M. Jacques Cornano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen revêt une importance essentielle en termes de santé publique pour les collectivités d’outre-mer.
Toutefois, la santé publique n’est pas le seul enjeu : à l’heure où le Parlement étudie la gestion des déchets et le gaspillage alimentaire, notre réflexion doit être guidée par l’objectif global de développement durable.
Les problématiques soulevées par ce texte sur les dates limites de consommation et les dates limites d’utilisation optimale des produits alimentaires me donnent le sentiment que nous ne faisons qu’entrevoir un problème sanitaire beaucoup plus vaste à l’échelle nationale et que les pratiques des industriels de l’agroalimentaire sur les marchés des collectivités d’outre-mer sont, en réalité, symptomatiques.
Les questions relatives au taux de sucre et aux dates de consommation des produits vendus outre-mer que nous évoquons aujourd’hui concernent également la gouvernance de l’économie locale et montrent une nouvelle fois les difficultés que rencontrent nos collectivités pour trouver les moyens de favoriser la production locale et le contrôle des produits. De ce point de vue, l’article 4 du présent projet constitue une avancée intéressante. Néanmoins, il aurait été possible d’aller plus loin ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Afin que la proposition de loi « visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer » soit à la hauteur de son intitulé, il est nécessaire que la réflexion soit poursuivie au-delà du présent texte, que les mesures futures soient encore plus ambitieuses et que nous continuions à résister aux injonctions de certains lobbys industriels. Je dis bien « certains » car il est inutile de stigmatiser les industriels de l’agroalimentaire et de leur faire supporter la charge de tous les problèmes de santé publique et d’inégalité de traitement entre les consommateurs ultramarins et métropolitains.
Toutefois, chacun doit prendre ses responsabilités. À cet égard, la responsabilité des pouvoirs publics est d’intervenir pour faire cesser ces pratiques, qui ne sont pas illégales et ont notamment pu perdurer en raison du vide juridique en la matière.
J’en profite pour souligner de nouveau les incohérences d’un système dans lequel on veut absolument soumettre aux règles de droit rédigées pour la métropole des territoires dont les contextes, notamment environnementaux, sont différents. Est-il normal que les producteurs et industriels ultramarins soient soumis aux mêmes réglementations des guides de bonnes pratiques d’hygiène que les industriels métropolitains ? Avec des normes différentes à l’égard de nos industriels, précédées d’études scientifiques adaptées à nos milieux naturels, différents de la métropole – le plus souvent tropicaux –, nous n’en serions peut-être pas là.
Par ailleurs, je suis certain qu’il sera bien utile de nous réunir à nouveau d’ici quelque temps pour réétudier les incidences pratiques du présent texte et de revoir les dispositifs de sanctions à l’encontre de ceux qui auraient trouvé des stratégies pour contourner la loi.
Le texte de loi qui nous est soumis constitue une avancée intéressante et démontre la politique volontariste menée par le Gouvernement à l’égard de nos outre-mer. Par conséquent, je le voterai ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Vergoz, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate que nous sommes tous d’accord sur le diagnostic. En revanche, il ressort de l’intervention de nos collègues Joël Guerriau et Alain Milon que nous divergeons sur les solutions.
Je veux témoigner de la bonne foi de tous ceux qui se sont penchés sur ce dossier.
Mon cher collègue Joël Guerriau, soyez assuré que nous avons totalement épuisé les voies de concertation – et je pèse mes mots !
Tout à l'heure, vous avez fait allusion aux programmes nationaux nutrition santé, les PNNS. Nous sommes engagés dans cette démarche depuis 2001, soit depuis douze ans. Trois PNNS se sont succédé, et le dernier en date – le PNNS 2011-2015 – a été doublé d’un plan obésité spécifique pour les populations d’outre-mer. Qu’en est-il sorti ? Pas grand-chose, et c’est un euphémisme…
Notre collègue Alain Milon a évoqué les chartes d’engagement. Trente-trois ont été signées, mais une seule concerne les DOM : il s’agit de la charte signée avec Créolailles sur le sel à la Réunion. Vous le voyez, nous sommes loin d’être à la hauteur de la problématique…
Si certains industriels ont affiché leur bonne volonté, force est de constater qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur démarche, peut-être parce qu’ils avaient tout simplement peur de se lier les mains et de subir une concurrence pour eux déloyale.
En outre, vous appelez de tous vos vœux la future loi de santé publique. C’était en 2009 qu’il fallait adopter une telle loi, comme le précédent gouvernement s’y était engagé ! Or, en 2009, il n’y a rien eu et, depuis, les désordres de santé publique se sont aggravés.
Pardonnez-moi cette expression un peu brutale, mais nous formons, en France, une « sous-population » ! Dans ces conditions, ne pas réagir rapidement me semble relever de la non-assistance à population en danger. Il faut agir, et seule la régulation publique peut le faire ! Nous avons le devoir d’envoyer un message fort aux populations domiennes et de leur témoigner le respect que nous leur devons. Cela devient urgent !
Pour terminer, nous nous sommes attaqués à la triple peine qui frappe les DOM, avec des produits aujourd'hui plus chers, plus sucrés et plus vieux. Félicitons-nous que le Gouvernement apporte des réponses à cet important problème. C’est du pragmatisme !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. Je veux remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui ont participé à ce débat nourri.
Je veux également remercier la présidente de la commission des affaires sociales ainsi que le rapporteur, M. Vergoz, lequel vient de faire une intervention qui m’aidera, tout à l'heure, à vous répondre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup de questions ont été posées sur les dates limites de consommation et sur les dates limites d’utilisation optimale. Permettez-moi d’y répondre au moment où nous discuterons de l’article 3 : nous aurons alors probablement, sur ces sujets, un débat plus approfondi et juridiquement plus précis.
Je veux commencer par évoquer une différence, sinon idéologique, du moins philosophique : j’ai entendu M. Milon dire que l’obésité relèverait d’un problème d’ordre comportemental. Nous avons là une vraie divergence. Bien sûr, l’obésité relève de la responsabilité individuelle ; on ne saurait dire le contraire ! Néanmoins, il ne s’agit pas que de cela et on ne peut ignorer ce qui se passe depuis toujours, ce que l’on impose à ces populations. La distinction entre habitude et attente établie par M. Serge Larcher est, de ce point de vue, éclairante. Par conséquent, permettez-moi de ne pas partager le point de vue selon lequel les populations domiennes achèteraient délibérément des produits de mauvaise qualité nutritionnelle !
Il y va, selon moi, d’un problème d’inégalité. Chacun achète en fonction de ses capacités, de ses possibilités, de ses ressources. Or, quand on touche un petit revenu, quand on est « économiquement faible » – l’expression est affreuse –, on achète, hélas ! de mauvais produits : les plus salés, les plus sucrés et, peut-être, les plus gras.
Par ailleurs, je fais appel à mon expérience personnelle : dans les années cinquante et soixante, je n’avais pas le sentiment de manger plus sucré ou plus salé. En tout état de cause, malgré la proximité des plantations de canne à sucre, manger plus sucré ou plus salé n’a jamais été une habitude de consommation ! À l’époque, les études épidémiologiques n’existaient pas encore. Quarante ans plus tard, on vient nous dire qu’il s’agit d’une habitude acquise depuis longtemps dans les DOM, qui sont des territoires à sucre. Mais, que je sache, dans l’Hexagone, on tire du sucre de la betterave. Est-ce pour autant que l’on consomme plus de sucre ? La réponse est non !
Hélas ! l’imposition structurelle de produits de mauvaise qualité est une réalité. Néanmoins, si la consommation de ces produits est devenue une habitude, elle ne constitue pas une attente.
Aujourd'hui, avec le niveau d’éducation qui a progressé, les habitants des outre-mer ont d’autres attentes : ils veulent consommer mieux et à des prix raisonnables. Cette proposition de loi vise, du reste, à satisfaire ces attentes.
D'ailleurs, sans verser dans un enthousiasme excessif, permettez-moi de dire que ce texte réunit plusieurs qualités et comporte des avancées considérables.
Il garantit, autant que cela est possible, la qualité de l’offre alimentaire. Certes, nous n’avons pas l’ambition d’épuiser le sujet : il y a bien autre chose à entreprendre pour améliorer la qualité de cette offre. Cela étant, il faut bien commencer !
Dans le même temps, il s’agit de permettre un développement plus durable, plus écologique, plus soutenable, mais aussi de développer la production locale, tout en respectant la législation européenne et la législation nationale.
Dans ce texte, nous nous sommes attaqués à ce que d’aucuns considéraient comme la quadrature du cercle. Que souhaiter de mieux ?
Du reste, nous sommes très heureux de pouvoir réunir ces différents aspects en un texte bref, appelant peu de mesures d’application, puisqu’un seul arrêté devra être pris – nous avions déjà eu ce souci avec la loi relative à la régulation économique outre-mer, dont l’application, me semble-t-il, ne nécessitait que quatre décrets. La présente loi sera donc immédiatement applicable.
Nous espérons que la production locale pourra, à terme, se développer et que, au lieu d’importer des yaourts ou du jambon frais, on en fabriquera sur place, à partir de lait importé ou de viande importée.
Par ailleurs, vous avez tous reçu cette liste que vous ont envoyée l’industrie agroalimentaire et les commerçants. (M. le ministre brandit ledit document.) C’est édifiant ! Nous y reviendrons tout à l’heure à propos de l’article 3 de la présente proposition de loi.
Vous avez pu constater que la plupart des produits, notamment les plus périssables, microbiologiquement fragiles, doivent être consommés dans les vingt-cinq à trente jours, ce qui reste tout à fait compatible avec un transport par voie maritime.
L’argument consistant à dire qu’il faut nécessairement prévoir leur transport par avion, ce qui multiplierait les prix par 2,5, comme l’a évoqué M. Antiste, émane des industriels ou des commerçants et ne concernera que quelques produits comme les crèmes et autres desserts chocolatés, sur les trois cents dont l’industrie s’est autorisée à vous envoyer la liste, de façon à mon sens très contreproductive. En tout cas, cette méthode n’est absolument pas probante.
Nos points de vue sont philosophiquement opposés. J’estime que l’obésité n’est pas simplement le résultat d’un comportement individuel et qu’elle résulte aussi des choix opérés par les uns et imposés à d’autres, à savoir les consommateurs en situation de faiblesse.
J’en viens aux interventions des sénateurs Michel Vergoz et Jean-Claude Requier sur les moyens de la DGCCRF.
Oui, messieurs, j’ai plaidé la semaine dernière encore – je participe assez activement, je le crois, au projet de loi porté par mon collègue Benoît Hamon – pour un renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF. Je souhaite avant tout que ces lois ne soient pas vidées de leur substance et que leur application ne soit pas soustraite à tout contrôle. Nous sommes conscients de ce risque.
Monsieur Guerriau, vous préféreriez attendre la grande loi de santé publique qui est annoncée. M. le rapporteur a déjà répondu sur ce point : cette loi sera adoptée au plus tôt au cours du premier semestre 2014.
Lorsque nous avons pris connaissance des chiffres de la prévalence de certaines pathologies, et pas simplement l’obésité – les caries dentaires, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension artérielle et j’en passe –, à travers les résultats de l’enquête épidémiologique PODIUM menée par des médecins ici et dans les outre-mer, nous avons tout de suite déposé une proposition de loi. C’était en 2011 ; or, nous sommes en 2013, et rien n’a été fait !
On m’a demandé de fournir des informations concernant les progrès réalisés par la signature des chartes nutritionnelles et la mise en œuvre des PNNS successifs, autant de développements que j’ai suivis avec attention. Nous en sommes à la troisième édition du PNNS, et je me permets de vous le dire un peu brutalement, mesdames, messieurs les sénateurs, que rien n’a changé !
Nous avons, certes, constaté une petite accélération, car la présente proposition de loi sera probablement adoptée par la majorité, avec une abstention, je le crois, constructive de la part de l’opposition. Toutefois, je le répète, rien n’a été mis en œuvre à ce jour. On nous a dit qu’il faudrait quatre ou cinq ans pour commencer à diminuer les taux de sucres dans les produits alimentaires.
Au demeurant, la fixation de seuils maximaux dans cette loi n’est pas incompatible avec la rédaction de chartes contenant des dispositions plus restrictives.
Enfin, pourquoi vouloir différer ce que nous pouvons faire aujourd’hui ?
Il est un autre argument que j’ai souvent entendu marteler au cours de la présente discussion : cette question serait de nature réglementaire et ne pourrait en aucun cas être réglée par la loi. Permettez-moi de contester cette position.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si le code des marchés publics est plutôt de nature réglementaire lorsqu’il est question de rapports entre opérateurs privés, en revanche, dès qu’il s’agit de marchés passés avec les collectivités, la libre administration territoriale, liberté fondamentale des collectivités, est en jeu. Or l’article 4 du présent texte concerne précisément les marchés passés avec les collectivités.
Par ailleurs, les libertés d’entreprendre, d’échanger et d’exercer un commerce sont des principes à valeur constitutionnelle qui ne peuvent être modifiés par un décret. Il serait par exemple impossible de sommer, par voie réglementaire, une collectivité d’intégrer dans ses marchés publics des critères de performance. Une telle mesure pourrait être contestée à tout moment et annulée.
À l’occasion de l’examen de la proposition de loi que j’avais déposée à l’Assemblée nationale en 2011, la commission s’était d’ailleurs ralliée à cette position, selon laquelle de telles dispositions relèvent de la loi. Cet argument avait été longuement développé, comme tous les autres points de droit constitutionnel, dans mon rapport du 28 septembre 2011.
Madame Archimbaud, vous nous avez fait part à juste titre de vos craintes au sujet de l’arrêté ministériel visé par l’article 1er. J’avoue que j’ai eu le même doute que vous, mais, dans la mesure où plusieurs ministres sont intéressés par cette question, cette solution s’imposait. Je prends ici l’engagement que les décrets nécessaires seront pris, comme je l’ai fait lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.
Deux décrets ont déjà été pris, même si celui portant sur l’Observatoire des prix, des marges et des revenus n’a peut-être pas encore été publié, et que la tarification bancaire reste en cours de discussion. Par conséquent, les quatre décrets d’application de la précédente loi devraient rapidement être publiés. D’ici là, le texte s’applique et fait déjà l’objet de contrôles et d’un bilan à mi-étape.
En l’espèce, un arrêté devra être pris dans les plus brefs délais. D’ailleurs, la loi a été réécrite pour éviter trop de lenteurs. À l’époque, on avait prévu que les taux maximaux soient fixés par le Haut Conseil de la santé publique. Le présent texte prévoit une moyenne, et j’espère que l’arrêté pourra être rapidement publié.
L’argument du risque de concurrence déloyale entre entreprises françaises et étrangères a souvent été avancé. J’y répondrai par plusieurs remarques.
Je tiens tout d’abord à préciser que les produits concernés sont peu nombreux, même si cela ne peut, je le sais, constituer un argument juridique. En fait, il s’agit de niches, principalement constituées des desserts industriels contenant de la crème ou des œufs et de la charcuterie fraîche. Les dispositions que j’ai évoquées voilà quelques instants s’appliqueraient à ces produits, mais cela ne remettrait pas fondamentalement en cause la situation concurrentielle de l’industrie hexagonale.
Ensuite, les circuits rapides vers les outre-mer se font à partir des ports français. Les produits étrangers partent donc avec un fort handicap concurrentiel en termes de délais.
Enfin, plutôt que de tenir à bout de bras un système qui, selon nous, incite au gaspillage, mieux vaut – et ce n’est pas du protectionnisme – favoriser la production locale, privilégier les circuits courts et les produits frais, pour lesquels il n’y a pas de problème de livraison.
L’Association nationale des industries alimentaires, l’ANIA, nous a récemment fait parvenir ce dossier (M. le ministre montre de nouveau ledit document.) Il en ressort que le règlement européen n° 178/2002 permet à tout État d’édicter des dispositions nationales plus restrictives en matière de consommation et de date limite de consommation. Les dispositions de la proposition de loi devraient, sans que cela souffre de longues contestations, s’appliquer à toutes les entreprises européennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense avoir répondu à toutes vos questions. J’apporterai simplement une dernière précision à M. Antiste au sujet de la possible augmentation des prix qu’il a évoquée.
Monsieur le sénateur, cet argument a été martelé avant la discussion de la présente proposition de loi. Je vous invite à consulter, dans le document de l’ANIA, la liste des trois cents produits susceptibles d’être concernés par ces dates limites de consommation. La DLC des crèmes vanillées, par exemple, est portée à vingt-huit jours si elles sont exportées, contre dix-neuf jours pour une commercialisation en France. Si le transport devait se faire par avion – choix qui résulte d’un calcul interne fait par un groupe d’entreprises –, selon l’ANIA, le prix de revient net passerait de 0,47 centime à 0,843 centime. Le prix de vente passerait quant à lui de 69 centimes à 1,23 euro. Et tout est à l’avenant…
Ces chiffres sont intéressants. Nous les analyserons, et vous verrez qu’ils cachent quelques surprises.
Si l’on excepte les produits figurant sur la première page du document de l’ANIA, à savoir les desserts, on constate que les dates limites de consommation des produits sont compatibles avec un transport par bateau. Le fret n’est pas en cause et l’argument de la hausse de prix ne tient donc pas la route. C’est un argument qui émane de groupes de pression : je peux l’entendre, mais je ne l’approuve en rien. C’est pourquoi je ferai une déclaration interprétative de l’article 3 de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
Article 1er
(Non modifié)
Le chapitre II du titre unique du livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique est complété par des articles L. 3232-5 à L. 3232-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 3232-5. – Aucune denrée alimentaire de consommation courante destinée au consommateur final distribuée dans les collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ne peut avoir une teneur en sucres ajoutés supérieure à celle d’une denrée similaire de la même marque distribuée en France hexagonale.
« Lorsque la teneur en sucres ajoutés d’une denrée alimentaire de consommation courante distribuée en France hexagonale diminue, les responsables de la mise sur le marché des denrées similaires de la même marque distribuées dans les collectivités mentionnées au premier alinéa sont autorisés à poursuivre leur commercialisation jusqu’à épuisement des stocks et dans un délai maximal de six mois.
« Art. L. 3232-6. – La teneur en sucres ajoutés des denrées alimentaires de consommation courante destinées au consommateur final distribuées dans les collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, mais non distribuées par les mêmes enseignes en France hexagonale, ne peut être supérieure à la teneur en sucres ajoutés la plus élevée constatée dans les denrées alimentaires assimilables de la même famille les plus distribuées en France hexagonale.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de l’agriculture, de la consommation et des outre-mer détermine la liste des denrées alimentaires soumises aux dispositions du premier alinéa.
« Lorsque la teneur en sucres ajoutés la plus élevée mentionnée au premier alinéa diminue au sein d’une famille de denrées alimentaires distribuées en France hexagonale, les responsables de la mise sur le marché des denrées alimentaires assimilables de la même famille distribuées outre-mer soumises aux dispositions du même premier alinéa sont autorisés à poursuivre leur commercialisation jusqu’à épuisement des stocks et dans un délai maximal de six mois.
« Art. L. 3232-7. – Les manquements aux articles L. 3232-5 et L. 3232-6 sont constatés par les agents mentionnés au 1° du I de l’article L. 215-1 du code de la consommation dans les conditions prévues au livre II de ce même code. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l'article.
M. Jacques Cornano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je ne suis pas pour une inflation législative qui restreindrait les libertés de chacun de consommer ce qu’il souhaite et comme il le souhaite, force est de constater que la possibilité offerte aux producteurs de prévoir les taux de sucres qu’ils veulent, dans les produits alimentaires proposés à la vente outre-mer, constitue un véritable scandale sanitaire.
Les données épidémiologiques sont alarmantes mais néanmoins insuffisantes quant aux causes et conséquences à venir pour la santé de nos compatriotes en outre-mer.
La surconsommation de sucre outre-mer est le résultat direct de la volonté d’accoutumer le consommateur ultramarin à des taux de sucre élevés dans les denrées qu’il consomme quotidiennement. Je le redis, il faut que chacun assume ses responsabilités.
Je souhaite souligner deux éléments qui me semblent importants.
Tout d’abord, il est nécessaire de mener une étude d’ampleur sur l’impact en matière de santé – l’obésité et ses conséquences : diabète et maladies cardiovasculaires notamment – résultant de l’absence de contraintes pesant sur les producteurs en matière de sucres utilisés dans les produits alimentaires vendus outre-mer.
Comme l’a souligné dans son rapport notre collègue Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteur pour la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, les mesures prises dans le cadre de la lutte contre l’obésité révèlent des insuffisances en outre-mer. Concernant le programme national nutrition santé adapté à l’outre-mer, il est indiqué dans le rapport que « force est de constater que, plus d’un an après son lancement, la traduction concrète sur le terrain de nombre de ces mesures se fait encore attendre et semble bien impuissante à enrayer les tendances à l’œuvre ».
Ensuite, alors que l’avenir de l’éducation en France est au cœur des débats, il me semble indispensable de réfléchir aux moyens d’éduquer nos enfants à la bonne hygiène alimentaire, en introduisant notamment dans les programmes d’éducation à la santé et à la citoyenneté une éducation nutritionnelle spécifique à l’outre-mer, afin que les jeunes populations soient éveillées quant à la composition et aux apports nutritionnels des produits qui leur sont proposés à la consommation sur le marché de la collectivité d’outre-mer où ils vivent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l’article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Le bien-manger et le bien-boire, y compris dans leur mission de lien social, font partie du socle culturel de la France, qui est commun à la métropole et aux outre-mer et qui est somme toute bien partagé par de nombreuses couches de la population.
La complexité des circuits modernes de production et de commercialisation alimentaire et la difficulté accrue de la traçabilité des produits de consommation, en dépit d’un arsenal juridique ayant évolué en faveur du contrôle de la qualité, ont créé des disparités inacceptables entre les territoires de la République. De surcroît, cette situation va de pair avec de graves problèmes de santé publique, en particulier dans les outre-mer, non pas en raison d’éventuelles contraintes techniques mais tout simplement à cause des pressions exercées par des groupes d’intérêts économiques et financiers.
Comme M. le rapporteur l’a rappelé, le résultat médiocre des chartes d’engagements de progrès nutritionnels quant à la réduction de la teneur des sucres ajoutés met en lumière la résistance des industriels, appuyée par la complicité des précédents gouvernements, contre l’amélioration de l’offre nutritionnelle outre-mer.
Cette volontaire absence d’alignement indique également la voie à suivre : l’inscription dans une norme obligatoire. Par ailleurs, elle souligne une exigence : vérifier que les producteurs ne tenteront pas, en modifiant l’apparence de leur offre, de perpétuer leurs pratiques malsaines.
L’article 1er du présent texte, en introduisant la notion de denrées similaires, permettra un alignement effectif des outre-mer sur la métropole.
S’il s’agit de valoriser les circuits locaux de production et de commercialisation, inscrits dans le respect des normes sanitaires définies au niveau national, c’est une véritable avancée juridique à la hauteur des enjeux de développement des outre-mer. En effet, la préférence locale se fonde non pas sur des lobbies, mais sur la stricte application du cadre législatif et réglementaire.
Voilà pourquoi, au-delà de tout l’argumentaire développé par mes collègues concernant les enjeux sanitaires de l’offre alimentaire outre-mer – surpoids, obésité, maladies cardiovasculaires, diabète, etc. –, j’en tire un enseignement politique et idéologique majeur. La gauche humaniste aux affaires est la seule à même de placer les femmes, les hommes et les territoires de la République à la fois au centre des préoccupations et dans un destin partagé.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’apporte un soutien appuyé à cet article.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Eu égard aux excellents arguments invoqués par notre collègue et rapporteur M. Vergoz, et compte tenu de l’unanimité qui se fait jour, sur nos travées, parmi les représentants de l’outre-mer, le groupe UDI-UC votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article 1er entre en vigueur dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Lorsque la mention d’une date indiquant le délai dans lequel une denrée alimentaire doit être consommée est apposée sur l’emballage de cette denrée, ce délai ne peut être plus long, lorsque celle-ci est distribuée dans les collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, que le délai prévu pour la même denrée de même marque distribuée en France hexagonale.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l’article.