingt-neuf établissements correspondant aux centres nationaux de référence pour la lutte contre les maladies transmissibles. Au moins vingt d’entre eux sont concernés par la modification apportée par l'amendement, c'est-à-dire qu’ils ont à leur tête un directeur qui, tout en étant un scientifique, n'est ni médecin ni pharmacien. Il faut s'assurer que ces personnes pourront continuer à effectuer leur travail sous la responsabilité, ou avec la validation, du ministère en charge de la santé.
Par voie de conséquence, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 61 et 62.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 61 et 62 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 59, présenté par M. Le Menn, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : « autorisée à prescrire des examens de biologie médicale » sont remplacés par les mots : « autre que celle de biologiste médical » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 69
I. - Alinéa 69
Remplacer l'année :
2018
par l'année :
2020
II. - Alinéa 72
Supprimer cet alinéa.
III. - Alinéa 73
Remplacer le taux :
80 %
par le taux :
70 %
IV. - Alinéa 74
Remplacer le taux :
100 %
par le taux :
90 %
V. - Alinéa 75
Supprimer cet alinéa.
VI. - Alinéa 82
Rédiger ainsi cet alinéa :
- Le 2° est abrogé ;
VII. - Alinéa 83
Remplacer l'année :
2018
par l'année :
2020
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement porte sur un point fondamental : il s’agit de savoir si un laboratoire doit absolument avoir une accréditation à 100 % à la date fixée, qui est 2020. Je propose de réduire ce taux à 90 % des actes de biologie pratiqués par les laboratoires.
Une exigence d’accréditation à 100 % conduirait inévitablement à mettre les laboratoires indépendants entre les mains des grands groupes financiers. En effet, non seulement cette accréditation est coûteuse, mais elle doit, de plus, être obtenue rapidement pour permettre le recours à de nouvelles techniques.
Certes, l’accréditation devrait permettre d'introduire plus facilement les nouvelles techniques, mais la mise en place de ces dernières demande du temps. Un taux de 90 % permet de prouver que le laboratoire n’est pas géré n'importe comment et devrait donner aux laboratoires indépendants la possibilité de poursuivre leur activité.
Sans cette mesure, un certain nombre d'examens ne pourront plus être assurés par ces laboratoires, qui rendent pourtant de grands services aux populations des départements ruraux, notamment. Il serait alors nécessaire de recourir à des laboratoires plus importants, détenus par des groupes financiers.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Le Menn, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 69
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2020
II. - Alinéa 83
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2020
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 51 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 42 rectifié.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. L’amendement n° 51 est un amendement de cohérence, tendant à remplacer l’année 2018 par l’année 2020 aux alinéas 69 et 83 de l’article 7.
L’amendement n° 42 rectifié tend à revenir sur l’un des points centraux du texte : l’accréditation.
Il vise à supprimer les seuils de 50 % en 2016, 80 % en 2018 et 100 % en 2020, par lesquels la commission a voulu rythmer les étapes vers une accréditation complète, qui est clairement son objectif, pour prévoir simplement une accréditation à 70 % en 2018 et à 90 % à compter de novembre 2020.
Cette solution ne me paraît pas acceptable.
Tout d’abord, je note que le seuil de 50 % en 2016 est déjà en retrait par rapport à l’obligation initiale d’accréditation prévue par l’ordonnance.
Ensuite, si une accréditation par paliers me paraît nécessaire – c’est la position que j’ai toujours défendue – pour permettre aux laboratoires qui le souhaitent de s’engager dans une démarche de qualité, elle doit néanmoins être aussi prompte que possible.
Les seuils que nous proposons tiennent compte de la capacité du Cofrac à mener les démarches nécessaires et de la situation des laboratoires. Ils sont donc réalistes et de nature à éviter toute concurrence sur la qualité.
En effet, si les étapes de la progression sont trop longues ou si nous ne parvenons pas à un taux d’accréditation de 100 %, il y aura, au mieux, une concurrence sur la qualité et, au pis, de fortes inégalités territoriales. Entre un laboratoire qui affichera un taux d’accréditation de 100 % et un autre qui ne pourra se prévaloir que d’un taux de 90 %, le choix des patients – et on les comprend ! – se portera naturellement sur le premier d’entre eux. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Ils iront surtout à côté de chez eux !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Ce scénario est peu propice à garantir la survie de tous les laboratoires, même des plus petits, mais c’est bien celui qui risque de se réaliser si cet amendement est adopté.
Il se pourrait aussi que les laboratoires en situation de monopole de fait sur un bassin de vie ou qui se seront entendus avec leurs concurrents se contentent d’une accréditation à 90 %. Ils ne garantiront donc pas la qualité des 10 % restants, alors que d’autres patients, ailleurs sur le territoire, bénéficieront de cette garantie. Pourquoi inscrire cette inégalité dans la loi ?
Il me semble que l’intention du législateur doit être claire : la garantie de la qualité des examens pour tous les patients. Cette dernière passe par un objectif de 100 % d’accréditation. Sinon, elle perd tout son sens !
Lors de la discussion générale, des préoccupations concernant l’innovation se sont exprimées : j’y ai répondu. Plusieurs chercheurs de grande qualité m’ont assuré que l’accréditation n’entrave en rien l’innovation, car des modalités de validation des examens, même innovants, sont toujours possibles.
Néanmoins, je souhaite que le ministère de la santé et le ministère de la recherche se rapprochent pour que les mesures réglementaires adéquates puissent être prises. Toutefois, cette démarche ne doit pas remettre en cause l’objectif de 100 % d’accréditation et le calendrier réaliste que nous avons fixé.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l’amendement n° 42 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 51, qui est effectivement un amendement de cohérence, et défavorable à l’amendement n° 42 rectifié.
Je ne reviens pas sur l’argumentation que j’ai développée tout à l'heure quant à la nécessité de disposer d’une accréditation à la qualité affirmée et au caractère préjudiciable, à la fois pour les laboratoires et pour les patients, d’un système à deux vitesses.
Je précise qu’une accréditation à 100 % n’intervenant qu’au terme d’un processus par paliers – permettant de donner aux laboratoires le temps de s’adapter – est souhaitée par les représentants de l’hospitalisation publique et par le syndicat des biologistes lui-même. Pour ces derniers, l’objectif d’une accréditation à 100 % constitue un gage de qualité et de valorisation de leur activité.
Enfin, que l’accréditation soit à 90 % ou à 100 %, le coût pour les laboratoires est strictement équivalent.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 42 rectifié.
M. René-Paul Savary. Personne ne peut être contre un objectif de qualité valant pour l’ensemble des laboratoires.
Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le rapporteur lorsqu’il déclare que l’existence de laboratoires accrédités à 90 % et d’autres à 100 % inciterait les patients à choisir ces derniers au détriment des premiers.
Dans les zones rurales, où l’on trouve de petits laboratoires, la population n’a pas le choix : il n'y a qu’un laboratoire !
Il est important de donner leurs chances à ces petits laboratoires de proximité, qui sont quand même les plus proches des patients et permettent aux biologistes d’avoir de véritables relations avec le médecin traitant et avec ses patients.
À cet égard, l’approche de M. Barbier paraît cohérente.
Je pense que la logique de qualité va, dans une certaine mesure, à l’encontre de la logique de proximité. Mais la proximité est aussi un élément de la qualité ! Ce qui est sûr, c’est qu’ignorer l’atout de la proximité, c’est favoriser la logique de financiarisation et accepter le risque de ne plus avoir que de gros laboratoires !
Il faut donc, sur l’accréditation, trouver un juste compromis, lequel, si j’ai bien compris, sera déterminé par décret. En tout état de cause, certains types d’accréditation peuvent considérablement pénaliser les laboratoires de proximité.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons l’amendement proposé par Gilbert Barbier.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les membres du groupe communiste suivront l’avis du rapporteur, compte tenu notamment de l’intervention liminaire de Mme la ministre. Néanmoins, je veux à nouveau faire part de nos inquiétudes.
L’objectif de la proposition de loi est double : améliorer la sécurité des patients et freiner la financiarisation. Or le texte ne permet pas de lever toutes les difficultés.
Pour l’instant, aucune affirmation n’a vraiment pu nous rassurer totalement sur l’accompagnement d’un certain nombre de petits laboratoires dits « de proximité », installés en milieu rural ou dans les centres de santé. L’absence d’initiatives en ce sens risque précisément de favoriser ce que l’on combat : la financiarisation à outrance.
Toutefois, la ministre nous ayant assuré, dans son propos liminaire, qu’elle serait à l’écoute et que les cas particuliers seraient étudiés, nous voterons contre l’amendement n° 42 rectifié et pour l’amendement n° 51.
Je veux maintenant évoquer la recherche.
Le rapporteur a organisé de nombreuses auditions, toutes extrêmement intéressantes. Dans ce cadre, un certain nombre de biologistes et de chercheurs nous ont fait part des difficultés liées au temps de latence pour vérifier l’exactitude d’une recherche. Ils nous ont aussi expliqué que, si l’on pouvait tendre vers une accréditation portant sur 100 % des examens réalisés, une telle accréditation était quand même un peu compliquée à obtenir.
Il nous faut donc aussi tenir compte de ces données de santé, qui ne sont pas obligatoirement figées à un instant T.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Souscrivant aux arguments qu’ont développés M. Barbier puis René-Paul Savary, le groupe de l’UDI-UC votera, lui aussi, l’amendement n° 42 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je veux simplement rappeler à notre collègue René-Paul Savary qu’il n’existe qu’une seule accréditation : il n'y a pas d’accréditations différentes en fonction des niveaux de laboratoire : soit l’accréditation est donnée, soit elle ne l’est pas.
Comme l’indiquait Mme la ministre, que l’accréditation porte sur 90 % ou 100 % des examens réalisés, le coût sera le même ! Par conséquent, dire que l’accréditation à 100 % sera plus pénalisante pour nos laboratoires ruraux et laisser entendre que, du coup, nous ne nous soucierions pas de ces derniers n’est pas tout à fait juste !
Du reste, là n’est pas la question : l’accréditation est la même pour tous les laboratoires.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, il faut savoir qu’il existe sept domaines d’accréditation – la microbiologie, l’hématologie, etc. – et que les petits laboratoires ne sollicitent pas immédiatement l’accréditation dans ces sept sections, compte tenu du coût que cela représente.
Vous ne pouvez donc pas dire qu’il existe une accréditation globale pour tous les laboratoires ! Pour un certain nombre des sept domaines d’intervention, l’accréditation est très spécifique.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Barbier, je parlais du pourcentage !
M. Gilbert Barbier. Le pourcentage est lié au fait qu’il y a des évolutions techniques !
D’autre part, on sait très bien que le Cofrac ne pourra pas avoir donné l’accréditation à l’ensemble des milliers de laboratoires français au 1er janvier 2020 ! Inévitablement, une discussion devra être entamée. L’accréditation interviendra progressivement.
Toutefois, je ne vois pas comment, dans un laboratoire dont 90 % des activités sont accréditées, les 10 % d’activités restantes pourraient se faire dans des conditions absolument abominables, au détriment du patient !
Il est utopique de dire que tous les laboratoires seront accrédités à 100 % au 1er janvier 2020 ! Ce n’est pas possible physiquement, sauf si l’on veut forcer à des accréditations globales, par l’intermédiaire des grands groupes. En effet, il faut bien reconnaître que l’accréditation peut évidemment être obtenue plus facilement par un groupe possédant, à lui seul, 450 laboratoires que par un laboratoire individuel indépendant – notamment en milieu rural, comme l’a souligné René-Paul Savary.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cher collègue Gilbert Barbier, permettez-moi de vous apporter une précision : les laboratoires ne demandent l’accréditation que pour les « familles » sur lesquelles ils interviennent ; ils ne sont pas obligés de demander l’accréditation sur les sept domaines !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Pour un nombre substantiel de laboratoires, l’accréditation à 100 % ne portera que sur trois ou quatre sections.
M. Gilbert Barbier. Elle peut porter sur six !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 93 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’amendement n° 51 n’a plus d’objet.
(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 89
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 8, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … . – Par dérogation aux articles 7 et 8, le délai et les conditions dans lesquels un laboratoire de biologie médicale créé après la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale peut fonctionner sans disposer d’une accréditation sur les examens de biologie médicale qu’il réalise sont fixés par décret. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Cet amendement tend à relancer la création de nouveaux laboratoires.
Actuellement, l’obligation d’accréditation immédiate en cas de création d’un nouveau laboratoire dissuade les jeunes, notamment, de se lancer dans une telle création, ce qui est particulièrement dommageable dans les zones désormais désertées par les grands groupes financiers. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, le nombre annuel de créations de laboratoires est passé d’une centaine à zéro !
Il est donc nécessaire de ménager une « période de marche vers l’accréditation totale » pour les laboratoires nouvellement créés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement permet de créer de nouveaux laboratoires sans accréditation. À l’heure actuelle, cette possibilité n’existe que pour les laboratoires accrédités à 50 %. Seule cette exception me semble compatible avec l’esprit la réforme.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement heurte l’objectif de qualité que sous-tend la réforme de l’accréditation ; accepter que de nouveaux laboratoires puissent exercer sans accréditation serait contraire à l’esprit de la proposition de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
Après l’article L. 6211-8 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6211-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6211-8-1. – Les examens de biologie médicale sont pratiqués dans des conditions permettant le traitement des situations d’urgence. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La commission demande que l’amendement n° 52 soit examiné par priorité.
M. le président. Le Gouvernement s’oppose-t-il à cette priorité ?
M. le président. La priorité est donc de droit.
L'amendement n° 52, présenté par M. Le Menn, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 6211-8-1. - Les examens de biologie médicale, y compris dans les situations d’urgence, sont réalisés dans des délais compatibles avec l’état de l’art, conformément aux informations dont dispose le biologiste sur l’état de santé du patient.
« Les agences régionales de santé prennent en compte ces situations dans l’organisation territoriale des soins. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la rédaction de l'article 7 bis, inséré dans la proposition de loi par la commission des affaires sociales afin d'encadrer, par un nouvel article L. 6211-8-1 du code de la santé publique, le traitement des situations d'urgence.
L'urgence est en effet, à bien des titres, une question particulièrement sensible en biologie médicale, et je partage sur ce point les préoccupations des auteurs des autres amendements déposés sur l’article 7 bis.
D’une part, dans le parcours de soins des patients, le traitement des situations d'urgence est crucial, car les examens de biologie médicale sont déterminants pour environ 60 % des diagnostics.
D'autre part, la réponse aux situations d'urgence pourrait s'avérer de plus en plus délicate dans un contexte de concentration accrue du secteur de la biologie médicale. La transformation de certains laboratoires en simples centres de prélèvements implique en effet que les échantillons biologiques soient envoyés pour analyse à des plateaux techniques se trouvant parfois très éloignés des patients.
La rédaction ici proposée permettrait de répondre à la fois à ces enjeux et aux demandes de précision que traduisent plusieurs autres amendements.
Le traitement de l'urgence relève actuellement de l'article L. 6211-2 du code de la santé publique, qui ne prend en compte l'urgence que dans la phase post-analytique. Or la rédaction proposée concerne les examens de biologie médicale dans leur globalité, avec une prise en compte de l'urgence qui s’étend du prélèvement à la communication des résultats d'examen.
Cet encadrement me semble satisfaire – je pense même qu’il va plus loin – les amendements nos 13 rectifié et 38 rectifié bis, qui font référence à la communication des examens de biologie médicale. Il permet en outre de rendre la mention des conventions et contrats de coopération superflue puisque tant la phase pré-analytique que la phase analytique sont directement visées par l’amendement n° 52.
L’amendement n° 13 rectifié fait référence à l’état de santé du patient et aux règles de l’art, l’amendement n° 38 rectifié bis ne mentionnant que la première de ces notions. Pour ma part, j'ai choisi, dans la rédaction que je vous propose, de faire référence à l’état de santé du patient et à l’état de l’art.
La mention de l'état de l'art permet de garantir la cohérence avec les dispositions de l'article L. 6211–2 du code de la santé publique. Le biologiste doit également prendre en compte les informations dont il dispose sur l'état du patient pour la réalisation des examens de biologie médicale.
Je pense que cette rédaction permet de concilier de manière équilibrée les préoccupations liées aux impératifs de santé publique, au champ de la responsabilité du biologiste médical et à la cohérence de notre texte.
Enfin, dans cette nouvelle rédaction, les agences régionales de santé sont étroitement associées à la prise en compte de l'urgence en biologie médicale. Elles le sont au travers de leur compétence de régulation de l'organisation territoriale des soins, à laquelle certains de nos collègues sont, à juste titre, très attachés. Cette modification devrait satisfaire, me semble-il, les préoccupations exprimées par Mme Cohen et le groupe CRC au travers de l'amendement n° 32.
Par ailleurs, les amendements nos 13 rectifié, 38 rectifié et 45 prévoient de renvoyer à un décret le soin de fixer les conditions et délais de communication des résultats de biologie médicale dans les situations d'urgence. Il me semble qu'il serait particulièrement difficile de prévoir par voie réglementaire un encadrement de l'urgence qui prenne en compte toute la diversité des situations susceptibles d’être rencontrées. En outre, je pense que l'association des ARS, qui implique une évaluation concrète des enjeux locaux en biologie médicale, permet de répondre à cette préoccupation d'encadrement.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Pinton et Lorrain et Mmes Procaccia et Bouchart, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la sixième partie du code de la santé publique est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L... - Les conditions et délais de communication des résultats d’examens de biologie médicale doivent être compatibles avec l’état de santé du patient, tel qu’il peut être identifié par le biologiste médical au regard des règles de l’art et des informations qui lui ont été communiquées. Ces conditions et délais sont précisés par décret.
« Les conventions visées à l’article L. 6211-14 et le contrat de coopération visé à l'article L. 6212-6 doivent tenir compte de cet impératif de santé publique. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Comme cela est rappelé, à juste titre, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, « la biologie médicale est un élément central du parcours de soins des patients, déterminant l’élaboration d’environ 60 % des diagnostics, en ville et à l’hôpital ».
Afin de garantir une biologie médicale de proximité et de qualité – une double exigence que les professionnels de ce secteur souhaitent préserver et que les usagers plébiscitent –, il convient de s’assurer que les laboratoires seront en mesure de délivrer les résultats dans les délais et conditions imposés par des impératifs de santé publique et non par les seules contraintes de rentabilité économique. Ces dernières conduisent en effet à une concentration des plateaux techniques et donc à leur éloignement des patients, en particulier dans les zones rurales.
En conséquence, il convient de faire en sorte que chaque laboratoire soit en mesure de communiquer un résultat d’examen de biologie médicale dans un délai compatible avec l’état de santé du patient. J’observe que cet amendement se trouverait satisfait par celui de M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la sixième partie du code de la santé publique est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les conditions et délais de communication des résultats d’examens de biologie médicale doivent être appréciés en fonction de l’état de santé du patient, tel qu’il peut être identifié par le biologiste médical au regard des informations qui sont en sa possession et qu'il aura pu recueillir. Ces conditions et délais sont précisés par un décret.
« Les conventions visées à l’article L. 6211-14 et le contrat de coopération visé à l'article L. 6212-6 doivent tenir compte de cet impératif de santé publique. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. J’ai écouté M. le rapporteur avec beaucoup d’attention. Je relève, dans son propos, une certaine incohérence avec l’article 4, par lequel nous déléguons à des professions de santé, par convention, la totalité de la phase pré-analytique.
En effet, le risque engendré par le regroupement progressif de laboratoires auquel nous assistons est que, dans les situations d'urgence, la transmission différée des résultats retarde gravement le diagnostic et le traitement qui s’ensuit.
La rationalisation de la phase analytique, du fait de ces regroupements, va entraîner des délais supplémentaires pour l’ouverture de la phase post-analytique – c'est-à-dire celle de l'interprétation des résultats par le biologiste médical –, qui ne peut en aucun cas être occultée. Le résultat sorti de la machine doit être analysé dans les meilleurs délais, sinon immédiatement. Chacun sait que ce n'est pas la pratique la plus courante.
La biologie médicale est une séquence essentielle du parcours de soins et, dans certains cas, la rapidité avec laquelle le biologiste contrôle, signe et transmet les résultats peut être déterminante.
L’amendement crée donc une obligation, pour le biologiste médical, de respecter certains délais et conditions concernant la communication des résultats de la totalité des examens réalisés.
La portée de l’amendement présenté par le rapporteur me semble plus incertaine.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 6211-8-1. - L’agence régionale de santé s’assure par tous moyens que les
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le Gouvernement était soucieux que les biologistes ne soient pas seuls responsables et que l’État intervienne. L’amendement n° 52 met en avant le rôle des ARS dans des procédures d’urgence qui ne resteront pas lettre morte. L’adoption de l’amendement de la commission nous donnerait donc satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mme Génisson, MM. Le Menn, Daudigny et Teulade, Mmes Emery-Dumas, Printz et Schillinger, MM. Cazeau, Jeannerot et Godefroy, Mme Alquier, M. Labazée, Mmes Demontès, Meunier et Campion, M. Kerdraon et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, définies par décret
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 13 rectifié, 38 rectifié bis, 32 et 45 rectifié ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. J’observe que la nouvelle rédaction proposée par la commission pour l’article 7 bis est de nature à satisfaire les auteurs de ces amendements, dont je demande donc le retrait.
Je précise à M. Gilbert Barbier que, contrairement à ce qu’il soutient, l’amendement n° 52 de la commission apporte des garanties supplémentaires par rapport à l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis favorable à l’amendement n° 52, qui précise utilement le texte d’une manière générale, en incluant les situations d’urgence. Son adoption devrait satisfaire les auteurs des autres amendements.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 13 rectifié, 38 rectifié bis, 32 et 45 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.
(L'article 7 bis est adopté.)
Article 7 ter (nouveau)
L’article L. 6211-9 du code de la santé publique est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.
L'amendement n° 46 rectifié est présenté par Mme Génisson, MM. Daudigny et Teulade, Mmes Emery-Dumas, Printz et Schillinger, MM. Cazeau, Jeannerot et Godefroy, Mme Alquier, M. Labazée, Mmes Demontès, Meunier et Campion, M. Kerdraon et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Gérard Roche. L’objet de cet amendement est de maintenir l’obligation pour le biologiste médical d’assurer la conformité de tous les examens de biologie médicale aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé et des sociétés savantes.
L’ordonnance a en effet renforcé le rôle médical du biologiste médical. L’article L. 6211-9 du code de la santé publique qui en est issu, et que l’article 7 ter du texte tend à abroger, place le biologiste médical au cœur du parcours de soin. Par le biais de la revue des prescriptions, conformément aux recommandations et référentiels de bonne pratique, le biologiste médical participe ainsi à la maîtrise des volumes de prescription.
Ces recommandations sont issues de sociétés savantes, mais aussi de la Haute Autorité de santé. Cette dernière a pour mission, par ses avis, de contribuer à l’élaboration des décisions relatives au remboursement et à la prise en charge par l’assurance maladie des actes et prestations de santé. À cet effet, elle émet des avis sur l’efficience desdits actes.
Dans son activité quotidienne, le biologiste médical, comme tout professionnel de santé, se doit de respecter toutes ces recommandations. C’est pourquoi nous nous opposons à l’abrogation de l’article L. 6211-9 du code de la santé publique.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Alain Milon. Cet article prévoit l’abrogation de l’article L. 6211-9 du code de la santé publique, qui tire la conséquence de la médicalisation de la discipline. En effet, il précise que le biologiste médical doit pouvoir participer à la prescription des examens, éclairer le médecin traitant en lui proposant les plus utiles et rendre la prescription la plus efficace et la plus pertinente possible.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 7 ter, qui nous semble aller à l’encontre des objectifs visés par la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 46 rectifié.
M. Yves Daudigny. L’article 7 ter, introduit en commission, tend à abroger l’article L. 6211-9 du code de la sécurité sociale, qui impose la conformité des actes de biologie médicale aux recommandations de bonne pratique. Il s’agissait ainsi d’offrir au biologiste médical la marge d’appréciation nécessaire pour adapter ces recommandations aux circonstances, autrement dit d’ajuster sa pratique aux circonstances propres à l’examen demandé et de s’y soustraire en cas de recommandations ponctuellement inadaptées.
Rappelons que les recommandations dont il est question sont issues des sociétés savantes, mais aussi de la Haute Autorité de santé.
Notre amendement vise à supprimer cette possibilité d’adaptation qui, à la réflexion, ne semble pas du tout satisfaisante au regard d’une volonté de médicaliser la spécialité de biologie médicale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Certains biologistes souhaitent être traités comme les autres professionnels de santé et ne pas être contraints d’assurer la conformité des examens aux bonnes pratiques. Ils souhaitent simplement les prendre en compte pour les adapter à chaque situation concrète. D’autres semblent vouloir le contraire.
Nous en avons longuement discuté en commission et, par-delà les sensibilités politiques, nous sommes tombés d’accord pour nous en remettre à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il me semble utile que la Haute Autorité de santé puisse intervenir et que les recommandations de bonne pratique qu’elle formule soient prises en considération.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 17 et 46 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 7 ter est supprimé.
Article 8
I. – Plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’un laboratoire de biologie médicale exploité sous la forme d’une société d’exercice libéral doit être détenue par des biologistes en exercice au sein de la société.
II. – Le chapitre III du titre II de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 6223-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 6223-8. – I. – Le premier alinéa de l’article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, n’est pas applicable aux sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux.
« II. – Les sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux, créées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne sont pas en conformité avec le I du présent article, conservent la faculté de bénéficier de la dérogation au premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée prévue au premier alinéa de l’article 5-1 de cette même loi.
« Toutefois, la cession de leurs parts sociales ou actions se fait prioritairement au bénéfice des biologistes exerçant dans ces sociétés. Si ces derniers se trouvent dans l’incapacité d’acquérir les parts sociales ou les actions qui leur sont proposées, la cession peut avoir lieu au bénéfice de toute personne physique ou morale exerçant la profession de biologiste médical ou de toute société de participations financières de profession libérale de biologistes médicaux. Sous réserve du respect des seuils prévus en application de l’article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée, cette cession peut également avoir lieu au bénéfice d’une ou plusieurs personnes ne répondant pas aux conditions du premier alinéa ou des 1° et 5° de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet article est au cœur du problème de la financiarisation. Je pense important de souligner ce qu’il apporte.
Le régime des sociétés d’exercice libéral – SEL – est fixé pour l’ensemble des professions, comme vous le savez, par la loi du 31 décembre 1990. Son article 5 fixe un principe auquel nous sommes attachés : le capital social doit être détenu à plus de 50 % par ceux qui exercent au sein de la société.
Un article 5-1 a toutefois été inséré dans cette loi pour répondre à certains besoins spécifiques. Son alinéa premier permet de déroger à l’article 5 et donc à la règle de détention majoritaire du capital social par les exerçants. C’est par ce biais que des sociétés purement financières ont pu prendre une place à nos yeux excessive au sein de la biologie médicale.
L’article 8 de la proposition de loi vise, par conséquent, à exclure les SEL de biologistes médicaux du champ d’application de cet alinéa.
Le reste de l’article 8 prévoit un régime de transition entre le régime général des sociétés d’exercice libéral et ce régime spécifique, plus restrictif et plus protecteur des intérêts des biologistes.
Je souligne que ce n’est pas la seule protection offerte aux biologistes. Non seulement les exerçants doivent détenir plus de la moitié du capital social, mais les non-biologistes ne peuvent détenir plus de 25 % du capital. L’article L. 6223-5 du code de la santé publique, tel que modifié par l’article 7 de la proposition de loi, interdit à tout autre professionnel de santé – médecin ou infirmier, par exemple – de détenir des parts de capital social. Il en va de même pour les fournisseurs et les industriels.
Les modalités de constitution des sociétés sont donc encadrées. Les jeunes biologistes insistent sur le fait que certaines sociétés ne respectent pas la loi, recourant à des conventions signées après la constitution de la société exploitant le laboratoire. Je m’étonne que les biologistes acceptent de signer de telles conventions. Quoi qu’il en soit, le principe de droit est clair : toute convention contraire à la loi ou tendant à la priver d’effet est nulle et de nul effet.
La commission des affaires sociales a donné un avis favorable sur un amendement du groupe écologiste tendant à renforcer les règles de transparence, ce qui devrait être positif.
Cependant, et j’insiste sur ce point, aucun dispositif, si complexe soit-il, n’apportera plus de garanties aux biologistes que l’article 8 et les dispositions actuelles du code de la santé. Des normes complexes, déclaratives et réglementaires ne protégeront que les intérêts des avocats d’affaires.
De plus, nous sommes dans le domaine de la concurrence et nous trouvons ainsi sous l’œil vigilant de la Commission européenne. Je vous demande donc d’être particulièrement attentifs à ne pas renforcer encore les contraintes au point de risquer une condamnation par le juge, car les biologistes se trouveraient alors privés de toute protection.
L’article 8 est, me semble-t-il, une mesure efficace et claire : ne la dénaturons pas !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 8 de cette proposition de loi a pour vocation de freiner un mouvement dont nous refusons de croire qu’il est inéluctable, celui de la financiarisation de la biologie médicale et, à travers elle, de tout notre système de santé.
Un certain nombre d’acteurs, en réalité des groupes financiers plus intéressés par les dividendes qu’ils pourraient tirer des laboratoires de biologie médicale que par la satisfaction des besoins de santé des populations, sont à la manœuvre. Dans le secteur de la biologie médicale, cela a conduit à la saisine de la Commission européenne à l’encontre de la France.
Une procédure identique avait par ailleurs été engagée en Allemagne après qu’un ministre d’un Land eut autorisé une société anonyme néerlandaise à exploiter une pharmacie. Cette autorisation fut contestée devant le tribunal administratif du Land de la Sarre par plusieurs pharmaciens et leurs associations professionnelles pour non-conformité à la législation allemande. En effet, celle-ci, comme celle de nombreux autres pays, réserve aux seuls pharmaciens le droit de détenir et d’exploiter une pharmacie : une restriction justifiée – comme ici pour la biologie médicale – par des impératifs de santé publique.
La Cour de justice des Communautés européennes, qui voyait dans cette mesure une entrave à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, a considéré qu’un État membre pouvait légitimement, sans enfreindre les règles européennes, prendre des mesures qui réduisent un risque pour la santé publique et décider du niveau de protection de la santé publique.
Cet exemple, couplé à l’action introduite par la France, nous permet de tirer deux enseignements.
Tout d’abord, les États membres peuvent prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires – ce qui est peut-être de nature à rassurer notre rapporteur. Nous proposerons donc, sans crainte de méconnaître les obligations européennes, une série d’amendements sur ce sujet.
Ensuite, cela nous montre comment les groupes financiers tentent parfois d’accaparer, en Europe, le domaine de la santé, dans lequel ils ne voient qu’un marché à conquérir.
Dès lors, il convient de tout mettre en œuvre non seulement pour freiner la financiarisation mais également pour y mettre un terme. Nous savons pertinemment que les mesures prévues dans cet article, si elles sont salutaires pour les laboratoires qui pourraient se créer après la promulgation de la loi, ne sont pas suffisantes.
Nous avons soutenu l’amendement déposé par notre rapporteur en commission et tendant à compléter l’article par un rappel des dispositions de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990, à savoir que la majorité du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale doit être détenu par les biologistes exerçant au sein de la société d’exercice libéral. Toutefois, cet amendement ne fait pas la distinction entre des biologistes personnes morales et les biologistes personnes physiques. Or c’est un point essentiel. Un groupe financier espagnol ou portugais prenant la forme d’une société reconnue dans leurs pays respectifs comme exerçant la biologie médicale pourrait ainsi détenir 50 %, voire 100 % du capital social et des droits de vote.
Qui plus est, l’alinéa 4 de cet article exclut l’application de cette mesure aux laboratoires existants. Or ces derniers sont bien plus nombreux que ceux qui pourraient se constituer dans le futur, notamment en raison des contraintes liées à la procédure d’accréditation. Là encore, ce risque a été mis en avant par les professionnels : je pense particulièrement aux jeunes biologistes qui, pour reprendre leurs propos, « n’auraient en effet plus la possibilité de devenir propriétaires de leur outil de travail ». Leur horizon se restreindrait alors à deux options : le salariat ou l’extension du statut particulièrement précaire de travailleur non salarié.
Cette financiarisation, mes chers collègues, est déjà une réalité. Une holding, celle qui est à l’origine de la plainte devant la Commission européenne, détient déjà plus de 130 laboratoires en France et nous craignons que, par un jeu de propriété en cascade, ce mouvement ne continue de s’amplifier, même si sa progression n’est pas aussi rapide que les groupes l’espèrent.
Cela nous a conduits à déposer des amendements, considérant qu’il faut apporter à cet article, et d’une manière générale à la protection de notre système de santé, des protections plus nettes que celles qui sont actuellement prévues dans cette proposition de loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1er
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Tous les sénateurs qui ont participé au débat en commission, comme ils l’ont indiqué à plusieurs reprises, partagent la volonté d’encadrer le processus de financiarisation qui menace le fonctionnement des laboratoires de biologie médicale et la qualité due aux patients.
Il est indispensable de freiner un processus qui aboutit à dessaisir les biologistes de leur activité au profit de groupes ou de détenteurs de parts de capital qui sont en réalité très éloignés de l’activité elle-même, ce qui occasionne un découplage entre ceux qui pratiquent l’activité de biologie médicale et ceux qui apportent le financement.
Dans le même temps, nous devons trouver la bonne mesure pour que les investissements nécessaires à la qualité, à l’amélioration du service et à l’innovation puissent être effectivement réalisés. Il convient de rappeler que la biologie médicale française est l’une des meilleures au monde. Nous devons faire en sorte que les financements permettant de maintenir cette qualité et ce très haut niveau de fiabilité médicale soient assurés.
J’entends bien l’exigence qui est la vôtre de parvenir à un bon équilibre entre, d’une part, le refus d’un processus de financiarisation, lequel aboutirait à la prise en compte des seules règles de rentabilité, et, d'autre part, la nécessité de permettre le financement de la qualité et de l’innovation en matière de biologie médicale.
Vous souhaitez réintroduire dans la proposition de loi des dispositions figurant déjà dans la loi du 31 décembre 1990 applicable aux sociétés d’exercice libéral en matière de biologie médicale.
D’un point de vue juridique, il ne me semble pas que la réintroduction partielle de certains éléments de la loi de 1990 soit de nature à limiter le processus de financiarisation et à éclairer les conditions d’exercice dans lesquelles les biologistes sont amenés à intervenir.
Encore une fois, la loi de 1990 continue de s’appliquer : le dispositif dont nous discutons aujourd'hui doit évidemment s’inscrire dans le prolongement de cette loi. La proposition de loi ne modifie ni supprime aucune disposition de la loi de 1990. Nous devons donc veiller à ne pas faire se juxtaposer certaines dispositions qui « miroiteraient », en quelque sorte, et donneraient l’impression que la loi de 1990 n’est que partiellement reprise en compte, puisque le premier alinéa de l’article 8 ne reprend qu’en partie les dispositions de la loi de 1990.
L’amendement de suppression présenté par le Gouvernement ne vise pas à remettre en cause l’opposition à la logique de financiarisation, logique que nous-mêmes refusons. Il vise à sécuriser d’un point de vue juridique le dispositif dont nous discutons aujourd'hui par rapport à la loi de 1990 telle qu’elle existe.
J’ajoute que, si le Sénat devait adopter ces dispositions en l’état, nous aboutirions à une complexité telle que, comme l’a relevé M. le rapporteur, ce serait pain bénit pour les avocats d’affaires, qui ne manqueraient pas d’opposer le dispositif juridique tel qu’il résulterait de la proposition de loi à celui de la loi de 1990.
Je ne pense pas que le premier alinéa de l’article 8 puisse servir de quelque manière que ce soit les biologistes ou entraver mieux que ne le faisait la proposition de loi initiale le mouvement de financiarisation. C’est pourquoi, en présentant cet amendement de suppression, je défends l’équilibre auquel avait abouti M. Jacky Le Menn dans sa proposition de loi initiale.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard, Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
la moitié
par le pourcentage :
60 %
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Dans son rapport, M. Le Menn précise que « le refus de la financiarisation de la profession constitue la deuxième priorité de la proposition de loi » et que « l’indépendance des biologistes de laboratoire est mieux garantie par la possibilité pour eux d’acquérir une fraction voire la totalité du laboratoire dans lequel ils travaillent ».
Cet amendement vise à renforcer cette garantie, à laquelle le groupe écologiste est tout à fait sensible, en portant de « plus de la moitié » à « plus de 60 % » la part du capital et des droits de vote d’un laboratoire de biologie médicale devant obligatoirement être détenue par des biologistes en exercice au sein de la société.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
biologistes en exercice
par les mots :
personnes physiques exerçant la profession de biologistes médicaux
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai conjointement les amendements nos 33, 34 et 35, qui visent tous à lutter contre la financiarisation de la biologie médicale.
Il me semble utile de commencer par rappeler que les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui résultent de la loi de 1990, qui a permis la création de sociétés d’exercice libéral, y compris dans les secteurs relevant de la santé. Pour éviter la financiarisation, sans doute eût-il été pertinent, au nom du respect impérieux des enjeux de santé publique, de créer ex nihilo une forme de société spécifique dans les domaines sanitaires.
Cela n’ayant pas été fait, nous sommes aujourd’hui dans la situation suivante : des groupes financiers, souvent européens, ayant obtenu dans leur pays d’origine la qualité de personne morale exerçant la profession de biologiste médical, trustent les parts sociales des SEL françaises.
Le cadre juridique actuel, qui prévoit qu’une même personne extérieure à la société d’exercice libéral ne peut détenir plus de 25 % du capital de cette société, n’est pas suffisant pour empêcher que des groupes financiers accaparent la totalité ou tout au moins la majorité du capital social et des droits de vote.
Je note d’ailleurs qu’Éric Souêtre, fondateur et président du conseil d’administration de Labco, qui est à l’origine de la plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne, bien que débouté par celle-ci, ne s’est pas particulièrement inquiété de cette décision. Je le cite : « La flexibilité des réglementations européennes permet la détention de 100 % du capital d’un laboratoire français par un laboratoire européen dès lors qu’il est considéré en droit européen comme une personnalité morale "biologiste" ».
La règle des 25 % constitue en réalité une bien faible protection pour au moins une raison, comme le démontre ce financier : quatre personnes morales, quatre filiales d’un même groupe financier peuvent chacune détenir 25 % du capital.
L’enjeu de la lutte contre la financiarisation, qui est d’ailleurs le corollaire de la lutte en faveur d’une biologie éthique, réside donc dans la nature des détenteurs du capital social et des droits de vote des sociétés d’exercice libéral.
Si l’on veut que les choix effectués par les biologistes en matière d’organisation et de présence, par exemple, restent guidés par des principes éthiques, qu’ils s’inscrivent dans une logique sanitaire et non financière, il faut s’assurer que ceux qui décident sont ceux qui pratiquent effectivement la biologie médicale.
Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît essentiel d’adopter ces amendements, qui visent à limiter à 49 % la part totale du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral de biologie médicale pouvant être détenue par une personne morale. Cette solution, qui autorisait malgré tout la détention par des sociétés financières d’une part non négligeable du capital, présenterait le double avantage de ne pas encourir le risque de sanction de la part de la Cour de justice de l’Union européenne, puisqu’il ne s’agit pas d’un empêchement total, tout en permettant aux biologistes réellement en exercice, c’est-à-dire à des femmes et à des hommes, d’être majoritaires et donc d’effectuer les choix stratégiques du laboratoire.
Je précise d’ailleurs que cette rédaction est conforme à l’arrêt rendu par la Cour de justice, qui avait considéré comme non justifiée la restriction à la liberté d’établissement selon laquelle une personne physique ou morale ne pouvait pas participer au capital de plus de deux sociétés constituées en vue de l’exploitation en commun d’un ou de plusieurs laboratoires.
Il nous semble donc que rien ne fait obstacle à l’adoption de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Je comprends l’argumentation technique du Gouvernement sur l’amendement n° 56 : elle est fondée en droit.
Le rappel des principes paraît néanmoins nécessaire à la majorité de la commission des affaires sociales, qui en a longuement discuté. J’avais, pour ma part, proposé que la commission s’en remette à la sagesse du Sénat, mais la majorité, très nette, de la commission a émis, elle, un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 23 vise à porter à plus de 60 % la part du capital et des droits de vote d’un laboratoire de biologie médicale devant obligatoirement être détenue par des biologistes en exercice au sein de la société. Je ne suis pas sûr que cet amendement renforce efficacement les garanties actuelles. Je crains, en revanche, qu’une telle mesure n’apparaisse comme une entrave à la concurrence. Je prie donc les auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Enfin, je comprends bien l’objectif de l’amendement n° 33, mais le dispositif proposé empêcherait, semble-t-il, les jeunes biologistes de créer des sociétés de capital leur permettant d’acheter les laboratoires. Je prie donc Mme Cohen de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 23 et 33 ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, avant de m’exprimer, je sollicite une courte suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez manifesté le souhait de voir maintenue, au sein de la présente proposition de loi, une affirmation de principe qui figure déjà dans la loi de 1990, à laquelle le présent texte se réfère. J’ai entendu votre préoccupation.
Je l’ai dit, j’ai été amenée à demander la suppression de l’alinéa 1 de l’article 8 parce que sa présence me paraissait susceptible de faire naître des discordances juridiques entre le texte de la présente proposition de loi et la loi de 1990. Cependant, pour répondre aux préoccupations exprimées, je retire l’amendement n° 56 et en dépose un autre, qui reprend le libellé du premier alinéa de l’article 5 de la loi de 1990. Cela évitera tout « effet de bord » entre la loi dont nous discutons et celle qui a déjà été votée.
M. le président. L’amendement n° 56 est retiré.
Par ailleurs, je suis saisi d’un amendement n° 64, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
1°) Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
« I. – Plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux doit être détenue, directement ou par l’intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société. »
2°) Alinéa 4
Après les mots :
le I du présent article
insérer les mots :
ou le I de l’article 8 de la loi précitée
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je l’ai dit, l’amendement n° 64 reprend l’esprit de l’amendement qui a été adopté en commission pour rappeler, en tête de l’article 8, que « plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux doit être détenue […] par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société ». Cette déclaration de principe est donc clairement réitérée, comme vous le souhaitiez.
Il n’y a là aucune innovation juridique puisque ce sont les termes mêmes du premier alinéa de l’article 5 de la loi de 1990. La solution retenue permet de ne laisser, entre le texte voté aujourd’hui et celui adopté en 1990, aucune place à l’interprétation.
J’en viens au point soulevé par Mme Cohen, dont l’amendement n° 33 vise à s’assurer que les personnes morales ne pourront pas contourner la contrainte imposée aux personnes physiques.
Il faut distinguer, dans la loi de 1990, deux dispositions : d’une part, celle qui est réintroduite par l’amendement n° 64, qui permet d’encadrer la participation des personnes physiques et qui précise, comme vous l’avez souhaité, madame la sénatrice, que la moitié du capital ne peut être détenue que par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société ; d'autre part, celle qui est contenue dans l’article 5-1 de ladite loi, où sont précisés le rôle et la place des personnes morales.
Or, je le rappelle, l’alinéa 3 de l’article 8 de la proposition de loi dont nous débattons prévoit que l’article 5-1 de la loi de 1990 ne s’applique pas aux biologistes médicaux. Il me semble donc que votre amendement, madame Cohen, est satisfait.
C’est pour cette raison, et non parce qu’il n’en partage pas les objectifs, que le Gouvernement serait amené à demander le rejet de l’amendement n° 33 si l’amendement n° 64 n’était pas adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 64 ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. La commission n’a évidemment pas pu examiner cet amendement. Il me semble néanmoins répondre aux attentes de la commission et, à titre personnel, j’y suis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l’amendement n° 64.
Mme Catherine Génisson. Je tiens à remercier Mme la ministre d’avoir retiré l’amendement de suppression de l’alinéa 1 de l’article 8 et d’y avoir substitué l’amendement n° 64, qui me semble mieux à même de répondre à la demande exprimée par de nombreux membres de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, je considère que l’alinéa 3 de l’article 8 est un élément déterminant dans la lutte contre la financiarisation des laboratoires médicaux.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Il me paraît un peu hasardeux de se prononcer sur un amendement déposé en séance, sans qu’il ait pu être discuté, d’une manière ou d’une autre, par la commission. Je ne participerai donc pas à ce vote.
Mme la ministre souligne qu’il reprend mot pour mot la formule qui figure dans la loi de 1990. Or le nombre de laboratoires de biologie médicale absorbés par des institutions financières puissantes depuis l’adoption de cette loi démontre bien son inefficacité.
Je ne participerai pas à cette mascarade, qui voudrait que nous nous prononcions sur un texte technique, extrêmement complexe, sans disposer de plus d’explications.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je tiens à remercier Mme la ministre des efforts qu’elle a déployés pour parvenir à l’élaboration d’un texte qui réponde au mieux à notre volonté commune : endiguer la financiarisation du secteur de la biologie médicale. Voilà ce que je retiens de positif !
L’amendement déposé par le Gouvernement reprend les termes exacts de la loi de 1990. Hélas, nous savons par expérience que cette dernière a échoué dans la lutte contre la financiarisation de ce segment d’activité. Rien, donc, ne nous garantit que les dispositions introduites par cet amendement seront plus efficaces. En conséquence, nous ne le voterons pas.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’irai dans le même sens que Mme Cohen. Faut-il vraiment reprendre les termes de la loi de 1990 ? Voter les mêmes dispositions dans le présent texte reviendrait à se montrer satisfait des effets produits par l’adoption de la loi de 1990. Le fait qu’une nouvelle loi sur le sujet soit discutée tend à indiquer que tel n’est pas le cas !
Dès lors, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je tiens simplement à rappeler les conséquences de l’adoption de la loi de 1990. Gilbert Barbier et René-Paul Savary l’ont dit, les laboratoires de biologie médicale ont connu des restructurations importantes, violentes, et particulièrement rapides. Au début des années 1990, la France abritait près de 4 000 laboratoires. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 2 500.
La majorité des structures emploie moins de onze salariés. Cependant, 5 % en comptent plus de cinquante. La biologie industrielle et financière représente, pour l’instant, une part de marché allant de 30 % à 35 %. Voilà les effets de la loi de 1990 ! Faute d’une inflexion politique, la biologie industrielle devrait représenter, d’ici à 2016, 60 % du marché.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je tiens simplement à indiquer que le groupe UDI-UC ne participera pas non plus au vote sur cet amendement. Son dépôt tardif ne nous permet pas d’y voir clair, alors qu’il s’agit d’un sujet important.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste votera cet amendement, dans le souci de maintenir la cohésion de la majorité sénatoriale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Car la méthode utilisée pose tout de même problème. Nous devons nous décider en quelques minutes sur une question d’une grande importance. Ce n’est pas satisfaisant. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Vous pouvez voter contre !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Durant la suspension de séance, à quelques-uns, nous avons débattu avec le Gouvernement sur la solution qui pourrait être trouvée sur ce problème délicat. Nous avions fait de même jeudi dernier, lors de la discussion de l’article 4, et chacun avait alors participé à ces échanges informels. Or je note que, aujourd’hui, certains sénateurs ne se sont pas joints à nous. Je concède, monsieur Barbier, que je ne vous ai pas formellement invités à le faire. La commission aurait dû, sans doute, accorder plus de temps à cette discussion.
Il reste que les explications données par Mme la ministre devraient permettre à chacun de se prononcer en toute conscience sur cet amendement. Certes, il reprend les termes d’un article de la loi de 1990. Cependant, l’alinéa 3 de l’article 8 de la présente proposition de loi dispose bien que l’article 5-1 de la loi de 1990 ne s’applique pas aux biologistes médicaux. Madame la ministre, vous nous assurez que cette précision devrait répondre aux craintes émises par beaucoup d’entre nous, sur différentes travées de cet hémicycle.
Mais il faut bien convenir que, si la loi de 1990 avait donné satisfaction, nombre de laboratoires ne seraient pas dans la situation où ils se trouvent aujourd'hui. Force est aussi de reconnaître que la financiarisation dans ce domaine de la santé publique est inquiétante.
M. le rapporteur s’est prononcé, à titre personnel, en faveur de l’amendement n° 64. Pour ma part, je trouve les conséquences de celui-ci difficiles à appréhender dans leur globalité et, comme plusieurs de mes collègues, je ne pourrai donc pas prendre pas part au vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Votez contre !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’une disposition essentielle, et c’est bien pourquoi nous prenons le temps d’en débattre.
Je suis certaine que vous mesurez la réalité des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Je n’ai pas la prétention d’infléchir les intentions de vote que vous avez exprimées. Simplement, pour la clarté de nos débats, je vais rappeler l’architecture du dispositif.
La loi de 1990 a ouvert en grand les portes, avec son article 5-1, à la financiarisation de la biologie médicale, mais elle a aussi posé des règles assez strictes, avec son article 5, pour les conditions d’exercice des détenteurs de parts physiques dans les laboratoires.
La présente proposition de loi vise justement à supprimer cet article 5-1 qui a permis aux grandes sociétés de biologie de prendre le contrôle des petits laboratoires. Je rappelle les termes du troisième alinéa de l’article 8 : « Le premier alinéa de l’article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, n’est pas applicable aux sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux. »
L’article 5-1 continuera donc de s’appliquer à des professions, par exemple à celle d’avocat, dont nous n’avons pas à débattre ici, mais pas à celle de biologiste médical.
MM. Barbier et Savary ont raison de souligner que la loi de 1990 a favorisé la financiarisation de la biologie médicale, mais ce n’est pas toute la loi : c’est seulement cet article 5-1, que précisément nous abrogeons.
En revanche, l’article 5 de cette même loi protège les biologistes exerçant dans une société d’exercice libéral, puisqu’il prévoit qu’ils doivent détenir plus de 50 % des parts.
Vous avez souhaité ajouter, en commission, des dispositions protectrices ne figurant pas dans la version initiale de la proposition de loi. L’ensemble me paraissait juridiquement fragile, car les dispositions étaient partielles. J’avais donc déposé un amendement de suppression.
Toutefois, j’ai pris bonne note de votre volonté de réaffirmer le principe de protection des personnes physiques travaillant dans les laboratoires de biologie. J’ai donc retiré mon amendement de suppression et déposé l’amendement n° 64, qui vise à reprendre le contenu de l’article 5, et non de l’article 5-1, afin que la protection des biologistes soit complète et sans ambiguïté.
En résumé, la loi de 1990 contenait deux séries de mesures. Les premières, qui figuraient à l’article 5, étaient des dispositions protectrices ; ce sont elles que l’amendement du Gouvernement vise à réintroduire. Les secondes, qui figuraient à l’article 5-1, étaient problématiques, car elles ouvraient la porte à la financiarisation ; elles sont supprimées par le texte de la proposition de loi, une suppression que le Gouvernement approuve.
Voilà l’esprit dans lequel nous avons travaillé. À défaut d’emporter votre adhésion et votre vote, j’espère au moins avoir présenté clairement les enjeux !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
M. Jean-Claude Lenoir. Le groupe UMP ne participe pas au vote.
M. Gilbert Barbier. Le groupe RDSE non plus !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 23 et 33 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 34, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à la condition que la part totale de capital social et de droits de vote de la société d’exercice libéral exploitant un laboratoire de biologie médicale appartenant à une ou plusieurs personnes morales exerçant la profession de biologiste médical soit inférieure à la moitié du capital social et des droits de votes. Les sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux visées par le présent alinéa, disposent, après promulgation de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale, d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec cette disposition.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait par le droit existant, en l’occurrence l’article 5 de la loi de 1990.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Première phrase
Remplacer les mots :
biologistes exerçant
par les mots :
personnes physiques exerçant la profession de biologistes médicaux
2° Dernière phrase
Après les mots :
l’article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée
insérer les mots :
et à la condition que la part totale de capital et de droits de vote, détenue par une personne morale ne puisse pas excéder la moitié du capital et du droit de vote
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec d’autres amendements. La commission en demande le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin et Labbé et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« … - L'ensemble des contrats et des conventions signés dans le cadre des sociétés d'exercice libéral est rendu public à la demande de l'un des détenteurs de capital. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Depuis quelques années, le secteur de la biologie médicale est victime d’une financiarisation galopante et de ses effets pervers, dont certains sont encore à venir. Il faut limiter les possibilités de contrôle de cette activité par des investisseurs motivés au premier titre par le taux de retour sur le capital investi. La qualité d’un service de santé publique ne peut pas être assujettie à un tel objectif !
Si la rédaction initiale de l’article 8 remédie en partie à cela, comme M. le rapporteur le précise à juste titre, « plusieurs professionnels libéraux s’inquiètent des possibilités de contournement des restrictions qui seraient imposées par le législateur ».
Sont notamment en cause certaines clauses contenues dans des conventions extrastatutaires et qui ne sont actuellement pas communiquées aux autorités. Ces clauses permettent de contourner allégrement l’esprit de la loi.
Par exemple, des clauses dites d’« entraînement », ou drag along, sont fréquemment introduites dans ces conventions extrastatutaires. Les financiers majoritaires peuvent alors obliger les minoritaires, en l’occurrence les biologistes exerçants, à céder leurs parts en même temps qu’eux, de sorte que les derniers n’auront pas leur mot à dire en cas de cession décidée par les premiers.
Autre exemple, la clause de « buy or sell » profite également aux financiers en ayant pour effet de contraindre un actionnaire minoritaire soit à racheter l’intégralité des parts des majoritaires, soit à vendre ses parts aux majoritaires au prix proposé par ces derniers.
Afin d’éviter de tels agissements et d’assurer le respect de l’esprit du texte, nous suggérons que l’ensemble des contrats et des conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral soit rendu public à la demande de l’un des détenteurs de capital.
Cette nécessaire précision renforcerait le dispositif prévu à l’article 8 de la proposition de loi. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Le sous-amendement n° 58, présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Amendement n° 24
Compléter cet amendement par une phrase ainsi rédigée :
« Toute convention ou clause cachée est alors inopposable. »
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Pour aller un peu plus loin, il s’agit de préciser que si l’ensemble des contrats et conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral de biologie médicale était rendu public par l’un des détenteurs de capital, toute convention ou clause restée cachée deviendrait ipso facto inopposable.
Afin d’éviter tout risque de contournement des règles posées par le législateur en matière de détention et de gestion du capital des sociétés d’exercice libéral de biologie médicale, la publicité des contrats et conventions est en effet indispensable.
Cependant, il convient également de préciser que les conventions ou clauses qui demeureraient cachées seraient alors inopposables à tous.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Génisson, MM. Daudigny et Teulade, Mmes Emery-Dumas, Printz et Schillinger, MM. Cazeau, Jeannerot et Godefroy, Mme Alquier, M. Labazée, Mmes Demontès, Meunier et Campion, M. Kerdraon et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les conditions dans lesquelles, à la demande d’un associé, les contrats et conventions signés depuis la création de la société sont rendus publics sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Cet amendement se fonde exactement sur la même justification que l’amendement de Mme Archimbaud et le sous-amendement de M. Roche : l’exigence de transparence pour lutter contre la financiarisation sur les contrats et conventions extrastatutaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 24, qui vise à renforcer la transparence des pratiques en matière de détention des parts sociales.
La précision que proposent d’introduire les auteurs du sous-amendement n° 58 n’est probablement pas nécessaire juridiquement, mais elle est sans doute de nature à apaiser les craintes des jeunes biologistes. La commission émet donc un avis de sagesse.
L’amendement n° 49 rectifié a le même objet que l’amendement n° 24. Toutefois, je trouve ce dernier plus contraignant, et sa rédaction me semble mieux adaptée aux objectifs visés. Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 49 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 24.
Nous avons tout intérêt, me semble-t-il, à aller vers la plus grande transparence. Les auteurs de cet amendement proposent des précisions utiles. Le texte prévoit d’ores et déjà des mécanismes assurant la transparence et la publicité, mais nous pouvons aller plus loin, comme Mme Archimbaud le souhaite.
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur le sous-amendement n° 58, qui fait encore monter d’un cran le niveau d’exigence. Ce sera sans doute assez difficile à mettre en œuvre. Toutefois, je partage l’objectif, qui n’est pas discutable.
L’adoption de l’amendement n° 24 rendrait, me semble-t-il, sans objet l’amendement n° 49 rectifié.
M. le président. Madame Génisson, l'amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Génisson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 58.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L... – I. - Afin de respecter les règles d'indépendance professionnelle reconnues aux médecins et aux pharmaciens dans le code de déontologie qui leur est applicable, la fraction du capital social détenue, directement ou indirectement, par des biologistes médicaux exerçant au sein du laboratoire de biologie médicale et possédant une fraction du capital social ne peut être inférieure à un pourcentage déterminé par décret en Conseil d'État après avis de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens.
« Pour satisfaire aux conditions fixées par le premier alinéa, la société peut décider d'augmenter son capital social du montant de la valeur nominale des parts ou actions nécessaires et de les vendre à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.
« II. - Une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale et qui ne satisfait pas aux dispositions du présent I dispose d'un an à compter de la publication de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale pour se mettre en conformité avec la loi. À défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Cet amendement vise à faire disparaître le statut d’associé ultra-minoritaire dans le domaine de la santé, en transposant les règles de répartition éthique du capital social des officines de pharmacie aux laboratoires de biologie médicale.
Il apparaît que la législation sur les sociétés d’exercice libéral est détournée par certains biologistes du fait qu’une fraction infime des parts sociales est proposée aux nouveaux entrants. Cette situation d’ultra-minoritaire place, de fait, le jeune praticien dans une position de subordination. Le jeune praticien a alors à assumer seul la responsabilité médicale d’actes dont il n’a pas le contrôle.
Ce statut cumule également les inconvénients du salariat, mais sans les mesures de protection figurant dans le code du travail.
La société d’exercice libéral, initialement prévue afin de permettre le regroupement de praticiens par une mise en commun de moyens tout en tout en garantissant l’indépendance professionnelle et le caractère libéral de l’activité de chacun, s’est, de fait, transformée en une structure dédiée au détournement des honoraires des jeunes praticiens au profit de praticiens déjà en place ou d’une poignée de tiers extérieurs à la profession.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. … I. – Dans le cadre des règles d’indépendance professionnelle reconnues aux médecins et aux pharmaciens, les biologistes médicaux détenteurs de parts ou d’actions dans les conditions fixées par l’article L. 6223-6, exerçant au sein d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale tel que défini par les dispositions du chapitre II du livre II de la sixième partie, doivent, tant que les seuils visés au II du présent article n’ont pas été atteints, et sauf décision contraire dûment motivée à la majorité qualifiée des associés des sociétés précitées, se voir proposer, dans un délai de deux ans à compter de la date d’acquisition des premières parts ou actions, un projet d’association au capital de la ou des sociétés au sein desquelles ils exercent et des sociétés de participations financières de la profession libérale de biologistes médicaux associées des sociétés précitées.
« Les modalités d’intervention de la décision contraire des associés visée à l’alinéa précédent sont fixées par un décret en Conseil d’État.
« II. – En application du I, les seuils consistant en la part du capital et des droits de vote qui devra être proposée aux biologistes médicaux dont la part du capital et des droits de vote est inférieure à ces seuils sont déterminés par un décret en Conseil d’État en tenant compte, notamment du montant du capital social, du chiffre d’affaires, du nombre d’associés des sociétés considérées et de la répartition du capital entre ces derniers.
« III. – Il peut être prévu par les mécanismes d’association des bénéficiaires au capital, visés au I, un délai maximum de cinq ans pour atteindre les seuils visés au II.
« Tant que les seuils visés au II n’ont pas été atteints, les personnes mentionnées au I auront dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, un droit de préemption en cas de cession du capital, ou toute opération économiquement assimilée, des sociétés visées au I, à concurrence des seuils précités.
« Sauf accord entre les parties, le prix de cession des droits sociaux sera fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil. Dans les mêmes conditions, elles auront un droit de préemption en cas d’augmentation de capital en numéraire des sociétés précitées.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement va un peu plus loin que celui qui vient d’être présenté par Alain Milon.
Le statut d’associé ultra-minoritaire, ne détenant souvent qu’une seule part sociale de la société d’exercice libéral, place les jeunes biologistes dans une situation de subordination ; engagés sous contrats précaires, sans le bénéfice du droit du travail, notamment en ce qui concerne la durée légale du travail, ils voient une partie de leurs honoraires détournée et son révocables sans indemnité.
Il est donc nécessaire d’adjoindre à l’ordonnance une clause facilitant l’association des jeunes praticiens médicaux ainsi que la possibilité pour eux de créer leur propre laboratoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Le groupe UDI-UC avait déposé un amendement identique qui a été retiré au profit du sous-amendement que nous venons d’adopter.
Les amendements nos 18 rectifié et 43 rectifié visent à régler la situation des associés ultra-minoritaires, mais la rédaction proposée soulève de nombreuses difficultés, notamment parce que certaines des dispositions sont de nature déclarative ou réglementaire.
La commission est défavorable à ces deux amendements, rendus inutiles par l’adoption du sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Paradoxalement, les amendements présentés pourraient aboutir à l’effet inverse de celui qui est recherché, à savoir exclure du capital du laboratoire les plus jeunes biologistes ou, en tout cas, ceux qui n’auraient pas les ressources nécessaires pour acquérir la fraction minimale de capital qui serait ainsi fixée.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous maintenons notre amendement, car il est de nature à permettre aux jeunes praticiens d’entrer dans une société d’exercice libéral sans être désavantagés par les difficultés qu’ils rencontrent actuellement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’amendement n° 43 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.
L'amendement n° 36 est présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 6223-1 du code de la santé publique, sont insérés deux articles L. 6223-1-1 et L. 6223-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 6223-1-1. - Il peut être constitué entre des personnes physiques exerçant la profession libérale de biologiste médical au sein d’une société d’exercice libéral mentionnée au 3° de l’article L. 6223-1 une société de participations financières de profession libérale, régie par le titre IV de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée, ayant pour objet la détention de parts ou d’actions de la société d’exercice libéral susmentionnée.
« Les parts ou actions de la société de participations financières de la profession libérale de biologiste médical mentionnée à l'alinéa précédent ne peuvent être détenues que par des personnes physiques exerçant leur profession au sein de la société d’exercice libéral dont ladite société de participations financières détient les parts ou actions.
« Art. L. 6223-1-2. – I. – Pour les besoins de l’application du premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée aux sociétés visées au 3° de l’article L. 6223-1, il y a lieu de prendre en compte, comme s’ils étaient immédiatement exercés, l’ensemble des droits et obligations pouvant exister, immédiatement ou à terme, assortis ou non de conditions, au titre de toute convention ou ensemble de conventions, de quelque nature que ce soit, y compris extrastatutaire, portant sur le capital social, existant, potentiel ou à naître, en ce compris les droits de votes qui lui sont attachés.
« II – Pour les besoins de l’application du deuxième alinéa de l’article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée aux sociétés de participations financières de profession libérale visées aux articles 31-1 et suivants de cette même loi, lorsqu’elles sont associées d’une société visée au 3° de l’article L. 6223-1, il est fait application des dispositions du I ci-dessus.
« III – Les associés des sociétés visées au 3° de l’article L. 6223-1, constituées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date ne sont pas en conformité avec les dispositions de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée, et tant que ladite société n’est pas en conformité avec ces dispositions, qui souhaitent céder ou transférer, par quelque moyen que ce soit, tout ou partie des droits sociaux qu’ils détiennent dans ladite société doivent les proposer prioritairement aux biologistes exerçant dans la société considérée. Pour les besoins de l’exercice de ce droit de priorité, les conventions visées au I, qui contreviennent aux dispositions de l’article 5 précité, sont inopposables aux bénéficiaires de ce droit de priorité. »
II. – Le quatrième alinéa de l’article L. 6223-3 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le cas échéant, à peine d’irrecevabilité de la demande d’inscription, les conventions visées aux I et II de l’article L. 6223-1-2, sont également transmises. Il en est de même, dans l’hypothèse où de telles conventions seraient conclues postérieurement à l’inscription de la personne morale au tableau de l’Ordre considéré, afin que celui-ci puisse s’assurer du maintien des conditions d’inscription. »
III. – Après la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 6222-1 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« À cette occasion, les conventions visées aux I et II de l’article L. 6223-1-2 sont également transmises. »
IV. – L’article L. 6223-4 du même code est ainsi modifié :
1° Après les mots : « laboratoire de biologie médicale », sont insérés les mots : « ou une opération de fusion de laboratoires de biologie médicale » ;
2° Après les mots : « cette acquisition », sont insérés les mots : « ou cette fusion » ;
3° Après les mots : « cette personne », sont insérés les mots : « ou à l’entité absorbante ».
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Alain Milon. L’article 8 de la proposition de loi a pour objet de « freiner la financiarisation du secteur en rétablissant le principe d’une détention majoritaire du capital des sociétés d’exercice libéral par les biologistes exerçant au sein de cette société » et marque une avancée substantielle.
En l’état, ce dispositif pourrait malheureusement être facilement contourné par les tenants de la biologie financière, notamment aux moyens de clauses extrastatutaires, lesquelles ne sont actuellement visées par aucun texte.
L’introduction fréquente, d’une part, de clauses dites « d’entraînement », par lesquelles les financiers peuvent obliger les minoritaires à céder leurs parts en même temps que les majoritaires, et, d’autre part, de la clause de « buy or sell », qui profite aux financiers parce qu’un actionnaire minoritaire peut être contraint soit à racheter l’intégralité des parts des majoritaires, soit à leur vendre ses parts au prix qu’ils proposent, sont ainsi à l’origine de contournements.
Le présent amendement a donc le même objectif que l’article 8 puisqu’il vise à encadrer les sociétés d’exercice libéral et à imposer la transparence des conventions extrastatutaires.
Le développement du secteur de la biologie médicale ne doit pas être basé sur la financiarisation au détriment des professionnels de santé et du patient.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 36.
M. Gérard Roche. L’objet de cet amendement est d’encadrer les sociétés d’exercice libéral de biologie médicale et d’imposer la transparence des conventions extrastatutaires.
Il s’agit d’éviter tout contournement des règles posées par le législateur pour limiter la détention du capital des laboratoires par des non-biologistes médicaux. Nombre de professionnels libéraux s’inquiètent aujourd’hui des possibilités de contournement, qui semblent bien réelles.
L’article 8, qui vise à freiner la financiarisation du secteur en rétablissant le principe de la détention majoritaire du capital des sociétés d’exercice libéral par les biologistes exerçant en leur sein, semble marquer une avancée substantielle, mais, en l’état, ce dispositif pourrait être facilement contourné au moyen de clauses extrastatutaires, qui ne sont actuellement visées par aucun texte.
Il s’agit concrètement de l’introduction fréquente de clauses dites « d’entraînement », ou « drag along », par lesquelles les financiers peuvent obliger les minoritaires – les biologistes exerçants – à céder leurs parts en même temps qu’eux, de sorte que les minoritaires ne peuvent s’opposer à la volonté de cession des majoritaires.
Quant aux clauses de buy or sell, elles autorisent les financiers à contraindre un actionnaire minoritaire ou à racheter l’intégralité de leurs parts, ou à les vendre au prix qu’ils proposent.
Le présent amendement, afin d’assurer le respect de l’esprit du texte et de la volonté du législateur, poursuit l’œuvre initiée par l’article 8 en encadrant les sociétés d’exercice libéral et en imposant une transparence sur ces fameuses conventions extrastatutaires.
Toute convention ou clause non publique serait nulle et non avenue, donc ipso facto inopposable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Les amendements identiques nos 19 et 36 tendent à renforcer les règles de transparence. Ils sont néanmoins particulièrement complexes et relèvent a priori largement du domaine réglementaire.
De plus, l’objectif est globalement satisfait par l’amendement du groupe écologiste.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements.
Il me semble en effet que l’objectif recherché est très largement atteint par l’article 8 lui-même. De plus, la complexité des dispositifs me paraît même aller à l’encontre de l’objectif recherché.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 36.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission, comme celui du Gouvernement, est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 95 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 171 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est dommage !
Article 9
Le même code est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 6211-19 est ainsi modifié :
a) (Supprimé) ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les laboratoires de biologie médicale transmettent une déclaration annuelle des examens de biologie médicale qu’ils ont réalisés au directeur général de l’agence régionale de santé dans des conditions fixées par décret. » ;
2° L’article L. 6222-3 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « d’un laboratoire de biologie médicale », sont insérés les mots : «, d’un site de laboratoire de biologie médicale, à une opération de rachat de tout ou partie d’actifs d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale » ;
b) Après les mots : « de fusion de laboratoires de biologie médicale », sont insérés les mots : « dont la transmission universelle de patrimoine » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 6222-4, les mots : « compter en son sein » sont remplacés par le mot : « gérer » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 6222-5 est ainsi modifié :
a) Les mots : « soit sur deux » sont supprimés ;
b) Les mots : « prévue par le schéma régional d’organisation des soins et motivée par une insuffisance de l’offre d’examens de biologie médicale » sont remplacés par les mots : « accordée par le directeur général de l’agence régionale de santé dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État et prévue par le schéma régional d’organisation des soins. » ;
5° L’article L. 6223-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « parts sociales » sont remplacés par les mots : « droits sociaux » ;
b) Les mots : « cette personne » sont remplacés par les mots : « une personne » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôle, par une même personne, d’une proportion de l’offre supérieure à 33 % du total des examens de biologie médicale réalisés sur un même territoire de santé infrarégional est réputé effectif dès lors que cette personne détient, directement ou indirectement, la majorité du capital social de plusieurs sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale et que l’activité de ces sociétés représente au total plus de 33 % des examens de biologie médicale sur ce territoire. » – (Adopté.)
Article 10
Le même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 6213-1 est ainsi modifié :
a) À la fin du 2°, la référence : « de l’article L. 4221-12 » est remplacée par les références : « des articles L. 4221-9, L. 4221-14-1 et L. 4221-14-2 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins et les pharmaciens autorisés à exercer la médecine ou la pharmacie en France peuvent solliciter une qualification en biologie médicale auprès de l’ordre compétent. » ;
2° À l’article L. 4221-9 et au premier alinéa des articles L. 4221-11 et L. 4221-12, les mots : « du Conseil supérieur de la pharmacie » sont remplacés par les mots : « d’une commission, composée notamment de professionnels de santé »;
3° À l’article L. 4221-9, au premier alinéa de l’article L. 4221-12 et à la première phrase des articles L. 4221-14-1 et L. 4221-14-2, après les mots : « autoriser individuellement », sont insérés les mots : «, le cas échéant, dans la spécialité » ;
4° À l’article L. 4221-13, les mots : «, après avis du conseil supérieur de la pharmacie » sont supprimés.
5° (nouveau) Au cinquième alinéa de l’article L. 4222-9, après les mots : « formation exigée en France », sont ajoutés les mots : « pour l’exercice de la profession de pharmacien, le cas échéant, dans la spécialité concernée » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par Mme Génisson, MM. Daudigny et Teulade, Mmes Emery-Dumas, Printz et Schillinger, MM. Cazeau, Jeannerot et Godefroy, Mme Alquier, M. Labazée, Mmes Demontès, Meunier et Campion, M. Kerdraon et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L... – Le deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce s’applique aux tarifs pratiqués par l’instance nationale d’accréditation concernant l’application du présent chapitre.
« Les tarifs réglementés concernant l’accréditation sont arrêtés par le ministre chargé de la santé après avis de la commission mentionnée à l’article L. 6213-12 du présent code. »
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Alain Milon. Cet amendement prévoit que les tarifs pratiqués par le COFRAC dans le cadre de l’accréditation obligatoire devront être conformes aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce.
En effet, s’il peut paraître légitime que l’instance nationale d’accréditation soit et reste unique dans le but d’éviter, comme nous y oblige le règlement européen, une concurrence malsaine et néfaste susceptible de conduire à une diminution des exigences de qualité, il est en revanche singulier que les tarifs pratiqués dans un secteur non concurrentiel suivent la loi du marché. C'est pourquoi il est proposé de les réglementer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié.
Mme Catherine Génisson. Nous avons mis en place l’accréditation, qui valide la qualité de fonctionnement des laboratoires médicaux. Pour autant, nous avons unanimement relevé que les tarifs du COFRAC pouvaient mettre en péril la viabilité d’un certain nombre de laboratoires.
Au-delà du sujet de la tarification, qui fait l’objet de ces amendements identiques, nous nous félicitons de la volonté du rapporteur de solliciter auprès de la Cour des comptes un rapport d’évaluation du fonctionnement du COFRAC.
Par ailleurs, outre le sujet de la tarification, qui est très largement contestée, la composition des collèges, en particulier des experts, doit pouvoir être revue.
Il convient également de mettre en place des critères d’évaluation de l’accréditation prenant légitimement en compte la sécurité à la fois du prélèvement, de son transport et de sa conservation, et peut-être un peu moins à la présence des biologistes et de l’ensemble des personnels à l’intérieur des laboratoires.
Il est donc très important de pouvoir évaluer et encadrer très fortement les tarifs du COFRAC.
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 6221-13 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L… - Conformément au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce, le ministre chargé de la santé fixe, après avis de la commission mentionnée à l’article L. 6213-12 du présent code, les tarifs dus par les laboratoires de biologie médicale à l'instance nationale d'accréditation prévue au I de l'article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie au titre de la procédure d’accréditation mentionnée à l’article L. 6221-2.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. En raison de l’application de l’article 40 de la Constitution, nous n’avons pas pu procéder comme nous le souhaitions, c'est-à-dire proposer que la procédure d’accréditation soit confiée à la Haute autorité de santé.
Ainsi cet amendement, qui n’était initialement qu’un amendement de repli, est-il devenu notre amendement principal.
Selon nous, l’accréditation des laboratoires d’analyses médicales, parce qu’elle est censée assurer la sécurité sanitaire des patients, relève d’une mission de service public, laquelle ne peut faire l’objet d’une délégation. C’est pourquoi il convient de limiter la situation actuelle, le COFRAC étant le seul organisme à réaliser l’accréditation.
Faut-il le rappeler ? C’est cette structure qui avait certifié les prothèses PIP, qui ont été au cœur d’un scandale sanitaire et économique. Un encadrement est donc nécessaire.
Si le COFRAC est le seul organisme à réaliser l’accréditation, alors les législateurs que nous sommes peuvent décider d’encadrer les tarifs, comme cela aurait naturellement été le cas si l’accréditation avait relevé des compétences de la Haute autorité de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Ces trois amendements portent sur les tarifs du COFRAC. Je ne suis pas sûr que leur encadrement soit compatible avec l’indépendance et le statut de cet organisme.
De plus, il paraît difficile de réglementer non pas l’ensemble mais une partie seulement des tarifs. J’aurais donc tendance à souhaiter que l’on attende les conclusions de la Cour des comptes sur le fonctionnement du COFRAC. Néanmoins, il me paraît important que le Gouvernement réponde à cette préoccupation.
La commission a émis un avis de sagesse sur ces amendements ; pour ma part, je m’en remettrai à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien votre volonté d’encadrer ces tarifs, en tout cas d’être extrêmement attentif à leur montant. Pour autant, il me semble que les conditions dans lesquelles fonctionnent le COFRAC et son conseil d’administration apportent, comme je l’ai indiqué en réponse à une interpellation de Mme Cohen, des garanties suffisantes.
Le COFRAC ne peut pas réaliser de bénéfices. Ses tarifs sont fixés annuellement à prix coûtant, sur la base des dépenses inscrites à son budget.
Par ailleurs, je rappelle que le ministère du budget est représenté à son conseil d’administration. Comme je l’ai indiqué, les représentants du ministère de la santé ont pour consigne de faire en sorte que les tarifs soient clairement encadrés, ce qui n’exclura pas la possibilité d’avoir des contrôles externes a posteriori, ce qui renforcera les garanties.
Ces tarifs sont soumis au contrôle du contrôleur économique et financier du COFRAC et du commissaire du Gouvernement auprès de ce dernier, qui relève du ministère du redressement productif et peut s’opposer, puisqu’il dispose d’un droit de veto, aux décisions du conseil d’administration s’il le juge utile.
Par conséquent, il me semble que l’ensemble des garanties nécessaires sont apportées. J’émets donc un avis défavorable sur les trois amendements qui viennent d’être présentés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous avons bien entendu votre argumentation, madame la ministre. Cependant, nous avons constaté l’émission de factures pour le moins surprenantes par le COFRAC. Je n’en citerai qu’une : 2 500 euros pour un laboratoire qui n’avait pas apposé le tampon du COFRAC sur des comptes rendus d’examen !
Le problème de la facturation de l’accréditation me semble être un sujet central, parce qu’il met en doute le principe même de l’accréditation, alors que celle-ci devrait être strictement obligatoire pour valider nos laboratoires médicaux.
Vous avez parlé, madame la ministre, de l’excellence de nos laboratoires que doit attester l’accréditation. Aujourd’hui, si la communauté des biologistes médicaux nourrit une telle suspicion à l’égard de celle-ci, c’est en grande partie à cause de son coût, qui peut d’ailleurs mettre en cause la viabilité de certains laboratoires.
Par conséquent, nous maintiendrons l’amendement n° 47 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Dans le même esprit, et avec le même souci, nous voterons les amendements identiques. Au minimum, il faudrait effectuer une remise à plat. Les faits relatés par nos collègues méritent que nous puissions contrôler ce qui se passe. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous maintenons bien sûr l’amendement n° 21.
Vous avez, madame la ministre, renforcé mes inquiétudes. Si j’ai bien compris, on maintient le statu quo s’agissant de la facturation du COFRAC. Or nous savons pertinemment quelles sont les difficultés ! Selon moi, l’adoption de ces amendements identiques aurait la vertu de recadrer un peu les choses. Sinon, le coût de l’accréditation deviendra encore plus prohibitif pour les laboratoires de proximité, auxquels nous sommes, semble-t-il, unanimement attachés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 47 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10, et l'amendement n° 31 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 22, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 162-13-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-13-3. – I. – Un laboratoire de biologie médicale facture, sur sa propre feuille de soins qui tient lieu de facturation, les examens de biologie médicale qu’il réalise au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale prise en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1.
« II. – En cas de transmission d’un échantillon biologique dans les conditions mentionnées aux articles L. 6211-19 et L. 6211-20 du code de la santé publique, chaque laboratoire intervenant est tenu de remplir une feuille de soins d’actes de biologie médicale pour les actes qu’il a effectués, sauf lorsque ces actes ont été réalisés dans le cadre d’un contrat de coopération défini à l’article L. 6212-6 du code de la santé publique auquel est partie le laboratoire qui a transmis les échantillons biologiques.
« III. – Nonobstant les dispositions à caractère général, relatives à la facturation des examens de biologie médicale, du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique, en cas de transmission d’un échantillon biologique, à un établissement public de santé, dans les conditions mentionnées aux articles L. 6211-19 et L. 6211-20 du code de la santé publique, les dispositions du I et du II du présent article sont applicables aux établissements publics de santé.
« Lorsqu’ils sont réalisés par un établissement public de santé, dans les conditions visés à l’alinéa précédent, les actes de biologie médicale, non visés à l’article L. 162-1-7 du présent code, peuvent être facturés par l’établissement public de santé. »
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Le présent amendement a pour objet de mettre fin à la différence de traitement qui existe entre les laboratoires de biologie médicale libéraux et les laboratoires de biologie médicale des établissements publics de santé, les premiers pouvant facturer aux patients les actes hors nomenclature qu’ils réalisent, alors que ces mêmes actes, lorsqu’ils sont réalisés dans les mêmes conditions, à la suite d’une transmission d’échantillons biologiques, ne peuvent pas l’être par les établissements publics de santé.
Si cet amendement est adopté, ces établissements pourront, sans aucune conséquence sur l’équilibre des régimes sociaux, accéder, via une juste rémunération de leurs diligences, à une nouvelle ressource financière.
Cet amendement, dans l’esprit de l’ordonnance de 2010, vise également à procéder à une harmonisation des règles de facturation des actes de biologie médicale réalisés, à la demande des laboratoires de première intention, par ceux de seconde intention, qu’ils soient publics ou privés.
Enfin, cet amendement, par la réaffirmation d’un principe clair – c’est le professionnel de santé qui réalise l’acte qui le facture –, s’inscrit dans la ligne de la position française soutenue devant les juridictions communautaires, qui permet à la biologie médicale d’être reconnue comme une profession médicale, et non comme une profession relevant de la prestation de services et dès lors soumise au droit commun.
S’écarter de ce principe central, ce serait remettre en cause l’un des fondements de l’ordonnance de 2010. Ce serait également livrer la biologie médicale française au monde marchand et, donc, aux seuls financiers.
Cet amendement prévoit un aménagement nécessaire pour tenir compte des contrats de coopération, qui permettent l’accès, sur l’ensemble du territoire, à une biologie moderne et performante, à travers une mutualisation de certaines techniques lourdes et onéreuses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’en revenir à la facturation par chaque laboratoire des examens qu’il a effectués. Son adoption mettrait fin au principe de la facturation unique, qui figure, je le rappelle, dans l’ordonnance de 2010.
Ses auteurs prévoient par ailleurs la possibilité pour les hôpitaux de facturer directement aux patients les actes hors nomenclature qu’ils réalisent à la demande d’un autre laboratoire.
Cette mesure est essentiellement financière et n’a d’ailleurs qu’un lien ténu avec le reste de nos débats.
Sur le fond, je considère que la facturation unique est dans l’intérêt du patient. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je considère également que la facturation unique va dans le sens de l’intérêt du patient. Ce débat nous a d’ailleurs déjà occupés puisque, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, plusieurs amendements – qui n’ont pas été adoptés – dont l’objet était de revenir sur le dispositif mis en place par l’ordonnance de 2010 avaient été présentés.
Je le répète, il me paraît préférable de maintenir le système en vigueur dans la mesure où il permet de simplifier les démarches à accomplir par le patient pour le règlement de ses factures.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
M. Jean Desessard. Je vote comme Mme Génisson ! (Sourires.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 (nouveau)
Les dispositions du titre II du livre II de la sixième partie du code de la santé publique sont applicables à Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, dans leur version antérieure à l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 précitée.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.
M. Michel Magras. Cet article 11 a fort opportunément été introduit par la commission des affaires sociales pour garantir la permanence de l’offre de biologie médicale dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l’accréditation garantira une biologie médicale de qualité, mais elle aura pour effet paradoxal de faire disparaître cette offre dans ces trois collectivités. C’est pourquoi il convient d’y rendre facultative la procédure d’accréditation et, considérant que les contrôles actuellement en vigueur permettent de disposer d’une biologie médicale fiable, de maintenir le régime d’autorisation et de contrôle en vigueur.
L’article 11 s’inscrit donc bien dans l’objectif visé par la présente proposition de loi, à savoir garantir la permanence et la qualité de l’offre de biologie médicale, même si, pour les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est proposé un moyen différent.
En l’absence d’un laboratoire implanté sur leur territoire, la qualité de la biologie médicale ne serait plus garantie du fait, en premier lieu, de l’obligation d’effectuer les analyses à l’extérieur et, en second lieu, du risque lié au transport sur la stabilité des échantillons sanguins.
À Saint-Barthélemy, il n’existe localement aucune solution de remplacement à l’unique laboratoire qui, à des fins de contrôle sanitaire de l’eau, analyse les prélèvements pour le compte de la clientèle privée, de l’hôpital et de la collectivité.
Dans ces conditions, avec une population de 9 000 habitants, le volume de dossiers traités par le laboratoire est relativement stable et prévisible, de même, partant, que son chiffre d’affaires.
L’obtention de l’accréditation représente donc pour cet organisme un coût financier trop important qu’il ne sera pas en mesure de supporter.
Si le laboratoire devait fermer pour des raisons économiques, les analyses devraient alors être effectuées en dehors de l’île.
Je rappelle que les îles les plus proches soumises à la réglementation française sont Saint-Martin et la Guadeloupe, à 250 kilomètres.
À Saint-Martin, le même risque de fermeture pèse sur le laboratoire privé de l’île et le laboratoire de l’hôpital se trouverait engorgé s’il devait aussi recevoir les analyses de Saint-Barthélemy.
S’agissant de la Guadeloupe, la distance à parcourir ne garantirait ni la fiabilité des résultats ni la rapidité en cas d’urgence. Je ne parle même pas du coût supplémentaire que cela engendrerait. Ce serait de surcroît faire faire un bond de quinze ans en arrière à la collectivité de Saint-Barthélemy.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, j’imagine que la question se pose avec davantage d’acuité encore puisque le territoire le plus proche de cette collectivité est le Canada.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, si ce texte devait être appliqué dans sa rédaction actuelle, c’est non pas la question de la qualité de la biologie médicale dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre et Miquelon qui se poserait, mais tout simplement celle de son existence.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 6213-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6213-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6213-6-1. – Un décret en Conseil d’État prévoit pour Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation prévue à l’article L. 6221-1 des laboratoires de biologie médicale, dans le respect de l’exigence de qualité. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai écouté avec attention les propos de M. Magras, qui expose un problème à propos duquel la sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon m’avait d’ailleurs aussi alertée.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé cet amendement qui vise précisément à prendre en compte les spécificités insulaires de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, lesquelles rendent l’accréditation plus coûteuse et plus complexe à organiser qu’en métropole. Les laboratoires seraient alors soumis à des contraintes si fortes qu’elles pourraient purement et simplement conduire à leur disparition, éventualité qui n’est pas acceptable.
Le Gouvernement propose ainsi de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale dans ces trois collectivités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement du Gouvernement. Il me semble néanmoins que ce dernier propose un compromis de nature à prendre en compte la spécificité des outre-mer, sans toutefois remettre en cause la garantie de qualité pour tous les citoyens.
La navette permettra éventuellement d’en parfaire la rédaction.
À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il y a une chose dont je vous prie de ne pas douter, c’est que mon soutien à l’article 11 est motivé par l’exigence de qualité des soins, d’une manière générale, pour les habitants de Saint-Barthélemy.
Et pour cause : en matière d’accès à des soins de qualité, l’investissement de notre collectivité n’est plus à démontrer. Tout ce qu’il était envisageable de faire pour compenser l’impossibilité de disposer, sur 24 kilomètres carrés, d’un accès à l’ensemble des soins a été mis en œuvre.
Ainsi, il existe un petit hôpital qui fonctionne avec l’aide de la collectivité ; nous nous apprêtons d’ailleurs à y installer un dispositif innovant de télémédecine, qui nous donnera le sentiment d’être moins isolés. En outre, nous achevons la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, financé à plus de 90 % par la collectivité.
Notre action en faveur de la présence d’un laboratoire de biologie médicale procède de la même volonté de maintenir localement la permanence de l’offre de soins offerte aux résidents.
Pour autant, je connais les contraintes insurmontables auxquelles est confrontée notre île et je sais aussi que ces contraintes particulières tendent à rendre inadaptées, donc inapplicables, certains dispositifs législatifs qui ne sont pas pensés en tenant compte de cette insularité.
C’est le cas de certaines exigences requises pour l’accréditation des laboratoires de biologie médicale.
J’y insiste, il ne s’agit pas de créer les conditions d’une biologie médicale de moins bonne qualité, mais de ne pas faire disparaître ce qui existe en maintenant des exigences rendues structurellement irréalisables.
L’amendement que j’avais présenté en commission visait à rendre la procédure d’accréditation facultative. Implicitement, il s’agissait d’introduire de la souplesse pour que cette procédure puisse être menée à son terme dans les domaines où cela était possible. Le laboratoire a de toute façon déjà engagé celle-ci, mais il ne pourra la conduire au-delà d’une certaine limite.
L’enjeu de cet article 11 est donc, je le redis, de faire en sorte qu’un laboratoire puisse maintenir son activité à Saint-Barthélemy, car, à défaut, l’exigence de qualité sera remise en cause.
Pour ces raisons, l’amendement du Gouvernement me semble être une voie de compromis qui permettra d’adapter les dispositions de ce texte aux contraintes de délai, financières et géographiques qui se posent à Saint-Barthélemy, mais également aux autres collectivités.
C’est également mon souhait, et je voterai donc cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos débats ont été riches, mais ils n’ont pas abouti, selon nous, à un texte totalement satisfaisant.
Lors de l’examen de l’article 4, nous avons rappelé que la qualité de l’analyse du prélèvement jusqu’au résultat est plus facile à garantir lorsque ce prélèvement est effectué en laboratoire.
S’il est utile, notamment pour des raisons de proximité géographique des patients, de permettre aux infirmières ou aux médecins de réaliser des prélèvements à domicile, la rédaction de l’article 4 ne nous paraît pas pour autant satisfaisante.
Sur plusieurs travées de cet hémicycle, il a été proposé de restreindre le champ de l’examen de biologie médicale en dehors du laboratoire de biologie médicale au seul prélèvement des échantillons biologiques. Dans sa rédaction issue de nos débats, ce texte fait endosser aux biologistes une responsabilité qui n’est pas la leur.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et sa présidente, Catherine Lemorton, défendaient cette position en 2012 ; j’espère qu’elles sauront vous convaincre, madame la ministre.
Nous nous réjouissons de la suppression de l’article 6. En effet, l’ordonnance du 13 janvier 2010 n’a pas réservé l’exercice de la biologie médicale aux seuls détenteurs du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale. Différentes voies dérogatoires sont d’ores et déjà prévues ; il était inutile d’en créer une autre.
La suppression de l’article 7 ter permet de tirer les conséquences de la médicalisation de la discipline. Il nous semble important de maintenir dans le code de la santé publique la définition précise des missions du biologiste médical : participer à la prescription des examens, proposer ceux qui sont les plus utiles et rendre la prescription la plus efficace et la plus pertinente possible.
Enfin, en ce qui concerne la lutte contre la financiarisation, nous estimons que nous ne sommes pas allés assez loin. En refusant de voter notre amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 8, chers collègues de la majorité, vous ne freinez pas la création de véritables oligopoles !
Enfin, comme à tous, la réglementation des tarifs du COFRAC nous a semblé légitime et nécessaire. J’espère que nos collègues députés conserveront cette disposition.
En conclusion, nous ne voudrions pas pénaliser les biologistes en nous opposant à ce texte : son rejet n’est pas la solution. Nous espérons en revanche que les débats à l’Assemblée nationale permettront de l’améliorer.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. L’examen de cette proposition de loi a été un grand moment de débats parlementaires. Si tel a été le cas, c’est que, tant en commission qu’en séance plénière, il est apparu que ce texte, qui contient de nombreuses dispositions, était relativement consensuel.
En ce qui concerne l’accréditation, nous étions tous d’accord ; l’amendement de M. Barbier permettra de protéger les laboratoires de petite taille du monde rural.
En matière de définanciarisation – quel terme barbare ! – nous avons fait quelques avancées, notamment grâce à notre sous-amendement.
Le troisième invité dans le débat fut la responsabilisation. À cet égard, le praticien en zone de montagne que j’ai été pendant longtemps, en Haute-Loire, s’inquiète. J’aurai souhaité que l’on réservât un meilleur sort à l’article 4. Il aurait en effet fallu responsabiliser davantage l’analyse médicale, depuis le prélèvement jusqu’à la sortie du laboratoire. Cela n’a pas été fait. Nous ne pouvons que regretter que l’on ne soit pas allé plus loin sur cette voie, en diluant quelque peu la responsabilité du résultat.
Le groupe UDI-UC s’abstiendra lors du vote de cette proposition de loi, ce qui permettra l’adoption de celle-ci. Comme c’est un bon texte, nous lui souhaitons « bon vent », en espérant qu’il soit encore amélioré à l’Assemblée nationale !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous nous sommes efforcés, tout au long de cette discussion, de renforcer la sécurité des patients. Et, si nous n’avons pas porté un coup d’arrêt à la financiarisation, du moins l’avons-nous freinée.
Cela étant dit, nous avons, par moments, manqué d’audace. À l’article 8, nous sommes restés au milieu du gué. C’est dommage, car, compte tenu des dégâts qu’a provoqués la politique suivie pendant les dix dernières années en matière de santé, il aurait été nécessaire de prendre des mesures beaucoup plus radicales, plus protectrices que celles qui ont finalement été décidées. Nous le savons, les grands groupes financiers font preuve d’une imagination sans limites et ils arrivent toujours à détourner la loi !
Aussi, satisfaits des avancées qui ont été réalisées, mais déçus par leur timidité, le groupe CRC s’abstiendra sur le vote de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. L’intérêt de nos débats, tant en commission que dans cet hémicycle, prouve l’importance que nous attachons tous à la qualité de la biologie médicale, qui contribue à hauteur de 60 % au diagnostic des pathologies de nos concitoyens. Nous nous sommes efforcés, au cours de la discussion de cette proposition de loi, de sécuriser les biologistes médicaux, de réduire l’inégalité d’accès aux soins sur notre territoire, de donner du poids à l’accréditation afin que les biologistes médicaux se l’approprient, de créer les freins nécessaires à la montée de la financiarisation qui affecte nos laboratoires.
Je tiens à remercier une nouvelle fois notre rapporteur, Jacky Le Menn, qui, après un travail remarquable, a élaboré un texte de qualité que nous avons eu à cœur d’améliorer.
Je remercie également Mme la ministre de son écoute et de la qualité de ses propos.
Le texte issu de nos travaux est certes perfectible. Toutefois, au vu des améliorations que nous avons apportées au texte initial, qui était de qualité, le groupe socialiste le votera.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste votera lui aussi cette proposition de loi dans la mesure où nous avons avancé sur les deux enjeux essentiels du texte, l’accréditation et la financiarisation.
L’accréditation, dont l’objet est de permettre une meilleure qualité des soins, a été largement traitée, même s’il reste des points à perfectionner.
Par ailleurs, nous avons pris des mesures de régulation et d’encadrement de la financiarisation galopante.
Nous espérons que le débat à l’Assemblée nationale viendra renforcer cette proposition de loi et nous remercions à notre tour M. le rapporteur de son travail et de son écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Le groupe RDSE est composé essentiellement de sénateurs élus de milieux ruraux. Il faut bien reconnaître que, depuis quelques années, dans nombre de nos départements, la disparition progressive des laboratoires de biologie médicale et la mainmise des grands groupes posent un véritable problème d’aménagement du territoire, alors que ces laboratoires jouent un rôle essentiel dans le parcours de soins.
L’article 4, tel qu’il a été voté par le Sénat, retire, et je le regrette, une part de responsabilité au biologiste médical puisque la phase de pré-analyse est confiée à un acteur de santé signataire d’une convention. Scinder l’analyse biologique en tranches me paraît être une mauvaise solution.
Par ailleurs, un certain nombre d’amendements sont venus améliorer le texte.
J’ai suivi le débat qui a eu lieu l’an dernier à l’Assemblée nationale. Comme je l’ai dit, je suis extrêmement surpris que le rapporteur socialiste, pas plus que Mme la ministre d’ailleurs, n’ait entendu les préoccupations de notre collègue député Mme Catherine Lemorton. Elle exprimait pourtant notre volonté sincère à tous, c’est-à-dire éviter que la financiarisation qui est en marche, notamment du fait de la loi de 1990, n’aille encore plus loin.
Il est dommage que les sénateurs ne soient pas parvenus à s’entendre sur un texte très technique, qui pose de nombreuses questions, et que nous soyons obligés une fois encore de nous en remettre à l’Assemblée nationale. On le fait dans beaucoup de domaines. À titre personnel, je le regrette. Nous avons pour habitude, au Sénat, d’aborder les textes qui nous sont soumis sous un angle technique, de manière dépersonnalisée, sans excès de politisation. Je ne peux donc que souhaiter que l’Assemblée nationale améliore la rédaction de l’article 4.
Le groupe RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi, parce qu’il faut ratifier l’ordonnance de janvier 2010 et parce que nous ne devons pas rester plus longtemps dans la situation de non-droit dans laquelle nous sommes depuis plus de trois ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. J’ai écouté avec attention les responsables des diverses sensibilités représentées dans notre hémicycle.
Permettez-moi tout d’abord de replacer les choses dans leur perspective. La présente proposition de loi a été signée par de nombreux sénateurs de notre groupe qui avaient étudié de près les propositions de l’Assemblée nationale.
Nous partons de loin, car l’ordonnance ne date pas d’hier ! Les groupes qui étaient alors en mesure de peser sur la politique gouvernementale en matière de santé, donc de biologie médicale, n’ont pas fait d’efforts considérables pour qu’un texte soit discuté plus tôt. On ne sait ainsi pas trop pourquoi la proposition de loi de Valérie Boyer et Jean-Luc Préel, adoptée par l’Assemblée nationale en janvier 2012, est restée bloquée en route…
Mon groupe a décidé qu’il ne fallait pas laisser les choses en l’état et il a pris la responsabilité de proposer au Sénat de ratifier l’ordonnance de 2010 : tel était l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Il fallait ratifier l’ordonnance, mais il fallait aussi, dans un temps contraint, l’améliorer. Nous avons donc écouté l’ensemble de la profession et organisé plusieurs tables rondes.
Nous nous sommes également rapprochés de l’Assemblée nationale, mais, monsieur Barbier, sachez que je ne suis pas suiviste par nature : breton je suis, têtu sans doute ! Ce n’est pas parce qu’un député, fût-il éminent, a pris une position donnée que, dans la réflexion complémentaire conduite au Sénat, votre rapporteur et ses collègues devaient s’embrigader, en quelque sorte, et s’obliger à le suivre.
Nous ne sommes pas des suivistes par tempérament. Nous avons donc procédé à une nouvelle analyse de la situation. Et, avec les éclairages complémentaires du Gouvernement, nous avons, avec cet article 4 dont vous nous faites grief, trouvé la voie de la sagesse.
M. Gilbert Barbier. Les députés sont des sages !
M. Christian Bourquin. Ils sont ici, les sages !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Sur des points très techniques, comme la phase pré-analytique, je pense effectivement que la discussion à l’Assemblée nationale permettra d’aller plus loin.
Nous l’avons tous compris, au cœur et de cette proposition de loi, se trouvaient deux points essentiels.
Tout d’abord, quid de la qualité de la biologie médicale pour nos concitoyens ? C’est cette interrogation, objet de l’article 7, qui nous a guidés.
Certes, des améliorations peuvent toujours être apportées, des analyses plus fines être conduites. Nous avons adopté un dispositif d’accréditation par paliers, avec l’objectif de 100 %, qui nous semblait le plus à même de montrer à nos concitoyens que nous voulions aller vers une biologie de très haute qualité.
Il ne nous a pas échappé que cet objectif pouvait paraître quelque peu utopique, notamment pour la très haute technologie et l’innovation. Le COFRAC devra donc adapter les propositions d’accréditation ; il le fera, comme cela nous a été confirmé. J’espère, évidemment, que l’objectif pourra être atteint. En tout état de cause, si l’on ne se fixe pas un objectif, on est sûr de ne pas l’atteindre !
Ensuite, sur le second point, la financiarisation, je me suis très longuement exprimé en commission. Nous avons largement débattu de cette question, notamment avec MM. Barbier et M. Milon.
Il nous fallait trouver un point d’équilibre entre deux contraintes.
Les premières sont celles que nous imposent les règles européennes. Il fallait trouver le butoir, savoir jusqu’où l’on pouvait aller sans se faire retoquer. Nous aurions alors risqué de revenir loin en arrière, d’aller à contre-courant de la lutte contre la financiarisation, lutte pour laquelle un front commun s’était dessiné.
Les secondes contraintes tiennent au droit très complexe des sociétés qu’il fallait appréhender.
C’est entre ces deux bornes que nous avons travaillé afin de présenter une proposition qui me paraît équilibrée.
Peut-on aller plus loin ? L’Assemblée nationale verra dans sa sagesse, et après des discussions avec le Gouvernement, si c’est possible. Et peut-être nous retrouverons-nous en commission mixte paritaire. Je crois cependant que l’on ne pourra guère aller beaucoup plus loin, mais nous verrons.
Je regrette la chute de l’article 6. Avec cette suppression – je le dis sans rancœur –, nous ne contribuons pas à tirer vers le haut la recherche et l’enseignement. Il est déplorable de ne pas permettre à des médecins et à des pharmaciens non titulaires d’un diplôme d’études de spécialités, au bout de trois ans, dans le cadre de leur sur-spécialisation, de faire profiter l’ensemble des praticiens ou futurs praticiens, médecins et pharmaciens, de connaissances à la pointe de la recherche.
J’ajoute qu’avec la suppression de cet article, toutes les dispositions relatives aux centres anticancéreux sont devenues sans objet.
Là aussi, l’Assemblée nationale aura à se prononcer, mais j’aurais aimé que notre assemblée parvienne à se retrouver sur une position de sagesse. C’est mon seul regret.
Sur les autres points, nos travaux ont donné satisfaction aux uns et aux autres. Plusieurs d’entre vous, certains par conviction profonde – pour certains sans doute, pour d’autres j’en doute – ont choisi de s’abstenir.
Je me félicite malgré tout que, nonobstant ces abstentions, une majorité se dégage pour adopter cette proposition de loi, qui doit certainement être améliorée, et qui le sera probablement, mais qui a aujourd’hui le mérite d’exister. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. M. le rapporteur ayant dit tout ce que nous aurions pu dire, je souhaite simplement le remercier à mon tour.
Jacky Le Menn, chacun peut le reconnaître, a fourni un travail remarquable. Il a organisé de très nombreuses auditions. Malheureusement, peu d’entre nous ont pu participer à toutes – c’est mon cas, et je le regrette –, mais il a su donner de précieux éclaircissements aux membres de la commission.
Ce travail a permis de « déminer » en amont le texte et d’avoir en séance un vrai débat technique et de fond, car, vous avez raison, monsieur Barbier, il s’agit aussi d’un texte technique. C’est cependant avant tout un texte politique puisqu’il s’agit de savoir quelle politique nous voulons mettre en œuvre pour la biologie médicale dans notre pays.
À tous ces égards, notre collègue Jacky Le Menn nous a permis d’aller véritablement au fond des choses.
Enfin, je remercie Mme la ministre de ses explications, qui ont favorisé la haute teneur de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous arrivons au terme de nos longs débats, je veux vous présenter au nom du Gouvernement, à chacune et à chacun d’entre vous comme à l’ensemble des groupes, mes remerciements pour la qualité de nos discussions.
Nous allons maintenant pouvoir adopter ce texte qui, s’il est complexe, n’est pas technique. Il est en effet éminemment politique, en même temps que très attendu par la profession. Il y va de la conception que nous avons de notre système de santé et de la participation de l’ensemble des acteurs à ce système, en particulier les laboratoires de biologie médicale.
Nous avons réaffirmé notre volonté d’avoir tant des professionnels que des laboratoires de proximité et de qualité sur l’ensemble du territoire.
Ce texte avait été élaboré sous la précédente majorité et présenté par l’ancien gouvernement, mais il n’avait pas pu aboutir ; il va maintenant connaître un sort meilleur.
Je voudrais remercier l’opposition de sa participation constructive à ces débats, même si je regrette qu’elle ne soit pas allée au terme d’une volonté constructive en votant pour un texte qui, je le répète, est très attendu.
Je remercie la majorité et le rapporteur d’avoir présenté ce texte. Même si l’opposition regrette que certaines dispositions n’y figurent pas ou que d’autres n’aillent pas plus loin, je veux rappeler que c’est sur un texte d’émanation parlementaire que vous allez vous prononcer dans un instant, mesdames, messieurs les sénateurs ; fruit d’un travail porté par le rapporteur et l’ensemble du groupe socialiste, il représente une avancée significative.
Comme M. le rapporteur, je regrette cependant la suppression de l’article 6, car l’avenir de notre système de santé, j’en ai l’intime conviction, ne réside pas dans les cloisonnements entre professions. Nous devons nous orienter vers une plus grande fluidité entre les professionnels, les parcours et les formations.
Ce n’est pas en interdisant à certains professionnels de santé d’exercer d’autres professions que nous irons vers une plus grande qualité, une proximité plus étroite, et que nous répondrons aux attentes de nos concitoyens.
Cela étant, je me réjouis que nous franchissions un premier pas et je suis convaincue que le travail se poursuivra à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Jean-Claude Lenoir. Le groupe UMP s’abstient !
M. Gilbert Barbier. Le groupe RDSE s’abstient également !
M. Gérard Roche. Le groupe de l'UDI-UC fait de même !
9
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, le débat sous forme de questions-réponses préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2012, qui devait avoir lieu à dix-huit heures trente, est décalé d’une heure à la demande du Gouvernement. Il débutera donc à dix-neuf heures trente et s’achèvera à vingt heures trente.
Nous reprendrons ensuite nos débats en séance du soir à vingt-deux heures trente pour la suite de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je veux simplement informer les membres de la commission que, compte tenu de ce changement dans l’ordre du jour de nos travaux, notre réunion en vue de l’examen des amendements déposés sur le projet de loi portant création du contrat de génération, qui était prévue à dix-huit heures trente, est reportée à demain matin, dix heures, puisque nous allons entamer tout de suite la discussion générale de ce texte.
Mme Catherine Procaccia. Commencerons-nous l’examen en séance des amendements ce soir ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous devrions normalement nous en tenir à la discussion générale !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
10
Création du contrat de génération
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission.
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération (projet n° 289, texte de la commission n° 318, rapport n° 317).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté porte création du contrat de génération.
Le contrat de génération est un outil innovant, au service de la refondation des politiques de l’emploi, qui a été conçu et porté par le Président de la République devant les Français.
Après les emplois d’avenir, solution d’urgence pour les jeunes les plus en difficulté que vous avez adoptée voilà trois mois, nous poursuivons la bataille pour l’emploi en nous attaquant aux déséquilibres et aux injustices de notre marché du travail.
M. André Trillard. Ce n’est pas certain !
M. Michel Sapin, ministre. Le premier déséquilibre que nous devons supprimer, c’est la précarité.
Le contrat de génération est une arme dans la lutte contre celle-ci, qui touche particulièrement les jeunes, puisque l’embauche en CDI est promue.
De façon plus large, nous aurons l’occasion de débattre dans quelques semaines de la traduction législative de l’accord sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier. Cette loi apportera, elle aussi, sa contribution à la lutte contre la précarité de l’emploi, grâce en particulier à la modulation des cotisations selon la nature des contrats, pour que le CDI redevienne la norme de l’embauche.
Vous le savez, le contrat de génération a été porté par le Président de la République devant les Français durant la dernière campagne électorale. C’est une belle idée, qui séduit beaucoup de nos compatriotes, qui prend vie aujourd’hui, celle de la réunion des générations, du transfert du savoir, de la cohésion de notre société alliée à la performance de notre économie. C’est aussi une idée simple : faire davantage de place aux plus jeunes sans pousser pour autant dehors les plus anciens.
Notre pays se prive de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les salariés âgés à l’écart du marché du travail. Seul un jeune salarié sur deux est en contrat à durée indéterminée.
Alors que les jeunes ne représentent que 22 % de la population active, 40 % d’entre eux sont chômeurs. Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim.
Ce n’est qu’après plusieurs années de contrats précaires qu’ils peuvent prétendre à un contrat à durée indéterminée. Ces années retardent l’accès à l’autonomie, car accéder à un logement indépendant, construire une famille ou tout simplement bâtir des projets se révèle très difficile sans un emploi stable.
Les salariés seniors, eux, sont globalement moins touchés par le chômage que la moyenne de la population, mais le nombre de demandeurs d’emploi seniors est en forte augmentation, et il leur est très difficile de retrouver un emploi stable lorsqu’ils perdent leur travail à quelques années de la retraite.
Le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans était de 41 % en 2011. Il a légèrement progressé ces dernières années, mais il reste largement inférieur à l’objectif fixé à l’échelle européenne, soit 50 % des seniors en emploi.
Nous le savons tous ici pour être confrontés à la situation de ces salariés âgés au chômage, qui nous écrivent ou nous interpellent : ils se sentent souvent rejetés par la société, alors même qu’ils sont en pleine possession de leurs compétences et qu’ils ont une expérience d’une richesse incomparable à transmettre. Le sentiment d’inutilité qui peut vous envahir dans une telle situation est profondément dommageable.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Michel Sapin, ministre. Dans une économie où les compétences et les savoir-faire sont le premier atout, il s’agit par ailleurs d’un gâchis inacceptable. Nous devons donc tout faire pour que les talents de chacun, les plus jeunes comme les plus âgés, soient utilisés au profit de tous.
Dans cette perspective, le contrat de génération promeut avant tout un changement de regard : au lieu d’opposer les générations, pour la première fois, ce dispositif les rassemble. Dans un monde aux repères mouvants, chaque génération a à apprendre de celles qui la suivent comme de celles qui la précèdent. C’est particulièrement vrai au sein des entreprises : les salariés âgés sont souvent détenteurs de savoir-faire qui risquent de se perdre après leur départ. Les jeunes sont souvent mieux au fait du dernier état des savoirs et des technologies, et ont également des compétences à transmettre à leurs aînés.
Pour être opérants, ces processus de transmission doivent être organisés : il importe de repérer les compétences clés et d’assurer leur circulation au sein des entreprises. C’est l’un des objectifs majeurs du contrat de génération.
L’enjeu est massif, pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises : d’ici à 2020, plus de 5 millions d’actifs aujourd’hui en poste seront partis à la retraite et, parallèlement, près de 6 millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Anticiper ce renouvellement des compétences est une nécessité économique et sociale.
Longtemps, on a considéré que faire partir les plus âgés permettait de ménager une place aux jeunes. Ce système n’a pas fonctionné dans les faits. Les études montrent que le chômage des jeunes augmente en même temps que l’emploi des seniors décroche. Le Gouvernement a donc décidé de tourner le dos à cette fausse logique. D’un même mouvement, nous voulons répondre à trois grands défis : premièrement, l’insertion durable des jeunes dans l’emploi ; deuxièmement, le maintien en emploi et l’embauche des seniors ; troisièmement, la transmission des compétences.
Le contrat de génération apporte ainsi à deux des principaux maux de notre marché du travail – le chômage aux deux bouts de la chaîne des âges – une même solution.
Toutefois, plus qu’une simple mesure pour l’emploi, le contrat de génération traduit la volonté de donner du sens au travail.
Pour le senior, le sens, c’est de ne pas laisser perdre une vie de travail, d’engagement et de savoir accumulés. Le contrat de génération lui offre la possibilité de voir son action prolongée. Pourquoi se lever tous les matins pendant plus de quarante ans si tout s’évanouit du jour au lendemain ?
Pour le jeune, le contrat de génération permettra d’apprendre, en situation, dans un véritable emploi, au contact des plus expérimentés. Il lui permettra ainsi de gagner l’expérience qui lui manque, qu’il fera sienne en lui apportant son dynamisme et sa créativité.
Nous voulons faire de ce contrat de génération une source de motivation et de « remotivation » pour tous, prouvant à chacun qu’il est utile.
Le contrat de génération a été un des premiers actes de la méthode que suit le Gouvernement, celle du dialogue social. Lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet dernier, les partenaires sociaux ont exprimé le souhait d’engager une négociation quant aux modalités du contrat de génération.
Dans un document d’orientation rédigé début septembre, le Gouvernement a fixé le cadre de cette négociation.
Le contrat de génération a fait l’objet d’un accord national interprofessionnel signé par tous les partenaires sociaux le 19 octobre dernier.
Le dispositif lui-même accorde une très large place à la négociation. C’est la meilleure garantie pour que le contrat de génération puisse s’adapter à la situation de chaque entreprise, l’enjeu de la gestion des âges se présentant évidemment de manière très différente selon la taille, le secteur et la pyramide des âges des salariés.
Le contrat de génération sera tout d’abord l’occasion d’un diagnostic et d’un réexamen des pratiques dans les entreprises et dans les branches. Chaque entreprise de plus de 50 salariés aura à dresser un état des lieux de la situation des jeunes et des seniors, des savoirs et des compétences clés. Ce document balayera les dimensions quantitatives et qualitatives, comme l’identification des métiers dans lesquels la proportion de femmes et d’hommes est déséquilibrée, afin d’agir pour garantir davantage de mixité dans le cadre des nouveaux recrutements que permettra le contrat de génération.
Le suivi et le soutien des jeunes entrant dans l’emploi sont également des aspects extrêmement importants du contrat de génération pour favoriser à la fois la stabilisation dans l’emploi et la transmission des compétences. Conformément à l’accord national interprofessionnel, les modalités d’organisation de cet accompagnement seront souples et pragmatiques s’agissant du lien de tutorat entre le jeune et le senior, ce dernier n’étant pas toujours le mieux placé pour assurer l’accompagnement du jeune.
L’article 1er du projet de loi fixe les modalités de mise en œuvre du contrat de génération en fonction de la taille des entreprises.
Les grandes firmes, qui comptent 300 salariés et plus, disposent généralement en interne des moyens pour mettre en place la dynamique du contrat de génération sans qu’il y ait besoin pour cela d’une incitation financière. Ces entreprises devront donc obligatoirement engager une négociation sur le contrat de génération, laquelle devra se traduire par des engagements concrets de progrès. Dans ces entreprises, la réflexion sur les pratiques sera particulièrement importante.
Par souci de cohérence et de simplicité, les accords sur le contrat de génération se substitueront aux anciens accords seniors, mais ils traduiront une ambition plus vaste incluant l’emploi des jeunes et leur intégration dans l’entreprise, ainsi que la gestion et la transmission des compétences. Ainsi, nous ne créons pas une nouvelle négociation obligatoire ; nous substituons l’une, plus vaste – le contrat de génération – à l’autre, plus étroite – l’accord seniors.
Je salue les enrichissements apportés, tant par l’Assemblée nationale que par la commission des affaires sociales du Sénat, pour garantir que le contrat de génération atteigne, dans le cadre de son objet, les objectifs d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations, non seulement à l’embauche mais aussi durant l’ensemble du déroulement de carrière. Le contrat de génération contribuera ainsi à placer ces questions au centre du dialogue social dans les entreprises.
Les partenaires sociaux ont souhaité que la recherche d’un accord soit privilégiée, le plan d’action unilatéral de l’employeur n’intervenant qu’en dernier ressort, après l’échec d’une négociation menée de bonne foi, attesté par un procès-verbal de désaccord.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen du présent texte, votre commission des affaires sociales a renforcé cette obligation en prévoyant que le procès-verbal de désaccord devra également faire l’objet d’une signature par les représentants du personnel lorsque ces derniers auront engagé une négociation en l’absence de délégués syndicaux.
Tous ces accords et plans d’action feront l’objet d’une validation par l’administration de mon ministère, à la différence des précédents accords seniors, que les entreprises avaient la liberté de transmettre ou non.
Pour les entreprises de plus de 300 salariés, la mise en œuvre des engagements souscrits donnera lieu à une évaluation annuelle qui permettra de mesurer précisément les progrès accomplis. Cette évaluation sera transmise aux représentants des salariés. Ce faisant, les engagements pris dans le cadre du contrat de génération feront l’objet d’un suivi rapproché, visant à garantir leur effectivité.
En l’absence d’accord ou de plan d’action, l’entreprise sera soumise à une pénalité fixée par l’autorité administrative en fonction de la situation de l’entreprise. Je rappelle que le but de cette pénalité n’est pas de sanctionner les entreprises pour les mettre en difficulté, mais simplement de les inciter à s’inscrire dans une dynamique bénéfique à la fois pour leur performance et pour l’ensemble de la société.
Les entreprises de moins de 300 salariés, quant à elles, bénéficieront d’une incitation financière pour s’engager dans la démarche du contrat de génération. Cette aide de l’État sera substantielle : elle représentera 2 000 euros par an pour un temps plein, pour l’embauche d’un jeune comme pour le maintien dans l’emploi d’un senior, soit 4 000 euros par an au total et 12 000 euros sur la durée maximale d’attribution de l’aide, fixée à trois ans.
Nous tenons à ce que les emplois créés soient de qualité et, à cet égard, l’obligation du CDI nous paraît essentielle. Cette disposition n’exclut pas les contrats en alternance : les contrats de professionnalisation en CDI seront éligibles au contrat de génération, ainsi que les embauches en CDI à la suite d’un contrat en alternance. Thierry Repentin détaillera cet aspect dans un instant.
Le débat à l’Assemblée nationale a conduit à poser le principe que le jeune recruté devait l’être à temps plein pour ouvrir droit à une aide au titre du contrat de génération. Ce salarié peut toutefois être recruté à temps partiel lorsque sa situation le justifie, sans que sa durée de travail soit inférieure à 80 % de la durée hebdomadaire de travail à temps plein. À mon sens, il s’agit d’une solution équilibrée : la nécessité d’une rémunération suffisante pour permettre au jeune de construire ses débuts dans la vie active dans de bonnes conditions est affirmée, sans que soient pour autant exclus ceux pour qui il serait compliqué, voire impossible, de s’engager pour un temps plein.
Les entreprises de 50 à 300 salariés auront accès à l’aide associée au contrat de génération si elles négocient un accord d’entreprise ou, à défaut, mettent en place un plan d’action, ou encore si elles sont couvertes par un accord de branche étendu.
Conformément à l’accord des partenaires sociaux, les entreprises de moins de 50 salariés auront accès à l’aide sans obligation de négociation préalable. Pour ces petites entreprises, procéder à une embauche supplémentaire ne se fait pas à la légère. Le contrat de génération leur facilitera le passage à l’acte. Il les incitera à anticiper certaines embauches pour équilibrer leur pyramide des âges et pour éviter d’être fragilisées par le départ de leurs salariés les plus expérimentés.
L’entreprise pourra prétendre à l’aide dès lors qu’elle embauche en CDI un jeune de moins de 26 ans ou un jeune reconnu travailleur handicapé de moins de 30 ans et qu’elle s’engage à maintenir en emploi un salarié de 57 ans et plus, ou de 55 ans et plus s’il s’agit d’un travailleur handicapé ou recruté à 55 ans et plus.
Ainsi, une entreprise qui ne compte pas de salarié senior peut néanmoins percevoir l’aide associée au contrat de génération dès l’instant où elle recrute un salarié âgé de 55 ans et plus en même temps qu’un jeune.
L’aide ne sera pas versée sans conditions. En particulier, l’entreprise ne pourra pas licencier un salarié de 57 ans et plus sans en perdre le bénéfice, même si ce salarié ne fait pas partie d’un binôme formé dans le cadre d’un contrat de génération. De fait, il serait paradoxal de favoriser le maintien des salariés âgés des entreprises qui auraient pu, dans le même temps, faire partir d’autres seniors.
Le contrat de génération pourra également favoriser le maintien du tissu économique dans son volet « transmission d’entreprise ». C’est un des aspects les plus importants du présent texte pour nombre de nos territoires. Ce dispositif permettra de lier l’embauche d’un jeune au chef d’entreprise senior qui envisage de lui transmettre son entreprise.
Il s’agit d’un aspect tout à fait capital, qui incitera les chefs d’entreprise seniors approchant de l’âge de la retraite à préparer leur succession et à donner sa chance à un jeune. Le contrat de génération rendra ainsi plus facile la transmission des petites entreprises de toute nature – artisanales, commerciales ou agricoles – qui, sinon, auraient été vouées à disparaître.
L’article 2 du projet de loi prévoit la complémentarité entre les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les thématiques relevant du contrat de génération. Les deux négociations étant très liées, elles pourront se conjuguer, ce qui sera un facteur de simplification pour les entreprises.
Cet article ouvre aussi aux entreprises petites et moyennes la possibilité de bénéficier d’un appui en termes d’ingénierie pour concevoir et mettre en place leur politique de gestion active des âges.
L’article 4 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le code du travail applicable à Mayotte afin d’y rendre applicable le contrat de génération. Cela implique en effet qu’y soient adaptées au préalable les règles relatives à la négociation collective, ce qu’il est prévu de faire par voie d’ordonnance en ce début d’année.
L’article 5 est relatif à l’entrée en vigueur du dispositif : pour les entreprises de plus de 300 salariés. La pénalité sera applicable faute d’avoir déposé un accord collectif ou, à défaut, un plan d’action auprès de l’autorité administrative compétente avant le 30 septembre 2013.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le contrat de génération pourra s’appliquer pour les embauches effectuées dès le 1er janvier 2013. Par ailleurs, nous avons introduit à l’Assemblée nationale une disposition transitoire permettant aux jeunes qui, au moment de la promulgation de la loi, seraient employés en CDD ou en contrat d’alternance conclu avant leurs 26 ans de bénéficier du contrat de génération si l’entreprise transforme leur contrat en CDI, même après leurs 26 ans. L’objectif est, naturellement, d’éviter que l’entreprise n’ait intérêt à remplacer ses salariés déjà présents par d’autres lui ouvrant droit au bénéfice d’une aide.
L’article 5 bis a pu donner lieu à certaines interrogations ou doutes que je souhaite lever.
M. Jean Desessard. Il nous intéresse !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En effet !
M. Michel Sapin, ministre. Que dit cet article ? Pendant une durée de trois ans, le corps de l’inspection du travail sera accessible aux contrôleurs du travail par un examen professionnel spécifique. À cette fin, des postes de contrôleur seront transformés en postes d’inspecteur du travail.
Il s’agit d’une opportunité pour les contrôleurs, qui seront libres de se présenter ou non à cet examen professionnel.
L’examen sera accessible à tous les contrôleurs remplissant les conditions d’ancienneté, qu’ils exercent leurs fonctions aujourd’hui en sections dans le champ du travail comme dans les autres services ; 130 contrôleurs pourront devenir inspecteurs dès 2013 si nous adoptons cet article suffisamment tôt dans l’année.
Pour mettre en œuvre des dispositifs comme le contrat de génération en particulier, des agents mieux formés et plus qualifiés pour apprécier la concrétisation des engagements des entreprises sont nécessaires. Cela explique que, dès à présent, nous ayons besoin de cette disposition pour avancer.
Le plan de requalification de contrôleurs en inspecteurs ne s’arrêtera pas à la période 2013-2015. Ce que je propose est la première étape d’une démarche d’ensemble pour régler une fois pour toutes la question du statut des contrôleurs du travail par le haut, avec une ambition pour les personnes comme pour les missions du système d’inspection du travail, qui s’en trouvera renforcé et reposera demain sur un corps unique, celui des inspecteurs du travail.
Ce projet d’un système d’inspection qui réponde aux nouveaux défis du monde du travail, je le mène, bien sûr, dans la concertation, avec l’encadrement, avec les agents, avec les organisations syndicales de mon ministère, quoi qu’ait pu écrire à ce sujet telle ou telle organisation.
À trois reprises déjà depuis ma nomination, j’ai présidé personnellement le comité technique ministériel. J’y ai présenté ce plan de requalification le 14 décembre dernier. Depuis, beaucoup d’autres réunions se sont tenues, y compris à l’échelon régional. Le dialogue social est et sera intense sur la mise en œuvre du plan de requalification que cette disposition législative va rendre possible.
Pour conclure, je souhaite ici remercier la commission des affaires sociales, sa présidente, Annie David, et Mme le rapporteur, Christiane Demontès, qui s’est fortement investie dans l’amélioration de ce texte, tout en prenant en considération les points d’équilibre de l’accord entre les partenaires sociaux.
Je sais que c’est un exercice difficile, mais je crois que l’examen de ce texte tel qu’il s’est déroulé jusqu’ici a montré ce que pouvait être une complémentarité efficace entre la démocratie sociale et la démocratie politique.
Je tiens également à saluer l’attitude plutôt constructive de l’opposition jusqu’à présent. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Yves Daudigny. Ça va continuer ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Et, en effet, comment s’opposer à un texte conciliant des créations d’emploi en CDI pour les jeunes et le maintien des salariés âgés en emploi, porté par un accord unanime des organisations patronales et syndicales, et favorisant aussi bien la compétitivité des PME que l’emploi des plus fragiles ?
Avec le contrat de génération, nous avons l’opportunité d’enclencher un véritable changement de regard et de pratiques. Les partenaires sociaux ont montré l’exemple en s’engageant à l’unanimité. Nos jeunes et nos anciens, qui nous interpellent souvent et désespèrent de trouver ou de retrouver un jour un emploi stable, ont besoin de ce signe de confiance. J’espère que vous ne leur refuserez pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. ― M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il est de notre responsabilité d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens mais aussi de préparer l’avenir, celui de la France et celui de chacun des Français.
L’avenir de la France passe par la bataille de l’emploi, menée avec détermination par Michel Sapin, l’avenir de nos concitoyens par la sécurisation de leur parcours personnel et professionnel.
Les jeunes, qui sont à la fois le présent et le futur de notre pays, sont les principales victimes de la précarité sur le marché du travail, et cela quel que soit leur niveau de diplôme. L’excellent rapport de Mme Demontès le montre d’ailleurs très bien. Je ne reviendrai pas sur les chiffres que nous connaissons, hélas ! tous par cœur.
Comme je le disais devant la commission des affaires sociales le 29 janvier dernier, la situation est devenue tristement paradoxale. Alors que c’est dès le début de la vie active que l’on a besoin de sécurité professionnelle, pour pouvoir se déplacer, faire des projets, se loger, les jeunes voient de plus en plus souvent reculer l’horizon de cette stabilisation. Intérim et CDD sont trop souvent la norme, le CDI, sésame que l’on peine à décrocher, trop souvent l’exception.
C’est pourquoi, en remettant au centre du jeu le CDI comme modalité première d’embauche des jeunes, le contrat de génération va constituer une formidable locomotive pour la sécurisation de leurs parcours professionnels.
Notre objectif est de redonner confiance à notre jeunesse mais aussi en notre jeunesse en plaçant dans le même engagement de l’État les seniors, eux aussi de plus en plus écartés de l’emploi. Entre ceux qui n’ont pas assez d’expérience et ceux qui sont réputés en avoir trop, le sentier de l’employabilité devient ridiculement étroit ! C’est ce que le Président de la République appelle la nouvelle donne sociale.
Bien sûr, il ne s’agit pas de faire du contrat à durée indéterminée l’alpha et l’oméga d’une insertion réussie, mais c’est une étape essentielle, les jeunes bénéficiant dans l’entreprise de l’ensemble des outils de la formation : plan de formation, droit individuel à la formation, période de professionnalisation.
C’est en effet grâce aux outils de la formation au sens large que le rôle intégrateur du CDI sera renforcé et que le pacte intergénérationnel de l’entreprise sera conforté.
Je sais la représentation nationale très attachée à ce volet de la formation. Vos collègues députés l’ont montré lors de l’examen, en commission comme en séance publique, en renforçant l’engagement de l’entreprise d’accueil en vue de la mise en place d’un suivi des acquis du jeune salarié qui aura approfondi ses compétences. Nous aurons ici aussi à débattre de plusieurs amendements, déposés par des groupes de la majorité comme de l’opposition, sur la formation.
Sans attendre le passage en séance publique, votre commission a fait entrer dans le texte une mesure qui tend à préciser que les modalités d’intégration, d’accompagnement et d’accès des jeunes aux plans de formation doivent être étendues aux salariés âgés et aux référents, étant entendu que le référent n’est pas nécessairement le senior du binôme.
Cette disposition va dans le bon sens puisqu’elle tend à placer chacun des acteurs de l’accord « contrat de génération » dans la même dynamique.
En outre, vous le savez, nous avons souhaité ouvrir la possibilité pour un jeune au terme de son contrat d’apprentissage d’être recruté dans l’entreprise où il a été apprenti sous un contrat de génération en CDI. De même, nous avons souhaité rendre éligible au contrat de génération le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation, dès lors qu’il est également embauché en CDI.
En effet, loin de se concurrencer, comme certains ont pu le craindre, les contrats de génération et les contrats en alternance seront complémentaires et dessineront un dispositif gagnant-gagnant.
Ainsi, la dynamique du contrat génération consolidera le nombre de jeunes en alternance accueillis au sein de l’entreprise, mais elle confortera aussi la continuité du parcours des jeunes en augmentant le taux d’embauche directe à l’issue des contrats en alternance. Former, c’est bien, embaucher, c’est encore mieux !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. La dynamique globale créée au sein de l’entreprise en matière de transmission de savoirs et d’expérience contribuera aussi à la qualité du suivi du jeune, qui est un facteur de succès.
Le contrat de génération n’est certes pas un nouveau contrat en alternance, mais il emprunte à l’alternance la place accordée au tutorat, cette intermédiation indispensable pour transformer le travail productif en compétence. Ce sera le rôle du référent, qui ne doit pas être forcément le senior maintenu dans l’emploi, mais dont le rôle ressemblera, quoi qu’il en soit, à celui d’un tuteur ou d’un maître d’apprentissage.
Dans la panoplie des moyens disponibles pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat de génération tiendra donc une place de choix aux côtés des emplois d’avenir, dont le déploiement est en cours, et des mesures de développement de l’apprentissage que j’envisage pour atteindre l’objectif fixé par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi : faire progresser le nombre d’apprentis de moins de 430 000 aujourd’hui à quelque 500 000 en 2017.
À cette fin, nous travaillons à un développement accru de l’apprentissage au sein même des lycées professionnels, dans la fonction publique et dans certains secteurs où il n’est qu’au stade embryonnaire.
Une vaste concertation est d’ailleurs en cours sur la nécessaire réforme de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage, qui trouvera sa place dans un prochain projet de loi dédié et qui intégrera également la l’instauration du compte personnel de formation issu de l’accord signé par les partenaires sociaux le 11 janvier.
Enfin, la prochaine loi de décentralisation viendra renforcer les compétences des régions en matière de formation professionnelle.
Concernant la question de la qualification des jeunes, je rappelle que, dans le prolongement de la grande conférence sociale de juillet dernier, les présidents de conseils régionaux et les préfets de région ont été destinataires, voilà quelques semaines, d’un document cadre préconisant la mise en place de pactes régionaux pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes, qui établiront des objectifs conjoints et chiffrés de réduction du nombre de jeunes se trouvant sur le marché du travail sans qualification professionnelle.
Vous le voyez, nous ne négligeons aucun des leviers à actionner, aucune des opportunités que crée une discussion au Parlement. Ces leviers sont nombreux et divers, mais cohérents et complémentaires, et chaque projet de loi renforce la cohérence du dispositif.
La raison d’être de la formation professionnelle est de préparer l’avenir de notre pays et donc celui de notre jeunesse. Elle est de transmettre les compétences d’aujourd’hui d’une génération à l’autre et d’anticiper les compétences dont nous aurons besoin demain pour développer la compétitivité hors coût de notre économie, au service de l’emploi. Tel est l’enjeu du volet formation du projet de loi.
Je sais pouvoir compter sur votre engagement. Je suis convaincu que la Haute Assemblée saura parvenir à un consensus de même qualité que celui qu’a su trouver l’Assemblée nationale.
Le groupe UMP, par la voix de Mme Isabelle Debré, avait annoncé en commission que son groupe ne prendrait pas part au vote sur les 32 amendements alors discutés et s’abstiendrait sur le texte issu des travaux de la commission pour mieux s’expliquer en séance publique.
Expliquons-nous donc dans un esprit constructif, car il s’agit à la fois des entreprises et des femmes et des hommes qui aspirent à y entrer.
Mme Isabelle Debré. Comme toujours au Sénat, ce sera dans un esprit républicain !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je ne doute pas, dès lors, de la richesse de notre discussion et de son caractère constructif, tant sur les articles que sur la cinquantaine d’amendements déposés.
Ce texte est une opportunité majeure pour la réconciliation des générations et la fin d’une concurrence aussi forcenée qu’inopportune sur le marché du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, il m’appartient, en tant que rapporteure du présent projet de loi, de vous présenter la position de la commission des affaires sociales sur le contrat de génération.
MM. les ministres nous ont présenté leur projet de manière détaillée. Pour ma part, je commencerai par revenir sur un constat qui, malheureusement, ne fait l’objet d’aucune contestation : le chômage atteint un niveau inégalé dans notre pays…
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … et, de plus, il affecte les classes d’âge de manière inégale.
Permettez-moi de vous présenter quelques chiffres qui illustrent à eux seuls la nécessité de la bataille pour l’emploi que le Gouvernement a engagée. Le taux de chômage, qui est aujourd’hui supérieur à 10 % de la population active, s’élève à 25 % pour les 15-24 ans ; il atteint même, dans certains territoires, des pics à plus de 40 %.
Pour les seniors, il est seulement – si l’on peut dire – de 6,5 %, mais cette population a particulièrement souffert de la crise économique. En effet, le nombre de chômeurs de plus de cinquante ans inscrits à Pôle emploi a doublé depuis 2008. Or une fois qu’ils ont perdu leur emploi, il est quasiment impossible pour les seniors de se réinsérer sur le marché du travail. Mes chers collègues, nous avons tous rencontré certains des travailleurs dont a parlé M. le ministre du travail : ceux qui, en plus de perdre leur salaire, ont le sentiment terrible de ne plus servir à rien.
Ces chiffres démontrent à l’évidence la segmentation du marché du travail français. Celui-ci repose principalement sur l’emploi des 25-55 ans, dont le taux d’emploi était en 2011 de plus de 81 %, contre 77,6 % en moyenne dans l’Union européenne. À l’opposé, comme l’ont souligné les économistes et les sociologues que notre commission a auditionnés, les jeunes et les salariés âgés se trouvent bien souvent, pour un nombre trop important d’entre eux, dans une situation précaire.
C’est ainsi que le taux d’emploi des 15-24 ans plafonne à 30 %, soit quatre points de moins que la moyenne européenne, et celui des 55-64 ans à 41,5 %, soit six points de moins que la moyenne européenne. Même s’il faut tenir compte des spécificités françaises, un constat s’impose : le marché du travail français est organisé autour d’une génération et repose sur elle seule.
Je tiens à insister sur la situation des jeunes, qui rencontrent des difficultés grandissantes pour s’insérer sur le marché du travail. Les contrats de travail dits « atypiques », que pour ma part j’appelle plutôt « précaires », sont souvent leur seule opportunité. Les CDD, l’intérim et les stages représentent en France 55 % de l’emploi total des 15-24 ans, contre 40 % dans l’Union européenne. Et si, contrairement à une idée reçue, le temps partiel des jeunes est relativement peu répandu en France – 22,4 % de l’emploi total, contre 30 % en Europe –, un jeune en temps partiel sur deux subit une situation de sous-emploi qu’il n’a pas voulue.
Face à cette situation, le Gouvernement a agi sitôt entré en fonctions. Après avoir, dès l’été 2012, renforcé les moyens de Pôle emploi et augmenté le nombre des contrats aidés, il a mis en place des outils ciblés à destination des publics connaissant des difficultés spécifiques. C’est ainsi que les emplois d’avenir, dont nous avons approuvé la création à l’automne dernier, visent à offrir une première expérience professionnelle durable ainsi qu’une qualification aux jeunes sortis de la formation initiale sans diplôme, peu qualifiés et issus de territoires où la situation de l’emploi est très dégradée. Quant au projet de loi portant création du contrat de génération, il est destiné à apporter une réponse aux problèmes structurels du marché du travail français.
Avant le projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel – ANI – sur la sécurisation de l’emploi conclu le 11 janvier dernier, que nous examinerons au printemps prochain, le contrat de génération constitue, comme les économistes et les sociologues auditionnés nous l’ont confirmé, une innovation majeure pour la politique de l’emploi en France, et même en Europe.
Sur la base d’une idée novatrice et généreuse, celle de l’alliance des âges dans l’entreprise et de la préservation des savoirs et des compétences, le contrat de génération rompt avec le clivage entre jeunes et seniors ; il tire enfin un trait sur le postulat selon lequel la sortie anticipée des salariés âgés du marché du travail favoriserait mécaniquement l’emploi des jeunes.
Lors de la grande conférence sociale de juillet dernier, les partenaires sociaux ont souhaité se saisir du projet de contrat de génération. Il est donc logique que le présent projet de loi soit la transposition la plus fidèle possible de l’accord national signé à l’unanimité le 19 octobre dernier.
Si le Gouvernement a respecté cet accord, sans le dénaturer ni remettre en cause son équilibre général, le projet de loi tend à préciser certaines de ses stipulations. Par ailleurs, certaines autres n’ont pas été reprises dans le projet de loi initial, le plus souvent parce qu’elles sont clairement de nature réglementaire. Au total, ce projet de loi illustre le succès d’une méthode (M. Jean-François Husson s’exclame.) qui donne toutes ses chances au dialogue entre partenaires sociaux ; il témoigne du respect de leurs travaux.
Le contrat de génération et ses modalités d’application sont définis à l’article 1er du projet de loi. Le cœur du dispositif consiste à accorder une aide forfaitaire de 4 000 euros par an aux entreprises de moins de 300 salariés qui embaucheront en CDI et maintiendront en emploi un jeune de moins de 26 ans ou un jeune travailleur handicapé de moins de 30 ans, à la condition qu’elles maintiennent aussi en emploi un senior de plus de 57 ans, ou un travailleur handicapé de plus de 55 ans ou une personne embauchée de plus de 55 ans.
À propos de ce contrat, je tiens à dissiper deux malentendus. D’une part, le contrat de génération n’est pas un emploi aidé, contrairement aux emplois d’avenir : embauchés en CDI, ses bénéficiaires seront des salariés comme les autres et bénéficieront des mêmes droits que leurs collègues, notamment dans le cadre du plan de formation. (M. le ministre délégué acquiesce.) D’autre part, le contrat de génération n’est pas un contrat de formation en alternance.
Le contrat de génération prendra des formes différentes selon la taille des entreprises. Par pragmatisme et par souci d’efficacité, il a été décidé qu’aucune obligation spécifique ne serait imposée aux entreprises de moins de 50 salariés pour qu’elles puissent bénéficier de l’aide. Reste que l’État ne signera pas de chèques en blanc : les dispositions concernant l’éligibilité à l’aide, notamment en cas de licenciement d’un salarié, seront applicables à ces entreprises.
Je souligne que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’aide pourra également être versée lorsqu’un chef d’entreprise âgé d’au moins 57 ans embauchera un jeune de moins de 26 ans en vue de lui transmettre son entreprise. On ne peut que saluer cet aménagement du dispositif car nous savons tous à quel point les chefs de très petites entreprises et les artisans peinent à assurer leur succession quand vient pour eux l’heure de la retraite.
Les entreprises qui emploient entre 50 et 300 salariés ne pourront bénéficier de l’aide que si elles ont conclu un accord collectif d’entreprise « intergénérationnel » – pour reprendre la formulation de l’ANI – ou, à défaut, si un plan d’action a été arrêté par l’employeur. En cas d’absence d’accord collectif d’entreprise ou de plan d’action, ces entreprises pourront malgré tout bénéficier de l’aide si elles sont couvertes par un accord de branche étendu.
Dans tous les cas, l’accord collectif d’entreprise, l’accord de branche ou le plan d’action devront être précédés d’un diagnostic. Je vous signale qu’il s’agit d’une avancée par rapport aux accords seniors prévus en 2009, qui n’imposaient pas cette étape du diagnostic.
Les accords et les plans d’action comprendront trois parties : premièrement, des objectifs assortis d’indicateurs chiffrés et déclinés en trois volets – jeunes, travailleurs âgés, transmission des savoirs et des compétences ; deuxièmement, un échéancier des mesures prises sur trois ans maximum et les modalités de leur suivi ; troisièmement, les modalités de publicité de l’accord.
Quant aux entreprises et établissements publics industriels et commerciaux qui comptent plus de 300 salariés, ils n’auront pas droit à l’aide de 4 000 euros mais devront conclure un accord collectif d’entreprise ou élaborer un plan d’action ; dans les deux cas, le contenu du document devra répondre aux règles que je viens de présenter. L’absence de ces documents ou leur non-conformité aux dispositions légales sera sanctionnée par une pénalité, dont le montant ne pourra dépasser le plus élevé de ces deux plafonds : 1 % de la masse salariale ou 10 % des réductions de cotisations patronales.
Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, le projet de loi comporte six articles en plus de l’article 1er.
L’article 1er bis impose au Gouvernement de réaliser un rapport sur l’application du contrat de génération en outre-mer ; je reviendrai sur cette question dans quelques instants.
L’article 2 concerne l’articulation entre les accords sur le contrat de génération et les obligations de négociation triennale qui existent déjà sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC. Il prévoit que les accords sur la GPEC pourront intégrer le contrat de génération, s’ils sont conformes aux dispositions de l’article 1er.
L’article 3 supprime les accords seniors, qui s’accompagnaient d’une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les entreprises n’ayant pas conclu un accord ou, à défaut, élaboré un plan d’action. Dans la mesure où le projet de loi met en place une nouvelle négociation qui portera sur le maintien dans l’emploi des salariés âgés, il n’est pas nécessaire de laisser subsister cette mesure.
L’article 4 habilite le Gouvernement à adapter la loi par ordonnance pour la rendre applicable à Mayotte.
L’article 5 fixe les conditions d’entrée en vigueur du contrat de génération. Il prévoit que les entreprises disposeront de six mois pour négocier avant que la pénalité ne s’applique ; ce délai me semble raisonnable. En outre, dans les entreprises de moins de 50 salariés, les aides seront versées, de manière rétroactive, pour les embauches réalisées à compter du 1er janvier 2013. Enfin, pour ne pas pénaliser les jeunes de plus de 26 ans déjà présents dans les entreprises en CDD, en CTT ou dans le cadre d’une formation en alternance au moment de la promulgation de la loi, l’Assemblée nationale a prévu que leur recrutement en CDI pourrait avoir lieu dans le cadre du contrat de génération.
L’article 5 bis autorise l’ouverture pendant trois ans d’un examen professionnel permettant aux contrôleurs du travail d’accéder au corps de l’inspection du travail ; je n’insiste pas sur cette mesure, dont M. le ministre a longuement parlé.
Enfin, l’article 6 prévoit la réalisation d’un rapport annuel sur la mise en œuvre du contrat de génération.
Pour terminer, je vais vous présenter les modifications que la commission des affaires sociales a apportées au projet de loi, avec le souci de respecter son équilibre dans le cadre fixé par l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012.
Tout d’abord, la commission a souhaité renforcer le dialogue social dans l’entreprise en limitant la possibilité pour l’employeur de recourir au plan d’action unilatéral. Nous proposons que le procès-verbal de désaccord soit signé avec les délégués syndicaux, s’il y en a dans l’entreprise, ou avec les membres des institutions représentatives du personnel, les IRP, c’est-à-dire les délégués du personnel et les membres élus au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel, si des négociations ont été engagées avec eux, dans le cadre dérogatoire prévu par le code du travail. Autrement dit, dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux mais dotées d’IRP, l’employeur ne pourra élaborer un plan d’action unilatéral qu’après avoir épuisé la voie de la négociation avec les représentants des salariés.
Ensuite, notre commission a renforcé le contenu des accords et des plans d’action du contrat de génération sur quatre points.
Premièrement, comme M. le ministre Repentin l’a souligné, une attention particulière devra être accordée dans les accords et dans les plans d’action à la formation des référents chargés de la transmission des savoirs et des compétences, ainsi qu’à la formation des salariés âgés, notamment ceux de plus de 45 ans faiblement qualifiés. (M. le ministre délégué acquiesce.) En effet, si les plans de formation des entreprises s’adressent en théorie à l’ensemble des salariés, nous savons tous que les actions de formation ne bénéficient pas toujours, tant s’en faut, à ceux qui en auraient le plus besoin.
Deuxièmement, les accords et plans d’action doivent évaluer la mise en œuvre des accords seniors de 2009, dans le cadre du diagnostic obligatoire prévu par la loi. Sur l’initiative de notre collègue Jean Desessard (M. André Gattolin applaudit.),…
Mme Nathalie Goulet. Excellent collègue !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … en effet, de notre excellent collègue Jean Desessard (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.), il nous a semblé nécessaire d’inscrire la négociation du contrat de génération dans le sillage des accords seniors. Nous ne voulions pas refaire le travail qui avait déjà été réalisé.
Troisièmement, les accords et les plans assureront la réalisation des objectifs de lutte contre les discriminations à l’embauche, mais aussi, car c’est également une réalité, durant le déroulement de carrière des salariés. Je pense, en particulier, aux femmes dans les entreprises qui, on le voit bien, pour des raisons extérieures et propres à leur statut de femme,…
Mme Nathalie Goulet. Chut ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … ne peuvent pas avoir les mêmes plans de carrière que les hommes.
Enfin, ces documents traiteront obligatoirement de l’amélioration des conditions de travail et de la prévention de la pénibilité.
L’Assemblée nationale avait introduit une négociation obligatoire sur le thème plus restreint des conditions d’emploi et de travail des salariés âgés, ce qui constituait déjà une avancée. Constatant que les accords seniors de 2009 avaient peu traité la question des conditions de travail, la commission des affaires sociales du Sénat a souhaité maintenir cette obligation et reprendre fidèlement les termes mêmes de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012.
La commission a ensuite clarifié les conditions d’éligibilité à l’aide financière de l’État afin de donner toutes ses chances au lancement du dispositif dès le mois de mars.
Ainsi, pour la catégorie de postes sur laquelle est prévue l’embauche, l’aide sera interdite si l’entreprise a procédé, au cours des six derniers mois, à un licenciement économique.
En revanche, pour le poste sur lequel est prévue l’embauche, les règles seront plus sévères. L’aide ne pourra être accordée si l’employeur a procédé à une rupture conventionnelle homologuée, ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde, ou l’inaptitude.
Dans le même esprit, le versement d’une aide sera interrompu quand un salarié âgé, qui ne fait pas partie du binôme « contrat de génération », est licencié pour un motif autre que la faute grave ou lourde, ou l’inaptitude.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’une mesure de coordination par rapport aux règles applicables aux licenciements des salariés appartenant aux binômes « contrat de génération ».
Dans un souci de cohérence du projet de loi, la commission des affaires sociales a supprimé l’article 1er bis, relatif à l’information du Parlement sur l’application du contrat de génération dans les départements et régions d’outre-mer, et a décidé d’intégrer ses dispositions à l’article 6.
Dans le rapport annuel unique demandé au Gouvernement à cet article, la commission des affaires sociales a également souhaité qu’une réflexion soit engagée, trois ans après la promulgation de la loi, sur l’opportunité de modifier les bornes d’âge pour bénéficier du contrat de génération et d’instaurer une pénalité à l’encontre des entreprises de 50 à 300 salariés non couvertes par un accord d’entreprise ou par un plan d’action.
Enfin, la commission des affaires sociales a supprimé un dispositif d’aide à l’emploi des seniors créé par la loi de 2010 portant réforme des retraites et qui n’a jamais été mis en œuvre, faute de décret d’application.
Mes chers collègues, alors que notre pays traverse une crise majeure, il est nécessaire d’actionner tous les leviers et de mobiliser toutes les énergies. Le contrat de génération est un outil pour endiguer le fléau du chômage, mais il va au-delà. Il rassemble dans l’entreprise les jeunes et les âgés.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il permet la transmission des compétences et des savoir-faire. Je vous invite donc, mes chers collègues, quelles que soient vos sensibilités politiques, à soutenir ce projet de loi, que la commission des affaires sociales a enrichi dans le respect de l’accord signé par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je salue l’élégance de notre collègue Jean Desessard, qui permet à Mme Isabelle Debré de s’exprimer avant lui. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Décidément, c’est l’homme du jour ! (Sourires.)
M. le président. La parole est donc à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier Jean Desessard de sa courtoisie, connue et reconnue de tous dans cet hémicycle ! (Exclamations amusées et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.) C’est la deuxième fois qu’il cède sa place, et, qui plus est, à une femme ! Et après, on dit que le Sénat est machiste !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cela dépend quand…
Mme Isabelle Debré. Je n’en ai jamais souffert !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Moi si !
Mme Isabelle Debré. Neuf mois après l’élection de François Hollande, notre assemblée est saisie du projet de loi portant création du contrat de génération, mesure phare du candidat socialiste pendant la campagne présidentielle, tout comme les emplois d’avenir, pour combattre le fléau du chômage.
Il s’agissait très précisément de l’engagement n° 33, selon lequel François Hollande proposait un « contrat de génération » aménageant un tutorat entre un jeune et un salarié plus expérimenté, qui serait ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Ce tutorat avait pour objet « de préserver des savoir-faire et d’intégrer durablement les jeunes dans la vie professionnelle ».
Je vous rappelle que ce projet avait été fortement critiqué durant la campagne des primaires socialistes par diverses personnalités.
Un sénateur du groupe socialiste. Pas toutes !
Mme Isabelle Debré. Laurent Fabius, futur ministre des affaires étrangères, voyait dans cette mesure une « nouvelle niche fiscale ».
M. Philippe Bas. Il avait raison !
Mme Isabelle Debré. Martine Aubry déplorait une « mesure coûteuse », ses effets d’aubaine et rappelait, pour l’avoir tentée, que « cela ne marchait pas ».
M. Philippe Bas. Exactement !
Mme Isabelle Debré. Je citerai encore les propos de Ségolène Royal…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. C’est qui ?
Mme Isabelle Debré. … sur l’efficacité du dispositif : « Si une entreprise peut recruter un jeune en CDI, c’est parce qu’elle a un carnet de commandes qui le lui permet, pas parce qu’on lui accorde une exonération de charges – devenue une aide financière dans le projet de loi –. On peut l’expérimenter dans quelques entreprises, mais c’est une mesure très couteuse qui ne correspond pas à leur dynamique économique ».
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Je ne suis pas sûre que Laurent Fabius appréciera…
Les défauts du contrat de génération avaient donc été soulignés.
M. Roland Courteau. Tout le monde peut se tromper !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les contrats de génération coûteront moins cher que les exonérations sociales !
Mme Isabelle Debré. Cependant, probablement pour des raisons électorales, voilà que nous est aujourd’hui présenté ce nouveau projet de loi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Une sénatrice du groupe socialiste. Les Français ont voté !
M. Jean Desessard. Les élections sont passées !
Mme Isabelle Debré. Oui, mais certaines sont à venir !
Quelques mois plus tard, où en sommes-nous ?
Première constatation : les contrats de génération s’écartent considérablement du projet initial. Loin de reposer sur un tutorat, comme le prévoyait l’engagement n° 33, le contrat de génération laisse une liberté très large à l’entreprise pour organiser l’accompagnement du jeune embauché.
Il a d’ailleurs fallu que l’Assemblée nationale précise les modalités de cet accompagnement, le projet de loi initial étant muet sur ce point.
Au final, l’accompagnement pourra se faire par un référent, et rien n’oblige à ce que le référent soit le senior du binôme,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Heureusement !
Mme Isabelle Debré. … les amendements qui allaient en ce sens ayant été rejetés.
Où est passé le lien intergénérationnel que l’on voulait promouvoir dans les entreprises ? Pourquoi créer un binôme si en finalité rien ne rapproche le jeune du senior ? Ce dernier n’est-il pas là pour transmettre au jeune son expérience, son savoir-faire, comme le voulait le candidat socialiste ?
À part le versement de l’aide à l’entreprise, rien ne lie les deux salariés concernés par ce contrat dit « de génération », qui finalement n’en est pas un.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. C’est pourtant ce qui faisait l’originalité de ce contrat.
La deuxième constatation concerne la portée du texte. Le contrat de génération est loin de pouvoir créer le nombre d’emplois annoncés. Le Gouvernement communique sur la création de 500 000 emplois en cinq ans, en contradiction avec toutes les prévisions des économistes !
L’Observatoire français des conjonctures économiques – l’OFCE –, notamment, estime que le contrat de génération ne créerait qu’entre 50 000 et 100 000 emplois nets sur l’ensemble du quinquennat…
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas possible ! C’est la police qui dit ça ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. … et que la plupart d’entre eux reposeront sur un effet d’aubaine, c’est-à-dire qu’ils auraient été créés de toute façon.
Je remarque, à cet égard, que le projet de loi exclut les moins de cinquante-cinq ans du dispositif. Pourquoi, monsieur le ministre, fixer cette borne d’âge ? Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, le taux de chômage des plus de cinquante ans a augmenté de près de 16 % sur un an.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il faut savoir si la mesure créera des emplois ou pas !
Mme Isabelle Debré. Il semblerait légitime de les inclure dans le dispositif, ce que nous, parlementaires, ne pouvons faire sans nous exposer au couperet de l’article 40 de la Constitution.
Monsieur le ministre, le Gouvernement fait fausse route.
Un sénateur du groupe UMP. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. On verra !
Mme Isabelle Debré. En effet, il ne suffit pas de créer de nouveaux dispositifs d’aide ni de brandir la menace de pénalités financières pour assurer des créations massives d’emploi.
M. Roland Courteau. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?
Mme Isabelle Debré. C’est le développement de l’activité, soutenue par un environnement juridique et fiscal stable, favorable à l’investissement, et la baisse du coût du travail, qui crée des emplois. Or, votre gouvernement a multiplié les charges des entreprises ces derniers mois et augmenté les impôts des classes moyennes, méconnaissant ainsi la réalité du terrain des entreprises face à la situation économique qui se dégrade.
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Isabelle Debré. Plus précisément, concernant le contrat de génération, dans le contexte économique actuel très incertain, l’aide financière qui lui est attachée ne semble pas déterminante pour enclencher une décision d’embauche non prévue par l’entreprise.
Comme nombre de mes collègues, je pense que l’emploi ne se décrète pas.
M. Ronan Kerdraon. L’aide financière le facilite !
Mme Isabelle Debré. Quant aux engagements pris par accords collectifs, ils sont inutilement contraignants pour nos entreprises. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.) Nos discussions avec les partenaires sociaux sont révélatrices : ils ne jugent pas tenables les engagements qui seront pris, compte tenu de la conjoncture.
Selon une enquête de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, l’ANDRH, une majorité de directeurs des ressources humaines affirment que leur entreprise ne s’engagera pas fermement dans des objectifs chiffrés de recrutement et/ou de maintien dans l’emploi.
Par ailleurs, la procédure de validation du plan d’accord collectif, de groupe ou de branche, est lourde et compliquée alors que les entreprises ont besoin de règles lisibles : réalisation d’un diagnostic, négociation, validation par l’autorité administrative... En cas de désaccord, la procédure est encore plus longue.
Vous introduisez de la complexité dans la gestion des ressources humaines et vous créez des effets de seuil nuisant au développement des entreprises qui redoutent de subir de nouvelles contraintes légales.
En effet, le projet de loi crée une rupture d’égalité entre les entreprises en exposant à des sanctions celles qui comptent plus de 300 salariés.
Pourquoi faire preuve de tant de défiance à l’égard des entreprises de taille intermédiaire et des grandes entreprises ?
Non seulement elles ne bénéficient pas de l’aide à l’embauche, mais elles sont susceptibles d’être sanctionnées dès le 30 septembre prochain si elles ne déposent pas un accord ou un plan d’action devant l’autorité administrative !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. Je pense qu’il faudrait au moins laisser plus de temps aux entreprises. C’est pourquoi je présenterai un amendement en ce sens.
Le climat de défiance dans lequel évoluent les grandes entreprises en France est un frein à leur développement, voire à leur maintien, sur notre territoire.
M. Gérard Longuet. Très juste, hélas !
Mme Isabelle Debré. Il aurait été plus logique et plus sain de ne viser que les entreprises de moins de 300 salariés sans sanctionner les autres.
Il serait intéressant, d’ailleurs, mes chers collègues, de recenser toutes les sanctions encourues par les entreprises dans leur vie quotidienne.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il serait surtout intéressant de recenser toutes les exonérations dont elles bénéficient !
Mme Isabelle Debré. Vous allez en ajouter une nouvelle, ce qui n’est guère surprenant de la part d’un gouvernement dont certains ministres manifestent une véritable défiance à l’encontre des chefs d’entreprise, allant même parfois jusqu’à les invectiver ! (Eh oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Autre point important de désaccord avec votre projet, vous nous présentez un texte dont le financement n’est même pas assuré.
Le contrat de génération coûtera annuellement 1 milliard d’euros.
Selon vos déclarations, le contrat de génération sera intégré au pacte de compétitivité et financé dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, grâce aux économies sur les dépenses publiques. Sur quels postes, monsieur le ministre, les économies porteront-elles ?
Vous savez communiquer sur le nombre d’emplois susceptibles d’être engendrés par les emplois d’avenir et les contrats de génération, mais pourquoi ne pas communiquer aussi sur leur financement ?
Au lieu de concentrer les efforts financiers de l’État sur de nouveaux dispositifs qui, on le sait, n’atteindront pas leurs objectifs, le Gouvernement devrait plutôt renforcer les contrats existants.
Ainsi, alors que 1 milliard d’euros par an sera destiné au contrat de génération, le budget dédié à l’apprentissage ne représentera dans le même temps que 838 millions d’euros. L’apprentissage, l’alternance sont des dispositifs qui fonctionnent, dont vous devriez promouvoir le développement (Mme Gisèle Printz s’exclame.), n’est-ce pas, monsieur Repentin ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est ce qui va être fait !
Mme Isabelle Debré. Dernier grief et non le moindre : le Gouvernement nous présente ce projet de loi en procédure accélérée, malgré l’importance du sujet. Pourtant, au mois de juillet, monsieur le ministre du travail, vous déclariez vouloir laisser aux partenaires sociaux et au Parlement tout le temps dont ils auraient besoin pour effectuer un examen approfondi de vos propositions. Pourquoi ce changement ? Le mécontentement de l’opinion publique en est-il la cause ?
Procédure accélérée, donc. Mais mieux encore, nos collègues députés ont examiné le texte en commission le jour même de sa présentation en conseil des ministres. D’où le dépôt de deux motions en séance, qui furent bien sûr rejetées.
De même, est-il normal, messieurs les ministres, que nous ayons, en tant que membres de la commission des affaires sociales du Sénat, pris connaissance du rapport de Mme Demontès le lendemain de votre audition ? Je ne le pense pas.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cela prouve que nous travaillons vite et bien !
M. Roland Courteau. Et même très bien !
Mme Isabelle Debré. Il est vrai que Mme Demontès travaille très rapidement jour et nuit, mais cela est quand même tout à fait surprenant. Et même si je suis très admirative de l’efficacité de Mme le rapporteur, cela m’apparaît comme un manque de respect. C’est profondément regrettable, surtout sur un sujet d’une telle importance.
M. Ronan Kerdraon. Il y a eu d’autres exemples dans le passé !
Mme Isabelle Debré. Je déplore donc que, depuis le début de la législature, le rôle du Parlement se réduise à enregistrer l’action gouvernementale.
M. Ronan Kerdraon. C’est vous qui dites ça ?
Mme Isabelle Debré. Quant au rôle des partenaires sociaux, nous ne remettons nullement en cause la valeur de leur travail.
M. Roland Courteau. Quand même !
Mme Isabelle Debré. Tout à fait ! L’accord national interprofessionnel à l’origine de ce projet de loi a été adopté à l’unanimité, le 19 octobre dernier. Je salue ce dialogue social fructueux, rendu possible grâce à la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.), votée par la précédente majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Et grâce à la volonté du gouvernement actuel !
Mme Isabelle Debré. Il revient maintenant au Parlement de se prononcer sur le bien-fondé d’un tel texte, ce que nous faisons aujourd’hui.
Le groupe de l’UMP, dans sa majorité, ne votera pas ce texte. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) En effet, nous le considérons comme une perte de temps et d’argent public dans la lutte contre le chômage.
Pour autant, puisque l’adoption de ce texte est inévitable étant donné la représentation des courants politiques au sein du Parlement, nous déposerons des amendements.
M. Charles Revet. Bien sûr !
Mme Isabelle Debré. Nous tenterons ainsi de revenir sur certaines dispositions introduites à l’Assemblée nationale, qui complexifient encore le dispositif et sont en contradiction avec l’accord signé par les partenaires sociaux.
Par notre vote, nous voulons dénoncer une loi d’affichage, un dispositif coûteux et inefficace (Mme Nathalie Goulet s’exclame.), une perte de moyens et de temps alors qu’il est urgent de s’attaquer aux vrais problèmes, comme le gouvernement précédent avait commencé à le faire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Roland Courteau. On ne s’en était pas aperçu !
M. Alain Néri. Je rêve !
Mme Isabelle Debré. … sur des dossiers cruciaux pour notre économie : aide à la recherche et à l’innovation, flexibilité,…
M. Alain Néri. Houlà !
M. Ronan Kerdraon. On n’a pas la même liste !
Mme Isabelle Debré. … réduction des dépenses publiques,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ah bon ?
Mme Isabelle Debré. … réforme de la formation initiale et professionnelle,...
M. Alain Néri. Avec quel succès !
Mme Isabelle Debré. … TVA anti-délocalisation,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le bouclier fiscal ! La loi TEPA !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La réforme des retraites !
Mme Isabelle Debré. … mesures incontournables pour améliorer la compétitivité de nos entreprises et lutter contre le fléau du chômage.
M. Alain Néri. On s’en est rendu compte !
Mme Isabelle Debré. Notre pays a besoin de réformes d’ampleur et d’une maîtrise des dépenses publiques, et non d’une multiplication d’initiatives hasardeuses. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mmes Chantal Jouanno et Sylvie Goy-Chavent applaudissent également.)
(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été souligné à plusieurs reprises et le sera encore au cours de nos débats, le taux d’emploi des jeunes et celui des seniors restent faibles en France, notamment en comparaison de ceux qui sont constatés chez nos voisins européens.
Autrement dit, on ne trouverait dans nos entreprises que des plus de 25 ans – voire de 30 ans – et des moins de 55 ans – voire de 50 ans. L’ensemble de l’activité des entreprises reposerait donc sur une part réduite de la population active.
Outre les conséquences pour les personnes et pour notre société, cet état de fait traduit une vision très « court-termiste ».
Pour l’entreprise, d’abord : comment penser la pérennisation d’une entreprise, d’une activité, sans penser le renouvellement générationnel et le transfert de compétences ?
Pour la société, ensuite : comment envisager la pérennité des systèmes de cohésion et de solidarité nationale sans permettre aux jeunes adultes de construire leur vie d’adulte ?
Est-ce la course généralisée au jeunisme qui, paradoxalement, nous conduit à « infantiliser » les jeunes adultes en les cantonnant aux emplois précaires, aux CDD, intérim et stages (M. André Trillard s’exclame.), si bien que l’âge moyen d’accès au premier emploi stable est de 28 ans ?
Est-ce cette même course au jeunisme qui nous conduit à « socialiser » le coût de la sortie prématurée des salariés plus âgés de l’entreprise et de l’emploi, pesant dès lors davantage sur les comptes sociaux ?
Le contrat de génération invite ici à un changement de regard et d’attitude. Il encourage une réconciliation générationnelle au sein de l’entreprise, une mise en perspective des projets de l’entreprise avec la politique de formation et de ressources humaines et des recrutements sur des emplois stables. Ce sont trois faits saillants du contrat de génération que je voudrais développer.
Le contrat de génération est une opportunité de réconciliation générationnelle au sein de l’entreprise.
Combien de salariés âgés constatent, au moment de prendre leur retraite, qu’ils ne seront pas remplacés ? Est-ce à dire qu’ils étaient inutiles à l’entreprise ? Est-ce à dire que l’expérience acquise en termes tant de savoir-faire que de savoir-être n’a pas d’intérêt ?
Nous souffrons des pertes de savoir-faire associées au déficit d’anticipation des départs à la retraite. Nous souffrons d’une politique encourageant à pousser dehors les salariés âgés trop chers, moins « dociles » et moins « malléables » (M. André Trillard s’exclame.), trop exigeants, encouragés en cela par les dispositifs de préretraite.
Les représentations sociales négatives à l’égard des salariés âgés ont la vie dure. Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications publiait en 2011 les travaux d’Isabelle Faurie sur le vieillissement et l’emploi. Que nous apprenaient les enquêtes menées auprès des recruteurs ?
Il y a tout d’abord le discours officiel : « Sur les treize entreprises interrogées, toutes exposent un discours d’égalité des chances et se gardent d’une quelconque mise à l’écart des seniors à l’embauche. »
Il y a ensuite le discours tenu pendant les entretiens. « Ce n’est pas un critère euh qu’on retient ou qu’on écarte de nos recrutements » (entreprise P, secteur transport). « On n’est pas fermé sur les seniors... les seniors ne nous dérangent pas » (entreprise S, secteur construction). On voit le ton !
« On n’a aucune euh… on ne refuse pas du tout les seniors. On n’a pas du tout une politique avec des tranches d’âge à sélectionner. C’est vrai qu’il y a beaucoup plus de jeunes qui se présentent...» (entreprise I, secteur finance et assurances). On voit très bien où se situe le problème.
Et les actes ?
« Cependant, toutes [les entreprises] constatent que, dans les faits, la très grande majorité des recrutements concerne des salariés de moins de 50 ans. L’embauche d’un senior fait […] figure d’exception ».
Voici d’autres extraits des entretiens : « Je crois qu’il nous est arrivé d’embaucher un chauffeur qui avait 50 ans » (entreprise C, secteur transport). « J’ai recruté il y a deux ans un senior, euh, je dirais, de manière provocatrice, qu’il fait un peu “tâche”... il faudrait qu’on en recrute plus » (entreprise O, secteur finance et assurances).
Toujours dans l’enquête de Mme Faurie, voici ce qu’on peut également lire : « À quelques mois de l’obligation de signer un accord, rares sont les engagements chiffrés sur l’augmentation de la part des plus de 50 ans dans les recrutements. Une seule entreprise (entreprise O, secteur finance et assurance) a fixé un accord chiffré sur le recrutement des seniors et signé une charte contre l’exclusion. »
Voilà qui devrait tempérer la confiance de Mme Debré dans les entreprises !
Les seniors ont pourtant un rôle essentiel dans la transmission des savoirs, qu’il s’agisse de savoirs pratiques ou de savoir-être. Tout au long de leur carrière, ils ont acquis de l’expérience et ont appris à repérer les enjeux stratégiques leur permettant d’éviter les erreurs et les « pièges ».
M. le ministre de l’emploi se souvient sans doute de l’exemple donné par ma collègue Mme Blandin lors de son audition par le groupe écologiste : il concernait les anciens agents de la SNCF aujourd’hui à la retraite que l’on sollicite, à partir des archives des registres du personnel, pour venir apprendre à leurs successeurs comment réparer les ponts SNCF à cause d’une visserie spécifique.
Pour employer les termes usités par le « milieu » des ressources humaines, une gestion active des âges au travail est toujours nécessaire.
En privilégiant le transfert de compétences, le contrat de génération participe à relever ce défi essentiel pour l’entreprise, celui de sa pérennisation.
Le contrat de génération est également une opportunité pour l’entreprise de « penser » son avenir, sa stratégie de développement, ses besoins en ressources humaines, des notions qui doivent parler aux entrepreneurs.
L’obligation donnée de traduire dans un accord ou un plan d’action l’anticipation des évolutions de métiers, le renouvellement générationnel et la présence de toutes les générations dans l’entreprise est donc un gage de pérennisation – et non pas une contrainte, je le dis à Mme Debré – et inscrit l’entreprise dans une perspective de long terme où l’on pense moins rentabilité immédiate que pérennité.
L’ouverture du dispositif aux entrepreneurs individuels, dans un souci de transmission des entreprises est, à cet égard, intéressante et peut aider les TPE de l’artisanat ou du commerce ayant du personnel et les PME ayant moins de cinquante salariés, celles qui ont le plus de difficulté à transmettre du fait des compétences variées requises pour le repreneur.
Si, avec le contrat de génération, le senior ne doit plus être un poids, qu’en est-il du jeune adulte ?
Le contrat de génération se présente comme perspective d’emploi stable et d’intégration à l’entreprise pour les jeunes adultes. En affichant des objectifs d’embauche en CDI – j’y insiste tant cela est devenu rare – et sur du temps plein – j’y insiste également –,…
M. Jean Desessard. … le contrat de génération positionne les jeunes comme des salariés à part entière de l’entreprise. Mais c’est aussi et surtout un statut dans la population active et la société.
Comme l’a dit Mme la rapporteur, CDD, intérim ou stages représentent 55 % de l’emploi des 15-24 ans. Or la structure de la société offre-t-elle la possibilité de construire sa vie quand on est en contrat précaire ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Non !
M. Jean Desessard. À toute agence immobilière ou propriétaire privé, il faut aujourd’hui présenter un CDI, un revenu net représentant trois à quatre fois le loyer, un garant. Ajouté aux certificats divers et variés, ce ne sont plus des dossiers de location qu’on présente mais l’étalage de tous les détails de sa vie… C’est parfois pire qu’un entretien d’embauche !
Tout le monde en souffre évidemment. Mais cette situation concerne davantage les jeunes alors qu’ils aspirent à accéder à leur premier logement autonome, à faire leurs premiers investissements et à construire leur vie privée.
Dans d’autres pays, on s’assure simplement que vous êtes solvables !
Alors, à défaut d’un changement structurel, se donner pour objectif le recrutement en CDI est une nécessité. C’est pourquoi, sans surprise, monsieur le ministre, je vous annonce que le groupe écologiste, à l’unanimité, approuve la création du contrat de génération. (M. Jackie Pierre s’exclame.)
Toutefois (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.), j’ai quelques petits questionnements.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était trop beau !
M. Jean Desessard. Le contrat de génération peut-il être créateur d’emploi de façon collective ?
La précarisation croissante de l’emploi ne risque-t-elle pas de limiter les effets bénéfiques du contrat de génération ?
Résolvons-nous l’ensemble des problèmes d’emploi des seniors ?
Je disais tout à l’heure que le contrat de génération était une opportunité pour une « réconciliation » intergénérationnelle dans l’entreprise. Mais il ne faudrait pas que cette opportunité tourne à la guerre des générations par un jeu de chaises musicales.
Cette crainte est justifiée par le fait que, à conjoncture économique égale, nous risquons d’assister à un transfert entre « catégories d’âge » : aujourd’hui, les jeunes et les seniors sont privilégiés au détriment des « intermédiaires », mais demain ce sera peut-être l’inverse… Tel n'est pas l'objectif.
Il faut éviter les effets d'aubaine ; réserver le dispositif aux PME et aux TPE y contribue. Pour autant, sommes-nous vraiment à l'abri de ces effets, qui sont évalués à 65 % ? Profiteront donc du dispositif des entreprises qui, aide financière ou pas, auraient embauché sur des postes existants.
Le contrat de génération peut-il alors contribuer à créer de l’emploi par une spirale positive, nous évitant le jeu de chaises musicales entre générations ? Sur ce sujet, j'attends beaucoup du débat que nous allons avoir.
En commission, madame la rapporteur, vous avez cité l’exemple finlandais, qui montrerait que des mesures similaires au contrat de génération ont eu un effet catalyseur et accélérateur, notamment parce qu’elles mettent l’accent sur l’emploi des seniors.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Nous en débattrons, cher collègue ! À l’occasion de l’examen de ce texte, j’aimerais que cette question puisse être affinée afin de compléter les dispositions de nos politiques sociale et économique.
Concernant les jeunes adultes, si le contrat de génération leur offre des perspectives d’intégration, nous devons aussi prendre conscience de l'ensemble des difficultés qu’ils rencontrent et, par conséquent, nous atteler à la place des jeunes dans l’entreprise, et notamment à la problématique des stages.
Il faudrait ici pointer les stratégies de « gestion des ressources humaines ».
Pourquoi les jeunes adultes ont-ils tant de difficultés à trouver des emplois stables ? C’est parce qu’on trouve toujours le moyen d’embaucher une personne sous un statut plus précaire pour effectuer les mêmes tâches.
Ces « invisibles » des entreprises servent à limiter les embauches, dans cette optique « court-termiste » qui devient la règle. Oui, mes chers collègues, je me méfie des entreprises et de leur politique d'embauche !
L’augmentation exponentielle du nombre de stagiaires ces dernières années est venue faciliter la déstructuration du marché de l’emploi et le blocage de l’évolution salariale.
À la fois variable d’ajustement et main-d’œuvre docile, sous-payée, sans droits et invisible, les stagiaires sont mis en concurrence avec les autres employés, particulièrement avec les plus précarisés.
Passant du CCD à l’intérim puis au stagiaire, certaines entreprises s’ajustent au plus près, tout en profitant des contrats aidés et autres exonérations.
S’il apparaît toujours difficile d’agir contre la mise en concurrence mondiale, un encadrement plus strict des stages permettrait d’agir sur la mise en concurrence locale.
La recherche de la réduction du coût du travail pousse à une segmentation de la société qui est déjà à l’œuvre : deux tiers des personnes ont un emploi sécurisé, tandis qu’un tiers est dans la prise de risque permanente, entre CDD et sous-emploi.
Le contrat de génération ouvre une fenêtre d’opportunité pour rétablir l’équilibre, mais il doit être accompagné d’autres mesures d’encadrement. Les objectifs d’embauche en CDI ne doivent pas masquer un recours massif à d’autres contrats précaires.
Enfin, il a été introduit dans le texte la possibilité d’embaucher un senior. C’est un point positif, mais, comme le montraient les déclarations des employeurs auxquelles j’ai précédemment fait allusion, on part de très loin.
Si les chiffres nous confirment que le taux d’emploi des seniors progresse régulièrement depuis le début des années 2000, le décrochage à l’âge de 56-57 ans reste important, et ce alors même que l’âge de la retraite a été repoussé.
Malgré ce report de l’âge de la retraite, malgré la suppression, depuis le 1er janvier 2012, de la dispense de recherche d’emploi, 1 million de seniors pointent au chômage, et pour 438 jours en moyenne, soit deux fois plus longtemps que l’ensemble des demandeurs d’emploi ! En fin de droits, sans avoir atteint l’âge repoussé de la retraite, ces seniors se retrouvent aux minima sociaux et tombent dans la pauvreté.
M. le Premier ministre a annoncé le rétablissement partiel de l’AER, l’allocation équivalent retraite,…
M. Alain Néri. C’est une bonne chose !
M. Jean Desessard. Effectivement !
… mais en le conditionnant au fait d’avoir été inscrit comme demandeur d’emploi avant le 31 décembre 2010. C’est dommage !
M. Alain Néri. Ça peut s’améliorer !
M. Jean Desessard. Cette condition restreint trop l’accès à l’AER, qui concerne pourtant un faible nombre de personnes. L’étendre à tous ceux et celles qui auraient pu y prétendre serait la moindre des choses.
En conclusion, malgré les observations que je viens de faire et le risque que ce dispositif soit considéré comme la solution à tout, nous soutenons le contrat de génération.
M. Alain Néri. C’est du bon sens !
M. Jean Desessard. L’idée sous-tendue du lien entre tous les salariés d’une même entreprise et de la promotion de l’intergénérationnel s’inscrit dans une vision profondément moderne de l’entreprise, celle d’une entreprise citoyenne, garante d’un développement durable. À nous de transformer cette idée prometteuse en création d'emplois pour atteindre notre objectif commun : un emploi pour toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, comme cela a été précisé tout à l’heure, nous allons maintenant interrompre cette discussion générale pour aborder le débat préalable à la réunion du Conseil européen, et nous la reprendrons à vingt-deux heures trente.
11
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013
questions-réponses
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, sous forme de questions-réponses, préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes.
La conférence des présidents a décidé que la première question serait posée par le président de la commission des affaires européennes.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement, en la personne de Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, d’avoir accepté ce débat.
Le débat préalable au Conseil européen est devenu une obligation coutumière avant les réunions ordinaires du Conseil européen, deux fois par semestre. Toutefois, après-demain, ce sera une réunion extraordinaire, qui n’entraîne donc pas d’obligation, et cela dans une semaine d’initiative gouvernementale.
Je m’étais permis d’insister pour que ce débat ait lieu malgré tout, car le point principal de l’ordre du jour, c’est le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour 2014–2020. Les grandes masses du budget européen vont être précisées pour sept ans – cette discussion ne se tient donc qu’une fois tous les sept ans –, même si le Parlement européen aura ensuite son mot à dire.
L’enjeu des négociations, pour ces sept années, est de l’ordre de 1 000 milliards d’euros : ce n’est pas rien, même si, dans l’absolu, le budget européen reste modeste, environ 1 % du PIB, pour une Union qui compte plus de 500 millions d’habitants.
Il est courageux de la part du Gouvernement d’avoir accepté ce débat, car ces négociations, qui sont toujours difficiles, s’annoncent particulièrement tendues dans la période de crise que nous traversons. Il en sera ainsi tant que le budget européen reposera, pour l’essentiel, sur des prélèvements opérés sur les budgets nationaux. Il n’est pas aisé de demander aux États membres de limiter les déficits budgétaires et, en même temps, de contribuer davantage au budget européen.
Ma question portera sur la politique de cohésion, qui a fait l’objet de plusieurs interventions de la commission des affaires européennes du Sénat. Notre assemblée est attachée à cette politique, qui a été particulièrement mise en relief par le traité de Lisbonne, dans lequel la cohésion territoriale a été inscrite parmi les grands objectifs de l’Union.
La politique de cohésion concrétise la solidarité européenne. Elle soutient l’activité, ce qui est singulièrement nécessaire aujourd’hui, et elle est un levier sans lequel, à mon avis, il ne resterait plus grand-chose de notre politique d’aménagement du territoire.
C’est pourquoi, depuis longtemps, nous plaidons pour une politique de cohésion qui continue à concerner l’ensemble des régions. Nous avons également apporté notre soutien à la proposition du commissaire Johannes Hahn de créer la catégorie des « régions intermédiaires » ou « en transition », dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne.
Il s’agit d’une question d’équité : on ne peut pas traiter différemment, en se fondant sur le passé, des régions dont le PIB est aujourd’hui comparable. Le Land allemand de Brandebourg et le Languedoc-Roussillon, que je connais bien, ont un PIB par habitant à peu près identique. Comment justifier que le Brandebourg bénéficie d’aides supplémentaires auxquelles ma région n'aurait pas droit ?
Enfin, et nous allons présenter avec mon collègue Georges Patient un rapport en ce sens la semaine prochaine, la politique de cohésion est d’une importance particulière pour nos régions ultrapériphériques. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Monsieur le ministre, le précédent gouvernement paraissait prêt à sacrifier la politique de cohésion sur l’autel de la PAC. Le nouveau gouvernement a rééquilibré la position française. Êtes-vous prêt à tenir ce cap et à défendre la politique de cohésion dont l'importance est majeure pour nos territoires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre présence à ce débat préalable au Conseil européen qui se déroulera à Bruxelles les 7 et 8 février prochain. Je vous remercie, monsieur le président Sutour, d’avoir pris l'initiative du présent débat. Il est tout à fait normal que le Gouvernement vienne devant la représentation nationale répondre à toutes les questions que les parlementaires se posent légitimement avant l’ouverture des négociations.
Vous le savez, la Commission européenne et le président du Conseil européen, M. Van Rompuy, ont fait des propositions au Conseil européen : elles ont abouti à une première session du Conseil européen en novembre dernier.
Les propositions du président du Conseil européen représentaient par rapport à celles de la Commission un premier niveau de coupes : l’enveloppe budgétaire globale présentée au Conseil européen s’élevait à 983 milliards d'euros.
Dès la présentation de ces orientations budgétaires, nous avons indiqué quelles étaient les priorités françaises. Je tiens à vous les rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre précisément à la question qui m'a été posée par le président Sutour sur les fonds de cohésion.
Nous avons indiqué à l'ensemble de nos partenaires, et notamment au président du Conseil européen, que cette enveloppe de 983 milliards d'euros ne pouvait pas, selon nous, faire l'objet de coupes supplémentaires.
Nous leur avons surtout précisé que la négociation sur le budget de l'Union européenne ne pouvait se réduire à une discussion sur des coupes auxquelles il faudrait procéder pour payer des rabais ou des chèques revendiqués par un certain nombre d'États.
En effet, si tel était le cas, alors nous ne pourrions pas utiliser ce budget pour financer les ambitions de croissance, comme nous le souhaitons.
Le Président de la république l'a redit aujourd'hui à Strasbourg devant l'ensemble des membres du Parlement européen : la France souhaite que le budget de l'Union européenne pour la période 2014–2020 prolonge l'ambition de croissance portée par le Conseil européen de juin dernier. Au travers d’un pacte de 120 milliards d'euros, avait alors été engagée une réorientation de la politique de l'Union européenne autour de la croissance.
À l'occasion du Conseil européen d’après-demain, nous réitérerons notre demande de voir le budget de l'Union européenne maîtrisé, car il ne faut pas oublier – vous l'avez rappelé, monsieur le président Sutour – le semestre européen, c'est-à-dire des engagements pris par la France devant la Commission européenne, qui engage la France sur des objectifs budgétaires auxquels elle n'a pas du tout l'intention de déroger.
Si nous considérons que le budget doit être maîtrisé, nous allons redire que nous souhaitons qu’il soit suffisant pour alimenter les politiques de croissance. Des économies sur le budget, pourquoi pas, mais pas au détriment de l'économie et de sa croissance, comme l’a indiqué à l’instant le Président de la République à Strasbourg.
Après ce rappel sur la position française sur les coupes et les rabais, sur la manière dont nous abordons la négociation, je voudrais insister sur un second point.
Si un équilibre est nécessaire entre la volonté de maîtriser les dépenses et celle d'avoir un budget de croissance, il faut également un équilibre entre toutes les politiques de l'Union européenne.
Nous avons besoin des politiques de la rubrique 1a, c'est-à-dire des politiques de l'horizon 20-20, qui permettent de financer la recherche, le programme Connecting Europe et les programmes en faveur des PME – je pense notamment au programme COSME.
Nous avons besoin des politiques de la rubrique 1a qui vont organiser le transfert de technologies.
Nous avons aussi besoin de la politique agricole commune. (Mme Bernadette Bourzai opine.) D'ailleurs, nous nous sommes battus contre la volonté de certains membres du Conseil européen d’amputer cette dernière de 25 milliards d’euros et nous avons obtenu que ses crédits soient augmentés de 8 milliards d’euros, à l’occasion du Conseil européen de novembre 2012.
Toutefois, nous considérons que le compte n’y est toujours pas et que, si nous voulons maintenir un bon niveau d’aides directes, il faudra procéder à un effort supplémentaire sur les deux piliers de la politique agricole commune – les aides directes et le développement rural – lors du Conseil européen de cette fin de semaine.
Monsieur le président Sutour, j’en viens maintenant à votre question relative à la politique de cohésion.
M. Philippe Marini. Ah !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons besoin que cette dernière soit correctement financée. À l’occasion du Conseil européen de novembre dernier, une enveloppe de 309 milliards d’euros a été proposée.
Nous, nous voulons que cette politique repose sur des principes simples.
D’abord, il faut que toutes les régions ayant le même niveau de PIB disposent du même niveau d’aide. C'est la raison pour laquelle nous considérons que les régions en transition françaises, pour lesquelles nous demandons des contributions, soient traitées de la même manière que les régions qui relèvent de ce que les Allemands appellent le « filet de sécurité » : les Länder de l’ex-RDA, dont l’Allemagne souhaite qu’ils soient dotés d’une enveloppe au moins équivalente aux deux tiers de celle qui leur était octroyée dans le précédent cadre budgétaire.
En outre, nous souhaitons que les régions ultrapériphériques bénéficient d’un niveau d’enveloppe conforme à ce qu’elles peuvent légitimement attendre. La proposition initiale de la Commission européenne s’élevait à 20 euros par habitant. Dans le précédent cadre financier, l’enveloppe était de 35 euros par habitant. Nous sommes aujourd'hui à 30. Il nous faut franchir une étape supplémentaire et demander également qu’une enveloppe de 500 millions d’euros soit bel et bien affectée à Mayotte.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président, je m’apprêtais justement à terminer. Je m’arrête donc là.
Monsieur le président Sutour, vous savez désormais quelle doctrine sous-tendra notre négociation et nos exigences sur les fonds de cohésion lors du Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je rappelle que, en vertu de la décision de la conférence des présidents, l’auteur de la question dispose de deux minutes, de même que le ministre pour sa réponse. Du reste, il est prévu que le débat s’achève à vingt heures trente.
Dès lors, je vous demande de respecter le temps imparti. Sinon, tout le monde ne pourra pas s’exprimer et le ministre ne pourra pas répondre à chacun.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par conviction européenne, nous souhaitons que, dans les jours qui viennent, un accord intervienne sur les négociations du cadre financier pluriannuel 2014–2020.
Cependant, nous regrettons d’ores et déjà la révision à la baisse des crédits de la politique agricole commune, la PAC.
Première agriculture de l’Union européenne, l’agriculture française représente 20 % de l’espace agricole européen. Nous souhaitons que le gouvernement français défende avec détermination des moyens budgétaires importants pour la PAC.
Nous regrettons d’autant la perspective de baisse des crédits qu’elle a eu pour conséquence de ralentir les négociations sur la réforme de la politique agricole commune et risque finalement de ne pas permettre de tenir le calendrier prévu.
À cet égard, monsieur le ministre, quel sera le calendrier de la réforme de la PAC ?
Quelles garanties nous donnez-vous afin que la régionalisation des aides choisie par le Gouvernement n’aboutisse pas à une multiplicité de politiques agricoles régionales qui finiront par déséquilibrer nos territoires et notre agriculture ? Comment envisagez-vous la mise en œuvre de cette régionalisation ?
Par ailleurs, si le Conseil européen des 7 et 8 février aboutit à une réduction des crédits de la PAC, nous voudrions savoir comment cette baisse permettra de financer notre agriculture afin qu’elle demeure tout à la fois compétitive et toujours plus respectueuse de l’environnement. Nous ne devons pas oublier que l’agriculture est un acte de production fondamental pour notre secteur agroalimentaire et indispensable à l’équilibre de nos territoires.
Pour ce qui concerne le « verdissement » des aides, le groupe de travail du Sénat sur la réforme de la politique agricole commune a proposé un schéma cohérent de partage, entre un premier pilier au service des agriculteurs, avec des instruments d’interventions simplifiés, et un second pilier consacré au développement rural et à l’environnement.
Ma dernière question, monsieur le ministre, porte sur cette proposition de notre groupe de travail : quelle est votre position à son sujet ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Merci, monsieur Emorine, d’avoir respecté le temps de parole !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les négociations en cours sur la politique agricole commune.
Premièrement, pour ce qui concerne le calendrier de mise en œuvre de réforme de la PAC, il faut d’abord que nous soyons fixés sur les enveloppes. Comme vous, nous espérons que tel sera le cas à la fin de la semaine, si nous aboutissons à un compromis. Vous savez que, dans le même temps que nous négocions sur le volume des enveloppes, le Parlement européen, à qui revient le rôle de définir la législation qui permettra l’affectation de l’enveloppe de la politique agricole commune aux différentes politiques, est en train de préparer ces textes législatifs, de manière qu’ils soient prêts au 1er janvier 2014. Cela signifie que, à la fin de l’année, nous serons en situation de procéder au versement de l’ensemble des sommes relevant de la PAC puisque, normalement, si le calendrier est respecté, la totalité des textes législatifs auront été pris.
Deuxièmement, vous m’interrogez sur le volume de l’enveloppe elle-même et sur notre détermination à nous battre pour que la politique agricole commune soit correctement dotée. Le Président de la République, le ministre de l’agriculture et moi-même avons à plusieurs reprises eu l’occasion de dire que, parmi les objectifs à atteindre, le combat pour le niveau des aides directes est l’un des plus importants que mène le Gouvernement dans le cadre de cette négociation. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé une augmentation de 8 milliards d’euros lors du Conseil européen du mois de novembre et que, à l’occasion du Conseil européen de la fin de la semaine, nous solliciterons un effort supplémentaire, pour avoir la garantie que les aides directes seront maintenues à un bon niveau. Nous souhaitons également voir le second pilier de la politique agricole commune correctement doté.
Troisièmement, et je termine par ce point, si nous souhaitons que le niveau des aides soit maintenu et qu’il y ait encore une augmentation du budget de la politique agricole commune, c’est pour que le verdissement de la PAC ne porte pas préjudice aux revenus des agriculteurs et pour permettre la convergence des aides versées au titre de cette dernière entre les différents pays de l’Union européenne. C’est aussi pour permettre à l’agriculture française, dont vous avez eu raison de rappeler qu’elle alimente un secteur agroalimentaire extrêmement dynamique, de se moderniser et de continuer à enregistrer des soldes positifs, au bénéfice de notre commerce extérieur.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne aura donné lieu à plus de dix-huit mois de négociations, sans doute pour reconduire presque à l’identique les grandes masses que sont la politique agricole commune et la politique de cohésion, qui représentent plus des trois quarts du budget de l’Union européenne.
Mais ne laissons pas passer cette occasion de préparer l’avenir : l’avenir, ce sont les jeunes européens, et leur mobilité au sein de l’Union européenne est un moyen efficace pour cimenter cette dernière.
La Commission européenne propose de rassembler désormais en un seul programme, « Erasmus pour tous », l’ensemble des dispositifs actuels en matière d’éducation, de formation et de jeunesse : ce programme unifié doit être plus simple, plus rationnel et plus efficace. Pour 2014–2020, la Commission a demandé, pour ce programme, une augmentation de 70 % de son budget. En effet, elle ambitionne de doubler le nombre de personnes profitant d’une mobilité européenne, pour le porter à 5 millions de citoyens à l’horizon 2020.
Je constate avec satisfaction que les propositions successives de la présidence du Conseil européen n’ont pas cherché à rogner sur cette ligne budgétaire : c’est en encourageant la mobilité des jeunes que l’Union européenne peut améliorer leur aptitude à l’emploi. C’est un défi majeur dans une Europe en crise.
Le programme Erasmus pour tous offre des possibilités de coopération et de mobilité pour les étudiants, les jeunes en formation professionnelle, les stagiaires, les enseignants. Il favorise également le « service volontaire européen ».
Si ces possibilités sont très utiles, il me semble que, au-delà du bénévolat, l’Union européenne devrait encourager le travail des jeunes dans d’autres États membres que le leur. Au-delà de la seule mobilité des étudiants, il nous faut soutenir la mobilité de ceux qui travaillent, en encourageant tous ceux qui sont à la recherche de leur premier emploi : c’est l’une des conditions de réussite de l’union monétaire.
En effet, si la monnaie unique nous a libérés des dévaluations compétitives et de leurs effets délétères, quand la dévaluation de la monnaie n’est plus possible, seule une mobilité des facteurs à l’intérieur de l’union monétaire peut répondre aux chocs asymétriques.
Ce que nous voulons promouvoir, c’est un Erasmus de l’apprentissage et du premier emploi.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous soutiendrez l’augmentation des crédits proposée par la Commission pour ce nouveau programme Erasmus pour tous ? En outre, pouvez-vous nous assurer que les engagements qui ont été pris concernant l’enveloppe dont bénéficiera ce programme pour la période 2014–2020 se traduiront annuellement par des crédits de paiement suffisants ? Enfin, et surtout, pouvez-vous appuyer ma proposition de promouvoir, à l’avenir, la mobilité des jeunes actifs au sein de l’Union européenne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne peux rien vous garantir tant que la négociation n’aura pas débouché sur un compromis.
Aujourd'hui, je ne peux m’engager que sur les « lignes rouges » que s’est données le Gouvernement et sur ses objectifs pour le programme Erasmus pour tous.
Tout d'abord, vous avez raison de dire que, cette année, le programme Erasmus a souffert du décalage entre les autorisations d’engagement qui avaient été votées par le Parlement européen et avaient fait l’objet du précédent cadre financier et le niveau de crédits de paiement alloués à ces politiques. Cette année, il y avait une impasse de 9 milliards d’euros, laquelle a résulté de la décision prise par le Conseil européen de novembre 2011 de définir un niveau de crédits de paiement pour financer les politiques de l’Union, dont le programme Erasmus, qui était manifestement sous-évalué.
Nous avons décidé d’allouer une enveloppe de 6 milliards d’euros – l’an prochain, une enveloppe de 2,9 milliards d’euros devra être allouée pour compenser ce qui n’a pas encore été totalement financé. Cela nous a permis de financer dans de bonnes conditions le programme Erasmus.
Au titre du programme Erasmus pour tous, nous avons l’intention de faire en sorte que les objectifs que vous venez d’indiquer – mobilité, apprentissage – soient correctement financés.
L’enveloppe proposée par l’Union européenne pour ces politiques sera caractérisée par une augmentation très significative puisque, selon les propositions initiales de la Commission, elle passerait de 7 milliards à 15 milliards d’euros – s’il n’y a pas de coupes supplémentaires –, soit une hausse de 117 %, laquelle permettrait de dynamiser cette action très importante et très mobilisatrice pour les jeunes.
D’une part, je veux vous confirmer notre détermination à défendre cette enveloppe. D’autre part, au sein de l’Union européenne, une réflexion a lieu actuellement sur la mise en place d’un fonds pour les jeunes, qui permettrait aux jeunes en difficulté sur le plan de l’emploi de voir leur mobilité et leur formation garanties jusqu’à ce qu’ils décrochent leur premier emploi.
C’est désormais un objectif très important de l’Union européenne, raison pour laquelle le président Van Rompuy lui-même a souhaité que l’on mette, au cœur de sa feuille de route, la question sociale. Au sein de cette dernière, la question de l’emploi des jeunes figure en bonne place.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet principal du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains portera sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014–2020, autrement dit, sur les questions budgétaires de l’Union.
L’objectif affiché par tous les chefs d’État et de gouvernement, du moins en apparence, est d’éviter un nouvel échec des négociations budgétaires, après l’impasse constatée lors d’un premier sommet sur le sujet en novembre dernier.
Pourtant, les négociations entre les différents protagonistes, les tractations qui ont eu lieu ces derniers jours et jusqu’à cette fin de semaine, l’entretien de demain entre la Chancelière allemande et le Président de la République ne laissent malheureusement pas augurer un accord.
Comme d’habitude, si je puis dire, les Vingt-Sept risquent vraisemblablement d’aboutir à un compromis un peu flou sur le niveau et la répartition des économies à réaliser sur le prochain exercice budgétaire de l’Union.
Plutôt que de céder au dogme idéologique de la réduction prioritaire, et à tout prix de la réduction des dépenses publiques dans tous les pays, ne faudrait-il pas chercher, dans d’autres directions, d’autres gisements d’économies que l’austérité budgétaire ?
Le 21 novembre 2012, le Gouvernement, par la voix de MM. Pierre Moscovici et de Jérôme Cahuzac, a adressé un courrier à la Commission européenne, lui suggérant de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la fraude fiscale.
Déjà, lors d’une précédente réunion, en juin 2012, le Conseil européen s’était préoccupé de mener une action déterminée contre ce fléau, qui mine littéralement les finances de l’Union et de ses États membres.
Une ONG britannique, Tax research, a évalué à près de 1 000 milliards d’euros le total de l’évasion fiscale pour les vingt-sept États membres de l’Union, soit le montant des budgets cumulés de 2007 à 2013. Rappelons, pour mémoire, que le budget annuel de l’Union européenne s’élève à environ 150 milliards d’euros cette année.
Il faut saluer comme un encouragement l’initiative de nos deux ministres. Ceux-ci se sont notamment appuyés sur le constat établi par la commission d’enquête sénatoriale, dans le rapport qu’elle a publié sur cette question au mois de juillet dernier, ainsi que sur certaines des recommandations que nous avions alors émises. (M. Philippe Marini marque son impatience.)
Nous avions notamment démontré que, dans notre pays, les sommes détournées par la fraude fiscale équivalaient au produit d’une année d’impôt sur le revenu, soit une somme comprise entre 40 milliards et 50 milliards d’euros.
M. Philippe Marini. Et la question ?
M. Éric Bocquet. À la veille de ce prochain Conseil,…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bocquet.
M. Éric Bocquet. … je souhaiterais donc savoir si cette initiative de la France pour lutter non seulement contre la fraude fiscale, mais aussi contre le blanchiment et les flux financiers illicites à l’échelle européenne a quelque chance de recueillir un écho favorable et si elle peut être de quelque effet dans la recherche de ressources budgétaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la réponse est oui. En effet, nous sommes engagés, au titre de l’action que nous conduisons au sein du G20 et de l’Union européenne, dans un processus de renforcement de la coopération avec nos partenaires de l’Union pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale.
Nous sommes liés non seulement à nos partenaires de l’Union européenne, mais aussi, entre partenaires de l’Union, à des pays tiers avec lesquels nous essayons de mettre en place des dispositifs destinés à éviter l’évasion fiscale de l’Union européenne vers des pays limitrophes. Nous essayons, avec eux, de définir des règles permettant de garantir davantage la transparence financière et fiscale, qui doit être un combat commun pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Je profite de votre question pour donner quelques précisions sur notre approche du budget de l’Union européenne, dont vous semblez redouter que nous l’abordions avec l’unique souhait de faire des coupes budgétaires et d’accentuer le risque d’austérité. Le Président de la République, qui s’est exprimé cet après-midi à Strasbourg, l’a dit : nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que cette négociation ne se réduise pas à une négociation sur des coupes budgétaires et des rabais, sinon le budget qui en résulterait empêcherait de mener des politiques de croissance.
Nous souhaitons aussi que, à terme, ce budget soit alimenté par des ressources propres. Si l’on veut en finir avec les chèques et les rabais, il faut que la taxe sur les transactions financières et, demain, la fiscalité sur le carbone permettent de financer correctement un budget européen qui ne peut pas reposer indéfiniment sur la seule contribution assise sur le revenu national brut, dite « contribution RNB », c’est-à-dire des prélèvements sur les budgets des États qui, on le sait, sont soumis à de fortes contraintes. Sans ressources propres, il n’y aura pas, à terme, de budget européen.
Enfin, je tiens à vous rassurer concernant la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière, qui aura lieu demain. Il n’y sera question que de football. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.) Cette rencontre aura lieu au stade de France et il y a peu de chance pour qu’à cette occasion des coupes supplémentaires soient envisagées. Compte tenu de la position de la France, vous savez que le risque est nul.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, comme vous le savez, je sympathise depuis longtemps avec la difficulté de la tâche qui est la vôtre. M. le Président de la République mène, lui aussi, un combat méritoire pour relever, comme il l’a dit devant le Parlement européen, le défi de la croissance.
Le Conseil européen parviendra-t-il à définir, pour le budget européen, un niveau de dépense qui préserve les politiques communes ? Rien n’est moins sûr, au vu des positions de la Grande-Bretagne ou d’autres États comme les Pays-Bas ou la Suède. Et même si tel était le cas et qu’un chiffre voisin des 1 000 milliards d’euros pour la période 2014–2020, soit 1 % du PIB de l’Union européenne, puisse être préservé, cela ne suffirait pas à sortir la zone euro de la récession où elle s’enfonce.
L’Italie et l’Espagne, confrontées à des difficultés politiques, voient s’envoler le taux de leurs émissions obligataires à 10 ans. La surévaluation de l’euro réduit à néant les efforts de compétitivité entrepris par les pays déficitaires. Où se trouve la solution ? Le Président de la République a évoqué le rôle de la Banque centrale européenne, qui doit définir une politique de change, mais rien ne montre que celle-ci soit disposée à interpréter ainsi ses statuts.
Toute politique ne peut se construire que sur la base des réalités. On l’a vu au Mali, la défense européenne n’est pas au rendez-vous. Quel sens ont les critères de Maastricht si certains pays n’acceptent pas de faire l’effort de défense qui serait nécessaire parce que l’intérêt est ici celui de l’Union, et pas seulement de la France.
Aujourd’hui, nous avons l’intégration sans la solidarité. Le Président de la République préconise une Europe différenciée. C’est le bon sens, à la condition, monsieur le ministre, que ce soit pour relever la croissance. Alors, comment faire ? Nous attendons votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vaste débat, auquel il faut répondre en deux minutes, donc je vais essayer de le faire très succinctement et, par conséquent, nous ne pourrons pas approfondir un certain nombre de sujets.
Tout d’abord, pour réussir le pari de la croissance, il faut un bon budget pour l’Union européenne. Il ne servirait à rien d’avoir négocié au mois de juin un plan de croissance de 120 milliards d’euros, pour se retrouver avec 200 milliards de coupes au mois de février lors de la négociation du budget de l’Union européenne. (M. André Gattolin opine.)
Ce budget – qui sera, je l’espère, négocié à la fin de la semaine – doit permettre de conduire de bonnes politiques de croissance. De ce point de vue, les politiques de croissance, telles qu’elles seraient dotées en application des propositions de la Commission, verraient leur budget augmenter – s’il n’y a pas de coupes supplémentaires – de près de 47 %. Le programme Connecting Europe verrait son budget augmenter de près de 400 %. Celui de la recherche, suivant les propositions de la Commission, serait porté de 50 milliards à 80 milliards d’euros. Il y a donc, sur la rubrique 1a, de réelles possibilités d’utiliser tous les leviers de croissance.
Ensuite, le marché intérieur doit être approfondi. Il n’y aura pas de croissance en Europe demain si nous ne profitons pas de la réforme du marché intérieur pour mettre en place l’harmonisation sociale et fiscale ainsi que de véritables politiques industrielles, et pour promouvoir un juste échange, c’est-à-dire refuser de voir nos marchés publics ouverts à des entreprises étrangères provenant d’États européens qui n’ouvrent pas leurs marchés à nos propres entreprises.
Toutes ces règles doivent prévaloir et, de ce point de vue, ce qui se passe au titre de la modification des directives européennes sur les marchés publics et les concessions va dans la bonne direction.
Enfin, il faut également remettre en ordre la finance – c’est un sujet que vous évoquez régulièrement. Cette remise en ordre, c’est l’achèvement, en 2013, de l’union bancaire – supervision bancaire, garantie des dépôts, résolution des crises bancaires ; c’est la possibilité, pour la Banque centrale européenne, de venir aux côtés du MES, le Mécanisme européen de stabilité, et du FESF, le Fonds européen de stabilité financière, sur le marché secondaire des dettes souveraines pour stopper la spéculation lorsque des États ne peuvent emprunter qu’à des taux d’intérêts élevés sur les marchés ; c’est la mise en œuvre de la recapitalisation directe des banques, après la mise en place de la supervision bancaire, pour couper le lien entre dette souveraine et dette bancaire.
Toutes ces politiques sont des politiques de croissance. Nous essayons de les mettre en œuvre au sein de l’Europe, en la réorientant.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, dans la perspective des négociations relatives au cadre financier pluriannuel pour la période 2014–2020, je souhaite vous interroger sur trois points.
Le premier concerne le fonds européen d'aide aux plus démunis, le FEAD. Dans un premier temps, la Commission a prévu d'allouer une enveloppe de 2,5 milliards d'euros pour la période 2014–2020, ce qui représente une baisse de 1 milliard par rapport à la période précédente.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la France fera tout pour que l'enveloppe destinée aux plus démunis ne soit pas réduite à la portion congrue, afin que les 18 millions d'Européens qui la perçoivent aujourd'hui continuent à bénéficier de notre solidarité ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les travaux de la Commission européenne sur la lutte contre la fraude fiscale ? Le commissaire chargé de la fiscalité et de la fraude fiscale a en effet déclaré, la semaine dernière, vouloir porter plainte contre l'Autriche, qui vient de signer un accord fiscal avec le Liechtenstein afin de récupérer des impôts sur des fonds que ses citoyens y ont déposés, mais tout en préservant le secret bancaire.
À l'heure où tous les États de l'Union rencontrent des difficultés pour parvenir à l’équilibre budgétaire, la lutte contre la fraude fiscale doit aussi s’exercer au niveau européen pour être plus efficace.
Mon troisième point concerne le comportement de nos amis Allemands suite à l'engagement de la France au Mali. L'Allemagne, si prompte à la rigueur budgétaire, parfois – sinon souvent – donneuse de leçons, semble plus frileuse lorsqu'il s'agit de rigueur humanitaire.
L'intervention de la France, soutenue par la communauté internationale, contre un terrorisme finalement sans frontière, représentera un coût qui, logiquement, devrait être pris en considération dans le cadre des équilibres budgétaires au niveau européen, que ce soit à court, à moyen ou à long terme.
Quel est votre sentiment, monsieur le ministre, sur l'effort financier que nous sommes en droit d'attendre de la part de nos partenaires européens en général, et de nos amis Allemands en particulier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Courteau. Créé par Jacques Delors !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … a longtemps été alimenté par des surplus agricoles – il était donc financé au titre de la PAC. En conséquence de la diminution progressive des surplus agricoles, des fonds de l’Union européenne sont venus en relais. L’Allemagne, considérant alors que ce programme était devenu sans fondement légal, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’il soit supprimé. La Cour a statué et, sur la base de la décision rendue, une discussion est intervenue entre la France et l’Allemagne au terme de laquelle le précédent gouvernement a accepté la suppression de ce programme et s’est même engagé à ne jamais demander qu’il soit rétabli à condition que, pendant un an – c'est-à-dire, au-delà des dernières échéances électorales –, on en poursuive la mise en œuvre.
Aujourd'hui, nous avons obtenu que ce programme soit à nouveau inscrit dans le budget de l’Union européenne, avec la volonté d’obtenir sa pérennisation – c’est la raison pour laquelle nous avons accepté qu’il soit prélevé sur l’enveloppe du Fonds social européen, le FSE. Il serait doté de 2,1 milliards d’euros, ce qui est un minimum ; nous avons reçu l’ensemble des associations caritatives, nous sommes mobilisés avec elles et avons demandé que ce programme soit porté à 2,5 milliards d’euros – j’espère qu’à la fin de la semaine nous y parviendrons.
J’en viens aux opérations au Mali. L’Europe y contribue à un double titre. D’une part, la conférence des donateurs qui s’est tenue à Addis-Abeba le 29 janvier dernier a conduit l’Union européenne à intervenir, au titre de ses contributions aux opérations de paix, à hauteur de 50 millions. Des pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne – je crois, à hauteur de 20 millions – ont également accepté d’abonder le budget dans le cadre de cette conférence des donateurs.
D’autre part, un certain nombre de pays de l’Union européenne contribuent à fournir des troupes à l’EUTM, qui est la structure qui assure la formation de la MISMA – la mission internationale de soutien au Mali – et des forces armées maliennes, pour qu’elles puissent prendre le relais de la France dans le rétablissement de l’intégrité territoriale du Mali.
Pour ce qui concerne l’Autriche, je profiterai peut-être d’une autre question sur la lutte contre les paradis fiscaux pour répondre à vos interrogations.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, j’évoquerai d’abord trois points à propos du cadre budgétaire.
Concernant les dépenses d’administration, la Commission voudrait les faire augmenter de 25 % en les portant à 60 milliards d’euros. Qu’en pensez-vous ?
Les dépenses liées à la politique étrangère de l’Union s’élèveraient à 60 milliards d’euros. Pensez-vous que ce montant soit cohérent avec la faible valeur ajoutée constatée en ce domaine, notamment à l’occasion de notre intervention au Mali ?
Quant à la politique de cohésion, il ne semble pas que les leçons de la période précédente aient porté, si j’en juge par les quelque 55 milliards d’euros qu’il a fallu redéployer – car non engagés –, dans le cadre du pacte de croissance de juillet dernier.
J’en viens à une autre question, celle de Chypre, qui présente un besoin d’assainissement financier. Cet État de l’Union ne fera plus ses fins de mois au-delà mars prochain. Le besoin de financement de la République de Chypre est de l’ordre de 17 milliards d’euros, soit l’équivalent de son PIB.
Allons-nous, monsieur le ministre, profiter de cette situation pour enfin soumettre à une conditionnalité l’octroi de cette aide financière ? Chypre a l’impôt sur les sociétés le plus bas de l’Union européenne ! Vous demandiez que l’on vous tende la perche en matière de paradis fiscaux… Arriverons-nous à faire ce que nous n’avons pas su – ou voulu – faire avec l’Irlande ? Est-il concevable de demander aux États qui contribuent d’accepter la concurrence déloyale d’États qui vivent sur des modèles fiscaux aussi éloignés du nôtre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Marini. Mais en deux minutes !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais néanmoins essayer de répondre à toutes.
Concernant la rubrique 5 du budget de l’Union européenne, qui est consacrée aux frais de personnel – je confirme votre chiffre de 60 milliards d’euros –, nous considérons qu’il n’y a pas de raison que toutes les administrations fassent des efforts en redéployant leurs moyens, sans qu’il en aille de même pour la Commission.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il ne faut pas pour autant prendre une position comparable à celle d’un certain nombre de nos partenaires européens, je pense notamment aux Britanniques, qui voudraient, sous couvert que la Commission fasse des efforts d’administration, aller jusqu’à supprimer l’administration. Nous souhaitons que l’administration européenne dispose d’un budget qui lui permette de fonctionner normalement.
En ce qui concerne la politique étrangère et la rubrique 4, nous estimons que l’on ne peut à la fois vouloir un service européen pour l’action extérieure et une politique étrangère de sécurité et de défense qui montent en puissance et couper les budgets justement au moment où en a besoin pour le Mali et sur d’autres théâtres d’opération. Je songe en particulier à la Syrie, car c’est sur cette rubrique 4 que sont prélevés les fonds d’action humanitaire, qui permettent de soutenir les 600 000 réfugiés syriens en grande souffrance.
S'agissant des fonds de cohésion, les 55 milliards d’euros non engagés résultent pour partie du décalage existant entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement qui fabrique ce qu’on appelle des « restes à liquider » en très grand nombre. Pour réduire ces derniers, il faut faire en sorte de limiter ce décalage. C’est la position française, que nous essaierons de défendre à la fin de la semaine.
Vous m’interrogez de nouveau sur Chypre. Il aurait été plus facile de demander un effort sur le taux d’impôt sur les sociétés de Chypre si un effort similaire avait été demandé à l’Irlande au moment de la négociation du mémorandum. Un autre gouvernement était alors aux affaires, et cela n’a pas été fait.
M. Philippe Marini. Nous n’avons pas été suivis ! C’est la preuve que vous faites mieux… (Mme Françoise Férat s’esclaffe.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous allons nous employer à faire mieux, monsieur le sénateur. D’ailleurs, sur un certain nombre de sujets, les résultats sont déjà là,…
M. Jean Bizet. Oh !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … mais je ne peux les détailler en deux minutes. (M. Jean Bizet s’exclame.)
Je veux simplement vous indiquer qu’une réflexion est conduite par le commissaire Semeta, dans le cadre du débat sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, l’ACCIS. Nous entendons profiter de cette réflexion pour harmoniser les assiettes d’impôt sur les sociétés à l’échelle européenne.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas la question, tant s’en faut !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, je n’y croyais plus ! D’ailleurs, les deux questions que je souhaitais aborder ayant déjà été posées par d’autres collègues, j’ai déjà obtenu des réponses.
Je remercie M. le ministre de sa réponse sur le fonds européen d’aide aux plus démunis. Ce fonds, qui s’élevait précédemment à 3,5 milliards d’euros, n’est plus que de 2,1 milliards d’euros, ce qui ressemble à une aumône. J’espère vigoureusement qu’il sera augmenté. Nous devons disposer d’outils de solidarité plus importants.
S'agissant de la politique agricole commune, sur laquelle M. Emorine m’a devancée, je rappellerai tout de même que les montants initialement prévus par la Commission en 2011 correspondaient, en euros courants, aux montants versés dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix lorsque l’Union comptait dix pays de moins. J’ajoute que la programmation future portera sur vingt-huit pays en comptant la Croatie. Si nous voulons atteindre les objectifs de compétitivité, de verdissement, il va falloir en tenir compte par une répartition plus équitable des aides.
J’en profite pour souligner qu’il serait temps de nous interroger sur l’utilité du maintien de droits à paiement unique, ou DPU, élevés dans des secteurs de production qui profitent de prix élevés – et qui en bénéficieront durablement, semble-t-il, d’après les prévisions. Je plaide en particulier en faveur d’une répartition plus favorable aux régions d’élevage, qui souffrent énormément.
Puisqu’il me reste encore quelques secondes de temps de parole, monsieur le ministre, je conclurai en disant qu’il faudrait enfin favoriser l’emploi dans l’agriculture. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que soutenir la politique agricole commune, c’est aussi soutenir l’emploi. Si les agriculteurs n’obtiennent pas un bon niveau d’aides directes au terme des négociations en cours sur le cadre financier, des centaines, voire des milliers, d’emplois pourraient disparaître.
Par ailleurs, vous avez raison de souligner que la politique agricole commune mérite d’être plus juste qu’elle ne l’a été jusqu’à présent, en particulier si nous voulons atteindre les objectifs de verdissement, à hauteur de 30 % et si nous voulons faire en sorte que les aides soient plafonnées. Si certains agriculteurs sont en grande difficulté – l’élevage, la production laitière ont été évoqués –, d’autres perçoivent des aides extrêmement importantes alors qu’ils disposent de revenus significatifs. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables, par-delà le « verdissement », au plafonnement des aides destinées à un certain nombre de grandes exploitations intensives. Nous sommes en outre favorables à la modification du dispositif d’aide dès le premier hectare, afin que de petites exploitations, actuellement en difficulté, qui contribuent à la dynamique agroalimentaire et à la dynamique d’emploi, soient très fortement aidées.
Enfin, si nous voulons une enveloppe significative, c’est pour permettre le verdissement, plus de justice et davantage de convergence entre les agriculteurs européens car les niveaux d’aide sont très différents. La convergence sera d’autant plus facile que le niveau d’aides directes sera élevé.
Justice, verdissement, équité entre les pays de l’Union européenne par la convergence des aides, cela suppose un niveau d’enveloppe d’aides directes significatif. C’est pourquoi nous avons demandé une augmentation de 8 milliards d’euros du budget que nous avons obtenue en novembre, et que nous voulons encore un rehaussement de ce niveau d’enveloppe afin de pouvoir atteindre les objectifs que je viens de vous indiquer.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président François Hollande est intervenu ce matin au Parlement européen en souhaitant une meilleure solidarité européenne entre les pays. Les présidents des principaux partis ont répondu que l’abondance de la PAC pour les agriculteurs français ne pouvait plus durer.
Pour les Allemands et les Britanniques, l’Union européenne ne doit pas soutenir les secteurs non concurrentiels. Il apparaît clairement que leur volonté est de réduire la politique agricole commune, qu’ils considèrent comme un élément de subvention d’une agriculture non compétitive. Or le premier bénéficiaire de la manne agricole européenne, comme nous le savons, est la France.
Dans le débat budgétaire européen d’aujourd’hui et de demain, la question agricole ne risque-t-elle pas de devenir une variable d’ajustement ? L’Europe deviendra-t-elle alors une zone où jouera pleinement la concurrence ? Dans ce cas, pour que notre agriculture survive, il faudra aborder tout ce qui provoque des distorsions de concurrence au niveau européen. Je pense en particulier à l’absence d’un cadre européen de protection sociale.
Le coût horaire en France est le plus élevé du monde agricole ; un producteur allemand, espagnol, belge, produit autant avec un coût du travail très inférieur. Les Allemands font appel à une main-d’œuvre étrangère. Ainsi, un travailleur saisonnier pour un maraîcher français est 80 % plus cher que pour un maraîcher allemand.
C’est la raison pour laquelle, sans traiter la problématique sociale, l’approche économique ouvre la porte à une concurrence sauvage et régressive sur le plan humain.
Quelles solutions pourrions-nous envisager pour freiner une concurrence déloyale de sociétés émanant d’autres pays européens qui, sous couvert de prestations de services à bas prix, occupent des emplois dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’agroalimentaire ? D’année en année, les effectifs ne cessent d’augmenter, ce qui n’est pas sans incidence en termes de chômage. Par conséquent, une approche économique qui négligerait l’aspect social me paraît délicate.
Alors que les Britanniques réclament toujours une réduction des dépenses européennes et que les Allemands semblent avoir une position très proche en défendant la flexibilité sociale et la compétitivité, comment le pacte de croissance européen de 120 milliards d’euros promis par notre gouvernement trouve-t-il sa place ? Notre taux de croissance est toujours pratiquement nul, alors où en est la promesse française ? S’agit-il simplement de renflouer la Banque européenne d’investissement et d’inscrire le reste dans un cadre financier pluriannuel d’ajustement budgétaire ? (M. Jean Arthuis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Votre question comporte beaucoup de questions.
La politique agricole commune est l’une des grandes politiques communautaires. C’est même la politique la plus intégrée, c’est la raison pour laquelle il nous paraît souhaitable qu’elle soit correctement dotée.
Vous avez raison d’indiquer qu’un bon niveau d’enveloppe pour la politique agricole commune, dans un contexte de distorsions de concurrence extrêmement importantes au sein de l’Union européenne, ne suffira pas à assurer un dynamisme équilibré de l’agriculture au sein de l’Union. Il ne sera pas possible de réduire les distorsions de concurrence entre les agricultures française et allemande sans harmonisation sociale. C’est pourquoi nous souhaitons que figure, au sein de la réflexion sur l’acte II du marché unique, l’harmonisation sociale et fiscale. Nous recherchons un processus d’harmonisation européenne sur la portabilité des droits sociaux, la garantie des qualifications professionnelles et le salaire minimum garanti, sans lequel les distorsions de concurrence que vous venez légitimement d’évoquer continueront de se produire au détriment des pays appliquant le plus haut niveau de protection sociale et les règles environnementales les plus exigeantes. Voilà pour le premier point.
Vous me demandez ensuite comment produire de la croissance et notamment où en est le pacte de croissance européen.
Ce pacte de croissance de 120 milliards d’euros comprend 55 milliards d’euros de fonds structurels mobilisables sur tous les pays de l’Union européenne. Pour nous, cela représente 3 milliards d’euros, qui permettent par exemple de réaliser des investissements sur les bâtiments d’habitat social en Champagne-Ardenne pour diminuer la consommation d’énergie ou de financer de l’énergie solaire en région Aquitaine. Nous pourrions ainsi décliner très précisément, région par région, les actions soutenues. Un ensemble de projets relevant de la transition énergétique, des transports propres, de l’équipement numérique du territoire vont émarger auprès de la BEI, dont nous attendons un retour de 7 milliards d’euros. Au total, cela représente déjà 10 milliards d’euros. Les project bonds viendront ensuite accompagner ces opérations.
C’est vous dire qu’en France – et j’en rendrai compte devant le Parlement – le plan de croissance, ce sont des actions concrètes, financées dans chaque région et qui peuvent être portées à la connaissance de la représentation nationale, laquelle pourra ainsi percevoir, derrière ce plan, une volonté et des actions précises.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette veille de Conseil européen, nous espérons, chacun l’a souligné, un compromis sur le budget européen. C’est une nécessité politique ; c’est aussi le préalable à une action déterminée de l’Europe.
Pour autant, plusieurs interrogations demeurent. Je vous les livre dans les deux minutes qui me sont imparties.
Tout d'abord, parce que nous regrettons, par principe, un budget en baisse, nous vous demandons quelle est la position de la France – vous avez déjà en partie répondu, monsieur le ministre – face aux propositions sur la table de capacité budgétaire autonome pour la zone euro, car cela va devenir à court terme le moyen de préserver le projet européen.
Ensuite, dans le contexte actuel de ressources rares, il faut redoubler de vigilance sur la bonne utilisation de ces fonds. Ceux-ci doivent être destinés prioritairement à des politiques communes d’avenir qui nourriront la croissance et, au-delà de la politique agricole commune, des fonds structurels, une grande politique de recherche européenne, une grande politique de l’énergie, une politique des infrastructures et une politique de soutien aux PME innovantes. Comment comptez-vous agir précisément pour répondre à cette nécessité, au-delà des seules déclarations sur « le pacte pour la croissance » ? M. Joseph Daul interpellait ce matin le Président de la République à ce sujet en des termes un peu plus musclés que les miens.
Par ailleurs, ne doit-on pas également et surtout chercher à réaliser des économies et à mutualiser certaines dépenses, je pense notamment à des chevauchements entre agences nationales et européennes ? Nous obtiendrions là, au-delà des économies, une meilleure intégration et une meilleure lisibilité de l’Union européenne. Personnellement, j’ai quelques idées sur ce point et j’aimerais que l’on favorise des économies en la matière.
Enfin, un budget est nécessairement lié à des choix de politique économique. Néanmoins, sont reportées les négociations sur la convergence économique et la contractualisation « réformes structurelles contre financements européens ». Quelle sera la position de négociation de la France ? Aura-t-elle d’ailleurs une marge de manœuvre, car si la majorité à laquelle vous appartenez, monsieur le ministre, a quelque peu évolué sur la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – comme nous nous y étions engagés, nous vous avons donné un coup de main –,…
M. Philippe Marini. Un bon coup de main !
M. Jean Bizet. … la compétitivité ou la flexisécurité sur le marché du travail – ce sera un peu plus difficile –, certains économistes présagent que nous ne respecterons vraisemblablement pas, cette année, les critères européens de déficit public.
Nous aimerions, sur ces différents points, avoir votre analyse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous voulez un bon budget de croissance pour l’Europe. Je me permets de vous rappeler, bien que vous l’ayez certainement à l’esprit, que le précédent gouvernement était aligné sur la position britannique : il voulait 200 milliards d’euros de coupes budgétaires ! Dans le club des contributeurs nets auquel nous appartenons, également qualifié de « club like-minded » ou de « club des radins », beaucoup de nos partenaires, parmi lesquels les Suédois et les Britanniques, se sont émus de voir le gouvernement actuel changer la position du précédent gouvernement qui était qualifiée de raisonnable. Eh bien, nous, nous ne voulons plus de coupes de 200 milliards d’euros !
Je me réjouis aujourd’hui de vous voir demander un bon budget, mais vous avez soutenu pendant des années un gouvernement qui, je le répète, demandait 200 milliards d’euros de coupes, comme le gouvernement britannique. Nous avons changé de position. Dans ces conditions, il sera plus facile pour nous d’obtenir un bon budget que cela l’aurait été pour le précédent gouvernement.
M. Philippe Marini. Il faudra bien contrôler son exécution !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En tous les cas, c’est vérifiable, et c’est la réalité.
Ce bon budget pour la croissance doit, comme vous l’avez dit à juste titre, monsieur le sénateur, financer les politiques dont vous avez parlé – la recherche, Erasmus, qu’a évoqué tout à l’heure Jean Arthuis, les grands programmes de recherche GMES et ITER, le programme d’aide aux PME-PMI les plus innovantes, le programme COSME.
Dans les propositions qui nous sont faites aujourd'hui, le budget passe de 97 milliards d’euros – c’était la mouture précédente – à 139 milliards d’euros au titre de la rubrique 1a, qui regroupe les politiques que vous souhaitez que l’on soutienne. Nous avons beaucoup insisté pour que le budget de cette rubrique augmente, afin d’atteindre les objectifs que vous avez évoqués. Si nous ne voulons pas de coupes supplémentaires dans le budget de l’Union européenne pour la période 2014–2020, c’est pour que ces politiques puissent être financées sans préjudice pour la politique de cohésion et pour la politique agricole commune.
Dans la mesure où vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur le sénateur, je ferai de même afin de répondre à la dernière partie de votre question.
Nous avons fait des propositions en matière de contractualisation lors du Conseil européen du mois de novembre. Elles ont été prises en compte. On nous proposait alors une contractualisation « réforme structurelle pure » venant s’ajouter à la discipline budgétaire pure du TSCG, ce qui aurait transformé l’Europe en une maison de redressement.
Pour notre part, nous voulons de la croissance et une contractualisation qui soit une contractualisation de compétitivité et de croissance. Autrement dit, la contractualisation doit comporter les réformes structurelles et les grandes politiques de croissance dont l’Europe a besoin pour que la récession ne devienne pas, avec l’austérité, l’horizon indépassable de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ambiance a changé ! Pendant un peu plus de dix-huit mois, nous nous demandions si l’euro allait survivre à la spéculation. Quelques mois plus tard, nous constatons que l’euro se renforce tellement qu’il représente aujourd'hui un risque pour la compétitivité de l’ensemble de la zone euro, puisqu’il est susceptible de remettre en cause les efforts de compétitivité de nos entreprises.
Nous constatons également que, contrairement aux États-Unis ou au Japon, les pays de l’Union européenne, en particulier ceux de la zone euro, ne pratiquent pas le laxisme budgétaire. Ils sont en train de mettre en place des politiques de supervision bancaire précises afin de limiter les risques, ce qui va probablement engendrer un certain nombre de difficultés pour le financement des entreprises européennes par les banques.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte. Tout cela représente une menace pour la croissance.
C’est un peu paradoxal, car, en réalité, compte tenu de tous les efforts qui sont faits, il est moins risqué de parier sur l’euro que sur le dollar. Pourtant, l’euro est mieux rémunéré que le dollar. Il est donc absolument essentiel, comme l’a souligné aujourd'hui le Président de la République, de mener une politique de taux de change pour inverser la tendance et pour rémunérer l’euro à sa juste valeur. Il ne faut pas rémunérer plus cher un risque moindre, le risque de l’euro par rapport au dollar.
Je constate également que les perspectives budgétaires pour les prochaines années, sur lesquelles l’Europe n’est pas encore parvenue à un accord, représentent un véritable risque pour la croissance sur l’ensemble de l’année des pays en récession, des pays d’Europe centrale et orientale, qui en sont fortement dépendants.
Comment répondre rapidement à ces attentes ? Ne pas parvenir à un accord sur les perspectives budgétaires, c’est prendre un risque de plus pour la croissance en Europe.
Je constate enfin que le Président de la République a présenté aujourd'hui à Strasbourg des orientations qui répondent à ces interrogations. Elles ont été largement saluées, au-delà des travées de la gauche.
Toutefois, une question demeure : compte tenu des institutions telles qu’elles existent, comment pouvons-nous être assurés que, avec tous les efforts de rigueur que nous nous imposons, l’euro sera rémunéré à sa juste valeur, et non trois fois plus que le dollar, alors que les États-Unis mènent des politiques laxistes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous abordez de nombreux sujets dans votre question, monsieur le sénateur.
Il est tout d’abord nécessaire de ne pas ajouter de la récession à la récession en ne parvenant pas à un bon compromis pour la croissance à la fin de la semaine.
Vous avez raison de dire que les pays bénéficiaires nets, qui sont, pour un très grand nombre d’entre eux, les pays dits « de la cohésion », perdraient beaucoup à un échec de la négociation. Très concrètement, dans ce cas, nous poursuivrions, jusqu’à l’obtention d’un accord, le cadre financier actuel. Cela signifie qu’une grande partie de ceux qui pourraient bénéficier d’un abondement des fonds de cohésion en raison de la situation difficile dans laquelle ils se trouvent ne percevraient pas des fonds à hauteur de leurs espérances. Les bénéficiaires nets ont donc intérêt à un compromis.
Comme l’a déclaré le Président de la République, nous souhaitons que la politique de cohésion soit correctement financée et qu’un accord sur le budget soit trouvé à la fin de la semaine.
Vous avez ensuite évoqué l’euro et sa surévaluation par rapport au dollar, laquelle poserait un problème de compétitivité.
Je le redis : toute la stratégie de l’Union européenne vise à remettre en ordre la finance et à éviter que les pays les plus en difficulté n’aient à continuer à subir le cercle vicieux dette bancaire-dette souveraine. De ce point de vue, l’accord qui est intervenu sur la supervision bancaire, la mise en œuvre d’un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts, qui dotera l’Union européenne d’une véritable union bancaire, stabilisera le système financier, permettra de recapitaliser les banques et protégera les États les plus exposés aux risques de taux.
Enfin, la Banque centrale européenne a en charge la politique monétaire, qu’elle conduit en toute indépendance, mais elle n’est pas la seule. Les traités permettent au Conseil européen de se prononcer sur la politique de change. Le Président de la République a dit sur ce sujet des choses extrêmement précises aujourd'hui, qui témoignent de notre préoccupation concernant la compétitivité, laquelle repose sur la compétitivité produit et sur les efforts que nous faisons nous-mêmes en France pour desserrer l’étau pesant sur les entreprises. Il est évident qu’une politique de change un peu plus dynamique pourrait avoir un effet sur la compétitivité beaucoup plus immédiat. Nous réfléchissons à ces questions, qui doivent être débattues au sein du Conseil européen, si toutefois celui-ci décidait de mettre ces sujets à l’ordre du jour.
M. le président. M. Roland Courteau est le dernier orateur.
M. André Gattolin. Et les écologistes ?
M. Michel Vergoz. Et l’outre-mer ?
M. le président. Vous n’aviez pas manifesté votre intention d’intervenir. (M. André Gattolin proteste.) Pour ce qui vous concerne, monsieur Gattolin, vous n’avez levé la main qu’après M. Courteau. Vous vous exprimerez après lui. Nous sommes tenus de respecter le délai d’une heure qui est nous est imparti pour ce débat.
Vous avez la parole, monsieur Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Pour ma part, j’étais prêt à renoncer à la parole. En effet, ma question porte sur le programme européen d’aide aux plus démunis et, m’a-t-on dit, vous y avez déjà répondu, monsieur le ministre.
Je voudrais simplement insister sur le fait que les associations françaises sont dans le désarroi le plus total à la suite des informations selon lesquelles ce programme d’aide alimentaire pourrait être, une fois de plus, réduit.
Vous avez obtenu, m’a-t-on indiqué, que ce programme soit réinscrit et vous avez demandé que ses crédits soient augmentés. Je vous en félicite, monsieur le ministre.
Nous vous faisons confiance pour que l’Union européenne, qui a annoncé vouloir lutter contre la pauvreté, mette enfin en accord ses actes et ses discours grâce à la mise en œuvre d’une véritable solidarité à l’égard des plus démunis.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si, en pleine crise, alors que le chômage progresse dans les conditions que l’on sait, que le nombre de ceux qui sont exclus du marché du travail augmente dans des proportions significatives, que le chômage de longue durée a les effets que l’on connaît en termes d’exclusion, de relégation, de difficultés sociales, humaines, familiales, l’Europe est incapable, alors qu’elle organise la convergence des politiques budgétaires et préconise le sérieux budgétaire, d’envoyer aux plus démunis le signal qu’elle leur tend la main, il ne faudra pas s’étonner du divorce entre les peuples et le projet européen.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On ne peut pas à la fois vouloir une Europe plus forte et plus unie, vouloir qu’elle progresse davantage vers l’Union politique, en sachant que les peuples auront à se prononcer sur la nécessité d’aller plus loin, ou pas, dans ce sens, et prendre le risque de tuer des symboles, qui sont surtout des politiques venant apporter à ceux qui n’ont rien le soutien dont ils ont besoin en période de crise.
Donc, je veux vous le dire très clairement, comme le Président de la République l’a redit à Strasbourg ce matin, la France est déterminée à faire en sorte que le fonds européen d’aide aux plus démunis soit maintenu, pérennisé et correctement doté. Voilà notre feuille de route pour le Conseil européen de la fin de la semaine !
M. Roland Courteau. Très bien ! Merci !
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur Gattolin, je rappelle qu’il s’agit d’un échange spontané et interactif et que, pour poser une question, il faut demander la parole.
M. André Gattolin. Je suis désolé sur le fond, monsieur le président ! On nous a demandé en commission des affaires européennes si nous souhaitions intervenir. La conférence des présidents organise les temps de parole. Ce mode de fonctionnement me paraît un peu compliqué. Il faudrait que les règles soient claires.
M. le président. Je vous invite à faire part de vos remarques à la conférence des présidents.
M. André Gattolin. Ce sera fait !
M. le président. Mon cher collègue, vous êtes le treizième orateur à intervenir en une heure. À cet égard, je remercie M. le ministre et nos collègues d’avoir respecté le temps de parole, ce qui est rare !
Vous avez la parole.
M. André Gattolin. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré la crise et une concurrence toujours plus forte, l’Europe reste la première puissance commerciale de la planète. La régulation des échanges internationaux, rendue plus complexe par les échecs itératifs et récurrents de l’OMC et la multiplication des accords bilatéraux, occupe une place de choix dans nos préoccupations. Elle figure, d’ailleurs, à l’ordre du jour du Conseil européen de cette fin de semaine, en sus des questions liées à l’élaboration du cadre financier pluriannuel.
Les négociations menées avec les États-Unis sont régulièrement évoquées pour illustrer ce phénomène. Des discussions de ce type ont également été engagées, depuis de très nombreux mois, avec le Canada. Elles visent à aboutir à un accord de libre-échange que le Canada lui-même considère comme potentiellement plus important – aussi bien en valeur que du point de vue de la qualité des relations entre pays – que celui qui le lie avec les États-Unis et le Mexique. La conclusion de cet accord pourrait intervenir très prochainement. Les commissaires européens De Gucht et Cioloş sont précisément en déplacement en Amérique du Nord cette semaine.
Or de nombreuses interrogations s’élèvent sur les conséquences qu’aurait la conclusion de cet accord. J’en évoquerai deux principales.
Premièrement, le Canada exploite de manière intensive ses gisements de pétrole et de gaz de sables bitumineux, nonobstant les dangers que cette production fait peser sur la santé publique, et malgré la destruction de l’environnement et la pollution qu’elle entraîne. Le Canada voudrait exporter massivement ces produits vers l’Europe. Les pressions sont actuellement très vives pour que la modification en cours de la directive européenne sur la qualité des carburants permette l’utilisation de ces hydrocarbures dans l’Union européenne, ce que cet accord, le cas échéant, pourrait consacrer.
Quelle est la position du Gouvernement sur la possible importation de produits pétroliers canadiens en Europe comme en France ?
Deuxièmement, cet accord pourrait entraîner une augmentation de 20 % des échanges bilatéraux entre l’Union européenne et le Canada, dont une très grande partie se feront par voie maritime. Les Pays-Bas, avec le port de Rotterdam, bénéficieront sans doute en premier lieu de ce dynamisme nouveau. Ne serait-ce pas là l’occasion de repenser les avantages accordés à ce pays en 2006 en matière de droits de douane ? Cette compensation, dont on connaît mal, d’ailleurs, les tenants et les aboutissants, constitue l’un des rabais les plus regrettables actuellement en vigueur au sein de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Gattolin, j’aurais regretté de ne pas pouvoir répondre à cette question, et je me réjouis donc de pouvoir le faire. (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)
Les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada sont entrées dans leur phase finale, même si beaucoup de sujets sont encore sur la table.
Nous devons notamment nous assurer que l’ensemble des marchés publics canadiens seront bien ouverts aux entreprises européennes, comme les marchés publics européens le seront pour les entreprises canadiennes. Le Canada étant un pays doté d’une structure très décentralisée, nous voulons vérifier que les marchés publics subfédéraux seront bien ouverts aux produits européens.
Des discussions portant sur l’origine d’un certain nombre de produits agricoles, dont on veut garantir la traçabilité, sont également menées.
Enfin, quelques questions se posent encore sur les musées ou sur certains produits culturels, points qui relèvent de notre volonté de défendre la diversité culturelle.
Sur tous ces sujets, la discussion se poursuit. Vous l’avez dit, les commissaires De Gucht et Cioloş sont en train de finaliser ces négociations.
Vous évoquez surtout, monsieur le sénateur, la question des gaz de schiste.
M. André Gattolin. Des sables bitumineux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet !
La révision de la directive que vous évoquée est actuellement bloquée, et nous n’entendons pas que cela change trop rapidement, car notre préoccupation rejoint la vôtre : rien ne doit être fait en la matière sans qu’une étude d’impact précise ait été menée et sans que les résultats aient été publiés. Ce serait nous engager, sinon, sur une pente dont nous ne savons pas jusqu’où elle nous entraînerait. Je vous le dis très clairement, nous ne voulons pas nous engager sur cette voie. Je tenais, monsieur le sénateur, à vous rassurer complètement sur ce point.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013.
M. Michel Vergoz. Monsieur le président, je désire poser ma question !
M. le président. Monsieur Vergoz, pardonnez-moi, mais je ne fais qu’appliquer les décisions de la conférence des présidents.
M. Michel Vergoz. Deux petites minutes !
M. le président. Mon cher collègue, treize sénateurs ont pu s’exprimer : cinq du groupe socialiste, trois du groupe UMP, deux du groupe UDI-UC, un du groupe CRC, un du groupe du RDSE et un du groupe écologiste.
M. Michel Vergoz. Apparemment, l’outre-mer n’est pas en Europe, ce soir !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Création du contrat de génération
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, quand on les interroge sur leurs principales préoccupations, nos concitoyens évoquent systématiquement en premier lieu l’emploi.
D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Entre 2011 et 2012, donc sous l’ancienne majorité, ce sont plus de 160 000 emplois industriels qui ont été détruits en France. Et, pour 2012, la situation ne s’est pas améliorée. Notre pays, toutes catégories confondues, a perdu 63 800 postes de travail, dont 28 400 dans l’industrie et 25 600 dans le tertiaire.
Les jeunes sont évidemment les premières victimes d’un système économique qui permet aux entreprises de licencier même lorsqu’elles réalisent d’importants bénéfices. Non seulement ils sont refoulés à l’accès à l’emploi, mais leur projet de vie se trouve brisé pour de nombreuses années. C’est leur droit à l’autonomie qui est bafoué !
Dans un contexte où le taux de chômage des jeunes en Europe est passé de près de 18 % à 22,5 % entre 2000 et 2012, l’accès à l’emploi, c'est-à-dire au premier emploi puis à l’emploi stable, est devenu particulièrement complexe. Idem pour l’accès à l’autonomie, qui passe d’abord et avant tout par la possibilité d’avoir un logement indépendant. Or la nature précaire des contrats proposés aux jeunes – des contrats qui peuvent parfois sembler se succéder à l’infini – et la faiblesse des salaires rendent l’accès au logement et à l’autonomie quasi impossibles.
La situation est telle que la génération de nos enfants a récemment été qualifiée de « génération sacrifiée » par le Washington Post.
Mme Nathalie Goulet. Si vous lisez le Washington Post, maintenant !… (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Et pourquoi pas ?
M. Dominique Watrin. Mes chers collègues, personne ne peut ni l’admettre, ni s’en réjouir, ni s’y résoudre.
C’est dans ce contexte que nous sommes amenés à examiner ce projet de loi.
La question de la lutte contre le chômage est d’autant plus importante que, il faut bien l’admettre, le précédent gouvernement n’a été ni véritablement déterminé ni efficace. Chacun s’en souvient, pour favoriser l’emploi, il a assoupli le recours aux heures supplémentaires et leur non-rémunération. Il a permis, avec la loi Warsmann, la modulation à l’infini, ou presque, des heures supplémentaires. Pour lutter contre le chômage, il a imposé la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, en contraignant les agents à assumer sans formation des missions qui n’étaient pas les leurs auparavant. Il a mis en place un système d’offres d’emploi dites « raisonnables », qui constituent surtout un outil massif de radiation. Enfin, il a favorisé les opérateurs de placement privés, dont tous les rapports indiquent qu’ils sont encore plus coûteux et moins pertinents que Pôle emploi.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Voilà le bilan de la précédente majorité ! Et je ne parle évidemment pas des injonctions adressées par Nicolas Sarkozy lui-même aux dirigeants des grandes entreprises pour qu’ils retardent leurs plans de licenciement, afin de ne pas « plomber » sa campagne présidentielle.
Le projet de loi portant création des contrats de génération est différent, par sa nature, par sa forme et par les publics concernés, de ce qui a été fait les années précédentes, y compris récemment ; je pense, par exemple, aux emplois d’avenir, dont le groupe CRC avait refusé de voter la création. Tandis que ces derniers reposaient sur des exonérations de cotisations patronales, les contrats de génération bénéficieront d’une aide financière directe de l’État et assumée par lui. La mesure ne grèvera donc pas les comptes de la sécurité sociale, qui souffrent déjà lourdement des exonérations générales de cotisations sociales et d’autres mécanismes d’exemption d’assiette.
Les contrats de génération nous paraissent moins précaires que les emplois d’avenir. Seul le recours au contrat à durée indéterminé sera possible, et les contrats ne devraient, théoriquement, être proposés qu’à temps plein.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Dominique Watrin. À l’issue de ses travaux, l’Assemblée nationale a cependant assoupli cette disposition, en proposant que le jeune puisse être employé à temps partiel, en quatre cinquièmes, afin, notamment, de lui permettre de réaliser une action de formation.
Monsieur le ministre, cette formule nous paraît devoir être précisée. Il faut s’assurer que les actions de formations, qui sont réalisées pendant le temps de travail pour l’ensemble des salariés, ne s’effectueront pas en dehors pour les bénéficiaires des contrats de génération. Il ne faudrait pas, et je sais que telle n’est pas votre volonté, que les jeunes concernés puissent se sentir considérés comme des salariés aux droits réduits.
Nous nous réjouissons également que le dispositif prenne des formes différentes en fonction de la taille des entreprises. Nous plaidons depuis des années pour que les mesures incitatives et les politiques d’aides publiques puissent être modulées en fonction de critères différents, comme la politique salariale menée par les entreprises ou leur taille.
S’il est légitime que les salariés de toutes les entreprises aient les mêmes droits et le même niveau de protection, rien ne doit nous interdire de faire varier les politiques de soutien à l’emploi en fonction de la taille des entreprises. Les besoins des très petites entreprises, où il n’y a parfois qu’un seul salarié, voire uniquement le créateur, et ceux des grandes entreprises et des multinationales ne sont évidemment pas les mêmes !
Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir comment le dispositif sera appliqué dans les entreprises franchisées. Par exemple, nous savons que certains groupes n’hésitent plus à franchiser les structures pour contourner leurs obligations sociales liées aux effectifs de l’entreprise. Aussi, il nous semble important qu’une réflexion soit menée sur ces sociétés, afin d’éviter qu’elles ne profitent du cadre légal le moins contraignant quand elles devraient théoriquement se voir appliquer la règle prévue pour les entreprises de plus de trois cents salariés en l’absence de franchise.
D’une manière générale, ce projet de loi est conforme aux volontés exprimées à l’unanimité des organisations syndicales représentatives des salariés et des organisations patronales. Cela nous change d’ailleurs considérablement de ce qui se pratiquait sous le gouvernement précédent, dont je rappelle, pour mémoire, qu’il avait profité de la transposition d’un accord national interprofessionnel portant précisément sur la représentativité pour imposer des mesures dérégulant le temps de travail, non négociées et non approuvées par les partenaires sociaux, exception faite du MEDEF…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Le projet de loi, comme d’ailleurs l’accord national interprofessionnel, l’ANI, opère une hiérarchie claire et privilégie les accords négociés aux plans d’action et les plans d’action aux accords de branches étendus. Cet ordonnancement est positif.
C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement visant à faire en sorte que l’aide financière accordée aux entreprises en contrepartie de la signature d’un contrat de génération soit également modulée en fonction des mesures adoptées par elles pour mettre en œuvre un tel dispositif. L’objectif est clairement d’inciter à la signature d’un accord dans l’entreprise. En effet, nous le savons, les plans d’action, qui sont des mesures unilatérales prises par l’employeur, ne sont pas pleinement satisfaisants. Nous l’avions souligné lors de la réforme des retraites, qui prévoyait que l’employeur pouvait mettre en œuvre un plan d’action en l’absence d’accord sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Un rapport de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, de 2011 sur l’emploi des seniors le confirme.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Absolument !
M. Dominique Watrin. Il fait une double démonstration. D’une part, les employeurs préfèrent les plans d’action, 70 % des entreprises ayant opté pour un plan d’action, contre 30 % pour un accord collectif. D’autre part, les plans sont généralement moins ambitieux.
Monsieur le ministre, cette crainte, nous l’avons d’autant plus que le projet de loi n’exige pas des plans d’action qu’ils prévoient des mécanismes pour chacun des sept thèmes retenus dans l’ANI en les mentionnant explicitement.
Aussi, afin de ne pas réduire les contrats de génération au seul recrutement d’un jeune au sein d’une entreprise, pour inciter au dialogue social en son sein et faire en sorte que tous les axes de mobilisation retenus dans l’accord national interprofessionnel soient pris en compte, nous proposerons un amendement de modulation de l’aide financière en fonction de la forme retenue pour la mise en œuvre des contrats.
Vous l’aurez compris, le groupe communiste, républicain et citoyen votera en faveur de ce projet de loi, en regrettant toutefois qu’il continue de se fonder sur un postulat que nous considérons erroné, celui du coût excessif du travail.
Les tassements des salaires constatés depuis des années conduisent à une forme de « smicardisation » du salariat. Qui peut aujourd’hui prétendre que les salariés qui survivent avec le SMIC ou à peine plus sont trop payés ? Qui peut raisonnablement affirmer aujourd’hui que notre système de protection sociale, qui a permis à la France d’éviter le pire en plein cœur de la crise économique, n’est pas indispensable ? Qui peut, MEDEF excepté, considérer que les salariés doivent encore et toujours consentir à des efforts financiers, des réductions de salaire, à des périodes de chômage partiel, quand les actionnaires qui détiennent les entreprises profitent, eux, d’un taux de rentabilité à deux chiffres et s’enrichissent grâce à leurs dividendes ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste !
M. Dominique Watrin. De surcroît, pour nous, ce projet de loi n’est qu’une étape et ne devrait être qu’un outil parmi d’autres dans la lutte contre le chômage. La vocation des contrats de génération, qui est de permettre à des salariés expérimentés de transmettre leurs savoirs et leurs compétences à des jeunes, est louable, et aurait même pu être renforcée dans le texte.
Pour autant, si positifs que ces contrats de génération puissent être, ils ne peuvent pas résumer à eux seuls, avec les emplois d’avenir, la réponse du Gouvernement face à la dégradation continue des chiffres de l’emploi.
Les politiques incitatives qui prennent la forme d’aides publiques finissent toujours par montrer des signes de faiblesse et ne vous permettront pas de résoudre durablement la crise de l’emploi que notre pays connaît. Leur empilement – j’ai découvert dans la presse que l’on parlait maintenant d’« emplois francs » – n’est pas gage de succès.
Pour s’attaquer au fléau du chômage des jeunes, il faudra inévitablement reposer la question de l’utilité sociale des richesses créées par le travail.
Le poids du capital ne cesse de croître et détruit l’emploi. Ce sont précisément celles et ceux qui exigent des salariés de consentir des efforts qui obtiennent depuis des années une allocation croissante des richesses créées en direction de la rémunération du capital, au détriment des salaires et de l’investissement. Et à eux, on ne leur demande jamais aucun effort ! Le MEDEF, si prompt à imposer des « plans compétitivité » aux salariés, c'est-à-dire des baisses de salaires, oublie systématiquement de regarder du côté de ses adhérents.
Puisque les actionnaires sont, pour la plupart, incapables de modérer leurs appétits, au groupe CRC, nous continuons à penser, avec de plus en plus de salariés, d’ailleurs, qu’il est grand temps d’interdire les licenciements boursiers pour protéger l’emploi et l’outil industriel. Les entreprises qui versent des dividendes ne doivent plus pouvoir licencier pour motif économique. Comment ces patrons peuvent-ils prétendre connaître des difficultés économiques quand ils rémunèrent les actionnaires, versent des dividendes, rachètent leurs actions ou celles d’autres entreprises, quitte à perdre des sommes colossales ? Nous n’acceptons pas que l’argent aille au capital et non au travail quand il revient in fine à la collectivité de payer les conséquences d’une telle situation.
Enfin, monsieur le ministre, je ne peux pas conclure sans relever avec une certaine solennité que, depuis la conclusion de cet accord national interprofessionnel à l’unanimité des représentants tant patronaux que salariés, le contexte politique et social a changé. Vous avez en effet annoncé l’examen prochain, sans doute en procédure accélérée, d’un projet de loi transposant l’accord signé par le patronat et trois organisations syndicales minoritaires : cela ne peut pas nous satisfaire.
Présenté comme devant sécuriser l’emploi, cet accord nous semble, au contraire, affaiblir les droits des salariés et favoriser leur précarisation.
Il prévoit des dispositions qui sont contraires à l’esprit des contrats de génération, puisqu’elles permettent aux employeurs de recruter des salariés sous des statuts plus précaires que ceux qui existent aujourd’hui, avec la création, par exemple, d’un « CDI intermittent ».
Cet accord permet également, dans son article 15, de faciliter le licenciement, puisque, par exemple, dans le cadre de la mobilité professionnelle, le salarié ne pourra plus refuser le changement de poste ou de lieu de travail, et cela sans limitation géographique. En effet, son opposition entraînera son licenciement pour un motif autre qu’économique, le privant des protections et des compensations financières attachées à ce type de licenciement.
Alors que ces contrats de génération font de la formation du jeune salarié un élément majeur de leur réussite, l’accord minoritaire réduit le congé de reclassement, lequel passerait de douze à neuf mois.
Enfin, et pour ne citer que quelques exemples, cet accord minoritaire sacralise dans la loi le chantage à l’emploi que subissent déjà les salariés ; je pense notamment à ceux de Renault. Il autorisera les entreprises qui se disent en difficulté à conclure un accord majoritaire pour « adapter » le temps de travail et les rémunérations des salariés en exonérant les employeurs des obligations qui auraient résulté de licenciements économiques, cela, naturellement, sans demander aucun effort aux actionnaires.
Permettre aux jeunes – et ce sera ma conclusion – d’accéder à l’emploi tout en autorisant le patronat à le détruire nous semble être pour le moins paradoxal !
Pour l’heure, nous voterons en faveur de ce projet de loi, en espérant qu’il sera complété par nos amendements et en demeurant particulièrement vigilants pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Alain Néri. Il faut bien commencer par quelque chose !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est difficile de s’exprimer sur un sujet aussi compliqué, d’autant qu’en la matière toute posture idéologique est vaine.
Il est vrai que ce débat nous renvoie à deux réalités « de masse », et pas seulement en France d’ailleurs, mais aussi dans de nombreux pays européens, qui touchent et les jeunes et les seniors.
D’abord, grosso modo, un quart des jeunes connaissent le chômage. Alors, certes, on le qualifie de « file d’attente », pour signifier que, finalement, ce n’est pas si grave, mais, en réalité, après la file d’attente, c’est un parcours de précarité de l’ordre de cinq ans en moyenne qui attend les jeunes !
Quant aux seniors victimes du chômage, ils sont confrontés à un phénomène d’exclusion et de relégation sociale, au sens qu’a donné à ces termes Dominique Schnapper.
Est-ce la société que nous souhaitons ? Pouvons-nous nous satisfaire de cette réalité structurelle et durable ? À ces questions d’apparence bien naïves, tout le monde ici répondra sans doute par la négative. Pourtant, nous peinons vraiment à aborder cette question et à y apporter des réponses qui ne soient ni conjoncturelles ni marginales.
Messieurs les ministres, au sein du groupe UDI-UC, nous souscrivons à l’ambition qui sous-tend ce texte et à l’objectif visé, à savoir tenter de faciliter l’insertion des jeunes et aider au maintien dans l’emploi des seniors. Nous arrivons donc avec un a priori positif. Tout ce qui peut en effet donner un « coup de main » aux jeunes et aux seniors doit être soutenu. Nous avons envie de vous croire, de vous suivre et d’être, comme vous, optimistes.
Toutefois, nous avons un sérieux doute sur les mesures pour l’emploi que vous avez prises et sur leur capacité à apporter une réponse durable et massive à la réalité durable et massive que nous connaissons.
Je pense naturellement au crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, et aux contrats d’avenir.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Deux euros ! (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno. Si cela vous fait plaisir ! Ce n’est pas grave.
Mme Chantal Jouanno. Tout est bon pour gagner des sous ! (Nouveaux sourires.)
Mme Chantal Jouanno. N’essayez pas de me troubler !
Face à l’ensemble de ces dispositifs, pensons-nous qu’il s’agit de solutions radicalement nouvelles susceptibles de permettre de renverser la situation ?
Sur les emplois d’avenir, nous nous sommes déjà exprimés : ils ressemblent un peu au dispositif emplois-jeunes, même s’ils ont été mieux ciblés.
Les contrats de génération sont-ils si neufs ?
En réalité, pour les seniors, ils ont plutôt vocation à se substituer aux accords de 2009 relatifs à l’emploi des seniors, accords qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité !
Pour les jeunes, j’ai bien noté les circonlocutions de notre ministre, Thierry Repentin.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Non, non, restez !
Mme Chantal Jouanno. Je dis « notre », parce que M. Repentin est issu du Sénat, monsieur le ministre !
Vous dites que ce n’est pas un contrat aidé, mais il n’en reste pas moins vrai que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés, le contrat de génération donnera bien lieu au versement d’une aide. Par conséquent, si ce n’est pas de l’emploi aidé, cela y ressemble, à moins que vous ne reconnaissiez la trop grande importance du coût du travail des jeunes, ce dont nous pourrons alors discuter !
Mais je vous taquine…
Cela dit, j’ai compris que je n’étais pas la seule, sur ces travées, à considérer qu’il y avait, derrière ce dispositif, un problème de coût du travail des jeunes !
Messieurs les ministres, au-delà de ce problème de fond, demeure une question pratique très simple pour laquelle nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.
Nous savons que l’aide ou la réduction du coût de travail sera de 4 000 euros annuels par contrat de génération. Mais s’agira-t-il de 4 000 euros nets ou bien l’aide sera-t-elle fiscalisée ? Ce n’est pas encore très clair dans notre esprit, mais vous ne manquerez pas de nous éclairer !
Sur le plan quantitatif, ces contrats vont-ils permettre de répondre au problème ?
On sait que les contrats d’avenir…
Mme Chantal Jouanno. Quatre euros !
On sait que les emplois d’avenir concerneront 150 000 jeunes dans un premier temps et 300 000 à la fin. On sait aussi que nombre de jeunes ne sont pas inscrits et ne figurent pas dans les statistiques de Pôle emploi.
Mme Chantal Jouanno. Qu’en sera-t-il des contrats de génération ? À vrai dire, nous n’en savons rien. Certes, l’étude d’impact est fondée sur une hypothèse de 100 000 embauches annuelles éligibles en année pleine. Mais, en off, les partenaires sociaux considèrent que ces chiffres sont quelque peu optimistes.
Notre rapporteur, Christiane Demontès, pourtant peu suspecte d’antigouvernementalisme,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Effectivement !
Mme Chantal Jouanno. … admet que « ces évaluations doivent être bien évidemment maniées avec prudence, car elles dépendent du taux de croissance de l’économie, du taux de substitution avec les CDD, et de la simplicité des démarches administratives pour obtenir les aides. »
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est vrai !
Mme Chantal Jouanno. Au-delà de la seule question du nombre, c’est aussi celle de la pérennité de ces emplois qui se pose. Ces contrats permettront-ils d’apporter une réponse durable ? Cela aurait pu être le cas s’ils avaient été mieux ciblés. Nous nous sommes déjà exprimés sur les emplois d’avenir qui, selon nous, auraient dû être uniquement ciblés sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ils le sont !
Mme Chantal Jouanno. Ils le sont, mais il y a eu des ouvertures.
Quant aux contrats de génération, ils bénéficieront à tous les jeunes de moins de vingt-six ans, sans distinction de niveau d’études. Et, compte tenu de cette option, l’impératif de formation est explicitement écarté par le Gouvernement, qui « tient à ce que le contrat de génération ne soit pas un contrat de formation en alternance ». Or, dans son dernier rapport, la Cour des comptes montre que les contrats de formation en alternance comme les contrats d’apprentissage sont tout de même la meilleure garantie pour une insertion rapide et durable dans le marché du travail.
Cet impératif de formation sera-t-il assuré dans l’entreprise – ce serait tout de même le génie du dispositif intergénérationnel ! – par un senior qui transmettra ainsi son savoir ? Il y a eu des avancées à l’Assemblée nationale, grâce d’ailleurs à des amendements de l’UDI.
Mais nous souhaiterions que le lien intergénérationnel soit beaucoup plus clair, afin que soit précisé qui accueillera le jeune, qui le formera, et que les rôles de chacun soient établis. Nous défendrons des amendements sur ce point. Nous vous le disons très clairement, ce seront pour nous des points « durs » dans la discussion !
Concernant la question du ciblage des employeurs – je vais, là encore, revenir sur une position assez classique au sein de notre groupe –, nous aurions souhaité que tous les dispositifs soient ouverts à l’ensemble des secteurs, notamment au secteur marchand. Ce n’est pas le cas, puisque vous avez ciblé les « emplois » d’avenir. Je fais attention maintenant : c’est que j’en suis déjà à quatre euros ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Très bien !
Mme Chantal Jouanno. Les emplois d’avenir, donc, sont réservés au secteur non marchand, qui serait seul apte à accueillir des jeunes non qualifiés. Cela laisserait entendre que le secteur marchand ne peut pas aider à leur insertion, ce qui est faux. En effet, des entreprises d’insertion fonctionnent extrêmement bien et la Cour des comptes le montre assez clairement ; je n’y reviens donc pas.
Mme Chantal Jouanno. Pas complètement ! On peut en discuter, j’avais déjà déposé des amendements sur ce sujet.
Quant aux contrats de génération, ils sont réservés au secteur marchand, mais bien évidemment dans une enveloppe extrêmement contrainte. Ce qui est un peu gênant, en tout cas pour les grandes entreprises, c’est ce dispositif assez lourd de contrôle a priori qui éloigne beaucoup la formule d’un contrat de confiance qui serait passé entre les pouvoirs publics et les entreprises. Nous déposerons donc aussi des amendements pour alléger ce dispositif et passer plutôt à des contrôles a posteriori.
Vous aurez du mal, je le sais, à revenir sur les fondements politiques de ce dispositif. C’est dommage, car les emplois d’avenir et les contrats de génération, orientés vers le secteur marchand, auraient vraiment pu être complémentaires.
Les premiers correspondent bien aux besoins des petites et moyennes entreprises, tandis que les seconds, au contraire, semblent mieux calibrés pour les grands groupes ou, à l’opposé, pour les très petites entreprises, notamment dans le cadre de ces transmissions d’activité qui se passent souvent si mal dans notre pays.
En allant plus loin, n’aurait-il pas été plus intéressant et plus productif de cibler spécifiquement les secteurs d’activité exposés à une perte de compétence, comme le recommande le Conseil économique, social et environnemental ?
En résumé, pour que les deux dispositifs en question produisent des effets vertueux, il faudrait, selon nous, que soient réunies trois conditions : qu’ils bénéficient prioritairement aux jeunes les plus éloignés de l’emploi ; qu’ils garantissent une formation diplômante et qualifiante – je rappelle que nous défendrons des amendements en ce sens ! – et qu’ils leur ouvrent les portes du secteur productif.
Cela me conduit, de manière plus succincte, à ma seconde critique de votre politique de l’emploi : vous conservez une vision malthusienne de l’emploi et une approche conjoncturelle du chômage.
Il faut tout de même que nous nous posions la question : pourquoi une entreprise ne crée-t-elle pas d’emploi ? Pour la simple raison qu’elle n’a pas de commande et donc pas nécessairement la certitude qu’elle pourra durablement assumer le coût de ce salarié !
Une politique de l’emploi ne partage pas le travail, elle cherche à le créer.
S’agissant du coût du travail, vous connaissez le discours, mais j’y reviens quand même, car cela fait du bien ! (Sourires.)
Messieurs les ministres, vous vous êtes privés des réductions de charges et de la « TVA compétitivité ». C’est dommage, nous en avions déjà assumé l’impopularité !
Mme Chantal Jouanno. Même si elles étaient insuffisantes, ces deux mesures étaient nécessaires pour alléger la fiscalité pesant sur le travail et réformer le financement de la protection sociale. Vous avez dû, in fine, créer le CICE, qui est très limité et trop tardif dans le temps, puisqu’il ne s’appliquera pleinement qu’en 2014.
Surtout, vous affirmez votre volonté de financer ce nouveau dispositif des contrats de génération par le CICE. Or, à l’origine, ce crédit d’impôt devait servir à favoriser la recherche, l’investissement, la compétitivité et donc l’emploi à long terme.
À la limite, nous aurions été extrêmement satisfaits que vous envisagiez un deuxième plan d’investissements d’avenir ou que vous fixiez un objectif à terme contraignant de dépenses d’investissement et de recherche pour les acteurs publics, notamment les collectivités. Mais ces critiques-là, vous les connaissez. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
En conclusion, nous sommes réservés sur les fondements de votre politique de l’emploi. Mais il n’est pas question de nous opposer par principe à un dispositif destiné à aider les jeunes et les salariés les plus en difficulté. Aussi, pour déterminer son vote, le groupe UDI-UC attendra-t-il l’issue des débats, notamment s’agissant du sort qui sera réservé à ses amendements sur la formation.
Faute d’une amélioration dans ce sens et d’un meilleur ciblage du dispositif, nous craignons que les contrats de génération ne constituent pas une réponse durable à une difficulté qui, elle, l’est !
Je voulais terminer sur ce point. Je n’ai pas épuisé tout mon temps de parole, mais sans doute ai-je épuisé votre attention…
Les jeunes n’ont que faire des vieilles postures idéologiques sur le partage du travail, des oppositions stériles entre public et privé, entre néoclassiques et néokeynésiens. Comme les seniors, ils nous demandent de faire preuve d’un peu de pragmatisme, d’éviter de nous envoyer à la figure, comme cela se fait dans d’autres hémicycles, des mots définitifs et des certitudes péremptoires. Ce sont les valeurs que notre groupe UDI-UC défendra au cours de cette discussion. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de ses vœux aux Français, le Président de la République, sans occulter les difficultés rencontrées par notre pays et par nos concitoyens, a souhaité insister sur les priorités qui guideront l’action du Gouvernement en 2013.
« Voilà, le cap est fixé : tout pour l’emploi, la compétitivité et la croissance. » Et il ajoutait : « Ce cap sera tenu. Contre vents et marées. Je n’en dévierai pas. Non par obstination, mais par conviction. C’est l’intérêt de la France. »
Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a fait du combat pour l’emploi sa priorité. C’est dans cette perspective que doivent être appréhendés les textes que le Parlement a déjà votés : loi portant création des emplois d’avenir et loi de finances rectificative pour 2012, qui crée le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Avant d’entrer dans l’examen au fond des principales dispositions de ce projet de loi, permettez-moi de revenir sur la méthode qui a prévalu à son élaboration. Elle constitue selon moi une avancée majeure, qu’il faut souligner.
Sans retracer la genèse du contrat de génération, je rappellerai néanmoins qu’elle est née de la volonté de François Hollande, qui la défendit dès la campagne des primaires citoyennes, avant de l’intégrer logiquement dans son programme présidentiel.
Mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce soir est en outre le fruit d’un processus entamé lors de la grande conférence sociale qui s’est tenue les 9 et 10 juillet 2012. Cette dernière a marqué le début de négociations entre les partenaires sociaux, qui, sous l’égide du Gouvernement et, en particulier, de Michel Sapin, sont parvenus à un accord national interprofessionnel le 19 octobre dernier, et ce – j’insiste sur ce point – à l’unanimité des organisations représentatives.
Cet accord n’est évidemment pas le premier, mais il illustre la volonté de l’exécutif d’associer les partenaires sociaux à l’élaboration des grands chantiers du quinquennat, le texte initial du Gouvernement reprenant très largement les termes de l’accord.
C’est la même méthode qui a été utilisée s’agissant de la sécurisation des parcours professionnels : elle a abouti le 11 janvier 2013 à un autre accord national interprofessionnel, qui donnera lieu à un texte de loi dont nous débattrons prochainement.
Reconnaissez-le, mes chers collègues, cette approche constitue une indubitable rupture par rapport à celle qui fut privilégiée par le précédent exécutif.
Loin de penser que cette façon de procéder rogne sur les prérogatives des assemblées, j’estime au contraire qu’une telle démarche enrichit notre travail, dans la mesure où notre institution conserve la possibilité d’améliorer le texte, dans l’esprit de l’accord.
Venons-en au diagnostic ayant présidé à la création de ce dispositif. Il repose sur le double constat mis en lumière par l’étude des statistiques relatives à l’emploi, qui montrent une nette inflexion de la courbe du taux d’activité chez les 15-24 ans et les 55-64 ans.
Ce constat, connu de longue date, est partagé sur l’ensemble des travées de notre assemblée. Le phénomène s’est même amplifié en ces années de crises, avec son lot de retraites anticipées pour les uns et de chômage ou de contrats précaires pour les autres.
Les chiffres sont éloquents : atteignant selon l’INSEE 25 % au troisième trimestre 2012, soit un jeune sur quatre, le taux de chômage des 15-24 ans est 2,5 fois supérieur à celui de l’ensemble de la population.
L’emploi des jeunes est, depuis au moins une trentaine d’années, une inquiétude pour les gouvernements successifs, qui ont multiplié les dispositifs en sa faveur.
M. André Reichardt. C’est exact !
M. Jean-Michel Baylet. Nous le savons, les difficultés rencontrées par les jeunes pour s’insérer dans le marché du travail, outre leurs aspects économiques et sociaux, ont une dimension symbolique. Elles interrogent notre société sur sa capacité à offrir à ses enfants un avenir meilleur que celui de leurs parents.
C’est ainsi que, dès 1977, Raymond Barre, alors Premier ministre, prit les premières mesures en faveur du travail des jeunes. S’ensuivit une succession de sigles et autres acronymes derrières lesquels se cachaient autant de dispositifs qui connurent plus ou moins de succès : les TUC, les CIE ou les CPE...
Par ailleurs, à l’autre bout du monde du travail, les travailleurs âgés sont également confrontés, à partir de cinquante-sept ans, à une baisse de leur taux d’activité. D’où la nécessité de mener une politique de l’emploi spécifique à destination des salariés âgés, afin de faire disparaître les périodes d’inactivité forcée auxquelles ils peuvent être confrontés dans les dernières années de leur vie professionnelle et de relever, dans la lignée des orientations établies au niveau européen, leur taux d’emploi.
Longtemps, les politiques de l’emploi ont appréhendé de manière distincte ces formes de chômage et ces faibles taux d’activité. Il a même parfois été considéré que les travailleurs âgés devaient laisser leur place et leur travail aux jeunes. Une des innovations majeures de votre texte, monsieur le ministre, est d’associer les deux extrémités de la pyramide des âges du monde du travail, là où on se contentait auparavant de les opposer.
Outre la méthodologie, l’autre nouveauté introduite par ce projet de loi est en effet le postulat selon lequel le maintien dans l’emploi des travailleurs âgés n’est pas un frein à l’entrée des jeunes dans le monde du travail.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Michel Baylet. Mieux, le texte du projet de loi lie les deux générations par le biais de la transmission des savoirs et des compétences.
En octobre 2010, lors de l’examen par notre assemblée du texte portant réforme des retraites, notre groupe avait déposé un amendement qui préfigurait une telle alliance des générations. Nous avions en effet proposé l’introduction d’un article visant à inciter le développement de la fonction de tuteur, exercée par des salariés de cinquante-cinq ans ou plus, pour participer à la formation de jeunes embauchés en contrat de professionnalisation. Le dispositif ainsi proposé différait quelque peu du contrat de génération, car, avec le contrat de professionnalisation, il concernait un contrat aidé – ce que n’est pas le contrat de génération –, mais l’idée de retisser le lien entre les générations autour d’une transmission d’expérience était déjà bien là.
Nous fondant sur les conclusions du rapport très complet de notre collègue Christiane Demontès, nous pouvons dire qu’une telle articulation sera une première en Europe.
Mes chers collègues, l’un des enjeux des contrats de génération a concerné la définition des publics éligibles. S’agissant du versant « jeunes », la limite d’âge a été fixée à vingt-six ans. À la différence des emplois d’avenir, aucune limite en termes de diplômes n’est fixée, ce qui correspond aux différents publics visés par ces deux mécanismes. Nous avons tiré les enseignements des emplois jeunes : pensés initialement pour les jeunes peu ou pas diplômés, ils furent largement mobilisés pour l’embauche de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.
Outre le fait de donner un « coup de pouce » à l’embauche d’un jeune, le principal atout du dispositif est de permettre que les moins de vingt-six ans, plutôt habitués aux contrats courts, stages et autres contrats à durée déterminée, CDD, puissent être embauchés en contrats à durée indéterminée, CDI. C’est un réel progrès, alors même que les jeunes constituent la tranche d’âge la plus touchée par les emplois précaires.
Le groupe radical avait souhaité déposer un amendement visant à étendre l’âge limite du dispositif au profit des jeunes diplômés ayant obtenu un doctorat. Ces derniers, parce qu’ils ont mené des études approfondies, entrent plus tardivement sur le marché du travail. De surcroît, en dépit du niveau de leurs études, ils peuvent éprouver des difficultés pour s’insérer. C’est la raison pour laquelle nous proposions qu’ils puissent être éligibles aux contrats de génération jusqu’à la veille de leurs trente ans. Je regrette que ledit amendement ait été frappé d’irrecevabilité.
Les travailleurs âgés, eux, pourront être concernés par les contrats de génération à partir de cinquante-sept ans, âge à partir duquel le taux d’activité chute. Il s’agit d’un outil important pour le maintien dans l’emploi. Nous connaissons en effet les grandes difficultés rencontrées par ces personnes, qui sont dans la quasi-impossibilité de retrouver un emploi après un licenciement.
Comme le Gouvernement en a pris l’habitude, un volet du projet de loi concerne plus spécifiquement les personnes handicapées, qui peuvent bénéficier des contrats de génération jusqu’à trente ans et à partir de cinquante-cinq ans.
En étudiant les dispositifs mis en place en direction des entreprises, on constate qu’il existe non pas un mais plusieurs contrats de génération.
Pour les entreprises de moins de cinquante salariés et celles qui comptent entre cinquante et trois cents salariés, la prime de 4 000 euros par an – 2 000 euros pour l’emploi d’un jeune et autant pour le maintien d’un senior – constitue une véritable aide à l’embauche.
Pour les entreprises moyennes, cette aide sera subordonnée à un accord « intergénérationnel » dans l’entreprise ou dans la branche. Elle ne permettra évidemment pas à elle seule de justifier une embauche, mais elle aidera les petites et moyennes entreprises qui hésitent à recruter à franchir le pas, de surcroît en offrant un CDI, puisqu’elle permet une baisse d’environ 20 % du coût du travail pour un salarié rémunéré au SMIC.
Par ailleurs, il faut souligner le dispositif plus spécifique des contrats de génération destinés à la transmission d’entreprise, notamment des TPE ou des entreprises artisanales. On sait en effet que la période de la transmission est souvent source de turbulences et d’incertitudes. Un chiffre interpelle : 63 % des sociétés artisanales ne sont pas reprises lors d’un départ à la retraite. Avec le contrat de génération, on permet donc un accompagnement et une transmission en douceur.
Pour les entreprises plus grandes, de plus de trois cents salariés, les partenaires sociaux en sont tombés d’accord, les contrats de génération n’ouvriront pas droit à une aide. Ils devront faire l’objet d’un accord collectif d’entreprise ou d’un plan d’action. Ainsi, le dialogue social, mis à contribution pour l’élaboration de la loi, le sera également lors de sa mise en œuvre. En cas d’absence d’accord collectif ou de plan d’action, une pénalité pourra s’appliquer.
Ce faisant, le coût des contrats de génération sera contenu. Il est néanmoins estimé à 880 millions d’euros, à vitesse de croisière, à l’horizon 2016, pour un nombre de contrats d’environ 500 000. Leur financement sera intégré au pacte de compétitivité, mais n’entamera pas l’enveloppe allouée au CICE.
Eu égard au caractère novateur du dispositif et à la nécessité de procéder à son évaluation, l’Assemblée, nationale a amendé le texte du Gouvernement, y ajoutant un article 6. Celui-ci prévoit que, chaque année, à compter du 30 juin 2014, le Gouvernement déposera un rapport au Parlement sur la mise en œuvre du contrat de génération.
Cet article tend à imposer un suivi de l’état d’application et de l’efficacité des dispositifs du projet de loi, ainsi que du nombre d’emplois créés. Notre rapporteur a fait adopter, lors de l’examen du texte en commission, un amendement visant à étendre cette analyse aux bornes d’âge.
Des modalités de modification de la loi sont également prévues trois ans après l’entrée en vigueur du présent texte. Nous aurons, à ce moment-là, l’occasion de revenir sur son ratio coût-efficacité.
Disons-le clairement, mes chers collègues, les contrats de génération, à eux seuls, ne permettront pas de faire baisser tendanciellement le chômage dans notre pays, mais nous devons considérer qu’ils s’inscrivent dans un ensemble de dispositifs de lutte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.
Le futur débat sur la traduction législative de l’accord du 11 janvier dernier sera la prochaine étape de cette « bataille pour l’emploi », pour reprendre le vocable du ministre lui-même.
Mais d’autres chantiers ont été lancés ou s’ouvriront dans les prochains mois. Je pense notamment à une véritable réforme de la formation professionnelle.
Au cours de l’examen du présent texte en commission, M. Repentin, ministre délégué à la formation professionnelle, a précisé que le contrat de génération prenant la forme d’un CDI ouvrirait l’accès au plan de formation de l’entreprise. Ce secteur, toutefois, ne pourra pas faire l’économie d’une vaste remise en question.
Je pense enfin au pacte pour l’artisanat, présenté en conseil des ministres le 23 janvier dernier. « Sept enjeux stratégiques » y sont mis en avant. Nous pouvons citer les deux premiers, qui entrent en résonance avec les thématiques dont nous débattons aujourd’hui : il s’agit, d’une part, de faciliter la reprise d’entreprise et la transmission des savoir-faire et, d’autre part, d’inciter les jeunes à s’orienter vers les filières de l’artisanat et de renforcer l’attractivité de ces métiers parfois méconnus ou confrontés à des pénuries de main-d’œuvre.
Mes chers collègues, au cours de la discussion des articles, notamment de l’article 1er, le groupe du RDSE vous proposera d’apporter quelques améliorations au texte transmis par la commission. Mais, à ce stade, nous ne pouvons que constater que ce projet de loi porte la marque du pragmatisme et du bon sens. L’idée d’allier les générations était séduisante ; sa mise en œuvre, qui associe l’ensemble des partenaires sociaux, est adaptée en fonction des différentes tailles des entreprises, afin d’éviter au maximum les effets d’aubaine.
Pour ces raisons, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE apporteront naturellement leur appui à ce texte. Ils soutiendront aussi, et de manière forte, le Gouvernement dans son combat pour la compétitivité, la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce soir, nous débattons du projet de loi portant création du contrat de génération, c'est-à-dire du trente-troisième engagement du candidat François Hollande, devenu Président de la République.
Afin de faire plaisir au groupe UMP,…
M. André Reichardt. Ah !
M. Ronan Kerdraon. … permettez-moi de rappeler les termes de cet engagement : « Je proposerai un contrat de génération pour permettre l’embauche par les entreprises, en contrat à durée indéterminée, de jeunes, accompagnés par un salarié plus expérimenté, qui sera ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Ce “tutorat” permettra de préserver des savoir-faire et d’intégrer durablement les jeunes dans la vie professionnelle. »
Lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Président de la République a proposé aux partenaires sociaux, dans son discours inaugural, de négocier sur ce type de contrat.
De fait, ce texte s’inscrit dans la bataille pour l’emploi que mène le Gouvernement depuis mai 2012.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est une belle idée, n’en déplaise à Mme Debré, car il vient en appui de l’alternance et de l’apprentissage, dont il est le complément.
La situation de l’emploi est, en effet, particulièrement préoccupante. Le chômage atteint un niveau historiquement élevé. La réalité est cruelle : la barre des trois millions de chômeurs a été dépassée, soit près de 10 % de la population active.
La responsabilité politique de l’actuelle opposition est écrasante.
M. André Reichardt. Bien sûr…
M. Ronan Kerdraon. Ce sont toujours les mêmes catégories sociales, les mêmes classes d’âges et, souvent, les mêmes territoires qui sont touchés.
Le texte dont nous débattons fait suite au projet de loi sur les emplois d’avenir, qui permet de remettre le pied à l’étrier à des jeunes avec peu ou pas de qualification.
Le principe du dispositif est simple : inciter, à travers une aide publique, les entreprises à embaucher un jeune tout en maintenant un senior dans l’emploi.
Sa force réside dans le fait qu’il est issu du dialogue social, remis à l’ordre du jour par notre gouvernement, messieurs les ministres.
En seulement un mois de discussions, syndicats et patronat sont parvenus à un accord sur la mise en œuvre des contrats de génération. Le Gouvernement avait fixé le cahier des charges et les partenaires sociaux ont précisé le dispositif.
La chose est suffisamment rare pour être soulignée : le projet de loi est la transcription d’un accord national signé par les cinq confédérations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Cette méthode mérite d’être saluée et encouragée, car elle est exemplaire. Elle reste porteuse d’avenir !
Le projet de loi apporte une réponse forte à ce qui est l’une des plaies récurrentes de notre marché du travail depuis de trop nombreuses années : le chômage excessif des jeunes et des seniors.
Son originalité, sa spécificité réside en effet dans le fait qu’il allie les âges : les jeunes et les seniors. Ce sont eux les premières victimes de la crise que nous traversons et de la précarisation accrue du marché du travail.
Aux deux extrémités de la pyramide des âges, l’accès à l’emploi est parsemé de multiples obstacles que, jusqu’à présent, les dispositifs imaginés ne sont pas parvenus à lever.
Dans les deux cas, c’est bien la question de l’utilité sociale qui se pose. Comment se sentir utile à notre société ? Comment avoir le sentiment d’en être un véritable acteur ?
Mes chers collègues, nous le savons tous, le fait d’avoir un emploi conditionne toute une vie : la capacité à acquérir un logement, à fonder une famille, à participer aux frais de scolarité ou d’études de ses enfants.
Avoir un emploi conditionne aussi le regard que les autres, en particulier les proches, portent sur votre situation.
C’est en ce sens aussi que le contrat de génération propose un changement de regard.
Les réponses pour relever le défi du chômage, mes chers collègues, ne peuvent provenir que de la politique de l’emploi et de la politique économique générale.
J’évoquais précédemment les emplois d’avenir. Lors du débat, à cette tribune, j’avais formulé le regret que ces emplois ne soient pas comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Leur prise en compte aurait sans doute contribué à une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail et de l’entreprise.
Aussi, je me réjouis qu’il n’en soit pas de même pour les contrats de génération, en raison de la nature même de ces contrats, qui sont des CDI.
Lors de la discussion sur les emplois d’avenir, nous avons tous fait le même constat : l’emploi des jeunes est particulièrement préoccupant et la situation de ces derniers est alarmante.
Songez, mes chers collègues, qu’un jeune actif sur quatre est au chômage et que près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme !
Il s’agissait donc d’offrir une première expérience professionnelle réussie à une jeunesse souffrant d’un manque de formation.
Pour autant – et je l’ai souligné lors d’un récent débat –, il ne faut pas oublier les difficultés spécifiques rencontrées par un certain nombre de jeunes diplômés.
Selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers de ces jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont occupé aucun poste depuis la fin de leurs études.
De plus, il convient de noter que 42 % de ceux qui étaient employés l’étaient au titre d’un contrat précaire, c’est-à-dire au titre d’un contrat à durée déterminée ou d’une mission d’intérim de moins de six mois.
Nous constatons ici la précarisation des jeunes, diplômés ou non, qui oscillent entre des périodes de chômage et d’emploi, des emplois qu’ils qualifient eux-mêmes d’« alimentaires ».
La moitié des salariés embauchés en contrat à durée déterminée, en stage ou en apprentissage, ont moins de vingt-neuf ans. En outre, les jeunes servent régulièrement de variable d’ajustement des effectifs en périodes de crise.
Dans ce domaine comme dans d’autres, le précédent gouvernement a failli. Aussi fallait-il renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision plus positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.
La situation n’était plus admissible, car ce sont les jeunes, avec les seniors, qui grossissent les cohortes de chômeurs.
Venons-en maintenant à la seconde problématique, l’emploi des seniors.
En France, leur taux d’activité, environ 40 %, est l’un des plus faibles d’Europe, contre 70 % en Suède et 57 % au Royaume-Uni. Nous restons très en deçà de l’objectif des 50 % qui avait été fixé par la stratégie de Lisbonne pour 2010.
Mal aimés des entreprises, les seniors sont souvent écartés des plans d’évolution de carrière, voire poussés vers la sortie. Jean Desessard l’a très bien démontré tout à l’heure.
Pourtant, l’emploi des seniors est crucial, car de moins en moins de salariés ont suffisamment cotisé pour prendre leur retraite à l’âge légal.
Il n’en demeure pas moins que, d’après une récente étude de France Retraite et d’Add’if, qu’a citée Isabelle Debré, près de la moitié des directeurs de ressources humaines ont pour priorité l’emploi de seniors.
Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de cette prise de conscience. Encore faut-il, me direz-vous, la traduire en actes. Le contrat de génération constitue une réponse adaptée qui favorisera, chers collègues de l’opposition, le maintien des seniors au sein de leur entreprise.
Paul Bourget écrivait ceci : « Vérité sociale profonde : il n’y a d’accroissement de la force d’un pays, que si les efforts des générations s’additionnent ».
Les politiques publiques en faveur de l’emploi des seniors se sont, au fil des années, accumulées, avec plus ou moins de succès, il faut le reconnaître. L’une des dernières en date, à savoir les « accords seniors », initiés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, instituait l’obligation de négocier un accord d’entreprise ou de branche sur l’emploi des seniors sous peine de se voir infliger une pénalité représentant 1 % de la masse salariale.
Si les 34 200 plans d’action et accords d’entreprise et les 90 accords de branche semblent attester la réussite du dispositif, en réalité, le bilan, sur le fond, est plus beaucoup plus contrasté. Ces accords n’ont, en effet, que rarement pris en compte la gestion des âges au sein de l’entreprise.
Le texte qui nous est proposé répond à un double objectif : encourager l’emploi de la jeunesse, dont le taux de chômage atteint presque 25 % et pour laquelle trois quarts des embauches sont précaires, sans pour autant marginaliser les seniors, qui se voient parfois licencier aux portes de leur retraite et sans espoir de retour à l’emploi.
Dans ses modalités, il prévoit que toute entreprise qui signe un contrat de ce type avec un jeune de moins de vingt-six ans, ou de trente ans s’il est en situation de handicap, et s’engage à maintenir dans l’emploi un salarié de plus de cinquante-cinq ans bénéficiera en contrepartie d’une aide financière.
De ce fait, et vous serez tous d’accord avec moi, mes chers collègues, les enjeux et les défis ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une petite entreprise familiale, d’une PME ou d’une grande entreprise. C’est pourquoi le dispositif prévoit des modulations en fonction de la taille des entreprises.
Le contrat de génération est porteur d’une innovation pour la transmission des petites entreprises et le maintien du tissu économique. Le principe est qu’un contrat pourra être conclu par un chef d’entreprise de cinquante-sept ans et plus, embauchant un jeune en CDI en vue de lui transmettre son entreprise.
Cette possibilité est particulièrement adaptée aux petits artisans qui n’ont pas d’héritier ni de repreneur. Elle répond à un vrai besoin économique. Je peux en témoigner, plusieurs artisans costarmoricains m’ayant fait part de leur intérêt pour cette disposition.
Vous le voyez, madame Debré, la majorité n’est pas hostile aux entreprises !
Oui, mes chers collègues, nous devons enfin parvenir à inverser la courbe du chômage, car le parcours d’un salarié est rythmé par toute une série de difficultés qu’il se doit de contourner : multiplier les petits emplois avant de décrocher un emploi stable, connaître des périodes de chômage, le rallongement de l’âge de la retraite, les baisses de rémunérations, etc.
Les répercussions sur le plan social de ces parcours, de ces vies actives plus que chaotiques, sont souvent dramatiques.
Bien sûr, nous en sommes tous persuadés, la politique de lutte contre le chômage ne pourra se résumer au seul contrat de génération. D’autres dispositifs devront venir se greffer pour enrichir et consolider notre action déterminée dans la bataille de l’emploi.
Cette politique de lutte contre le chômage relève aussi de la mobilisation de chacun et nécessite l’activation de multiples leviers.
En ce domaine comme dans bien d’autres, il ne faut jamais renoncer, jamais se priver d’imagination. Et, en la matière, le contrat de génération est un outil innovant et pertinent.
Ce pacte intergénérationnel constitue un dispositif ambitieux, indispensable, qui doit amener les entreprises à mettre en place une véritable dynamique de gestion active des âges.
Dans la panoplie des moyens disponibles pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat de génération tiendra donc une place de choix aux côtés des emplois d’avenir.
Notre pays se prive trop souvent de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les seniors à l’écart de l’emploi. Le contrat de génération a une vocation résolument transgénérationnelle en incitant à l’emploi des jeunes dans les entreprises.
Comme le disait Marcel Aymé, « Peut-être le décalage entre générations est-il beaucoup plus dans la forme que dans le fond »…
M. André Reichardt. Ah !
M. Ronan Kerdraon. Le contrat de génération s’adaptera à la situation de chaque entreprise en faisant une large place au dialogue social dans sa mise en œuvre.
Des modalités adaptées à la taille des entreprises sont ainsi prévues. Les entreprises de trois cents salariés et plus devront négocier des engagements portant sur l’embauche et l’intégration des jeunes dans l’entreprise, l’emploi des seniors et la transmission des compétences, sous peine d’être soumises à une pénalité.
Les entreprises de moins de trois cents salariés pourront par ailleurs bénéficier d’une aide lorsqu’elles embaucheront en contrat à durée indéterminée un jeune de moins de vingt-six ans et maintiendront dans l’emploi un senior de cinquante-sept ans et plus.
Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, qui se trouvent dans une situation intermédiaire, le bénéfice de l’aide sera subordonné à la recherche d’un accord collectif.
On le voit, le contrat de génération allie le soutien à la compétitivité et le développement des compétences à la nécessaire inclusion des jeunes et des seniors dans l’emploi.
La transmission des savoirs et des compétences dans l’entreprise peut recouvrir des modalités diverses selon les caractéristiques propres de l’entreprise. Citons parmi celles-ci le binôme d’échange de compétences entre salariés, la mise en place d’un référent et des conditions d’accueil du jeune par celui-ci, l’organisation de la pluralité des âges au sein des équipes de travail et l’organisation de la charge de travail du référent.
Le contrat de génération vise à changer le regard sur les âges, à infléchir les pratiques des entreprises et à refaire enfin du contrat à durée indéterminée la norme.
Il est à noter, mes chers collègues, une réalité, une aberration. En effet, plus la taille de l’entreprise augmente et plus la proportion d’embauches de jeunes en CDI diminue.
Le contrat de génération propose un pacte entre les générations afin de maintenir dans l’emploi les cinq millions de salariés dits « âgés » qui partiront à la retraite d’ici à 2020 et de faciliter l’entrée dans la vie active de six millions de jeunes.
Après une montée en charge progressive la première année, environ 100 000 contrats de génération pourraient faire l’objet d’une aide chaque année, soit 500 000 en cinq ans.
Ce dispositif sera financé par des crédits budgétaires, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Le coût total est estimé à 900 millions d’euros sur trois ans et plus de 400 millions d’euros seront consacrés aux petites entreprises.
Contrairement aux emplois d’avenir, ce contrat de génération s’adresse à tous les jeunes et à toutes les entreprises.
Je dirai un mot de l’article 5 bis de ce projet de loi, qui prévoit d’augmenter le nombre des inspecteurs du travail. En effet, 15 % des contrôleurs pourront devenir inspecteurs. Or certains syndicats redoutent l’extinction du corps des contrôleurs du travail alors qu’ils réclament une vraie reconnaissance de ce corps et non son extinction.
Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, semble susciter quelques inquiétudes. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser vos réflexions pour adapter l’inspection du travail au nouveau contexte économique et social auquel elle est confrontée ?
Nous sommes tous d’accord pour déplorer le véritable gâchis en termes d’emploi que nous connaissons aujourd’hui. Alors, oui, messieurs les ministres, il était urgent de prendre la question de l’emploi des jeunes et des seniors à bras-le-corps.
Mes chers collègues, c’est à cette tâche que le Gouvernement s’est attelé et c’est avec enthousiasme que le groupe socialiste lui apportera son entier soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le ministre, je reviens quelques semaines en arrière lorsque, à l’occasion du débat sur les fameux emplois d’avenir, le groupe UMP vous avait demandé d’ouvrir ce dispositif au secteur marchand. Vous nous aviez alors répondu : attendez la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération, vous aurez la réponse et vous ne serez pas déçus !
Il est bien évident que toute mesure qui peut contribuer à lutter contre le fléau du chômage, surtout si elle concerne les deux extrémités de la pyramide des âges, ne peut qu’être intéressante et doit être encouragée, si elle est efficace.
Malheureusement, force est de constater que l’espoir que vous aviez fait naître dans nos esprits est aujourd’hui déçu. Pour ma part, comme de nombreux collègues de mon groupe, je considère que ce dispositif est fragmentaire, compliqué et coûteux.
Plutôt que de paraphraser les propos d’Isabelle Debré, je centrerai mon propos sur deux des griefs principaux que l’on peut formuler contre ce texte.
En premier lieu, contrairement à ce que le titre d’appel pourrait laisser croire, le projet de loi ne vise pas à instituer un tutorat direct. Tout à l’heure, un de nos collègues a cité les propos que le Président de la République a tenus au cours de la campagne électorale, mais il a oublié de préciser que le candidat avait alors déclaré que le senior devrait consacrer entre un tiers et un quart de son temps aux plus jeunes. Or, dans le contrat qui nous est proposé, s’il y a bien une corrélation entre la création quantitative d’un emploi jeune et d’un emploi senior, il n’y a pas de lien direct de tutorat pour transmettre le savoir.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Jean-Noël Cardoux. En second lieu, il suffit d’écouter les interventions des uns et des autres ou de lire les amendements qui ont été déposés par la majorité pour constater que le dispositif est assorti de contraintes administratives et financières considérables : il n’est question que d’interdiction, de pénalité, d’évaluation, de contrôle, ce contrôle qu’exerceront bientôt les contrôleurs du travail qui seront devenus inspecteurs. D’un côté, on ouvre un certain nombre de dispositifs aux entreprises mais, dans le même temps, tout est fait pour leur mettre des bâtons dans les roues, parce que malheureusement, il faut bien le constater, il semblerait que, dans vos esprits, toute entreprise, tout entrepreneur soient a priori suspects.
M. Jean-Noël Cardoux. Non, monsieur le ministre, je suis parfaitement lucide, c’est ce que je ressens à l’écoute de vos propos ! Je n’ai pas voulu compter le nombre de fois où le mot « pénalité » a été prononcé, mais le résultat aurait sans doute été intéressant. Les amendements du groupe UMP auront notamment pour objet de corriger un peu le tir.
J’en viens à l’aspect financier, qui a été évoqué tout à l’heure. Je commencerai par une question, monsieur le ministre. Peut-être ai-je mal entendu, mais vous avez évalué à 500 000 le nombre d’emplois concernés. J’ai cru entendre que le coût serait de un milliard d’euros tous les ans, mais je crois comprendre qu’il sera de un milliard d’euros sur cinq ans, si je me fie à un calcul simple : 500 000 emplois pour un coût de 2 000 euros par emploi. J’attends que vous me répondiez sur ce point.
M. Jean-Noël Cardoux. Vous m’expliquerez, parce que j’ai souvent du mal à compter. (Nouveaux sourires.)
Mme Isabelle Debré. C’est par an en année de croisière !
M. Jean-Noël Cardoux. Mme Jouanno a abordé tout à l’heure le problème de la fiscalité. Nous vous avions demandé, monsieur le ministre, si la somme allouée aux entreprises serait comprise dans la base imposable au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu. Vous n’avez pas répondu.
M. Jean-Noël Cardoux. Vous nous la donnerez. Pour ma part, j’ai tendance à répondre par l’affirmative. En effet, le code général des impôts est très explicite. Tout produit exceptionnel – c’est le cas ici – doit être compris dans la base imposable, sauf si une disposition expresse l’en dispense. Là encore, j’attends votre réponse avec impatience.
Je me livrerai maintenant à un petit calcul. Supposons que le taux soit de 30 %, les 2 000 euros ne font plus alors que 1 400 euros ! Si l’on fait une comparaison avec à un salaire normal, soit environ 1 500 euros par mois pour un jeune qui débute, on se rend compte que l’avantage pour nos entreprises serait compris entre 8 % et 10 % du salaire, et même plutôt 8 %. Et la mesure va coûter un milliard d’euros à l’État !
Je considère pour ma part que d’autres solutions pouvaient s’intégrer dans un système centré sur le développement de la compétitivité des entreprises. L’une d’elles a été évoquée tout à l’heure, mais j’y reviens, car c’est mon cheval de bataille : il s’agit de la fameuse « TVA compétitivité », que vous avez abrogée il y a peu, mais que vous réintroduisez timidement en loi de finances pour des questions d’équilibre budgétaire.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Jean-Noël Cardoux. Un jour ou l’autre, il faudra sauter le pas, car cette taxe permettrait de financer des exonérations, des réductions de charges sur les salaires comprises entre 5 % et 6 % selon les taux retenus, sans que cela coûte un sou à l’État.
On nous oppose souvent l’argument que cette taxe freinerait la consommation et pénaliserait les consommateurs. Je réponds, comme je l’ai déjà fait, par la négative, car il est possible de pratiquer des taux sélectifs : des taux bas pour les produits de consommation courante et de première nécessité, des taux élevés, pouvant aller jusqu’à 25 %, pour les produits haut de gamme ou de luxe, voire pour les produits que l’on voudrait retirer du marché du fait, par exemple, de leur effet négatif sur l’environnement.
M. Jean Desessard. J’aurais aimé entendre cela il y a un an !
M. Jean-Noël Cardoux. Cette taxe est la seule solution. Certains d’entre vous l’ont d’ailleurs admis. Quelques pays l’ont appliquée. Je sais que toute référence à l’ancien gouvernement fait pousser des hurlements aux membres de la majorité, néanmoins, je considère que c’est la seule solution possible.
Je souhaite que l’on remette un jour la TVA-compétitivité sur le tapis. Si vous le faisiez, nous serions prêts à vous soutenir, vous ou vos successeurs. C’est le seul moyen à notre disposition pour infléchir de manière importante le coût du travail dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, avec la discussion du projet de loi instaurant le contrat de génération nous sommes, j’en suis convaincue, à un moment important de la présente mandature.
On a trop souvent tendance, dans notre pays, à opposer les générations entre elles. Voilà un texte qui a pour ambition de faciliter l’insertion des jeunes en s’appuyant sur l’expérience des seniors qui, par le biais d’une vraie mission de passage de témoin, pourront quitter progressivement le monde professionnel.
J’ai été déléguée syndicale et je reste au plus profond de moi-même une syndicaliste convaincue de la nécessité et de la primauté du dialogue social.
Comment ne pas se réjouir que le texte qui nous est soumis résulte d’un accord social, conclu sous l’impulsion du Gouvernement? Les partenaires sociaux, à la suite de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, ont en effet signé à l’unanimité l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 relatif au contrat de génération. Le projet de loi en reprend l’essentiel et fait une très large place à la négociation d’entreprise et de branche.
Je verrai aussi comme élément de satisfaction le fait que ce texte a fait l’objet, à l’Assemblée nationale, d’un débat riche et constructif, débouchant sur un soutien qui va au-delà de la majorité parlementaire. J’espère qu’il en sera de même ici, au sein de la Haute Assemblée. Un tel sujet ne devrait-il pas nous rassembler, comme il a rassemblé les partenaires sociaux ?
Ce texte, qui a été un engagement emblématique du candidat à la présidence de la République François Hollande pendant la récente campagne, constitue à l’évidence une urgence et je me réjouis de le voir inscrit dès à présent dans le calendrier parlementaire.
Oui, c’est une urgence au regard de la situation économique et sociale et de la cause qui devrait et doit nous rassembler, celle de l’emploi, à un moment où le nombre de demandeurs d’emplois retrouve les tristes records des années quatre-vingt-dix. Or les deux cibles de ce texte, les jeunes et les seniors, sont particulièrement touchées : le taux de chômage des jeunes atteint aujourd’hui le niveau inquiétant de 24 % et le phénomène concerne de plus en plus de jeunes diplômés. Moins d’un jeune sur deux de moins de vingt-six ans est employé en CDI, la majorité subissant des contrats précaires, voire des successions de stages.
Parallèlement, les seniors ont un taux d’activité particulièrement faible, notamment par rapport aux autres pays européens, de 41 % pour les 55-64 ans en 2011. Or, dans le même temps, on ne cesse de constater, pour s’en réjouir, que l’espérance de vie progresse.
On nous dit aussi que, malgré la réforme de 2010, le financement de nos régimes de retraite n’est pas garanti et que seraient inévitables, à nouveau, l’allongement de la durée des cotisations, le report de l’âge du départ à la retraite ou encore la baisse du niveau des pensions.
Dans le même temps, le taux d’activité des plus de cinquante ans ne cesse de diminuer. Quelle contradiction ! Dans le monde du travail, on est considéré comme senior dès cinquante ans et on est alors bien trop souvent la première cible des plans de suppressions d’emplois. Il s’agit d’un drame social, car la brutalité de ces situations est ressentie comme un couperet qui tombe et conduit bien souvent à une exclusion durable. Il en résulte des détresses individuelles et familiales, un sentiment d’abandon, de déclassement, qui ont souvent des conséquences destructrices pour les personnes.
Au-delà des drames que nous rencontrons tous sur nos territoires, quel immense gâchis social et humain, pour toute notre société, pour les entreprises concernées. Oui, c’est une perte de substance et de compétitivité pour la France !
C’est bien à une double exclusion du marché du travail, celle des jeunes et celle des seniors, que vise à répondre le projet de loi. Le contrat de génération propose un pacte entre les générations afin de maintenir dans l’emploi les 5 millions de salariés « âgés » qui partiront à la retraite d’ici à 2020, et de faciliter l’entrée dans la vie active de 6 millions de jeunes. Le Gouvernement en espère 500 000 embauches de jeunes en cinq ans dans les entreprises de moins de trois cents salariés. Pour 2013, 85 000 contrats sont attendus pour un coût de 200 millions d’euros.
Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, le Gouvernement estime à 800 000 le nombre de jeunes de moins de vingt-six ans déjà en CDI, auxquels s’ajouteront « plusieurs dizaines de milliers d’embauches » et 400 000 seniors de cinquante-sept ans et plus.
La réussite d’un dispositif aussi ambitieux est essentielle pour notre pacte républicain et pour la pérennité d’un modèle de société qui repose sur la solidarité entre générations.
Le maintien en emploi et l’embauche des seniors, ainsi que la transmission des compétences, constituent, avec l’insertion des jeunes, l’objectif central du projet de loi.
Je voudrais insister sur l’intérêt du dispositif, un pacte intergénérationnel, qui permet d’éviter des départs couperets, brutaux, qu’il s’agisse de suppressions d’emplois ou même de départs à la retraite. Il s’agit non seulement d’encourager la progressivité d’un tel départ, mais aussi de la valoriser avec la perspective de transmettre à un jeune son expérience et son savoir-faire, même si le dispositif ne repose pas forcément sur un binôme.
Son originalité consiste à ne plus opposer une génération à une autre. Les jeunes pouvaient avoir le sentiment que les seniors occupaient des places qui devaient leur revenir.
Au contraire, le contrat de génération est un outil innovant, destiné à renforcer les solidarités intergénérationnelles et à rassurer les jeunes, en leur faisant bénéficier de l’expérience et du savoir-faire des seniors.
Ce contrat, unique en Europe, est aussi un moyen de permettre des transitions harmonieuses, alors que la crise a accentué les effets de rupture brutale, le phénomène de couperet. Je peux témoigner personnellement des effets des départs soudains liés à des mesures d’âge. J’ai été salariée de Sollac – aujourd’hui Arcelor Mittal –, et j’ai dû quitter mon poste du jour au lendemain, à l’âge de cinquante et un ans, victime, si l’on peut dire, de la convention générale de protection sociale, la CGPS.
Le choc a été brutal pour tous. Certes, beaucoup, dans la « génération CGPS », se sont investis dans le bénévolat, la vie associative ou encore politique. Mais il y a eu aussi des drames personnels, des personnes sombrant dans la dépression, dans l’inactivité, dans l’alcoolisme ou la maladie. Des vies, des couples, des familles ont ainsi été brisés. C’est cette expérience concrète, que j’ai vécue, qui me conduit à apporter un soutien enthousiaste au projet de loi portant création du contrat de génération.
Je voudrais enfin souligner l’intérêt du dispositif pour les femmes entrant dans la catégorie des seniors.
Les femmes ont, bien souvent, des carrières interrompues, du fait des charges de famille. Nous savons que, de ce fait, la réforme des retraites de 2010 les a fortement pénalisées. Dans ces conditions, un système qui facilite leur « employabilité » lorsqu’elles sont dans la catégorie des seniors, leur permettant ainsi d’accroître leur période de cotisations, constitue une mesure intéressante pour elles.
Ma dernière observation portera sur le financement du contrat de génération.
Il est très important que le dispositif soit financé dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, et que des moyens spécifiques soient prévus pour les petites entreprises.
Voilà la démonstration que, pour notre gouvernement et sa majorité, l’emploi est au cœur de la stratégie de compétitivité, mais aussi que ce dispositif d’insertion des plus jeunes, de progressivité pour les seniors, de solidarité intergénérationnelle constitue un vrai enjeu de compétitivité de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous le savons tous, les jeunes, qualifiés ou non, sont aujourd’hui les principales victimes du chômage et de la précarité sur le marché du travail. Je suis au regret, à mon tour, de rappeler ces chiffres, annoncés par les uns et les autres sur toutes les travées : au troisième trimestre de 2012, le taux de chômage des jeunes était très exactement de 24,2 %, selon l’INSEE. Quant au taux de chômage des personnes âgées de cinquante ans et plus, il était de 6,9 % au deuxième trimestre. Pour les seniors aussi, l’accès au travail est difficile et prend la forme de contrats provisoires. La part des recrutements en CDD et en intérim est très importante.
M. Alain Néri. Ce n’est pas une génération spontanée ; cela date de dix ans !
M. André Reichardt. Monsieur Néri, cela s’adresse aussi à vous ! (Sourires.)
M. Ronan Kerdraon. M. Néri n’était pas au courant ! (Nouveaux sourires.)
M. André Reichardt. Ainsi, à la fois le début et la fin du parcours professionnel sont marqués par l’instabilité, voire la précarité des formes d’emploi et du contrat de travail. Cette situation, tout le monde doit en convenir, est bien entendu inacceptable, et il faut tout mettre en œuvre pour y mettre fin.
C’est dans cet objectif, messieurs les ministres, que vous nous présentez aujourd’hui le concept de contrat de génération.
Ce fameux contrat nous est présenté comme l’un des deux piliers, avec les emplois d’avenir, de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. Il y a une volonté et une conviction de François Hollande, nous l’avons bien compris lors des débats préparatoires aux primaires socialistes, mais aussi une volonté et une conviction du gouvernement actuel, de multiplier les dispositifs d’emplois aidés pour assurer des créations massives d’emplois. En cela, il n’est rien d’exceptionnel, car nombreux sont les gouvernements antérieurs, de droite comme de gauche, à avoir recouru à de tels dispositifs.
Pour autant, on le sait, et la Cour des comptes elle-même l’a confirmé récemment, les contrats aidés sont loin de constituer la panacée en matière de lutte pour l’emploi. Ce qui crée de l’emploi, il n’est jamais inutile de le rappeler, c’est le développement de l’activité dans un environnement juridique et fiscal favorable à l’investissement, à l’innovation et à la recherche.
Sur ce plan, comme j’ai pu le dire lors du récent débat sur la situation économique de nos PME dans cette même enceinte, les mesures que le Gouvernement a prises pour aider nos entreprises à gagner en compétitivité et, ainsi, remporter des marchés créateurs de plus d’activité, ne sont pas à la hauteur des attentes des entreprises intéressées.
Dès lors, et bien que ce ne soit pas dans vos compétences directes, messieurs les ministres, permettez-moi de plaider de nouveau pour une véritable mise en œuvre, et de façon urgente, du « choc de compétitivité » de 30 milliards d’euros sur un ou deux ans, tel que l’a proposé dans son rapport M. Louis Gallois, qui permettrait, bien mieux que les contrats aidés, une importante contribution à la lutte contre le chômage.
M. Jean Desessard. Gallois ? Il a délocalisé EADS !
M. André Reichardt. Puis, si, faute de mieux, il nous faut effectivement poursuivre sur la voie des contrats aidés, alors prenez en compte les quelques observations que j’ai à formuler sur votre projet de loi portant création du contrat de génération.
Vous prévoyez, messieurs les ministres, que pas moins de 500 000 contrats de génération seront conclus d’ici à 2017. J’aimerais vous croire, mais je crains à mon tour que ce chiffre ne soit pas réaliste compte tenu de la situation économique actuelle. Mme Debré vous l’a dit cet après-midi,…
Mme Nathalie Goulet. Quel hommage !
M. André Reichardt. … selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques, le contrat de génération ne devrait pas créer plus de 100 000 emplois nets sur l’ensemble du quinquennat – on parle d’un minimum de 50 000 emplois.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas si mal !
Mme Isabelle Debré. Pour un milliard d’euros ?
M. André Reichardt. Pourquoi ? Certes, une aide de 4 000 euros peut paraître importante à certaines entreprises, notamment aux plus petites. Mais, en réalité, l’effet incitatif du dispositif ne sera que limité. Nous savons bien qu’une prime annuelle de 4 000 euros n’est que peu de chose comparée au coût salarial de deux salariés qui dépassera assurément 30 000 euros par an, comme l’a indiqué notre collègue Jean-Noël Cardoux.
Dès lors, on a beau examiner la question sous tous ses angles, seules les entreprises qui comptaient déjà embaucher le feront, et le contrat de génération ne créera donc pas véritablement de nouveaux emplois.
Car, oui, comme pour tout emploi aidé, il faut être capable de le reconnaître, on n’échappera pas, ici aussi, aux effets d’aubaine. Certaines des embauches qui auront été effectuées via les contrats de génération auraient de toute façon eu lieu, sans ce dispositif, tout simplement parce qu’elles correspondent à un besoin de l’entreprise.
M. Jean Desessard. Pas en CDI !
M. André Reichardt. C’est malheureusement le vice des contrats aidés, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était le fait des gouvernements non seulement de gauche, mais aussi de droite. Ayons la franchise de le reconnaître.
De plus, aucune condition de diplôme n’étant prévue dans le dispositif, ce sont en priorité les jeunes diplômés, ceux qui justement s’insèrent le plus facilement sur le marché du travail, qui bénéficieront en priorité de cette mesure.
Je suis aussi au regret de le dire, ce ne sont pas les dispositions qui ont été ajoutées au texte pour, précisément, éviter cet effet d’aubaine, telles que l’interdiction de licenciement dans les six mois précédant l’embauche sur les postes de la même catégorie professionnelle, qui permettront de prévenir le risque d’un détournement de l’objectif initial.
Un autre point important m’inquiète, qui a déjà été évoqué à plusieurs reprises tout à l’heure : je ne vois vraiment pas la plus-value apportée par ce concept de contrat de génération par rapport aux contrats aidés traditionnels.
Mme Anne Emery-Dumas. Alors, pourquoi les partenaires sociaux ont-ils signé ?
M. André Reichardt. J’avais cru comprendre, dans les explications données en son temps par le candidat à la Présidence de la République, que l’intérêt de ce contrat de génération résidait dans une sorte de « rencontre professionnelle » entre le senior dont l’emploi est maintenu et le jeune qui rejoint l’entreprise, une sorte de tutorat du second par le premier.
M. Alain Néri. Il a raison !
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. André Reichardt. Or il n’y a rien de tel dans ce projet de loi. Ou j’aimerais en trouver trace, monsieur Néri !
M. Michel Sapin, ministre. Vous allez le retrouver, monsieur le sénateur, si vous nous accompagnez !
M. André Reichardt. À telle enseigne, monsieur le ministre, que votre collègue Thierry Repentin a indiqué souhaiter « pouvoir mobiliser les leviers de la formation continue au service des jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération ». Et d’ajouter qu’une convention devrait être signée ultérieurement à cet égard avec les partenaires sociaux...
N’aurait-il pas été préférable, messieurs les ministres, de prévoir dès l’origine un dispositif de tutorat pour donner une vraie qualification au jeune qui n’en bénéficie pas ou un accompagnement professionnel dans l’entreprise à celui qui est déjà diplômé ? En fait, un tel dispositif existe déjà, c’est celui du contrat d’apprentissage et fonctionne particulièrement bien : je rappelle ici que huit jeunes sur dix formés en apprentissage trouvent un travail rapidement.
Il aurait dès lors été éminemment utile de conforter ce modèle de formation en le faisant évoluer vers un CDI, tel que le préconise le futur contrat de génération.
Enfin, que dire du coût et du financement de ce nouveau dispositif ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne répéterai pas ce qu’ont dit mes collègues précédemment, d’autant plus que j’ai déjà dépassé mon temps de parole.
En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, je reste persuadé que les contrats aidés, si coûteux pour un bien faible résultat – cet argument n’est ni de droite ni de gauche – ne sont pas la bonne solution. Développons l’apprentissage et la formation professionnelle au maximum, utilisons mieux l’argent disponible dans ces domaines, parce qu’il y en a, et là, nous aurons des résultats probants.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Que ne l’avez-vous fait !
M. André Reichardt. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne pourrai malheureusement pas voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.–Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos concitoyens ont placé l’emploi au premier rang de leurs préoccupations. C’est qu’ils connaissent la gravité de la situation. Voilà dix-neuf mois qu’ils voient le nombre de demandeurs d’emploi augmenter inexorablement et sans discontinuer. L’année 2012 aura été incontestablement une année noire pour l’emploi, mais surtout, derrière les chiffres et les statistiques – ils ont été abondamment rappelés ce soir –, nous le savons bien, il y a surtout ces femmes et ces hommes dans l’incapacité aujourd’hui de pouvoir se doter d’un avenir.
Ce sont précisément les seniors et les jeunes qui sont les plus touchés. En effet, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans sans emploi a augmenté de près de 11 % en une année, et vous le savez, près d’un quart de ces jeunes n’ont pas d’emploi ; parmi les moins qualifiés d’entre eux, le chômage est encore plus dévastateur.
Quant aux seniors sans emploi, leur nombre a augmenté davantage encore, puisqu’il a connu une hausse de 17 % en un an.
L’heure est donc, plus que jamais, à la mobilisation. C’est pourquoi l’ensemble de la politique du Gouvernement n’a qu’une seule priorité, qui transcende toutes les autres : l’emploi !
Dans ces conditions, le contrat de génération a vocation à être l’un des outils majeurs de cette politique. Engagement de campagne du candidat François Hollande devant les Français, il est en quelque sorte l’emblème – vous l’avez dit, monsieur le ministre, avec toute votre conviction – d’une belle et grande idée : celle de l’alliance des âges, au service de la transmission des savoirs et des savoir-faire. C’est pourquoi je vous confirme que cette idée est bien au cœur du texte.
Or, force est de le reconnaître, notre pays aujourd’hui se prive précisément de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les salariés âgés à l’écart du marché du travail. Seul un jeune salarié sur deux, vous l’avez rappelé, est en contrat à durée indéterminé.
Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim. Ce n’est qu’après plusieurs années de contrats précaires qu’ils peuvent – peut-être ! – prétendre à un CDI. Ces délais retardent d’autant l’accès à l’autonomie, car obtenir un logement indépendant, construire une famille ou, tout simplement, bâtir des projets de vie sont choses difficiles, sinon impossibles, sans accès à un emploi stable.
Les salariés seniors sont globalement moins touchés par le chômage que la moyenne de la population, mais, comme les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le nombre de demandeurs d’emploi seniors est en forte augmentation. De surcroît, pour ces derniers, il est très difficile de retrouver un emploi lorsqu’ils perdent leur travail à quelques années de la retraite.
Le contrat de génération prévoit non seulement un changement de regard mais aussi et surtout une véritable inversion des pratiques. Les jeunes, c’est une évidence, sont notre richesse : ils préfigurent notre avenir. Les seniors, eux, constituent le capital premier de l’entreprise. Ainsi, permettre la transmission des savoirs, ce n’est pas seulement croire en l’avenir, c’est organiser l’avenir et, d’une certaine manière, le garantir.
Toutefois, pour être pleinement efficients, ces processus de transmission nécessitent d’être valorisés, organisés et structurés. C’est évidemment l’un des objets du contrat de génération. Le Gouvernement ne s’y est pas trompé !
On le pressent du même coup, ce dispositif constitue un enjeu essentiel, pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises.
De plus, les prévisions démographiques nous donnent raison. C’est sans doute là le premier facteur clef de succès sur lequel nous pouvons compter pour espérer la réussite de ce dispositif. En effet, d’ici à 2020, plus de 5 millions d’actifs aujourd’hui en poste seront partis à la retraite et, parallèlement, près de 6 millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Anticiper ce renouvellement des compétences et assurer leur transmission intergénérationnelle constitue donc une nécessité tout à la fois économique et sociale.
Le second facteur clef de succès réside, à mon sens, dans les modalités mêmes de construction de la mesure. Nombreux sont ceux qui l’ont déjà relevé à cette tribune : parce qu’issu du dialogue social national et interprofessionnel du 19 novembre dernier, ce dispositif répond à la volonté unanime des partenaires sociaux, ce qui est évidemment un gage de succès. De fait, sa montée en charge sur le terrain dépendra de sa capacité à mobiliser l’ensemble des partenaires économiques et sociaux.
À cet égard, les conditions du succès sont désormais réunies.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je veux le croire, le contrat de génération, porté par ailleurs par une politique de croissance et de compétitivité, sera créateur d’un vaste mouvement de négociation et de mobilisation dans les entreprises de toute taille, pour répondre au plus décisif des enjeux de notre pays : celui de l’emploi !
Voilà pourquoi, messieurs les ministres, vous l’avez compris, les sénateurs socialistes seront à vos côtés, au cœur de cette mobilisation, pour permettre, dans les meilleurs délais, un recul rapide et significatif du chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, pour le sénateur d’outre-mer que je suis, ce projet de loi portant création du contrat de génération est triplement réconfortant.
Ce texte est d’abord réconfortant sur le plan économique : après les emplois d’avenir, un outil supplémentaire vient s’ajouter aux instruments de lutte contre le chômage, dont on sait qu’il touche proportionnellement, dans nos territoires, deux à trois fois plus de personnes qu’en France hexagonale.
Le présent projet de loi est également réconfortant sur le plan social : il s’adresse simultanément – et c’est une innovation – aux deux extrémités de la pyramide des âges. Précisément, dans nos territoires, les plus jeunes comme les seniors sont encore plus durement frappés qu’en métropole par l’exclusion du marché de l’emploi. Dans les régions ultramarines, ce sont en effet 60 % des moins de vingt-cinq ans et 20 % des seniors qui sont à la recherche d’un emploi. Ces chiffres sont intolérables et suicidaires pour les outre-mer.
Ici, en métropole, on s’inquiète d’un taux de chômage de 24 % chez les moins de trente ans. Que dire, dès lors, face à la réalité du chômage outre-mer qui, comme je viens de le souligner, culmine à 60 % pour la même strate ?
Mme Gisèle Printz. Soixante pour cent ?...
M. Jean-Étienne Antoinette. À ce titre, il est intéressant de noter que, contrairement aux emplois d’avenir, le contrat de génération concernera toutes les zones géographiques et tous les niveaux de qualification. En effet, par les temps qui courent au sein de nos territoires, ni le diplôme pour les uns, ni l’expérience pour les autres ne protègent de ce fléau social et de ce drame humain qu’est le chômage, menace constante et endémique qui pèse sur la cohésion et le développement des sociétés ultramarines.
Enfin, à un niveau encore plus élevé, le présent projet de loi est réconfortant sur le plan des valeurs : il donne une traduction concrète à la notion de « solidarité intergénérationnelle ». Nos sociétés sont attachées à cette valeur aujourd’hui mise à mal du fait de l’évolution des modalités de transmission des savoirs, mais aussi du fait des fractures de plus en plus fréquentes entre les jeunes et leurs aînés.
En fait, peut-être la symbolique de ce texte réside-t-elle précisément dans le message qu’il traduit sur le lien d’interdépendance et de solidarité entre les générations, au cœur de notre pays, au cœur d’un monde économique qui fait la part belle à la concurrence, voire à la rivalité entre les générations…
Pour l’ensemble de ces raisons, je salue le présent projet de loi. Je relève également avec satisfaction que, sur des questions aussi cruciales que celles de l’emploi, du pouvoir d’achat ou de l’égalité des chances – enjeux très prégnants dans nos territoires – les régions d’outre-mer sont traitées de manière simultanée avec l’ensemble du territoire national. J’ose croire qu’il s’agit là d’une mesure de lucidité et d’une attention redoublée du Gouvernement pour les réalités de nos territoires comme pour l’égalité républicaine.
J’ai même la prétention d’espérer que cette attention sera désormais constante, à toutes les phases et dans toutes les instances d’élaboration des lois de la République, produisant ainsi, lorsqu’il le faut, des dispositions prenant en compte les réalités des outre-mer sans les renvoyer pour autant à un examen ultérieur ou au pouvoir d’ordonnance du Gouvernement.
C’est à cause de telles démarches sacrifiant les outre-mer que l’ancien gouvernement, sous la pression des mouvements sociaux de 2009, avait avancé la date d’entrée en vigueur du RSA en outre-mer, initialement fixée deux ans après le début de son application en France hexagonale.
C’est ainsi que j’aime à entendre la suppression par la commission de l’article 1er bis adopté à l’Assemblée nationale.
Le rapport relatif aux modalités d’application du contrat de génération dans les départements et régions d’outre-mer peut tout à fait s’inscrire dans un rapport plus général concernant à la fois la France hexagonale et les collectivités d’outre-mer,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Étienne Antoinette. … qui, ne se voyant pas appliquer ce dispositif, pourraient trouver à l’intégrer selon leurs compétences propres.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Tout à fait, c’est la France !
M. Jean-Étienne Antoinette. Parallèlement, j’apprécie la référence faite à l’outre-mer via la formule de l’article 6.
Le présent projet de loi est donc réconfortant. Toutefois, il ne peut suffire à susciter, à lui seul, l’embauche des jeunes ou à soutenir le maintien dans l’emploi des seniors outre-mer.
D’une part, il s’agit de diversifier nos activités économiques en transformant nos économies dites « de comptoir » en économies de production et de valorisation de nos ressources.
D’autre part, sans carnets de commandes ni marchés, il n’y aura pas d’embauches et on continuera à licencier les moins productifs et les moins rentables à court terme.
Il y a donc lieu d’associer à ce dispositif des mesures volontaristes pour structurer et consolider les filières économiques émergentes ou en souffrance.
Ainsi, une politique d’investissements soutenue s’annonce indispensable dans les régions ultramarines pour combler les déficits infrastructurels. Celle-ci participerait à la relance de l’activité économique et, partant, de l’emploi.
Enfin, si en France hexagonale le dispositif du contrat de génération cible les PME, dans les outre-mer, ce sont les TPE qu’il s’agirait d’accompagner en priorité,…
M. Jean-Étienne Antoinette. … puisque ces dernières y représentent 98 % des entreprises, constituant ainsi la quasi-totalité du tissu économique.
Aussi, seul un accroissement de l’activité permettra des créations d’emploi susceptibles de répondre aux objectifs du présent projet de loi, car ce sont plus des deux tiers des entreprises ultramarines qui n’emploient aucun salarié.
Par ailleurs, pour être viable, le binôme jeune-senior devra être performant, ce qui, dans les outre-mer, renvoie non seulement à la question de la formation du tuteur mais aussi à celle de la formation en général, et à tous les âges.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, je tenais à porter à votre connaissance la réalité de nos économies ultramarines, notamment pour ce qui concerne leur aptitude à accueillir ce type de dispositifs.
Il ne s’agit pas de remettre en cause les valeurs que traduit ce texte, bien au contraire. Il était temps que les notions de solidarité intergénérationnelle et de transmission interpersonnelle des savoirs et des savoir-faire soient portées au plus haut et prennent place au cœur des principes de gestion des ressources humaines dans l’entreprise. Il était temps d’innover en utilisant un outil facilitant l’insertion de nos jeunes par l’emploi.
Pour conclure, et par souci de réalisme, je souhaite encourager le Gouvernement et le Sénat à inscrire ce dispositif dans un système plus global, s’appuyant sur tous les leviers favorables à la production économique et aux performances humaines, sans négliger la prise en compte des enjeux différenciés entre la France hexagonale et les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis d’intervenir aujourd’hui à propos d’une mesure phare du programme présidentiel de François Hollande, même si je suis le dernier orateur à m’exprimer à cette tribune.
Mme Patricia Schillinger. Après les emplois d’avenir, le pacte de compétitivité, les accords sur la sécurisation de l’emploi et la création de la Banque publique d’investissement, nous examinons un nouveau dispositif tourné vers l’emploi.
Cet arsenal, déployé en quelques mois, témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage et la précarité sa priorité. Cette politique traduit un engagement fort.
En cette période difficile, l’économie et l’emploi doivent être placés au cœur de notre action, et la mise en place de ces contrats s’inscrit dans cette volonté forte du Gouvernement d’inverser la courbe du chômage. Ce dispositif permettra d’embaucher des jeunes et de maintenir des seniors en activité. Il est ambitieux et novateur, car tout doit être fait pour l’emploi.
Ces trente dernières années, dans un contexte de concurrence accrue et de croissante mobilité des capitaux, doublées d’une recherche de productivité de plus en plus orientée vers le court terme, le pacte social dans l’entreprise a été profondément bouleversé.
Les jeunes sont exclus du marché du travail, tandis que les seniors sont écartés des entreprises.
Comme mon collègue Joël Bourdin et moi-même l’avons évoqué dans notre rapport sur le pacte social, un véritable malaise s’est installé dans l’entreprise avec, d’un côté, des inégalités salariales qui se creusent et, de l’autre, des salaires qui stagnent. Cette situation est liée au développement des emplois atypiques, à la persistance du chômage, à l’effet des restructurations du tissu d’entreprises et à l’envolée des plus hautes rémunérations salariales.
Bien souvent, les jeunes et les seniors sont discriminés via les mécanismes de marché.
On ne peut que saluer le présent projet de loi portant création du contrat de génération, car il prend en compte ces enjeux et permet enfin d’apporter des réponses aux jeunes et aux seniors qui sont victimes des inégalités professionnelles.
En effet, ce contrat s’adresse aux personnes de moins de vingt-cinq ans, classe d’âge dont le taux de chômage atteint 24,2 %, en même temps qu’il prévoit d’augmenter le taux d’emploi des 55-64 ans, qui est actuellement de 41,5 %. Ces chiffres nous placent loin derrière l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, et en deçà de l’objectif européen, fixé à 50 %.
Je souhaite souligner l’excellente méthode employée par le Gouvernement, celle du dialogue social. Comme l’ont souhaité les partenaires sociaux, ce texte a privilégié la recherche d’accords collectifs au sein des entreprises mettant en œuvre les contrats de génération, après avoir réalisé préalablement un diagnostic de la situation de l’emploi des jeunes et des salariés. Ce projet de loi est donc la transposition de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, signé unanimement. On peut parler d’un véritable succès du dialogue social.
Comme l’ont déjà dit mes collègues, le contrat de génération répond à trois objectifs. Il s’agit d’abord de donner l’accès aux jeunes à un emploi stable avec un CDI, ensuite de favoriser le maintien des seniors dans l’emploi et enfin de favoriser la transmission des savoirs et des compétences. L’objectif est de parvenir à 500 000 embauches en cinq ans. Loin d’être un contrat au rabais, le contrat de génération permet aux jeunes d’entrer véritablement dans le monde professionnel en leur garantissant la signature d’un CDI.
Ce dispositif prévoit un véritable renforcement du lien intergénérationnel dans les entreprises. On observe aussi un nouveau changement : au lieu d’opposer les générations, le contrat de génération les rassemble !
Parmi les jeunes, certains souffrent particulièrement de l’exclusion. Il s’agit des jeunes en situation de handicap, qui rencontrent d’importantes difficultés pour s’insérer dans le marché du travail. Il existe des pénalités, mais les résultats ne sont pas encore satisfaisants. Cette loi prévoit donc une disposition particulière pour l’intégration des personnes handicapées en fixant la limite d’âge à trente ans, quel que soit le niveau de qualification. Ce texte prend donc la mesure du problème et encourage leur insertion professionnelle. Les travailleurs handicapés seniors pourront également bénéficier de ce dispositif dès cinquante-cinq ans, au lieu de cinquante-sept.
Une autre particularité de ce texte tient à l’importance accordée à la formation et à la transmission des savoirs vers la génération montante. La préservation de ces savoir-faire constitue un enjeu capital de notre développement économique. Ces savoir-faire sont ceux de notre industrie, de notre artisanat et de notre agriculture. Il s’agit bien, ici, d’envisager et de garantir sur le long terme la transmission des savoirs, la compétitivité de nos entreprises ainsi que maintien de nos emplois sur notre territoire. Il est important de prévoir l’avenir sans laisser sur le côté des exclus.
Dans ce contexte de transmission au sein de l’entreprise, l’artisanat jouera un rôle important, car c’est un secteur où la transmission est cruciale. Ces cinq dernières années, 600 000 emplois ont été créés dans l’artisanat, le dispositif sera donc bien accueilli. Par ailleurs, l’Union professionnelle artisanale prévoit la signature de 75 000 contrats de génération. De plus, selon un sondage réalisé par OSEO en juillet 2012, 63 % des employeurs envisagent de recourir au contrat de génération.
Une autre particularité tient au fait que ce contrat s’adaptera à la situation de chaque entreprise. Des modalités adaptées à la taille des entreprises sont prévues et des garde-fous ont été mis en place pour limiter les effets d’aubaine.
Pour conclure, je tiens à souligner que, dès sa prise de fonctions, le Gouvernement a mené une véritable bataille pour favoriser l’emploi. La lutte contre le chômage est menée sur tous les plans et elle reste une priorité. Nous sommes tous mobilisés.
Nous devons en finir avec la précarité, les stages répétitifs, les contrats temporaires, le temps partiel, ou l’intérim… Nous devons tout mettre en place pour que les jeunes puissent se construire un avenir et reprendre confiance, confiance en eux-mêmes, confiance dans les politiques mises en place par le Gouvernement et confiance dans le futur. Offrons-leur un espoir et permettons-leur de croire en ce futur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais combien, à cette heure tardive, la nuit est un bien désirable et précieux, mais je ne voudrais pas que nous nous séparions sans d’abord vous avoir remerciés pour vos interventions, et sans avoir répondu à vos interrogations. À défaut de ces légitimes réponses, votre nuit serait sans doute moins douce que je ne pourrais vous la souhaiter. (Sourires.)
M. André Reichardt. Absolument !
M. Michel Sapin, ministre. Je voudrais remercier tous ceux, et ils sont nombreux dans cette assemblée, qui, de la majorité ou de l’opposition, ont compris les grands principes du contrat de génération.
Dès sa genèse, dès son élaboration, le dispositif a été marqué par la volonté politique d’aboutir à la mise en œuvre d’un contrat de génération doté des caractéristiques que les uns et les autres se sont plu à lui reconnaître. Aujourd’hui, cette volonté politique se concrétise dans un projet de loi, soumis, comme tout projet de loi, à la discussion et à l’approbation des deux assemblées du Parlement.
Politique au début, politique à la fin, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, entre ces deux moments, l’espace de la négociation entre les partenaires sociaux a été ménagé. Il n’y a pas, ici, d’opposition entre la démocratie sociale et la démocratie politique, mais au contraire une combinaison harmonieuse des deux. Et il m’aurait déplu que l’on puisse même un instant soutenir que l’une l’aurait emporté sur l’autre : ce n’est pas le cas aujourd’hui avec ce texte, et ce ne le sera pas non plus demain avec un autre. Nous devons faire en sorte que les deux jouent leur rôle, tout en reconnaissant à la loi, comme il est naturel et constitutionnel dans la République, la décision finale.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Quels sont les principes qui ont présidé à l’élaboration de ce texte ?
Ce projet de loi entend d’abord faciliter l’entrée dans l’emploi des plus jeunes, en tenant compte d’un taux de chômage extrêmement élevé, et depuis déjà longtemps, malheureusement. Car, mesdames, messieurs les sénateurs, le phénomène ne date pas des derniers mois. La durée du chômage des plus jeunes ne cesse de s’allonger. Ainsi, les moins de vingt-cinq ans constituent l’une des catégories de chômeurs de longue durée qui ont le plus augmenté depuis des années.
C’est tout de même un comble : les plus jeunes sont parmi ceux qui sont au chômage depuis le plus longtemps !
Notre deuxième préoccupation a également été soulignée et beaucoup d’entre vous y souscrivent : il s’agit de faire en sorte que les plus âgés ne deviennent pas les victimes de l’entrée dans l’emploi des plus jeunes. C’était là une caractéristique malheureuse de la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques menées par les uns et par les autres. Nous l’avons souligné, vous avez abondé à juste titre en ce sens, il est vain de miser sur le remplacement par les jeunes des anciens que l’on aurait poussés en dehors de l’entreprise. Il est plus efficace de garder un employé plus âgé, tout en permettant à un jeune d’entrer dans un autre emploi.
Enfin, la troisième caractéristique de notre démarche, dont plusieurs d’entre vous se sont félicités quitte à proposer des améliorations au cours de la discussion, concerne le transfert de compétences, la formation, l’acquisition de savoir-faire par le plus jeune. Cette question se pose constamment. Si diplômé soit-on, le jour où l’on entre dans l’emploi, on entame une période d’adaptation, d’insertion, d’acquisition d’un complément d’expérience. On apporte certes sa jeunesse, et la jeunesse de son savoir, dont les plus âgés ne disposent pas forcément, mais on a également à apprendre un certain nombre de principes, de disciplines et de compétences qui sont absolument indispensables dans l’emploi et durant toute la carrière.
Telles sont les caractéristiques de ce contrat de génération dont le contenu découle de la méthode qui a présidé à son élaboration. Je remercie infiniment MM. Jean Desessard, Dominique Watrin, Jean-Michel Baylet, Ronan Kerdraon, Mme Gisèle Printz, MM. Claude Jeannerot et Jean-Étienne Antoinette, Mme Patricia Schillinger…
Mme Isabelle Debré. Et pas nous ?
M. Michel Sapin, ministre. … et tous ceux qui, dans l’opposition, ont aussi affirmé souscrire, en totalité ou non, aux préoccupations que nous avions exprimées.
Nous débattrons des amendements demain, ce qui nous permettra de creuser les sujets, mais je voudrais rapidement essayer d’apporter une réponse à ce qui, je l’espère, n’est qu’une incompréhension de la part de certains. Les questions sont légitimes, et je voudrais pouvoir dissiper d’éventuels malentendus.
J’ai de nouveau entendu dire, par vous, je crois, monsieur Reichardt, que le contrat de génération était un contrat aidé.
M. André Reichardt. Oui !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mais non !
M. Alain Néri. C’est un contrat pour aider !
M. Michel Sapin, ministre. Je vous réponds que le contrat de génération n’est pas un contrat aidé, car ce n’est pas un contrat de travail spécifique. Le contrat de travail correspondant est bien connu : c’est le contrat à durée indéterminée ! Ce n’est donc pas un contrat particulier, mais bien un contrat de droit commun, portant toutes les caractéristiques et les obligations attachées à un CDI, en termes de rémunération, de droits dans l’entreprise, de droit à la formation. Le contrat de génération étant un CDI de droit commun, il ouvre à ses titulaires des droits identiques à ceux de toute personne titulaire d’un CDI.
Aussi bien les questions qui se poseraient légitimement s’il s’agissait d’un contrat aidé - je pense ici aux emplois d’avenir -, ne se posent pas de la même manière s’agissant du contrat de génération, puisque c’est un contrat de droit commun.
La confusion tient sans doute au fait que le contrat dont il est question dans l’expression « contrat de génération » ne désigne pas le contrat passé entre l’entreprise et le salarié – cela, c’est le CDI, pour celui qui était dans l’emploi depuis longtemps, le senior, comme pour celui qui entre dans l’emploi. Non, il s’agit ici de désigner, outre le contrat moral pour l’accompagnement et le transfert de compétences au sein de l’entreprise, un contrat, en bonne et due forme cette fois, entre l’entreprise et l’État. L’État étant engagé, l’aide promise fait l’objet d’un contrat signé dont chaque partie peut veiller au respect. À cette fin, le texte contient des dispositions relativement précises définissant les obligations des uns et des autres et permettant que le respect de l’engagement pris puisse faire l’objet de vérifications.
Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, d’avoir été aussi catégorique, mais j’espère vous avoir convaincu.
M. André Reichardt. Non ! Vous ne m’avez pas vraiment convaincu, puisqu’il y a une aide !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il y a une aide à l’entreprise, pas au salaire !
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le sénateur, il m’est arrivé, à moi aussi, de m’installer dans une forme de désaccord automatique, m’opposant systématiquement à ce qui venait de l’autre bord. Cela peut arriver à tout le monde, mais avouez que c’est dommage, surtout quand il s’agit, comme ici, de définitions juridiques très précises.
Ce n’est pas un contrat aidé, mais un contrat de droit commun, c’est un fait. Toutes les critiques sont possibles, mais elles gagnent à se fonder sur des faits justes plutôt que sur des appréciations erronées.
M. André Reichardt. C’est un contrat de droit commun, mais aidé !
M. Michel Sapin, ministre. Beaucoup d’entre vous se sont interrogés sur les secteurs concernés par ce dispositif. J’ai entendu dire que le contrat de génération était destiné au secteur marchand, contrairement aux emplois d’avenir qui viseraient le secteur non marchand. Il y a du vrai dans cette remarque, mais il convient d’être plus précis.
Nous avons souhaité, tous ensemble, que les emplois d’avenir soient plutôt accueillis dans des structures ayant des capacités d’encadrement et n’attendant pas de retour sur investissement immédiat, dans la mesure où les jeunes concernés, en très grande difficulté, doivent être accompagnés très précisément et formés massivement.
Le contrat de génération concerne, lui, tous les jeunes, quelle que soit leur qualification, pour leur permettre de trouver un emploi dans toutes les entreprises de France, avec des modalités différentes selon les tailles et dans l’ensemble du secteur privé. Cela concerne, bien entendu, le secteur marchand, privé par définition, mais aussi le secteur non marchand privé. Les associations, par exemple, pourront bénéficier des contrats de génération.
Je voulais aussi apporter cette précision pour que nous ne nous enfermions pas dans une sorte de dichotomie trop automatique qui distinguerait strictement les dispositifs destinés respectivement au secteur non marchand et au secteur marchand. Ce projet n’a pas été conçu ainsi, et ce n’est pas ainsi qu’il sera mis en œuvre.
D’autres préoccupations concernaient la formation. Madame Jouanno, vous avez beaucoup insisté sur ce point, comme d’autres ici. Ce sujet a également donné lieu au dépôt de nombreux amendements et à de longues discussions à l’Assemblée nationale, comme vous l’avez remarqué. M. le ministre chargé de la formation professionnelle y a apporté tout son concours, avec l’intelligence et l’habileté que nous lui connaissons.
Les jeunes qui bénéficieront du contrat de génération sont des jeunes comme les autres : il s’agit simplement de leur donner leur chance, en accordant une attention particulière à la question du transfert de compétences.
Je trouve attendrissant qu’un certain nombre de sénateurs de l’opposition soient attentifs à ce que la majorité respecte scrupuleusement les engagements pris, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, par le candidat François Hollande. Il se trouve que je suis bien placé, peut-être même un peu mieux qu’eux, pour connaître ces engagements… (Sourires.)
La question du tutorat a été soulevée à juste titre. Dans de nombreux cas, la mise en œuvre du contrat de génération prendra la forme d’un tutorat au sens strict du terme : un salarié plus âgé sera nommément désigné pour accompagner le jeune dans l’acquisition des outils et du savoir-faire qui lui sont nécessaires pour assumer ses responsabilités dans l’entreprise.
Une telle démarche devra être mise en place le plus souvent possible. Cela étant, les partenaires sociaux, qui ont par nature une connaissance fine du fonctionnement des entreprises, nous ont prévenus que vouloir généraliser le tutorat à l’ensemble des secteurs, sans prise en considération de la taille des entreprises, n’était pas une bonne idée. Cela ne correspond pas à la réalité du monde de l’entreprise, et ils ont donc estimé qu’il fallait prévoir dans l’accord national interprofessionnel et le projet de loi une palette de dispositifs pour assurer la transmission des compétences. Ces dispositifs seront définis plus précisément dans les textes d’application.
Il existera donc une gamme de possibilités pour permettre le transfert de compétences. Dans les très grandes entreprises, par exemple, le tutorat n’est pas la formule la mieux adaptée. En revanche, dans les toutes petites entreprises, il sera privilégié.
Si j’insiste sur ce point, c’est pour vous convaincre que nous mettons bien en œuvre la proposition du candidat François Hollande…
Je terminerai par quelques observations concernant le chiffrage à la fois des effets attendus de la mise en place des contrats de génération et du coût de celle-ci. Ces questions sont parfaitement légitimes, même si chacun pourra reconnaître qu’il n’est pas aisé d’y répondre précisément.
L’objectif est de signer 500 000 contrats de génération, qui concerneront 1 million de personnes : les 500 000 jeunes bénéficiaires et les 500 000 salariés plus âgés qui les accompagneront.
M. Jean Desessard. C’est beaucoup !
M. Michel Sapin, ministre. C’est beaucoup, mais il s’agit d’un objectif sur cinq ans. L’objectif annuel est donc de conclure 100 000 contrats de génération : l’atteindre me paraît tout à fait possible, eu égard notamment à l’accueil que réservent au dispositif les représentants d’un certain nombre de filières d’activité, en particulier dans les petites entreprises.
Pour autant, on n’invente pas l’emploi. Il est évident qu’aucune entreprise ne créera d’emplois pour la seule raison que le contrat de génération aura été institué. Ce dispositif permettra aux entreprises qui hésitent à embaucher des jeunes de franchir le pas. Autrement dit, l’objectif fondamental du contrat de génération est d’inciter les entreprises à embaucher un peu plus vite et un peu plus massivement qu’elles ne l’auraient fait s’il n’existait pas.
M. Jean Desessard. Il y aura donc 100 000 entreprises hésitantes chaque année ?
M. Michel Sapin, ministre. Je pense qu’elles seront beaucoup plus nombreuses encore. Si parmi elles il en est 100 000 pour oser franchir le pas grâce au contrat de génération, nous aurons rendu service à 100 000 entreprises et à 100°000 jeunes, sans compter les 100 000 salariés plus âgés dont le rôle social dans l’entreprise se trouvera renforcé.
S’agissant du coût, Mme Debré a parfaitement compris le dispositif et je ne reviendrai pas sur le calcul auquel elle s’est livrée. Lorsque nous prévoyons un coût de 900 millions d’euros en année pleine, cela vaut à compter de la troisième année d’application du dispositif, quand 300 000 contrats de génération seront en cours. Ce dernier chiffre représente un maximum : les contrats ayant une durée de trois ans, ceux qui auront été signés la première année arriveront à échéance la quatrième, de sorte qu’il n’y aura jamais plus de 300 000 contrats à courir au même moment.
Pour ce qui concerne le financement, je répète qu’il ne s’agit pas, comme on le dit parfois, de puiser dans l’enveloppe du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il s’agit de mettre en place deux dispositifs de façon parallèle : le CICE, qui a déjà été adopté et dont les entreprises commencent à connaître les modalités, et le contrat de génération. Ces deux dispositifs seront financés d’une part par le biais de modifications fiscales, d’autre part par un certain nombre d’économies budgétaires.
Nul n’est en mesure de dire quel sera le coût exact du contrat de génération – 21, 20 ou 19,5 milliards d’euros –, mais en tout état de cause il ne sera pas financé par un creusement supplémentaire du déficit public : dans la période actuelle, ce serait contradictoire avec un certain nombre d’autres orientations et engagements du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrat de génération suffira-t-il à résoudre le problème du chômage en France ?
M. André Reichardt. Non !
M. Michel Sapin, ministre. Évidemment, non. Aucun dispositif ne peut à lui seul permettre d’inverser la courbe du chômage ; nous y parviendrons par le cumul des mesures que nous mettons en place : les emplois d’avenir, destinés aux jeunes en très grande difficulté, les contrats de génération, le CICE, qui permettra aux entreprises d’investir, d’innover et d’embaucher.
Grâce à cette panoplie de dispositifs, nous pouvons aborder la bataille contre le chômage avec résolution et confiance. Je suis convaincu que nous réussirons à inverser la courbe du chômage. Je ne suis pas dans l’incantation, encore moins dans la prédiction, mais dans l’action : c’est le propre de ceux qui sont au pouvoir. Le Gouvernement prend ses responsabilités au plein sens du terme ; en tant que législateurs, prenez les vôtres en adoptant, au bénéfice de la jeunesse française, un dispositif qui sera efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. –Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 6 février 2013, à quatorze heures trente et le soir :
1. Suite du projet de loi portant création du contrat de génération (n° 289, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 317, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 318, 2012-2013).
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 118, 2010-2011) ;
Rapport de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 321, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 322, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 6 février 2013, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART