Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Gérard Le Cam.
3. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen de deux projets de loi
4. Modification de l'ordre du jour
5. Création du contrat de génération. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
MM. Jacky Le Menn, Georges Labazée, Yves Daudigny, Roland Courteau, Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Claude Lenoir, Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
MM. Hervé Marseille, le président.
Amendement n° 11 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 12 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 58 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteur, MM. Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 54 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendements nos 40 rectifié et 41 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteur, MM. Michel Sapin, ministre ; Jean-Noël Cardoux. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 13 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption
Amendement n° 59 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption
Amendement n° 9 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 10 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 52 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Amendement n° 60 de la commission. – Mme la rapporteur.
Amendement n° 16 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption, par scrutin public, de l’amendement n° 60, les amendements nos 16 et 30 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 15 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié ter de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 4 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 17 de Mme Chantal Jouanno. – Mme Nathalie Goulet.
Amendement n° 61 de la commission. – Mme la rapporteur.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre ; Mme Nathalie Goulet. – Rejet des amendements nos 31 rectifié et 17 ; adoption de l’amendement n° 61.
Amendement n° 5 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 8 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille.
Amendement n° 46 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet des amendements nos 32 rectifié, 8 et 46.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 25 rectifié de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 35 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet de l’amendement n° 34 rectifié ; adoption de l’amendement n° 25 rectifié ; rejet de l’amendement n° 35 rectifié bis.
Amendement n° 62 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 55 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 43 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 27 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 19 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille.
Amendements identiques nos 20 de Mme Chantal Jouanno et 36 rectifié de Mme Isabelle Debré. – M. Hervé Marseille, Mme Isabelle Debré.
Amendements identiques nos 37 rectifié de Mme Isabelle Debré et 49 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Isabelle Debré, M. Jacques Mézard.
Mme la rapporteur, MM. Michel Sapin, ministre ; Hervé Marseille, Mme Catherine Procaccia. – Rejet des amendements nos 27, 19, 20 et 36 rectifié ; adoption, par scrutin public, des amendements identiques nos 37 rectifié et 49 rectifié.
Amendement n° 28 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre ; Mme Isabelle Debré. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 23 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille.
Amendement n° 56 du Gouvernement. – M. Michel Sapin, ministre.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet des amendements nos 39 rectifié et 23 ; adoption de l’amendement n° 56.
Amendements identiques nos 26 rectifié de M. Dominique Watrin, 50 rectifié bis de M. Jacques Mézard et 64 de Mme Isabelle Debré. – M. Dominique Watrin, Mmes Françoise Laborde, Isabelle Debré, la rapporteur, MM. Michel Sapin, ministre ; André Gattolin. – Retrait de l’amendement n° 64 ; adoption des amendements nos 26 rectifié et 50 rectifié bis.
Amendement n° 29 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 22 de Mme Chantal Jouanno. – M. Hervé Marseille. – Retrait.
Amendement n° 44 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
MM. Dominique Watrin, Ronan Kerdraon, Michel Sapin, ministre.
Adoption de l'article.
Mme Isabelle Pasquet. .
Amendement n° 63 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement n° 57 du Gouvernement. – M. Michel Sapin, ministre ; Mme la rapporteur, M. Félix Desplan. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Isabelle Debré, M. Michel Vergoz, Mme Françoise Laborde, MM. André Gattolin, Ronan Kerdraon, Hervé Marseille, Félix Desplan, Dominique Watrin, Jean-Jacques Mirassou.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme la rapporteur, M. Michel Sapin, ministre.
6. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
7. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
8. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
9. Titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission du développement durable.
MM. Rémy Pointereau, Philippe Esnol, Mme Mireille Schurch, MM. Jean-Claude Requier, Joël Labbé, Jean-Jacques Lasserre.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de la commission. – MM. le rapporteur, Frédéric Cuvillier, ministre délégué. – Adoption.
M. le président.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué ; Mme Michèle André, M. Alain Néri.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
MM. le rapporteur, Michel Teston, vice-président de la commission du développement durable.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Gérard Le Cam.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d'un sénateur
M. le président. J’ai le profond regret de vous faire part du décès de notre collègue René Vestri, survenu ce matin. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Il avait été élu sénateur des Alpes-Maritimes le 21 septembre 2008.
Son éloge funèbre sera prononcé ultérieurement.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer nos sincères condoléances à sa famille, à ses proches et au groupe UMP.
3
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen de deux projets de loi
M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale et le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d’Oman en vue d’éviter les doubles impositions, inscrits à notre séance de demain, jeudi 7 février, soient examinés selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale commune, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé à demain, onze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 6 février 2013, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 12 février 2013 de la proposition de loi relative à la prorogation du mécanisme de l’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers, dont l’examen était prévu le jeudi 14 février 2013 et, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création du contrat de génération.
En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 7 au vendredi 15 février 2013 s’établit comme suit :
Jeudi 7 février 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de la veille
2°) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières (texte de la commission n° 320, 2012-2013)
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin
5°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 (texte de la commission n° 325, 2012-2013)
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 316, 2012-2013)
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d’Oman en vue d’éviter les doubles impositions (texte de la commission n° 314, 2012-2013)
(La durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune de ces deux projets de loi, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe a été fixée à une heure ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le jeudi 7 février, onze heures.)
Lundi 11 février 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures et le soir :
- Projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports (procédure accélérée) (n° 260, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 8 février, dix-sept heures ;
- au vendredi 8 février, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le lundi 11 février, à quatorze heures trente.)
Mardi 12 février 2013
À 14 heures 30 :
1°) Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite de l’ordre du jour de la veille
3°) Proposition de loi relative à la prorogation du mécanisme de l’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers, présentée par M. Gérard Miquel (procédure accélérée) (texte de la commission n° 341, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 février, dix-sept heures ;
- au lundi 11 février, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le mardi 12 février, à quatorze heures.)
À 21 heures 30 :
4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création du contrat de génération
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 février, dix-sept heures.)
5°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi
Mercredi 13 février 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de la veille
2°) Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes (n° 270, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 12 février, dix-sept heures ;
- au lundi 11 février, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mercredi 13 février matin.)
Jeudi 14 février 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite de la nouvelle lecture de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes
À 15 heures :
2°) Questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Éventuellement, vendredi 15 février 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de l’ordre du jour de la veille
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
5
Création du contrat de génération
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération (projet n° 289, texte de la commission n° 318, rapport n° 317).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et à la gestion des âges » ;
1° bis L’article L. 5121-7 devient l’article L. 5121-22 ;
2° La section 4 est ainsi rédigée :
« Section 4
« Contrat de génération
« Art. L. 5121-6. – Le contrat de génération a pour objectifs :
« 1° De faciliter l’insertion durable des jeunes dans l’emploi par leur accès à un contrat à durée indéterminée ;
« 2° De favoriser l’embauche et le maintien en emploi des salariés âgés ;
« 3° D’assurer la transmission des savoirs et des compétences.
« Il est mis en œuvre, en fonction de la taille des entreprises, dans les conditions prévues par la présente section.
« Le contrat de génération est applicable aux employeurs de droit privé ainsi qu’aux établissements publics à caractère industriel et commercial mentionnés à l’article L. 5121-9.
« Sous-section 1
« Modalités de mise en œuvre
« Art. L. 5121-7. – Les entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés ou qui appartiennent à un groupe, au sens de l’article L. 2331-1, dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés bénéficient d’une aide dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues aux I à IV de l’article L. 5121-17.
« Art. L. 5121-8. – Les entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et moins de trois cents salariés ou qui appartiennent à un groupe, au sens de l’article L. 2331-1, dont l’effectif est compris entre cinquante et moins de trois cents salariés bénéficient d’une aide dès lors qu’elles remplissent les conditions fixées à l’article L. 5121-17 et qu’en outre :
« 1° Elles sont couvertes par un accord collectif d’entreprise ou de groupe respectant les dispositions des articles L. 5121-10 et L. 5121-11. Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, les accords peuvent être conclus dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-24 ;
« 2° À défaut d’accord collectif, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232−21, l’employeur a élaboré un plan d’action dans les conditions prévues à l’article L. 5121-12 ;
« 3° À défaut d’accord collectif ou de plan d’action, elles sont couvertes par un accord de branche étendu conclu dans les conditions prévues aux articles L. 5121-10 et L. 5121-11.
« Art. L. 5121-9. – Les entreprises employant au moins trois cents salariés ou qui appartiennent à un groupe, au sens de l’article L. 2331-1, employant au moins trois cents salariés, ainsi que les établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins trois cents salariés, sont soumis à une pénalité, dans les conditions prévues à l’article L. 5121-14, lorsqu’ils ne sont pas couverts par un accord collectif d’entreprise ou de groupe conclu dans les conditions prévues aux articles L. 5121-10 et L. 5121-11 et lorsqu’à défaut d’accord collectif, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, l’employeur n’a pas élaboré un plan d’action dans les conditions prévues à l’article L. 5121-12.
« Sous-section 2
« Accords collectifs et plans d’action
« Art. L. 5121-10. – Un diagnostic est réalisé préalablement à la négociation d’un accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche mentionné à l’article L. 5121-11. Il évalue la mise en œuvre des engagements pris antérieurement par l’entreprise, le groupe ou la branche concernant l’emploi des salariés âgés. Le diagnostic est joint à l’accord. Son contenu est précisé par décret.
« Art. L. 5121-11. – L’accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche est applicable pour une durée maximale de trois ans. Il comporte :
« 1° Des engagements en faveur de la formation et de l’insertion durable des jeunes dans l’emploi, de l’emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et des compétences. Ces engagements sont associés à des objectifs et, le cas échéant, des indicateurs chiffrés, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. L’accord collectif comporte des objectifs chiffrés en matière d’embauche de jeunes à contrat à durée indéterminée, ainsi que d’embauche et de maintien dans l’emploi des salariés âgés. Il précise les modalités d’intégration, d’accompagnement et d’accès des jeunes, des salariés âgés et des référents au plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1 ;
« 2° Le calendrier prévisionnel de mise en œuvre des engagements mentionnés au 1°, ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation de leur réalisation ;
« 3° Les modalités de publicité de l’accord, notamment auprès des salariés.
« L’accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche comporte des mesures destinées à favoriser l’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité.
« Un décret en Conseil d’État précise les autres domaines d’action dans lesquels des engagements peuvent être prévus par l’accord collectif ou le plan d’action.
« L’accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche, dans le cadre de son objet visé à l’article L. 5121-6, assure la réalisation des objectifs :
« 1° D’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et de mixité des emplois ;
« 2° D’égalité d’accès à l’emploi dans le cadre de la lutte contre les discriminations à l’embauche et durant le déroulement de carrière.
« L’accord de branche comporte des engagements visant à aider les petites et moyennes entreprises à mettre en œuvre une gestion active des âges.
« Art. L. 5121-12. – L’élaboration d’un plan d’action est précédée de la réalisation du diagnostic mentionné à l’article L. 5121-10. Le diagnostic est joint au plan d’action.
« Le plan d’action est applicable pour une durée maximale de trois ans et comporte les éléments prévus à l’article L. 5121-11.
« L’employeur soumet le plan d’action à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, lorsqu’ils existent.
« Le plan d’action, le procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ainsi que l’avis mentionné au troisième alinéa du présent article font l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 2231-6. Le procès-verbal de désaccord est signé par l’employeur et des délégués syndicaux, ou, en leur absence, par les salariés appartenant à l’une des catégories visées à l’article L. 2232-21 avec lesquels une négociation a été ouverte. Il mentionne le nombre et les dates des réunions qui se sont tenues, les points de désaccord ainsi que les propositions respectives des parties.
« L’employeur consulte, chaque année, le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, lorsqu’ils existent, sur la mise en œuvre du plan d’action et la réalisation des objectifs fixés.
« Art. L. 5121-13. – I. – L’accord collectif d’entreprise ou de groupe, ou le plan d’action, et le diagnostic annexé font l’objet d’un contrôle de conformité aux articles L. 5121-10, L. 5121-11 et L. 5121-12 par l’autorité administrative compétente, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« II. – La conformité de l’accord de branche aux articles L. 5121-10 et L. 5121-11 est examinée à l’occasion de son extension.
« Art. L. 5121-14. – Lorsque l’autorité administrative compétente constate qu’une entreprise ou un établissement public mentionnés à l’article L. 5121-9 ne sont pas couverts par un accord collectif ou un plan d’action, ou sont couverts par un accord collectif ou un plan d’action non conforme aux articles L. 5121-10, L. 5121-11 et L. 5121-12, elle met en demeure l’entreprise ou l’établissement public de régulariser sa situation.
« En cas d’absence de régularisation par l’entreprise ou l’établissement public, la pénalité prévue à l’article L. 5121-9 s’applique. Le montant de la pénalité est plafonné à 1 % des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes pendant lesquelles l’entreprise ou l’établissement public n’est pas couvert par un accord collectif ou un plan d’action conforme aux articles L. 5121-10, L. 5121-11 et L. 5121-12 du présent code ou, lorsqu’il s’agit d’un montant plus élevé, à 10 % du montant de la réduction dégressive prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, pour les rémunérations versées au cours des périodes pendant lesquelles l’entreprise ou l’établissement public n’est pas couvert par un accord collectif ou un plan d’action conforme aux articles L. 5121-10, L. 5121-11 et L. 5121-12 du présent code. Pour fixer le montant de la pénalité, l’autorité administrative évalue les efforts constatés pour conclure un accord collectif ou établir un plan d’action conforme aux mêmes articles L. 5121-10, L. 5121-11 et L. 5121-12 ainsi que la situation économique et financière de l’entreprise ou de l’établissement public.
« La pénalité est recouvrée dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale.
« Le produit de la pénalité est affecté à l’État.
« Art. L. 5121-15. – L’entreprise ou l’établissement public mentionnés à l’article L. 5121-9 transmettent chaque année à l’autorité administrative compétente, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord collectif ou du plan d’action, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord collectif ou du plan d’action, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État. Ce document est également transmis, d’une part, aux délégués syndicaux et, d’autre part, aux membres du comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel ou, à défaut, aux salariés.
« À défaut de transmission ou en cas de transmission incomplète, l’entreprise ou l’établissement public sont mis en demeure de communiquer ce document ou de le compléter dans un délai d’un mois.
« À défaut d’exécution de la mise en demeure, l’autorité administrative compétente prononce une pénalité dont le montant est fixé par décret.
« La pénalité est recouvrée dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale.
« Le produit de la pénalité est affecté à l’État.
« Art. L. 5121-16. – Les branches couvertes par un accord étendu transmettent, chaque année, au ministre chargé de l’emploi un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État.
« Sous-section 3
« Modalités de l’aide
« Art. L. 5121-17. – I. – Les entreprises mentionnées aux articles L. 5121-7 et L. 5121-8 bénéficient d’une aide, pour chaque binôme de salariés, lorsqu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
« 1° Elles embauchent en contrat à durée indéterminée à temps plein et maintiennent dans l’emploi pendant la durée de l’aide un jeune âgé de moins de vingt-six ans ou un jeune de moins de trente ans bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Lorsque le parcours ou la situation du jeune le justifie, notamment pour faciliter le suivi d’une action de formation, le jeune peut être employé à temps partiel, avec son accord. La durée hebdomadaire du travail du jeune ne peut alors être inférieure à quatre cinquièmes de la durée hebdomadaire du travail à temps plein ;
« 2° Elles maintiennent dans l’emploi, pendant la durée de l’aide ou jusqu’à son départ en retraite :
« a) Un salarié âgé d’au moins cinquante-sept ans ;
« b) Ou un salarié âgé d’au moins cinquante-cinq ans au moment de son embauche ;
« c) Ou un salarié âgé d’au moins cinquante-cinq ans bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
« II. − L’aide ne peut être accordée à l’entreprise lorsque celle-ci :
« 1° A procédé, dans les six mois précédant l’embauche du jeune, à un licenciement pour motif économique sur les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l’embauche, ou à une rupture conventionnelle homologuée ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude sur le poste pour lequel est prévue l’embauche ;
« 2° Ou n’est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l’égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d’assurance chômage.
« II bis. – La rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail ou le licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude de l’un des salariés ouvrant à l’entreprise le bénéfice d’une aide entraîne son interruption.
« III. – Le licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude d’un salarié âgé de cinquante-sept ans ou plus ou d’un salarié âgé de cinquante-cinq ans ou plus bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé entraîne la perte d’une aide associée à un binôme.
« IV. – Un décret en Conseil d’État définit les cas dans lesquels le départ des salariés mentionnés aux I à III n’entraîne pas la perte d’une aide associée à un binôme.
« V. – Pour les entreprises mentionnées à l’article L. 5121-8 couvertes par un accord collectif d’entreprise ou de groupe ou par un plan d’action, l’aide est accordée, après validation par l’autorité administrative compétente de l’accord collectif ou du plan d’action, pour les embauches réalisées à compter de la date de conclusion de l’accord collectif ou de dépôt auprès de l’autorité administrative du plan d’action. Pour les entreprises mentionnées au même article couvertes par un accord de branche étendu, l’aide est accordée pour les embauches réalisées à compter de la date de transmission à l’autorité administrative compétente du diagnostic mentionné à l’article L. 5121-10.
« Art. L. 5121-18. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 5121-7 bénéficient également d’une aide lorsque le chef d’entreprise, âgé d’au moins cinquante-sept ans, embauche un jeune, dans les conditions prévues au 1° du I de l’article L. 5121-17, dans la perspective de lui transmettre l’entreprise.
« Art. L. 5121-19. – Le versement de l’aide est assuré par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, selon les modalités prévues au 4° de ce même article.
« Art. L. 5121-20. – Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, lorsqu’ils existent, sont informés des aides attribuées au titre du contrat de génération dans le cadre du rapport annuel mentionné à l’article L. 2323-47.
« Art. L. 5121-21. – La durée et le montant de l’aide sont fixés par décret. »
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis aujourd’hui pour examiner le contrat de génération, c'est-à-dire l’engagement n° 33 du programme du Président de la République. Ce faisant, il s’agit de répondre à l’une des préoccupations majeures des Françaises et des Français : l’emploi.
Le Gouvernement, confronté à une situation sans précédent en matière économique et sociale, a engagé dès son arrivée la bataille de l’emploi, avec pour objectif d’inverser la courbe du chômage.
Cette bataille s’appuie avant tout sur une méthode : la valorisation du dialogue social et la mobilisation concertée et complémentaire de tous les acteurs et actrices concernés. Et ça marche !
Cette bataille articule une double logique, offensive et défensive, à travers une véritable politique de l’emploi. Je vous rappelle la création des emplois d’avenir, votée à l’automne dernier, la « garantie jeunes », annoncée à l’occasion de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, le renforcement et l’allongement des contrats aidés, la mise en place du contrat de génération que nous examinons depuis hier.
Il s’agit d’intervenir de manière forte et volontariste en faveur des personnes les plus exposées : les jeunes et les seniors. Ce sont en effet les deux catégories de la population aujourd'hui condamnées au chômage dans notre pays. Les chiffres sont frappants, vous les connaissez, je les rappelle malgré tout : 24 % des moins de vingt-six ans sont sans emploi ; parallèlement, le taux d’activité des plus de cinquante-cinq ans stagne à 45 %. Ces chiffres sont médiocres et nous placent parmi les mauvais élèves au sein de l’Union européenne.
L’originalité du contrat de génération réside dans le fait qu’il répond à deux réalités : le difficile accès au marché du travail pour les jeunes et le maintien dans l’emploi des seniors. Ce dispositif se propose de composer une solution durable pour les uns et les autres, en privilégiant la transmission des connaissances et des compétences. C’est bien ce que prévoit l’article 1er du projet de loi.
Évidemment, ce dispositif ne réglera pas, à lui seul, tous les problèmes relatifs à l’emploi. Il nous faut multiplier les possibilités d’accès à l’emploi tout en soutenant l’activité économique dans un environnement national et international difficile à plus d’un titre.
Le pire serait de nous résigner et de céder à la fatalité. Non ! Nous devons poursuivre notre soutien en proposant de nouveaux outils, pragmatiques, efficaces et solidaires à destination de celles et ceux qui souffrent et doutent de l’avenir.
Cet outil repose sur un pacte entre les générations et doit maintenir dans l’emploi 5 millions de salariés partant à la retraite d’ici à 2020 et faciliter l’entrée dans la vie active de 6 millions de jeunes. Mes chers collègues, ce n’est pas rien !
Ce dispositif vise également à changer notre regard sur les âges, à agir au cœur même des entreprises, notamment en encourageant la transmission des compétences, et à refaire du CDI la norme dans le monde du travail.
Outre la question de la transmission des savoirs, le contrat de génération donne toute son importance à la formation, permettant ainsi au jeune salarié de bénéficier d’un véritable parcours qualifiant dans l’entreprise. J’insiste sur ce point.
Dans notre pays, les petites et les grandes entreprises sont confrontées à des réalités bien différentes. Aussi ce dispositif introduit-il des modalités spécifiques en fonction de la taille des entreprises, ce qui permettra une meilleure adaptation aux réalités et aux besoins des employeurs et des salariés.
Si le contrat de génération est le fruit du dialogue entre partenaires sociaux, il laisse une très large place à la négociation au sein même de l’entreprise, et c’est très bien ainsi. Dans les structures de plus de 300 salariés, la négociation sur l’emploi des jeunes et des seniors, ainsi que sur la transmission des compétences, est fortement encouragée. Nul doute que ce changement de culture et de méthode sera productif.
Pour terminer, je forme le vœu que la mise en place du contrat de génération permette également de respecter les engagements du Gouvernement en termes d’égalité entre les femmes et les hommes en matière d’emploi. En effet, au sein même des entreprises de notre pays, il nous faudra agir pour réduire les écarts en matière d’accès à l’emploi : accès toujours plus compliqué, toujours plus difficile pour les femmes, qu’elles soient jeunes ou moins jeunes.
Dialogue social, protection des salariés, création d’emploi, formation, transmission des savoirs et des compétences, égalité entre les femmes et les hommes : voilà un cocktail efficace élaboré avec pragmatisme pour renouer avec l’espoir en matière d’emploi ! Je ne doute pas que les entreprises françaises, petites et grandes, sauront utiliser à bon escient ces nouveaux dispositifs pour assumer leurs responsabilités économiques et sociales.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Monsieur le ministre, je tiens à vous assurer du soutien des sénatrices et sénateurs socialistes pour mener et remporter, à vos côtés, la bataille pour l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, sur l'article.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet en commission, mais je tiens à réitérer mes propos en séance publique à l’intention du Gouvernement.
Le projet de loi portant création du contrat de génération sera adopté, je n’en doute pas. Il faut toutefois que la mise en œuvre de ce dispositif se fasse dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire en veillant à une bonne coordination avec les actions déployées par les collectivités territoriales et à une mise en commun des moyens de ces dernières et de ceux de l’État. En effet, les régions ou les départements ont créé des outils, souvent efficaces, qui méritent d’être soutenus, en particulier pour accompagner la transmission des petites entreprises. Cette problématique de la succession du chef d’entreprise a d’ailleurs fortement occupé nos débats en commission.
Monsieur le ministre, je souhaite que les mécanismes qui ont été instaurés soient clairement identifiés, région par région, département par département, et mis en exergue, et ce dans un souci d’efficacité.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous tous qui sommes localement aux responsabilités dans nos régions, départements, cantons et communes savons combien il est difficile de favoriser le maintien de l’emploi et d’aider à la création de nouveaux postes.
Des trois départements picards, l’Aisne est le plus fragilisé, avec un taux de chômage qui atteint 14,4 %, voire 14,5 % à présent, soit 4 points de plus que la moyenne nationale. Le taux de chômage y est même de 6 points supérieurs dans la zone de Saint-Quentin et de 7 points en Thiérache.
Ce projet, associé aux mesures déjà prises, constitue incontestablement un espoir et réalise d’ores et déjà un grand progrès. Sans même préjuger sa portée – nous la souhaitons tous, élus de la majorité comme de l’opposition, la plus importante possible –, c’est déjà un grand progrès que d’avoir su réinstaller le dialogue social et restaurer la dynamique de la négociation, d’avoir proposé et engagé sur plusieurs fronts en même temps un ensemble de mesures cohérentes, d’avoir enfin substitué à une approche d’opposition entre les âges celle d’une valorisation de leur complémentarité.
C’est aussi, déjà, un grand progrès que le choix de ce gouvernement d’agir en même temps sur tous les leviers possibles en faveur de l’emploi. En effet, le contrat de génération, loin d’être une mesure isolée, forme l’un des pans de l’ensemble de la politique pour l’emploi déclinée dès après l’alternance, avec la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, l’accord national interprofessionnel unanime d’octobre suivant, qui fonde ce projet, puis les emplois d’avenir, mis en œuvre par la loi du 26 octobre. Citons également, entre-temps, le renforcement des équipes de Pôle emploi ou l’adoption du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Enfin, la traduction du récent accord national interprofessionnel pour la sécurisation du marché du travail est à venir…
C’est encore un autre grand progrès que le pragmatisme, qui permet une mise en œuvre différenciée des mesures pour s’adapter aux réalités de chaque entreprise. Le choix d’aides ciblées et conditionnées en faveur des TPE et PME ne peut qu’être salué ; il sera notamment favorable à la transmission d’entreprises artisanales et agricoles, enjeu majeur pour nos territoires ruraux.
Nous devons également approuver, outre la mise en complémentarité des compétences plutôt que leur mise en concurrence, la prise en compte des salariés handicapés, quel que soit leur âge.
S’agissant des modalités de mise en œuvre, je rappellerai simplement le résultat qualitatif très formel de la négociation instituée au sein des entreprises sur l’emploi des seniors par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, faute d’avoir prévu un contrôle de conformité a priori.
Au moment d’aborder l’examen de la disposition phare de ce projet de loi, je voudrais aussi saluer l’attitude de nos collègues sénatrices et sénateurs de l’opposition.
À l’Assemblée nationale, vos amis députés ont en effet choisi de déposer et de défendre – laborieusement, avouons-le ! – deux motions, l’une de rejet préalable, l’autre de renvoi en commission, puis un amendement de suppression de l’article 1er. Tel n’a pas été votre choix, mes chers collègues, et cela devait être souligné.
D’ailleurs, malgré ces demandes préalables de rejet et de suppression, le vote de l’opposition à l’Assemblée nationale a été très partagé. La critique fut en effet laborieuse, car les raisons présentées en faveur du rejet, faute d’être convaincantes, n’ont pas convaincu : l’impact de ce projet serait d’ores et déjà limité par les choix de politique économique ; il ne constituerait qu’une réponse partielle aux attentes de la jeunesse et serait « assez peu intergénérationnel » ; en outre, la procédure accélérée maltraiterait le Parlement...
Bref, aucune critique n’a finalement été émise sur le fond du texte…
Mme Isabelle Debré. Si !
M. Yves Daudigny. … ou sur le dispositif lui-même, sinon à la marge ! Jean-Pierre Door, à l’Assemblée nationale, a d’ailleurs spontanément qualifié ce dispositif de « belle idée » en défendant sa motion de renvoi en commission.
Ce projet est connu depuis octobre dernier ; personne ne peut prétendre, aujourd’hui, être pris de court.
Cela étant dit, est-il utile que je poursuive dans l’énumération de certaines des contradictions de l’opposition ?
Personne ne conteste en tout cas la gravité de la situation, non plus que l’urgence à agir. L’idée du contrat de génération fait elle-même l’unanimité, cela a été reconnu sur tous les bancs. Nombre d’entre nous ont aussi témoigné de la très forte attente que suscite ce projet dans nos circonscriptions.
Aussi, mes chers collègues, j’ai presque envie de vous dire très simplement, en conclusion : Allons-y ! Tous ensemble dans cette bataille pour l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. S’il y a un domaine où le mot « urgence » prend tout son sens – « urgence sociale », « urgence économique » –, c’est bien celui de la lutte contre le chômage, c’est bien celui de l’emploi. Toutes nos forces doivent être tendues vers ces objectifs.
Comment, en effet, ne pas réagir quand on constate que l’entrée dans le monde du travail pour les jeunes commence par l’expérience de la précarité, par le temps partiel subi, par les petits boulots suivis de périodes de chômage, mais aussi par les basses, voire les très basses rémunérations ?
Comment ne pas réagir quand, à l’autre extrémité de la pyramide des âges, le taux de chômage des seniors est dramatiquement haut ?
Au-delà de la souffrance, on pourrait parler de véritable gâchis des compétences et des talents.
Bref, il n’est pas possible d’accepter que la période de la vie active durant laquelle l’emploi est stable et convenablement rémunéré soit de plus en plus courte et se situe entre vingt-sept et cinquante-cinq ans.
Il était donc important et urgent de se préoccuper des deux extrémités de la pyramide des âges, en favorisant l’accès à l’emploi pour les jeunes et le maintien dans l’emploi pour les seniors. Les contrats de génération sont une réponse à cette double préoccupation, même s’il convient de préciser que la politique de lutte contre le chômage ne saurait se résumer au seul contrat de génération.
Mieux ! Ce qui caractérise avant tout ces contrats, c’est l’alliance des âges. Car le caractère innovant du dispositif, c’est bien le binôme des salariés.
Oui, mes chers collègues, après Yves Daudigny, je considère que les contrats de génération constituent bien l’un des leviers permettant d’atteindre les objectifs fixés par le Président de la République, à savoir l’inversion de la courbe du chômage à la fin de 2013 ! Au-delà de leur caractère innovant, je pense très sincèrement que la force principale de ces contrats est qu’ils sont issus du dialogue social.
Comme d’aucuns l’ont souligné, le dialogue social doit être à la fois un principe et une méthode. Excellente méthode, d’ailleurs, monsieur le ministre, que celle qui a été choisie pour réformer notre modèle de relations sociales !
Mais il y a mieux encore, car on pourrait parler d’une véritable révolution sociale, culturelle, économique. En effet, les contrats de génération ont aussi pour finalité de créer un ciment transgénérationnel au sein de l’entreprise et, pourquoi pas, au-delà, avec la transmission des savoirs et des compétences.
Enfin, et c’est aussi un objectif ambitieux, ce dispositif – ce binôme de salariés ! – devrait encourager les entreprises à œuvrer en faveur d’une véritable dynamique de gestion active des âges, et non de gestion par les âges.
L’autre point positif du contrat de génération, c’est l’aide dont pourra bénéficier un chef d’entreprise senior qui envisagerait d’embaucher un jeune en CDI, avec pour objectif de lui transmettre ensuite son entreprise. Et là, bien sûr, ce sont les entreprises artisanales qui sont concernées !
Oserais-je dire que ces contrats de génération peuvent être d’excellents accélérateurs du recrutement, pour chacune des extrémités de la pyramide des âges, les jeunes et les seniors ? Oserais-je dire qu’ils permettent enfin de remettre au goût du jour la solidarité intergénérationnelle ? Les jeunes seront considérés comme des acteurs à part entière et les seniors seront confortés dans leur aspiration à rester actifs.
Décidément, voilà un très bon projet de loi, qui s’inscrit parfaitement dans la bataille pour l’emploi qui est engagée. Ce projet recueille donc notre total soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, hier, en fin de soirée, vous avez prononcé quelques mots qui, à vous entendre, devaient nous aider à passer une nuit tranquille. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup dormi. (Exclamations amusées.)
M. Jean-Claude Lenoir. Peut-être était-ce pour d’autres raisons… (Sourires.)
M. Jean Desessard. Je suis ainsi fait, mes chers collègues, je ne peux m’empêcher de réfléchir aux déclarations du Gouvernement pendant la nuit.
Vous avez dit en substance : 100 000 contrats de génération par an, cela ne veut pas dire qu’on va créer 100 000 emplois, mais cela va permettre aux entreprises hésitantes de franchir le pas. À vrai dire, ce ne sont pas ces propos qui m’ont troublé, mais plutôt l’effet d’aubaine pour les entreprises dont on a parlé. On prétend que ces entreprises auraient embauché malgré ce dispositif, mais on oublie qu’elles auraient peut-être recruté en CDD.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean Desessard. Or, comme nous l’avons montré, il est important pour les jeunes d’obtenir un contrat à durée indéterminée pour avoir un logement et une vie d’adulte épanouie.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bravo !
M. Jean Desessard. Si cet effet d’aubaine permet de transformer les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, tant mieux !
M. Roland Courteau. C’est parfait !
M. Jean Desessard. Voilà à quoi je passe mes soirées après nos débats dans l’hémicycle ! (Nouvelles exclamations amusées.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est à voir… (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. J’ai même poussé plus loin ma réflexion : ce dispositif est intéressant, car il oblige l’entreprise à réfléchir à la manière dont elle s’organise.
Madame Debré, vous avez dit que nous imposions des contraintes aux entreprises.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Jean Desessard. Mais, comme nous, vous êtes d’accord pour dire que l’entreprise, ce n’est pas d’abord l’argent ou l’économie ; c’est en priorité le social, les hommes et les femmes qui la composent. Or, en l’occurrence, on tient compte de la réorganisation de l’entreprise, de son rôle dans la société et de la transmission du savoir.
Voilà à quoi servent les contrats de génération : non simplement à convaincre les hésitants, monsieur le ministre, mais à assurer aux jeunes un CDI lorsque c’est possible. Et ils permettent à l’entreprise de réfléchir à son rôle social !
Je ne m’arrêterai pas en si bon chemin, monsieur le ministre. Vous avez vu que j’ai beaucoup réfléchi. J’ai donc peu dormi. (Sourires.)
Vous avez dit : « Je suis dans l’action ». Bravo ! Mais comment faire en sorte que cette action ne soit pas de l’agitation, comme ce qu’on a connu sous le quinquennat précédent ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Ça m’étonnait aussi que vous n’ayez pas encore délivré un coup de griffe !
M. Henri de Raincourt. C’est médiocre !
M. Jean Desessard. Pour éviter cet écueil, comme je l’ai précisé hier dans la discussion générale, il faut veiller à ce que les entreprises n’embauchent pas des jeunes cette fois-ci, des seniors cette fois-là et qu’elles expulsent d’autres personnes par la suite. Parce qu’un projet de gauche ne peut accepter qu’une personne soit au chômage, qu’elle ait vingt ans, trente-cinq ans, cinquante-sept ans ou soixante ans !
Nous connaissons les dégâts qu’occasionne le chômage. Une personne s’est encore suicidée voilà quelques jours en raison de problèmes d’argent. Qu’il s’agisse d’un jeune, d’un ancien ou d’une personne dans la force de l’âge, on ne peut accepter que quelqu’un soit au chômage !
Ce texte est cohérent, monsieur le ministre. Par la suite, j’espère que nous pourrons réfléchir ensemble à une réorganisation de l’économie, à d’autres relations sociales, à une société de coopération, et que ces contrats de génération seront l’amorce d’une réflexion éco-socialiste…
Mme Catherine Deroche. Que c’est beau !
M. Jean Desessard. … autour d’un nouveau projet de société pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avoue que, pour ma part, j’ai dormi sans problème et sans penser aux contrats de génération. (Sourires.)
Vous nous aviez signalé, monsieur le ministre, madame le rapporteur, que les contrats de génération étaient d’abord et avant tout destinés à nos jeunes, qui doivent attendre des années et des années avant de signer un CDI, ce que nous regrettons tous. Ils accumulent CDD successifs, périodes de chômage et missions d’intérim avant d’obtenir enfin ce fameux contrat à durée indéterminée.
Cela étant, il y a un sujet que vous avez peu évoqué : je veux parler des stagiaires. Sachez, monsieur le ministre, que sur toutes les travées du Sénat nous nous préoccupons de leur situation depuis de nombreuses années, et nous avons d’ailleurs fait progresser la législation dans ce domaine.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
Mme Catherine Procaccia. Pour quelles raisons ont-ils été exclus des contrats de génération ?
Nous savons bien que les jeunes vont faire un stage, deux stages, souvent de six mois, parfois d’un an avant, éventuellement, d’obtenir un CDD pour ensuite passer en CDI. Je le répète : pourquoi ne pas avoir inclus les stagiaires dans les contrats de génération ?
J’avais déposé un amendement sur ce sujet cosigné par un certain nombre de mes collègues, mais le couperet de l’article 40 est tombé. Je m’interroge d’ailleurs sur la pertinence de cette procédure : le Gouvernement a prévu une enveloppe globale, et le fait d’intégrer les stagiaires au dispositif n’impliquait pas pour autant que l’enveloppe soit dépassée.
Pour déterminer le vote qui sera le mien sur l’article 1er et l’ensemble du projet de loi, j’aimerais donc connaître vos intentions : allez-vous faire une place aux stagiaires déjà présents dans les entreprises ? Si vous n’intégrez pas les stagiaires, pouvez-vous m’expliquer pour quelles raisons ils sont exclus ? Ne participant pas aux accords nationaux interprofessionnels, les ANI, je reconnais ne pas avoir regardé la question de très près.
Ma seconde remarque porte sur le schéma général des contrats de génération. Je vous l’ai déjà dit en commission, je regrette que le seuil de cinquante-sept ans ait été retenu. Cela revient à montrer du doigt ces personnes, à dire aux entreprises que, à cet âge-là, on est vieux. Vous oubliez que l’âge de la retraite a été fixé à soixante-deux ans. Cela revient à dire qu’à soixante ans on peut « vider » ces personnes, car vous suggérez qu’elles sont trop âgées. Si vous désirez amener ces personnes jusqu’à l’âge de la retraite, la logique voudrait que vous reteniez plutôt le seuil de cinquante-neuf ans.
Par ailleurs, plutôt que le maintien dans l’emploi, j’aurais aimé que le texte – même si cela est induit – favorise l’embauche des seniors. La rédaction retenue est assez alambiquée et ne constitue aucunement un signal fort en faveur de l’embauche des personnes de cinquante-cinq, cinquante-sept, cinquante-neuf ans et plus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voulais réagir aux propos de Jean Desessard, mais je pense qu’il est parti se reposer… (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Il a passé une mauvaise nuit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Je ne peux pas laisser dire – ce ne sont d’ailleurs pas les propos du ministre – que seule la gauche n’accepterait pas qu’une personne soit au chômage. Une telle affirmation sous-entend que les élus de droite ne se sentiraient pas concernés par ce qui est un problème national. Le chômage nous engage tous, car nous sommes des responsables politiques. Je ne peux donc pas laisser dire à M. Desessard qu’il est le seul dans cet hémicycle à être porteur de cette volonté et que celle-ci n’est pas partagée par ceux qui siègent dans l’opposition, et singulièrement à droite.
Cela étant, les propos de Catherine Procaccia sont tout à fait justes.
Mme Catherine Procaccia. Merci !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons un vrai problème de stage en France : combien de jeunes rencontrons-nous qui n’arrivent pas à pousser les portes des entreprises alors qu’ils ont besoin d’un stage pour accompagner leur formation initiale ou pour obtenir un contrat d’alternance ? Les entreprises semblent rétives, frileuses, à l’idée de former des jeunes dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou simplement d’un stage. Et souvent ces stages se retrouvent-ils réduits à une présence sur la pointe des pieds dans l’entreprise pendant quelques jours, voire quelques semaines. Dans ces conditions, les jeunes stagiaires n’apprennent rien et représentent même une charge pour l’entreprise.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions disposer de signes forts laissant entendre que ce problème est pris en compte dans le cadre du projet de loi dont nous discutons.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je voudrais remercier de nouveau tous ceux qui sont intervenus pour souligner les caractéristiques du contrat de génération et soutenir le texte, même si ce dernier est évidemment perfectible.
Monsieur Labazée, comme lors des débats en commission, vous avez posé la très importante question de la compatibilité, de la connexité et, au fond, de la capacité des politiques nationales et locales à se renforcer l’une l’autre pour atteindre le meilleur résultat possible.
Cette coordination avec les régions est essentielle pour la réussite des emplois d’avenir – même si les régions ne sont pas les seules concernées par cette question – et pour que les programmes de formation soient adaptés. Il en va de même, s’agissant toujours des régions, de la coordination du dispositif des emplois « tremplins », c’est-à-dire de l’appui à la création d’emplois associatifs, avec celui des emplois d’avenir.
Cela est également vrai, c’était d’ailleurs le sens de votre question, dans le cadre du contrat de génération, tout particulièrement pour les politiques d’accompagnement de la transmission d’entreprise. J’ai été président d’une région dans laquelle se pose la question de la transmission des petites entreprises, comme dans toutes les autres régions de France. Dans ce cadre, nous avions mis en place, comme d’autres, des dispositifs d’accompagnement. Je pense qu’il appartiendra aux collectivités territoriales d’adapter leurs politiques locales au dispositif du contrat de génération.
Cela me permet de redire ici, très fermement et très clairement, que la politique de l’emploi est une responsabilité de l’État et qu’elle doit le rester. Cependant, par définition, les collectivités locales – les communes, les départements, les régions – sont concernées par la situation de l’emploi sur leur propre territoire. La nécessaire coordination de ces politiques est gage d’une bonne efficacité. Voilà ce que je souhaite voir mis en œuvre sur l’ensemble de notre territoire.
D’autres questions ont été posées, dont nous aurons à débattre amendement après amendement. Cependant, madame Procaccia, fixer une borne d’âge, est-ce vraiment « montrer du doigt » ?
Mme Catherine Procaccia. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. Non, prévoir l’âge de vingt-cinq ans, de cinquante ans, de cinquante-cinq ans, de cinquante-sept ans, de soixante ans ou de soixante-deux ans, âge de départ à la retraite, paraît-il, permet tout simplement d’appliquer un texte. Nous ne disons nullement que telle ou telle catégorie de salariés est trop âgée. Il s’agit de la mise en musique habituelle d’un ensemble de dispositions.
Nous avons retenu cinquante-sept ans comme principe général. Si, au bout de trois ans, le jeune ayant fini de bénéficier de l’aide, le salarié âgé de soixante ans veut rester jusqu’à soixante-deux ans, âge de départ à la retraite, tant mieux ! Un autre jeune pourra faire couple avec cet aîné, ce qui permettra à l’entreprise de bénéficier d’un autre contrat de génération. Ce salarié ne perd pas sa valeur sous prétexte qu’il aurait pris trois ans de plus ; au contraire, il peut s’être bonifié, y compris dans sa capacité à accompagner le jeune dans l’entreprise.
La question des stagiaires n’est pas simple et ne date pas d’aujourd’hui. Un stagiaire, ce n’est normalement pas un salarié de l’entreprise. D’ailleurs, le détournement du stage est d’en faire un salarié comme les autres. Il est donc légitime que nous n’ayons pas considéré le stagiaire comme s’il était en CDD ou en intérim dans l’entreprise. Il s’agit d’une autre question. D’autres dispositions protègent les stagiaires contre ces abus.
Quand un stagiaire présent dans l’entreprise depuis très longtemps est remplacé sur le même poste par un autre stagiaire, il s’agit d’un détournement de dispositions et non d’un accompagnement du jeune.
M. Jean Desessard. Et voilà !
M. Michel Sapin, ministre. Nous en sommes tous d’accord, j’en suis persuadé.
Quant à la question que vous me posiez, monsieur Lenoir, elle n’est pas l’objet du projet de loi. Nous en reparlerons à l’occasion d’autres textes. Nous souhaitons mettre en place des dispositions qui encouragent les entreprises à accueillir des jeunes pour un véritable stage, parce que beaucoup d’entre elles y sont réticentes. Nous connaissons tous des jeunes qui courent après les stages et qui n’en trouvent pas, alors même qu’ils sont obligatoires dans leur cursus. S’il faut inciter les entreprises à accueillir des stagiaires, il faut dissuader, pour ne pas dire condamner, celles qui en abusent. Nous en connaissons beaucoup trop, les uns et les autres.
Ce sujet n’a pas échappé à notre sagacité ; il a été abordé à d’autres occasions, y compris par les partenaires sociaux. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter dans les mois qui viennent. Pour l’heure, nous n’en avons pas encore terminé avec le contrat de génération ni avec la loi sur la sécurisation de l’emploi, dont nous discuterons dans quelques semaines.
J’espère avoir apporté des réponses qui permettront à M. Desessard – je voulais terminer par lui – de passer de bonnes nuits. Je suis d’ailleurs persuadé que sa nuit a été bien meilleure que ce qu’il nous en a dit. Il a raison de décrire ce que sera un des deux indicateurs de la réussite de ce texte. Quels sont-ils ?
Le premier, celui auquel je faisais référence hier, consiste à savoir combien de jeunes auront pu bénéficier de ce dispositif et donc trouver un emploi. C’est à cette question-là que je répondais en parlant de notre objectif de 100 000 contrats de génération et de la capacité des entreprises à sauter le pas, à oser embaucher grâce aux incitations mises en place, notamment financières.
Le second indicateur est celui que votre sommeil agité, monsieur Desessard, a permis de faire apparaître en pleine lumière, c’est-à-dire celui de la diminution du nombre des contrats à durée déterminée et des autres contrats précaires, dont les jeunes sont aujourd’hui les premiers à pâtir. Ce texte doit donc aussi permettre d’accroître le nombre de CDI signés par les jeunes.
C’est au vu de ces deux objectifs, qualitatif et quantitatif, que nous pourrons, je l’espère, considérer que ce texte était pertinent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. Hervé Marseille. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 45, alinéa 1, de notre règlement.
Les amendements nos 18 et 21, qui ont été déposés par des membres de mon groupe, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, auquel Mme Procaccia vient de faire allusion. Cet article est décidément très utilisé…
Nous avons beaucoup de mal à comprendre l’application de l’article 40 en la circonstance : l’amendement n° 18 visait à transformer des emplois précaires en emplois permanents, et ce à enveloppe constante ; quant à l’amendement n° 21, il tendait à lever le dispositif en cas de difficulté économique des entreprises concernées.
Deux amendements similaires ont été présentés à l’Assemblée nationale. Nous aimerions donc comprendre pourquoi ces dispositions ne peuvent pas être examinées au Sénat.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
assorti d'une formation qualifiante pour les non diplômés.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet d'intégrer aux objectifs généraux du contrat de génération la garantie d'une formation qualifiante pour les jeunes non diplômés concernés par le dispositif.
Il s’agit à nos yeux d’un enjeu capital. Comme nous l’avons développé lors de la discussion générale, selon nous, les emplois d’avenir auraient dû être réservés aux jeunes les plus éloignés de l’emploi tandis que les contrats de génération devraient être réservés aux jeunes peu qualifiés.
Dans cette optique, il est fondamental que le contrat de génération soit systématiquement assorti d’un plan de formation pour les jeunes peu diplômés qui en bénéficieront. Sans garantie que le contrat de génération offre une expérience qualifiante et diplômante, le dispositif aura du mal à générer de l’emploi pérenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, votre souhait de formation des jeunes non diplômés est tout à fait légitime, et nous le partageons tous. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable d’alourdir l’article 1er, qui définit les grands objectifs du contrat de génération. De surcroît, il ne me paraît pas judicieux de traiter à l’alinéa 8 de cet article de la question de la formation.
Par ailleurs, demander que les jeunes non diplômés recrutés par le biais d’un contrat de génération puissent accéder à une formation diplômante risque de produire un effet inverse à l’objectif visé. Des chefs d’entreprise pourraient s’en inquiéter. Je rappelle que les jeunes recrutés par la voie d’un CDI sont des salariés de l’entreprise. Ils ont donc accès au plan de formation de celle-ci, lequel, normalement, prépare à des formations certes qualifiantes, mais non diplômantes. Je crains que l’on ne pénalise les jeunes non diplômés, qui risquent d’être exclus du recrutement par le biais d’un contrat de génération.
Nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur ce sujet lors de l’examen de l’amendement n° 14 rectifié. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Les arguments que vient de fournir Mme le rapporteur me paraissent bons. Monsieur Marseille, je vous propose de traiter la question qui vous préoccupe lors de l’examen de l’amendement n° 14 rectifié – il sera plus judicieux de l’aborder au moment de la discussion de l’alinéa 25 de l’article 1er – et de faire alors avancer ensemble le dispositif.
M. le président. Monsieur Marseille, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Je vais donner suite à la proposition de M. le ministre. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer les mots :
l'embauche et
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet de faire en sorte que le dispositif du contrat de génération se concentre sur l’embauche de jeunes salariés et le maintien dans l’emploi de salariés seniors.
Dans sa rédaction actuelle, le présent projet de loi fixe notamment pour objectif au contrat de génération de « favoriser l’embauche et le maintien en emploi des salariés âgés ». Selon nous, cette formulation brouille les finalités du dispositif, qui est certes censé faciliter l’embauche des jeunes, mais aussi le maintien dans l’entreprise des salariés les plus âgés. Par conséquent, il convient de retenir clairement ce double objectif dans l’énoncé des objectifs généraux afin de ne pas prendre le risque de disperser les efforts engagés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité d’embaucher un senior pour remplir les conditions fixées par le contrat de génération. Pourtant, monsieur Marseille, j’avais cru comprendre, ce matin, lors de la réunion de la commission, que vous le retiriez…
Bien sûr, le contrat de génération a pour objet d’embaucher un jeune tout en maintenant dans l’emploi un senior et de transmettre les compétences. Il ne faut jamais oublier ce troisième objectif. Or certaines entreprises n’ont aucun salarié âgé de plus de cinquante-cinq ans. Il me semblerait tout à fait dommageable de les empêcher de recruter un chômeur âgé de cinquante-cinq ans afin qu’il constitue un binôme avec un jeune dans le cadre d’un contrat de génération.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne suis pas sûr, monsieur le sénateur, que vous ne regrettiez pas d’avoir déposé cet amendement…
J’ai étudié attentivement la réalité statistique des entreprises. Or je me suis aperçu que certaines d’entre elles pouvaient embaucher des jeunes mais qu’elles ne comptaient aucun salarié âgé de plus de cinquante-sept ans.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. Il serait dommage de les priver de la possibilité de constituer un binôme composé d’un jeune et d’un senior. Or, faute de salariés âgés, l’entreprise doit bien en embaucher.
Cette possibilité a été souhaitée par les partenaires sociaux eux-mêmes.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. Cet enrichissement du texte initial permettra à des entreprises devant embaucher de recruter un jeune salarié et un autre plus âgé. Ce dernier ne proviendra pas de l’université ou alors de l’université…
M. Ronan Kerdraon. Pour tous !
M. Michel Sapin, ministre. … pour tous, oui, mais je voulais éviter ces termes. (Sourires.) En réalité, il viendra d’une autre entreprise dans laquelle il aura acquis une expérience qu’il est parfaitement capable de transmettre à des plus jeunes.
La suppression que vous proposez reviendrait à priver les entreprises qui en ont la possibilité de la faculté d’embaucher un jeune salarié et un autre plus âgé et, ainsi, de lutter contre le chômage des plus jeunes et des seniors.
M. le président. Monsieur Marseille, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 58, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
en emploi
par les mots :
dans l’emploi
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit de corriger une faute de français. On maintient non pas en emploi mais dans l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Avis extrêmement favorable. Je suis en joie et non dans la joie ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx, MM. J.P. Fournier, B. Fournier et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne et MM. Leleux, Magras et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après le mot :
elles
insérer les mots :
sont menacées par une perte de compétences clés du fait d’une pyramide des âges inversée,
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Afin de limiter l’effet d’aubaine et de ne pas dégrader nos finances publiques, le présent amendement vise à recentrer le dispositif du contrat de génération sur les entreprises qui en ont le plus besoin aujourd’hui, à savoir les entreprises dans lesquelles la transmission des savoirs et les métiers, notamment les métiers industriels, sont menacés du fait d’un manque d’attractivité.
L’adoption de cet amendement permettrait au contrat de génération de satisfaire sa véritable vocation initiale.
La contrainte supplémentaire que nous proposons d’insérer ne vise que les entreprises ayant entre 50 et 300 salariés, sachant que les effets d’aubaine risquent moins de s’appliquer aux petites structures de moins de 50 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ma chère collègue, vous proposez de concentrer le dispositif sur les entreprises employant entre 50 et 300 salariés et dont la pyramide des âges est inversée.
Le présent amendement restreint beaucoup, voire trop, le champ d’application du contrat de génération. La gestion des âges, des jeunes et des salariés âgés, concerne toutes les entreprises. C’est d’ailleurs le mérite du contrat de génération que de proposer une approche transversale et globale pour traiter ce sujet. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. On pourrait comprendre la volonté des auteurs de cet amendement de restreindre le champ d’application du contrat de génération, afin, notamment, de diminuer la dépense publique. On pourrait donc envisager de réserver le dispositif aux entreprises de moins de 10, de moins de 50 ou de moins de 300 salariés. Mais, j’y pense, l’aide n’est-elle pas déjà réservée aux entreprises de moins de 300 salariés ?
Le système de sélection des entreprises proposé me paraît assez complexe à mettre en œuvre. Qui va estimer que telle entreprise a absolument besoin d’un transfert de savoir-faire et pas telle autre ? Je vous laisse imaginer le travail que devra fournir l’administration afin de juger dans quelle entreprise la pyramide des âges inversée a des effets négatifs. Madame le sénateur, votre dispositif serait totalement impossible à mettre en œuvre.
Je veux également appeler votre attention sur la logique qui sous-tend votre amendement par rapport à celle qui anime le projet de loi.
Pour votre part, vous raisonnez en fonction du besoin de l’entreprise : c’est parce que telle entreprise a besoin de transférer un savoir-faire que le système du contrat de génération lui sera réservé. (Mme Isabelle Debré opine.) Songez qu’il y a aussi des jeunes qui ont besoin de travailler. D’ailleurs, l’entreprise elle-même peut avoir tout à fait intérêt à employer un jeune.
Gardez bien à l’esprit la logique du contrat de génération, qui a trois objectifs : l’embauche de jeunes, le maintien dans l’emploi de salariés plus âgés et, évidemment, le transfert de compétences, qui est aussi dans l’intérêt de l’entreprise. Je dis bien « aussi » : ce transfert ne peut pas être le seul critère d’attribution du contrat de génération.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame Debré, vous le savez, je salue votre travail et votre perspicacité. Néanmoins, je ne voterai pas votre amendement.
M. Jean Desessard. Très souvent, la droite, la minorité sénatoriale, l’opposition présidentielle,…
Mme Catherine Procaccia. Il y a aussi l’ex-majorité !
M. Jean Desessard. … autrement dit les sénateurs siégeant sur le côté droit de cet hémicycle, soutient qu’il faut arrêter de contrôler. Combien de fois, ces dernières années, ne vous ai-je entendu le dire, mes chers collègues ? En l’occurrence, madame Debré, vous voulez instaurer un système conduisant à vérifier la pyramide des âges. Mais vous rendez-vous compte ? On ne peut pas dire une chose un jour et son contraire un an plus tard !
De surcroît, vérifier la pyramide des âges au sein des entreprises nécessite du personnel supplémentaire. Parallèlement, vous vous opposez, me semble-t-il, à la transformation de certains contrôleurs du travail en inspecteurs du travail. Il faut avoir une certaine logique !
Je suis donc en total désaccord avec vous et, si j’interviens, ce n’est pas pour vous mettre en difficulté, mais parce que j’estime que vous ne comprenez pas la dynamique créée.
Hier, vous avez refusé d’imposer toute contrainte aux entreprises, ce qui m’a beaucoup surpris. En effet, il est important que les entreprises jouent un rôle citoyen et ne se contentent pas d’exploiter les gens. Elles doivent intervenir à la fois dans le domaine de la pyramide des âges et en matière d’embauche des seniors et des jeunes par rapport à la société.
Telles sont les raisons pour lesquelles je combats votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Le système que je propose d’instaurer serait compliqué, dites-vous. Mais relisez le projet de loi ! Il y est constamment question de vérifications, de sanctions, de pénalités. Or pour qu’il y ait des sanctions, des pénalités, il faut bien que des contrôles aient lieu. Et c’est vous, monsieur Desessard, qui me reprochez d’instaurer un contrôle supplémentaire ? Mais c’est l’hôpital qui se moque de la charité !
Pourquoi, avec un certain nombre de collègues, ai-je déposé le présent amendement ? C’est parce que nous sommes soucieux des deniers de l’État. En vitesse de croisière, le contrat de génération coûtera chaque année 1 milliard d'euros, chiffre que vous avez confirmé, monsieur le ministre.
Mme Isabelle Debré. Une telle somme ne se disperse pas dans la nature sans contrepartie. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu cibler la mesure.
Certains économistes estiment même que ce coût pourrait atteindre jusqu’à 2 milliards d'euros. Quoi qu’il en soit, les contrats de génération associés aux emplois d’avenir coûteront au moins 2 milliards d'euros chaque année. Alors oui, l’opposition actuelle, l’ex-majorité est très soucieuse des deniers de l’État !
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Cardoux, Milon et de Raincourt, Mme Cayeux et MM. Savary, Dulait, P. André et Pinton, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après les mots :
délégués syndicaux.
supprimer les mots :
ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232-21
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je ne me fais guère d’illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement. En effet, il vise à supprimer une disposition introduite en commission par Mme le rapporteur, et que je regrette.
Si l’on veut que des contrats de génération soient réellement souscrits dans les entreprises, en particulier dans les TPE et les PME, la mesure en cause me semble inappropriée, car elle alourdirait encore plus la procédure visée par le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame Procaccia, votre amendement vise à supprimer l’obligation pour l’employeur de signer un procès-verbal de désaccord avec les institutions représentatives du personnel lorsqu’il n’y a pas d’organisations syndicales. Le projet de loi prévoit qu’il faut signer un procès-verbal avec les unes ou avec les autres. La procédure n’est donc en rien alourdie.
Comme vous l’avez dit, votre amendement revient sur une disposition introduite la semaine dernière en commission. Par conséquent, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Le projet de loi doit reposer sur une logique de dialogue social et non de coercition. Le dispositif des contrats de génération était censé inciter les entreprises à embaucher des jeunes afin qu’ils soient formés par un senior, et non sanctionner celles qui ne prévoiraient pas de le faire.
Sanctionner les entreprises qui ne voudraient pas ou, surtout, ne pourraient pas, du fait de la conjoncture actuelle, s’engager sur des objectifs d’embauches semble hors de propos et contribue à entretenir un climat malsain de défiance vis-à-vis des entreprises. Le présent amendement a donc pour objet de supprimer les pénalités prévues en cas d’absence de signature d’un accord collectif de groupe ou d’un plan d’action par l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx, MM. J.P. Fournier, B. Fournier et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne et MM. Leleux, Magras, J. Gautier, de Montgolfier, Trillard, César et P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer les mots :
ne sont pas couverts par
par les mots :
n’ont pas engagé de discussion visant à adopter
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement de repli vise à assouplir le dispositif de sanction instauré par le projet de loi vis-à-vis des entreprises de plus de 300 salariés qui ne mettraient pas en place un accord collectif de groupe ou un plan d’action.
Le projet de loi fixant le 30 septembre prochain comme date butoir, il s’agit de faire en sorte que le dispositif ne constitue pas un carcan pour les entreprises qui montreraient leur bonne foi en s’engageant dans le processus mais qui auraient besoin de temps pour conclure un accord. L’amendement prévoit donc que la pénalité sera encourue si aucune négociation n’a été engagée et non si aucun accord n’a été conclu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 40 rectifié constitue une régression par rapport aux accords seniors inclus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ces accords prévoient une pénalité s’élevant à 1 % de la masse salariale dans les entreprises de plus de 50 salariés qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’emploi des seniors. Madame Debré, dois-je vous rappeler qui était au pouvoir à cette époque ? C’est vous, avec les autres membres de votre groupe, qui avez voté ce texte.
Comme vous l’avez souligné, l’amendement n° 41 rectifié est un amendement de repli.
Le projet de loi prévoit que les entreprises et établissements publics industriels et commerciaux de plus de 300 salariés disposeront d’un peu plus de six mois pour conclure un accord ou élaborer un plan d’action. Franchement, ce délai me semble raisonnable, d’autant qu’une circulaire interministérielle d’octobre 2012 a demandé aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui sont des services déconcentrés, de sensibiliser les entreprises à la nécessité de continuer les négociations sur l’emploi des seniors dans la perspective de la création du contrat de génération. Par conséquent, tout le monde est au courant dans les territoires. En outre, les services administratifs tiendront compte de la situation des entreprises au cas par cas pour le calcul de la pénalité, comme le prévoit l’alinéa 42 de l’article 1er du projet de loi.
Au vu de ces observations, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je tiens à souligner que ce ne sont pas les méchants d’aujourd'hui qui ont inventé une épouvantable pénalité pour les entreprises… Je crois d'ailleurs que vous étiez déjà présente dans l’hémicycle en 2008, madame Debré, et que vous avez donc voté avec enthousiasme le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui a instauré des obligations en matière d’emploi des seniors pour les entreprises de plus de 300 salariés. Ce texte prévoyait même de sanctionner – quel mot terrible ! – les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations. Or c’est exactement ce dispositif que nous appliquons, ni plus ni moins.
J’irai même plus loin. Vous aviez décidé, à cette époque, que les entreprises employant entre 50 et 300 salariés pourraient elles aussi être sanctionnées. Pour notre part, nous avons souhaité simplifier le dispositif et éviter de leur imposer des obligations trop fortes. Nous avons donc supprimé cette mesure. Par conséquent, le projet de loi est plus simple et moins pénalisant pour les entreprises que les dispositions que vous aviez votées avec enthousiasme.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, le mot « sanction » revient systématiquement dans ce projet de loi. J’ai l’impression qu’on oublie que nous traversons une crise absolument sans précédent.
Mme Isabelle Debré. Elle a commencé en 2008, mais, aujourd'hui, la conjoncture économique est terrible, et c’est pourquoi il ne me semble pas approprié d’appliquer des sanctions aux entreprises qui ne pourront pas embaucher.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le ministre, j’ai dormi depuis hier soir, comme tout le monde. (Sourires.)
M. Gérard Le Cam. Sauf Jean Desessard !
M. Jean-Noël Cardoux. Hier, vous aviez souligné que j’avais évoqué une défiance de votre part à l’égard des entreprises. Après réflexion, je maintiens mes propos.
Vous faites référence à des textes vieux de quatre ans, qui ont été adoptés – Isabelle Debré vient de le rappeler – dans un contexte économique un peu différent.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Juste un peu, alors !
M. Jean-Noël Cardoux. Quand on regarde l’ensemble de votre projet de loi, on se rend compte que, à chaque fois que vous proposez un avantage, vous prévoyez en même temps un contrepoids qui rendra bien plus aléatoires les décisions des entreprises qui envisageraient de recourir au contrat de génération. En effet, elles craindront à tout instant d’être remises en cause.
Comme cela a été dit, toutes les entreprises n’ont pas, même lorsqu’elles sont importantes, une direction des ressources humaines et un service juridique étoffés. Je connais beaucoup d’entrepreneurs – je suis quotidiennement en contact avec eux dans mon département – qui trouvent que le contrat de génération est une bonne idée mais qui n’ont pas l’intention d’y recourir de peur de se voir appliquer de fortes pénalités si jamais ils commettent la moindre entorse à l’application de l’engagement qu’ils auront pris.
Il faut trouver un équilibre entre la juste utilisation des fonds publics et la pression permanente mise sur les entreprises pour les contrôler. Si vous pouvez permettre à des agents de l’administration d’obtenir des promotions, c’est très bien, chacun ne peut qu’y souscrire, mais le projet que vous nous avez annoncé de transformer je ne sais combien de contrôleurs du travail en inspecteurs du travail suscite des interrogations et des craintes parmi les chefs d’entreprise, compte tenu de la manière dont certains de ces agents – pas tous, évidemment – conçoivent leur rôle auprès des entreprises.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Chacun se souvient qu’à la fin de l’année 2008, quand le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a été adopté, la situation économique était extrêmement florissante. D’ailleurs, rappelez-moi de combien notre croissance était-elle négative ?
Vous avez adopté le dispositif de sanction des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’emploi des seniors en pleine période de grandes difficultés. Vous avez d'ailleurs eu raison de le faire, parce que ce plan seniors était nécessaire.
Plus généralement, que vaut une loi qui édicte une obligation sans l’assortir de sanctions ? J’ai appris cela dans mon premier manuel de droit : une obligation sans sanction n’est pas une obligation. Bien entendu, il ne faut pas prévoir n’importe quelles sanctions, ni les appliquer n’importe comment, mais une obligation n’est pas respectée – ou l’est peu – si elle n’est pas assortie de sanctions.
M. François Rebsamen. L’obligation de s’inscrire sur les listes électorales en est un bon exemple !
M. Michel Sapin, ministre. Vous avez également souligné qu’il ne fallait pas placer les entreprises dans une situation d’insécurité juridique. Vous avez parfaitement raison ; nous avions d'ailleurs déjà réfléchi à cette question auparavant, et les partenaires sociaux, parce qu’ils connaissent la vie des entreprises, l’avaient fait également.
Le projet de loi crée de la sécurité, puisqu’il prévoit une homologation par la DIRECCTE. Les entreprises qui la recevront sauront qu’elles ont rempli leurs obligations et que personne ne viendra plus les titiller là-dessus. L’homologation est accordée définitivement, clairement, et c'est pourquoi elle est dans l’intérêt de tout le monde. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 23, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Son contenu comprend un bilan des mesures de gestion du personnel depuis un an, la situation des effectifs et leur répartition par rôle, la cartographie des métiers et la pyramide des âges, les évolutions de compétences nécessaires au regard de la stratégie de l'entreprise pour tous les métiers, les prévisions de recrutement de jeunes en contrat à durée indéterminée ainsi que les projections d'effectifs pour l'année à venir.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Compte tenu de l'importance des critères de contenu du diagnostic économique et social de l'entreprise, le présent amendement a pour objet de les inscrire dans la loi plutôt que de confier au pouvoir réglementaire le soin de les déterminer.
Ces statistiques doivent être demandées dans la mesure où le contrat de génération ne pourra produire d’effets vertueux que si sa mise en œuvre est précédée d’une analyse précise et fine du marché du travail. Il s'agit de coller autant que possible aux recommandations de la Cour des comptes et du Conseil économique, social et environnemental, qui ont tous deux insisté sur la nécessité de cibler les mesures par territoire et par secteur d’activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Marseille, vous souhaitez apporter des précisions sur le contenu du diagnostic obligatoire, qui, je le rappelle, constitue une nouveauté par rapport aux accords seniors.
Votre amendement renvoie à l’une de nos préoccupations constantes, pour ce projet de loi comme pour de nombreux autres textes : il s'agit de distinguer ce qui relève du pouvoir législatif de ce qui relève du pouvoir réglementaire. Les précisions que vous souhaitez apporter sont évidemment importantes, mais elles ne relèvent pas de la compétence du législateur, et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous les avions supprimées du projet de loi lors de la dernière réunion de la commission des affaires sociales.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Les précisions que vous souhaitez apporter sont utiles, monsieur le sénateur, et elles seront d'ailleurs prises en considération lors de la préparation des textes réglementaires nécessaires à l’application de la loi. Vos préoccupations sont donc parfaitement légitimes.
Cependant, ayant moi aussi été parlementaire pendant très longtemps, je suis attaché à la qualité des lois ; je ne parle pas de la qualité de la rédaction – la vôtre est parfaite –, mais de la qualité du contenu juridique. Or les dispositions que vous proposez sont évidemment, et presque de manière caricaturale, en dehors du domaine de la loi défini par l’article 34 de la Constitution. Je me ferai donc le défenseur de la Constitution de la Ve République en vous demandant de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Marseille, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 23, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le diagnostic présente une répartition de l’ensemble des employés de l’entreprise, quel que soit leur statut, en s’appuyant sur les données fournies par le registre unique du personnel mentionné à l’article L. 1221-13 du code du travail et par le registre des conventions de stage mentionné à l’article L. 612-13 du code de l’éducation.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Comme je l’ai déjà dit, les contrats de génération doivent être porteurs d’un nouvel élan, notamment afin que les entreprises deviennent plus citoyennes. Certes, madame Debré, il y a des entreprises qui sont socialement et écologiquement responsables, bref, citoyennes, mais il y en a aussi qui ne pensent qu’aux profits. Si leur but est toujours de créer de l’activité pour produire un bien ou un service, la façon de faire n’est pas identique pour chacune et l’on peut relever des exploitations de salariés honteuses. Il faut donc que la société porte un regard sur l’activité de certaines entreprises.
Comme on a beaucoup parlé de l’utilisation abusive des stagiaires, mon amendement vise à introduire l’idée qu’il faut un recensement des stagiaires dans l’entreprise. Il tend donc à prévoir que « le diagnostic présente une répartition de l’ensemble des employés de l’entreprise, quel que soit leur statut, en s’appuyant sur les données fournies par le registre unique du personnel mentionné à l’article L. 1221-13 du code du travail et… » – c’est le point clé – « … par le registre des conventions de stage mentionné à l’article L. 612-13 du code de l’éducation ».
Cette disposition apporterait non seulement un plus au texte, mais elle signifierait également que le projet de loi s’inscrit dans un projet de société dans lequel est affirmé le rôle citoyen de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La question de l’intégration des stagiaires dans l’entreprise fait consensus sur les travées de cette assemblée. Nous y sommes favorables, parce que les entreprises ont beaucoup joué et jouent encore beaucoup avec des stages qui remplacent des CDD, voire des CDI.
L’obligation que vous souhaitez imposer au diagnostic de s’appuyer sur le registre unique du personnel et le registre des conventions de stage me paraît justifiée, sauf que, apparemment, le décret sur le registre des conventions de stage découlant de la loi Cherpion n’a pas encore été publié. Cette loi faisait suite à un accord national interprofessionnel de juin 2011.
La commission demande par conséquent l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. En fait, je me dois d’émettre un avis équilibré : ayant indiqué à M. Marseille que le dispositif qu’il proposait relevait du domaine réglementaire, je ne peux pas faire d’autre réponse à M. Desessard lorsqu’il souhaite apporter des précisions, sinon identiques, du moins de même nature.
M. Hervé Marseille. C’est normal !
M. Michel Sapin, ministre. Je n’ai pas de conseils à donner aux législateurs avertis et pleins d’expérience que vous êtes, mais sachez que j’attache de l’importance à la qualité de la loi et au respect du domaine réglementaire.
Monsieur Desessard, ces dispositions sont manifestement d’ordre réglementaire. Preuve en est que Mme la rapporteur a fait référence à un décret, certes non paru, mais qui est, par définition, une mesure réglementaire.
Je ne peux pas dire, pour autant, que je ne partage pas vos préoccupations sur les stagiaires. Je l’ai dit en répondant à des questions qui m’ont été posées à droite de l’hémicycle, je ne peux donc que le répéter en m’adressant maintenant à gauche : nous prendrons des mesures pour faire en sorte que les entreprises puissent accueillir des stagiaires et qu’il soit mis fin aux situations anormales et abusives, comme celles que vous souhaitez dénoncer au travers de votre amendement. Je m’engage à lutter contre ces abus, mais nous devons le faire par d’autres voies.
Compte tenu de cette réponse, aussi bien sur la forme – ces dispositions sont de nature réglementaire –, que sur le fond – nous avons une volonté politique commune –, peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
« 1° Des engagements en faveur de la formation et de l'insertion durable des jeunes dans l'emploi, en particulier pour les jeunes les moins qualifiés, de l'emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et des compétences.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L’objet de cet amendement est de prévoir, dans tout accord collectif d’entreprise, une obligation de formation qualifiante sur des postes permettant le recrutement de jeunes non diplômés. Ce souci est partagé par tous, comme l’a rappelé Mme le rapporteur.
Il s’agit là de satisfaire notre préoccupation constante que les contrats de génération bénéficient en priorité à des jeunes peu qualifiés et leur offrent une formation qualifiante. En effet, ce sont eux qui sont le plus durement touchés par le chômage. La formation, grande absente, selon nous, du dispositif des contrats de génération, est donc, pour ces jeunes, un enjeu clé.
Si les jeunes peu qualifiés ne sont pas les bénéficiaires prioritaires des contrats de génération, associés à une formation, nous craignons que le dispositif ne fasse que déplacer de l’emploi, sans en créer. Autrement dit, nous voyons mal comment, dans ces conditions, l’effet d’aubaine ne jouerait pas à plein.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous n’avons pas examiné cet amendement en commission, puisque nous avions donné un avis sur l’accès aux formations qualifiantes.
Cela étant, à titre personnel, j’y suis favorable, car il insiste sur la nécessité de la formation, en particulier pour les jeunes les moins qualifiés, sans avoir les inconvénients de l’amendement n° 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Marseille, vous avez eu la délicatesse de retirer un amendement précédent en nous donnant rendez-vous sur cet amendement n° 14 rectifié, dont le Gouvernement partage l’esprit.
Ayons bien en tête le fait qu’il s’agit non pas d’un contrat aidé, comme nous l’avons rappelé hier, mais d’un contrat de droit commun, c’est-à-dire à durée indéterminée.
Il est important de souligner que, s’agissant d’un contrat de droit commun, l’entreprise a des obligations de formation, au travers d’un plan de formation. De même, il faut rappeler, car ce n’est pas toujours le cas, qu’il serait bon que lesdits plans soient tournés vers ceux qui ont peu de qualifications, en particulier les nouveaux entrants, plutôt que vers ceux qui ont beaucoup d’expérience et de qualifications, même s’ils peuvent aussi avoir besoin d’une formation complémentaire.
Vous le savez, on critique souvent le système de formation professionnelle français, car les chômeurs reçoivent très peu de formation par rapport à ceux qui ont un emploi, mais il se trouve aussi que, parmi ces derniers, ce sont les mieux formés qui en bénéficient le plus.
Vous soulignez donc, à juste titre, la nécessité de faire porter en priorité sur les jeunes ayant le moins de formation les moyens que l’entreprise met en œuvre au titre du plan de formation. Nous ne quittons pas le cadre du contrat de droit commun, mais nous indiquons à l’entreprise qu’elle doit faire des efforts particuliers en faveur de ceux qui ont le plus besoin de qualifications et de formation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 25, troisième phrase
Remplacer les mots :
à contrat à durée indéterminée
par les mots :
en contrat à durée indéterminée
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit de corriger une expression fautive, dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il prévoit que le contrat de travail signé entre l'entreprise et le jeune soit visé par le référent, désigné « parrain », du nouvel arrivant.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il me semblait que cet amendement avait été retiré…
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’introduire le terme « parrain » pour désigner le référent et d’obliger ce dernier à viser le contrat de travail du jeune.
Comme nous en avons longuement débattu en commission, il me semble que le terme de « référent », retenu dans l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012, évite les confusions avec les termes « maître d’apprentissage » et « tuteur ». Je pense donc qu’il n’est pas souhaitable d’introduire une nouvelle terminologie. De plus, à mon avis, le visa du référent lors de la conclusion du contrat de travail du jeune n’aurait pas de portée juridique.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Marseille, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Je suis d’accord avec Mme le rapporteur. Ne les affublons pas d’un nom supplémentaire qui risquerait de les pénaliser. En conséquence, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
L'accord collectif distingue les référents directement chargés des jeunes, des seniors qui n'assurent pas concrètement le transfert des connaissances et des compétences. Il est précisé le rôle spécifique et les missions du référent, distincts de ceux de l'accompagnant, chargé de l'accueil du jeune et de la découverte de l'entreprise.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Il s’agit de tisser un véritable lien intergénérationnel entre les deux membres du binôme placés au centre du dispositif du contrat de génération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. J’objecterai deux arguments à cet amendement.
Sur le fond, je reprendrai ce que j’ai dit sur l’amendement n° 9 : ajouter encore des termes n’améliore pas la lisibilité.
Sur la forme, il s’agit de dispositions de nature réglementaire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Après les mots :
conditions de travail
insérer les mots :
des salariés âgés
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de précision.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement imposant aux accords collectifs d’entreprise ou de groupe de préciser les mesures destinées à favoriser l’amélioration et l’adaptation des conditions d’emploi des salariés âgés – j’insiste sur ce qualificatif.
La commission des affaires sociales du Sénat, sur proposition de son rapporteur, en a modifié la rédaction pour que l’accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche comporte des mesures destinées à favoriser l’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité. Elle a ainsi choisi de reprendre l’un des sept thèmes retenus par l’article 6 de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012, intitulé « emploi des seniors ».
Nous proposons donc d’ajouter à la rédaction issue des travaux de notre commission les mots « des salariés âgés », car le projet de loi y fait référence à six reprises. Je sais que l’épithète « âgé » ne plaît guère, mais l’âge est une réalité ! De plus, cette précision est cohérente avec l’esprit du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je rappelle que la commission des affaires sociales a déjà complété le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui prévoyait que l’accord précise les mesures destinées à favoriser l’amélioration des conditions de travail, en y ajoutant la prévention de la pénibilité.
L’alinéa 28 de l’article 1er reprend les termes de l’article 6 de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012. L’amendement n° 52 rectifié vise à ajouter la mention des salariés âgés, telle qu’elle figure dans le texte de l’accord, ce qui me semble positif.
Ce matin, la commission des affaires sociales a longuement débattu de la question de savoir s’il fallait restreindre ou non les mesures destinées à favoriser l’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité aux seuls salariés âgés. En ce qui me concerne, je fais l’hypothèse que, lorsque l’entreprise cherche à atteindre ces objectifs en faveur des salariés âgés, elle le fait pour l’ensemble de ses salariés, c’est-à-dire également pour les jeunes et les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans, qui sont en passe de devenir des salariés âgés...
La précision apportée par cet amendement est utile. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il assure, dans le cadre de son objet visé à l’article L. 5121-6, la réalisation des objectifs :
III. - Après l’alinéa 33
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les autres domaines d’action dans lesquels des engagements peuvent être prévus par l’accord collectif ou le plan d’action.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
Je propose de supprimer l’alinéa 29, qui renvoie à un décret le soin de préciser les autres domaines d’action, et de créer un nouvel alinéa après l’alinéa 33. Il serait en effet plus logique de faire figurer le renvoi au décret à la fin des dispositions prévues pour l’article L. 5121-11 du code du travail.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants-UC, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le cadre d’une démarche territoriale de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Les accords collectifs ou les plans d’action peuvent comporter des mesures destinées à favoriser l’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité. Il est également prévu qu’ils pourront comporter des engagements dans d’autres domaines d’action. La définition de ces engagements est renvoyée à un décret en Conseil d’État.
Le présent amendement tend à préciser que ces autres domaines d’action sont définis « dans le cadre d’une démarche territoriale de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». Depuis le début de cette discussion, nous exprimons la préoccupation constante de voir le dispositif du contrat de génération mis en œuvre au plus près possible du terrain, de manière à satisfaire les besoins réels des bassins d’emploi, présents et à venir, et de l’articuler avec les programmes des missions locales, des maisons de l’emploi et les plans locaux pour l’insertion et l’emploi.
La territorialisation des contrats de génération est, selon nous, un enjeu majeur, comme elle l’était d’ailleurs pour les emplois d’avenir. Mais, alors que le Gouvernement en avait fait un des principes de ce dernier dispositif, elle semble curieusement être la grande oubliée de la présente réforme, avec la formation, comme nous avons pu le souligner dans nos précédentes interventions. Pourquoi adopter une démarche territoriale pour les emplois d’avenir et non pour les contrats de génération ?
Cette omission est d’autant moins intelligible que la territorialisation du dispositif est imposée par la nécessité, rappelée tant par la Cour des comptes que par le Conseil économique, social et environnemental, de cibler ce type de dispositif sur les secteurs d’activité qui en ont le plus besoin.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, Mme Troendle, MM. Buffet, G. Larcher, Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, J.P. Fournier, B. Fournier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer le mot :
assure
par les mots :
contribue à
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Le texte de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 et le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyaient que l’accord collectif devrait prendre en compte l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L’Assemblée nationale a remplacé cette obligation de moyen par l’introduction d’une double obligation de résultat : assurer la réalisation des objectifs d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, d’une part, et de lutte contre les discriminations à l’embauche, d’autre part.
Une telle obligation exposerait l’entreprise à une éventuelle sanction lorsqu’elle n’atteindrait pas les objectifs imposés. Elle risquerait surtout d’avoir un effet doublement contre-productif : les employeurs fixeront des objectifs a minima dans leurs accords collectifs en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations ; dans les négociations des accords, les délégués syndicaux pourraient formuler des exigences très contraignantes pour les entreprises. Les chances de conclure un accord se trouveraient donc fortement compromises.
En remplaçant le verbe « assure » par les mots « contribue à », le législateur sera plus respectueux de l’esprit de l’accord, qui consiste à accorder une grande confiance au dialogue social à tous les niveaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 16 et 30 rectifié ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 16 fait référence aux accords de partenariats pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, au niveau territorial, qui sont issus d’un autre accord national interprofessionnel, signé le 14 novembre 2008.
Ces accords peuvent être conclus entre de nombreux acteurs : des organisations interprofessionnelles, des regroupements d’entreprises, des collectivités territoriales, des acteurs du secteur associatif, des chambres consulaires, Pôle emploi,… Le territoire concerné est de taille variable, la région ou le niveau infrarégional.
Le but de la GPEC territoriale est d’encourager et soutenir, dans des bassins d’emploi confrontés à des mutations économiques, des démarches globales ou thématiques pour sécuriser les parcours professionnels d’actifs, occupés ou non. Le taux général moyen d’intervention de l’État est de 33 %.
L’amendement n° 16 vise à inscrire tous les domaines d’action prévus par le décret en Conseil d’État dans les démarches territoriales de la GPEC, ce qui me semble extrêmement restrictif et dommageable pour la mise en œuvre du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui. Ne bloquons pas le contrat de génération en fixant des objectifs trop ambitieux. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 30 rectifié vise à substituer une obligation de moyen à une obligation de résultat, comme vient de le rappeler Mme Debré, pour la réalisation des objectifs d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations. La commission des affaires sociales du Sénat a renforcé certaines dispositions relatives à ces objectifs, puisqu’elle ne s’est pas limitée à la lutte contre les discriminations à l’embauche, mais l’a étendue aux discriminations dans le déroulement de la carrière, en pensant principalement aux femmes qui ne bénéficient pas forcément des mêmes déroulements de carrière que les hommes.
La commission a précisé que la réalisation de ces objectifs intervient dans le strict cadre des accords « contrat de génération ». L’amendement n° 30 rectifié apparaît donc comme en retrait par rapport à cette position. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Mme le rapporteur a été extrêmement précise dans son avis sur les amendements nos 16 et 30 rectifié. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements, pour les mêmes raisons.
En revanche, il émet un avis favorable sur l’amendement n° 60 de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 178 |
Nombre de suffrages exprimés | 178 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 90 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 16 et 30 rectifié n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Compléter cet alinéa par les mots :
, selon des critères de parité, de niveau de qualification, de nature des fonctions occupées et d'origine territoriale
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L’alinéa 31 de l’article 1er prévoit que l’accord collectif assure la réalisation d’objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et de mixité des emplois.
L’objet de cet amendement est de préciser la notion de « mixité des emplois » en fonction de critères objectifs tels que la parité, le niveau de qualification, la nature des fonctions occupées et l’origine territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends bien les précisions que vous souhaitez apporter. Toutefois, je me dis que votre proposition risque de complexifier les choses et que ces critères de parité renvoient à l’égalité professionnelle plus qu’à la mixité des emplois.
C’est pourquoi, comme je vous l’avais indiqué ce matin en commission, j’aimerais connaître la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est d’avis que l’on respecte le plus possible l’accord national interprofessionnel, qui évoque la mixité, mais évidemment du point de vue de la mixité des genres. C’est le terme consacré maintenant, pour éviter d’en prononcer un autre.
Je comprends les préoccupations qui consisteraient à élargir la question de la mixité. Mais tel n’était pas vraiment le souhait des partenaires sociaux – je parle du point de vue tant patronal que syndical –, car il s’agit d’atteindre un objectif que certains ici défendent, à savoir la simplicité du dispositif.
Au nom de la simplicité du dispositif et du respect de l’accord national interprofessionnel, je suis obligé d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 34
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 5121-12. – Une proposition de plan d’action est élaborée respectivement par l’employeur et par les institutions représentatives du personnel. L’élaboration de ces propositions est précédée de la réalisation du diagnostic mentionné à l’article L. 5121-10. Le diagnostic est joint aux propositions de plan d’action. Les institutions représentatives du personnel peuvent bénéficier d’un conseil externe pour la réalisation de leur diagnostic.
Les propositions respectives de plan d’action ainsi que le procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l'article L. 2232-21, font l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 2231-6. Une réunion de conciliation est organisée par l’autorité administrative dans le mois suivant le dépôt, en vue d’aboutir à la conclusion d’un plan d’action conforme au présent article. En cas d’échec de la conciliation, l’administration arrête le contenu du plan d’action.
II. - En conséquence, alinéa 18
Remplacer les mots :
a élaboré
par les mots :
et les institutions représentatives du personnel ont élaboré
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement concerne deux alinéas, les alinéas 18 et 34, voire un troisième, l’alinéa 39, que nous examinerons plus tard.
L’alinéa 18 dispose qu’« a défaut d’accord collectif, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232-21, l’employeur a élaboré un plan d’action dans les conditions prévues à l’article L. 5121-12 ».
Nous souhaitons que l’employeur ne soit pas le seul à pouvoir élaborer un plan d’action. En effet, s’il n’y a pas eu d’accord collectif, c’est parce que l’employeur ne s’est pas entendu avec les instances syndicales ou représentatives du personnel. Dès lors, pourquoi rechercherait-il un accord puisqu’il a, ensuite, la possibilité de faire un plan d’action ?
Nous proposons donc d’étendre aux représentants de salariés la possibilité d’élaborer un plan d’action, puis qu’une réunion de conciliation soit organisée par l’autorité administrative entre l’employeur et les institutions représentatives du personnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cher Jean Desessard, c’est la troisième fois que vous nous présentez cet amendement. Il vise à permettre aux institutions représentatives des personnels de proposer un plan d’action alternatif à celui de l’employeur en cas de procès-verbal de désaccord. Les services de la DIRECCTE, c’est-à-dire les services déconcentrés du ministère, auraient pour mission de concilier les deux points de vue, celui de l’employeur et celui des institutions représentatives du personnel, voire d’arrêter le contenu du plan en cas d’échec des négociations.
M. Jean Desessard. Vous m’avez compris ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Tant mieux, mais je ne vais malheureusement pas pouvoir être favorable à cet amendement ! En effet, il introduirait, de mon point de vue, de la confusion dans la loi en mélangeant la logique de l’accord collectif et celle du plan d’action unilatéral de l’employeur. De plus, l’adoption de cette disposition retarderait la mise en œuvre du texte, ce qui pose aussi problème.
En commission, nous avons renforcé – avec votre accord – le dialogue social dans l’entreprise en étendant la signature du procès-verbal de désaccord aux institutions représentatives du personnel en l’absence d’organisations syndicales.
Je le rappelle, il est d’ores et déjà prévu que le procès-verbal de désaccord mentionne les points de désaccord, ainsi que les propositions respectives des parties. Les services de la DIRECCTE ont pour mission de contrôler les entreprises et non d’agir à la place des partenaires sociaux.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je vais essayer d’apporter ma pierre à la démonstration de Mme la rapporteur pour essayer d’emporter votre conviction, monsieur Desessard, et vous éviter ainsi de passer une nouvelle nuit agitée. (Sourires.)
Vous exprimez une préoccupation totalement légitime. Puisque la négociation a échoué, il est normal que la direction fasse connaître son opinion et il est indispensable que l’autre partie – celle qui n’a pas réussi à aboutir à un accord – s’exprime elle aussi.
M. Jean Desessard. Vous m’avez compris, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre. De ce point de vue, je suis totalement d’accord avec vous, et c’est bien entendu en ce sens que devra agir la DIRECCTE. Reste que votre amendement va plus loin puisqu’il prévoit également que les partenaires sociaux, au même titre que la direction de l’entreprise, puissent élaborer un plan d’action. Je n’ose pas dire que cela part d’un bon sentiment...
M. Jean Desessard. Mais si !
M. Michel Sapin, ministre. Au fond, vous décrivez une situation qui s’appelle dans d’autres pays la cogestion,…
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. … c’est-à-dire que, de part et d’autre, il y a exactement le même pouvoir et, éventuellement, la même responsabilité.
Dans le contexte actuel, je ne pense pas que les organisations représentatives et syndicales souhaitent agir à la place de la direction de l’entreprise. Elles considèrent qu’elles doivent avoir le droit d’exprimer leur opinion, surtout si le texte fait l’objet d’un désaccord dans l’entreprise, et tel sera le cas ! C’est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer cet amendement.
Ce débat, nous l’avons déjà eu à l’Assemblée nationale avec un représentant de votre sensibilité, qui a été convaincu par mon argumentation. Cela étant – je le sais –, ce qui convainc l’un ne convainc pas forcément l’autre. Je sais aussi qu’il faut préserver l’autonomie des assemblées et des individus. Aussi suis-je persuadé que, de ce point de vue, mon argument ne suffira pas à emporter votre conviction.
Sur le fond des choses, la DIRECCTE, qui sera chargée de donner son aval, va évidemment étudier le plan d’action élaboré par la direction. Elle va obligatoirement écouter les représentants des salariés qui ont cherché, par la négociation, à aboutir à un accord et qui n’y sont pas parvenus. Elle va identifier les raisons de ce désaccord – sinon, ce n’est pas la peine de faire ce travail – et elle va faire modifier par la direction de l’entreprise sa première proposition. Votre souhait sera donc pris en compte.
À ce stade d’évolution de notre société et de notre économie, je pense qu’il vaut mieux éviter de confondre, à ce point, les deux parties dans l’entreprise en mettant une sorte de signe « égal » entre la responsabilité patronale et la responsabilité des représentants des salariés.
M. le président. Monsieur Desessard, après la courte et excellente nuit que vous avez passée, maintenez-vous l’amendement n° 3 rectifié ter ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. J’ai bien aimé la douce musique de Mme la rapporteur et de M. le ministre, qui m’a réchauffé le cœur. S’ils ont compris la finalité de mon amendement, je pense qu’il y a malgré tout une divergence entre nous.
Monsieur le ministre, vous venez de nous expliquer que les syndicats ne veulent pas entrer dans la cogestion. Ce qu’ils veulent, selon vous, c’est être associés, informés et entendus, tout en laissant au patron le soin de se débrouiller. Il y a une réalité syndicale qui est celle-ci, j’en conviens.
Pour ma part, je préfère une autre attitude, celle de la cogestion, que je vous remercie d’avoir évoquée. De cette façon, l’employeur et les instances représentatives du personnel ont leur mot à dire sur la stratégie de l’entreprise. Voilà pourquoi je suis en désaccord avec vous.
Pour moi, le contrat de génération ne doit pas se réduire à un petit truc qui vient comme cela en plus, à un simple changement de catégorie, qui donnera lieu à un jeu de chaises musicales. Il doit s’inscrire dans un projet de transformation économique et sociale de notre société. La démocratie sociale et la cogestion en font partie !
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, quitte à ce qu’il subisse un revers.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je veux dire à notre collègue Jean Desessard que j’entends bien sa volonté de modifier le paysage syndical, mais, pour le moment, les organisations syndicales n’ont ni la capacité ni les moyens de satisfaire son ambition.
M. Jean Desessard. Eh bien, justement !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas avec cet amendement qu’elles auront les moyens logistiques, juridiques ou financiers de mettre en place un plan d’action. Même le temps leur manque ! Or, ces moyens, les directions des entreprises, elles, les ont.
Si votre amendement était adopté, les organisations syndicales devraient se substituer de fait à la direction de l’entreprise, auteur d’un plan d’action unilatéral faute d’avoir réussi à aboutir à un accord dans le cadre d’une négociation préalable, chose que je dénonce par ailleurs.
Tant que les organisations syndicales – qu’elles soient patronales ou de salariés – n’auront pas des moyens différents pour tenir le rôle que vous avez envie de leur voir jouer, elles auront d’énormes difficultés pour mettre en place elles-mêmes ce plan d’action.
Vous vous référez à d’autres pays, on peut en effet en citer quelques-uns, dans lesquels le dialogue social ne fonctionne pas comme en France. Or, ce que vous proposez, c’est une modification totale de la manière d’organiser le dialogue social dans notre pays. Même si des choses ont déjà été faites pour l’améliorer, vous avez raison, je ne suis pas certaine que tout fonctionne comme cela devrait. Reste qu’il sera compliqué pour les organisations syndicales d’être vraiment en mesure de répondre à votre demande de les voir mettre en place un plan d’action dans les entreprises.
Vous le savez très bien, la plupart des sections syndicales, contrairement aux entreprises, n’ont pas les moyens, notamment juridiques, d’étudier dans le détail ce genre de plan, sauf à dire que vous assortissez cette obligation de moyens financiers pour qu’elles puissent faire appel à un cabinet d’experts. Les textes autorisent les comités d’entreprise à solliciter ces praticiens lorsqu’ils doivent présenter des contre-propositions dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, par exemple. En attendant, faute de disposer de moyens équivalents à ceux de la direction, les organisations syndicales auront bien du mal à mettre en place ce plan d’action.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 36 et 37
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement étant étroitement lié au précédent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, Mme Troendle, MM. Buffet, G. Larcher, Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, Marini, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéas 37 et 38
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Les alinéas visés ici prévoient un contrôle de conformité de l’accord d’entreprise, de l’accord de groupe ou du plan d’action, ainsi que du diagnostic, par l’administration. Il s’agit d’une procédure longue et complexe pour les entreprises, de nature à les dissuader de conclure un accord. Elle ne figurait d’ailleurs pas dans l’ANI du 19 octobre 2012.
Cet amendement tend donc à supprimer cette procédure et à accorder davantage de confiance aux représentants du personnel, qui devront s’assurer de la validité des accords en question. Celle-ci relève en effet de la responsabilité des organisations syndicales et des représentants du personnel.
Dans le cas des entreprises de moins de 300 salariés, l’obtention de l’aide par l’administration vaudra validation de l’accord, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par un contrôle spécifique qui serait, alors, redondant.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 37, première phrase
Supprimer les mots :
dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 31 rectifié et 17.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L'amendement n° 61 est un amendement de cohérence par rapport à la phrase suivante, laquelle indique que le procès-verbal de désaccord peut être signé par des délégués syndicaux ou, en leur absence, par des salariés appartenant à l’une des catégories visées à l’article L. 2232-21 du code du travail.
J’en viens à l’avis de la commission sur les amendements nos 31 rectifié et 17.
L’amendement n° 31 rectifié vise à supprimer les alinéas 37 et 38 de l’article 1er, c’est-à-dire le contrôle a priori de l’administration et la consultation des institutions représentatives du personnel, les IRP, sur la mise en œuvre du plan d’action.
Nous savons, grâce aux informations transmises par le ministère, que les services de la DIRECCTE disposeront de trois semaines pour contrôler un accord d’entreprise et de six semaines pour valider un plan d’action. Ce contrôle sera formel, et non d’opportunité.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 17 est de même nature : il tend à supprimer l’alinéa relatif au contrôle a priori de l’administration. Pour les raisons que je viens d’exposer, la commission y est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 31 rectifié et 17, mais favorable à l’amendement n° 61.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 17.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien entendu les explications de Mme le rapporteur, mais il me semble qu’un peu de souplesse ne nuirait pas à ce dispositif. C’est pourquoi nous avons soutenu les amendements nos 31 rectifié de Mme Debré et 17 du groupe UDI-UC, qui visent un tel objectif.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Supprimer les mots :
, ou le plan d’action,
et la référence :
et L. 5121-12
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 42
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La pénalité s’accompagne de la perte du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité emploi, tel que défini à l’article 244 quater C du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je ne conçois le dispositif du contrat de génération que dans un ensemble plus vaste. Comme l’a rappelé M. le ministre hier soir, il s’agit d’un levier parmi d’autres. Il a également indiqué que le crédit d’impôt compétitivité emploi, mesure importante destinée à revitaliser l’économie, faisait partie de ce dispositif.
Même si nous divergeons sur les modalités de mise en œuvre de ce crédit d’impôt, comme notre groupe l’a signifié à l’Assemblée nationale et dans cet hémicycle, nous approuvons l’objectif du Gouvernement de revitaliser l’économie. Nous considérons cependant que la meilleure façon d’y parvenir est de traiter la question sociale. C’est d’ailleurs ainsi que la politique menée par le président Lula, au Brésil, a pu porter ses fruits.
De la même façon, il convient d’aider un certain type d’entreprises, en particulier celles qui sont respectueuses de l’environnement et de leurs salariés et qui, proposant des biens et des services socialement utiles, sont tout à la fois citoyennes et créatives.
Si l’on ne joue pas le jeu du contrat de génération, en quoi s’inscrit-on dans une démarche de revitalisation de l’économie, dans un nouveau projet de société ?
Pour notre part, nous trouvons logique qu’une société qui n’aurait pas joué le jeu ne puisse pas bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le bénéfice du crédit d’impôt compétitivité emploi si l’entreprise est pénalisée pour absence ou non-conformité des accords et du plan d’action.
Cet amendement a déjà été examiné, et rejeté, par la commission la semaine dernière.
Je ne pense pas nécessaire, à ce stade, c’est-à-dire au moment du démarrage du dispositif, d’infliger une « double peine » aux entreprises et aux EPIC de plus de 300 salariés qui ne joueraient pas le jeu du contrat de génération. Cela ne nous empêchera pas de nous pencher sur cette question lors de l’examen des rapports présentés par le Gouvernement au Parlement, comme nous le verrons à l’article 6.
À ce stade, la commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je partage le point de vue de la commission. Certes, je trouve tout à fait légitime de sanctionner les entreprises qui ne concluraient pas d’accord ou de plan unilatéral d’action satisfaisant, alors même que le présent dispositif leur donne le temps d’établir ce dialogue. Il faut cependant veiller à ne pas prévoir de sanctions disproportionnées.
En effet, s’il n’y a pas d’obligation sans sanction, une sanction démesurée est inconstitutionnelle. C’est ainsi le cas lorsque deux peines sanctionnent la même infraction. Il s’agit d’un principe classique du droit : non bis in idem ! La règle applicable en l’occurrence serait même : non ter in idem... (Sourires.)
Je vous propose, monsieur le sénateur, de nous en remettre à ces vieux principes, qui ont trouvé leur application dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous devons éviter d’introduire un motif d’inconstitutionnalité dans ce texte auquel nous tenons beaucoup.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je considère qu’il faut soumettre l’octroi du crédit d’impôt compétitivité emploi à certaines conditions. Toutefois, compte tenu des arguments présentés par Mme le rapporteur et M. le ministre, j’accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, Marini, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéas 45 à 49
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 5121-15. - L’employeur établit un bilan quantitatif et qualitatif à échéance de l’accord qu’il transmet à l’autorité administrative compétente du lieu du siège social de l’entreprise.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Il est déjà prévu dans le présent texte des pénalités à la charge des employeurs pour les entreprises de plus de 300 salariés et les groupes qui ne seraient pas dotés d’un accord collectif ou d’un plan d’action.
Prévoir une sanction identique pour le contrôle de la mise en œuvre du plan d’action paraît manifestement disproportionné, et la diversité d’appréciation dont elle ferait l’objet risquerait de donner lieu à des abus.
En lieu et place d’une évaluation systématique par l’administration, cet amendement vise aussi à confier à l’employeur le soin d’évaluer lui-même la mise en œuvre de l’accord, afin de l’impliquer et de le responsabiliser, tout en cessant de considérer les entreprises comme suspectes.
Il appartiendra ensuite à l’administration de réaliser les contrôles qu’elle estime nécessaires si les évaluations qualitatives ou quantitatives qui lui seront fournies lui paraissent imprécises ou insuffisantes.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 5121-15. - L’entreprise ou l'établissement public mentionnés à l'article L. 5121-9 établissent un bilan quantitatif et qualitatif à échéance de l’accord collectif ou du plan d'action, qu’ils transmettent à l’autorité administrative compétente du lieu du siège social de l’entreprise.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Dans le même esprit, nous proposons de remplacer le contrôle par la rédaction a posteriori par l’entreprise d’un bilan quantitatif et qualitatif à l’échéance de l’accord collectif ou du plan d’action, ce qui nous paraît bien moins lourd.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Remplacer les mots :
à l'État
par les mots :
à l'institution mentionnée à l'article L. 6332–18 pour financer les actions définies au 1° de l'article L. 6332-21
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L’objet de cet amendement est d’affecter le produit de la pénalité prévue pour sanctionner les entreprises de plus de 300 salariés qui ne se conformeraient pas aux exigences du texte aux actions de formation professionnelle de qualification et de requalification des salariés et demandeurs d’emploi du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
En effet, le fonctionnement de la formation professionnelle est l’une des principales faiblesses de notre système d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Comme le soulignait déjà la Cour des comptes en 2008, réformer la formation professionnelle est un impératif et une urgence.
Schématiquement, on peut dire aujourd’hui qu’elle profite surtout à ceux qui en ont le moins besoin. Au contraire, 12 % seulement des fonds de la formation professionnelle, qui représentent près de 40 milliards d’euros, bénéficient aux demandeurs d’emploi. Il y a beaucoup à faire !
Pour conclure rapidement, je dirai que nous souhaitons réaffecter les pénalités prévues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je commencerai par évoquer les amendements nos 32 rectifié et 8, qui sont de même nature et au travers desquels nos collègues proposent une évaluation tous les trois ans. Or je rappelle que, dans le dispositif, l’aide est annuelle.
Cette proposition nous semble tout à fait dommageable. En effet, si l’évaluation annuelle est un contrôle, elle peut aussi être un moyen de réorienter le dispositif si l’on s’aperçoit qu’il est nécessaire de lever des contraintes ou des limites.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable aux amendements nos 32 rectifié et 8.
L’amendement n° 46 a pour objet d’affecter la pénalité pour défaut de transmission au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Partant de l’hypothèse que le dispositif fonctionne, je précise – M. le ministre y reviendra peut-être également – que les sommes récupérées pour défaut de transmission devraient être très modestes...
Mme Christiane Demontès, rapporteur. ... et nous espérons même qu’elles seront égales à zéro !
En outre, comme l’a indiqué le ministre Thierry Repentin le 29 janvier dernier lors de son audition devant notre commission, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, financera notamment l’élaboration de référentiels interbranches relatifs à l’accueil des jeunes et à la transmission des savoirs.
Pas moins de 245 millions d’euros seront consacrés cette année à ces actions, qui profiteront en partie au contrat de génération.
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 46.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Mme le rapporteur étant extrêmement efficace et exhaustive, je m’en remets à ses explications.
Tout comme la commission, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 32 rectifié et 8, ainsi qu’à l’amendement n° 46. Concernant ce dernier, j’ajouterai un argument qui n’est pas de façade : le dispositif sera respecté par les entreprises. Il ne donnera pas lieu au paiement d’une pénalité, ou alors les cas seront si rares que cela ne constituera pas vraiment une ressource supplémentaire pour le fonds que nous choyons les uns et les autres. Par conséquent, je crains qu’il ne s’agisse d’une tuyauterie bien compliquée pour qu’aucun liquide d’aucune nature n’y circule !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 54
I. - Première phrase
Supprimer les mots :
à temps plein
II. - En conséquence, deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 ne précisait pas que l’entreprise devait obligatoirement embaucher un jeune à temps plein pour obtenir l’aide de l’État.
Cette condition supplémentaire introduite par l’Assemblée nationale limite la portée du contrat de génération en excluant d’office un certain nombre de secteurs qui, par nature, recrutent majoritairement à temps partiel, certains étant soumis à des impératifs organisationnels qui les contraignent à conclure essentiellement des contrats à temps partiel.
Certaines activités impliquent également un travail à temps partiel, car elles ne peuvent être pratiquées que durant certaines plages horaires. Certains salariés ont aussi plusieurs employeurs – je reprendrai la parole à ce sujet tout à l’heure sur un autre amendement –, ce qui oblige à conclure plusieurs contrats à temps partiel pour ne pas dépasser le nombre maximal autorisé d’heures de travail.
Pourquoi exclure tous les salariés de ce secteur du contrat de génération ? Le temps partiel est pourtant parfois un bon moyen pour les jeunes d’entrer sur le marché du travail et les secteurs concernés doivent pouvoir contribuer à la conclusion des contrats de génération s’ils le souhaitent.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 54, deuxième phrase
Remplacer les mots :
Lorsque le parcours ou la situation du jeune le justifie, notamment pour faciliter le suivi d'une action de formation
par les mots :
Lorsque son parcours ou sa situation le justifie
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement aux termes duquel le jeune peut être employé à temps partiel, aux quatre cinquièmes en l’occurrence, dès lors que son parcours ou sa situation le justifie, notamment pour faciliter le suivi d’une action de formation.
Cette rédaction nous a beaucoup interpellés. Tout d’abord, la Haute Assemblée, depuis toujours ou presque, a été réservée quant à l’utilisation de l’adverbe « notamment ».
Qui plus est, la notion d’action de formation renvoie à des réalités très différentes, dont l’article L. 6313-1 du code du travail établit la liste exhaustive. Dans cette dernière figurent, par exemple, les trois catégories d’action du plan de formation. Or deux de celles-ci, les actions d’adaptation au poste de travail et les actions liées à l’évolution de l’emploi ou de maintien dans l’emploi se déroulent pendant le temps de travail. Les salariés qui suivent ces formations le font donc sur leur temps de travail et peuvent même, le cas échéant, bénéficier du paiement d’heures supplémentaires.
Prévoir la possibilité d’un temps partiel destiné à la réalisation d’actions de formation, fût-ce à 80 %, pourrait donc entraîner, pour les jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération, un traitement inégalitaire par rapport aux autres salariés qui, eux, bénéficieront de ces actions pendant leur temps de travail.
Enfin, comme il est précisé dans l’objet de notre amendement, nous nous interrogeons sur la forme de la prise en charge d’un accident qui pourrait survenir durant cette formation hors temps de travail si celle-ci prend, par exemple, la forme d’actions d’adaptation au poste de travail.
Pour toutes ces raisons, il nous semble donc opportun de supprimer cette référence à la formation professionnelle et d’adopter cet amendement, qui a été rectifié à la demande de la commission.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 54
I. - Deuxième phrase, après les mots :
action de formation
insérer les mots :
ou pour lui permettre de cumuler plusieurs employeurs
II. - Dernière phrase
Remplacer les mots :
quatre cinquièmes de la durée hebdomadaire du travail à temps plein
par les mots :
un mi-temps
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement de compromis a le même objet que l’amendement précédent.
L’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 ne précisait pas que l’entreprise devait obligatoirement embaucher un jeune à temps plein.
Par conséquent, cette condition supplémentaire introduite par l’Assemblée nationale limite la portée du contrat de génération en excluant d’office un certain nombre de secteurs qui, par nature, comme je le disais, recrutent majoritairement à temps partiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 34 rectifié vise à supprimer le principe de l’embauche d’un jeune en CDI « à temps plein ».
Or, selon nous, l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale doit être préservé afin de lutter contre la précarité des jeunes, sans pénaliser les parcours atypiques ni les entreprises. Je vous rappelle ce que j’ai précisé hier dans mon intervention liminaire : environ 25 % des jeunes travaillent à temps partiel, une situation que plus de la moitié d’entre eux subissent, c’est-à-dire qui leur est imposée !
La commission est donc défavorable à cet amendement n° 34 rectifié.
L’amendement n° 25 rectifié de M. Dominique Watrin vise, pour les raisons que son auteur a évoquées, à supprimer la référence au suivi d’une action de formation pour bénéficier d’un temps partiel. La rectification allant bien dans le sens des remarques formulées ce matin au sein de la commission, j’ai émis un avis favorable.
Enfin, l’amendement n° 35 rectifié bis est d’une nature quelque peu différente.
Je ne reviendrai pas sur l’argumentation à l’encontre de la possibilité de travailler à mi-temps.
Cet amendement vise également à permettre au jeune de cumuler plusieurs employeurs. Or, même si cela arrive, tel n’est pas l’objet des contrats de génération.
Souhaitant lutter contre la précarité des jeunes, le cumul d’employeurs et le temps partiel subi, la commission est défavorable à l’amendement n° 35 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. La commission vient d’expliquer excellemment les raisons pour lesquelles il convient, du point de vue du Gouvernement aussi, d’être opposé à l’adoption des amendements nos 34 rectifié et 35 rectifié bis.
Aux arguments de la commission sur l’amendement n° 25 rectifié, j’ajouterai l’appréciation positive du Gouvernement. Monsieur Watrin, vous avez souligné qu’il existait, dans le texte tel qu’il avait été adopté, une ambiguïté. Celle-ci n’était voulue ni par les auteurs d’amendements à l’Assemblée nationale ni par Gouvernement. De plus, mieux vaut toujours éviter les ambiguïtés.
L’amendement n° 25 rectifié nous paraissant donc bienvenu, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Mes chers collègues, je souhaite simplement vous faire part de mon désappointement concernant le sort réservé à l’un de nos amendements, qui a été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Je m’attacherai à vous expliquer notre intention en la matière.
Cet amendement visait à revenir à la lettre de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012, qui prévoit que les entreprises sont éligibles à l’obtention de l’aide lorsqu’elles procèdent soit au recrutement d’un jeune en CDI, soit à la transformation de contrats plus précaires en CDI.
Cette disposition de l’accord visait à lever deux freins auxquels sont confrontés les jeunes pour accéder à un emploi stable. Je pense à la succession de contrats courts, assortie de périodes de chômage plus ou moins longues, et au fait que les entreprises ne peuvent pas toujours garder les jeunes à la fin de leur formation en alternance.
En limitant le bénéfice du contrat de génération à l’embauche en CDI des jeunes de moins de vingt-six ans, le présent projet de loi n’encouragera pas forcément les entreprises à conclure des contrats de génération. Il convenait à nos yeux de donner plus de champ au dispositif, conformément d’ailleurs à l’accord auquel les partenaires sociaux sont parvenus. Par ailleurs, le texte issu de l’Assemblée nationale précise que les entreprises doivent obligatoirement embaucher en CDI à temps plein. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, si certains jeunes en CDD…
M. Michel Sapin, ministre. Bref, c’est ce que vous auriez dit pour défendre votre amendement si vous aviez pu le faire !
Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, peut-être pouvons-nous en discuter sans agressivité !
M. Jean-Jacques Mirassou. Voyons, il n’y a aucune agressivité !
Mme Isabelle Debré. Je souhaitais simplement attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre, notre amendement ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Parlez-en à M. Marini !
Mme Isabelle Debré. Il s’agissait seulement, sans agressivité ni état d’âme, d’expliquer notre position.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 55
Après les mots :
dans l’emploi
insérer les mots :
en contrat à durée indéterminée
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision, visant à lever toute ambiguïté : le salarié senior embauché ou maintenu dans l’emploi doit l’être en contrat à durée indéterminée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. Cardoux, Mme Debré, MM. Milon, de Raincourt et Savary, Mmes Bruguière et Cayeux et MM. Dulait, P. André et Pinton, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 57
Remplacer les mots :
au moment de son embauche
par les mots :
bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
II. - Alinéa 58
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Elles embauchent et maintiennent dans l’emploi, pendant la durée de l’aide ou jusqu’à son départ en retraite, un salarié âgé d’au moins cinquante-cinq ans au moment de son embauche.
III. – En conséquence, alinéa 53
Remplacer le mot :
suivantes
par les mots :
fixées par le 1° et le 2° ou par le 1° et le 3°
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous avons examiné cet amendement ce matin en commission, et j’ai accepté de le retirer, simplement parce que je ne reconnais pas mon bébé après son « lifting » par la séance.
Quoi qu’il en soit, je souhaite vous faire part de mon intention originelle, car j’ai bien peur que vous ne l’ayez pas comprise, madame le rapporteur.
Il s’agissait simplement de formuler beaucoup plus clairement la volonté de favoriser aussi l’embauche des seniors, c'est-à-dire des personnes de plus de 55 ans. Il me semble en effet que la rédaction actuelle, qui manque de clarté, contribue à noyer l’intention du législateur.
Je souhaitais donc éviter un méli-mélo rédactionnel, sans rien changer sur le fond. Pour les entreprises, il doit être parfaitement clair qu’il s’agit non pas uniquement du maintien dans l’emploi des seniors, mais aussi de leur embauche.
Toutefois, le « lifting » de mon amendement auquel a procédé la séance fait que ma préoccupation n’apparaît plus aussi clairement. Vous-même, madame le rapporteur, avez peut-être eu du mal à la comprendre dans le cadre d’une telle présentation. C’est la raison pour laquelle je m’apprête à le retirer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame la sénatrice, je n’ai pas bien compris si vous mainteniez ou non votre amendement.
Encore une fois, il faut dissiper un malentendu. Comme le mentionne très clairement l’alinéa 57 de l’article 1er, l’entreprise peut embaucher, dans le cadre du contrat de génération, un senior au chômage de 55 ans et plus, mais elle doit évidemment le maintenir dans l’emploi pour continuer à bénéficier de l’aide.
L’alinéa 55 est très clair sur ce point : le maintien dans l’emploi du senior est obligatoire pendant la durée de l’aide ou jusqu’à son départ en retraite.
Par conséquent, conformément à ce que je vous ai déjà dit ce matin, vos craintes ne me semblent pas justifiées. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait par le texte de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
L'amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx, MM. J.P. Fournier, B. Fournier et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne et MM. Leleux, Magras et J. Gautier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Elles sont en capacité d’organiser entre le jeune et le salarié âgé les conditions de l’exercice d’un accompagnement ou d’un tutorat pour assurer une transmission des savoirs et des savoir-faire.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’Assemblée nationale a prévu à l’alinéa 25 de cet article que l’accord collectif d’entreprises, de groupe ou de branche comportera des engagements relatifs à la transmission des savoirs et des compétences, engagements qui pourront recouvrir des modalités diverses. Le binôme d’échange de compétences n’est cité qu’à titre d’exemple.
On peut craindre que la mise en œuvre de ce qui devrait être un réel tutorat ne s’en éloigne finalement dans bien des cas. De plus, les entreprises de moins de 50 salariés ne sont pas visées par ce dispositif, puisqu’elles pourront ne pas conclure d’accord.
Aussi faut-il, afin d’être fidèles au projet initial du contrat de génération, lier l’octroi de l’aide à une véritable relation intergénérationnelle entre le jeune et le senior désigné par le contrat. Les effets d’aubaine du dispositif seront ainsi limités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame la sénatrice, l’amendement que vous proposez vise à renforcer le volet « transmission des savoirs et des compétences », en en faisant une condition à part entière pour bénéficier de l’aide.
Cette question ne relève pas de la loi. Elle doit être abordée dans les accords collectifs et les plans d’action, qui seront validés par les services déconcentrés, afin de vérifier que la transmission des savoirs et des compétences y figure en bonne place.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. En appui aux propos de Mme le rapporteur, je souhaite apporter certaines précisions, pour répondre à votre préoccupation, madame Debré.
Vous faites toujours référence, et je le comprends, à la proposition du candidat François Hollande, dans laquelle se trouvait le terme de tutorat.
Aujourd’hui, à la demande des partenaires sociaux – je l’ai dit hier en vous répondant –, nous ne souhaitons pas que figure comme seule possibilité le tutorat. Il y a en effet des entreprises où ce système est recommandé. Mais, dans d’autres, qui sont plus grandes ou qui fonctionnent différemment – un artisanat d’art n’est pas une grande entreprise bancaire ! –, il existe d’autres solutions ou possibilités.
Il n’est donc pas question d’exclure le tutorat, qui pourra être mis en œuvre dans les entreprises. Toutefois, il ne peut être question non plus de l’imposer comme seule solution, comme vous le proposez dans cet amendement.
Je souhaite avoir été le plus clair possible, dans l’espoir que nous puissions partager nos vues en la matière. En tout cas, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 59 à 61
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – L’aide ne peut être accordée à l’entreprise lorsque celle-ci a procédé, dans les six mois précédant l’embauche du jeune, à une rupture conventionnelle ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude sur les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l’embauche ou lorsque l’entreprise n’est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l’égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d’assurance chômage.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’Assemblée nationale a renforcé les règles de conditionnalité de l’aide financière accordée aux employeurs au titre des contrats de génération. En effet, dans sa version initiale, le texte présenté par le Gouvernement excluait du bénéfice de cette aide financière les entreprises qui auraient procédé à des licenciements pour motif économique au cours des six derniers mois sur les postes destinés au binôme.
L’Assemblée nationale a durci, très opportunément, selon nous, le dispositif en considérant que l’attribution de l’aide devait être conditionnée à l’absence de tout licenciement et même de toute rupture conventionnelle non plus sur le poste lui-même, mais sur la catégorie de postes.
La commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement visant à assouplir les conditions de versement des aides financières et à instituer un double mécanisme : pour la catégorie de postes sur lesquels est prévue l’embauche, l’aide ne pourra être accordée si l’entreprise a procédé, au cours des six derniers mois, à un licenciement pour motif économique ; l’aide sera également refusée si l’entreprise a procédé à une rupture conventionnelle homologuée ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude sur le poste qui fait l’objet de la signature d’un contrat de génération.
Cette procédure nous paraît complexe à mettre en œuvre et elle complique le travail de contrôle des représentants du personnel. Il nous semble important que le dispositif soit tout à la fois le plus juste et le plus simple possible.
Les aides financières accordées aux employeurs doivent, en période de crise économique, faire l’objet d’un encadrement strict. Il ne serait en effet pas acceptable que les contrats de génération suscitent un effet d’aubaine, en subventionnant, par exemple, des restructurations au sein des entreprises.
Pour toutes ces raisons, nous préférerions en revenir au texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Remplacer les mots :
les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle
par les mots :
un emploi équivalent à celui pour lequel
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet de remplacer la notion trop large de « catégorie professionnelle » par celle, plus restreinte, « d’emploi équivalent » pour qualifier les postes sur lesquels un licenciement économique intervenu dans les six mois précédant l’embauche du jeune priverait l’entreprise de l’aide.
En effet, la référence à la catégorie professionnelle risque d’imposer une trop grande restriction à la mise en œuvre du dispositif, et ce dans des situations où l’entreprise ne mériterait objectivement pas de se voir ainsi sanctionnée.
Retenir cette formulation serait donc à la fois inéquitable et très certainement facteur de contentieux, si l’on s’en tient à la définition que donne la chambre sociale de la Cour de cassation d’une catégorie professionnelle, à savoir « l’ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature ». Cela suppose donc une formation professionnelle commune et l’absence de distinction entre les salariés à temps plein et les salariés à temps partiel.
Au contraire, la notion d’emploi équivalent, également empruntée à l’article L. 1233-4 du code du travail, est plus ciblée et nous paraît beaucoup mieux adaptée.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 36 rectifié est présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 60
Après les mots :
prévue l'embauche
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Hervé Marseille. Cet amendement a un double objet. Il vise à supprimer, parmi les motifs susceptibles de priver l'entreprise de l'aide, les cas de rupture conventionnelle homologuée ainsi que les cas de licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou d'inaptitude au poste intervenu dans les six mois précédant l'embauche du jeune.
En effet, la rupture conventionnelle homologuée résulte par définition d'un accord entre les deux parties au contrat et peut relever de l'initiative du salarié. Elle ne devrait donc pas entraîner une pénalité pour l'employeur.
Par ailleurs, on ne voit pas bien quels cas de licenciement autre que pour faute grave, lourde ou inaptitude au poste sont visés par le texte.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour présenter l'amendement n° 36 rectifié.
Mme Isabelle Debré. L’Assemblée nationale a introduit une disposition selon laquelle l’aide ne pourra être accordée aux entreprises qui auront procédé dans les six derniers mois à une rupture conventionnelle ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude sur les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l’embauche.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi, conformément à l’accord national interprofessionnel, dont il assure la transposition, n’avait prévu que le cas d’un licenciement économique.
La rupture conventionnelle, comme son nom l’indique, découle d’un accord entre le salarié et l’employeur. C’est un mécanisme qui a pourtant montré son efficacité, en ce qu’il préserve les intérêts des salariés comme ceux des employeurs.
Les députés, qui ont introduit cette nouvelle condition, ont prétendu lutter contre la « rupture conventionnelle forcée ». Toutefois, cette dérive est déjà condamnée par la loi et jugée par les prud’hommes.
En séance plénière, le Gouvernement a émis un avis de sagesse, confirmant que la catégorie de « rupture conventionnelle forcée » n’existait pas et qu’il n’était pas question de remettre en cause ce mécanisme issu d’un accord interprofessionnel.
Par conséquent, il conviendrait de revenir sur cette modification, qui rigidifierait davantage le dispositif du contrat de génération, dont tout le monde – à tout le moins parmi ceux qui siègent sur certaines travées de cet hémicycle – souhaite le succès.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 37 rectifié est présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, Marini, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 60
Supprimer les mots :
, ou à une rupture conventionnelle homologuée
La parole est à Mme Isabelle Debré, pour présenter l'amendement n° 37 rectifié.
Mme Isabelle Debré. Il s’agit d’un amendement de repli, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 49 rectifié.
M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous entendons revenir sur la question de la rupture conventionnelle.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que l’aide ne pouvait être accordée lorsque l’entreprise avait procédé, dans les six mois précédents, à un licenciement pour motif économique sur le poste pour lequel est prévue l’embauche.
Sans doute par méfiance à l’égard du monde entrepreneurial, les députés, en commission puis en séance publique, ont durci très significativement le dispositif.
Ainsi, la commission a étendu l’interdiction du licenciement économique à l’ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l’embauche.
En séance publique, les députés ont également interdit le versement de l’aide en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement pour un motif autre que la faute grave, lourde ou pour inaptitude.
La commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement de Mme le rapporteur ayant pour objet d’assouplir les conditions d’éligibilité à l’aide, en fixant des règles moins sévères pour les catégories de postes que pour le poste sur lequel est prévue l’embauche.
On peut toutefois s’interroger sur l’opportunité de maintenir la rupture conventionnelle homologuée comme motif d’interdiction du versement de l’aide.
La rupture conventionnelle résulte en effet d’un accord entre le salarié et l’employeur et peut être demandée – cela arrive parfois – par le salarié. Par ailleurs, elle doit être homologuée par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Or les députés, en séance publique, ont dénoncé à cette occasion les ruptures conventionnelles « forcées ». Pourtant, ce cas de figure a été prévu par la loi, puisque les prud’hommes peuvent être saisis dans le cas, par exemple, où le salarié estime que son consentement n’a été ni libre ni éclairé, mais qu’il a été au contraire vicié.
Dans ces conditions, il nous semble que la rupture conventionnelle ne devrait pas entraîner de pénalité pour l’employeur.
Si nous maintenions cet alinéa dans sa rédaction actuelle, si nous conservions à ce dispositif un caractère trop restrictif, nous adresserions un message négatif au monde de l’entreprise, aux employeurs, en particulier aux plus modestes d’entre eux.
Monsieur le ministre, nous voterons avec conviction cet excellent texte, un texte positif, un texte de qualité, un texte consensuel et d’avenir, un texte rassurant pour l’ensemble de nos concitoyens. Aussi, je le répète, gardons-nous d’adresser quelque message négatif que ce soit.
Je rappelle que l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, signé par l’ensemble des partenaires sociaux, dispose que l’administration doit vérifier que, afin de recruter un jeune dans le cadre d’un contrat de génération, l’entreprise n’ait pas procédé à des licenciements. Il n’est, en aucune façon, fait référence aux ruptures conventionnelles homologuées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Certains de ces amendements visent à durcir, d’autres à assouplir le dispositif ; je vais m’efforcer d’en faire la synthèse.
La commission des affaires sociales du Sénat a cherché une disposition qui sanctionne moins sévèrement les cas de rupture conventionnelle : la rupture conventionnelle ne peut plus être une cause de non-obtention de l’aide dans le cadre des catégories professionnelles, mais elle le reste pour le poste sur lequel l’embauche sera faite.
L’amendement n° 27 a pour objet de reprendre les dispositions issues des travaux de l’Assemblée nationale sur les conditions d’interdiction de l’aide six mois avant l’embauche. La commission y est défavorable.
L’amendement n° 19 est de nature quelque peu différente, puisqu’il vise à remplacer la notion de catégorie professionnelle par celle d’emploi équivalent.
Il est vrai que les deux notions coexistent dans le code du travail, parfois même au sein du même article. Cela me fait dire qu’il faudrait sans doute s’attacher à « nettoyer » ce code, qui a fait l’objet de nombreux ajouts, mais tel n’est pas l’objet de notre séance.
Il me semble toutefois que la notion de catégorie professionnelle, qui recoupe le concept de métier, est plus large que celle d’emploi équivalent, qui se rapporte plus à l’emploi. Or emploi et métier, ce n’est pas la même chose.
Considérant qu’il n’est pas nécessaire de modifier le texte de la commission sur ce point, j’émets un avis défavorable sur l’amendement no 19.
Les amendements identiques nos 20 et 36 rectifié visent à supprimer les règles d’interdiction relatives au poste sur lequel est prévue l’embauche. La commission est défavorable à ces amendements.
Les amendements identiques nos 37 rectifié et 49 rectifié tendent à exclure le critère de la rupture conventionnelle homologuée de la liste des situations entraînant la suppression d’une aide.
Dans la mesure où ces amendements sont contraires à son propre texte, la commission ne peut qu’y être défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je lève d’emblée le suspens : l’avis du Gouvernement va dans le sens de celui de la commission.
Cette succession de dispositions étant quelque peu complexe, je tiens, dans un premier temps, à replacer notre discussion dans son contexte.
Le Gouvernement souhaite éviter des comportements que tout le monde ici s’accorde à condamner. Nous ne voulons pas qu’un employeur se débarrasse, d’une manière ou d’une autre, d’un jeune embauché avant la mise en place du dispositif pour le remplacer immédiatement par un autre, recruté, lui, après la mise en place du dispositif, et réalise ainsi un gain de 2 000 ou 4 000 euros.
De tels comportements seraient préjudiciables et condamnables. Le Gouvernement considère que l’on ne doit pas pouvoir accorder un contrat de génération à une entreprise qui aurait agi de cette manière. C’est pourquoi, depuis le début, il souhaite que tout licenciement sur le poste interdise la mise en œuvre d’un contrat de génération sur le même poste.
Les députés, et nombre d’entre vous partagent cette position, mesdames, messieurs les sénateurs, ont considéré qu’il existait un autre cas dans lequel une entreprise peut agir de la même manière : la rupture conventionnelle dite « imposée ». Cela revient à déclarer au jeune : « Tu es là, tu signes ta rupture conventionnelle et, dans trois semaines, je te reprends sur le même poste. Comme il s’agira d’une nouvelle embauche, tu pourras bénéficier du contrat de génération ». Tout le monde reconnaîtra que cela ne va pas. Les députés ont donc souhaité renforcer les dispositions du texte du Gouvernement en évitant les situations de cette nature.
Dès lors, quel est le bon équilibre ? Comment éviter que des entreprises – elles seront peu nombreuses, mais il peut toujours y en avoir – optimisent, comme on dit, les dispositifs d’incitation à la création d’emplois ?
L’Assemblée nationale est allée loin dans sa volonté de combattre ce phénomène. Elle a tapé large, si je puis m’exprimer ainsi. J’avais donc émis un avis de sagesse sur les amendements proposés, ce qui était une manière d’être poli avec ma propre majorité à l’Assemblée nationale tout en faisant comprendre que les dispositions présentées me paraissaient un peu excessives.
Dans sa grande sagesse, la commission…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission du Sénat !
M. Michel Sapin, ministre. La commission du Sénat, vous avez raison, madame le rapporteur, celle d’une assemblée qui, par définition, est marquée par la sagesse (Sourires.), a souhaité revenir en arrière, amoindrir les conditions très contraignantes qui avaient été instituées par l’Assemblée nationale. Au fond, cette position me paraît être plus sage. C’est pourquoi le Gouvernement soutient la position de sagesse de la commission.
Il en résulte que l’amendement qui vise à en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, même si j’en comprends l’esprit, monsieur Watrin, tout comme les amendements qui tendent à restaurer le texte initial du Gouvernement ne me paraissent pas aujourd'hui respecter l’équilibre qui a été trouvé.
C’est pourquoi, contrairement à la position que j’avais adoptée à l’Assemblée nationale, où j’avais émis un avis de sagesse, et dans la mesure où je suis favorable au texte de la commission, j’émets un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à modifier l’équilibre qui a été trouvé par cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.
M. Hervé Marseille. À l’évidence, tout le monde s’accorde pour reconnaître que le texte est imparfait. Mme le rapporteur et M. le ministre considèrent que les amendements que nous avons déposés sont eux aussi imparfaits, ce que je veux bien croire, car il s’agit d’une affaire complexe.
Toutefois, comme l’a souligné Mme le rapporteur, il est urgent de rendre le dispositif plus cohérent. En effet, nous le savons, si le présent texte est adopté en l’état, il sera une source importante de contentieux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 36 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 37 rectifié et 49 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Je m’étonne de la réponse de M. le ministre sur la question de la rupture conventionnelle.
Monsieur le ministre, en commission, je vous avais interrogé sur vos intentions en matière de rupture conventionnelle, à laquelle, je le sais, mes collègues de gauche sont opposés. Vous m’aviez répondu, comme d’ailleurs M. Repentin, interrogé sur le même sujet, que les salariés étaient satisfaits de ce dispositif.
Il ne s’agissait donc pas de fustiger la rupture conventionnelle. Avec l’amendement no 37 rectifié, nous proposions simplement d’instituer un mécanisme qui ne la mette pas hors la loi.
La rupture conventionnelle donne satisfaction aux entreprises, mais aussi aux salariés, puisqu’elle leur permet, s’ils le souhaitent, de s’engager dans une autre vie professionnelle. Nous considérons qu’il est regrettable de vouloir la bannir, et c’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié et 49 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UDI-UC et, l'autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 97 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 149 |
Le Sénat a adopté.
L'amendement n° 28, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 63
1° Supprimer les mots :
pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude
2° Remplacer le mot :
binôme
par les mots :
jeune et à un salarié âgé
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous proposons, comme nous l’avons fait au travers de l’amendement n° 27, de revenir à la rédaction du texte, tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale. Celui-ci prévoyait qu’un employeur perdait automatiquement le bénéfice d’une aide s’il procédait à un licenciement pour faute grave ou lourde ou pour inaptitude d’un salarié de plus de 57 ans ou un salarié handicapé de plus de 55 ans non compris dans un binôme « contrat de génération ».
La commission des affaires sociales, sur l’initiative de Mme le rapporteur, a adopté un amendement assouplissant le dispositif, puisque, désormais, l’aide ne sera supprimée que si le senior est licencié pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l’inaptitude.
Or on sait, compte tenu de la lourdeur des procédures devant les prud’hommes et de l’inexistence formelle du droit à la réintégration, que les employeurs n’hésitent pas à licencier leurs salariés pour motif personnel, notamment pour faute grave ou lourde.
Qui plus est, la rédaction actuelle pourrait permettre aux employeurs de conserver le bénéfice de l’aide financière alors qu’ils procéderaient au licenciement d’un salarié déclaré inapte.
Il ne nous semble pas acceptable que l’employeur, qui peut être responsable de la situation d’inaptitude dans laquelle se trouve le salarié, puisse conserver l’aide financière accordée à l’employeur.
C’est pourquoi nous proposons d’en revenir à la rédaction retenue par les députés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Notre commission a veillé à assurer la cohérence juridique du texte en reprenant les notions de licenciement utilisées aux II et III du nouvel article L. 5121-17 du code du travail.
Sur le fond, on peut s’interroger sur le fait qu’un employeur perde le bénéfice d’une aide s’il est amené à licencier pour faute grave ou lourde un senior qui n’appartient pas au binôme.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Cette restriction considérable du licenciement d’une catégorie de salariés risque finalement de produire l’effet inverse de celui qui est recherché, en dissuadant fortement les entreprises de conclure des contrats de génération.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser une question : lorsqu’un employeur conclut un contrat de génération avec un binôme et que, malheureusement – cela peut arriver – l’un des deux membres du binôme commet une faute lourde ou grave obligeant à le licencier, celui qui n’a pas commis la faute grave peut-il contractualiser avec une autre personne de la société ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Oui !
Mme Isabelle Debré. Je m’adresse maintenant à nos collègues socialistes, pour leur dire que ce verrouillage du licenciement d’une catégorie de salariés aurait également pour effet pervers de décourager les employeurs à embaucher ultérieurement des salariés relevant de cette catégorie.
L’intention de protéger ces salariés est effectivement tout à fait louable, mais cette disposition aurait des effets totalement contreproductifs en les éloignant durablement de l’accès à l’emploi. Il convient de conserver un minimum de souplesse dans le dispositif si l’on souhaite qu’il soit efficace.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Le dispositif que nous proposons est le suivant : quelles que soient les raisons du départ du salarié, qu’il soit naturel, dû à une démission ou entraîné par une faute extrêmement grave, cause de licenciement, il est toujours possible de s’appareiller autrement pour maintenir le dispositif lui-même. De ce point de vue, nous avons veillé à garantir une certaine souplesse.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, de Legge, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx, MM. J.P. Fournier, B. Fournier, de Montgolfier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas et M. Dallier, est ainsi libellé :
Alinéa 65
Rédiger ainsi cet alinéa :
« V. – L’administration vérifie le contenu de la demande d’aide et la nature des engagements de l’employeur. L’obtention de l’aide vaut validation de l’accord collectif d’entreprise ou de groupe ou du plan d’action.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’alinéa 65 de l’article 1er conditionne l’obtention de l’aide aux entreprises employant entre 50 et 300 salariés à un contrôle de conformité de l’accord d’entreprise du groupe, du plan d’action ou du diagnostic par l’administration.
Il s’agit là d’une procédure longue et complexe pour les entreprises, et de nature à les dissuader de conclure un accord. Cette procédure ne figurait d’ailleurs pas dans l’ANI du 19 octobre 2012.
Cet amendement vise donc à supprimer cette procédure et d’accorder davantage de confiance aux représentants du personnel, qui devront s’assurer de la validité des accords en question, une validité qui relève de la responsabilité des organisations syndicales et des représentants du personnel.
Dans le cas des entreprises de moins de 300 salariés, l’obtention de l’aide par l’administration vaudra validation de l’accord, sans qu’il soit nécessaire de passer par un contrôle spécifique, qui serait alors redondant.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 65, première phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
« V. - Les entreprises mentionnées à l'article L. 5121-8 couvertes par un accord collectif d'entreprise ou de groupe ou par un plan d'action, transmettent leur demande d'aide à l'autorité administrative compétente qui en vérifie le contenu et la nature des engagements de l'employeur. L'obtention de l'aide vaut validation de l'accord collectif d'entreprise ou de groupe ou du plan d'action. L'aide est accordée pour les embauches réalisées à compter de la date de conclusion de l'accord collectif ou de dépôt auprès de l'autorité administrative du plan d'action. »
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Comme plusieurs autres de nos propositions, cet amendement tend à supprimer le contrôle a priori, par l’administration, des accords collectifs ou plans d’action pour simplifier la procédure contraignante actuellement imposée aux entreprises de 50 à 300 salariés.
En vertu de cet amendement, l’obtention de l’aide, après vérification par l’administration du contenu de la demande et des engagements y afférents, vaudrait validation de l’accord collectif ou du plan d’action.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 65, première phrase
Remplacer les mots :
de dépôt auprès de l'autorité administrative
par les mots :
d'établissement
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision qui s’inscrit dans le même état d’esprit, mais qui ne porte pas sur un point mineur. Cette nouvelle rédaction permettra d’harmoniser les conditions de prise en compte des accords et des plans d’action, ce qui sera évidemment source de simplification pour les entreprises.
Il convient de faire preuve de rigueur, mais de simplifier ce dispositif au maximum, pour éviter qu’il ne devienne un obstacle à la mise en œuvre, dans de bonnes conditions, des contrats de génération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je présenterai tout d’abord l’avis de la commission sur les amendements nos 39 rectifié et 23, qui sont très proches.
Mes chers collègues, l’obtention de l’aide vaut validation de l’accord collectif ou du plan d’action, mais il faut distinguer deux logiques.
En premier lieu, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, assure traditionnellement la réception des accords collectifs, homologue les demandes de rupture conventionnelle et comprend les services de l’inspection du travail.
En second lieu, Pôle emploi a l’habitude de gérer, au nom de l’État, certaines aides du plan de relance aux entreprises, comme l’aide à l’embauche dans les très petites entreprises.
Ces deux phases de contrôle ne peuvent être fusionnées. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quant à l’amendement n° 56 du Gouvernement, il assure la cohérence juridique entre les règles imposées aux accords collectifs par l’alinéa 65 de l’article 1er, pour lesquels c’est la date de la conclusion qui fait foi et les règles fixées au sein du plan d’action.
Il s’agit donc d’une mesure de simplification à l’égard des entreprises et de l’administration, et la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 39 rectifié et 23 ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 50 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 64 est présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 69
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le montant de l'aide est calculé au prorata de la durée hebdomadaire du travail des salariés ouvrant droit à cette aide.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Dominique Watrin. L’objet de l’amendement n° 219 rectifié présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, qui a eu pour effet de créer une exception au principe du recrutement à temps plein, précisait ceci : « Il convient également de préciser que le montant de l’aide sera proratisé en fonction de la durée du travail. »
Or, malgré ce postulat, cette notion de modulation, bien légitime et que nous appelons de nos vœux, figure non pas dans le projet de loi, mais seulement dans l’objet de l’amendement, ce qui n’a aucune portée juridique.
À la suite des travaux de la commission, notre amendement a reçu un avis favorable, sous réserve d’une modification, qui a été effectuée.
Nous proposons de compléter l’alinéa 69 de l’article 1er, afin qu’il précise que « le montant de l’aide est calculé au prorata de la durée hebdomadaire du travail des salariés ouvrant droit à cette aide. »
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 50 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Le projet de loi prévoit en effet que la durée et le montant de l’aide seront fixés par décret. Alors que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait conditionné l’attribution d’aides à l’embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée à temps plein, les députés en séance publique ont adopté un amendement du Gouvernement ouvrant la possibilité, pour l’entreprise, d’employer le jeune à temps partiel, sans toutefois que la durée soit inférieure à quatre cinquièmes de la durée hebdomadaire du travail à temps plein.
Aussi, il nous semble important de préciser, dans le texte même du projet de loi, que le montant de l’aide doit être fixé au prorata de la durée du travail.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour présenter l'amendement n° 64.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement ne figure pas dans le dérouleur, ni dans la liasse, monsieur le président !
Mme Catherine Procaccia. Je ne l’ai pas non plus !
M. le président. La direction de la séance l’a enregistré, ma chère collègue.
Mme Isabelle Debré. Puisque vous me dites qu’il est identique aux précédents, je vous fais confiance et je considère qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il se fait tard, et nous avons un peu oublié ce qui s’est passé ce matin en commission.
Il s’agit ici, en fait, d’une disposition tendant à proratiser l’aide, afin de l’adapter au texte, voté par l’Assemblée nationale, qui prévoit la possibilité, pour le jeune, d’un contrat de travail à 80 %.
Les amendements identiques nos 26 rectifié, 50 rectifié bis et 64 – ce dernier vise en fait à reprendre le III de l'amendement n° 35 rectifié que Mme Debré avait déposé – ont pour objet de tenir compte des observations formulées ce matin en commission.
Des rectifications ayant été apportées, conformément aux recommandations que nous avons données ce matin, la commission émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. J’en suis désolée, mes chers collègues, mais j’avais accepté de déposer l'amendement n° 64 à la condition que mes deux autres propositions concernant l’action de formation et les quatre cinquièmes d’un temps plein soient retenues. Sans elles, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 64 est retiré.
La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voudrais expliquer pourquoi les écologistes sont contre l’adoption de ces amendements.
Mon collègue Jean Desessard, qui vous prie de bien vouloir l’excuser d’avoir dû quitter l’hémicycle, l’a d’ailleurs expliqué ce matin en commission.
Il s’agit de temps partiels extrêmement réduits, de quatre cinquièmes, qui sont plutôt destinés à libérer des mercredis. Je ne vois pas pourquoi on pénaliserait cette forme de temps partiel choisi. Cela me paraît une aberration.
Par ailleurs, faire un prorata sur le temps effectif de l’emploi, c’est méconnaître complètement le fonctionnement d’une entreprise et les coûts qui seront afférents à un emploi, qu’ils soient aux quatre cinquièmes ou aux cinq cinquièmes de temps.
Ne pénalisons pas le temps choisi ; facilitons-le. Une petite ouverture existe tout de même : au lieu de tous les temps partiels, c’est un temps partiel choisi au maximum de quatre cinquièmes du temps. Par conséquent, chipoter sur quelques centaines d’euros en tenant compte d’un prorata de temps paraît complètement irréaliste et crée de la complexité administrative supplémentaire.
Aussi, le groupe écologiste votera contre ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié et 50 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise les conditions dans lesquelles l’aide est modulée en fonction des conditions d’application des modalités de mise en œuvre mentionnées aux articles L. 5121-7 à L. 5121-9. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le présent projet de loi opère la transposition d’un accord national interprofessionnel adopté à l’unanimité des organisations syndicales et patronales. C’est là le fruit d’un travail important, que le Gouvernement a su engager et qui trouve aujourd’hui sa concrétisation.
Le contrat de génération, qui repose précisément sur un principe de transmission des savoirs et des compétences entre les classes d’âge, doit avoir pour objectif non seulement de recruter des jeunes mais aussi de rompre avec la dynamique observée actuellement au sein des entreprises, laquelle se traduit par des licenciements massifs de salariés dits « seniors ».
Comme le précise Mme Demontès dans son rapport, force est de constater que les accords seniors de 2009 ne sont parvenus ni à transformer en profondeur la gestion des âges au sein de l’entreprise ni à mettre à mal certains préjugés qui ont la vie dure. Ainsi, de nombreux chefs d’entreprise estiment toujours que les salariés âgés coûtent plus cher que la moyenne.
Le but affiché, via le présent projet de loi, de faire travailler ensemble trois générations est louable. Il constitue au demeurant une chance pour les entreprises. De fait, contrairement aux images d’Épinal, les salariés âgés ne constituent pas des freins à la modernisation des entreprises. À l’inverse, leur connaissance de la firme, de ses faiblesses et de ses forces, devrait en faire des atouts, au même titre que les jeunes salariés qui, eux, apportent un regard neuf.
Or si l’expérience des accords seniors ne s’est pas révélée concluante, c’est parce que les employeurs ont majoritairement choisi de privilégier les plans d’actions par rapport aux accords d’entreprises. À la différence de ces derniers, les plans d’actions sont des mesures unilatérales. Qui plus est, en dépit d’une volonté de transposition fidèle de l’ANI, le présent texte est en deçà des dispositions initialement prévues concernant le contenu de ces plans d’actions. Nous regrettons notamment qu’il ne précise pas, comme le faisait l’ANI, les éléments qui devraient obligatoirement figurer dans un tel document.
En conséquence, nous craignons que certains employeurs, peu soucieux du dialogue social, ne favorisent les plans d’action au détriment de la négociation. Cette situation, déjà vécue par le passé, entrerait en totale contradiction avec la volonté affichée et la démarche engagée par le Gouvernement sur ce dossier.
L’application de ces dispositifs doit pouvoir, autant que possible, faire l’objet d’un dialogue social au sein de l’entreprise – il me semble qu’un certain consensus se dégage sur ce point –, dans le respect des règles de représentativité.
Tel est le sens du présent amendement, qui tend à établir une modulation de l’aide financière assortie à ce dispositif. Il conviendrait d’en préciser par décret les modalités, suivant le mode choisi au niveau de l’entreprise, l’accord collectif offrant droit à plus d’aides que le plan d’action et ce dernier à davantage d’aides que l’accord de branche étendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement a pour objet la modulation des aides en fonction de la qualité de la négociation sociale relative au contrat de génération.
À mes yeux, cette idée est intéressante. Toutefois, à ce stade, une telle modulation me semble inappropriée. En effet, ce système risquerait de bloquer le lancement même de la dynamique du contrat de génération.
Grâce au rapport annuel demandé au Gouvernement via l’article 6 du présent texte, que nous examinerons dans quelques instants, il sera possible de s’interroger sur l’opportunité d’instaurer un tel mécanisme si, d’aventure, les entreprises de plus de 50 salariés recouraient massivement aux accords de branche étendus.
En tout état de cause, dans la situation actuelle, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Watrin, le Gouvernement comprend tout à fait l’esprit dans lequel vous soumettez le présent amendement à notre examen.
Vous vous appuyez sur l’analyse des plans seniors, et votre diagnostic est tellement juste que nous en avons d’ores et déjà tiré les conséquences s’agissant des entreprises de plus de 300 salariés.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Exact !
M. Michel Sapin, ministre. De fait, pour ces dernières, la mise en place des contrats de génération se fusionne désormais avec les plans seniors. Ce mécanisme est d’une nature totalement différente des dispositifs précédemment prévus. Il incite très fortement à la signature d’un accord, par rapport au plan d’action unilatéral.
De fait, la plupart du temps, on constatait « rapidos » qu’aucun accord n’était conclu et on passait aussitôt au plan unilatéral. Ce n’était pas la bonne manière de mettre en œuvre le dialogue social, qui est si nécessaire au sein des entreprises.
Aussi votre remarque est-elle parfaitement pertinente. Je le répète, nous en avons déjà tenu compte pour les entreprises de plus de 300 salariés.
La difficulté est la suivante : cette mesure, assortie de pénalités financières, est-elle applicable aux entreprises de 50 à 300 salariés ? Je serais heureux que cette extension du dispositif soit possible.
Néanmoins, il convient de prendre en compte la différence existant par rapport au plan seniors : ce dispositif visait uniquement à maintenir un salarié âgé au sein de l’entreprise dans de bonnes conditions, en adaptant son poste, en faisant évoluer ses qualifications et ses compétences. Avec le contrat de génération, l’enjeu devient également l’embauche d’un jeune. Ce constat n’est donc pas tout à fait de même nature que pour le seul plan senior, qui se consacre à ceux qui sont déjà dans l’entreprise. Désormais, l’entrée dans l’entreprise est également prise en compte.
C’est la raison pour laquelle je vous suggère cette solution, en espérant que vous serez sensible à ma proposition : peut-être pourrions-nous renvoyer cette question au rapport qui, en vertu du présent texte, sera déposé en juin 2014 pour dresser un premier bilan du contrat de génération. Il sera alors possible d’analyser la situation exacte au sein des entreprises de 50 à 300 salariés. De fait, nous disposerons de chiffres précis : combien de sociétés ont pu mettre en œuvre un accord ? Combien s’en sont remises au plan d’action unilatéral ? Combien se sont rendues à l’autorité de l’accord au niveau de la branche ?
Qui plus est, en reportant l’analyse de la situation à la publication du premier bilan de ce dispositif, en juin 2014, il serait possible de prendre aussitôt les mesures réglementaires qui s’imposeront. Le cas échéant, il conviendra d’inciter plus fortement les entreprises à conclure des accords au sein de l’entreprise par un dialogue social de qualité, y compris via la méthode que vous préconisez.
Voilà la solution que je me permets de vous proposer. Elle tient compte de la préoccupation que vous exprimez et à laquelle je souscris, sans pour autant imposer, dès à présent, une obligation et, partant, une pénalité aussi fortes aux entreprises de 50 à 300 salariés.
En conséquence, monsieur Watrin, je vous suggère de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Watrin, l’amendement n° 29 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Je suis assez disposé à accéder à la demande de M. le ministre. Toutefois, nous n’avons plus la possibilité d’amender nous-mêmes l’article 6 du présent texte pour y inscrire cet engagement d’analyser en détail les données chiffrées établies en 2014.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut faire confiance au ministre !
M. Dominique Watrin. Ainsi, il serait bon que le Gouvernement précise lui-même, à l’article 6, que cette étude sera effectivement menée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je tiens à vous rassurer, monsieur Watrin : l’article 6, dont nous allons débattre dans quelques instants – à moins qu’il ne donne pas lieu à discussions car, à mon sens, il ne pose guère de problèmes – est ainsi rédigé : le rapport du Gouvernement, remis le 30 juin 2014, « précise le nombre d’accords d’entreprise, de groupe et de branche conclus, de plans d’action élaborés et d’entreprises n’étant couvertes ni par un accord ni par un plan d’action. Il évalue le nombre de créations d’emplois qui en résultent. »
Bref, cet article apporte déjà très clairement des réponses à la question que vous posez.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bien sûr !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Sans compter que l’alinéa 3 fixe des pénalités.
M. Michel Sapin, ministre. Ainsi, il n’est pas nécessaire de renforcer ces dispositions. Le Gouvernement est d’ores et déjà dans l’obligation de remettre un rapport précis sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Pour compléter les propos de M. le ministre, je souligne que l’article 6 du présent texte, tel qu’il a été adopté par la commission, précise qu’une pénalité pourra être infligée en cas d’absence d’accord d’entreprise ou de plan d’action.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cette précision renforce encore les assurances fournies par M. le ministre quant à cette obligation.
M. le président. Monsieur Watrin, qu’en est-il de l’amendement n° 29 ?
M. Dominique Watrin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 2241-4 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « et l’emploi des salariés âgés, notamment par l’anticipation des carrières professionnelles et la formation professionnelle, » sont supprimés ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« La négociation peut également porter sur le contrat de génération. L’accord conclu au titre de la présente sous-section vaut conclusion de l’accord mentionné au 3° de l’article L. 5121-8, sous réserve du respect des dispositions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie. »
II. – Après la référence : « L. 2242-16 », la fin de l’article L. 2242-19 du même code est ainsi rédigée : « peut également porter sur le contrat de génération. L’accord conclu au titre de la présente sous-section vaut conclusion de l’accord mentionné au 1° de l’article L. 5121-8 et à l’article L. 5121-9, sous réserve du respect des dispositions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie. »
II bis. – À l’article L. 2243-2 du même code, les références : « , L. 2242-11 à L. 2242-14 et L. 2242-19 » sont remplacées par les références : « et L. 2242-11 à L. 2242-14 ».
III. – Après le premier alinéa de l’article L. 5121-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le dispositif d’appui à la conception prévu au premier alinéa est ouvert aux entreprises mentionnées aux articles L. 5121-7 et L. 5121-8 pour la mise en œuvre du contrat de génération. »
IV. – (Suppression maintenue) – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
I. – La section 1 du chapitre VIII ter du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est abrogée.
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code, les mots : « , par la pénalité prévue à l’article L. 138-24 » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, à modifier par ordonnance le code du travail applicable à Mayotte afin d’y rendre applicables et d’y adapter les dispositions de la présente loi.
II. – Le projet de loi de ratification de l’ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication. – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
I. – La pénalité prévue à l’article L. 5121-9 du code du travail est applicable aux entreprises et aux établissements publics qui n’ont déposé ni accord collectif, ni plan d’action auprès de l’autorité administrative compétente au 30 septembre 2013.
II. – L’aide mentionnée à l’article L. 5121-17 du même code est ouverte aux entreprises mentionnées à l’article L. 5121-7 dudit code à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour les embauches réalisées à compter du 1er janvier 2013.
III. – Par dérogation au 1° du I de l’article L. 5121-17 du code du travail, les entreprises mentionnées aux articles L. 5121-7 et L. 5121-8 du même code bénéficient d’une aide lorsqu’elles remplissent les autres conditions de l’article L. 5121-17 dudit code et qu’elles embauchent en contrat à durée indéterminée un jeune à l’issue du contrat à durée déterminée, du contrat d’apprentissage ou du contrat de professionnalisation conclu avec lui avant ses vingt-six ans, ou avant ses trente ans lorsqu’il s’agit d’un jeune bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, et avant la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par Mme Jouanno, MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 1er
Remplacer les mots :
au 30 septembre 2013
par les mots :
dans un délai de six mois à compter de la promulgation des décrets d'application de la présente loi
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes collègues de la commission des affaires sociales m’indiquent que, compte tenu des informations et des explications fournies au cours des dernières réunions de la commission, nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 22 est retiré.
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary et Buffet, Mme Troendle, MM. G. Larcher, Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard et Vial, Mme Primas, MM. Dallier, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
30 septembre
par la date :
31 décembre
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Le présent amendement tend à étendre de trois mois le délai au terme duquel les entreprises seront contraintes de déposer un accord collectif, un accord de groupe ou un plan d’action auprès de l’autorité administrative compétente.
Ce report est d’autant plus nécessaire que, passé la date butoir, l’absence d’accord expose les entreprises à des pénalités substantielles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le présent amendement a pour objet l’extension du délai au cours duquel les grandes entreprises devront conclure un accord ou un plan, en repoussant son terme du 30 septembre au 31 décembre 2013.
Toutefois, ce matin, la commission a estimé que la date du 30 septembre 2013 était raisonnable.
De plus, comme je l’ai déjà souligné tout à l'heure au sujet de l’amendement n° 41 rectifié, une circulaire du 2 octobre 2012 a enjoint aux services des DIRECCTE de sensibiliser les entreprises à la nécessité de poursuivre les négociations au sujet de l’emploi des seniors, dans la perspective des prochaines négociations prévues dans le cadre du contrat de génération.
Je puis vous garantir que, dans les territoires, les entreprises sont au fait de cette question ! En d’autres termes, elles auront, au total, bénéficié d’un an pour réfléchir à la problématique du contrat de génération.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. J’abonde dans le sens de Mme le rapporteur.
Premièrement, la date du 30 septembre 2013 a été fixée par les partenaires sociaux, qui regroupent non seulement les organisations représentatives des salariés, mais aussi les organisations représentatives des employeurs.
Deuxièmement, je tiens à insister sur un argument que Mme le rapporteur vient d’invoquer : depuis plusieurs mois déjà, nous avons informé nos administrations ainsi que les entreprises concernées – à savoir celles qui comptent plus de 300 salariés – de la création prochaine du contrat de génération et des diverses modalités de ce dispositif.
Au reste, ces firmes sont tout à fait préparées : je vous assure que nombre d’entre elles n’attendront pas le mois de septembre pour engager les négociations. Certaines ont d’ailleurs déjà pris les devants, en vue de conclure au plus vite les accords sur le contrat de génération.
Je suis personnellement en contact avec plusieurs directeurs des ressources humaines de grandes entreprises. Pour nous assurer que les mesures présentées par le Gouvernement et votées par le Parlement seront applicables dans de bonnes conditions, et pour éviter des complexités administratives et des surcharges de travail incompatibles avec le bon fonctionnement des entreprises, nous menons systématiquement ce travail en amont, avec les directions des ressources humaines concernées. Aussi, je peux vous affirmer que nombre d’entreprises se consacrent déjà à ce dossier, et qu’elles vont conclure des contrats de génération au cours des semaines à venir, d’ici au mois d’avril prochain.
Madame la sénatrice, la réalité du terrain est donc de nature à vous rassurer et à chasser vos inquiétudes : toutes les entreprises concernées seront capables de conclure un contrat de génération dans de bonnes conditions d’ici au mois de septembre.
En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Debré, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
Mme Isabelle Debré. Je ne connais sans doute pas les mêmes directeurs des ressources humaines que M. le ministre. De fait, certains d’entre eux nous ont expressément demandé un délai supplémentaire. Cette requête est modeste : nous sollicitons un report de trois mois, et non de trois ou quatre ans !
Toutes les entreprises ne disposent pas des mêmes moyens juridiques, toutes n’ont pas le temps, selon leur activité, de mettre en œuvre ces contrats de génération. Je regrette sincèrement que le Gouvernement et la commission ne soient pas favorables à ce report, sollicité, je le répète, par divers directeurs des ressources humaines d’entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez raison de souligner que les très grandes firmes n’auront aucun mal à mettre ce dispositif en place : elles disposent de vastes moyens, notamment de services juridiques. Néanmoins, les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, risquent, elles, d’éprouver des difficultés pour respecter ce délai, qui est d’autant plus court qu’il comprend la période estivale.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
(M. Didier Guillaume remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
Article 5 bis
(Non modifié)
Pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le corps de l’inspection du travail est accessible, sans préjudice des voies d’accès prévues par le statut particulier de ce corps, par la voie d’un examen professionnel ouvert aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail, dans la limite d’un contingent annuel. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Cet article, qui résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement présenté par le Gouvernement, vise l’évolution professionnelle des contrôleurs du travail. Il institue pendant une période de trois ans un examen professionnel ouvert aux contrôleurs du travail, afin de leur permettre d’accéder au corps des inspecteurs du travail. Cette évolution professionnelle s’accompagne, en conséquence, d’une revalorisation salariale.
Bien entendu, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ne sont pas opposés à ce que des fonctionnaires puissent bénéficier d’une mesure accroissant leur pouvoir d’achat, particulièrement dans le contexte de crise économique et de rigueur que personne ne peut méconnaitre.
Toutefois, je le note, cette mesure, introduite par le Gouvernement, est sans lien avec l’accord national interprofessionnel, ou ANI, que le présent projet de loi est censé transposer et elle n’a pas fait l’objet d’une négociation dans ce cadre. Elle n’a d’ailleurs donné lieu à aucune négociation que ce soit avec les organisations syndicales au sein du ministère du travail.
Il est tout de même paradoxal de sacraliser le dialogue social en transposant à l’identique, ou presque, un accord national interprofessionnel négocié au mot près, tout en y insérant une disposition qui n’a fait l’objet d’aucune négociation – j’y insiste – avec les principaux intéressés.
Le paradoxe semble plus grand encore lorsque l’on sait que l’ANI a été adopté à l’unanimité, alors que la mesure prévue dans cet article est contestée par les organisations syndicales majoritaires.
De plus, la mesure que vous proposez, monsieur le ministre, ne profitera qu’à un nombre réduit de contrôleurs – 540 environ, quelque 85 % des contrôleurs du travail demeurant dans leur situation actuelle. Leur revendication d’un passage en catégorie A type nous paraît pourtant légitime. Leurs missions sont proches, en effet, de celles des inspecteurs du travail. Naturellement, ces derniers continueraient à relever de la catégorie A spécifique dont ils dépendent et conserveraient ainsi une rémunération supérieure à celle des contrôleurs.
Les contrôleurs non concernés par votre mesure seront très majoritaires, et rien ne semble prévu pour eux, si ce n’est leur entrée dans le nouvel espace salarial, une mesure contestée par l’ensemble des organisations syndicales. Les inquiétudes sont grandes, et les organisations syndicales majoritaires, la CGT, la FSU et SUD, ont fait connaitre leur opposition.
Dans ce contexte, il nous semble plus opportun que le Gouvernement négocie avec les organisations syndicales les conditions de mise en œuvre de cette mesure ainsi que, de manière générale, l’ensemble de la réforme de l’inspection du travail.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC s’abstiendra sur cet article.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Cet article prévoit l’accession des contrôleurs du travail au corps de l’inspection du travail, par la voie d’un examen professionnel, dans la limite d’un contingent annuel, pendant une durée de trois ans.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que 540 contrôleurs du travail pourront être concernés sur un total de 3 413 actuellement, selon nos sources. Ils ont donc vocation à rejoindre le corps des inspecteurs. Un simple calcul arithmétique amène donc à poser une première question : quel est l’avenir professionnel des 2 873 autres ? La pyramide des âges au sein de ce corps est nettement inversée, de nombreux contrôleurs ayant plus de 50 ans. Toutefois, il semble hasardeux de faire fond sur une extinction progressive, comme d’aucuns le craignent. En outre, cette hypothèse assez malsaine créerait certainement davantage de problèmes et aboutirait à une démotivation préjudiciable au service.
Par ailleurs, les contrôleurs sont affectés aux entreprises de moins de 50 salariés, qui sont, et seront dans un proche avenir, le tissu économique majeur de notre économie. Comme vous le savez, c’est aussi dans ces entreprises que les droits de salariés, pour ne pas dire la législation du travail dans son ensemble, sont les moins bien respectés ; il faut reconnaître cependant que la cause de cette situation est moins souvent la mauvaise volonté que le manque de moyens et de compétences en ce domaine.
Monsieur le ministre, vous avez entrepris une réorganisation du ministère du travail afin d’obtenir plus de cohérence et d’efficacité face à un environnement changeant. Vous avez, à cette fin, engagé un dialogue social avec les organisations syndicales qui avaient été fort malmenées ces dernières années. La RGPP a fait des ravages, aggravés par une absence de considération et de reconnaissance des efforts accomplis.
Des évènements tragiques ont eu lieu. Il ne fait pour nous aucun doute que le climat était conflictuel et délétère, et que vous avez commencé à l’apaiser. C’est une politique de sagesse, que nous approuvons évidemment et que nous ne saurions trop vous encourager à poursuivre et même à approfondir.
Sur le fond, nous nous interrogeons sur les principes qui guident cette réorganisation et ses modalités de mise en œuvre. La fonction d’appui a été développée ces dernières années de façon souvent un peu chaotique. Elle est nécessaire pour fonder une cohérence. La spécialisation de certains agents, au sein d’équipes pluridisciplinaires est aussi envisagée. Sans doute est-elle justifiée, notamment pour renforcer la sécurité et la santé au travail.
Cependant, la réponse de terrain, à la fois généraliste et de proximité, doit rester le fondement de l’action de contrôle comme de prévention. L’inspecteur du travail est, et doit rester, l’interlocuteur privilégié, le secours ultime des salariés victimes d’atteintes à leurs droits, à leur sécurité, à leur santé, à leurs conditions de travail.
Des inquiétudes s’expriment. Nous-mêmes sommes très attentifs à la préservation d’un maillage territorial serré, pour que soient défendus la santé et les droits des salariés, le conseil aux employeurs, ou la lutte contre le travail illégal.
Cette exigence implique que soient maintenus des effectifs en nombre suffisant sur le terrain. Comme vous le savez aussi, le groupe socialiste ne cesse de demander, depuis de nombreux examens de lois de finances, un renforcement sérieux des effectifs. Nous attendons beaucoup sur ce point.
Comme le rappelle souvent le sénateur Jean-Jacques Mirassou, le monde du travail n’est pas le monde des Bisounours. (Sourires.) Il n’est pas non plus un univers fantasmé par une technocratie hors-sol. Dans de nombreux pays, la condition des travailleurs est dramatique. Pour protéger les salariés et faire respecter le droit, notre pays s’est doté d’un corps d’inspection remarquable, qu’il ne faut pas décourager davantage. Les premières victimes en seraient les salariés.
Nous sommes tout à fait confiants quant à vos intentions et votre action. C’est pourquoi nous vous demandons aujourd’hui de nous préciser vos intentions en matière de politique du travail, les modalités de réorganisation envisagées sur le plan territorial et fonctionnel, ainsi que les moyens qui en découlent.
Le groupe socialiste votera bien évidemment cet article 5 bis.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je répondrai de manière précise aux questions qui viennent d’être posées et qui, je pense, intéressent le Sénat dans son ensemble.
Quelle est la situation d’où nous partons ? Deux corps de contrôle et d’inspection interviennent dans le domaine de la surveillance des entreprises et de la protection des salariés : les inspecteurs et les contrôleurs du travail.
Cette division en deux corps est une spécificité française. La plupart des autres grands pays qui appliquent les conventions sur le droit du travail de l'Organisation internationale du travail, l’OIT, ne disposent que d’un seul corps, en général équivalent à notre corps de catégorie A, compte tenu de la technicité et de la qualification requises.
La France vit donc avec les inspecteurs et les contrôleurs. Un critère, que vous avez évoqué, monsieur Kerdraon, distingue les deux corps : la taille des entreprises qu’ils surveillent. La compétence des inspecteurs du travail porte sur les entreprises de plus de 50 salariés ; les contrôleurs travaillent dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à ce seuil. Le raisonnement qui avait présidé à cette distinction a longtemps été valable : plus l’entreprise est grande, plus le travail est compliqué ; plus elle est petite, plus il est simple.
Cette distinction n’est plus pertinente aujourd’hui. En effet, de nombreuses modifications sont intervenues, beaucoup de grandes entreprises ont externalisé des activités vers des entreprises plus petites et le lien entre la petite et la grande entreprise est beaucoup plus serré. Le travail d’inspection ou de contrôle doit aujourd’hui être mené sur un réseau, un ensemble d’entreprises, et non pas simplement être divisé entre entreprises de plus ou moins 50 salariés. Il est donc absolument indispensable de mettre en place une autre manière de travailler.
Depuis longtemps, le corps des contrôleurs ressent comme une injustice profonde cette différence de statut et de rémunération, alors que son travail est souvent aussi compliqué, parfois même plus, que celui des inspecteurs, compte tenu de ces relations complexes entre petites et grandes entreprise. Ces dernières fonctionnent souvent, en outre, avec d’importants services de DRH, donc selon des mécanismes beaucoup plus simples. L’un de mes prédécesseurs au ministère du travail, M. Gérard Larcher, attachait d'ailleurs une grande importance aussi bien au corps des inspecteurs qu’au corps des contrôleurs ; il acquiescerait à mon observation s’il m’entendait.
Cette situation n’a donc plus de raison d’être. Elle crée chez les contrôleurs une frustration profonde, qui s’exprime depuis longtemps. Des tentatives de réforme ont déjà été menées, qui ont été évoquées, comme la création du nouvel espace salarial, le NES, que les personnels ont refusé. J’ai donc rouvert la discussion et la négociation pour trouver une solution.
Ce processus est également lié à une question posée par ce projet de loi, celle des moyens, qui est reprise par nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Le nouveau dispositif va créer de nouvelles nécessités de contrôle, d’homologation, de vérification de la qualité des négociations et des plans mis en place. Il faudra bien contrôler que le contrat de génération en lui-même est bien respecté, en particulier en ce qui concerne les obligations en termes de formation des uns et des autres.
Un lien étroit existe donc entre la réforme qui vous est proposée dans cet article 5 bis, mesdames, messieurs les sénateurs, et la mise en œuvre, dans de bonnes conditions, de l’ensemble du projet de contrat de génération. C’est vrai également pour d’autres textes passés, sur les emplois d’avenir, ou à venir, concernant d’autres mesures.
Ce constat suscite deux questions, que vous avez posées l’un et l’autre, monsieur Watrin, monsieur Kerdraon.
Premièrement, s’agissant des contrôleurs eux-mêmes, nul ne peut refuser, vous l’avez dit, la possibilité qui est ouverte à 130 contrôleurs cette année et à 540 en l’espace de trois ans d’accéder au poste d’inspecteur du travail.
Néanmoins, vous posez avec raison la question inverse. Quel destin est-il prévu pour les autres ? Bien évidemment, je n’ai pas proposé de faire de faire de cet effectif de 540 le terme ultime de la réforme. Je l’ai déjà expliqué aux organisations syndicales, avec lesquelles des négociations continuent sur les modalités du processus.
Je propose 540 passages dans le corps des inspecteurs tout de suite, et pour cela cette disposition de caractère législatif est nécessaire, puis nous nous placerons dans un processus plus global de réforme au sein de la fonction publique. Le secteur qui nous occupe n’est en effet pas le seul où la différenciation entre inspecteurs et contrôleurs, entre corps de catégorie B+, comme l’on dit, et de catégorie A, pose question. D’autres corps de contrôle ou d’inspection, dans d’autres secteurs de l’État, sont confrontés à cette question, et une réforme globale sera donc mise en œuvre.
Selon moi, la disposition qu’il vous est demandé d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, répond à l’urgence d’une revendication profonde et légitime du corps des contrôleurs. Toutefois, nous devons également nous placer dans la durée. Dans ce cadre, tous les postes de contrôleur du travail seront concernés dans les dix prochaines années. Nous proposons 130 passages en 2013, 540 dans les trois ans, et 3 234, en équivalents temps plein de contrôleurs, dans les dix ans.
Nous devons faire cette réforme progressivement, parce qu’il faut organiser un certain nombre d’examens professionnels et mettre en place des formations. En effet, il ne s’agit pas simplement d’un passage de contrôleur à inspecteur : il faut aussi vérifier que les agents concernés disposent bien des compétences nécessaires pour occuper ces nouveaux postes.
Telle était donc la première question. Ma réponse est que le processus ne concerne pas 540 contrôleurs puis plus personne, mais bien tout le monde, de façon progressive.
La seconde question concerne ma vision de l’inspection du travail. Certains – je ne mets pas en cause leur bonne foi – considèrent que cette démarche dissimule une certaine vision de l’avenir de l’inspection du travail.
C’est vrai, j’ai une vision de l’inspection du travail. Je me limiterai à quelques mots à cet égard, même si je puis être intarissable sur le sujet, compte tenu de la reprise du dialogue avec ces organisations syndicales. En effet, je préside moi-même les comités techniques paritaires ministériels et j’y attache beaucoup d’importance.
Toutes les organisations syndicales sont présentes autour de la table, alors que, auparavant, le dialogue était rompu et la situation extrêmement difficile. Je ne veux pas trop insister sur ce point, mais nous avons connu des situations dramatiques, comme des suicides d’inspecteurs du travail, qui ont considérablement meurtri l’ensemble des corps et des personnels concernés.
Quelle est donc ma vision ?
Elle consiste à partir de ce que l’inspection du travail fait aujourd’hui. Elle est territorialisée et sa compétence est générale. C’est très important parce que cela veut dire que chaque entreprise a un référent et qu’à chaque inspecteur du travail correspond un territoire sur lequel il intervient. Cette territorialisation et cette compétence générale sont la base du métier et il n’est pas question d’y toucher.
Doit-on en rester là ? Non, et je considère – c’est le deuxième élément de ma vision – que des évolutions sont nécessaires. Je prendrai deux exemples qui démontrent cette nécessité.
En premier lieu, puisque nous voulons que, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, les plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soient respectés dans les entreprises, notamment en matière salariale, nous devons être capables, sur l’ensemble d’un territoire ou à l’échelle d’un groupe implanté en différents points du territoire, de procéder à des contrôles et d’exercer la pression nécessaire pour que l’égalité salariale soit respectée à l’échelle du groupe. Or, pour mettre en œuvre cette politique que nous souhaitons tous, les inspecteurs du travail doivent être en mesure de travailler au-delà des limites de leur territoire.
En second lieu, nous devons nous donner les moyens de lutter contre le travail illégal, ce que me demandent toutes les organisations syndicales, sans exception, en particulier au niveau confédéral. Nous savons tous que des abus sont commis à travers le recours aux personnels dits « détachés ». Les conditions de travail de ces salariés venus d’un autre pays de l’Union européenne sont censées respecter les règles sociales en vigueur dans notre pays, notamment en termes de rémunération et d’hébergement. Dans les faits, cependant, il y a souvent intérêt à aller y regarder de plus près…
Mme Isabelle Pasquet. En effet !
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Michel Sapin, ministre. De surcroît, on a généralement affaire à des dispositifs extrêmement compliqués, avec une cascade d’entreprises, depuis le donneur d’ordre jusqu’aux divers sous-traitants, en passant par l’entreprise étrangère qui déplace du personnel sur le chantier.
Cela signifie que ce n’est pas à un seul endroit qu’il faut agir, comme le font la plupart du temps les fonctionnaires de l’inspection du travail. D’ailleurs, ils sont les premiers à nous dire que, finalement, ils « tapent » sur les plus faibles, sur ceux qui sont présents sur tel chantier de construction, alors qu’il faudrait remonter toute la filière jusqu’au donneur d’ordre.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Michel Sapin, ministre. Seulement, décortiquer une telle mécanique et identifier les donneurs d’ordre suppose parfois de se rendre à l’autre bout de l’Hexagone !
Vous le voyez, de nouvelles missions doivent être conduites par l’inspection du travail, bien entendu dans le respect de l’indépendance des inspecteurs du travail, pour déjouer de nouvelles modalités de mise en cause des intérêts des salariés.
C’est dans le cadre de cette vision que s’inscrit l’augmentation du nombre des inspecteurs du travail, laquelle permet également de satisfaire une revendication légitime des contrôleurs du travail.
Pardon, monsieur le président, d’avoir été un peu long, mais je sais que cette question intéresse beaucoup les sénateurs de tous bords. En tout cas, moi, elle me passionne ; je veux que la situation bouge, je veux qu’on respecte les inspecteurs du travail !
Je connais la manière dont ces fonctionnaires travaillent sur le terrain. Chaque fois que je me déplace, j’accompagne, incognito – si je puis dire ! –, un inspecteur du travail dans une entreprise. Évidemment, le patron ne manque pas de se dire qu’il a déjà vu cette tête-là quelque part, mais il sait bien que je ne suis pas un des fonctionnaires de l’inspection du travail auxquels il est habitué… (Sourires.) Mais je demande à chacun de faire comme si je n’étais pas là, parce que je veux voir concrètement comment les choses se passent, tout en ayant la plus grande considération pour la manière dont les inspecteurs du travail accomplissent leur mission.
Quoi qu'il en soit, je sais qu’il faut conserver à la fois la territorialisation et la compétence générale de l’inspection du travail, mais que de nouvelles méthodes sont aussi nécessaires pour arriver à « taper » là où c’est nécessaire. Le fait est que, malheureusement, certaines entreprises, évidemment minoritaires, cherchent à contourner la législation et à exploiter des personnels.
La plupart des entreprises sont d’ailleurs les premières victimes de celles qui utilisent des méthodes contraires à la loi ; c’est pourquoi elles nous demandent d’être plus pertinents dans nos investigations et dans la poursuite des délits, car les abus en matière de travailleurs européens détachés, par exemple, sont bien des délits. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 6
À compter du 30 juin 2014, un rapport du Gouvernement est déposé au Parlement, chaque année, sur la mise en œuvre du contrat de génération. Il précise le nombre d’accords d’entreprise, de groupe et de branche conclus, de plans d’action élaborés et d’entreprises n’étant couvertes ni par un accord, ni par un plan d’action. Il évalue le nombre de créations d'emploi qui en résultent. Ce rapport analyse également les difficultés de mise en œuvre rencontrées par les entreprises et l’administration.
Il présente les modalités d’application du contrat de génération dans les départements et régions d’outre-mer.
Trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, il évalue l’opportunité de modifier les conditions d’âge pour accéder au dispositif et de mettre en place, dans les entreprises employant entre cinquante et trois cents salariés, une pénalité en cas d’absence d’accord d’entreprise ou de plan d’action.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 6 du projet de loi a notamment pour objet de reprendre les dispositions qui figuraient en son article 1er bis. Il résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement déposé par le député Serge Letchimy et son groupe et tendant à prévoir le dépôt au Parlement d’un rapport sur les modalités de mise en œuvre du contrat de génération dans les départements et les régions d’outre-mer.
Or il nous semble que, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne prévoit pas de modalités d’application particulières pour les DOM, les contrats de génération devant s’appliquer de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à la Réunion ; les seules règles propres à l’outre-mer figurent à l’article 4 du projet de loi et concernent exclusivement Mayotte, dont le droit du travail présente certaines spécificités.
Nous trouvons curieux que l’on prévoie l’évaluation des conditions d’application du contrat de génération dans des territoires auxquels s’appliqueront les règles de droit commun. Si des dispositions dérogatoires doivent être prises par voie réglementaire, il serait opportun que le Gouvernement nous en informe.
Si j’avoue mal cerner la portée de cette disposition, je ne nie pas pour autant les singularités des départements et des régions d’outre mer, qui rencontrent des difficultés considérables. Il y a peu, mon collègue et ami Paul Vergès m’a fait part de la situation particulièrement dramatique que connaît l’île de la Réunion : au cours du mandat présidentiel, entre 2012 et 2017, l’île va compter 50 000 habitants supplémentaires, ce qui provoquera, en l’absence de mesures d’ampleur, une aggravation des problèmes dans tous les domaines.
La Réunion compte déjà 160 000 demandeurs d’emploi, soit un taux de chômage de l’ordre de 60 %. Compte tenu du nombre de jeunes bacheliers – 10 000 par an, environ –, ce chiffre est appelé à croître, d’autant plus que les entreprises réunionnaises sont frappées par la crise plus durement encore que celles de la métropole. Le taux de chômage des jeunes à la Réunion bat des records : malgré leurs diplômes, près de 23 000 Réunionnais de moins de 25 ans étaient privés de travail à la fin du mois de décembre 2012. Cette précarité sociale accrue est d’autant plus insupportable que les inégalités de revenus dans l’île sont très importantes, au point que beaucoup parlent d’un « apartheid social ».
Au nom de mon collègue Paul Vergès, je vous demande, monsieur le ministre, si des mesures spécifiques vont être prises pour les DOM. Dans l’affirmative, quelles seront-elles ?
J’ajoute que le nombre de contrats aidés à la Réunion semble être en nette diminution en 2013 par rapport aux années précédentes, alors même que le chômage connaît une augmentation continue dans l’île. Dans ces conditions, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir l’emploi à la Réunion et dans les DOM en général ?
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
l’entrée en vigueur
par les mots :
la promulgation
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement rédactionnel m’offre l’occasion de rappeler la position de la commission des affaires sociales relativement à l’article 6 du projet de loi, tout en faisant écho aux propos de notre collègue Isabelle Pasquet.
Nous avons souhaité regrouper au sein de cet article toutes les dispositions relatives au rapport sur le contrat de génération que le Gouvernement devra remettre au Parlement chaque année à compter du 30 juin 2014 ; je ne reviens pas sur toutes les précisions qui ont été rappelées tout à l’heure.
Madame Pasquet, nous n’avons pas voulu faire un cas particulier des départements et des régions d’outre-mer, et cela tout simplement parce qu’ils n’en sont pas un. Cela étant, on peut avoir l’impression que l’alinéa 2 de l’article 6 vise des modalités d’application du contrat de génération spécifiques aux départements et aux régions d’outre-mer. Je pense donc qu’il faudrait rédiger cet alinéa de manière un peu différente, par exemple en précisant que, dans le rapport annuel du Gouvernement au Parlement, on devra veiller à la mise en œuvre du contrat de génération dans les départements et les régions d’outre-mer. La commission mixte paritaire permettra éventuellement de procéder à ce changement de formulation.
Enfin, nous avons souhaité introduire un alinéa 3 prévoyant l’éventualité d’une modification des bornes d’âge. Un certain nombre de nos collègues sont revenus sur cette question au cours de cette discussion. Il nous a semblé important que, trois ans après la promulgation de la loi, on puisse évaluer l’opportunité de changer les conditions d’âge.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’amendement n° 63, auquel le Gouvernement est favorable, me permet d’apporter à mon tour quelques réponses aux questions tout à fait légitimes posées par Mme Pasquet.
Aujourd’hui, aucune disposition particulière n’est prévue pour la plupart des DOM ; il y a seulement certaines spécificités de l’outre-mer, notamment de Mayotte, dont il faudra tenir compte.
Au reste, c’est certainement dans les départements d’outre-mer que le contrat de génération pourra s’appliquer le plus rapidement et le plus généralement.
En effet, le niveau élevé du chômage des jeunes dans ces territoires devrait favoriser le recours au contrat de génération, dont je vous rappelle qu’il concerne tous les jeunes, même les jeunes qualifiés. En outre, comme plusieurs sénateurs ultramarins l’ont signalé, ces territoires possèdent un grand nombre de petites et parfois de très petites entreprises, dans lesquelles la question de l’arrivée d’un jeune est absolument cruciale, y compris dans la perspective de la transmission de l’entreprise, pour laquelle une modalité particulière du contrat de génération est prévue.
De nombreux acteurs locaux m’ont dit que le contrat de génération les intéressait énormément et qu’ils allaient se battre pour le faire connaître. Aussi je pense que ce dispositif trouvera à s’appliquer dans les territoires d’outre-mer avec une ampleur et un dynamisme particuliers.
Nous avons pris la précaution de prévoir, à l’article 6 du projet de loi, que la situation de l’outre-mer ferait l’objet d’une analyse particulière à compter du 30 juin 2014. En effet, s’il n’y a pas aujourd’hui de disposition spécifique à l’outre-mer, il y a en outre-mer une situation particulière. (Mmes la rapporteur et la présidente de la commission acquiescent.) C’est pourquoi il sera nécessaire de vérifier, dans un peu plus d’un an, si cette situation particulière est en adéquation avec l’absence de dispositions particulières. Sur le fondement des données statistiques dont nous disposerons, nous aurons la possibilité d’apprécier le dispositif, et éventuellement de le modifier.
Madame Pasquet, c’est ainsi que le Gouvernement entend lutter contre le chômage des jeunes en outre-mer et y favoriser un véritable développement économique, propre à créer de la richesse et des emplois, ce dont les territoires ultramarins ont bien besoin !
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7 (nouveau)
L’article L. 5133-11 du code du travail est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt, Savary, Buffet et G. Larcher, Mme Troendle, MM. Cléach, Legendre, Gournac, Duvernois, Beaumont, Huré, Chauveau, Fleming et Paul, Mmes Farreyrol et Duchêne, MM. Leleux, Magras, J. Gautier, P. Dominati, César, Trillard, Vial, de Legge, de Montgolfier, Couderc et Charon, Mmes Lamure et Sittler, MM. Hyest, G. Bailly, Doligé, Cambon et P. Leroy, Mme Des Esgaulx et MM. J.P. Fournier et B. Fournier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. La commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme la rapporteur tendant à supprimer un dispositif d'aide à l'embauche des seniors demandeurs d'emploi qui avait été créé lors de la réforme des retraites de 2010, la raison invoquée pour justifier cette suppression étant que le dispositif en question n’avait donné lieu à aucun décret d’application.
Ce dispositif n’en demeure pas moins un bon moyen d'insérer les seniors, moins complexe et mieux ciblé que le contrat de génération. En effet, il permet d’augmenter le nombre d’embauches de seniors, et non simplement de maintenir en activité les seniors qui ont déjà un emploi.
Je considère que ce dispositif devrait être réactivé.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous voulez dire « activé » !
Mme Isabelle Debré. En tout cas, il ne faut pas le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame Debré, j’entends votre argument, mais, vous l’avez dit vous-même, depuis 2010, aucun décret d’application n’est paru, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu de volonté de faire exister ce dispositif.
Mme Isabelle Debré. Il n’est jamais trop tard !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ce dispositif n’ayant jamais été appliqué, nous vous proposons de maintenir l’article 7 du projet de loi qui en prévoit la suppression. La commission des affaires sociales est donc défavorable à l’amendement n° 45 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Il est vrai qu'il est difficile de mesurer l'efficacité d'un dispositif qui n'a jamais été mis en œuvre, et donc de présumer la nocivité de sa suppression...
Madame la sénatrice, sur le fond, je peux comprendre votre raisonnement : si cette mesure est bonne mais que votre propre majorité n’a jamais rendu son application possible, pourquoi ne le ferions-nous pas aujourd'hui ? C’est tout simplement parce qu’une autre raison prévaut, une raison de bon sens : nous créons le contrat de génération et c'est ce dispositif que nous souhaitons privilégier dans le cadre des politiques en faveur de l'emploi des seniors.
Au cours de ce débat, beaucoup d'entre vous nous ont mis en garde : attention à ne pas multiplier les dispositifs, à ne pas ajouter une nouvelle couche au millefeuille existant, comme nous le faisons trop souvent en juxtaposant les dispositifs, au point que, à la fin, plus personne n'y comprend rien !
Le contrat de génération simplifie et réunit en un seul document plusieurs négociations qui existaient auparavant. Il permet en outre aux entreprises de bénéficier d'une aide importante en cas d’embauche d'une personne de plus de 55 ans, quand elle est couplée avec celle d’un jeune.
Nous privilégions la simplicité et l'efficacité par rapport à la superposition de mécanismes inopérants.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du II bis de l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est ainsi modifié :
1° Le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et s'applique, par dérogation aux dispositions du dernier alinéa du I, aux sommes versées au plus tard le 31 décembre 2013. »
II. - L'exonération prévue au II bis de l'article 3 de la même loi est compensée par le budget de l'État, sur les crédits de la mission « Outre-mer », programme « Emploi outre-mer », figurant à l'état B des états législatifs annexés au projet de loi de finances pour 2013.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Il s'agit d'une disposition spécifique à l'outre-mer, qui nous permet d’aller dans le sens souhaité par certains sénateurs.
En application de l’article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, les employeurs implantés dans une région ou un département d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, dans lequel un accord régional ou territorial interprofessionnel a été conclu selon les modalités prévues à l’article L. 2232-2 du code du travail, peuvent, dans certaines conditions, verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an. Chacun se souvient que ce bonus a été mis en place à la suite des grandes difficultés sociales qui étaient survenues dans ces territoires.
Ce dispositif a bénéficié d’une prolongation d’un an qui vient aujourd'hui à échéance. Aussi, il est proposé de prolonger, au titre des bonus versés, pour une cinquième année et jusqu’au 31 décembre 2013 au plus tard, les exonérations de cotisations sociales dont ils bénéficient. Nous verrons ensuite s'il y a lieu de le proroger encore.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous venons de le voir lors de l'examen de l'article 6, il n'y a pas de règles particulières pour les départements et collectivités d'outre-mer, d'une part, pour la métropole, d'autre part. En revanche, la situation socio-économique est très différente selon les territoires ; au cours de la discussion générale, hier soir, notre collègue Jean-Étienne Antoinette y a fait largement allusion. Ainsi, en outre-mer, le taux de chômage est deux à trois fois supérieur à celui de la métropole, quelles que soient les catégories d'âge concernées.
Par conséquent, nous ne pouvons qu'être d'accord avec la proposition du Gouvernement de prolonger jusqu'au 31 décembre 2013 les exonérations de cotisations sociales concernant le bonus exceptionnel versé aux salariés dans certaines collectivités ultramarines. Ce sujet a d’ailleurs été abordé lors de rencontres pour l’emploi outre-mer qui se sont déroulées au mois de juin 2012.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Félix Desplan, pour explication de vote.
M. Félix Desplan. Monsieur le ministre, je suis bien évidemment favorable à cette mesure. J'enfonce sans doute une porte ouverte, mais je tiens à m'assurer que nos motivations sont identiques.
Je prends acte de cet amendement qui, outre-mer, permettra aux employeurs versant une prime de continuer à bénéficier, pour un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié, d’une exonération de charges sociales. Compte tenu des difficultés financières de bien des entreprises ultramarines, je comprends la volonté du Gouvernement de prolonger à nouveau de quelques mois un dispositif provisoire, qui avait été élaboré en 2009 pour aider à apaiser de graves troubles sociaux.
À la suite d’« accords régionaux interprofessionnels sur les salaires », l’État s’était alors engagé à accorder pendant trois ans des exonérations de charges sociales, hors CSG, CRDS et forfait social, aux entreprises ultramarines, contribuant au versement d’une prime exceptionnelle à leurs salariés. Ce dispositif représente, depuis sa création, un coût de l’ordre de 30 millions à 40 millions d'euros.
Il faut dire que le gouvernement précédent avait pris à l’époque quelques mesures de sortie de crise sans pour autant agir efficacement sur le fond. Heureusement, depuis, les choses ont changé !
Ainsi, sur l’initiative de Victorin Lurel, ministre des outre-mer, une loi contre la vie chère outre-mer a été votée au mois de novembre dernier. Ce texte est destiné à faire baisser les prix, qui sont de 30 % à 50 % supérieurs à ceux que l’on constate dans l’Hexagone, à corriger les situations de monopole ou d’oligopole et à renforcer la transparence des prix.
En outre, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, nous avons voté des dispositions favorisant la compétitivité des entreprises en allégeant le coût du travail.
Aujourd’hui, nous facilitons l’embauche de jeunes tout en maintenant des seniors dans l’emploi, deux catégories de salariés particulièrement touchées par le chômage dans les territoires ultramarins.
L’ensemble de ces initiatives devraient produire leurs effets dans les prochains mois, en tout cas en 2014. Aussi, je formule l’espoir que cela suscitera un nouveau modèle économique, plus dynamique, plus favorable à la croissance, et rendra superflue la prorogation au-delà de l’an prochain d’un dispositif conçu, je le répète, comme provisoire.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par un constat en forme de regret : un seul de nos amendements a été adopté, et encore était-il identique à un amendement déposé par le groupe RDSE ; tous les autres ont été rejetés.
Le groupe UMP votera contre ce projet de loi.
Nous voulons tout d’abord dénoncer le décalage entre les annonces du Gouvernement et les effets que l’on peut raisonnablement attendre de ce dispositif. La majorité annonce en effet 500 000 créations d’emplois grâce à cette mesure, ce qui est tout simplement impossible selon les prévisions des économistes.
M. Alain Néri. Impossible n'est pas français !
Mme Isabelle Debré. De plus, deux tiers des emplois prévus bénéficieront en fait d’un « effet d’aubaine » : ils auraient été créés de toute façon. Je l’ai déjà rappelé, cet effet d’aubaine a été dénoncé par plusieurs personnalités de gauche pendant les primaires socialistes.
Par ailleurs, le contrat de génération reposait initialement sur l’idée séduisante d’une solidarité entre les générations. Or le texte prévoit aujourd'hui que le référent du jeune ne sera pas forcément le senior avec lequel il constitue un binôme, ni même un senior de l'entreprise.
En outre, ce texte fait subir des contraintes et des contrôles aux entreprises et les expose à des sanctions supplémentaires.
Nous voulons également dénoncer le coût très important de cette mesure : un milliard d’euros par an, en rythme de croisière !
Force est de constater que la nouvelle majorité multiplie les dispositifs au lieu de renforcer ceux qui existent déjà et qui ont fait leurs preuves, tels l’alternance et l’apprentissage. Le contrat de génération ne prévoit que très peu de choses pour la formation des jeunes, qui seule peut leur permettre d’accéder durablement à un emploi.
Enfin, nous contestons le mode de financement choisi. Ce dispositif reposera sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, créé au mois de décembre dernier par le Gouvernement, qui se trouve de ce fait déjà amputé avant même d’avoir été mis en œuvre.
En bref, monsieur le ministre, nous attendons que vous engagiez les réformes d'ampleur qui sont nécessaires pour donner aux entreprises les moyens d'embaucher et non pas que vous multipliiez les dispositifs hasardeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vergoz.
M. Michel Vergoz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, heureusement que nous avons agi !
M. Michel Vergoz. Il y a neuf mois seulement, nous étions dans le trou !
Mme Catherine Procaccia. On y est encore !
M. Michel Vergoz. Saisissez donc l'échelle que l'on vous tend pour en sortir, madame !
Nous étions dans le trou, disais-je, et nous le ressentions plus encore en outre-mer que dans l'Hexagone puisque, comme l'a fort bien rappelé Mme la rapporteur tout à l'heure, les chiffres de la métropole sont trois fois moins mauvais que les nôtres.
Monsieur le ministre, je me félicite que nous soyons intervenus pour qu'enfin, sur la question de l'emploi, la boîte à outils soit complète.
Je ne reviens pas sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi : il s’agit d’une grande avancée dont tout le monde se réjouit. Je ne reviens pas non plus sur la Banque publique d'investissement, qui est un bel outil. J’axerai mon propos sur les contrats qui favorisent l’emploi.
Je m'inscris en faux contre les propos qu'a tenus tout à l'heure ma collègue Isabelle Pasquet sur la baisse du nombre de contrats aidés. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, nous avons voté la création d'un nombre important de contrats aidés : de mémoire, 340 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi et 50 000 contrats d’initiative emploi. Je peux comprendre qu’à la Réunion, à 9 000 kilomètres d’ici, on entende le contraire, mais pas dans cet hémicycle !
Nous avons également décidé la création de 100 000 contrats d’avenir en 2013. Ce nouvel outil est déjà opérationnel dans nos régions, hélas un peu moins dans certaines que dans d'autres.
Nous sommes maintenant sur le point d'adopter le contrat de génération.
Quelle boîte à outils !
Jamais nous n’aurions pu obtenir de telles avancées voilà neuf mois. Soyons donc fiers de notre action. J'invite par conséquent ceux qui traînent les pieds à se joindre à nous. Nous agissons dans l'intérêt de notre jeunesse et de ceux qui, tous les jours, vivent l'exclusion, qui sont dans l'impossibilité de réaliser tout projet de vie car, le matin, lorsqu'ils se réveillent, ils ont rendez-vous avec le néant. Voilà la réalité, ici comme en outre-mer !
Je me félicite d'autant plus de la mise en place de ces nouveaux outils que chez nous, Mme la rapporteur l’a rappelé à juste titre, 60 % des jeunes âgés de 15 ans à 24 ans sont au chômage, contre 24 %, chez vous, chers collègues de l’Hexagone. Vraiment, nous ne jouons pas dans la même cour ! Ici, le taux de chômage est de 10 % et on s'affole. Outre-mer, chez nous… Je dis « chez nous », mais c'est aussi chez vous : madame Procaccia, ne vous ai-je pas invitée 1 000 fois ?
Mme Catherine Procaccia. Ah bon ? (Sourires.)
M. Michel Vergoz. Mais oui ! Vous avez une courte mémoire ! En tout cas, je vous attends, pour que vous puissiez vous imprégner de la réalité ultramarine !
Mme Catherine Procaccia. Je n’ai pas attendu votre invitation pour y aller !
M. Michel Vergoz. Alors, on ne vous a sans doute pas tout fait visiter !
Chez nous, donc, ce taux s'élève à 30 %.
Notre fierté à nous, ultramarins, quand nous allons voter ce texte, sera donc beaucoup plus grande que celle que vous pourrez ressentir, chers collègues qui allez faire de même.
Pour autant, est-ce gagné, monsieur le ministre ? Certes non, vous avez bien raison !
Mais reconnaissons que le Président de la République a tenu ses promesses. Le contraire eût été surprenant, d’ailleurs.
Le Gouvernement a mis en œuvre les engagements du Président de la République. Quant au Parlement, il fait son travail, en les mettant en musique.
Désormais, que nous reste-t-il à accomplir, mes chers collègues ? À faire vivre cette loi, à faire vivre ces avancées successives ! Ce sera difficile, je le reconnais. Il nous faudra susciter l’adhésion de nos partenaires naturels, les chefs d’entreprise, qui devront trouver leur compte dans le dispositif. Mais je les sais particulièrement intelligents – je suis moi-même chef d’entreprise ! (Sourires.) Ne les faisons pas passer pour plus bêtes qu’ils ne sont : ils savent où est leur intérêt !
S’agissant des emplois d’avenir dans les mairies, les régions, les départements et les associations, je sais que certains traînent des pieds, au prétexte que ce ne serait pas « leur loi ». Je leur dis : appropriez-vous ce texte, car c’est la loi de la République ! Elle appartient à notre jeunesse ; elle appartient à tout le monde ! Qui oserait dire à un jeune qui n’a aucune perspective le matin lorsqu’il se réveille : « Je suis un élu de droite, je n’ai pas d’emploi d’avenir pour toi, parce que les emplois d’avenir, c’est une création de François Hollande ? » Serions-nous aussi ridicules que cela ? Je ne le crois pas !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Vergoz. La jeunesse de France nous regarde, celle de métropole comme celle d’outre-mer. Ne la trahissons pas ! Prenons nos responsabilités ! Les citoyens sauront reconnaître ceux qui traînent des pieds. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. J’avoue qu’il est difficile de vous succéder, cher collègue Vergoz ! Je serai pour ma part très brève.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi met en œuvre l’un des engagements du Président de la République et répond à deux défis du marché du travail : d’une part, l’embauche de jeunes en CDI pour accéder à un emploi stable ; d’autre part, le maintien dans l’emploi des salariés âgés. Nous devons nous en féliciter.
Les travaux de l’Assemblée nationale et de notre assemblée ont contribué à améliorer un texte qui, rappelons-le, reprend fidèlement les termes de l’accord national interprofessionnel signé le 19 octobre dernier par l’ensemble des partenaires sociaux. Je profite de cette occasion pour saluer, monsieur le ministre, votre méthode de travail, qui marque une véritable rupture avec le passé. Vous laissez une large place à la négociation sociale. Nous ne pouvons que vous encourager dans cette voie.
Monsieur le ministre, les contrats de génération vont dans le bon sens. C’est un signal fort que nous adressons aux Français, frappés durement par le chômage.
Nous le savons bien, nos jeunes sont touchés de plein fouet. Près de 25 % d’entre eux n’ont pas d’emploi. Et ceux qui en trouvent un enchaînent bien souvent stages, CDD et missions d’intérim. Moins d’un jeune sur deux bénéficie d’un CDI !
Les seniors ne sont malheureusement pas mieux lotis, la probabilité de retrouver un emploi à quelques années de la retraite étant particulièrement faible.
Après l’institution des emplois d’avenir, ce texte témoigne de votre détermination à lutter contre le chômage. C’est dans cet esprit que le RDSE vous apportera son soutien et que, à l’unanimité de ses membres, il votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Le contrat de génération est une très belle opportunité de réconciliation générationnelle au sein de l’entreprise. J’insiste sur ce point car, lorsque l’entreprise, avec les partenaires sociaux et les relais institutionnels, s’engage sur la place des seniors et l’intégration des jeunes en son sein, elle promeut une vision moderne de l’entreprise : celle d’une entreprise citoyenne, garante d’un développement durable, exonérée d’une vision court-termiste et capable de se projeter dans l’avenir et dans celui de la société.
En mettant l’accent sur le transfert des compétences et l’accès à la formation dès le recrutement, le contrat de génération remet l’accent sur les savoirs collectifs, mis à mal par les effets délétères du travail précaire et l’atomisation de l’emploi.
Le contrat de génération s’inscrit également dans la ligne européenne. Le Parlement européen vient en effet d’adopter une résolution relative à la « garantie européenne pour la jeunesse », visant à permettre aux jeunes au chômage depuis plus de quatre mois de se voir proposer un travail, une formation ou un apprentissage.
Ce texte appelle les ministres de l’emploi de l’Union européenne à adopter ce mois-ci une recommandation du Conseil afin de mettre en place ce système dans tous les États membres.
Nous devrions logiquement soutenir la mise en place de ce système, n’est-ce pas ? Car l’urgence française renvoie à l’urgence européenne : près de 14 millions de jeunes de moins de 30 ans en Europe ne sont ni dans l’emploi ni dans une formation. Le coût de cette mise à l’écart est estimé à 150 milliards d’euros par an pour l’économie européenne, soit plus que le seul budget de l’Union au sens global du terme. La mise en place de la « garantie jeunesse » coûterait seulement 21 milliards d’euros !
Cette initiative fait donc écho aux propos que nous avons tenus lors de ce débat : garantir aux jeunes l’accès à l’emploi, faire la chasse aux statuts précaires, et d’abord aux stages, qui remplacent trop souvent encore des salariés sur de vrais postes et de vrais emplois.
C’est pourquoi nous, écologistes, soutenons le contrat de génération. Il n’est sans doute pas parfait et devra vraisemblablement être amélioré, mais le ministre a proposé d’en réévaluer les effets dans quelque temps, ce qui est positif.
Nous soutenons le contrat de génération parce qu’il s’agit véritablement d’un dispositif d’intérêt général. Ce texte s’inscrit dans une logique louable de transmission des savoirs, d’apprentissage durable et solidaire des savoir-faire.
Au-delà du soutien des écologistes, je voudrais lancer un appel à ma collègue et amie alto-séquanaise Isabelle Debré, qui évoquait tout à l’heure les contrats d’apprentissage en alternance lancés par le précédent gouvernement. Je le dis franchement : si j’avais à l’époque siégé dans cet hémicycle, je les aurais soutenus ! Je participe depuis des années à des masters professionnels et je peux vous dire que le contrat d’apprentissage en alternance a vraiment permis de gagner en sécurisation de l’emploi. Un emploi sur deux, dans des métiers relativement peu recherchés, se traduit par un contrat à durée indéterminée.
À un moment, il convient, me semble-t-il, de dépasser les postures strictement idéologiques ou politiques. Il est en effet dans l’intérêt général de construire des dispositifs permettant au savoir de se transmettre de manière humaine, et les différentes mesures qui vont en ce sens peuvent utilement se compléter.
Je crois qu’il faudra aussi, à terme, ajouter un autre étage, en réévaluant et retravaillant l’usage qui est fait du « 1 % formation » dans les entreprises. J’en ai parlé avec plusieurs collègues et, effectivement, il semblerait que ce dispositif ne remplisse pas pleinement ses fonctions et que l’on puisse parler, au moins partiellement, de mauvaise utilisation de l’argent.
Avec ces fameux contrats d’apprentissage en alternance, ces contrats générationnels et une véritable refonte du « 1 % formation », nous pourrions, ensemble, tracer les voies d’une découverte du travail qui soient à la fois enrichissantes pour ceux qui entrent sur le marché du travail, pour ceux qui y sont et pour ceux qui s’apprêtent à en sortir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, parfois avec passion, je me contenterai de quelques mots pour vous expliquer pourquoi le groupe socialiste votera ce texte avec enthousiasme et fierté.
Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame Debré, il s’agit en effet d’un engagement du candidat François Hollande. Vous avez évoqué les primaires, ma chère collègue, et j’ai tendance à penser que c’est aussi l’un des éléments qui lui ont permis de les remporter.
Ce texte répond à une double urgence, sociale et économique, à savoir, tout simplement, le sous-emploi structurel des jeunes et des seniors.
Je voudrais aussi saluer la méthode qui a été adoptée par le Gouvernement.
Dix ans d’un côté, dix mois de l’autre ! Dix ans de quasi-absence de dialogue social contre dix mois de travail constructif avec les partenaires sociaux : la situation pourrait être ainsi résumée.
Il convient aussi de noter la complémentarité entre ce travail engagé avec les partenaires sociaux et celui que nous menons au Parlement. Il ne faudrait pas que l’on essaye d’opposer le travail que réalisent les partenaires sociaux et celui que nous accomplissons au Sénat ou à l’Assemblée nationale.
On a parlé, à plusieurs reprises dans ces débats, de boîte à outils. Le contrat de génération est effectivement un outil novateur au service de la lutte contre le chômage. Bien évidemment, cet outil seul ne suffira pas. Il a été question des emplois d’avenir, mais d’autres dispositifs verront bientôt le jour.
En tout cas, quel chemin parcouru en dix mois ! C’est pourquoi je faisais état d’un sentiment de fierté.
Le groupe socialiste votera également ce texte en raison du changement de vision qu’il propose.
Plutôt que d’opposer les jeunes aux seniors, on privilégie une véritable alliance des âges.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Ronan Kerdraon. Autre élément à souligner : le rôle de l’entreprise, celle-ci étant véritablement remise au centre.
Non, mesdames, messieurs de l’opposition, les socialistes et la gauche ne sont pas les ennemis des entreprises, comme l’a fort bien dit Michel Vergoz. (Mme Bariza Khiari applaudit.) Bien au contraire !
En revanche, nous sommes effectivement partisans de relations équilibrées, sereines, honnêtes et transparentes.
À cet égard, je veux saluer tout particulièrement, dans ce texte, le dispositif qui permettra à un artisan de transmettre son entreprise à un jeune. Voilà une mesure particulièrement attendue !
En conclusion, je dirai de ce texte qu’il est pragmatique. Il offre une cohérence aux choix de notre majorité en matière d’emploi et constitue un signe d’espoir, de soutien.
Monsieur le ministre, votre gouvernement et notre majorité redonnent aux jeunes et aux seniors une véritable utilité sociale.
Oui, nous voterons ce texte avec un grand enthousiasme et beaucoup de fierté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne souscrivons pas au plan global que vous proposez pour « inverser la courbe du chômage en 2013 ».
Nous pensons que les emplois d’avenir, dont nous avons longuement parlé au Sénat, auraient dû être beaucoup plus largement ouverts au secteur marchand. Ils auraient alors très bien complété le dispositif des contrats de génération, ces derniers semblant plus adaptés pour les TPE et les grands groupes, tandis que les emplois d’avenir seraient mieux calibrés pour les entreprises intermédiaires.
Mais vous n’avez pas fait ce choix. Vous avez fait des emplois d’avenir de classiques emplois parapublics, et ce à l’heure où il n’est plus question que de réduire les effectifs de la fonction publique.
De même, nous ne pouvons que regretter l’institution du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui aura des effets différés, en lieu et place des baisses de charges et de la TVA compétitivité, qui, elles, auraient eu des effets immédiats.
Comparé aux emplois d’avenir et au CICE, le contrat de génération nous paraît beaucoup moins critiquable en soi.
Comment, d’abord, ne pas souscrire à la philosophie qui le sous-tend, le dépassement de l’opposition des générations sur le marché du travail ?
De plus, il s’agit d’un dispositif susceptible de générer de l’emploi pérenne puisqu’il est réservé au secteur marchand et précédé d’un accord national interprofessionnel.
Enfin, nous ne pouvons que saluer l’avancée que nos débats auront permis de réaliser en termes de formation des jeunes peu qualifiés embauchés en contrat de génération.
En revanche, nous redoutons que le contrat créé par ce texte n’ait de « génération » que le nom. Il part d’un bon diagnostic, la difficulté pour les entreprises de dégager du temps pour accueillir les nouveaux arrivants, et d’une belle idée, le lien intergénérationnel en entreprise. Toutefois, le contenu de ce texte peine à lui donner du sens.
En effet, le projet ne garantit aucun lien intergénérationnel entre les deux membres du binôme. De l’accueil du jeune et de la transmission des savoirs et des compétences, qui fera quoi ? C’est un mystère, ce qui, vous en conviendrez, constitue un problème.
En outre, nous jugeons particulièrement préoccupant le financement du dispositif par le CICE, d’autant que, in fine, ce seront les collectivités qui le financeront puisqu’un doublement de la baisse de leur dotation semble programmé pour les années à venir.
Au terme de ce débat, au cours duquel chacun a eu à cœur d’améliorer ce texte, avec les convictions qui sont les siennes, le groupe de l’UDI-UC est partagé : les plus optimistes soutiendront le texte en espérant qu’il favorisera l’emploi dans notre pays ; d’autres, plus préoccupés par la nature du dispositif, s’abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Mes collègues ultramarins et moi-même avons souligné à maintes reprises, lors de précédents débats, que, dans nos territoires, les jeunes actifs de moins de 30 ans étaient les plus touchés par le chômage : en Guadeloupe, 46 % d’entre eux sont concernés, soit près d’un jeune sur deux ; pour les non-diplômés, ce taux dépasse les 62 %.
Mais le chômage des seniors se fait aussi terriblement sentir aux Antilles. En Guadeloupe toujours, il a augmenté de 14 % en un an, et cela sans compter les seniors qui, découragés, n’accomplissent plus de démarches pour retrouver un emploi, même s’ils souhaitent en fait retravailler. Huit seniors au chômage sur dix le sont depuis plus de deux ans !
Ce contrat, destiné à la fois à inciter les entreprises à embaucher des jeunes et à maintenir des seniors dans l’emploi, est donc bien « une belle idée », pour reprendre l’expression du président Hollande. Je voterai donc en faveur de ce projet de loi.
Le Gouvernement Jospin avait d’ailleurs expérimenté, il y a quelques années, par le biais de la loi d’orientation pour l’outre-mer, la LOOM, un dispositif reliant jeunes et seniors dans les DOM : des conventions conclues entre le département, la région et l’État favorisaient le départ en préretraite des salariés de plus de 55 ans et leur remplacement par des jeunes de moins de 30 ans. Ce dispositif avait ainsi permis de créer, en deux ans, plus de 500 emplois en Guadeloupe, avant que la majorité parlementaire de droite n’y mette fin en 2007.
Malgré la crise, l’emploi salarié privé progresse dans certains secteurs de mon département, à savoir le bâtiment, l’industrie agroalimentaire, les activités financières et d’assurance. Les contrats de génération vont donc constituer une réelle opportunité d’embauche pour ces entreprises qui sont toutefois, pour la quasi-totalité d’entre elles, des TPE ou des PME comptant peu de salariés.
Je souhaite préciser en outre que le contrat de génération concerne le secteur privé. Or, en Guadeloupe, les seniors sont surtout présents dans le secteur public et parmi les travailleurs indépendants.
Je conclurai en formulant deux observations.
La première concerne l’obligation pour les entreprises souhaitant bénéficier du dispositif d’être à jour de leurs obligations envers les organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d’assurance chômage. Dans les DOM, les dettes sociales des entreprises sont considérables, tout comme celles des collectivités territoriales et des établissements publics : pour la seule Guadeloupe, elles s’élèvent à 1 milliard d’euros, dues par presque un quart des entreprises implantées sur le territoire. Tout ce qui a été mis en place pour pallier cet endettement n’a jamais abouti aux résultats escomptés.
De fait, beaucoup d’entreprises n’ont pu bénéficier des aides accordées par l’État après les événements de 2009 parce qu’elles étaient conditionnées à l’apurement des dettes de cotisations sociales. Je pense, par exemple, aux aides à la rénovation hôtelière, alors même que le tourisme est un élément important de nos économies.
Il s’agit là d’un phénomène structurel propre aux territoires ultramarins, qui appelle une étude approfondie et une solution juridique adaptée. Je crains donc que cette obligation ne soit un frein au succès du contrat de génération en outre-mer.
Seconde observation : le dispositif du contrat de génération est fondé sur le dialogue avec les syndicats, ce qui est une très bonne chose. C’est pour moi l’occasion de souligner, comme je l’avais fait en décembre dernier lors de la discussion sur la composition des comités régionaux d’orientation de la Banque publique d’investissement, la particularité des Antilles. Des organisations syndicales, fortement légitimes en termes de nombre d’adhérents, actives et capables de mobiliser largement, interlocuteurs locaux incontournables, tiennent à conserver leur autonomie et ne veulent pas s’affilier à des centrales nationales. Elles ne peuvent donc pas siéger dans nombre d’instances, bien qu’elles soient majoritaires. Il faudra en tenir compte lors du bilan de la représentation syndicale envisagé par le Gouvernement dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera ce projet de loi.
Sans remettre en cause les prérogatives légitimes du législateur – c’est la démocratie politique dont parlait M. le ministre –, ce texte constitue pour l’essentiel la transposition fidèle d’un accord national interprofessionnel, signé par toutes les organisations syndicales, à l’unanimité. Nous sommes donc parfaitement dans le cadre du respect de la démocratie sociale. Il est important de le souligner, car, je le précise, ce ne sera pas le cas pour un autre accord national interprofessionnel, minoritaire celui-là, que le groupe CRC désapprouve fondamentalement.
M. Michel Sapin, ministre. Vous ne connaissez pas encore le texte du projet de loi : quand vous le lirez, vous changerez d’avis ! (Sourires.)
M. Dominique Watrin. Nous voterons ce contrat de génération parce que, tout le monde le sait, les conditions de vie des jeunes sont vraiment trop précaires aujourd'hui. La succession de contrats à temps partiel, de contrats instables, rend leur existence terriblement difficile. Alors, quand une loi incite au recrutement des jeunes en CDI – et à temps plein –, nous ne faisons pas la fine bouche ! Cette mesure va dans le bon sens même si, bien sûr, elle ne règle pas tout, nous en sommes conscients.
Il est bon de faire une norme du CDI à temps plein. Voilà qui nous change de certaines lois et de certains dispositifs votés par le passé. Il s’agit d’une avancée que nous tenons absolument à saluer par notre vote.
Nous pensons également que ce texte est positif en ce qu’il incite à changer les mentalités dans les entreprises : la question de la transmission des compétences et des savoir-faire est vitale pour l’entreprise elle-même.
Les accords seniors ont aujourd’hui montré leurs limites : à l’avenir, la réussite passe par le maintien dans l’emploi des salariés âgés, voire par l’embauche de salariés âgés. Cela implique – et j’espère que le contrat de génération permettra d’avancer sur ce point – que les partenaires sociaux, à travers les accords collectifs qui pourront être signés, s’attaquent à la question de la pénibilité du travail, en particulier à celle des salariés âgés.
Enfin, à l’instar de tous les textes que nous sommes amenés à voter, à discuter, à affiner, l’avenir du contrat de génération n’est pas écrit d’avance. Seule la réalité du terrain montrera si les choix opérés ont été les bons, s’il convient d’améliorer ce dispositif.
Le groupe CRC a émis quelques propositions, comme d’autres groupes ; toutes sont légitimes et méritent d’être regardées de près. Le vote de ce texte ne clôture pas les débats. Le rapport d’évaluation annuel permettra de voir si les choix retenus ont été les bons. Certaines de nos propositions ont été prises en compte, d’autres ne le sont pas encore. Nous espérons néanmoins que ce rapport d’évaluation nous donnera raison et que le dispositif pourra encore être amélioré.
Cette mesure est positive, mais elle n’aura d’effet que si le Gouvernement s’attaque au chômage des jeunes dans sa globalité, c’est-à-dire aux pertes d’emplois industriels et tertiaires dont notre pays est victime, en prenant des mesures structurelles. Ces dernières doivent non seulement favoriser l’emploi des jeunes mais aussi remettre l’économie de notre pays dans le bon sens. Nous devons faire en sorte que la finance, qui domine trop souvent l’économie réelle, cède un peu de son pouvoir, afin que l’emploi soit mieux pris en compte, que nos industries, notre économie puissent se développer au lieu de régresser. Je l’ai souligné, en 2012, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui ont été sacrifiés, en particulier dans l’industrie, et bien souvent pour des raisons boursières.
Les jeunes ne profiteront vraiment de ce dispositif que s’il s’accompagne de mesures plus ambitieuses et plus structurelles pour mettre fin à cette domination de la finance sur notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la rapporteur, chère Christiane Demontès, mes premiers mots seront pour vous remercier de la pertinence et de la précision de vos réponses. Je veux saluer, en particulier, les qualités pédagogiques que vous avez su déployer lors de ce débat.
Le vote sur l’ensemble du projet de loi va avoir lieu dans quelques instants : à cette occasion, et comme d’habitude, serais-je tenté de dire, nous allons voir s’opposer deux visions différentes, deux visions du monde du travail, de l’entreprise et même de la société.
En effet, les paroles que nous avons entendues venant de l’autre côté de cet hémicycle étaient particulièrement éloquentes, mais éloquentes en ce sens qu’elles attestaient parfaitement le profond pessimisme de ceux qui les proféraient. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Pour autant, je ne ferai pas l’injure à nos collègues de l’opposition de croire qu’ils souhaitent l’échec de ce dispositif à seule fin de montrer a posteriori qu’ils avaient eu raison de le rejeter. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Certainement pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour notre part, nous faisons le choix du volontarisme et de l’optimisme.
Il faut bien noter que ce dispositif prend place dans un ensemble comprenant notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi que les emplois d’avenir, le tout sur fond de dialogue social, de démocratie sociale. Voilà qui va nous permettre de sortir d’une logique infernale dans laquelle on disait au travailleur relativement âgé : « Toi, tu coûtes trop cher ! » et au jeune : « Toi, tu n’es pas opérationnel ! »
Ce projet de loi, qui revêt une véritable dimension sociétale, va permettre de réconcilier des générations qui, jusqu’à présent, étaient bien souvent opposées.
Voter ce texte revient à faire un saut qualitatif nous permettant, cela a été dit, d’avancer vers la notion de citoyenneté dans l’entreprise. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas anodin !
De plus, le texte est suffisamment précis pour éviter les effets d’aubaine, et suffisamment peu contraignant pour ne pas faire obstacle aux effets positifs que nous sommes en droit d’en attendre.
Songeant à un secteur d’activité que je connais bien, l’aéronautique, je constate que le compagnonnage a été précurseur et a permis d’étayer ce projet. Il faut évidemment considérer que la synergie entre celui qui arrive sur le marché de l’emploi et celui qui est un travailleur averti est un atout en termes de gains de productivité et de compétitivité.
Je terminerai en mentionnant un secteur qui, à mon sens, n’a pas été suffisamment évoqué et qui nourrit beaucoup d’attentes vis-à-vis de ce texte : les exploitations agricoles. Ce projet de loi leur offrira une bouffée d’oxygène bienvenue !
Mes chers collègues, c’est effectivement avec enthousiasme et détermination que nous voterons ce texte et donnerons ainsi réalité à une proposition maintes fois évoquée par le Président de la République, François Hollande ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 98 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 193 |
Contre | 133 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d’adopter un texte important. Si le contrat de génération ne constitue pas l’outil miracle pour créer de l’emploi, il est néanmoins essentiel. Il instaure une solidarité intergénérationnelle au sein de l’entreprise, ce dont on ne peut que se réjouir, en escomptant qu’il aura bien cet effet.
Je souhaite d’abord vous remercier, mes chers collègues, d’avoir pris une part active à cette discussion Chacun d’entre nous a pu exprimer son point de vue, son opinion : c’est cela, la démocratie politique.
Je veux également remercier M. le ministre de sa disponibilité.
Bien entendu, j’adresse des remerciements particuliers à mes collègues de la commission des affaires sociales et, au premier chef, à sa présidente. Tous ensemble nous avons effectué un bon travail. Je remercie enfin les collaborateurs de la commission qui m’ont grandement aidée dans ma tâche de rapporteur. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’atmosphère très agréable qui a régné dans cette enceinte hier comme aujourd’hui nous a permis d’accomplir un travail législatif de fond.
Je salue, madame David, madame Demontès, l’apport très important de la commission des affaires sociales du Sénat, ainsi que les propositions émanant des différentes travées de cette assemblée.
Certes, il ne s’agit pas de faire du fétichisme, et aucun d’entre nous ne considère que le présent projet de loi est « la » solution à la question du chômage. Cependant, les uns et les autres, même ceux qui ont émis un vote contre « automatique », si je puis dire, peuvent lui trouver des qualités. Il apportera de vraies réponses au problème du chômage des jeunes.
Je ne reviendrai ni sur les caractéristiques du contrat de génération ni sur son mode d’élaboration. Il représente un mariage intime, intelligent, me semble-t-il, entre la démocratie sociale et la démocratie politique, une alliance entre les plus jeunes et les plus âgés. Il a l’ambition de faire en sorte qu’un savoir-faire, une connaissance puissent être transmis d’une génération à l’autre.
Du reste, ce transfert peut s’opérer dans les deux sens : chacun sait qu’une personne plus âgée a une expérience, possède un savoir éprouvé, maîtrise un outil, et qu’un plus jeune peut apporter au plus âgé une connaissance de la société telle qu’elle évolue, mais aussi lui montrer comment utiliser toutes les ressources des nouveaux outils, notamment informatiques, qu’il manipule généralement avec beaucoup plus de facilité.
Naturellement, ce n’est pas le cas au Sénat : tous ses membres, quel que soit leur âge, manient ces outils avec la plus grande dextérité ! (Sourires.)
Je me félicite et du travail accompli et du vote très majoritaire en faveur de ce texte : 193 sénateurs ont voté pour le projet de loi ; cela n’arrive pas tous les jours !
Mme Catherine Procaccia. Ça, c’est sûr ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Je remercie tout d’abord les membres des groupes de la majorité et de la gauche en général, qui ont soutenu ce texte, ainsi que les membres de l’opposition qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué au débat, certains, si j’ai bien compris, allant même jusqu’à voter pour le texte.
Les discussions, les questions posées, toujours légitimes, et, je l’espère, l’aptitude du Gouvernement à y répondre dans le respect de la démocratie, tous ces éléments ont contribué à la qualité du débat.
La bataille contre le chômage ou plutôt, devrais-je dire afin d’être positif, la bataille pour l’emploi est évidemment de la responsabilité du Gouvernement. C’est vers le gouvernement en place que les jeunes, les personnes plus âgées, les chefs d’entreprise qui doivent licencier ou, au contraire, qui ont envie de recruter davantage de jeunes se tournent, c’est vers lui que les uns et les autres se tournent, c’est à lui qu’ils demandent quelles réponses il entend apporter à leur situation. Et ces mêmes questions sont également posées aux parlementaires qui votent les lois.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté un outil extrêmement pertinent et adapté à la situation du marché du travail en France.
Mais résoudre la question du chômage et de l’emploi suppose aussi la mobilisation de tous et de toutes. Que l’on soit chef d’entreprise, syndicaliste, salarié, animateur d’une association, responsable d’une collectivité locale ou, bien sûr, responsable politique, chacun détient une parcelle du pouvoir permettant de lutter contre le chômage et de gagner cette bataille de l’emploi. Et cette grande mobilisation a commencé.
Des outils sont successivement mis en œuvre. Pour ma part, j’ai une sorte de rendez-vous trimestriel avec le Sénat. Au cours du dernier trimestre de l’année dernière, c’étaient les emplois d’avenir. Aujourd'hui, c’est le contrat de génération. Au deuxième trimestre de 2013, nous aurons un débat très intéressant sur le thème de la sécurisation de l’emploi : il s’agira de permettre aux entreprises de s’adapter aux enjeux actuels en sécurisant le parcours individuel et professionnel des salariés ou des chômeurs.
Chaque trimestre, nous avons donc un rendez-vous pour mettre au point ensemble un outil destiné à lutter contre le chômage. À l’issue des quatre trimestres de cette année, je suis persuadé que nous réussirons à inverser la courbe du chômage et à gagner une première bataille dans ce combat pour l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe CRC et du RDSE.)
6
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
7
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 6 février 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article L. 2333-16 du code général des collectivités territoriales (Taxe locale sur la publicité extérieure) (2013-305, 2013-306 et 2013-307 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création du contrat de génération, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Claude Jeannerot, Mmes Christiane Demontès et Gisèle Printz, M. Dominique Watrin, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Noël Cardoux et Hervé Marseille.
Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche, MM. Jean Desessard et Bruno Gilles, Mme Chantal Jouanno, M. Ronan Kerdraon, Mme Patricia Schillinger.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.
9
Titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (proposition n° 118 [2010-2011], texte de la commission n° 322, rapport n° 321).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce soir pour l’examen de la proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne.
La sécurité aérienne est un objectif fondamental, qui mobilise tous les acteurs du secteur aérien. Même si des progrès colossaux ont été accomplis, la sécurité ne doit jamais être considérée comme acquise dans les pays comme le nôtre ; les accidents les plus récents – le dernier a eu lieu en 2009 – nous le rappellent. La sécurité doit continuer à nous mobiliser.
Elle continue à me mobiliser, et c'est la raison pour laquelle j’ai souhaité que vous puissiez examiner cette proposition de loi. Les services de la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, travaillent au quotidien pour atteindre cet objectif de sécurité, en coopération étroite avec l’agence européenne de sécurité aérienne, l’AESA. Je veillerai à ce que les moyens consacrés à la surveillance de la sécurité soient préservés.
Beaucoup de chemin a déjà été parcouru. Le très bon bilan de la sécurité aérienne internationale en 2012 doit nous inciter à continuer dans cette voie. L’année dernière, en effet, on n’a déploré aucun accident mortel de transport public impliquant une compagnie française ou une compagnie étrangère sur le territoire français ; ce n’est pas nécessairement le cas dans d’autres zones géographiques. Par ailleurs, au niveau mondial, le ratio a été d’un accident d’avion pour 5,3 millions de vols, s'agissant des vols opérés par les 243 compagnies de l’association internationale du transport aérien, l’IATA, qui représentent 84 % du trafic mondial.
La France a toujours été totalement impliquée dans les efforts pour tendre vers une sécurité de plus en plus grande. Elle s’est efforcée d’entraîner dans son mouvement les instances nationales, européennes et internationales concernées. Des avancées significatives ont eu lieu ces dernières années, tout particulièrement au plan international. Des initiatives structurantes ont vu le jour, comme la création d’une liste des compagnies aériennes non communautaires dont les vols sont interdits ou restreints en Europe pour des raisons de sécurité, que les médias appellent communément la « liste noire ». Des audits sont conduits par l’organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI, et la France milite pour la publicité de leurs résultats. La Commission européenne réalise, elle aussi, des missions d’évaluation d’États tiers et aide certains d’entre eux à améliorer leur capacité à respecter les normes de l’OACI. Ces résultats sont d’autant plus remarquables que l’action internationale est, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, complexe à mettre en place.
Cependant, si la conformité réglementaire reste indispensable, elle n’est plus suffisante pour atteindre un meilleur ratio qu’un accident grave pour 10 millions de vols. La France s’est donc engagée depuis 2006 dans une démarche fondée sur la gestion de la sécurité. Notre pays s’est ainsi doté d’un plan de sécurité de l’État dans le domaine aérien, processus qui permet d’optimiser les actions de l’État régalien en ciblant mieux ses actions sur les enjeux prioritaires de sécurité et en responsabilisant davantage les acteurs eux-mêmes. La France a aussi activement participé à la mise en place du plan de sécurité européen, qui matérialise l’engagement qu’ont pris les États de l’Union de mieux se coordonner pour permettre à l’Europe de disposer du système de transport aérien le plus sûr au monde.
Par ailleurs, la France avait, dès 2008, anticipé les règles européennes en imposant à ses opérateurs – exploitants d’aérodromes, compagnies aériennes, entreprises de maintenance, services de contrôle de la circulation aérienne et organismes de formation –, mais aussi à la DGAC, de se doter d’un mécanisme de gestion des risques, ce qui a contribué à une meilleure responsabilisation de l’ensemble des opérateurs. L’adoption d’un tel mécanisme enclenche en effet un cercle vertueux puisqu’elle permet de progresser dans la connaissance des risques puis de définir des priorités pour améliorer encore la sécurité.
Pour continuer à avancer vers plus de sécurité, le travail d’harmonisation aux niveaux international et surtout européen doit se poursuivre.
N’oublions pas que les grands progrès en matière de sécurité sont également dus aux travaux très méticuleux réalisés dans le cadre des enquêtes accidents et incidents ; je salue à cette occasion l’action du Bureau d’enquête et d’analyses, le BEA.
Cependant, qu’en est-il des compagnies étrangères dont les avions ne sont pas directement contrôlés par l’Union européenne ni par la France ? Les autorités françaises sont très attachées à ce que les ressortissants français puissent voyager avec un haut niveau de sécurité. C’est pourquoi, en complément de la surveillance exercée par les autres États souverains, la DGAC veille au respect des normes internationales de sécurité par les compagnies étrangères qui fréquentent les aéroports français. Je veux parler des contrôles Safety Assessment of Foreign Aircraf, SAFA, ces inspections techniques au sol inopinées que les services français réalisent sur des aéronefs étrangers. Les inspections SAFA, qui sont courtes, se concentrent prioritairement sur des points critiques en matière de sécurité des vols. Elles ont été définies pour permettre un diagnostic rapide de la qualité de l’exploitation de la compagnie inspectée, afin de pouvoir se retourner, le cas échéant, vers l’autorité de surveillance de la compagnie pour la rappeler à ses obligations. Les personnels de la DGAC habilités à réaliser ce type d’inspections sont les contrôleurs techniques d’exploitation, spécialement qualifiés pour détecter, lors d’une inspection de courte durée pendant une escale, des déficiences de sécurité affectant l’exploitation d’une compagnie ou la navigabilité d’un aéronef.
Ainsi, presque toutes les compagnies étrangères qui ont des programmes réguliers vers la France subissent un contrôle technique plusieurs fois par an. Parallèlement, un système de contrôle des droits de trafic et des plans de vol déposés permet un suivi efficace des compagnies qui ne viennent pas régulièrement en France. Enfin, ces inspections sont complétées par un suivi de la DGAC auprès des compagnies elles-mêmes et de l’autorité de surveillance de leur pays.
La France est l’un des leaders européens du programme SAFA : elle réalise près de 25 % de l’ensemble des contrôles SAFA effectués au niveau européen. En 2012, elle en a réalisé plus de 2 400, soit presque trois fois le quota d’inspections que demande l’AESA. Ces contrôles permettent de corriger et de prévenir les anomalies de sécurité, et d’exiger des compagnies étrangères qui souhaitent venir en France qu’elles se mettent à niveau sur les points pour lesquels elles présentent des faiblesses d’exploitation.
Ce processus SAFA contribue également à alimenter les travaux du comité européen qui se réunit deux fois par an pour faire évoluer la liste noire. Odile Saugues s’est intéressée à l’usage que l’on peut faire de cette liste noire. Elle est officiellement publiée sur les sites Internet de l’Union européenne et relayée par le site de la DGAC ; elle est donc accessible aux voyageurs. Cependant, les signataires de la proposition de loi dont Odile Saugues a pris l’initiative rappellent que les passagers peuvent être amenés à utiliser, pour les trajets dits « de bout de ligne », des compagnies qui figurent sur la liste noire. C’est une réalité que les voyageurs rencontrent parfois lors de correspondances internationales lointaines et, surtout, sur les vols intérieurs des pays figurant sur la liste européenne.
Il arrive très souvent que les passagers ne puissent pas éviter cette situation. En effet, si des solutions alternatives peuvent parfois être trouvées pour les vols internationaux, il en va différemment pour les vols intérieurs. Il est fréquent que la totalité des transporteurs d’un pays figurent sur la liste des transporteurs interdits, ce qui exclut toute alternative. Les autres moyens de transport, terrestres ou maritimes, présentent eux aussi souvent des problèmes, au mieux du fait de leur lenteur, au pis du fait de leur vétusté ou des risques liés à un environnement dans lequel la sécurité n’est pas assurée. Dans certains pays, ils sont même parfois tout simplement inexistants. Or nos citoyens sont amenés à utiliser les transports aériens dans ces pays pour de multiples raisons, notamment professionnelles ; je pense en particulier aux hommes d’affaires, aux travailleurs humanitaires et aux diplomates.
Veiller à la sécurité du transport aérien et interdire à des transporteurs potentiellement dangereux de desservir notre territoire ne peut conduire à restreindre la liberté de nos citoyens de voyager où ils le souhaitent. La liberté implique le sens des responsabilités. Il est essentiel que le passager dispose clairement des informations relatives à son voyage, en particulier à la sécurité de ce voyage, avant de prendre la décision de confirmer sa réservation ou d’y renoncer.
C’est précisément le but de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. En effet, celle-ci vient renforcer et compléter le dispositif juridique existant. Comme vous le savez, le cadre juridique en vigueur repose sur deux textes : le règlement européen n° 2111/2005 et le décret du 17 mars 2006. Ces textes ont instauré une obligation d’information sur le nom du transporteur effectif. Le défaut d’information sur ce nom est d’ores et déjà sanctionné d’une amende administrative.
Toutefois, ces dispositions ne suffisent pas, car le seul nom du transporteur n’informe pas le passager sur le fait que ce transporteur n’est pas autorisé à voler dans l’espace européen. La proposition de loi complète donc très utilement ce dispositif.
Elle impose, en France, à tous les vendeurs de billets, compagnies aériennes et agents de voyages, d’informer le passager de manière claire et non ambiguë que le transporteur figure sur la liste des transporteurs interdits d’exploitation dans l’Union européenne. De plus, le vendeur de billet doit inviter l’acheteur à rechercher une solution alternative. La sécurité des voyageurs doit primer sur les intérêts commerciaux.
Comme vous le savez, j’ai eu l’honneur de cosigner la proposition de loi qui est à l’origine du texte que vous examinez aujourd’hui. Ce fut pour moi une réelle satisfaction de voir cette proposition adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2010. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et plusieurs membres de son gouvernement ont donc déjà validé ce texte lorsqu’ils étaient députés. Je suis particulièrement heureux que le Sénat l’examine ce soir. Je me félicite de la qualité des travaux conduits par votre rapporteur et de l’attention particulière que votre assemblée accorde à ces enjeux de sécurité. L’importance de ces enjeux doit nous inciter à conserver notre rôle de leader en matière de sécurité aérienne.
Je tiens à saluer solennellement la qualité de nos services, de nos équipes, de l’ensemble des techniciens, en somme, de toutes celles et tous ceux qui consacrent leur action à la sécurité des voyageurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés du plein soutien du Gouvernement sur cette proposition de loi. Elle répond à la nécessité d’apporter de la sérénité et de la sécurité aux déplacements aériens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi que notre collègue députée Mme Odile Saugues a déposée en décembre 2009, à la suite de plusieurs catastrophes aériennes survenues en 2004 et en 2005.
Ces dernières avaient conduit à mettre en cause le choix des compagnies aériennes, dû en particulier à l’absence d’information des passagers sur le fait que ces compagnies étaient peu sûres. Odile Saugues, dont je tiens à saluer l’engagement constant pour la cause de la sécurité aérienne, avait donc souhaité, au travers de ce texte, inciter le législateur à s’emparer de nouveau de cette question.
Assez largement remaniée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation des titres de transport figurant sur la liste noire européenne a été adoptée en première lecture par les députés le 18 novembre 2010, à l’unanimité des groupes politiques de l’Assemblée nationale.
Cet esprit de consensus a également prévalu lors des débats devant la commission du développement durable du Sénat, ce dont je me félicite. Tous les amendements que j’ai proposés à cette occasion ont en effet été adoptés à l’unanimité des commissaires.
Je ne doute pas qu’une approche aussi consensuelle et constructive prévaudra également aujourd’hui. Améliorer la qualité de l’information fournie aux passagers concernant les vols qu’ils empruntent constitue en effet un sujet d’intérêt général qui ne peut que nous rassembler tous.
J’ajoute qu’il est bon de traiter ces sujets à froid, et pas seulement sous le coup de l’émotion, quand une catastrophe survient.
Pour comprendre les apports de cette proposition de loi, il faut commencer par rappeler brièvement le cadre législatif existant en matière de sécurité aérienne et d’information des passagers. Celui-ci est fixé par le règlement européen n° 2111/2005 du 14 décembre 2005 concernant l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté – ainsi l’appelait-on à l’époque.
À l’origine de ce règlement, il y a un constat : les carences des organismes de contrôle de l’aviation civile, dans de nombreux pays, ne permettent pas d’assurer que les aéronefs et les compagnies aériennes qui y sont certifiés satisfont effectivement aux normes de sécurité édictées par l’OACI.
Cela tient à des raisons multiples et structurelles, comme la formation insuffisante des personnels de vol et des techniciens chargés de l’entretien des appareils, ou bien encore les problèmes de corruption endémique de certains pays qui font qu’on peut parfois obtenir une certification moyennant finances.
Après plusieurs accidents graves, l’Union européenne a donc décidé de se doter, en 2005, de règles destinées à protéger ses passagers contre les risques liés à ces défauts de sécurité. Le rapport d’information sur la sécurité aérienne, réalisé à l’époque par Mme Saugues et M. Gonnot, a joué un rôle dans l’adoption rapide de ces règles et je veux souligner, de nouveau, la qualité de leur travail et le cadre consensuel dans lequel celui-ci s’était déroulé.
M. le ministre délégué l’a rappelé, au cœur du dispositif européen se trouve la liste noire des compagnies aériennes interdites d’exploitation en Europe. Cette liste est établie par la Commission européenne et actualisée régulièrement. La dernière mise à jour, la vingtième, a été publiée le 4 décembre dernier. Elle inclut tous les transporteurs aériens de vingt pays, soit 287 compagnies au total, qui font l’objet d’une interdiction totale d’exploitation dans l’Union européenne.
Elle comprend aussi trois transporteurs isolés, ainsi que dix transporteurs aériens faisant l’objet non pas d’une interdiction totale, mais de restrictions d’exploitation.
Ces dispositions ont véritablement permis améliorer la confiance dans le niveau de sécurité des vols. Concrètement, aujourd’hui, l’inscription sur la liste noire a pour effet qu’un vol, régulier ou charter, au départ ou à l’arrivée de l’Union européenne, n’a plus guère de chance de se faire sur un appareil manifestement non conforme aux exigences minimales de sécurité. Le risque zéro n’existe pas et il peut toujours y avoir un appareil qui échappe aux contrôles, mais les mailles du filet se sont incontestablement resserrées depuis dix ans en Europe.
À cet égard, comme M. le ministre délégué vient de le faire à l’instant, je veux rendre hommage aux professionnels qui, en France, veillent avec beaucoup de rigueur et de constance au strict respect de ces règles.
Toutefois, des difficultés restent toujours possibles sur ce que l’on appelle les vols de « bout de ligne », c’est-à-dire ceux que les passagers empruntent lorsque, au départ ou à l’arrivée de certains pays tiers, hors de l’Union, ils doivent emprunter une correspondance locale pour commencer ou terminer leur trajet.
Dans ce cas, l’interdiction d’exploitation prononcée par la Commission européenne est sans effet puisqu’elle ne s’impose que sur le territoire européen. Par exemple, si la direction générale de l’aviation civile indonésienne autorise une compagnie sur le sol indonésien, l’Europe ne peut évidemment pas l’en empêcher, même si elle peut l’interdire sur son propre territoire.
C’est pourquoi, en complément de l’interdiction d’exploitation en Europe, le règlement du 14 décembre 2005 comporte aussi un ensemble de dispositions qui créent une obligation d’informer les voyageurs sur l’identité du transporteur aérien pour tout billet vendu en Europe.
Cette information doit être délivrée au passager au moment de la réservation du billet, quel que soit le moyen utilisé pour l’effectuer.
Si l’identité du transporteur n’est pas encore connue à ce moment-là, le vendeur veille à ce que le passager soit informé du nom des compagnies aériennes susceptibles d’assurer le vol concerné, c’est-à-dire qu’il lui communique une liste réduite de noms de compagnies parmi lesquelles, selon toute probabilité, le transporteur effectif sera finalement choisi, puis il l’informe de son identité précise dès que celle-ci est connue.
Enfin, si, en raison d’aléas divers, il apparaît que le vol aura lieu finalement sur une compagnie figurant sur la liste noire, ce qui peut effectivement se produire sur certaines correspondances de « bout de ligne », alors, le passager bénéficie du droit au remboursement ou au réacheminement prévu à l’article 8 du règlement européen.
J’apporte ici une précision : le règlement européen donne ce droit, mais ne prévoit pas explicitement que l’information donnée porte sur l’inscription de la compagnie sur la liste noire ; il prévoit seulement que le nom de la compagnie est donné, le passager pouvant alors le confronter à la liste noire. La proposition de loi que nous examinons intervient justement sur ce point afin de renforcer le système européen.
Avant de décrire précisément le dispositif de la proposition de loi, il est permis de s’interroger sur le choix stratégique fait par le législateur européen d’informer les passagers au travers d’une liste noire au lieu d’interdire purement et simplement la vente en Europe des billets émis par ce type de compagnie.
Ce choix tient au fait qu’une telle interdiction, si elle avait été décidée, serait en réalité impraticable. Dans certaines parties du monde, la seule offre de service de transport aérien disponible est en effet celle qui est proposée par des compagnies malheureusement inscrites sur la liste noire européenne. C’est le cas, par exemple, en Indonésie ou dans la République démocratique du Congo. Loin de moi l’idée de stigmatiser ces deux États, mais il s’agit de prendre des exemples significatifs de pays vastes et très peuplés.
Même quand il existe des modes de transport alternatifs, terrestres ou maritimes, ces derniers sont parfois aussi dangereux que les transports aériens locaux, sans compter qu’ils imposent des contraintes matérielles, en termes de temps de transport, qui n’en font pas une véritable solution de substitution aux avions.
Des ressortissants européens qui souhaitent ou doivent se déplacer dans ces zones, que ce soit pour des raisons touristiques ou professionnelles, n’ont donc d’autre choix que de prendre des avions interdits d’exploitation en Europe même.
En l’absence de solution réaliste de remplacement, une interdiction complète ne ferait qu’inciter les passagers à acheter leurs billets d’avion auprès de prestataires de voyages situés dans des pays tiers, ce qui est relativement simple, vous en conviendrez, à l’heure d’Internet. Le seul effet concret serait de rendre plus complexe l’organisation des voyages vers ces destinations et de déplacer la demande vers des prestataires de voyage étrangers. Au bout du compte, les risques objectivement pris par les passagers seraient les mêmes, mais surtout, ceux-ci auraient une information de moins bonne qualité que celle prévue par le droit européen.
Voilà pourquoi l’option de l’interdiction de commercialisation de ces vols en Europe a été rejetée.
Tel est, rappelé à grands traits, le cadre normatif actuel.
J’en viens maintenant à la proposition de loi : qu’apporte de plus, dans ce contexte contraint, la proposition de loi qui nous vient de l’Assemblée nationale ?
Il faut être conscient que, dans la mesure où le droit européen prime sur le droit national, les marges d’amélioration au niveau de la France sont relativement réduites. Cependant, le législateur national a tout de même la possibilité d’aller plus loin que les normes minimales fixées par l’Europe en matière d’information précontractuelle. C’est précisément ce que permet la présente proposition de loi.
Alors que le règlement européen se contente de l’obligation de donner l’identité du transporteur aérien effectif au passager, à charge pour ce dernier de vérifier par lui-même si le transporteur figure ou non sur la liste noire, cette proposition de loi impose, le cas échéant, une information écrite et explicite sur le fait que le transporteur figure sur la liste noire des compagnies aériennes. Il n’y a donc plus aucune ambiguïté possible. Tel est l’apport principal du texte.
C’est un progrès réel même si, je tiens à le souligner, les professionnels du transport aérien que j’ai auditionnés mettent d’ores et déjà en œuvre, dans leur très large majorité, l’obligation d’information prévue par le règlement européen avec beaucoup de diligence et de sens des responsabilités.
De façon générale, il faut le rappeler, les agences de voyage et les compagnies aériennes, dans notre pays, sont conscientes des enjeux de la sécurité des transports et soucieuses d’offrir à leurs clients des prestations sécurisées, ainsi qu’une information claire. Autrement dit, il ne s’agit pas, au travers de ce texte, de montrer du doigt les professionnels du secteur, mais simplement d’aller vers encore plus de transparence, ce que ces mêmes professionnels sont, je le crois, disposés à faire.
J’en viens à présent aux travaux de la commission du développement durable du Sénat.
Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission a apporté à la rédaction de cette proposition de loi quelques modifications techniques et rédactionnelles destinées à corriger des imprécisions qui auraient pu faire obstacle à sa mise en œuvre effective.
En premier lieu, elle a défini de façon plus claire les contours de l’obligation d’information imposée aux vendeurs sur les solutions susceptibles de remplacer l’avion. L’obligation d’information sur le produit ou le service vendu est l’un des fondements du droit des consommateurs, et il faut être très strict à cet égard, mais cette proposition de loi imposait aussi au vendeur une obligation d’information très large portant sur les produits de remplacement, ce qui est très différent.
Pris à la lettre, ce texte tel qu’il nous était transmis pouvait ainsi imposer au vendeur de présenter à ses clients l’offre de ses concurrents ou bien l’obliger à les informer sur l’existence de moyens de transport, compagnies de bus ou de ferries par exemple, qui ne sont connus et commercialisés que localement.
Au surplus, informer sur les modes de transport alternatifs l’aurait obligé aussi à signaler leur niveau de dangerosité, ce qui n’est pas possible en pratique. La proposition de loi comportait ainsi le risque paradoxal d’orienter les consommateurs vers des moyens de transport encore plus dangereux que les avions inscrits sur la liste noire.
Le travail en commission a également permis de corriger une maladresse de rédaction, qui conduisait à délivrer l’information écrite précontractuelle seulement après la conclusion de la vente du billet d’avion. Il y avait en tout cas un fort doute sur ce point.
La commission a par ailleurs modifié le régime des sanctions applicables en cas de défaut d’information en instaurant une amende administrative en lieu et place d’une sanction pénale. Il est en effet à la fois plus rapide, plus efficace et plus dissuasif de procéder par la voie d’une amende administrative. Je précise cependant que cela n’empêche pas, le cas échéant, d’engager la responsabilité pénale du vendeur sur le fondement de la mise en danger délibérée de la personne d’autrui ou, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi. Je fais référence ici à l’article 121-3 du code pénal.
Par ailleurs, j’ai proposé à la commission du développement durable d’introduire un délai d’entrée en vigueur pour ce texte. Il s’agit bien sûr d’aller vite, mais il faut qu’il soit effectif. Les professionnels du secteur vont en effet devoir modifier leurs systèmes informatiques de réservation à la suite de son adoption. L’amendement que j’ai proposé offre le temps nécessaire pour cela. Je souligne tout de même qu’il autorise une certaine souplesse : les professionnels du secteur pourront avoir jusqu’à un an pour s’adapter. Toutefois, le Gouvernement pourra devancer par décret la date d’entrée en vigueur s’il constate que les travaux de mise à jour avancent plus vite.
En tout état de cause, je précise que cette disposition est compatible avec une entrée en vigueur rapide de la loi ; nous souhaitons que ce soit avant l’été.
Enfin, pour aller encore plus loin dans la définition d’un dispositif précis et pleinement effectif, je vous présenterai tout à l’heure un amendement destiné à lever une ambiguïté qui pouvait subsister concernant l’identification des personnes auxquelles les agences de voyage et les compagnies aériennes sont tenues de délivrer l’information relative au transporteur aérien effectif.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, telle est la position de la commission du développement durable du Sénat sur ce texte. Vous l’aurez compris, elle vous en recommande vivement l’adoption.
Pour conclure, je voudrais simplement insister sur deux préoccupations.
La première, que vous avez largement abordée tout à l’heure et sur laquelle je vous rejoins pleinement, est que la France doit continuer à développer une action volontariste pour favoriser l’amélioration de la sécurité effective des compagnies étrangères, ce qui passe bien sûr par l’OACI. La seconde préoccupation, plus immédiate, est que ce texte soit inscrit prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin que son adoption définitive intervienne très bientôt. Mais je sais, car vous l’avez indiqué, que vous partagez ces deux objectifs. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne.
Je tiens à saluer la qualité du rapport et des propositions de notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui rendent plus effectives les dispositions de ce texte.
Le renforcement de la sécurité aérienne constitue un enjeu majeur et a déjà fait l’objet de plusieurs mesures concrètes, et je souhaite tout d’abord rappeler brièvement les principales avancées en matière de sécurité des transports aériens aux niveaux national et européen.
Après plusieurs accidents aériens survenus en 2004 et 2005, la direction générale de l’aviation civile a publié, en août 2005, une liste noire des compagnies aériennes.
Par ailleurs, le règlement européen du 14 décembre 2005 a prévu « l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté et l’information des passagers du transport aérien sur l’identité du transporteur aérien effectif ».
Cette liste établie par la Commission européenne et rendue publique pour la première fois en mars 2006 est actualisée, en moyenne, tous les quatre mois. Il revient en effet à la Commission européenne, en lien avec les autorités des États membres chargées de l’aviation civile et avec l’Agence européenne pour la sécurité aérienne, d’examiner le niveau de sécurité offert par les compagnies aériennes lors de comités de la sécurité aérienne. Au terme de cet examen, la Commission prononce éventuellement l’inscription des compagnies sur la liste noire ou leur retrait partiel ou total de cette liste.
Ainsi, de nombreuses inspections inopinées, environ 11 000 par an, sont effectuées sur les aéroports européens, ce qui favorise un niveau de sécurité aérienne élevé. Il faut donc saluer l’établissement de cette liste noire et les contrôles qui sont menés.
Demeure néanmoins la question des vols qualifiés de « vols de bout de ligne » : il arrive que, après un vol assuré depuis un pays de l’Union européenne par une compagnie autorisée, un voyageur soit amené à effectuer une autre partie de son trajet avec un appareil d’une compagnie figurant sur la liste noire. La proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à notre examen vise à répondre à ces pratiques qui mettent en cause la sécurité des passagers.
Ce texte a en effet pour objectif d’améliorer la transparence dans la vente des titres de transport aérien et à sanctionner les pratiques contraires à ce principe. Il faut en effet rappeler que le nombre croissant de billets électroniques vendus rend plus difficile encore l’accès à l’information sur les transporteurs aériens.
Ainsi, toute personne physique ou morale commercialisant un titre de transport correspondant aux vols d’un transporteur aérien effectif et figurant sur la liste noire de l’Union européenne doit informer explicitement l’acquéreur et le passager de cette situation et doit trouver des solutions de transport de remplacement.
De plus, si le passager confirme l’achat d’un tel billet, il lui est indiqué par écrit, de manière claire et non ambiguë, qu’il voyagera sur une compagnie figurant sur la liste noire de l’Union européenne.
Comme je l’ai dit lors de la réunion de la commission, nous devrons certainement aller encore plus loin dans les règles d’information en instaurant une notation des avions et des compagnies pour mieux distinguer leur niveau de sécurité, comme cela se fait déjà aux États-Unis.
Enfin, le fait de commercialiser ou d’aider à la commercialisation d’un titre de transport sans respecter les mesures ordonnées en application des dispositions précitées est puni d’une amende administrative de 7 500 euros d’amende par titre de transport. Cette amende est doublée en cas de récidive, sans préjudice des poursuites pénales pouvant être engagées.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur le fait que la loi ne s’applique que sur le territoire français, alors qu’elle découle d’un règlement communautaire. Nous souhaitons vivement que la Commission européenne puisse étendre ces mesures aux autres États membres, afin de ne pas pénaliser nos compagnies nationales. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire avancer ce projet de règlement.
La rédaction équilibrée de ce texte va contribuer à renforcer l’information et la sécurité des passagers des transports aériens. Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi, qui doit faire consensus puisqu’il s’agit de la sécurité de nos concitoyens. Si la sécurité a un coût et obéit à de règles, la vie, elle, n’a pas de prix ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes aujourd’hui saisis devrait constituer, je le crois, un modèle de ce qu’est le travail parlementaire. En effet, elle a été rédigée à l’initiative de notre collègue député Odile Saugues, dont je salue le travail, appuyé sur une grande connaissance du dossier de la sécurité aérienne. Cette excellente initiative a ensuite fait l’objet d’une réflexion sérieuse et approfondie de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. Puis, le 18 novembre 2010, nos collègues députés ont adopté ce texte à l’unanimité des groupes politiques et avec l’approbation du précédent gouvernement.
J’apporterai un seul bémol à ce satisfecit : nous avons dû attendre jusqu’à ce 6 février 2013, soit plus de deux ans, pour que le Sénat discute cette proposition de loi. Mais nous connaissons les contraintes du calendrier parlementaire !
Pour autant, la commission du développement durable du Sénat s’est saisie de ce texte, sous la houlette de son président Raymond Vall et de son rapporteur, Vincent Capo-Canellas, avec lequel nous avons travaillé en bonne entente. Nos travaux se sont déroulés dans un état d’esprit constructif et en bonne intelligence collective, au-delà de tout clivage : voilà pourquoi je parlais d’un modèle de travail parlementaire et voilà pourquoi je suis particulièrement confiant quant à l’issue de notre discussion.
Pour commencer, je tiens à souligner toute la pertinence et la nécessité de cette proposition de loi dans son principe. Il s’agit, bien entendu, de développer une réflexion sur le renforcement de la sécurité pour les passagers des compagnies aériennes. Monsieur le ministre, je sais que c’est là un enjeu auquel le Gouvernement attache une grande importance, et cela n’a d’ailleurs rien de surprenant.
Si la sécurité aérienne demeure très heureusement une préoccupation constante, les améliorations techniques et la réglementation juridique sont soumises à des évolutions permanentes.
Sur le plan technique, soyons bien conscients que les progrès en matière de sécurité ne sont pas linéaires et ne sauraient être considérés comme des acquis. Ainsi, la DGAC diagnostique depuis plusieurs années un ralentissement significatif de l’amélioration du niveau de sécurité aérienne, alors que la progression avait été quasiment continue au cours des décennies précédentes.
Très récemment, les pannes de batteries constatées sur l’aéronef Dreamliner, conçu par la société Boeing, sont venues nous rappeler que les avancées technologiques ne sont pas systématiques, mais requièrent une vigilance et un travail constants.
Pour toutes ces raisons, il convient, en matière de réglementation aérienne, de poser des niveaux d’exigence drastiques. Car, quand bien même l’avion reste statistiquement le moyen de transport le plus sûr au monde, on ne peut oublier que chaque accident est potentiellement dramatique. Les tragédies que nous avons connues, et dont nous gardons toutes et tous en mémoire les images, doivent nous le rappeler : je pense à la catastrophe de Charm el-Cheikh en 2004, où l’accident d’un appareil de la compagnie Flash Airlines fit 148 morts, ou encore au crash de la Yemenia qui, en 2009, coûta la vie à 152 passagers.
Bien sûr, il est inutile de noircir le tableau, mais, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous devons demeurer extrêmement vigilants sur la définition et l’application de la réglementation en matière de sécurité aérienne.
Dans ce domaine, l’OACI joue depuis sa création, en 1944, un rôle incontournable de régulateur global. Mais ce rôle reste partiel, quand on sait que seulement 57 % des normes qu’elle édicte sont effectivement appliquées par les États qui en sont pourtant membres. Les règles de l’OACI sont donc, à très juste titre, complétées par des dispositions locales, notamment européennes, par le truchement de l’AESA. Évidemment, la création de la liste noire de l’Union européenne, en 2006, a constitué un pas important en faveur de l’information et de la sécurité des passagers.
Dans ce contexte, le dispositif introduit par la proposition de loi vise à combler une grave lacune d’information, et susceptible de faire peser ses effets de manière croissante, dans le commerce des titres de transport aérien. Tel est en effet l’objet de la proposition de loi de notre collègue Odile Saugues. Il ne s’agit pas de résoudre tous les problèmes de sécurité : il s’agit simplement d’apporter une solution pratique et concrète à un problème bien spécifique, se posant de plus en plus souvent.
Alors que la liste noire de l’Union européenne permet à tout un chacun d’identifier des compagnies aériennes « à risques », et donc de les éviter, il n’en reste pas moins que certaines de ces compagnies peuvent rester « hors des écrans radars ». Il s’agit des vols, dit de « bouts de ligne », empruntés en fin de voyage dans des pays situés hors de l’Union européenne.
La DGAC identifie, en fonction de critères d’accidentologie grave, certaines zones plus exposées que d’autres à ces compagnies ne répondant pas aux critères de sécurité fixés par l’Union européenne, mais auxquelles il est localement permis d’opérer : parmi ces zones figurent en premier lieu l’Afrique subsaharienne, puis le Moyen-Orient et, enfin, l’Afrique du Nord .
Ces vols de « bouts de ligne » sont, qui plus est, bien trop souvent vendus sans que l’usager en ait été préalablement informé. Ce défaut d’information est accentué par le développement du commerce proposé par les voyagistes électroniques.
La présente proposition de loi vise donc à remédier à ce problème, qui est à ce jour aggravé par l’existence d’un vide législatif, que nous devons bien sûr combler.
Dans le texte initial de sa proposition de loi, Odile Saugues envisageait d’inscrire dans le code pénal une sanction à l’encontre des voyagistes commercialisant des titres de transport sur des vols de compagnies figurant sur la liste noire de l’Union européenne. Cette pratique aurait alors été assimilée à la mise en danger de la vie d’autrui et aurait, par conséquent, était constitutive d’un délit.
Ce n’est pas l’option qu’a finalement retenue l’Assemblée nationale, celle-ci ayant préféré s’appuyer sur les dispositions du code des transports. La proposition de loi prévoit donc une obligation d’informer les passagers du fait qu’ils voyageront sur une compagnie inscrite sur la liste noire.
L’interdiction pure et simple de la vente ne paraît pas possible, notamment parce que, dans certains cas et en certains lieux, il peut ne pas exister de solution de rechange – je pense, mais ce n’est qu’un exemple, à certaines îles indonésiennes. En revanche, lorsqu’une solution de transport de remplacement existe, la loi ferait obligation au voyagiste de la faire connaître.
Par ailleurs, la proposition de loi assortit le dispositif d’une peine d’amende significative, qui a été fixée à 7 500 euros par billet, doublée en cas de récidive.
Enfin, bien entendu, rien ne saurait empêcher, en dehors du dispositif ainsi élaboré, de mettre en œuvre des poursuites pénales dans le cadre de la mise en danger de la vie d’autrui.
Notre commission du développement durable a donc examiné ce texte, issu des travaux de l’Assemblée nationale, et proposé un certain nombre de dispositions complémentaires. Je veux saluer, à ce titre, le travail de notre rapporteur, Vincent Capo-Canellas. Il a lui-même évoqué des amendements, qui, sans dénaturer aucunement le texte, ont pour objectif, au contraire, de le renforcer, de le rendre plus effectif et de contribuer utilement à l’information et à la sécurité des passagers.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Philippe Esnol. Certaines de ces propositions me paraissent tout à fait intéressantes et j’invite notre assemblée à les prendre en compte, comme l’a fait notre commission.
L’un de ces amendements vise notamment à préciser la rédaction du texte, afin de s’assurer que l’obligation d’information faite au voyagiste est bel et bien préalable à la réalisation de l’acte de vente. C’est bien le moins ! En effet, cette nouvelle rédaction semble d’autant plus utile que le développement du commerce numérique a sensiblement transformé la nature de l’acte d’achat : le législateur que nous sommes doit aussi en tenir compte.
Enfin, le rapporteur propose d’ajouter un délai d’entrée en vigueur des présentes dispositions. Il s’agit de permettre aux professionnels de procéder aux mises à jour nécessaires de leurs systèmes de vente informatiques, notamment pour ceux qui exploitent des sites de vente en ligne.
Sur tous ces sujets, il nous appartiendra, mes chers collègues, de poursuivre la réflexion pour parvenir au texte le plus satisfaisant possible.
Le groupe socialiste soutient la présente proposition de loi, qui est non seulement utile et importante dans son principe, mais résulte en outre d’un travail parlementaire exemplaire et non partisan. Je souhaite donc qu’elle puisse rapidement apporter à nos concitoyens un surcroît d’information et de sécurité dans leur utilisation des voyages aériens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a maintenant plus de deux ans, en novembre 2010, cette proposition de loi, déposée par la députée Odile Saugues,…
M. Alain Néri. Du Puy-de-Dôme ! (Sourires.)
Mme Mireille Schurch. … était adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. C’est donc un texte particulièrement consensuel qui arrive en discussion dans notre hémicycle.
Cette proposition de loi aborde une question fondamentale, celle de la sécurité aérienne.
Le transport aérien, en plein essor, est considéré comme le mode de transport le plus sûr, devant le rail ou la route. Pourtant, il s’agit d’un secteur spécifique dans lequel la moindre défaillance peut avoir des conséquences tragiques, aux forts retentissements médiatiques. Nous avons, hélas, tous en tête le souvenir d’accidents dramatiques.
La question qui se pose est donc de savoir pourquoi, en dehors des facteurs humains, de tels drames surviennent et, surtout, quelle législation serait en mesure de les prévenir, même si nous savons tous que le risque zéro n’existe pas.
De manière subsidiaire, nous pouvons également nous interroger sur l’efficacité de la liste noire établie au niveau européen depuis l’adoption du règlement communautaire de 2005.
La présente proposition de loi est intéressante en ce sens qu’elle prévoit l’information pleine et entière des voyageurs qui achètent un billet pour un vol effectué par une compagnie aérienne figurant sur la liste noire de l’Union européenne ainsi que la sanction du défaut d’information.
Les débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale ont fait évoluer le texte de manière notable : d’une interdiction pure et simple de commercialisation, dans sa forme initiale, on est passé à une simple obligation d’information des voyageurs.
Sur le fond, nous devons dès lors être très clairs : la présente proposition de loi n’empêchera aucunement les avions dangereux de voler et de transporter des centaines de passagers par jour.
De plus, au regard des compagnies figurant sur la liste noire, et puisque nous parlons essentiellement des liaisons dites « de bout de ligne », il faut savoir que, la plupart du temps, les passagers n’auront pas d’autre choix, à défaut d’alternatives fiables, que de recourir à la compagnie figurant pourtant sur la liste noire.
Il n’est donc pas suffisant de faire peser la responsabilité de la prise de risque uniquement sur le passager, bien trop souvent captif.
Enfin, remarquons que ce qui est sanctionné par le présent texte, ce sont non les compagnies, mais les tours operators et autres intermédiaires qui ne justifieraient pas de la délivrance de cette information auprès des passagers.
La responsabilité des transporteurs n’est donc aucunement engagée par le présent texte, ce que nous trouvons contestable. Aussi appelons-nous, monsieur le ministre, le Gouvernement à agir auprès des instances européennes.
Nous confirmons donc, à l’instar de nos collègues de l’Assemblée nationale, que nous entendons, pour notre part, plutôt voir sanctionnée directement la commercialisation sur le sol français de billets d’avion « de bout de ligne » avec une compagnie apparaissant sur la liste noire, comme le texte initial le prévoyait.
Il me semble que nous agirions dans le cadre de notre souveraineté nationale, puisque rien ne nous interdit d’édicter des règles s’appliquant sur le sol français, et cela même si nous avons conscience que cette législation serait facilement contournable, notamment par le recours aux achats sur internet. Cependant, la portée symbolique serait plus forte.
Je souhaiterais également revenir, puisque c’est également de cela dont il est question, sur l’action de l’Europe en matière de transport aérien.
Si une liste noire des compagnies aériennes est édictée depuis 2006, elle est pour le moins incomplète, voire lacunaire.
Ainsi, comme mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je déplore le manque de fermeté de l’Union européenne à l’égard de compagnies pouvant utiliser des aéronefs défaillants, notamment de la compagnie Yemenia. Deux ans après, nous regrettons encore que cette compagnie, dont nous connaissons tous les manquements en matière de sécurité, ne fasse toujours pas partie de la liste noire européenne.
Depuis dix ans, la volonté d’instaurer un ciel unique n’a pas permis de parachever un espace aérien européen sécurisé, comme le reconnaissait d’ailleurs récemment le commissaire européen en charge de ces questions. En revanche, les politiques de libéralisation sont engagées depuis des dizaines d’années.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment pensez-vous faire rimer libéralisation des transports et sécurité aérienne ?
Telle est la question de fond, mes chers collègues, en même temps que la contradiction qu’il nous faut bien résoudre.
La libéralisation de cette activité a entraîné la multiplication des vols sur les mêmes itinéraires et une course aux économies de la part des compagnies, nationales ou privées, sur les frais de personnels, de maintenance, de formation et de contrôle.
La forte concurrence qui s’exerce a poussé les compagnies – toutes les compagnies, non pas seulement celles qui figurent sur la liste noire, mais également les low cost, comme les compagnies régulières – à faire des économies sur la sécurité en rationalisant les dépenses de maintenance et de mise aux normes des appareils.
Aujourd’hui, le risque en termes de sécurité est un risque calculé de manière économique, puisqu’il faut l’avouer, les normes de sécurité coûtent bien trop cher aux yeux des actionnaires.
À l’inverse, les réglementations internationales édictées au niveau de l’OACI, l’Organisation de l’aviation civile internationale, ne sont que très partiellement respectées par les États. Nous pouvons, d’ailleurs, déplorer le manque de sécurité des compagnies de pays dits pauvres, mais nous pouvons également nous interroger sur un recours à la solidarité internationale qui leur permettrait d’accéder à des flottes sécurisées, ainsi qu’à un haut niveau de formation des personnels.
Toutes ces questions doivent, à mon sens, être posées et méritent que nous trouvions le cadre juridique adéquat aux échelons européen et international pour garantir un transport aérien de qualité. Les derniers exemples de la politique européenne en la matière ne sont cependant pas vraiment encourageants.
L’Agence européenne de la sécurité aérienne a notamment publié le 1er octobre dernier sa proposition finale de réglementation sur le temps de vol des pilotes et navigants commerciaux, texte qui mettrait en danger la sécurité des vols et des passagers selon plusieurs syndicats. La Fédération européenne des travailleurs des transports, qui représente plus de 100 000 navigants, a ainsi indiqué que les règles proposées « vont forcer les équipages à voler plus de vingt heures sans repos approprié, et même sans une pause ».
Tout cela devrait manifestement nous conduire à repenser les bases de la libéralisation pour garantir réellement la sécurité des passagers comme des personnels. C’est à un cadre de haute sécurité et de haut niveau de formation qu’il faut que l’Europe et le gouvernement français travaillent, et cela de manière urgente.
Comme cette proposition de loi entame néanmoins un pas en direction d’un meilleur encadrement pour la sécurité des passagers, nous la voterons. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mers chers collègues, sans aucun doute, l’existence de la liste noire de l’Union européenne a contribué à l’amélioration de la sécurité aérienne en Europe.
L’instauration de cette liste noire, établie pour la première fois en 2006, ainsi que la création de l’Agence européenne de sécurité aérienne se sont accompagnées d’un renforcement des normes de sécurité, notamment d’un renforcement de la prudence par l’interdiction ou la restriction de certaines compagnies à risque pour les vols au départ et à destination de l’Europe.
Le texte que nous examinons vise à indiquer clairement à l’acquéreur d’un billet d’avion qu’une partie de son voyage, dite « de bout de ligne », sera réalisée par une compagnie aérienne figurant sur la liste noire au départ d’un pays tiers qui l’autorise.
Elle instaure donc une obligation d’information qui incombe au vendeur avant la conclusion du contrat de vente, obligation sanctionnée par 7 500 euros d’amende en cas de non-respect.
Si l’acquéreur souhaite tout de même voyager sur la compagnie en question, il sera ainsi en mesure de prendre cette décision en connaissance de cause. Cette mesure garantit donc que le vendeur et le client se sont bien entendus sur l’objet du contrat.
Combien de fois avons-nous voyagé sur des compagnies aériennes qui figuraient sur la liste noire sans le savoir ? Il ne vient pas à l’esprit de tout le monde de consulter une liste qui, pourtant, est actualisée régulièrement.
La présente proposition de loi accorde donc au consommateur le droit de savoir que la sécurité de l’avion n’est pas garantie selon les normes retenues par l’Agence européenne de sécurité aérienne.
Les travaux du rapporteur, notre excellent collègue Vincent Capo-Canellas, ont permis d’améliorer le texte de l’Assemblée nationale et de trouver des solutions à certains problèmes.
Je pense, notamment, à la suppression de l’obligation pour le vendeur de proposer des modes de transport alternatifs. Ce dernier ne peut, en effet, connaître tous les itinéraires d’autobus, d’autocar, de ferries et autres, à moins d’avoir fait le voyage de lui-même. En outre, comme cela a été souligné, ces modes de transports ne sont pas plus sûrs.
Ce dispositif requiert quelques adaptations pratiques. Ainsi, un délai d’un an est accordé pour la mise en place de l’obligation d’information afin d’actualiser les logiciels de réservation. Peut-être une simple obligation de fournir la liste des compagnies aériennes avant l’achat d’un billet d’avion avec confirmation de la réception par écrit de l’acquéreur aurait-elle été aussi efficace et bien moins compliquée à mettre en œuvre…
Pour autant, cela veut-il forcément dire que les avions des compagnies figurant sur liste noire ne sont pas sûrs ?
La liste noire présente clairement des limites. Elle met au même niveau des compagnies aériennes qui ne sont pas comparables. Par exemple, figure en annexe A de la liste noire, c’est-à-dire en interdiction totale d’exploiter, la compagnie Philippines Airlines. On la trouve également sur la liste noire américaine de la Federal Aviation Administration. Cela n’empêche pas cette compagnie d’effectuer des vols quotidiens directs vers les États-Unis, le Japon ou l’Australie !
Ainsi, nous avons sur une même liste, d’une part, des compagnies plus sérieuses avec de très rares accidents, causant moins de morts que certaines grandes compagnies, mais qui demeurent en liste noire, d’autre part, une myriade de petites compagnies composées de quelques aéronefs, parfois possédées par des milliardaires locaux, et qui subissent des accidents beaucoup plus graves et plus fréquents.
Il est plus facile de sortir de la liste noire que d’y entrer ! Cela pose des problèmes aux pays dont le tourisme est entravé par l’impossibilité de fournir un service considéré comme sûr.
Parallèlement, peut-on dire que les compagnies aériennes qui ne figurent pas sur la liste noire sont sûres ? Rien n’est moins démontré, car certaines demeurent hors liste, alors que des irrégularités ont été constatées.
De très nombreux facteurs interviennent lors d’un accident, et aucune compagnie ne peut être à l’abri : le risque zéro n’existe pas, cela a déjà été dit !
Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile, autorité française des enquêtes de sécurité sur les accidents et les incidents aériens, a bien relevé que la formation des pilotes présentait quelques défauts lors de l’examen des circonstances de l’accident du vol AF 447 Rio-Paris du 1er juin 2009, qui avait causé la mort de 228 passagers.
Bien entendu, il est impossible pour les autorités de contrôle de surveiller tous les avions avant le décollage.
Cependant, en dépit de l’impact très mesuré de la proposition de loi sur la sécurité aérienne proprement dite, de telles dispositions permettront de mieux garantir les droits des consommateurs. Elles contribueront sans aucun doute à la surveillance des compagnies douteuses, celles que j’appelle parfois, pour des raisons évidentes, les compagnies « Air Inch’Allah », et d’éviter ainsi que des voyages de rêve ne deviennent des destinations de cauchemar !
Cette proposition de loi constitue donc, monsieur le ministre, un progrès indéniable que le groupe RDSE ne peut que soutenir ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je parle en remplacement de mon collègue Roland Dantec, en ce moment extrêmement mobilisé par les questions relatives à l’énergie.
Le texte soumis à notre vote a été adopté par l’Assemblée nationale sur la base d’un consensus large entre l’ensemble des groupes politiques.
C’est un premier motif de satisfaction pour le groupe écologiste, car, au cœur même de la mission qui nous anime, il y a notre capacité à nous retrouver, au-delà des clivages politiques, sur des textes qui constituent de réelles avancées. En l’occurrence, ce sont la sécurité et l’information des consommateurs qui vont être renforcées.
C’est au niveau de l’Union européenne qu’a été créé le premier encadrement juridique des compagnies aériennes à risque, l’établissement de la fameuse « liste noire » des compagnies aériennes faisant l’objet d’interdiction ou de restriction d’exploitation dans l’Union européenne ayant été prévu par un règlement de 2005, qui a également créé une obligation d’informer les voyageurs sur l’identité du transporteur aérien effectif.
La présente proposition de loi complète le règlement européen. En effet, des difficultés peuvent encore exister sur les vols de « bout de ligne ». Il s’agit des cas dans lesquels les passagers, au départ ou à l’arrivée de certains pays situés hors de l’Union européenne, doivent emprunter une correspondance locale pour commencer ou terminer leur trajet, et n’ont pas d’autre choix que de voyager avec une compagnie classée sur la liste noire. L’interdiction d’exploitation européenne ne peut pas s’appliquer dans ces situations, puisqu’elle n’a de valeur juridique que dans le ressort territorial de l’Union.
La création d’une interdiction de commercialisation de ces billets d’avion aurait été un coup d’épée dans l’eau. En effet, à l’heure d’internet, interdire la commercialisation de ces titres de transport en France n’aurait fait qu’inciter les passagers français à acheter leurs billets d’avion auprès de prestataires de voyages établis hors de notre pays.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. C’est clair !
M. Joël Labbé. La création d’une obligation d’information nous semble donc pertinente et plus réaliste. Mieux vaut une information garantie au consommateur plutôt qu’une interdiction sans effet.
La commission du développement durable du Sénat a apporté des modifications à cette proposition de loi afin de la rendre plus effective. C’est pour nous un deuxième motif de satisfaction.
La commission a ainsi précisé que l’obligation d’information devait intervenir avant l’achat du billet, et non au moment de la confirmation d’achat. Cette modification nous semble particulièrement pertinente pour garantir au consommateur une information qui lui permette d’effectuer un achat éclairé.
Pour sanctionner la violation de cette obligation d’information, une amende de 7 500 euros, doublée en cas de récidive, nous semble suffisamment dissuasive.
Ainsi que l’indique le rapport, nous devrions examiner cette année un projet de loi sur la consommation, qui sera présenté par M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Ce texte inclurait notamment des dispositions sur l’action de groupe, les clauses abusives et le renforcement des dispositifs de sanction.
Sachez que nous soutiendrons toute initiative en ce sens, le déséquilibre entre consommateurs et professionnels étant bien trop souvent extrêmement défavorable aux premiers.
Cette proposition de loi est positive. Pourquoi donc avoir attendu aussi longtemps pour s’en saisir ? Surtout, pourquoi prévoir qu’elle n’entrera en vigueur que dans douze mois ?
On justifie ce délai par la nécessité de laisser aux professionnels le temps de s’adapter. Certes, mais l’examen de ce texte n’a déjà que trop tardé. Quant aux professionnels, ils demeurent évasifs sur les difficultés qu’ils pourraient rencontrer lors de sa mise en œuvre. Vous l’indiquez vous-même, monsieur le rapporteur : « Il n’est pas clairement établi que ces craintes sont fondées. »
Nous comprenons que les professionnels aient besoin d’un peu de temps pour s’adapter à des obligations nouvelles. Pour autant, la décision de différer l’entrée en vigueur prise par la commission du développement durable est peut-être une illustration du déséquilibre qui apparaît lorsqu’il s’agit de prendre en compte les intérêts des consommateurs et ceux des professionnels. Nous parlons là de sécurité, et celle-ci devrait primer sur toute autre considération, même si le risque zéro n’existe bien évidemment pas.
Le groupe écologiste votera cependant pour ce texte, qui constitue une avancée en matière de sécurité et d’information précontractuelle des consommateurs passagers dans le domaine du transport aérien. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons d’un texte qui semble faire l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée nationale, où il a été adopté par tous les groupes politiques, qu’au sein de la commission du développement durable, qui y a seulement apporté quelques modifications techniques.
À ce titre, je souhaite remercier tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte consensuel, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et notamment son rapporteur, Vincent Capo-Canellas, fin connaisseur du secteur des transports aériens.
Même si les transports aériens sont considérés comme les plus fiables, la volonté de renforcer toujours davantage les niveaux de fiabilité et de sécurité afin d’éviter au maximum les accidents ne peut être que positive. Dans ce domaine, les conséquences d’un défaut de précautions sont trop graves.
Ce texte, qui s’intitulait initialement « proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne » et qui a été rebaptisé par nos collègues, en commission, « proposition de loi visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transports sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne », relève donc du bon sens.
Il vise principalement à garantir une meilleure information des usagers, donc davantage de transparence, et une meilleure protection des usagers, donc plus de sécurité dans les transports aériens. Tous ces éléments enrichissent l’éventail des outils existants, qui s’appuient principalement sur la prévention, le contrôle et la sanction.
Cette proposition de loi vient en effet renforcer, à juste titre, ce que le règlement européen de décembre 2005 avait mis en place.
Depuis 2005, la Commission européenne a instauré la fameuse « liste noire » des compagnies interdites d’exploitation en Europe, qu’elle actualise régulièrement – la dernière fois en décembre dernier –, ainsi qu’un ensemble de dispositions créant une obligation d’informer les voyageurs sur l’identité du transporteur aérien effectif. Plus aucun vol, régulier ou charter, au départ ou à l’arrivée de l’Union européenne, ne peut donc se faire sur un appareil manifestement non conforme aux exigences minimales de sécurité.
Une difficulté demeurait – et c’est là que cette proposition de loi trouve tout son intérêt – concernant les vols « de bout de ligne ».
Il arrive que des usagers soient amenés à utiliser des transports figurant sur la liste noire et qu’ils n’aient même souvent pas d’autre choix. Cette situation se produit lorsque, au départ ou à l’arrivée de certains pays tiers de l’Union européenne, les passagers doivent emprunter un appareil d’une compagnie aérienne locale pour commencer ou terminer leur trajet.
Dans un tel cas, l’interdiction d’exploitation européenne ne peut évidemment pas s’appliquer, puisqu’elle n’a de valeur juridique que dans le ressort territorial de l’Union européenne.
On cite fréquemment l’exemple de Yemenia, dont le nom est associé au crash de 1999. Cette compagnie aérienne dispose d’un accord privilégié avec l’Union des Comores, qui en fait quasiment un transporteur national, et aux termes duquel « tout nouveau transporteur souhaitant exercer à Moroni devra d’abord consulter Yemenia ».
L’accord de 1999 a été renforcé par un arrêté du ministère comorien des transports accordant à Yemenia l’exclusivité du transport des pèlerins vers La Mecque. Les passagers ne peuvent donc éviter de voyager sur cette compagnie dangereuse, la seule à desservir la destination choisie.
Face à de tels cas, il faut responsabiliser les professionnels du secteur. La présente proposition de loi permet ainsi avec raison, et dans la marge de manœuvre assez réduite dont dispose la France au regard du droit européen, d’aller au-delà des normes minimales fixées par l’Europe en matière d’information précontractuelle. Certes, elle n’empêchera pas les avions dangereux de transporter des voyageurs ; des propositions en ce sens mériteraient d’ailleurs d’être formulées.
La proposition de loi rend obligatoires deux informations : l’une, écrite et explicite, mentionnant le fait qu’un transporteur figure sur la liste noire européenne ; l’autre, relative aux solutions de substitution qui pourraient exister. Ce faisant, ce texte va beaucoup plus loin que le règlement européen, qui « se contente » de l’obligation de communiquer l’identité du transporteur aérien effectif au passager, lequel doit lui-même vérifier si le transporteur figure ou non sur la liste noire.
Grâce à cette proposition de loi, les niveaux de sécurité des vols et d’information des passagers seront renforcés. Une sanction de 7 500 euros d’amende par titre de transport vendu en cas de non-respect du droit à l’information du consommateur participe à sa bonne application et à son efficacité.
Je tiens par ailleurs à saluer la modération et la justesse qui caractérisent cette proposition de loi. La tentation était grande, en effet, d’interdire aux compagnies placées sur la liste noire la vente de titres de transports. Or cette mesure radicale aurait été, à mon sens, inapplicable dans de nombreuses parties du monde, les alternatives de transports étant souvent réduites, voire nulles.
Plutôt qu’une logique d’interdiction de la commercialisation en France des vols à risque dans des pays tiers, c’est une logique de renforcement de l’information précontractuelle, écrite et explicite, des voyageurs qui a été choisie. Les usagers ne peuvent plus acheter ce type de billets sans avoir une idée claire et précise du risque qu’ils encourent.
Au regard de tous ces éléments, l’ensemble du groupe UDI-UC ne peut que voter cette proposition de loi visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transports sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne.
Si notre pays a été un précurseur en matière d’établissement d’une liste noire des compagnies aériennes, il serait bon que ce texte, protecteur pour les consommateurs, soit également l’amorce d’une réglementation européenne. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique du texte de la commission.
Article unique
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la sixième partie du code des transports est complétée par un article L. 6421-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6421-2-1. – Toute personne physique ou morale commercialisant un titre de transport sur les vols d’un transporteur aérien effectif figurant sur la liste des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation doit informer de manière claire et non ambiguë l’acquéreur et le passager de cette situation et l’inviter à rechercher des solutions de transport de remplacement.
« Il lui est indiqué par écrit, avant la conclusion de la vente, qu’il voyagera sur une compagnie figurant sur la liste européenne des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation.
« Le fait de se livrer ou d’apporter son concours à la commercialisation d’un titre de transport sans respecter les mesures ordonnées en application du présent article est passible d’une amende administrative de 7 500 € par titre de transport, doublée en cas de récidive, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées au titre de l’article 121-3 du code pénal. »
II (nouveau). – La présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard un an après sa promulgation.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Capo-Canellas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’acquéreur et le passager
par les mots :
le passager ou l’acquéreur, si celui-ci n’est pas l’utilisateur du billet,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Cet amendement vise à déterminer plus clairement le destinataire de l’information relative à l’identité du transporteur aérien.
Un billet d’avion peut en effet être acheté non par le voyageur lui-même, mais par un tiers pour son compte. C’est le cas notamment dans la plupart des déplacements professionnels, où c’est l’entreprise qui achète le billet. Dans de tel cas, le vendeur du billet se voit communiquer le nom du voyageur, mais il n’a pas nécessairement la possibilité de le contacter et de l’informer directement.
La loi doit donc prévoir ce cas de figure en indiquant que l’information est alors délivrée à l’acquéreur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cet amendement achève de « peaufiner » la proposition de loi, qui devient ainsi pleinement opposable.
Je salue à cette occasion le souci d’efficacité législative qui anime la commission. Il est en effet nécessaire de garantir la sécurité juridique en s’assurant de l’opposabilité des dispositions législatives en fonction des situations.
M’associant aux nombreuses louanges qui vous ont été adressées, j’émets donc, monsieur le rapporteur, un avis favorable.
M. le président. Je rappelle au Sénat que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a ainsi rédigé l’intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transports sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne ».
Avant de mettre aux voix l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je retiendrai de vos différentes interventions le souci constant de garantir l’opposabilité de cette proposition de loi et de parvenir à un texte de protection.
Monsieur le rapporteur, il est effectivement important que la proposition de loi ne reste pas lettre morte et qu’elle entre en vigueur le plus rapidement possible. Vous avez évoqué les contours de la procédure, notamment la voie réglementaire par le biais de laquelle le Gouvernement pourrait, en temps utile, presser le rythme. Je me tournerai vers ma collègue Sylvia Pinel, en charge du tourisme, pour sensibiliser les acteurs en vue d’une mise en œuvre effective de la loi.
Je vous renouvelle tous mes remerciements pour la qualité du texte ainsi arrêté. M. Esnol a même dit qu’il constituait un « modèle de travail parlementaire ». J’aurai garde de le dénaturer ! Nous devons néanmoins nous inscrire très rapidement dans la phase terminale du processus législatif afin de rendre la loi opposable.
Certes, M. Rémy Pointereau a regretté qu’elle ne s’applique que sur le territoire national. Mais, pour répondre aux vœux de la plupart d’entre vous, nous aurons à cœur de sensibiliser la Commission européenne à ce modèle de protection et de faire en sorte que, dans le cadre de l’OACI, les procédures avancent.
Madame Schurch, en faisant état de la situation, vous vous êtes interrogée sur l’efficacité de la liste noire, interrogation qui est d’ailleurs partagée par nombre de vos collègues, notamment par M. Jean-Claude Requier.
Effectivement, le processus de sortie de la liste n’est pas national ; il est européen. Il est important de souligner que ce processus communautaire rigoureux est assez lourd. Il s’appuie sur les données résultant des procédures de contrôle effectuées dans le cadre du programme SAFA – Safety Assessment of Foreign Aircraft.
Dans le monde, les compagnies dangereuses sont au centre des préoccupations et font l’objet des nombreux contrôles auxquels j’ai fait référence dans mon intervention liminaire.
La liste noire n’est peut-être pas une procédure parfaite, mais elle permet malgré tout des avancées importantes, finalement assez récentes au regard de l’évolution des règles. Notre mission est effectivement de nous mobiliser pour aller plus loin dans le cadre européen ou de l’OACI.
S’agissant de la compagnie Yemenia, j’ai pris connaissance de la situation dès mon entrée en fonctions. J’ai été alerté par les familles. La publication du rapport d’accident est un vrai sujet. J’ai écrit à mon collègue du Yémen pour lui demander quelles mesures avaient été prises pour tirer les leçons de ce drame et avoir des informations plus précises. Il semblerait que les autorités comoriennes aient transmis aux parties l’avant-projet ou le projet de rapport. Mais la situation n’est pas d’une grande clarté et nous le déplorons.
Pour avoir reçu les familles des victimes du vol Rio-Paris, je peux vous dire que ce sont des moments très douloureux et particulièrement difficiles, qui nécessitent à la fois beaucoup d’attention et d’exigence.
Madame Schurch, vous avez également abordé les questions liées au temps de travail du personnel navigant. Le texte de l’Agence européenne de sécurité aérienne est en phase de finalisation. Il ne s’agit pas d’un texte social, mais d’un texte relatif à la sécurité. Pour autant, nous devons être attentifs à son devenir, car, dans l’ensemble, il contribuera à améliorer la situation grâce à la prise en compte de la fatigue.
Reste les satisfecit, auxquels je m’associe volontiers. Certes, comme M. Joël Labbé, on peut regretter que le processus législatif ne soit pas plus rapide, mais c’est ainsi ! Cela permet aussi de mûrir les textes ! Je vous remercie en tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre participation à l’examen de ce texte. Le fait que des sujets aussi importants mobilisent autant de représentants du peuple et des collectivités prouve tout simplement que l’intérêt général transcende les différences d’appartenance. L’on ne peut qu’en être heureux, surtout lorsque le résultat du travail parlementaire est d’une telle qualité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de dire que les élus du Puy-de-Dôme – Alain Néri ici présent, Jacques-Bernard Magner, qui, j’en suis persuadée, le serait aussi s’il ne devait pas accueillir demain matin Vincent Peillon dans le département, et moi-même – tenaient à montrer à Odile Saugues combien ils sont heureux que son travail se concrétise ce soir ici.
Je veux remercier notre rapporteur, le président et le vice-président de la commission du développement durable ainsi que tous ceux de nos collègues qui ont répondu aux attentes d’Odile Saugues, qui s’inquiétait, il y a quelques mois encore, de savoir quand nous allions étudier ce texte et si nous en voulions vraiment !
C’était évidemment le cas, car la question de la sécurité aérienne est très importante. Il nous est tous arrivé, en montant à bord d’un vol de ces compagnies aériennes, de nous demander si le moteur n’était pas dans l’état de la moquette ! (Sourires.) La première fois, vous vous demandez vraiment ce que vous êtes parti faire à l’autre bout du monde, mais, une fois à bord, il faut bien poursuivre le voyage !
La fréquence des contrôles et l’état des appareils ne sont bien évidemment pas les mêmes dans tous les pays. En France, nous avons la chance d’avoir à la fois les connaissances techniques et les moyens nécessaires pour entretenir nos avions. Mais tous les pays n’ont ni cette chance, ni, parfois, le même niveau d’exigence.
Odile Saugues, qui a travaillé à la manufacture Michelin, est passionnée par ces sujets, qu’elle a beaucoup étudiés, comme ceux d’entre nous à qui elle a pu présenter ses travaux le savent.
Ce soir, je voulais simplement dire devant vous que, nous, sénateurs de son département, sommes fiers que notre assemblée adopte son texte à l’unanimité. C’est d’autant plus appréciable que ce n’est pas si courant au Sénat !
Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie de votre contribution à ce travail. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Ce texte voulu par Mme Odile Saugues correspond à une prise de conscience : si le transport aérien est en général très satisfaisant et favorise le développement de nos sociétés, il est parfois inquiétant de constater que toutes les précautions ne sont peut-être pas prises. C’est à ce constat qu’Odile Saugues, qui s’est livrée à un travail de fond, a voulu donner une traduction législative.
Vous avez eu raison d’y insister, monsieur le ministre, c’est un travail parlementaire de fond qui a ainsi été réalisé et l’unanimité qui, je n’en doute pas, va se faire ce soir autour de la proposition de loi est un hommage au travail accompli par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur et des membres de la commission.
Cette loi s’appliquera donc en France, mais je souhaite, nous souhaitons tous, que ce travail de fond trouve très rapidement un débouché au niveau européen. Ce ne serait, après tout, qu’un retour d’ascenseur ! (Sourires.)
En effet, le Parlement français est souvent amené à adopter des directives européennes. Alors, pour une fois, une loi française pourrait recueillir l’assentiment du Parlement européen !
Si tel était le cas, la proposition de loi de notre collègue Odile Saugues, complétée et enrichie par le travail des députés et des sénateurs, deviendrait tout à fait exemplaire. Nous serions heureux que la prise de conscience de certaines difficultés, auxquelles sont également confrontés les autres citoyens européens, qui a conduit à l’adoption de ce texte profite ainsi aussi à ces derniers.
Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui permettront ce soir l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Bien que je ne souhaite pas prolonger les débats, je tiens à formuler un certain nombre de remerciements, qui ne seront pas tous d’usage.
Je remercie tout d’abord M. le ministre de l’attention qu’il a portée à ce sujet et à cette proposition de loi. Il a compris, et nous l’a fait savoir assez tôt, le sens du travail que nous menions en vue d’améliorer la présente proposition de loi et de la rendre pleinement effective. Nos commissions ont, évidemment, la liberté d’intervenir sur les textes, mais il est toujours préférable de l’exercer en accord avec le Gouvernement.
J’adresse également mes remerciements à M. le président de la commission, Raymond Vall, qui, grippé, n’a pas pu assister à nos débats ce soir. Michel Teston l’a suppléé en tant que vice-président. L’un comme l’autre ont apporté, aux différents stades de l’examen du texte, un regard bienveillant et toujours utile.
Je me tourne également vers les membres de la commission. Nous avons essayé de travailler tous ensemble sur ce sujet. C’était le rôle du Sénat d’apporter à ce texte les améliorations nécessaires pour en assurer l’effectivité.
Monsieur le ministre, avant de remercier l’ensemble des orateurs qui sont intervenus ce soir, je souhaite souligner l’esprit de concorde qui a régné entre nous. Je ne sais s’il est propre à notre assemblée : en la matière, vous êtes meilleur juge que moi, puisque vous pouvez comparer le déroulement des travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, les sénateurs ont toujours à cœur lorsque c’est possible – bien sûr, ce n’est pas toujours le cas ! –de travailler dans la concorde, et le sujet méritait très largement qu’il en aille ainsi. Chacun a apporté sa pierre, tout en faisant entendre sa différence. Nous avons su nous réunir sur l’essentiel de ce texte, déposé initialement à l’Assemblée nationale par Mme Saugues, à laquelle un hommage justifié a été rendu à l’instant par ses collègues du Puy-de-Dôme.
Par ailleurs, il n’est pas si courant que soit désigné un rapporteur appartenant à l’opposition, encore moins sur un texte issu d’une proposition de loi émanant de l’autre chambre et d’un groupe différent du sien. Mais c’est le propre de la commission du développement durable de travailler dans le consensus. Au demeurant, l’arithmétique nous y obligerait presque, si besoin était ! (Sourires.)
Parce que j’avais quelques connaissances sur ces sujets, la commission et son président ont bien voulu me désigner rapporteur à l’unanimité. C’est peut-être un signal. J’espère en tout cas, monsieur le ministre, que, nous continuerons à travailler dans la concorde : il existe très certainement d’autres beaux sujets qui mériteront que l’on s’y essaie. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Michel Teston, vice-président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer la grande qualité du travail effectué lors de l’examen de cette proposition de loi : grande qualité d’abord du travail du rapporteur, Vincent Capo-Canellas ; grande qualité aussi des contributions des sénatrices et sénateurs qui sont intervenus tant en commission qu’en séance ; grande qualité du travail des collaborateurs de la commission du développement durable des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire.
Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier, au nom de tous les membres de la commission, de votre disponibilité et de l’écoute dont vous avez fait preuve lorsque vous êtes venu débattre de cette proposition de loi avec nous.
Je suis convaincu qu’avec ce texte nous allons contribuer à améliorer sensiblement la sécurité aérienne. En tout cas, je le souhaite ardemment. (Applaudissements.)
M. le président. Je considère que l’atterrissage s’est bien passé. (Sourires.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 7 février 2013 :
À neuf heures trente :
1. Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières (n° 503, 2011-2012) ;
Rapport de M. Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 319, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 320, 2012-2013).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et, éventuellement, le soir :
3. Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin.
4. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 (n° 122, 2011-2012) ;
Rapport de Mme Esther Benbassa, fait au nom de la commission des lois (n° 324, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 325, 2012-2013).
5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 136, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Michèle André fait au nom de la commission des finances (n° 315, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 316, 2012-2013).
6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d’Oman en vue d’éviter les doubles impositions (n° 135, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Michèle André fait au nom de la commission des finances (n° 313, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 314, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART