M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les questions relatives au statut du tiers ou du beau-parent sont intéressantes et, comme je l’ai dit précédemment, elles seront incluses dans le futur projet de loi sur la famille.
Sur le présent amendement, le Gouvernement se range à l’avis de la commission.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - L’article 371-4 est ainsi rédigé :
« Art. 371-4. – L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, le tiers, parent ou non, qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non.»
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 183 rectifié quater, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - Après l’article 371-4 du code civil, il est inséré un article 371-4-... ainsi rédigé :
« Art. 371-4-... – L’enfant peut entretenir des relations personnelles avec le tiers, parent ou non qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. »
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Cet amendement est le premier d’une série visant globalement à l’élaboration d’un statut du beau-parent.
Ces propositions font suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes émises dans le cadre du rapport de 2006 du Défenseur des enfants, intitulé « L’enfant au cœur des nouvelles parentalités : pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui ».
Malheureusement, du fait de la réserve demandée hier par le président de la commission des lois, le présent amendement se retrouve quelque peu isolé, la discussion des autres amendements de cette série ayant été renvoyée après l’article 23, le dernier du texte.
Cet amendement tend à prévoir le maintien de relations personnelles entre l’enfant et le tiers, parent ou non, qui a partagé la vie de l’enfant et noué avec lui des liens affectifs étroits.
M. le président. L’amendement n° 277, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
lorsqu'il
par les mots :
lorsque ce tiers
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, à son entretien ou à son installation,
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Nous estimons que, dans cet article, les mots « à son entretien ou à son installation » sont superfétatoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, auxquels j’étais, à titre personnel, défavorable.
Je pense en effet que ces amendements ne changent rien et qu’il faut conserver le texte tel que nous le proposons, au demeurant très proche de celui qui nous vient de l’Assemblée nationale.
Les auteurs de ces amendements souhaitent en fait « tripatouiller » le statut du beau-parent, qui pose en lui-même une vraie question. Mais celle-ci ne peut être réglée, selon moi, par des amendements successifs visant à modifier le dispositif introduit par l’Assemblée nationale.
Ce dispositif, peut-être imparfait, se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour donner la possibilité à un juge saisi par un tiers, qu’il s’agisse d’un beau-parent, d’un grand-parent ou d’un parent, de maintenir un droit de visite ou de garde lorsqu’il est prouvé que des liens affectifs ont été maintenus entre l’enfant et le tiers, ou que celui-ci a pourvu à l’éducation de l’enfant.
Je propose que l’on s’en tienne là et que l’on n’aille pas plus avant dans la définition du statut du beau-parent, car celui-ci pose d’autres problèmes qui seront sans doute abordés dans le futur texte sur la famille, comme nous le dira certainement Mme Bertinotti.
Je rappelle que la commission s’est néanmoins prononcée pour ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En effet, le statut du beau-parent, ou du tiers, sera traité dans toute sa diversité dans le cadre du projet de loi sur la famille.
L’amendement n° 91 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 371-4 du code civil, la référence proposée par la commission des lois à l’entretien ou à l’installation de l’enfant. Je fais observer que ces critères existent déjà en droit, notamment dans la définition de la possession d’état, à l’article 311-1 du code civil.
J’émets un avis défavorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, et favorable sur l’amendement n° 277.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 275, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article 353 du même code est ainsi rédigé :
« Le tribunal vérifie en outre si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale, notamment dans le cas où l’adoptant a des descendants, ou encore, lorsque, en application de l’article 371-4, le juge aux affaires familiales a prévu le maintien des liens de l’enfant avec un tiers. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La raison de cet amendement est, une nouvelle fois, la protection de l’intérêt de l’enfant.
Certains enfants, issus du désir d’un couple et d’un projet parental commun, n’ont de filiation établie qu’à l’égard d’un parent, ce qui donne à ce dernier, en cas de séparation, les pleins pouvoirs sur les relations de son enfant avec celui que l’on a coutume d’appeler « l’autre parent ».
Ce parent social doit être pris en compte par tous ceux qui sont amenés à considérer et à décider de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous proposons de convier les tribunaux à prendre en compte, dans le cadre de la procédure d’adoption, les liens existants entre un enfant et son parent social.
Il est temps de reconnaître au parent social le rôle qui lui revient, étant donné son importance dans le projet d’engendrement et d’éducation, ainsi que dans le projet d’avenir de l’enfant.
Cette disposition est destinée à s’appliquer dans le cadre tant d’une procédure d’adoption plénière que d’une procédure d’adoption simple. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au juge aux affaires familiales, ou JAF, d’examiner si l’adoption de l’enfant n’est pas susceptible de porter atteinte aux liens qu’il a noués avec un tiers.
L’intention de l’auteur de l’amendement est louable et s’inspire du dispositif particulier qui a été adopté sur l’initiative de la commission s’agissant de la tierce opposition au jugement d’adoption : outre la saisine du juge en vue de maintenir le lien de l’enfant avec un tiers, il est possible, dans le cas où ce lien a été maintenu par une décision du JAF, lorsqu’il y a une adoption postérieure par le nouveau conjoint, et à condition que le juge de l’adoption n’ait pas été informé de la décision du JAF, de s’opposer à l’adoption et de la faire annuler pour dol. Avec le présent amendement, l’idée est à peu près la même : il est donc d’ores et déjà satisfait.
En outre, la rédaction proposée risque de porter préjudice à l’intérêt de l’enfant. En effet, le droit en vigueur, en l’espèce le deuxième alinéa de l’article 353 du code civil, protège les droits des descendants éventuels de l’adoptant contre l’atteinte que l’adoption pourrait porter à leur propre vie familiale. Il s’agit, par exemple, d’éviter que l’adoption ne lèse les enfants de l’adoptant. Ce dispositif oppose donc, par définition, les droits des descendants et l’intérêt de l’adopté.
Concevoir sur le même modèle l’intervention d’un tiers titulaire d’une décision du JAF, c’est obliger le juge à examiner si, bien que l’adoption de l’enfant soit dans son intérêt, elle ne compromet pas la vie familiale du tiers. C’est ainsi lier l’appréciation du juge, en l’obligeant à concilier ou à opposer l’intérêt de l’enfant et l’intérêt du tiers. Or, en la matière, l’intérêt de l’enfant doit toujours prévaloir.
Si l’on oblige le juge à agir ainsi, celui-ci pourrait être conduit à faire prévaloir l’intérêt du tiers sur celui de l’enfant dans le jugement d’adoption qu’il aura à rendre. Dès lors, il semble qu’il y ait une contradiction entre l’intention de l’auteur, que je partage, et l’effet juridique possible de cette disposition.
Pour ces raisons, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable, dans l’intérêt des enfants.
Je reconnais que tout cela est un peu compliqué…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, j’approuve entièrement votre dernière phrase ! (Sourires.)
La description technique que vous nous avez livrée est tout à fait fondée, mais l'amendement a néanmoins sa justification. C’est pourquoi je ne souhaite pas écarter définitivement une solution allant dans ce sens. Il reste que j'ai tout de même un doute.
Madame Benbassa, je vous propose donc de retirer cet amendement et, dans la mesure où la ministre chargée de la famille va mener une réflexion approfondie sur la question de l'adoption, d’y travailler avec elle. Il n'est pas dit que la précaution supplémentaire que vous demandez soit superflue ; en même temps, il ne me semble pas tout à fait raisonnable de l'inscrire en l'état dans le droit civil.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 275 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Si le Gouvernement s’engage à créer, après avoir engagé une réflexion à ce sujet, un véritable statut du parent social dans le cadre du futur texte sur la famille je suis prête à retirer cet amendement. Il va de soi que je ne cherche pas à présenter des amendements pour le plaisir !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Madame Benbassa, je tiens à vous apporter les assurances que vous demandez : dans le futur projet de loi sur la famille, le statut du tiers ou du beau-parent sera évoqué et toutes les questions relatives à ce sujet seront abordées.
Mme Esther Benbassa. Je retire l'amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 275 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er quinquies, modifié.
(L'article 1er quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
M. le président. Je rappelle que les amendements portant article additionnel ont été réservés jusqu’après l’article 23.
Organisation des travaux
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, nous allons commencer l’examen du chapitre II, qui concerne les dispositions relatives au nom de famille. Je ne pense pas que nous puissions l’achever avant vingt heures trente, heure à laquelle vous avez dit vouloir suspendre la séance. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nos travaux se déroulent dans un cadre normal : nous pourrions donc suspendre nos travaux à dix-neuf heures trente, pour les reprendre deux heures plus tard et lever la séance à minuit trente, puisque nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, à partir de neuf heures trente.
Dans ces conditions, pourquoi appeler maintenant l’article 2 A, au risque de devoir saucissonner ensuite l’examen du chapitre II ?
Mme Jacqueline Gourault. Là, on perd du temps !
M. le président. Ma chère collègue, dans la mesure où ce chapitre ne comporte que trois articles, nous pouvons les examiner rapidement et respecter parfaitement l’organisation de nos travaux telle qu’elle a été prévue.
Chapitre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Article 2 A (nouveau)
Après l’article 225 du code civil, il est inséré un article 225-1 ainsi rédigé :
« Art. 225-1. – Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit. »
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je constate une fois de plus que l’on est en train de violer toutes les règles du droit du travail en nous imposant des rythmes de travail difficilement supportables (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.),…
Mme Éliane Assassi. C'est la meilleure ! On en reparlera la semaine prochaine !
M. Patrice Gélard. … et ce, vraisemblablement, pour que certains puissent suivre le match de football retransmis ce soir à la télévision ! (Ah ! sur les travées de l’UMP. – Nouvelles exclamations sur les travées sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n'est pas très glorieux !
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l'article 2 A, qui introduit dans le code civil une disposition à nos yeux inutile. En effet, le code civil contient déjà des règles fondées sur le même principe, comme le précisait l'amendement adopté en commission qui est à l’origine de cet article.
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Chacun des époux
par les mots :
Le mari ou la femme
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Dans la logique de ce que nous avons défendu jusqu'à présent, cet amendement vise à remplacer les mots « chacun des époux » par les mots « le mari ou la femme ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Contrairement à ce qu'estiment les signataires de l'amendement n° 68 rectifié bis, la précision qui est introduite dans le code civil est tout à fait opportune. L'article 2 A a été inséré dans le projet de loi en commission des lois grâce à l’adoption d’un amendement de l'un de ses membres. Il avait été présenté à l'Assemblée nationale, mais n'avait pas pu être voté en raison du temps programmé. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 68 rectifié bis.
Dans la mesure où nous avons adopté l’article 1er qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe, il me semble que l’amendement n° 92 rectifié bis n'a plus lieu d'être. Il ne devrait plus avoir d'objet d'un point de vue politique, même si, sur le plan juridique, il garde sa légitimité. La commission y est donc tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression pour les raisons qu'a indiquées la commission, même si la question du nom doit être encore l’occasion de débats aussi bien dans la société qu'au Parlement. Il ne s’agit pas seulement de faire référence à des habitudes et à des traditions qui sont devenues du droit ; nous devons aussi aborder ces questions en fonction de l'évolution de la société, des enjeux de l'égalité entre les hommes et les femmes, des engagements internationaux de la France, auxquels je vous sais très attachés. J’ai déjà rappelé, par exemple, les interpellations des Nations unies sur la préséance donnée au nom patronymique masculin, au détriment de l'attribution du nom de la mère.
Nous ne pourrons éluder ce débat, mais nous ne pouvons pas le tenir dans le cadre du présent texte.
Quant à l'amendement n° 92 rectifié bis, je le considère comme une sorte clin d'œil.
En premier lieu, l'article 1er ayant été adopté, le texte que nous examinons, en tout cas à ce moment de la navette parlementaire, a déjà consolidé l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.
En second lieu, monsieur Gélard – et c’est un clin d'œil que je vous adresse à mon tour –, je vous rappelle l'étymologie de chacun des mots en cause, puisque vous indiquez préférer « mari » et « femme » à « époux ». « Mari » vient du latin mas, maris, c'est-à-dire le mâle, et le mot « femme » a la même étymologie que « femelle », alors que « époux » vient de sposare, qui signifie : « promettre solennellement ». Le mot « époux » a tout de même plus de dignité, plus d'allure, plus de solennité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l'amendement n° 68 rectifié bis.
M. Jean-Jacques Hyest. Il convient tout de même de le savoir, une fois mariée, la femme garde son nom : l’ajout du nom de son époux est un simple usage, certes très répandu.
Cet aspect est assez secondaire, mais il en sera question lorsque nous allons évoquer le nom de famille des enfants.
Je vous rappelle que nous avons adopté en 2003 une proposition de loi relative à la dévolution du nom de famille, dont notre ancien collègue Henri de Richemont était le rapporteur au nom de la commission des lois. Je ne suis pas sûr qu’il se soit agi d’une bonne réforme, mais l'Assemblée nationale a en tout cas aggravé les choses et l’on aboutit désormais des situations tout à fait ridicules.
Ce débat est sérieux. Dans toutes les grandes civilisations, le nom, c'est ce qui détermine l’être ; nommer quelqu'un est tout à fait fondamental, c'est lui donner existence. Ce caractère symbolique est extrêmement important, et nos concitoyens en ont bien conscience.
Nous devrons d'ailleurs aborder d'autres aspects du problème, par exemple la disparition des noms. Notre excellent collègue François Zocchetto est en droit de craindre, compte tenu de l’ordre alphabétique retenu pour accoler les noms, que les noms commençant par la lettre Z ne disparaissent progressivement. (Sourires.) C’est une réalité ! Ces questions sont tout à fait sérieuses ! Il faut essayer, autant que faire se peut, de ne pas bricoler davantage ce qui, de mon point de vue, est déjà assez compliqué. Je pense, par exemple, à la possibilité de choisir pour son enfant le nom du père ou de la mère – ou demain, peut-être, des parents qui ne seront pas un homme et une femme. On nous répond que, dans la plupart des cas, par manque d’information, on choisit le nom du père.
Madame le garde des sceaux, vous en êtes consciente, ce sont là des affaires qu'il ne faut pas traiter à la légère, en appelant simplement au rejet de ces amendements pour pouvoir passer à autre chose. C'est pourquoi je regrette que l'on n’ait pas pu examiner en bloc l'ensemble des dispositions relatives au nom de famille.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Mon propos s’inscrira dans le droit fil de ce qu’a dit Jean-Jacques Hyest.
Cet article bouleverse les règles de transmission du nom de famille.
Traditionnellement, l’enfant porte le nom de famille du père. Depuis quelques années, il est également possible d’accoler le nom de la mère.
La filiation va de pair avec l’intérêt de l’enfant, donc son état civil. Elle détermine son attachement à son père et à sa mère et repose sur le principe de protection familiale, mais aussi civile.
Avec cet article, en l’absence de démarche particulière, l’enfant prendra les noms de chacun des deux « parents », qu'ils soient de sexes différents ou de même sexe, accolés dans l’ordre alphabétique, sauf déclaration conjointe et formelle des deux parents.
Les complications engendrées par ces dispositions ne sont pas suffisamment mesurées. Les répercussions ne sont pas entièrement appréhendables à ce jour.
Nous pouvons d’ailleurs avoir une pensée pour nos généalogistes, qui auront du fil à retordre pour retrouver les héritiers dans le cadre des successions.
En outre, n’oublions pas que le mot « parents » connaît diverses définitions. Ainsi, aux termes de l’article 734 du code civil relatif aux ordres des héritiers, les « parents » appelés à succéder, sont tout à la fois les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs, les collatéraux. Le mot « parents » désigne donc aussi les membres d’une même famille.
En ce qui concerne les extraits d’acte de naissance, y compris la compilation de ces actes dans le livret de famille, avec indication de la filiation, ils comportent l’indication du nom du père ou de la mère, sans précision quant au mode d’établissement, par effet de la loi, par jugement, y compris adoptif, ou par acte notarié.
Les extraits d’actes d’état civil demandés par les intéressés ou les personnes autorisées comportent également l’indication des noms du père ou de la mère.
En l’état actuel du droit, la filiation est fondée sur l’identification d’un lien maternel et d’un lien paternel. La distinction des sexes structure juridiquement le lien de filiation, par le sang ou non.
Elle se retrouve dans l’autorité parentale, laquelle est détenue, en vertu de la loi, conjointement par le père et par la mère. L’état civil reflète l’identité de la personne ; il est censé être le plus proche de la réalité et résulte des déclarations de naissance ou de reconnaissance, et plus généralement d’éléments connus. Traduction administrative du lien de filiation, fondé sur l’altérité sexuelle, l’état civil est aujourd’hui sexué.
En conséquence, les enfants adoptés par des couples de même sexe n’auront même plus de filiation symbolique à laquelle se rattacher, et l’état civil deviendra asexué. Biologiquement, c’est incompréhensible et invraisemblable puisque l’état civil est, par définition, la traduction administrative du lien de filiation, et donc du fait d’être né d’un père et d’une mère.
Les dispositions relatives au nom de famille sont, par conséquent, contraires au principe d’intelligibilité de la loi. (Mme Esther Sittler et M. Gérard Bailly applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaite poser une question à Mme la ministre ou à M. le professeur de droit Gélard.
Aux termes de l’article 225 du code civil, « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels ». Or je ne vois pas quel est le rapport entre cet article et l’article 225-1 nouveau, que l’article 2 A du projet de loi tend à insérer dans le code civil.
Quelqu’un pourrait-il me l’expliquer ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je souhaite poser une question à Mme la ministre chargée de la famille.
Dans cet article, il est effectivement question de mari, de femme et de parents.
Vous nous avez expliqué que nous ne pouvions pas demander de référendum puisqu’il s’agissait d’un texte sociétal, et non social. Or, depuis une demi-heure, j’entends parler de « parent social ».
Il me semble qu’il y a là, à tout le moins, un petit problème sémantique. Si ce texte n’est pas un texte « social », pourquoi parle-t-on de « parent social ».
Je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, la transmission des patronymes, dans votre texte, pose un vrai problème. Elle repose sur une tromperie : la négation de l’altérité sexuelle, l’interchangeabilité entre un homme et une femme.
Nous avons vu, lors de l’examen de l’article 1er, qui forme le socle de ce projet, les lourdes incertitudes que ce bouleversement sociétal fait peser sur l’avenir des enfants concernés. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Toutefois, l’article 2, tel qu’il est ressorti des travaux de l’Assemblée nationale, apporte lui aussi son lot de leurres et de tromperies !
De quoi s’agit-il ?
Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article 2, au terme de son examen par l’Assemblée nationale, remettait tout simplement en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. C’était, ni plus ni moins, la fin de la « présomption de nom paternel » pour l’enfant.
Aujourd’hui, en effet, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 311-21 du code civil, « en l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre ».
Les modifications apportées par l’article 2 signifiaient que, désormais, un acte volontaire et écrit serait nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis. En l’absence d’indication spécifique, cette transmission n’était plus de droit.
Ainsi, sur un plan pratique, si le père déclarait la naissance à la mairie, il devait se munir d’un document écrit de la mère autorisant explicitement l’enfant à porter le nom du père. Dans le cas contraire, c’était l’accolement des deux noms de famille dans l’ordre alphabétique qui prévalait, et non plus le seul nom du père.
Je tiens à rappeler ici l’historique de cet article parce qu’il s’agit là d’un point extrêmement important du projet, notamment en ce qu’il contredit totalement l’assertion selon laquelle ce dernier ne change en rien la situation des couples hétérosexuels.
Si la commission des lois du Sénat, à laquelle je tiens à rendre hommage, ne s’était pas attaquée à ce problème, dont vous concédiez tout juste, du bout de lèvres, madame la ministre, qu’il était « sensible », les Français, qui ont quand même transmis le patronyme paternel à 83 % des enfants nés en 2011, se seraient réveillés un beau matin sans avoir aucunement connaissance de la déclaration qu’ils devaient faire expressément pour conserver cet usage, auquel ils sont manifestement attachés !
Avec cette conséquence totalement absurde : l’extinction inéluctable et programmée de la diversité des patronymes français.
Madame la ministre, nos patronymes respectifs commençant par un T, nous risquons d’avoir un problème avec cette affaire d’ordre alphabétique !
Lorsqu’on touche aux patronymes, à leur diversité, à leur mode de transmission, on touche très profondément à l’intime. Et cela, vous le faites au nom d’un égalitarisme aveugle.
Je passe sur les conséquences pratiques d’une déclaration spécifique, des difficultés administratives d’une démarche conjointe, des cafouillages, des oublis, sans parler des contentieux…
Vous avez dit à maintes reprises que ce texte ne changerait rien à la situation des couples hétérosexuels. C’est faux : il la bouleverse ! Cela démontre que, avec ce projet de loi purement dogmatique, vous êtes concentrés sur votre but et que, obnubilés par l’égalitarisme, vous ne remarquez même plus les dommages collatéraux que vous créez dans la vie de la grande majorité des gens, qui n’ont rien demandé à personne, mais qui se trouvent entraînés dans le grand maelström de votre « réforme de civilisation ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)