Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Marie-Noëlle Lienemann.
2. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi et d'une proposition de loi
4. Organismes extraparlementaires
5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
6. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
feuille de route pour le numérique dans les départements ruraux
Question n° 472 de M. Christian Namy. – Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; M. Christian Namy.
gestion des fichiers des hlm de paris
Question n° 89 de M. Philippe Dominati. – Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; M. Philippe Dominati.
promotion et soutien de la politique forestière
Question n° 453 de Mme Anne Emery-Dumas. – Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ; Mme Anne Emery-Dumas.
aide à la réhabilitation des bâtiments des logements-foyers
Question n° 388 de Mme Catherine Deroche. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Catherine Deroche.
hébergement des personnes âgées dépendantes
Question n° 417 de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Jean-Vincent Placé.
personnes handicapées vieillissantes
Question n° 437 de M. Bernard Piras. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Bernard Piras.
Question n° 462 de M. Philippe Madrelle. –Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Philippe Madrelle.
Suspension et reprise de la séance
généralisation du compteur linky
Question n° 427 de M. Jean-Claude Lenoir. – M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; M. Jean-Claude Lenoir.
filière solaire en france et en europe
Question n° 441 de M. Jean-Pierre Vial. – M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; M. Jean-Pierre Vial.
valorisation de la biodiversité de la forêt guyanaise
Question n° 443 de M. Jean-Étienne Antoinette. – M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Étienne Antoinette.
Suspension et reprise de la séance
charges supplémentaires pour l'élevage
Question n° 461 de M. Gérard Bailly. – M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; M. Gérard Bailly.
rôle de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques dans la prévention du risque inondation
Question n° 469 de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; M. Pierre-Yves Collombat.
Question n° 446 de M. Jean-Claude Peyronnet. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Jean-Claude Peyronnet.
reconnaissance et renforcement de l'engagement bénévole et associatif
Question n° 502 de M. Jean Boyer. – Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative ; M. Jean Boyer.
Question n° 429 de M. Dominique Bailly. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Dominique Bailly.
réduction des effectifs douaniers en côtes-d’armor
Question n° 451 de M. Ronan Kerdraon. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Ronan Kerdraon.
Suspension et reprise de la séance
fermeture du lycée de diego-suarez
Question n° 438 de M. Richard Yung. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Richard Yung.
usurpation de plaques d'immatriculation
Question n° 464 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; Mme Catherine Procaccia.
incohérences préoccupantes en matière de sécurité
Question n° 467 de M. Alain Gournac. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Alain Gournac.
Suspension et reprise de la séance
8. Candidature à une commission
9. Transparence de la vie publique. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission
Discussion générale commune : MM. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, rapporteur.
MM. Jean Louis Masson, Jean-Jacques Hyest, Mme Éliane Assassi, MM. François Zocchetto, Jacques Mézard, Mme Hélène Lipietz.
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
MM. Alain Anziani, Jean-Claude Lenoir, Mme Catherine Tasca, MM. Gérard Roche, Jean-Yves Leconte.
M. Alain Vidalies, ministre délégué.
Clôture de la discussion générale commune.
Motion n° 1 de M. Jean-Claude Gaudin. – MM. Gérard Longuet, Gaëtan Gorce, le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué. – Rejet par scrutin public.
Motion n° 2 de M. Jean-Claude Gaudin. – MM. Philippe Bas, Alain Anziani, le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué, Gérard Longuet, Christian Favier. – Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion n° 105 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué. – Adoption, par scrutin public, de la motion renvoyant le texte à la commission.
MM. le président, le rapporteur.
10. Nomination d’un membre d’une commission
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
12. Communication du Conseil constitutionnel
13. Transparence de la vie publique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et nouveau rapport de la commission
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, rapporteur.
Mme Catherine Troendle, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Éliane Assassi, M. François Zocchetto.
M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
Réunion de la conférence des présidents.
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi et d'une proposition de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
– du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 juin 2013 ;
– de la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2013.
3
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
4
Organismes extraparlementaires
M. le président. Par lettres en date du 3 juillet 2013, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger, en remplacement de Jean-Louis Lorrain, au sein :
– du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique ;
– de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique, en application des articles L. 1114-1, R. 1114-5 et R. 1114-6 du code de la santé publique ;
– du Conseil supérieur du travail social, en application de l’article 2 de l’arrêté du 7 juillet 2010.
Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission des affaires sociales a été saisie de ces désignations.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
5
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
Ce rapport a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
6
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 5 juillet 2013 :
– une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L.231 du code électoral (n° 2013-326 QPC) ;
– une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (n° 2013-331 QPC).
Acte est donné de ces communications.
7
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
feuille de route pour le numérique dans les départements ruraux
M. le président. La parole est à M. Christian Namy, auteur de la question n° 472, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
M. Christian Namy. Madame la ministre, le déploiement du très haut débit est un enjeu national. Le Président de la République, François Hollande, a fixé pour objectif la couverture intégrale de notre pays à l’horizon 2022.
Dans le département de la Meuse, le conseil général s’inscrit dans cette dynamique. Il a adopté en décembre dernier son schéma directeur territorial d’aménagement numérique, document stratégique qui planifie la montée en débit sur son territoire.
S’il est certain que le déploiement du très haut débit dans toute la France constitue un enjeu financier lourd – il est estimé a minima à 20 milliards d’euros –, c’est d’autant plus vrai pour les territoires ruraux qui sont confrontés à une faible densité de population et à un éparpillement de l’habitat.
Il est donc indispensable de tenir compte des spécificités de ces territoires dans les règles de subventionnement par l’État des investissements des collectivités locales par le biais du Fonds national pour la société numérique.
Or les règles qui viennent de nous être communiquées ne prennent à mon avis pas assez en compte les difficultés financières et la spécificité rurale non seulement de mon département, mais également, de manière générale, des départements ruraux.
Je souhaite par conséquent, en premier lieu, une augmentation du taux de subvention. En Meuse, le coût moyen de la prise s’élève à 2 600 euros dans les zones où le déploiement relève de l’initiative publique. Si le taux de subvention affiché est de 54,5 %, il n’est en réalité que de 41 %, car les règles de calcul du Fonds national pour la société numérique imposent de déduire des prévisions de recettes d’exploitation et prévoient des plafonds.
Par ailleurs, j’invite à la non-extension des zones confiées aux opérateurs privés. Aujourd’hui, le déploiement du très haut débit est confié aux opérateurs privés dans les zones denses, dites zones AMII, et aux réseaux d’initiative publique dans les autres zones. Si l’on confiait de nouvelles zones au secteur privé, on risquerait de concentrer les investissements publics dans les zones les plus isolées. En conséquence, le prix moyen de la prise augmenterait encore, rendant le coût du déploiement plus lourd pour les collectivités locales.
Enfin, je suis favorable à l’éligibilité de la technologie FH-FTTH aux subventions accordées par le Fonds national pour la société numérique. Le conseil général de la Meuse a fait le choix de déployer la fibre optique en deux étapes. Si la partie « collecte » se fera exclusivement par la fibre optique, la partie « desserte » se fera en partie, dans un premier temps, par la technologie FH-FTTH.
Cette technique allie le faisceau hertzien, du point de mutualisation au répartiteur du village, et la fibre optique, du répartiteur au domicile de l’abonné. Elle est donc particulièrement adaptée aux territoires ruraux où des distances importantes, souvent de plusieurs kilomètres, séparent les points de mutualisation des villages raccordés.
Les solutions de mix technologique semblent désormais étudiées par l’État lorsqu’elles favorisent ses objectifs nationaux, si j’en crois les récentes déclarations d’Antoine Darodes, directeur de la mission «Très haut débit ».
Madame la ministre, j’ai bien conscience de la précision et de la technicité de mes questions, mais je crois relayer, au travers de l’exemple de mon département, les préoccupations d’un grand nombre de territoires ruraux qui se mobilisent pour éviter que le numérique ne soit le fondement d’une nouvelle fracture entre les territoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur Christian Namy, le plan « France Très haut débit », ou FTHD, est l’un des chantiers d’infrastructures les plus ambitieux qu’ait connus la France au cours de ces dernières années.
Comme vous l’avez rappelé, le Gouvernement, fidèle à l’engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale et à l’objectif affiché de permettre à tous les Français d’accéder au très haut débit d’ici à 10 ans, a conçu un plan de déploiement soucieux à la fois d’efficacité et de solidarité.
Plus de 120 millions d’euros ont déjà été engagés depuis la publication du nouveau cahier des charges à la toute fin du mois d’avril, et trente-sept collectivités ont déposé leur dossier technique auprès du Commissariat général à l’investissement.
D’emblée, monsieur le sénateur, je peux vous dire qu’aujourd’hui, concrètement, les dossiers des collectivités locales avancent ; mais je veux revenir sur les deux volets de votre question, pour vous répondre avec précision.
S’agissant du premier volet de votre question, je tiens à préciser que le plan « France Très haut débit » est un plan solidaire qui organise la péréquation territoriale en renforçant l’aide aux territoires les plus ruraux, comme le vôtre. Ce n’est pas seulement un discours, mais une réalité inscrite dans la manière même dont j’ai souhaité concevoir le plan.
Ainsi, pour votre département de la Meuse, le niveau de l’aide apportée par l’État connaît une augmentation significative de près d’un tiers dans le nouveau plan par rapport au précédent : le taux d’aide passe en effet de 42,2 % à 54,4 %.
J’ajoute que le plafond de subventionnement a été substantiellement relevé de 54 %, passant de 367 euros à 566 euros par prise.
Le Gouvernement a parfaitement conscience de l’effort financier très important que représente pour les collectivités, malgré l’augmentation de son soutien, ce défi crucial pour la vie économique, sociale et citoyenne des territoires. Une mobilisation générale de l’ensemble des collectivités territoriales est donc nécessaire pour engager des projets ambitieux. Ce défi appelle des choix exigeants de leur part, mais il est indispensable au maintien de la vitalité de zones rurales. Pour accompagner ces efforts, le plan FTHD met à leur disposition une enveloppe de prêts de plusieurs milliards d’euros à des taux extrêmement attractifs et sur des maturités longues – de vingt ans à quarante ans – qui permettent de lisser financièrement cet effort très important.
Enfin, le Gouvernement se bat en ce moment même auprès de la Commission européenne pour que les prochaines enveloppes des programmes opérationnels des fonds FEDER 2014-2020 puissent soutenir les projets de déploiement d’infrastructures numériques à très haut débit.
Monsieur le sénateur, le second volet de votre question concerne la solution FH-FTTH. Je vous confirme que celle-ci n’est pas, à ce jour, soutenue par le plan « France Très haut débit ». Je connais les contraintes très lourdes de la réalisation des réseaux de collecte en fibre optique dans les zones rurales, parfois isolées, et je comprends aisément qu’il puisse être très tentant de céder à des solutions alternatives moins onéreuses, parfois un peu à l’économie, et apparemment efficaces. Elles sont d’ailleurs habilement proposées par certains opérateurs, notamment en utilisant des technologies hertziennes.
Néanmoins, nous avons la profonde conviction qu’il faut dès aujourd’hui préparer l’avenir : il est nécessaire de déployer des réseaux de fibre optique dans les campagnes afin d’amener dans tous les villages la fibre optique, formidable arme contre l’isolement et la relégation économique. En effet, la fibre optique se joue des distances et laisse entrevoir des potentialités sans limites, ou presque, en matière d’usages. Elle seule offre une solution pérenne, évolutive et d’une grande fiabilité, de nature à développer de nouvelles applications, notamment pour l’éducation, la télémédecine ou les services publics.
De même qu’il était important, hier, de goudronner les routes nationales et départementales irriguant les villages de nos territoires pour rompre l’isolement physique, il est fondamental, aujourd’hui, de déployer des réseaux de collecte en fibre optique vers tous les villages pour neutraliser cet insupportable isolement numérique, aussi appelé « fracture numérique ».
Par ailleurs, je vous précise que la solution FH-FTTH repose sur un raccordement activé de la boucle locale FTTH qui pourrait soulever des interrogations au regard de la réglementation établie par le régulateur indépendant.
Monsieur le sénateur, je sais que les équipes du conseil général de la Meuse ont engagé des discussions avec la mission FTHD, dirigée par Antoine Darodes, qui m’est directement rattachée. Sachez que je veillerai à ce que celle-ci puisse poursuivre l’accompagnement de votre département dans le déploiement de la fibre.
J’ai intégré, depuis des mois maintenant, l’urgence de l’aménagement numérique des territoires. Le rythme d’instruction des dossiers par la mission « Très haut débit » me donne bon espoir de réduire enfin la fracture numérique dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Christian Namy.
M. Christian Namy. Madame la ministre, je reconnais que le plan actuel est meilleur que le précédent. Je salue aussi votre engagement personnel sur ce dossier du tout-numérique, et vous en remercie.
En revanche, s’agissant du taux de subvention, je peux vous dire que les méthodes de calcul ne permettent pas d’atteindre le taux de 54 % dont vous avez fait état : nous sommes largement en dessous.
Ensuite, vous avez remis en cause la technologie FH-FTTH en disant qu’elle n’était pas forcément la meilleure formule aujourd’hui. Je pense au contraire qu’elle permet d’aborder le tout-fibre dans un deuxième temps, d’abord parce qu’elle amène la fibre optique dans tous les foyers de nos communes, ensuite parce qu’elle évite des remplacements à court terme des lignes de cuivre enfouies qui ne sont plus en état. Elle est donc susceptible de fournir à l’abonné le haut débit rapide à un coût raisonnable.
À mon sens, il s’agit donc actuellement de la meilleure solution en milieu rural, compte tenu des capacités financières de nos départements. Nous reverrons ce dossier avec votre collaborateur, mais permettez-moi de vous remercier de ce que vous faites.
gestion des fichiers des hlm de paris
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 89, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, au mois de février 2012, la CNIL a mis en lumière un fichage massif par Paris Habitat, l’office HLM de Paris, de 125 000 locataires, avec des annotations à caractère privé particulièrement graves : « alcoolique », « chômeur en fin de droits », « séropositif », « n’est pas de nationalité française », « sous chimiothérapie ». Ce fichier pour le moins curieux a été dénoncé par la CNIL.
Nous avons évoqué cette situation à plusieurs reprises, notamment à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, voilà un an, pour savoir ce que le Gouvernement comptait faire. À chaque fois, il nous a été répondu que l’affaire suivait son cours.
Aujourd’hui, un an près, je souhaiterais savoir où l’on en est. Un audit devait être réalisé, et je sais qu’une remise en ordre technique a été opérée sur le logiciel. Pour autant, où sont les responsabilités ? Quelles suites le Gouvernement a-t-il donné à cette découverte d’un fichage massif des locataires parisiens, parmi les plus faibles de nos concitoyens, qui ont rarement la possibilité de se défendre ?
Je sais que vous allez m’apporter une réponse technique, mais, au-delà, je voudrais savoir quelle est réellement l’action du Gouvernement pour protéger les plus faibles, pour éviter que ce genre de dérive ne se reproduise et, surtout, pour définir les responsabilités. A-t-on mis la poussière sous le tapis ou a-t-on véritablement recherché les responsables de ce fichage massif ? Madame la ministre, tel est le sens de ma question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le sénateur, les manquements relevés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, en décembre 2011, lors de sa mission de contrôle du système informatique de Paris Habitat, n’avaient pas de caractère généralisé, puisqu’il s’agissait de cas très isolés d’enregistrements non pertinents, réalisés sans qu’aucune instruction ait été donnée.
En outre, Paris Habitat a engagé un travail de fond afin de répondre aux attentes de la CNIL. Ce travail a été présenté à cette dernière dans un mémoire en réponse, qui a d’ailleurs donné lieu à plusieurs réunions avec les services de la commission et a traduit en engagements concrets la mise en œuvre de cette démarche. Parmi ces engagements, figurait la nomination d’un correspondant informatique et libertés, devenue effective le 8 juillet 2012, en application des procédures définies par la CNIL. Le correspondant exerce sa fonction avec l’indépendance et l’autonomie d’action requises, en cohérence avec son statut.
La réalité de la mise en œuvre de ces engagements a pu être vérifiée lors de contrôles réalisés par les services de la CNIL. En effet, par courrier du 19 juillet 2012, la présidente de cette commission a décidé de procéder à la clôture de la mise en demeure de Paris Habitat. Dans ce courrier, elle a pris acte des mesures prises par Paris Habitat et noté que, dans certains domaines, les mesures prises « vont au-delà de ce qui était exigé dans la mise en demeure ».
En tout état de cause, le maire de Paris a écrit dès le 3 février 2012 aux présidents des trois autres organismes liés à la Ville de Paris, en leur demandant, d’une part, de vérifier sans délai la stricte conformité de leurs pratiques en matière d’enregistrement des données personnelles et, d’autre part, de présenter à leur prochain conseil d’administration les mesures mises en œuvre pour garantir le respect de la loi. La Régie immobilière de la ville de Paris, ou RIVP, la Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris, ou SIEMP, et la Société de gérance des immeubles municipaux, ou SGIM, devenue ELOGIE, les trois autres organismes concernés, ont réagi très rapidement et indiqué notamment que leurs gardiens n’avaient pas accès au système de gestion.
Des précisions ont été apportées, en particulier en termes de conservation des données et de vigilance rappelée aux équipes quant à l’utilisation, dans les applications de gestion, des éventuels champs libres réservés aux commentaires. Une présentation des mesures existantes a également eu lieu lors des conseils d’administration de ces trois organismes.
Enfin, à la suite du traitement de ce dossier, la CNIL a engagé une concertation nationale avec les acteurs du logement social. « Consciente des problèmes que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux » – ce sont ses propres termes – dans l’application de la loi de 1978, la CNIL souhaite faire évoluer sa norme simplifiée et proposer un « pack de conformité », tenant compte des évolutions du métier de bailleur social requises par l’évolution des politiques publiques.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, votre réponse portait sur les mesures prises dans le champ de compétence de la CNIL et la mise en conformité du logiciel de Paris Habitat. Finalement, si je comprends bien, personne n’est responsable ni coupable du fichage des locataires parisiens.
Sur le plan de la justice, le Gouvernement devrait savoir ce qui s’est passé. La direction de l’entreprise était-elle à l’origine des faits reprochés, ou s’agissait-il de phénomènes isolés résultant d’initiatives individuelles ? Un an après, nous n’en savons toujours rien !
Des instructions ont été données, on a prétendument réagi pour que de tels actes ne se reproduisent plus, mais aucune suite n’a été donnée à cette affaire. En réalité, on a voulu masquer cette action dérangeante. Un organisme public d’HLM gérant 120 000 locataires procède à un fichage individuel de ceux-ci, et il ne se passe rien ! Pour autant, vous prétendez tenir un discours d’exemplarité, en particulier aux jeunes, dans le domaine du numérique, des fichiers et du traitement des données.
Votre réponse est faible, madame la ministre – ce n’est d’ailleurs pas la vôtre, mais celle du Gouvernement. Normalement, le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur ont été informés, mais, en réalité, le problème est éludé et on fait en sorte que rien ne se passe !
Je ne peux donc pas me satisfaire de votre réponse.
promotion et soutien de la politique forestière
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 453, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Nièvre dispose d’une ressource forestière abondante sur plus de 225 000 hectares. Le taux de boisement global du département est de 33 %. Les forêts nivernaises sont composées de 180 000 hectares de feuillus dont l’essence majoritaire est le chêne – plus de 66 % – et de 45 000 hectares de résineux, en majorité des douglas plantés dans la seconde moitié du XXe siècle.
Élue d’un département pour lequel la forêt est un bien précieux et la transformation du bois un axe majeur de développement économique, je souhaite aujourd’hui vous interpeller, madame la ministre, sur la nécessité de recréer les outils destinés à mettre en œuvre une politique forestière moderne et ambitieuse. Deux rapports viennent d’être présentés au Gouvernement ; ils sont destinés à alimenter la partie du futur projet de loi d’avenir sur l’agriculture consacrée à la forêt.
Je salue ici le travail de M. Jean-Yves Caullet, qui propose un certain nombre de pistes destinées à sortir la forêt française de l’« immobilisme » dans lequel elle stagnait ces dernières années, ainsi que le travail de la mission interministérielle menée par Christophe Attali, dont le rapport intitulé Vers une filière intégrée de la forêt et du bois prévoit l’élaboration d’un plan national de la forêt et du bois, qui serait la clef de voûte des instruments d’orientation et de conduite de la politique nationale forestière.
Madame la ministre, le Fonds forestier national, ou FFN, fonds d’État, a été supprimé par la loi d’orientation sur la forêt du 9 juillet 2001. Il était destiné à permettre une gestion plus dynamique des forêts françaises et à aider la filière bois à se développer en encourageant le reboisement et en désenclavant les forêts grâce à un meilleur accès des engins de débardage. Il était alimenté par une taxe fiscale et, en tant que compte spécial du trésor, il échappait à l’annualité budgétaire. Cette taxe était versée par les exploitants forestiers et le commerce de première transformation du bois.
Durant cinquante ans, ce fonds, outil essentiel d’une politique forestière nationale stratégique, a parfaitement répondu aux objectifs qui lui étaient assignés : extension forestière – plus de 2 millions d’hectares ont été plantés dont 1,5 million appartient à des propriétaires privés –, développement de pépinières forestières, de routes, de pistes et de cloisonnements permettant une exploitation plus rapide et rentable des forêts, mise en place de système de défense contre les incendies, développement des métiers de la forêt.
Toutefois, des effets pervers se sont également fait sentir : la recherche d’une rentabilité maximale, couplée à un système d’aides spécifiques, a fortement privilégié résineux et peupliers dans beaucoup de régions françaises, créant un déséquilibre entre feuillus et résineux au détriment d’une biodiversité naturelle et indispensable. Le Morvan en est un exemple : il a connu un fort enrésinement dans la seconde moitié du XXe siècle ; sa ressource arrive à maturité et la disponibilité en résineux dans cette région reste supérieure à un volume de 1,1 million de mètres cubes jusqu’en 2040.
L’exploitation actuelle de cette ressource ne s’effectue pas dans des conditions acceptables : les coupes rases, l’artificialisation des forêts et leur fragmentation écologique, aggravées par un exode rural non négligeable, sont à déplorer et menacent nos forêts actuelles. Aujourd’hui, alors que des plantations arrivent à maturité, ces « forêts de rendement » font l’objet d’une exploitation massive dans un contexte caractérisé par l’absence préjudiciable de moyens de contrôle et de réglementation. La question du repeuplement, du renouvellement de la ressource, des conditions de replantation et de l’équilibre des essences reste par ailleurs posée. Depuis 2001, aucune politique forestière n’a réellement été engagée, ni même pensée.
L’engagement de l’État en faveur de la forêt française est indispensable ; il ne s’était jamais démenti, s’appuyant, entre autres, sur des outils fiscaux et des subventions spécifiques. Ces outils, comme le FFN en son temps, constituaient des leviers efficaces permettant de développer une politique forestière durable.
Madame la ministre, est-il envisageable de travailler à la mise en place de nouveaux outils de gestion et de promotion de la filière bois et de la forêt française – comme le « fonds forestier stratégique carbone », proposé par les acteurs du secteur –, basés sur des financements alternatifs appuyés sur les nouveaux enjeux économiques et environnementaux liés à la forêt française ?
Je souhaiterais également savoir si de telles orientations seront inscrites dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, en préparation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Stéphane Le Foll, retenu ce matin au conseil d’administration de FranceAgriMer.
Le Fonds forestier national a été un formidable outil de rénovation de la forêt française entre 1946 et 2000, qui a permis le boisement de plus de deux millions d’hectares de terres abandonnées par l’agriculture et l’amélioration de la desserte. L’accent mis sur les résineux a certes modifié le paysage, mais la France reste un pays de feuillus avec 71 % de sa surface couverte par ces essences.
Les boisements réalisés grâce au FFN alimentent aujourd’hui une filière industrielle très dynamique, répondant à la demande de l’aval qui porte essentiellement sur des sciages résineux. Les actions d’animation territoriale – chartes forestières de territoire et plans de développement de massif – qui touchent un quart de la forêt privée portent sur le renouvellement de ces boisements qui arrivent à maturité et sont exploités, de façon à les remplacer par des peuplements mieux adaptés aux nouvelles conditions climatiques et plus riches du point de vue environnemental.
Les nombreux défis auxquels la forêt française doit faire face sont liés à des demandes économiques, écologiques et sociales de plus en plus appuyées, notamment du fait de la prise de conscience de la place de la forêt et du bois dans la lutte contre l’effet de serre : multifonctionnalité et gestion durable des forêts, intégration des forêts et du bois dans l’économie du carbone, préservation de la biodiversité, défense de l’emploi et aménagement du territoire sont autant de fonctions à développer.
Atteindre ces objectifs suppose, en premier lieu, d’assurer la pérennité de la forêt française par le renouvellement et l’amélioration des peuplements, en prenant en compte les conséquences du changement climatique. La constitution d’un outil financier capable de porter cette politique d’adaptation de la forêt française est donc un préalable.
Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le Président de la République a annoncé, dans la feuille de route pour la transition écologique, le lancement immédiat d’une mission conjointe du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et du ministère du redressement productif, pour la création d’un fonds « bois-carbone » et d’un « comité national filière bois ». Il s’agissait notamment d’étudier la possibilité de mettre en place des financements alternatifs appuyés sur l’économie du carbone.
Le rapport de cette mission, remis récemment, se prononce pour la constitution d’un plan national de la forêt et du bois et la création d’un « fonds stratégique forêt-bois ». La mission confiée par le Premier ministre à M. Jean-Yves Caullet, député de l’Yonne, sur la forêt française et la filière bois conclut dans les mêmes termes.
Cet enjeu est donc bien identifié et fait l’objet de travaux pour sa mise en œuvre dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, actuellement en préparation. Parmi les six axes d’action du volet forestier de ce projet annoncés par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, lors du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois du 6 mai dernier, figure la mise en place d’un fonds stratégique forêt-bois et de son comité de gestion.
Les discussions en cours visent à mettre en place les conditions d’alimentation de ce fonds par diverses sources budgétaires, fiscales et de fonds de concours, de façon à redonner à la politique forestière des moyens en adéquation avec les défis qu’elle doit et souhaite relever.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Je tiens à remercier Mme le ministre de ces informations, espérant que nous obtiendrons satisfaction lors de la présentation de la loi d’orientation.
aide à la réhabilitation des bâtiments des logements-foyers
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 388, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur les difficultés financières sérieuses que connaissent les gestionnaires des logements-foyers, tant dans la gestion de leur activité que dans la recherche d’aides à la réhabilitation des bâtiments.
Les logements-foyers ont été créés dans les années soixante-dix ; leur originalité réside dans leur mode d’accueil des personnes âgées dans des conditions proches de celles du domicile. Actuellement, ils représentent 2 330 structures en France et accueillent désormais près de 120 000 personnes.
Aujourd’hui, le parc des logements-foyers a vieilli et les besoins de rénovation du bâti et des équipements sont importants, tant pour la remise en état des bâtiments que pour leur adaptation au vieillissement des résidents, afin de prolonger le plus longtemps possible l’autonomie des personnes.
Ces logements-foyers ont été oubliés pendant de nombreuses années par les politiques nationales. Les financements se font rares ; or les investissements sont indispensables pour moderniser ces structures, face à des réglementations extrêmement rigides. Les travaux de réhabilitation ne peuvent être imputés à des résidents qui ne disposent, très souvent, que de faibles revenus, et les gestionnaires, tels les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, ne souhaitent pas répercuter sur ces résidents des charges trop importantes par le biais des redevances qui, de toute façon, sont encadrées financièrement ; ils hésitent aussi devant le coût des emprunts à contracter.
D’après les travaux de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, l’UNCASS, le coût de réhabilitation d’un logement-foyer est au minimum compris entre 23 000 euros et 26 000 euros par logement, soit 14 000 euros pour les travaux dans le logement et 9 000 euros pour les parties communes.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, je vous remercie de m’indiquer de quelles aides financières des pouvoirs publics peuvent disposer les gestionnaires de logements-foyers qui sont dans l’attente de solutions pour la rénovation des établissements existants et la réalisation de nouveaux projets.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Michèle Delaunay, ministre déléguée en charge des personnes âgées et de l’autonomie, qui préside actuellement « l’assemblée générale des âgés », au ministère.
Comme vous l’avez très justement souligné, il existe aujourd’hui en France 2 300 établissements et 116 000 logements pour des résidents dont la moyenne d’âge est de 82 ans. Les bailleurs sociaux possèdent 80 % de ces foyers-logements, dont 56 % ont été construits voilà plus de trente ans. Par ailleurs, 65 % des foyers-logements doivent aujourd’hui bénéficier d’une rénovation, et une étude récente de l’UNCASS met en évidence un besoin de financement de travaux de l’ordre de 360 000 euros en moyenne par établissement.
Plusieurs aides sont disponibles à cet effet avec, en premier lieu, celles qui sont déjà versées par les collectivités locales, conseils généraux et communes.
En second lieu, la Caisse nationale d’assurance vieillesse peut également être sollicitée : 78 millions d’euros en prêts sans intérêts qui représentent entre 15 % et 20 % des travaux ont ainsi été versés en 2012. Ces 78 millions d’euros ont d’ores et déjà permis de financer 133 projets.
Il existe aussi les aides de la Caisse des dépôts et consignations, mais seulement pour le public, le parapublic et les structures privées non lucratives : ce sont les PHARE, ou Prêts habitat amélioration restructuration extension, et les Éco prêts.
Enfin, un nouveau prêt vient d’être ouvert, avec 20 milliards d’euros mis à disposition des collectivités locales. Ce prêt, accessible aux centres communaux d’action sociale, les CCAS, qui sont propriétaires d’environ 20 % des foyers-logements, est destiné à financer des travaux supérieurs à 200 euros le mètre carré, travaux qui devront répondre au moins à l’un des trois objectifs suivants : l’amélioration thermique, la sécurité et l’accessibilité.
Parallèlement, le Gouvernement a engagé des réflexions pour améliorer l’accès et le développement de ces aides.
La renégociation de la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale d’assurance vieillesse sera justement l’occasion pour le Gouvernement de s’interroger sur la nécessité de poser une priorité sur les foyers-logements.
Par ailleurs, subsistent des problématiques inhérentes aux conditions mêmes d’obtention de ces prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Pour être éligible au PHARE, par exemple, il faut être habilité à l’aide sociale à hauteur de 100 %. Il faut aussi être titulaire de droits réels, ce qui signifie être propriétaire du mur, et avoir une stratégie de patrimoine, laquelle peut d’ailleurs différer des priorités du gestionnaire.
Pour l’Éco prêt, ce sont des conditions très fortes en termes d’économie d’énergie qui, bien souvent, alourdissent le coût final et font, au final, disparaître toute incitation. Sauf à faire porter le surcoût sur les résidents, ce que ni vous ni moi ne souhaitons, c’est donc vraiment sur l’ensemble de ces conditions qu’il faut désormais agir !
Mme Michèle Delaunay a lancé des groupes de travail pour revoir à la fois la réglementation et la législation en matière de foyers-logements, pour définir plus précisément leur modèle économique et la façon de mieux accueillir ces publics. Cela va venir en renfort des discussions qu’elle a d’ores et déjà entreprises dans ce sens avec la Caisse des dépôts et consignations.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je vous remercie de m’avoir apporté toutes ces précisions.
Même si le logement en foyer est pour certains un mode d’hébergement en diminution, il reste très prégnant. Il me paraît correspondre à une phase de la vie. Il paraît donc important que les collectivités territoriales disposent de ce type de logement sur leur territoire.
Les contraintes que vous avez évoquées sont souvent des freins. Tous les gestionnaires le disent, notamment dans mon département du Maine-et-Loire, la somme qui reste in fine à leur charge est trop importante. Sans répercussion sur les redevances, cela devient impossible pour eux ! Le travail qui doit être fait en termes d’assouplissement, tout en respectant les règles de sécurité et d’accessibilité, est un élément majeur à l’avenir. C’est vrai, d’ailleurs, pour d’autres équipements publics.
hébergement des personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, auteur de la question n° 417, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît un taux de fécondité relativement élevé comparé à ses voisins européens, ce dont on ne peut que se réjouir. Pourtant, sa structure démographique est sur le point de changer radicalement. En trente ans, les hommes ont gagné huit ans d’espérance de vie, et les femmes sept ans. La part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 16 % de la population totale en 1950 à 24 % en 2012, et elle devrait atteindre 32 % en 2060. Les enjeux en matière de lutte contre la dépendance sont donc très importants et vont le devenir de plus en plus.
Or, la France reste en retard en termes d’adaptation des logements au vieillissement de leurs occupants. Selon l’Agence nationale de l’habitat, ce sont deux millions de logements qui nécessiteraient des travaux afin d’être adaptés à l’âge de leurs occupants. C’est également le constat tiré par le rapport de Luc Broussy – c’est un grand spécialiste des questions de la dépendance et de l’intergénérationnel – sur l’adaptation de la société française au vieillissement de la population : 6 % des logements français sont aménagés pour les plus de 65 ans, contre 16 % aux Pays-Bas. L’Espagne, l’Allemagne et le Danemark sont aussi largement mieux équipés que notre pays.
Dans mon département, l’Essonne, j’ai participé le 25 novembre 2011, à Morangis, à la pose de la première pierre du premier établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, en France. Cette opération s’inscrivait dans le cadre d’une politique extrêmement volontariste souhaitée par le président du conseil général, mon ami Jérôme Guedj. Je sais, madame la ministre, que vous êtes venue dans l’Essonne pour visiter d’autres établissements. (Mme la ministre acquiesce.) Vous connaissez très bien le sujet, comme l’ensemble du secteur dont vous avez la charge.
Le nombre de places dans les établissements d’accueil spécialisés nécessite d’être adapté aux besoins. L’INSEE a recensé 531 927 lits dans les EHPAD en 2011. Or, on estime qu’en 2010 le nombre de personnes dépendantes s’élevait à 1,1 million. Ce nombre pourrait s’élever à 2 millions en 2040.
La France, quels que soient les gouvernements en place depuis vingt ans – j’ai évoqué des chiffres et n’entend nullement engager une quelconque polémique politicienne –, ne paraît pas suffisamment préparée au vieillissement de sa population et à la sécurisation des seniors.
Madame la ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement en matière d’hébergement des personnes âgées ? Je le sais, le temps imparti pour votre réponse ne vous permettra pas d’être exhaustive.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, permettez-moi de répondre à la place de Michèle Delaunay, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Comme vous le savez, deux plans de développement arrivent à échéance : le plan Alzheimer et le plan Solidarité grand âge. Cependant, à l’heure actuelle, de nombreuses places qui relèvent de ces plans restent encore à installer sur la période 2014-2016. Il existe en effet, vous le savez, un délai entre le moment où le dossier est autorisé et l’ouverture réelle de la structure.
Afin de répondre immédiatement et dans l’urgence aux besoins non satisfaits, nous allons ouvrir 26 000 places d’EHPAD d’ici à la fin du quinquennat, avec une exigence de justice renforcée.
L’exigence de justice vise, d’abord, à réparer les inégalités entre les territoires aujourd’hui plus ou moins bien pourvus en établissements. Il y a, de ce point de vue, une énorme disparité que nous voulons rattraper.
L’exigence de justice vise aussi les personnes âgées et leur famille en offrant à tous une meilleure accessibilité, une transparence de l’information et un encadrement des tarifs. Il s’agit là d’une vraie rupture par rapport à l’action du gouvernement précédent, qui n’était pas à la hauteur des besoins actuels de notre pays.
L’analyse des schémas régionaux des agences régionales de santé, les ARS, comme les contacts avec le terrain et les représentants des établissements et financeurs mettent en exergue la nécessité de consolider l’existant plutôt que d’investir massivement en vue de la création de nouvelles places, même si cela paraît nécessaire.
Cette consolidation passe par une politique de médicalisation ambitieuse des structures – à cette fin, 155 millions d’euros seront attribués dès cette année –, par une meilleure inscription des EHPAD dans les filières de soins afin d’améliorer les parcours de santé des personnes âgées, et, enfin, par une plus grande accessibilité financière à cette offre : rien ne sert en effet d’augmenter et d’améliorer le parc si celui-ci reste inaccessible au plus grand nombre !
Ces analyses et ces contacts de terrain, monsieur le sénateur, soulignent aussi la nécessité d’agir, en utilisant trois leviers incontournables et prioritaires.
Il faut d’abord agir sur la prévention pour retarder la perte d’autonomie et mieux gérer les conséquences des maladies chroniques. Afin de préparer l’avenir face à la révolution de l’âge, le Gouvernement investit massivement dans une politique active de prévention de la perte d’autonomie. Nous engageons la transformation nécessaire du système de santé afin de garantir le droit au maintien au domicile grâce à une médecine de parcours qui sera mieux organisée et fondée sur des services médicosociaux renforcés.
Il faut ensuite agir sur le renforcement de l’offre. À cette fin et pour mieux accompagner les personnes âgées en établissement, il importe de renforcer la présence humaine. Nous allons donc recruter plusieurs milliers de postes destinés aux EHPAD déjà existants dans le cadre de la médicalisation des structures que je viens d’évoquer.
Il faut enfin agir sur l’attractivité du secteur de la gérontologie et de la gériatrie pour le doter de professionnels formés, compétents, engagés et en grand nombre. Sans une action forte pour rendre attractif ce secteur d’activité porteur, nous ne pourrons pas faire face et couvrir l’ensemble des besoins. Il y a là un potentiel d’emplois très important. Nous engageons donc un vaste plan « métiers » pour mieux recruter, former et soutenir les personnels qui sont quotidiennement auprès de ces personnes âgées.
La loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui sera prête pour la fin de l’année – vous le savez, ma collègue Michèle Delaunay y travaille – viendra renforcer l’ensemble des dispositifs évoqués. Elle s’inscrit dans le droit-fil des engagements pris par Mme la ministre et que le Gouvernement a commencé à mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse que vous m’avez transmise de la part de votre collègue Michèle Delaunay, dont je salue le travail très volontariste réalisé sur ce dossier. Je ne peux que me réjouir des propos très dynamiques, sérieux et extrêmement argumentés que vous avez tenus tant sur la prévention que sur les moyens et la formation.
J’ai écouté avec un intérêt particulier votre propos sur les inégalités entre les territoires. Je veux plaider à cet égard pour mon département situé en Île-de-France : cette région, que l’on croit toujours riche et puissante, est en réalité très contrastée.
La grande couronne, dont je suis l’élu, compte des territoires ruraux : parce qu’ils sont proches de l’Île-de-France et pas vraiment situés en province, on peut les croire richement dotés en services publics. Or tel n’est pas le cas. Les personnes âgées, les personnes en grande difficulté qui ont besoin de la puissance publique éprouvent, au-delà d’un sentiment d’isolement, la réalité de l’isolement.
Le conseil général, présidé par mon ami Jérôme Guedj, fait déjà beaucoup. Cependant, nous avons besoin de l’action puissante de l’État, d’une action de solidarité et de justice. Les propos que vous avez tenus à cet égard me rassurent fortement, madame la ministre.
personnes handicapées vieillissantes
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 437, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le manque de structures d’accueil des personnes handicapées vieillissantes.
Ainsi, à titre d’exemple, pour le département de la Drôme, alors que 1 300 personnes sont confrontées à cette difficulté, s’y ajouteront bientôt 141 nouvelles personnes handicapées âgées de 55 à 60 ans.
Face au placement en maison de retraite traditionnelle, qui ne peut être une solution satisfaisante à tous points de vue, il est mis en place de petites unités à l’intérieur de foyers d’hébergements existants. Cependant, ces initiatives limitées ne sauraient résoudre le problème posé, qui est global.
Aussi convient-il de trouver dès à présent des solutions permettant de tenir compte de tous les paramètres et de l’aspect humain de cette question.
Face à cette situation, à juste titre particulièrement mal vécue par les personnes handicapées et leur famille, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer quelles mesures vous entendez prendre en urgence pour faire face à ce manque cruel de structures adaptées aux personnes handicapées vieillissantes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur le manque de structures d’accueil pour les personnes handicapées vieillissantes, et vous avez raison. Nous avons énormément de retard dans ce domaine.
Vous le savez, les personnes handicapées, comme l’ensemble de la population, connaissent un allongement de leur espérance de vie. Je m’en félicite et suppose que c’est encore mieux dans le département de la Drôme, où l’on vit très bien !
Cette réalité a cependant des conséquences spécifiques qu’il convient d’anticiper, pour les établissements d’accueil et les services d’accompagnement, mais aussi pour les familles, les aidants et les professionnels.
C’est la raison pour laquelle Mme la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie et moi-même avons souhaité engager dès le mois de février dernier une réflexion destinée à évaluer le phénomène, que nous n’avions pas suffisamment pris en compte jusqu’à ce jour. Nous avons également voulu évaluer les difficultés que soulève cette évolution, qui constitue un atout, une chance, mais crée aussi des contraintes. Nous avons entrepris d’apprécier les besoins qu’elle génère et les moyens d’y apporter des réponses, notamment en termes d’accompagnement, que ce soit en établissement ou à domicile, la majorité des personnes souhaitant rester chez elles.
Cette mission a été confiée à un groupe de travail qui réunit l’ensemble des acteurs concernés par le sujet et dont l’animation est assurée par M. Patrick Gohet, inspecteur général des affaires sociales.
Ce travail vise non à instituer une nouvelle catégorie administrative qui serait liée à l’âge, mais à répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées vieillissantes dans le cadre des politiques générales du handicap, d’une part, et de l’avancée en âge, d’autre part.
Il ne vise pas davantage à créer un type particulier et distinct de structures. L’objectif est d’adapter et de diversifier le dispositif existant. Il convient également, et nous allons le faire, de conforter le rôle des aidants, qu’ils soient familiaux ou professionnels. Nous avons d’ailleurs organisé une réunion sur ce sujet.
Les travaux du groupe sont d’ores et déjà assez avancés pour permettre la prochaine remise d’un rapport, qui sera présenté au Premier ministre. Nous pourrons alors envisager les suites à y apporter. Je ne manquerai pas d’en tenir la représentation nationale informée, particulièrement vous, monsieur le sénateur.
Cette question, comme de nombreuses autres lorsqu’il s’agit du handicap, fait l’objet d’un traitement interministériel.
Le Premier ministre convoquera très prochainement, avant la fin de l’été ou dès la rentrée, le comité interministériel du handicap, le CIH, qui se réunira pour la première fois depuis sa création par le précédent gouvernement, comme il le fera dorénavant chaque année.
L’un des éléments forts à l’ordre du jour de ce CIH sera justement la question de la prise en charge des personnes âgées handicapées, à laquelle Michèle Delaunay et moi-même avons à cœur d’apporter une réponse. J’informerai bien sûr de ces travaux la représentation nationale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je n’ai jamais douté de votre volonté de résoudre ce problème, et je souhaite que le calendrier que vous avez indiqué soit respecté.
Je note surtout que les mesures proposées s’intégreront dans le dispositif en vigueur.
J’espère, enfin, que l’on veillera à permettre aux personnes âgées de rester à domicile, car il s’agit selon moi de la meilleure solution.
opération de désamiantage
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 462, à nouveau transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a des chiffres qui s’imposent et que l’on ne peut oublier : dix personnes meurent chaque jour, en France, d’avoir respiré cette poussière blanche qu’est l’amiante. Ce fléau est responsable de 3 000 décès par an.
Depuis les années 2000, plus de 1 500 personnes sont décédées en Aquitaine des conséquences de l’amiante. Interdite depuis 1997, alors que l’effet cancérigène de la fibre était connu depuis les années trente, l’amiante, avec ses fibres mortelles, continue de représenter un danger pour tous ceux qui y sont exposés.
Les associations de défense des victimes de l’amiante, qui agissent pour stopper la progression de ce fléau, font état de plus de 200 000 tonnes d’amiante et de 24 millions de tonnes de fibrociment répartis sur notre territoire.
Vous le savez, madame la ministre, plus de 70 % des chantiers de désamiantage sont réalisés dans de très mauvaises conditions et deviennent de nouvelles sources de contamination. Le constat est alarmant : aucun risque d’exposition n’est maîtrisé !
Une étude de 2009 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, démontre que les fibres fines ont un effet cancérigène avéré, et que l’on ne peut pas écarter l’effet cancérigène des fibres courtes.
Cette étude préconise la prise en compte de cette nouvelle donne dans les directives préventives, et plus particulièrement l’abaissement par dix des valeurs limites d’empoussièrement en milieu professionnel. On peut regretter que cette décision ne devienne effective qu’à l’horizon 2015.
De plus, les équipements de protection individuelle qui sont actuellement utilisés ne sont pas adaptés aux dangers auxquels sont exposés les intervenants professionnels.
En outre, les inspecteurs du travail, en nombre insuffisant, ne peuvent contrôler l’application de la réglementation en vigueur, car ils sont trop rarement informés de l’ouverture des chantiers de désamiantage.
Bien qu’incomplète, la législation existe, mais elle n’est pas respectée par les entreprises agréées qualifiées pour le retrait et le confinement de l’amiante : ces entreprises enlèvent les marchés puis, par le jeu de la sous-traitance, transmettent ces chantiers à des entreprises qui, elles, ne sont généralement pas qualifiées et agissent au mépris tant de la santé de leurs employés que de la protection de l’environnement.
L’aspect professionnel des chantiers de désamiantage ne doit pas occulter le désamiantage effectué par des particuliers. Les décrets du 3 juin 2011 et l’arrêté du 21 décembre 2012 stipulent que les particuliers ont l’obligation de faire appel à des professionnels pour mener des opérations de désamiantage. Comme vous pouvez l’imaginer, cet appel se trouve limité en raison du coût prohibitif des interventions.
De nombreuses communes sont confrontées au grave problème de désamiantage des établissements scolaires. De tels chantiers réalisés dans de très mauvaises conditions génèrent des tonnes de déchets qu’il faut stocker, transporter et éliminer.
Madame la ministre, je suis certain que vous êtes consciente de la nécessité d’éviter les dépôts sauvages. L’absence ou la méconnaissance d’un réseau de déchetteries de proximité habilitées à recevoir les produits dangereux, mis à disposition avec des moyens adaptés, est un élément essentiel de cette problématique.
Même réalisé dans les conditions optimales, l’enfouissement ne peut représenter une solution durable pour l’environnement. D’après les associations, le seul moyen de neutralisation définitive sur notre territoire serait le procédé d’inertage au moyen de la torche à plasma, proposé par la société INERTAM de Morcenx, dans les Landes. En raison de ses coûts de revient, cette solution ne serait utilisée qu’à 12 % de sa capacité.
Il conviendrait d’encourager le développement en volume de l’utilisation de l’inertage, ainsi que la recherche d’autres procédés d’élimination définitive.
Nous vous faisons confiance, madame la ministre, pour que des directives soient enfin prises pour éviter la propagation de ce véritable fléau sanitaire. Seule une législation européenne claire et commune pourrait débarrasser l’Europe de ce poison.
N’oublions pas que l’on continue d’utiliser l’amiante dans de trop nombreux pays ! Seule une réglementation sévère, compréhensible permettra de la bannir et d’enrayer ce fléau.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur les conséquences dramatiques de l’utilisation de l’amiante et des nouvelles sources de contamination, notamment au cours des opérations de désamiantage. Vous avez évoqué avec une grande vérité l’ensemble des problèmes qui se posent et souhaitez, à juste titre, connaître les intentions du Gouvernement en la matière.
En premier lieu, le décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante, entré en vigueur le 1er juillet 2012, constitue le fondement d’une réforme réglementaire d’ampleur, dans un souci de protection des travailleurs.
Les principales mesures proposées sont les suivantes : l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle, la VLEP, qui est actuellement de 100 fibres par litre, à 10 fibres par litre au 1er juillet 2015 ; la suppression dans le code du travail de la dualité entre les notions d’amiante friable et d’amiante non friable ; l’élévation des niveaux de prévention collective et individuelle à mettre en œuvre ; l’extension de la certification à l’ensemble des activités de retrait et d’encapsulage de matériaux contenant de l’amiante, en particulier aux activités de retrait de couverture et de bardage en amiante-ciment.
Le décret du 4 mai 2012 appelle quatre arrêtés d’application : l’arrêté du 14 août 2012 relatif aux conditions de mesurage des niveaux d’empoussièrement, au contrôle de la VLEP aux fibres d’amiante et conditions d’accréditation des organismes procédant à ces mesurages ; l’arrêté du 14 décembre 2012 qui fixe les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou d’encapsulage d’amiante ; l’arrêté du 7 mars 2013 relatif aux conditions d’entretien, d’utilisation et de vérification des équipements de protection individuelle ; enfin, l’arrêté du 8 avril 2013 qui fixe les conditions d’entretien, d’utilisation et de vérification des moyens de protection collective.
Par ailleurs, le dispositif de formation des travailleurs susceptibles d’être exposés à l’amiante a été renforcé par l’arrêté du 23 février 2012.
La démarche de certification des entreprises, notamment aux entreprises de couverture, permettra d’améliorer leur maîtrise technique sur le plan de la prévention des risques professionnels et d’éviter les pollutions et l’exposition du public. Elle permettra également de s’assurer de l’effectivité de la formation des travailleurs par un organisme de formation certifié et de vérifier l’existence d’une assurance professionnelle.
Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, de l’implication de l’ensemble des services de l’État concernés, au nombre desquels l’Inspection du travail, sur l’effectivité de cette réglementation, qui est la plus exigeante au sein de l’Union européenne. Il est vrai que nous devions également progresser au niveau de l’Europe.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Sans douter de votre volonté de faire progresser la réflexion sur cette question, je me permets d’insister très fortement auprès du Gouvernement sur ce devoir d’information et de prévention du désamiantage, qui est un devoir de santé publique. Il faut en effet éviter que l’on ne fasse n’importe quoi dans ce domaine.
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 427, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à qui je souhaite la bienvenue dans cet hémicycle.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je suis très honoré de vous donner, avec d’autres collègues également auteurs de questions orales qui vous sont adressées, l’occasion de vous exprimer pour la première fois devant le Sénat.
Ladislas Poniatowski et moi-même avons rédigé un rapport, qui fut présenté au Gouvernement au mois de septembre 2011, concernant l’introduction dans notre système de distribution d’électricité d’un nouveau type de compteur qu'on a qualifié d’abord d’intelligent, puis de communicant et qui porte aujourd'hui la marque Linky.
Ce compteur présente un certain nombre de vertus. Il permet d'abord à l’usager de mieux suivre sa consommation, d'adapter son mode de consommation en fonction des tarifs qui sont proposés selon le moment de la journée ; à mon avis, d’autres modalités sont d’ailleurs envisageables.
Par ailleurs, sur le plan industriel, le développement de cet outil est susceptible d’avoir des effets extrêmement positifs : on parle de milliards d’euros et de quelque 10 000 emplois.
Pour l'instant, la décision de généraliser ces compteurs n'est pas prise. Un certain nombre d'expérimentations ont été menées. Beaucoup ont manifesté leur réticence, voire leur hostilité. Même s’il convient d’analyser attentivement leurs arguments, il faut aller de l'avant et introduire les compteurs Linky. Tout dépend du distributeur, ERDF, mais cette entreprise tiendra certainement compte du point de vue du Gouvernement et, notamment, je l’imagine, de votre avis, monsieur le ministre.
Pour ma part, je souhaite que des dispositions soient très rapidement prises pour généraliser ce compteur, qui a vocation à être largement exporté. Il faut en effet savoir que différents pays attendent que la France installe ce compteur pour décider de le faire eux-mêmes. L’Italie l'a déjà fait, mais avec un compteur un peu moins performant. Car, je le souligne, le compteur Linky est un excellent produit.
J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que la décision attendue pourrait être prise aujourd'hui même. Je ne vois là qu’une simple coïncidence : je ne peux croire que cela ait un lien avec le fait que ma question orale ait été inscrite à l'ordre du jour de ce matin ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, j’espère que vous allez nous annoncer de bonnes nouvelles !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, je tiens à souligner que c'est pour moi un grand honneur de m'exprimer devant la Haute Assemblée. Ayant été pendant des années le collaborateur le plus proche de Michel Charasse, je sais la qualité du travail qui y est accompli. Croyez bien que je m’attacherai, dans les responsabilités qui sont désormais les miennes, à répondre aux sollicitations des sénateurs.
Monsieur Lenoir, j'ai grand plaisir à vous retrouver ici après avoir siégé en même temps que vous à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Claude Lenoir. C'est un plaisir partagé ! (Sourires.)
M. Philippe Martin, ministre. Votre question me donne l’occasion de préciser l’état d’avancement du projet de déploiement des compteurs intelligents Linky.
Dans le débat national sur la transition énergétique, il est clair que la sobriété et l’efficacité énergétiques constituent un enjeu majeur ; c’est d’ailleurs celui qui fait le plus consensus. Au titre de l’efficacité énergétique passive, la rénovation énergétique des bâtiments, en particulier, donnera lieu à un programme ambitieux, mené par Mme Duflot. Le compteur intelligent se situe du côté de l’efficacité énergétique active en ce qu’il permet à l’utilisateur de piloter sa consommation de manière optimale.
Par ailleurs, les objectifs de développement des énergies renouvelables, très souvent intermittentes, nécessiteront un système électrique beaucoup plus réactif, à même de mieux les intégrer au réseau existant.
Un nouveau rapport entre l’offre, notamment les énergies renouvelables, et la demande doit donc émerger. À cet égard, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le compteur Linky est appelé à jouer un rôle déterminant. C’est ce compteur intelligent qui rendra possible le déploiement des smart grids, c’est-à-dire des réseaux intelligents pour le système électrique. En période d’augmentation des coûts, c'est important.
Le projet Linky est ainsi un vrai projet d’intérêt général. Il profitera à l’ensemble du système de production et de distribution d’électricité comme à chaque foyer français.
La concertation engagée par le Gouvernement sur ce projet a permis des avancées significatives. Elle a abouti à une compréhension partagée de certains enjeux. Elle a clarifié les concepts et le vocabulaire. Cette concertation a également mis en exergue les forts enjeux industriels français attachés à ce projet et ses conséquences bénéfiques sur l’emploi dans la filière électrique, ainsi que, vous l’avez dit, sur nos exportations.
Le déploiement des compteurs devrait débuter d’ici à la fin de l’année 2014.
Toutefois, au-delà des décisions du Conseil d’État qui ont validé le dispositif réglementaire, il reste des étapes à franchir pour assurer une maîtrise optimale de la mise en œuvre du projet.
Le Gouvernement y sera attentif et je vous confirme que, cet après-midi, probablement, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, le Premier ministre évoquera ce dossier, qui, conformément à ce que vous souhaitez, fait partie intégrante des investissements à réaliser.
Enfin, je tiens à dire que la même démarche est entreprise pour le gaz, avec le projet Gazpar, qui aura les mêmes effets bénéfiques pour les consommateurs.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de souligner la grande importance que le Gouvernement attache au développement du compteur Linky.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je vous remercie des informations que vous nous avez communiquées et je note avec plaisir l'intérêt manifeste que vous portez à cette question.
Vous l'avez souligné, le compteur Linky est appelé à connaître un grand succès industriel. Il faut maintenant passer aux actes.
Vous avez évoqué à juste titre les réseaux intelligents. En effet, il ne suffit pas que la terminaison, c'est-à-dire les compteurs, soit intelligente : il faut aussi que l'ensemble du réseau puisse, notamment dans la période de transition énergétique, bien répondre au développement des énergies renouvelables.
Les conditions sont donc réunies. Si l'élan est donné grâce à la décision qui pourrait être prise cet après-midi, je serai le premier à m'en réjouir.
filière solaire en france et en europe
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 441, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je me permets tout d’abord de saluer à mon tour votre présence pour la première fois dans cet hémicycle.
La progression du chômage illustre la situation économique de notre pays. Les politiques gouvernementales n’ont pas, à ce jour, enrayé les effets d’une conjoncture qui a certes une dimension internationale, mais à laquelle viennent malheureusement s’ajouter des rigidités et complexités administratives dont le rapport qui vient d’être remis au Gouvernement au sujet des normes évalue l’impact à 2,8 milliards d’euros par an, soit 3,7 % du PIB national.
De cette rigidité, doublée d’une inadaptation des politiques menées, l’exemple de la filière solaire est l’illustration, cette filière ayant déjà été sérieusement ébranlée par le moratoire de 2010.
À l’occasion de la conférence environnementale, le Gouvernement s’était engagé à sauver cette filière en grand danger. Le 26 mars dernier, il a annoncé le lancement d’un nouveau cycle d’appel d’offres simplifié, ce qui s’est accompagné de la suppression des deux dernières périodes trimestrielles, provoquant un « trou d’air » de plusieurs mois.
Les mesures annoncées au mois de janvier dernier concernant le tarif d’achat et l’appel d’offres complet ne sont pas de nature à rassurer les professionnels, dont les propositions n’ont pas été entendues.
L’ensemble de ces décisions aura sans aucun doute de graves conséquences sur les emplois et ne permettra pas la mise en œuvre des investissements industriels attendus.
La chute du nombre des installations raccordées au réseau au dernier trimestre de 2012 est significative de l’état d’extrême fragilité de la filière photovoltaïque.
Or l’appel d’offres CRE 2 de septembre et l’appel d’offres simplifié d’octobre n’ont retenu aucune des observations et préconisations de la profession, ce qui ne laisse rien augurer de bon quant à son résultat et à ses effets sur l’économie de la filière.
Il serait intéressant de savoir comment le Gouvernement entend poursuivre le débat sur la transition énergétique, prendre en compte les conclusions du débat organisé le 17 mai à Lyon et associer davantage la filière à son devenir en ouvrant de nouveaux sujets comme l’autoconsommation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je le confirme, la transition énergétique est une priorité absolue du Gouvernement pour 2013. Dans ce cadre, la relance de la filière solaire a été actée lors de la conférence environnementale du mois de septembre dernier.
Je ne voudrais pas être désagréable, mais je rappelle qu’au cours des deux dernières années du précédent quinquennat ce sont pratiquement 10 000 emplois qui ont été détruits dans la filière.
Dans l’attente des conclusions du débat national sur la transition énergétique – le dossier final me sera transmis le 18 juillet prochain –, le Gouvernement a pris plusieurs mesures d’urgence.
D’abord, est prévue la régularisation de la situation de 80 000 producteurs photovoltaïques pour lesquels la décision du Conseil d’État du 12 avril 2012 a entraîné la suspension des contrats d’achat.
Ensuite, le 7 janvier 2013, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures d’urgence, entrées en vigueur au 1er février. Ces mesures concernent toutes les installations et visent à atteindre le développement annuel d’au moins 1 000 mégawatts par an de projets solaires en France en 2013, soit le double des objectifs annuels précédemment fixés.
Le but est la relance de la filière en réorientant la politique de soutien vers la mise en place d’une filière industrielle durable, créatrice de valeur ajoutée sur le territoire national et permettant ainsi de réduire le déficit commercial du secteur solaire.
Un système d’appel d’offres simplifié avait en effet été mis en place par le précédent gouvernement pour les installations de taille intermédiaire sur toiture, c’est-à-dire pour une puissance installée comprise entre 100 kilowatts et 250 kilowatts. Les premiers résultats de cet appel d’offres ont été peu satisfaisants en termes de coûts et de retombées industrielles.
Le Gouvernement a donc décidé de modifier le cahier des charges, notamment pour ajouter un critère d’évaluation carbone qui permettra de prendre en compte la contribution des projets à la protection du climat. En effet, un panneau solaire fabriqué en Europe, c’est jusqu’à cinq fois moins d’émissions de CO2 qu’un panneau importé d’Asie !
Cet appel d’offres prévoit un volume global de 120 mégawatts, réparti en trois périodes de candidature entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2014.
Monsieur le sénateur, il n’y a donc aucun « trou d’air » dans cet appel d’offres, qui suscitera des investissements cumulés de l’ordre de 250 millions d’euros.
La date limite de remise des offres a été fixée au 31 octobre 2013. La désignation des lauréats pourrait ensuite avoir lieu en 2014, pour une mise en service des projets lauréats en 2015.
Au-delà des mesures d’urgence, le débat national sur la transition énergétique, dont les recommandations me seront remises le 18 juillet prochain, débouchera sur un projet de loi de programmation qui sera déposé au Parlement et examiné dès le début de 2014. Ce texte comportera des mesures pérennes pour soutenir efficacement la montée en puissance des énergies renouvelables, en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République à l’horizon 2025.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions et de vos engagements. Je n'ai d’ailleurs pas manqué de lire avec la plus grande attention vos déclarations d'hier évoquant l'importance de la transition énergétique et l'enjeu structurant qu’elle représente en matière de développement économique, d'emploi et de solidarité.
Vous me donnerez acte que j'ai moi-même évoqué les vicissitudes que nous avons connues dans le passé, notamment le moratoire de 2010 et ses effets. J'insiste néanmoins sur le fait que, à l'époque, cela concernait le marché des particuliers. Alors que tout le monde considérait qu'il ne devait pas être affecté, car c'est lui qui est le plus créateur d'emplois, c’est celui qui a été le plus sinistré.
Aujourd'hui, je crains que les mesures avancées par les professionnels ne soient pas suffisamment prises en compte par CRE 2 et l'appel d'offres simplifié du mois d'octobre dernier. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être particulièrement attentif à ce qui va se passer. Il ne faudrait pas que se reproduise ce que nous avons connu récemment parce que nous n'avions pas tenu compte des préconisations des professionnels.
valorisation de la biodiversité de la forêt guyanaise
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Étienne Antoinette, auteur de la question n° 443, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je vous assure, au nom de mon collègue Jean-Étienne Antoinette, retenu dans son département ultra-marin, comme en mon nom propre, de notre soutien dans l’exercice de cette responsabilité délicate qui vous a été confiée au sein du Gouvernement.
Le développement durable est au cœur de l’avenir de la Guyane et les projets qui occupent votre ministère rendent compte de l’importance de ce territoire, en particulier la protection de la biodiversité de la forêt amazonienne et la refonte du code minier, ces deux questions étant liées.
La forêt guyanaise recèle une biodiversité d’une richesse impressionnante : 98 % de la faune française et 96 % des espèces de plantes sont en Guyane. Outre le réchauffement climatique, qui touche l’ensemble de la planète, les activités humaines menées sur place – développement des infrastructures routières, exploitation de la forêt et de la ressource aurifère, notamment – mettent en danger cet écosystème.
Monsieur le ministre, vous avez identifié une première orientation pour protéger ce patrimoine naturel exceptionnel : la valorisation des richesses génétiques de la biodiversité du territoire.
Voilà quelques semaines, votre ministère lançait une concertation autour d’un projet de loi cadre intégrant cette question. Conformément au protocole de Nagoya, ce texte prévoit l’accès et le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, notamment par leur accès satisfaisant et un transfert approprié des technologies pertinentes ; il contribue ainsi à la conservation de la diversité biologique.
Vous ne pouvez être trop timoré dans cette entreprise. La valorisation commence avec la recherche, pas seulement avec l’utilisation commerciale des ressources. Ensuite, les espèces naturelles comme les espèces domestiques doivent faire l’objet de mesures de protection et de valorisation. Enfin, la répartition des richesses doit concerner chacun des ayants droit, c’est-à-dire également les populations autochtones de la forêt guyanaise.
Les Amérindiens et les Bushinengués composent les peuples qui, traditionnellement, habitent la forêt et en vivent. Le partage des avantages tirés de ces richesses doit mettre en valeur leur savoir-faire et leur relation à la terre et permettre, finalement, la reconnaissance de leur existence autonome, que personne ne méconnaît en Guyane.
La seconde orientation est la valorisation du gigantesque puits de carbone que constitue la forêt tropicale humide de Guyane. S’il faut mener une étude définitive pour en mesurer le potentiel, il est extrêmement important de développer une gestion durable de la forêt. La récente loi transposant la directive sur le marché du carbone a révélé l’indifférence de l’Union européenne vis-à-vis de sa forêt humide en région ultrapériphérique, le choix ayant été fait d’ignorer tout mécanisme spécifique pour lutter contre le grave déboisement de la forêt guyanaise.
Intégrer ou adapter pour la Guyane les mécanismes de mise en œuvre conjointe, développer les marchés volontaires de crédits carbone ou la certification des projets de réduction d’émissions sont autant de pistes à étudier pour une valorisation durable de la forêt guyanaise.
Une politique publique respectueuse de l’environnement, soucieuse de développer la richesse endogène de la Guyane, emprunte ces voies. Quand et comment, monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir la mettre en œuvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Yung, la Guyane est, comme vous l’avez rappelé au nom de votre collègue, un territoire d’une richesse exceptionnelle en termes de biodiversité, et je connais l’attachement de M. Antoinette à défendre ce patrimoine.
L’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation, afin de valoriser les ressources biologiques que recèle ce territoire, constituent l’un des piliers de la convention de Rio sur la diversité biologique. C’est un moyen de lutter contre la biopiraterie, mais aussi d’organiser et de structurer des actions de valorisation de la biodiversité.
La Guyane est déjà engagée dans cette voie avec les dispositions actuellement prévues pour le parc amazonien de Guyane. Mais il faut aller plus loin.
Il nous faut étendre ce sujet à l’ensemble de la Guyane et à tous ceux qui utilisent les ressources génétiques à des fins de recherche et de développement.
Il nous faut également actionner tous les leviers qu’offre le protocole de Nagoya. Je pense notamment à la coopération entre les États ayant signé ce protocole.
Lors de la conférence environnementale de septembre dernier, le Gouvernement a décidé que la loi-cadre pour la biodiversité prévoirait un régime d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages.
Ce projet, monsieur le sénateur, est en cours d’élaboration, en concertation avec tous les acteurs concernés. Je le présenterai devant le Parlement à l’automne.
Parallèlement, l’Union européenne travaille à un règlement qui complétera le dispositif français, en particulier sur le régime de conformité.
L’ensemble de ces travaux permettra la mise en œuvre concrète du protocole de Nagoya en France.
Nous ratifierons, avec les autres États membres et l’Union européenne, le protocole. Cela permettra sa ratification à l’automne 2014.
S’agissant de l’opportunité de valoriser la forêt de Guyane au titre du puits de carbone qu’elle représente, la gestion durable de la forêt guyanaise constitue, en effet, une nécessité et une véritable source de richesse pour la région. Elle représente un véritable stock de carbone, l’équivalent d’environ quinze ans d’émission du territoire national et, vous l’avez souligné, il existe à l’heure actuelle, compte tenu de la déforestation en cours, un enjeu de préservation de ce trésor national.
Une étude va prochainement être lancée par l’Institut géographique national et l’Office national des forêts afin d’évaluer l’évolution de ce stock.
Cette phase est primordiale pour démontrer le respect de nos engagements au titre de la deuxième période du protocole de Kyoto et elle nous permettra d’agir en toute responsabilité. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je la transmettrai à mon collègue Jean-Étienne Antoinette et je lui suggérerai de prendre contact avec vous et votre cabinet.
M. le président. Dans l’attente des orateurs suivants, la séance est suspendue pour quelques instants.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 461, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention, ainsi que celle de l’ensemble du Gouvernement, sur les conséquences dommageables qu’auront pour le monde de l’élevage, en termes de charges supplémentaires, la mise en place de la taxe carbone – elle renchérira le coût de l’approvisionnement des exploitations en aliments pour le bétail, mais aussi celui du transport de tous les produits qu’elles commercialisent – et la mention des équivalents carbone des produits et de leurs emballages, à quoi vont s’ajouter les augmentations significatives du prix de l’électricité – une énergie ô combien importante pour les exploitations d’élevage ! – qui viennent d’être annoncées.
Lors du dernier salon de l’agriculture, le ministre de l’agriculture et d’autres membres du Gouvernement se sont exprimés, de même que les responsables agricoles des différentes filières, ovine, bovine, porcine et avicole, sur les grandes difficultés que traversent actuellement les éleveurs.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque l’on constate la diminution significative de ces productions – la chute est même catastrophique pour ce qui concerne la production ovine. Chaque jour, la France doit recourir à davantage d’importations de viande ou de volaille, provenant souvent de pays qui n’ont pas les mêmes garanties sanitaires, alors que nous avons d’immenses espaces dédiés à l’élevage, vouées ainsi à devenir autant de friches, principalement en montagne, avec en outre les conséquences que l’on sait : avalanches et incendies, plus particulièrement dans le sud.
Cette distorsion croissante de concurrence m’inquiète ; elle ne peut que pénaliser gravement les éleveurs français sur le marché mondial. Elle accroît le manque de rentabilité des exploitations d’élevage, alors que les contraintes sociales des éleveurs, qui doivent de surcroît assurer une présence quasi permanente auprès de leurs bêtes, sont déjà bien réelles.
L’augmentation importante du prix des matières premières que sont les céréales aggrave encore la situation. Devant ce constat, nombre d’éleveurs cessent leur production ou, quand ils le peuvent, retournent leurs prairies pour produire des céréales.
C’est pourquoi il ne m’apparaît pas réaliste de vouloir ajouter des charges nouvelles pour une filière déjà en grande difficulté.
Ces évolutions sont graves et, si rien n’est fait, pourraient bien conduire, à terme, à la disparition progressive de l’élevage dans notre pays. Mardi dernier, lors du débat sur la réforme de la PAC au Sénat, tous les intervenants, de quelque groupe qu’ils soient issus, ont souligné la situation dramatique et le désespoir des éleveurs.
Le Gouvernement envisage-t-il réellement de mettre en œuvre ces deux dispositions, qui ne pourront que contribuer à alourdir encore les charges qui pèsent sur les éleveurs et à menacer davantage leur existence ? Ne vaudrait-il pas mieux mettre en place d’urgence une politique de relance pour cette filière en fort déclin ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, venant moi-même d’un département, le Gers, où l’élevage a quelque importance, je connais bien la situation dramatique des éleveurs. Je l’ai vue se dégrader durant les dix dernières années, au cours desquelles les éleveurs laitiers ont quasiment disparu de mon département.
Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Frédéric Cuvillier, qui m’a demandé de bien vouloir vous répondre en son nom.
Le dispositif d’affichage environnemental des produits et des emballages, en cours d’élaboration, est une application des articles 54 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et 228 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
Ainsi, une expérimentation nationale a été menée entre le 1er juillet 2011 et le 1er juillet 2012. Le bilan de l’expérimentation, qui devra être transmis prochainement par le Gouvernement au Parlement, sera accompagné de rapports sur les retours d’expérience des acteurs.
Un premier retour d’expérience a été fait à l’occasion du « forum entreprises », le 18 février 2013. Plusieurs obstacles techniques ont été soulevés, concernant notamment la de standardisation de l’affichage et des référentiels. Il convient de définir des modalités adaptées pour chaque secteur, en veillant à respecter l’objectif d’une information claire et lisible du consommateur.
S’agissant de l’écotaxe poids lourds, qui s’applique à tous les véhicules de transports de marchandises de 3,5 tonnes, y compris aux transporteurs étrangers, elle entrera en vigueur dès le 1er octobre prochain.
Proportionnelle aux kilomètres parcourus sur le réseau soumis à l’écotaxe, cette première fiscalité écologique sera directement liée à l’intensité des parcours sur le réseau taxable.
Les échanges de proximité sont donc favorisés, ce qui ne peut manquer de renforcer l’attractivité des produits locaux et va dans le sens de l’aide aux filières agroalimentaires françaises. Ainsi, les flux d’importations sont proportionnellement plus concernés par la tarification routière, péages autoroutiers et écotaxe confondus.
Par ailleurs, le choix du réseau taxable a été fait dans un souci de concentrer la tarification sur les axes principaux, et non sur le tissu local, irrigué par les voies secondaires.
Les 15 000 kilomètres de réseau soumis à l’écotaxe représentent moins de 1 % du réseau routier français total. Le réseau local concerné, lui-même limité à 5 000 kilomètres, ne représente que 1,3 % des 372 000 kilomètres du réseau départemental. Il est prévu qu’un rapport évaluant l’impact de l’écotaxe sur les différentes filières soit transmis au Parlement d’ici au 31 décembre 2014.
Puisque vous évoquez également les augmentations des tarifs de l’électricité que j’ai moi-même annoncées hier soir, monsieur Bailly, je dois dire que, si le précédent Gouvernement n’avait pas privilégié une politique de fuite en avant, refusant d’évaluer correctement les coûts de l’électricité dans notre pays, nous ne serions pas obligés de procéder à cette augmentation. Celle-ci reste toutefois limitée, car nous sommes soucieux de préserver le pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus fragiles d’entre eux, qui pourront avoir accès aux tarifs sociaux de l’électricité. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, venant d’un département où l’élevage occupe une place importance, vous constatez vous-même, vous l’avez dit, la diminution du nombre des éleveurs. Vous comprendrez donc que le président du groupe d’études de l’élevage s’inquiète de voir baisser significativement – de près de 50 % en vingt ans – les cheptels bovin et ovin français, ce qui nous contraint à importer.
Vous le savez, les agriculteurs ont toujours eu, face à la grande distribution, beaucoup de mal à répercuter dans leurs prix de vente l’augmentation de leurs charges.
Vous me dites que le poids de l’écotaxe poids lourds s’appliquera à des grands itinéraires, que les dessertes locales seront épargnées, que les importations seront pénalisées et que nos éleveurs, finalement, en tireront bénéfice. Je crois qu’il faudra suivre cela de près. En tout cas, le Gouvernement doit vraiment faire en sorte que les charges supplémentaires qui résulteront pour les éleveurs de l’augmentation du prix de l’énergie et des trois dispositifs que j’ai évoqués soient maîtrisées.
Je rappelle que, dans nos fermes d’élevage, plus particulièrement en montagne, sur des secteurs d’AOC, le séchage en grange nécessite beaucoup d’énergie électrique. Mon souci est donc de savoir, monsieur le ministre, dans quelle mesure ces charges pourront être répercutées sur les prix de vente ?
M. Jean-Louis Carrère. Il vous a été répondu sur ce point !
M. Gérard Bailly. Cette après-midi, la commission des affaires économiques reçoit M. Benoît Hamon, ministre en charge de la consommation : ce sera, pour nous, l’occasion d’évoquer cette question. Compte tenu des difficultés auxquelles les éleveurs sont aujourd'hui confrontés, il n’est pas imaginable qu’on laisse s’accroître les charges qui pèsent sur eux.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut lancer une souscription ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
rôle de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques dans la prévention du risque inondation
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je souhaite vous entretenir de la principale conclusion du rapport de la mission commune d’information du Sénat sur les inondations qui se sont produites dans le Var, et plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011. Ne voyez là aucune vanité d’auteur : c’est seulement la manifestation d’une préoccupation réelle.
Ce rapport, qui a été débattu en séance le 12 novembre 2012, en présence de Mme Delphine Batho, concluait à l’inexistence d’une politique de prévention de l’inondation en France, si l’on entend par « politique » une action cohérente et continue.
Parmi les causes multiples de cet état de fait, nous pouvons souligner l’existence d’objectifs théoriquement complémentaires mais qui, en réalité, se contrarient : je vise en l’occurrence la protection des populations contre l’inondation et la protection des milieux aquatiques.
Ainsi la mission a-t-elle fait, en matière d’entretien des cours d’eau, le constat suivant, que je me permets de vous rapporter : « Les rares personnes privées assurant leurs obligations et les collectivités locales voient leurs actions d’entretien des cours d’eau compliquées par les services chargés de la police de l’eau… Pas un élu rencontré par la mission qui n’ait fait état d’un conflit, se terminant parfois devant le tribunal correctionnel, avec la police de l’eau, agents de l’ONEMA compris. S’il est un constat unanime, c’est bien que le principal obstacle à l’entretien des cours d’eau réside dans le zèle de la police de l’eau, zèle qui la conduit à intervenir même là où il n’y a pas de cours d’eau, au sens de la jurisprudence, donc pas de réglementation protectrice du milieu aquatique à faire respecter. Effet plus pervers encore : le zèle de la police de l’eau est une bonne façon de ne rien faire pour ceux qui ont légalement à charge l’entretien des cours d’eau. »
Les agents de l’ONEMA – Office national de l’eau et des milieux aquatiques – assument environ un tiers de la mission de la police de l’eau, en principe sous la responsabilité du préfet. La direction de cet organisme n’ayant pas jugé bon de répondre aux interrogations que je lui avais soumises par lettre au sujet, notamment, des orientations de sa politique pour éviter que la protection des milieux aquatiques ne vienne contrarier la prévention efficace du risque d’inondation, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue sur cette importante question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur Collombat, vous me permettrez, avant de vous répondre, de saluer M. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers. Je le remercie de son aimable présence : je vois qu’il suit ma carrière avec zèle ! (Sourires.)
Au passage, dans la mesure où les inondations ont aussi touché le département du Gers, je veux souligner la réactivité des services de l’État au cours de cette période. Que ce soit dans les Hautes-Pyrénées, en Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, les élus n’ont eu qu’à se louer de la présence massive de l’État : présence du Président de la République, des ministres concernés et de tous les services de l’État.
Permettez-moi aussi, au moment où je prends la tête de cette administration, d’affirmer mon soutien aux agents en charge de la police de l’eau et des milieux aquatiques. Il s’agit d’une mission à la fois essentielle et complexe, que ces agents accomplissent d’une manière qui mérite d’abord notre respect.
Vous avez raison, monsieur Collombat, de souligner que le double objectif de préservation des milieux aquatiques et de protection des populations contre les inondations est une priorité absolue. Les événements du printemps dernier ont, une nouvelle fois, montré l’importance de cette question.
Dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l’action publique, lancé par le Premier ministre, deux évaluations sont actuellement en cours : l’une concerne la police de l’environnement, notamment la police de l’eau ; l’autre concerne la politique de l’eau dans son ensemble.
Le rapport d’évaluation de la politique de l’eau, remis récemment au Premier ministre par le député Michel Lesage – ainsi qu’un autre rapport, commis à l’époque par un député nommé… Philippe Martin –, évoque justement le sujet. Il propose des pistes pour améliorer l’efficacité de la police de l’eau, assurée par les services de l’État et par l’ONEMA. Ses préconisations seront étudiées et discutées lors de la prochaine conférence environnementale, en septembre 2013, au cours de la table ronde sur l’eau, l’eau constituant l’une des thématiques retenues pour ladite conférence.
Quoi qu'il en soit, je souhaite dès à présent réaffirmer clairement que l’objectif recherché est bien la conciliation des impératifs de protection des milieux aquatiques, de préservation de l’environnement et de prévention des risques liés aux inondations.
Vous l’avez relevé dans votre rapport, cela nécessite des compétences adaptées. C’est bien en ce sens que vous avez déposé un amendement au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, soutenu par le Gouvernement et adopté ici le 5 juin dernier. Il attribue aux collectivités locales et à leurs groupements une compétence « milieux aquatiques » intégrant la réalisation de travaux de restauration et d’entretien des cours d’eau, la prévention des risques liés aux inondations et submersions, l’aménagement des bassins hydrographiques.
Au-delà, je le sais, l’application du droit de l’environnement et notamment de la police de l’eau peut être complexe. La volonté du Gouvernement est de la rendre plus simple, plus efficace et plus lisible, dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement.
C’est en concertation avec l’ensemble des parties prenantes – en particulier les élus, dont vous signaliez l’absence dans les dialogues qui ont pu avoir lieu – que nous pourrons trouver les solutions les plus appropriées sans renoncer à nos objectifs de préservation de l’environnement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit).
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je laisse de côté, en la circonstance, tout ce qui a trait à la gestion des crises ainsi que ce qui concerne les réparations : il s’agit ici d’évoquer simplement la prévention des inondations. À cet égard, il convient de mener une politique continue, financée à hauteur des besoins et non contradictoire.
Je conviens qu’il faut concilier les exigences de protection de l’environnement et les exigences de protection des populations. Toutefois, ce que je constate, c’est que, sauf sur le papier, ces objectifs ne se concilient pas ! Et ce n’est pas parce qu’on répétera à longueur de journée la nécessité de les concilier qu’ils seront effectivement conciliés !
Nous l’avons constaté, partout monte une immense plainte : « Chaque fois que l’on veut faire quelque chose, on a toujours la police de l’eau sur le dos ! »
M. Gérard Bailly. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde le dit ! Alors, on peut continuer à dire qu’il faut concilier les objectifs, mais il vaudrait mieux trouver des solutions.
Il n’est pas question de brader les objectifs de protection de l’environnement. Du reste, celle-ci peut aussi être une façon de régler le problème des inondations. Mais encore faut-il sortir de ce système « autobloquant » : à chaque dispositif correspond un autre qui le contrarie !
C’est l’objet des propositions que j’ai faites, et je remercie le Gouvernement d’avoir soutenu une première proposition. J’aurai une autre proposition à vous soumettre, monsieur le ministre, et j’espère que vous la soutiendrez aussi, notamment dans son aspect financier, car l’attribution de moyens est la condition de la réussite du dispositif.
Année après année, des événements viennent nous apporter la preuve que se pose un véritable problème. Il y a quand même 40 % des communes françaises qui ont un territoire inondable !
Mon seul but est de trouver un moyen de concilier concrètement, et pas uniquement sur le papier, les objectifs sur lesquels nous sommes d’accord. Si l’ONEMA m’avait répondu, je n’aurais probablement pas été amené à vous solliciter, monsieur le ministre.
retards de paiement du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce dans le département de la haute-vienne
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 446, adressée à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, vous le savez, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, autrement dit le FISAC, relève d’un dispositif initialement fondé sur la solidarité financière entre les petites entreprises commerciales et artisanales et la grande distribution. Il était, jusqu’en 2002, alimenté par un prélèvement sur l’excédent du produit de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, acquittée par la grande distribution.
La loi de finances pour 2003 a affecté le produit de la TACA au budget général de l’État. Depuis cette date, le montant des dotations ouvertes au titre du FISAC est fixé, chaque année, par la loi de finances, indépendamment du produit attendu de la TACA, devenue en 2008 la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM.
Depuis 2008, la dotation du FISAC a surtout été fortement réduite, passant de 60 millions d’euros en 2008 à 42 millions d’euros en 2012, alors même que le nombre de dossiers instruits est passé de 783 en 2008 à 1570 en 2011, soit plus du double, ce qui témoigne du succès de ce dispositif, et donc de son intérêt.
Cette situation a provoqué de nombreux dysfonctionnements, notamment des retards de paiement pour les bénéficiaires et collectivités territoriales accompagnatrices de projets.
Concrètement, à titre d’exemple, dans le département de la Haute-Vienne, le préfet estime à 1,7 million d’euros le montant des paiements en retard pour l’ensemble du département.
Plus précisément encore, le Pays d’Ouest Limousin, qui a reçu délégation et assure à ce titre l’instruction, l’animation et le paiement des dossiers déposés, se plaint de n’avoir reçu aucun versement depuis deux ans. Il a mis en place, pour accompagner les projets d’entreprises artisanales, commerciales et de services, à partir de 2006, une démarche collective territorialisée, ou DCT, renouvelée en 2011 avec l’accord de l’État. Or, depuis 2011, il ne peut que donner un avis sur les dossiers sans garantie de bonne fin.
À aucun moment, les services de l’État ne donnent la moindre assurance, sans pour autant décourager les postulants. Au contraire, par lettre du 23 décembre 2011, le secrétaire général de la préfecture affirmait que la « décision ministérielle d’approbation devrait être signée et notifiée d’ici à la fin de l’année » !
Vous conviendrez, madame la ministre, qu’il est tout à fait inopportun de réduire la dotation du FISAC dans cette période difficile. Le FISAC œuvre en faveur de l’économie de proximité, il permet aux zones rurales et urbaines fragilisées de soutenir le commerce et l’artisanat local.
Il a un effet non négligeable sur l’économie locale et la qualité de vie des habitants parce qu’il a pour objet la redynamisation et de pérennisation des commerces, des services et de l’artisanat, qui ont une fonction économique à part entière et jouent un rôle important en matière d’aménagement du territoire.
Madame le ministre, il avait été question d’une remise à plat complète du dispositif afin de lui donner une nouvelle impulsion, ce qui, d’ailleurs, n’apparaît pas vraiment indispensable eu égard au grand nombre de dossiers déposés...
Envisagez-vous un financement spécifique du FISAC, qui prendrait le relais de l’ex-TACA ? Qu’en est-il du remboursement annoncé depuis près de deux ans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Vous venez de le souligner à très juste titre, monsieur le sénateur, le FISAC est d’une importance capitale pour nos territoires et pour l’économie de proximité ; c’est un véritable levier de croissance pour les commerçants, les artisans et les services.
Je l’ai, pour ma part, rappelé à de nombreuses reprises : ce fonds se trouve aujourd’hui dans une situation très préoccupante.
Ainsi que vous l’avez fort bien expliqué, le précédent gouvernement a élargi les critères d’éligibilité au FISAC et, dans le même temps, diminué drastiquement les crédits alloués à ce fonds. Faire augmenter les besoins de financement, puis supprimer les crédits, voilà une étrange logique, vous en conviendrez !
Cette attitude a conduit à une forte augmentation du stock de dossiers et, faute de crédits suffisants, à un retard considérable dans leur traitement. Lors de mon arrivée à Bercy, j’ai trouvé environ 1 800 dossiers non financés, représentant plus de 120 millions d’euros. Les quatre prochains exercices budgétaires ne suffiraient même pas à régulariser la situation !
Pour ce qui concerne le département de la Haute-Vienne, j’ai récemment attribué une subvention de 150 000 euros à la communauté d’agglomération de Limoges. Je le sais, de nombreux autres dossiers sont en attente de financement ; ceux qui sont instruits à ce jour nécessitent des crédits à hauteur de 1 million d’euros. Des besoins se font encore jour : la récente demande de subvention formulée par la communauté de communes des Monts de Châlus pour la création d’une boucherie-charcuterie en est la preuve.
L’opération collective de modernisation du Pays d’Ouest Limousin, que vous venez de me signaler, monsieur le sénateur, appartient à ce stock non financé à ce jour, compte tenu du nombre de dossiers accumulés ces dernières années sans financement correspondant. La demande de subvention relative aux deux premières tranches de cette opération qui a été adressée à mes services est néanmoins instruite sur le plan technique.
Cependant, la situation budgétaire dont j’ai hérité ne permet pas d’honorer toutes les demandes à la hauteur et dans les délais attendus, ce qui conduit bien souvent les collectivités à engager des crédits avant de se voir notifier leur subvention.
Vous l’avez rappelé, j’ai commandé une évaluation complète du FISAC, afin de sécuriser et d’assurer la stabilité juridique de ce dispositif. Des travaux complémentaires ont été nécessaires, tant ce fonds a été mal structuré et mal utilisé. En collaboration avec mon collègue ministre du budget et l’ensemble des membres du Gouvernement, j’essaie d’apporter des réponses aux nombreux courriers que je reçois et aux interpellations formulées par tous les élus, notamment par ceux de la Haute Assemblée.
Je souhaite ouvrir, une fois la clarté faite à l’issue de l’évaluation, une négociation sur le financement du fonds. Parallèlement, dans le cadre d’un projet de loi que je vous présenterai ultérieurement, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite également modifier les critères d’attribution du FISAC, afin, non pas de redynamiser ce dernier, puisque les demandes existent bel et bien, mais de répondre aux attentes et aux besoins des commerçants, des artisans et de respecter enfin l’enveloppe budgétaire allouée. À cet effet, il convient d’instaurer des critères allant dans le sens des priorités fixées tant par le Gouvernement dans le pacte pour l’artisanat que par moi-même dans le plan d’action pour le commerce et les commerçants que j’ai présenté voilà quelques semaines, afin de mener une action efficace et pertinente sur l’ensemble des territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame le ministre, je ne peux pas dire que je sois pleinement satisfait de votre réponse. Cependant, vos propos me laissent un certain espoir, des dossiers n’ayant « pas encore pu », avez-vous dit, être financés. (Sourires.)
Cela dit, la situation est extrêmement difficile. En effet, les communes et groupements, qui n’ont reçu aucune consigne contraire, instruisent les dossiers qu’ils reçoivent et donnent un avis, sans savoir toutefois s’il leur sera donné suite. Et l’État déconcentré ne leur dit pas qu’il n’y aura pas de crédits. Les artisans, commerçants, prestataires de sociétés de services attendent donc avec espoir.
Comme moi, vous avez souligné que le dispositif pouvait être amélioré. Localement, il a un certain poids et assure une réelle dynamisation du commerce, notamment en milieu rural.
Je ne suis pas du tout opposé au subventionnement de l’agglomération de Limoges, mais elle ne constitue pas la partie du département de la Haute-Vienne qui connaît les difficultés économiques les plus importantes. En réalité, il conviendrait que vous portiez une attention particulière aux zones rurales. Actuellement, des postulants à des aides, qu’il s’agisse de sociétés, d’artisans, de commerçants, sont en train de revoir un certain nombre d’investissements à la baisse. Je rappelle que le FISAC représente le tiers des aides qui peuvent leur être apportées, ce qui n’est pas mineur.
En conclusion, madame le ministre, tout en vous remerciant de votre réponse, je vous dis mon espoir de voir la situation s’améliorer. Le dispositif est attractif, répond à des demandes, à des besoins. Or, malgré tous les biais recherchés pour essayer de mieux faire fonctionner la machine, je crains que les difficultés ne perdurent s’il n’y a pas une augmentation significative du volume des aides.
reconnaissance et renforcement de l'engagement bénévole et associatif
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 502, adressée à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, dans le prolongement de mes préoccupations liées à la vie associative et au sport, je souhaite modestement attirer votre attention sur la situation du bénévolat dans notre pays, en particulier dans le monde rural.
Nous ne saurions trop rappeler l’importance de la vie associative et de l’engagement bénévole qui en découle. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui consacrent du temps, de l’énergie et même de l’argent pour donner au mot « bénévolat » tout son sens. Nous le savons tous très bien, ce travail de terrain formidable, permanent et toujours inachevé est aussi un atout pour l’État et les collectivités locales, qui peuvent s’appuyer sur un réseau social, sportif et associatif de premier plan.
Le jugement très favorable qui est porté sur votre action, madame le ministre, démontre d’ailleurs que vous partagez ce point de vue.
En effet, sans ces femmes et ces hommes de bonne volonté, il serait nécessaire de multiplier fortement les crédits consacrés à l’ensemble des missions concernées. Des avancées ont été enregistrées, des dispositions encadrent et accompagnent le monde associatif, qui dispose ainsi d’outils performants. Mais ne faut-il pas aller plus loin dans une société qui devient de plus en plus égoïste ?
On peut en outre constater avec quelque regret que la situation du bénévole a évolué quant à ce que l’on exige de lui, voire quant aux risques qu’il peut encourir.
Dans ce que l’on appelle la « France profonde », les responsables qui souhaitent constituer une équipe de football, par exemple, doivent aller en voiture chercher les adolescents dont les familles se trouvent en difficulté, faute de quoi l’effectif requis ne sera pas atteint.
Madame le ministre, le temps n’est-il pas venu de poursuivre cette réflexion en organisant un vrai débat au sein des instances parlementaires ? C’est la raison pour laquelle je vous demande ce matin, devant la Haute Assemblée, de faire en sorte que puisse être discutée la proposition de loi portant sur l’engagement et la reconnaissance du bénévolat associatif à laquelle j’ai réfléchi, avec mes collègues de la commission de la culture, et qui, pour autant, ne dénaturerait pas le bénévolat. Un engagement quant à une inscription à l’ordre du jour de ce texte dès l’automne serait bienvenu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui permet de mettre en lumière l’action de ces seize millions de personnes qui, dans notre pays, s’engagent gratuitement au service des autres.
Voilà un mois, l’association France bénévolat, en association avec l’IFOP, a publié une étude sur les bénévoles dans notre pays. Entre 2010 et 2013, le nombre de ces derniers a augmenté de 14 % ; sur la tranche d’âge des 15-35 ans, cette hausse a même atteint 32 % ! Il s’agit là d’un élément extrêmement positif, qui contredit quelque peu certains discours décrivant une jeunesse se repliant sur elle-même. En fait, notre jeunesse est extrêmement généreuse : elle sait donner de son temps au service de l’intérêt général.
Comme vous l’avez vous-même noté, il est essentiel que nous veillions à accompagner et soutenir le bénévolat. À cet égard, plusieurs dispositifs existent déjà. Je veux les rappeler ici : la clarification du cadre juridique dans lequel les bénévoles interviennent ; le remboursement des dépenses engagées dans le cadre des activités associatives sur la base réelle des montants justifiés, tels les frais de déplacements supportés particulièrement par un certain nombre de dirigeants sportifs, que vous avez vous-même évoqués ; la possibilité, pour les bénévoles, de bénéficier de la réduction d’impôt relative aux dons en cas de renonciation au remboursement de frais.
Par ailleurs, pour encourager le bénévolat, l’un des axes privilégiés de la politique du Gouvernement est le soutien à la formation et à l’accompagnement des bénévoles. En 2013, l’État a consacré près de 11 millions d’euros au Fonds pour le développement de la vie associative, ou FDVA, qui finance les formations de bénévoles dans tous les secteurs, hormis celles qui concernent les membres d’associations sportives, qui bénéficient de l’aide du Centre national pour le développement du sport, le CNDS.
J’ai souhaité que les crédits du FDVA soient stabilisés, ce qui lui a permis de financer, cette année, 6 500 projets de formation au bénéfice de 170 000 bénévoles.
Pour ce qui concerne le sport, 15 millions d’euros de moyens ont été consacrés à la formation des dirigeants, des personnels encadrants, des arbitres qui, majoritairement, sont des bénévoles.
Monsieur le sénateur, je partage votre point de vue : il faut aller plus loin. Au demeurant, c’est ce que j’ai essayé de faire depuis ma prise de fonctions.
J’ai d’abord souhaité instituer un congé d’engagement bénévole, qui permettrait d’accroître pour les responsables associatifs qui exercent une activité salariée le temps disponible. Au mois de juillet dernier, j’ai sollicité le Haut Conseil à la vie associative, le HCVA. Dans son avis rendu au mois de novembre, celui-ci a préconisé l’octroi d’un crédit de temps annuel pour l’exercice d’une responsabilité associative. En liaison avec le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mon ministère étudie actuellement les possibilités d’élargir le champ d’application du congé de représentation pour ces responsables associatifs salariés.
Par ailleurs, toujours en liaison avec le HCVA, le Gouvernement souhaite développer des outils pour permettre aux bénévoles d’attester de leur expérience associative dans leur parcours scolaire, universitaire, professionnel. J’évoquais tout à l’heure le nombre des bénévoles âgés de moins de 35 ans : ces derniers doivent pouvoir valoriser cette expérience.
Enfin, pour permettre une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole, nous travaillons avec la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur pour étendre le périmètre de la médaille de la jeunesse et des sports à l’engagement associatif, ce qui devrait être fait l’année prochaine.
Quant à la question du statut des bénévoles, elle a été longuement explorée lors de la conférence de la vie associative en 2006. Le débat se poursuit, mais la grande diversité des formes que revêt le bénévolat rend difficile la définition d’un tel statut et s’oppose à toute forme de rétribution puisque le bénévolat est, par définition, un don de temps librement consenti et gratuit.
Création d’un congé d’engagement bénévole pour les actifs, développement de la valorisation des acquis de l’expérience associative, extension à la vie associative de la médaille de la jeunesse et des sports : vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est déterminé à soutenir et conforter l’action des seize millions de bénévoles, ces « fantassins de la République » engagés au service de l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, j’apprécie énormément votre réponse parce que, et ce n’est pas pour me surprendre, vous avez tenu à me répondre complètement, en entrant dans le détail de toutes les possibilités qui s’offrent dans notre pays au milieu associatif. Cependant, je me demande si celui-ci les connaît bien, ces possibilités.
La proposition de loi portant sur l’engagement et la reconnaissance du bénévolat associatif, dont, si j’ai bien compris, l’examen est repoussé à plus tard, vise à apporter un encouragement, mais sans recourir à des incitations sous forme d’avantages financiers.
Un grand Français a dit qu’on ne pouvait être à la fois responsable et désespéré. Votre réponse m’a fait comprendre, je vous le dis très sincèrement, que c’est bien ainsi que vous concevez votre rôle de ministre. Même dans les périodes difficiles comme celle que nous traversons, vous ne m’entendrez jamais critiquer ; je ne le fais pas plus aujourd'hui que je ne l’ai fait hier. Je sais en effet que, dans la vie, il y a le vouloir et le pouvoir.
Ma question ne visait donc nullement à vous adresser une critique ; d’ailleurs, vous ne l’avez d'ailleurs pas prise ainsi. Elle était avant tout destinée à vous faire part d’une prévision. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que gouverner, c’est prévoir, et que prévoir, c’est regarder un peu l’existant.
Moi qui suis un ancien responsable sportif, je n’ai pas choisi un homme politique pour me remettre la Légion d’honneur, mais un très grand sportif français. C’est très significatif de mon engagement en faveur du sport et de la vie associative.
Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse.
redistribution des produits de la taxe de 75 % sur les salaires de plus d’un million d’euros versés par les clubs sportifs professionnels
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 429, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Dominique Bailly. J’ai souhaité interroger ce matin M. le ministre de l’économie et des finances sur la redistribution du produit de la taxe à 75 % sur les salaires de plus d’un million d’euros versés par les clubs sportifs professionnels. M. le Premier ministre a en effet confirmé, dans un communiqué officiel en date du 2 avril 2013, que cette taxe concernerait toutes les entreprises qui versent de tels salaires. Elle touchera donc les sociétés à objet sportif, et, au premier chef, les clubs de football de Ligue 1.
La réalité économique de nombreux clubs professionnels, toutes disciplines confondues, est bien éloignée de celle que vivent les clubs qui seront touchés par la taxe. Les salaires y sont bien moins élevés, et nombre d’exemples soulignent la fragilité financière de structures, même professionnelles, qui ont subi une descente sportive ou une faillite. La réalité vécue par le monde sportif amateur est tout aussi difficile.
La solidarité entre les clubs les mieux dotés et le reste du monde sportif, professionnel et amateur, doit donc être renforcée pour garantir la pérennité de l’ensemble. Selon la Cour des comptes, « les flux financiers nets entre les fédérations » – le monde amateur – « et leurs ligues » – le monde professionnel –, « traduisant l’application concrète de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, se révèlent modérément favorables à la fédération dans le cas du football, et même favorables à la ligue dans le cas du rugby ».
C'est pourquoi, sans rien retirer à l’universalité de cette taxe dite exceptionnelle, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur la possibilité de reverser, sous certaines conditions, une partie de son produit au mouvement sportif, et notamment au mouvement sportif amateur.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d’excuser l’absence de Pierre Moscovici, qui est retenu à Bruxelles par un conseil Écofin.
Vous souhaitez savoir si le Gouvernement envisage de reverser au mouvement sportif tout ou partie du produit de la taxe exceptionnelle à 75 % sur les salaires de plus d’un million d’euros versés par les clubs sportifs professionnels, et en premier lieu par les clubs de football.
Comme vous le soulignez très justement, la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur doit être renforcée ; c’est d’ailleurs l’un des axes majeurs de la politique menée par ma collègue Valérie Fourneyron. Toutefois, le Gouvernement n’estime pas que le renforcement de cette solidarité doive passer par le reversement direct au mouvement sportif du produit de la taxe exceptionnelle sur les salaires de plus d’un million d’euros.
Cette taxe exceptionnelle vise à contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics, mais elle procède aussi et surtout d’un souci de justice sociale et de renforcement de la solidarité nationale. Le versement de son produit au budget général témoigne de sa vocation universelle : il ne s’agit pas de renforcer la solidarité entre les acteurs d’un secteur économique particulier, tel que le sport, mais de renforcer la solidarité au sein de la Nation tout entière.
Par ailleurs, ainsi vous l’avez vous-même rappelé, le principe d’universalité budgétaire fait obstacle à l’utilisation d’une recette déterminée pour le financement d’une dépense déterminée. Il existe, certes, des possibilités de déroger à cette règle dans des cas très particuliers, mais, en l’occurrence, cela ne me semble pas opportun. Une telle dérogation serait même contraire à l’esprit de la circulaire du Premier ministre en date du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques. Le Gouvernement a d'ailleurs demandé au Conseil des prélèvements obligatoires d’examiner systématiquement les taxes affectées existantes, dans le but de remettre en cause certaines de ces affectations.
Pour autant, le renforcement de la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur constitue l’un des axes majeurs de la politique nationale des sports menée par le Gouvernement. Beaucoup a déjà été fait en la matière. Beaucoup reste également à faire, mais ce renforcement passe par d’autres moyens que celui que vous proposez.
Nous avons stabilisé les ressources du Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Celui-ci est, comme vous le savez, notre principal outil de développement du sport pour tous et notre principal instrument de redistribution entre le sport professionnel et le sport amateur, puisque ses recettes sont notamment constituées par la taxe dite « Buffet », qui est une contribution sur les droits de diffusion audiovisuelle des compétitions sportives, que perçoivent au premier chef les clubs professionnels.
Nous avons constaté, au début de cette législature, que le CNDS se trouvait dans une situation financière profondément dégradée. Nous avons donc mis en place un plan de redressement financier de l’établissement, qui garantit à ce dernier la stabilité de ses ressources, alors que, au même moment, il était demandé d’importants efforts à tous les opérateurs de l’État bénéficiant de ressources fiscales affectées : les plafonds des taxes qui leur sont attribuées ont diminué de 10 %.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, votre souci d’une plus grande solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur est entièrement partagé par le Gouvernement. Cependant, cette solidarité doit passer par d’autres voies que l’affectation au mouvement sportif d’une recette fiscale dont l’essence même est de participer au financement de la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’ai moi-même évoqué l’universalité de la taxe à 75 % : je comprends donc votre raisonnement.
Je souhaitais attirer l’attention du Gouvernement sur la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur. Vous l’avez d'ailleurs évoquée.
Le groupe de travail sur l’éthique du sport, que j’anime, a rendu ses conclusions. L’une des priorités est que la relation entre le monde professionnel et le monde amateur soit amplifiée et dynamisée. Je sais que Mme la ministre des sports, que je salue, y est sensible – je la remercie d’ailleurs d’être restée dans l’hémicycle pour entendre ma question.
S'agissant de la taxe exceptionnelle de 75 %, on aurait pu, par dérogation – vous avez souligné que d’autres dérogations existaient déjà –, reverser une partie de son produit au monde amateur. En politique, il y a aussi des symboles, et cela en aurait constitué un puissant.
J’ai entendu votre réponse. Avec Mme la ministre des sports, nous attendrons le futur projet de loi de programmation, qui sera vraisemblablement présenté à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Je suis convaincu que la solidarité ente le monde professionnel et le monde amateur sera un maillon fort du nouveau dispositif législatif.
réduction des effectifs douaniers en côtes-d’armor
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la question n° 451, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Ronan Kerdraon. Ma question porte sur la présence douanière en Côtes-d’Armor.
Depuis près d’une vingtaine d’années, l’administration des douanes subit de multiples réformes. Du fait des baisses constantes d’effectifs et des coupes budgétaires, les douaniers ne sont plus en mesure d’exercer correctement les missions qui leur sont confiées.
Je veux rappeler que les douaniers s’acquittent du contrôle physique des marchandises, de la recherche de contrefaçons – de médicaments, de jouets, avec des implications en matière de sécurité, de produits de marque, etc. –, de la protection des enfants ou encore du contrôle de la fiscalité. Cette administration comptait 19 500 agents en 2005 ; il n’en reste plus aujourd’hui que 17 500. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, l’administration douanière va être confrontée à un taux de 2,5 % de suppressions d’effectifs – un taux jamais égalé à ce jour –, ce qui représente plus de 400 suppressions d’emplois par an.
Une telle politique de diminution des moyens humains est préjudiciable au budget même de la Nation, à celui des collectivités territoriales et à celui des organismes de sécurité sociale. Par exemple, dans mon département des Côtes-d’Armor, on comptait il y a encore quelques années 72 agents des douanes. Actuellement, nous disposons de 14 agents de bureau et de 19 agents de brigade ; nous avons donc perdu 39 postes. Or la suppression de 8 postes supplémentaires est prévue dans le cadre du « Plan stratégique douane 2014-2018 ».
Toutes ces réductions d’emplois ont des effets négatifs sur les agents et leurs familles, pénalisent fortement l’action même du service public et pèsent sur l’emploi local par le biais des emplois induits. Pourtant, la présence douanière est essentielle, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et la contrefaçon. Le service des douanes assure de nombreuses missions au service des particuliers comme auprès des entreprises locales.
À l’heure où se précisent plusieurs projets d’envergure, comme l’installation d’un parc éolien en baie de Saint-Brieuc ou le développement du port du Légué, nous pouvons légitimement craindre que la disparition d’un service de douane local soit également de nature à porter préjudice à l’attractivité économique de notre département. La réduction des effectifs associée à la centralisation des services douaniers des Côtes-d’Armor affecte également les missions de sécurité et d’intervention sur l’ensemble du département.
À ce jour, le dialogue social entre les organisations syndicales et la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, est chaotique. Il me paraît donc nécessaire de renouer le dialogue afin d’instaurer un débat serein sur l’avenir de cette administration.
Les douaniers costarmoricains se posent beaucoup de questions sur leur avenir. Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement pour que soit gérée avec sérénité la réorganisation nécessaire du service des douanes et confortée sa place dans la société actuelle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d’excuser l’absence de Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles.
Comme vous, le Gouvernement mesure et déplore les conséquences de la manière dont a été conduite la révision générale des politiques publiques sur la capacité de nombreuses administrations à assurer leurs missions et sur les conditions de travail des agents publics. Cette approche brutale, non concertée et reposant sur des critères arbitraires, est désormais abandonnée. La modernisation de l’action publique engagée depuis 2012 par le Gouvernement repose en effet sur une méthode renouvelée. De manière cohérente, les arbitrages budgétaires sont différenciés en fonction des priorités, de la réalité des missions et des gains de productivité possibles, avec pour préoccupation permanente le redressement budgétaire de la France.
Comme l’ensemble des directions du ministère de l’économie et des finances, la DGDDI continuera donc à participer à l’effort de réduction des déficits publics tout en poursuivant l’adaptation de ses méthodes de travail afin que les missions qui lui sont confiées soient menées à bien dans un souci constant d’efficacité, et en portant une attention particulière à ses agents. Parallèlement, la DGDDI bénéficie d’une dotation complémentaire de 350 emplois en 2013 et 2014 au titre de la taxe poids lourds, qui constitue une mission nouvelle pour elle. En 2013, la baisse nette des effectifs est ainsi limitée à 60 agents sur un total de 17 000, ce qui représente une diminution de 0,4 %.
Par ailleurs, dès la fin de l’année 2012, Pierre Moscovici, Nicole Bricq et Bernard Cazeneuve ont demandé à l’administration des douanes d’élaborer un projet stratégique afin de tracer une trajectoire d’évolution de ses missions et de son organisation à l’horizon 2018.
Menée sur la base d’une très large concertation, cette réflexion associe, sans exclusive, toutes les parties concernées, à l’échelon national comme au niveau local. Les agents de terrain ont ainsi été consultés afin, notamment, d’optimiser les pratiques professionnelles, de réfléchir aux évolutions des différents métiers et de recueillir les propositions sur les besoins qui en découleront.
Enfin, dans un souci constant de ce dialogue avec les partenaires sociaux que vous appelez de vos vœux, les organisations syndicales ont naturellement été invitées à participer à cette réflexion ; toutefois, au cours de ces derniers mois, elles n’ont pas souhaité répondre à cette invitation.
Le Gouvernement, monsieur le sénateur, mesure les inquiétudes qui s’expriment parmi les douaniers, et nous souhaitons y répondre, dans la clarté et en toute franchise.
Pour le département des Côtes-d’Armor qui compte, à Saint-Brieuc, un bureau fiscal et une brigade de surveillance, le directeur interrégional de Nantes réfléchit à la répartition de ses moyens pour 2014 et les années suivantes. Ce travail prospectif n’est pas achevé, une première restitution étant attendue à l’automne prochain. Aucune proposition d’évolution ou, a fortiori, de restructuration n’a pour l’instant été soumise au ministre de l’économie et des finances. En toute hypothèse, une concertation locale approfondie devra être conduite avant toute décision.
Pour conclure, monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui nous donne l’occasion d’affirmer la nécessité de ne pas affaiblir les missions douanières de lutte contre la fraude, de protection des citoyens et d’accompagnement des entreprises à l’international, qui sont au cœur des préoccupations du Gouvernement, comme vous l’avez souligné dans votre intervention.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui s’inscrit dans le cadre de la philosophie du Gouvernement. Bien entendu, du côté gauche de l’hémicycle, nous avons la même ambition de faire en sorte que les douanes s’adaptent à l’environnement dans lequel elles évoluent. Nous partageons également le constat que vous avez dressé tout à l’heure sur les réformes antérieures, car, aujourd’hui, on est « à l’os » !
Par ailleurs, je me réjouis de votre volonté de réfléchir aux évolutions possibles dans le dialogue et la concertation. Cette ambition est certes nationale, mais, je vous l’assure, il faut aussi l’envisager sur le plan local, ainsi que vous l’avez souligné.
Pour conclure, madame la ministre, je voudrais procéder à une petite rectification concernant une information que vous avez donnée sur les douanes en Côtes-d’Armor et leur présence à Saint-Brieuc. Elles se trouvent en réalité sur la commune de Plérin, dont je suis maire. (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme la ministre chargée des Français de l’étranger, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 438, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger.
M. Richard Yung. Madame la ministre, ma question porte sur un sujet que vous connaissez bien : la fermeture des classes de la seconde à la terminale du lycée Sadi Carnot de Diego-Suarez.
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, s’est engagée depuis deux ans dans un projet de restructuration du réseau de ses établissements dans la grande île. Ce réseau se caractérisait par un ensemble de petits, moyens et gros établissements maillant efficacement le territoire malgache et répondant à la relative dispersion de la population française. Je le sais pour avoir été moi-même un élève de ce système d’enseignement pendant de nombreuses années.
La grave crise économique et politique touchant Madagascar depuis plusieurs années – et la situation ne semble pas s’améliorer ! – a progressivement amoindri les moyens de nombreuses familles malgaches et franco-malgaches dont les enfants fréquentaient ces établissements. Cela a conduit à la diminution progressive des effectifs de la plupart des établissements, sauf à Tananarive.
Parallèlement, l’AEFE met en place depuis quelques années une politique de reconcentration des moyens et de rationalisation des coûts, l’incitant à ne plus accompagner les petits et moyens établissements.
Ainsi, deux sections de lycée auront été fermées en trois ans, l’une à Fianarantsoa, l’autre à Diego-Suarez. Parallèlement, le lycée de Tananarive bénéficie d’investissements importants avec la construction de nouveaux bâtiments, pour l’internat aussi bien que pour l’enseignement, dont les coûts sont jugés importants.
Ces choix ne font évidemment pas l’unanimité parmi la communauté éducative et les parents d’élèves, en particulier ceux qui résident à Diego-Suarez, car ils s’inquiètent de devoir envoyer leurs enfants adolescents au lycée de Tananarive, à 1 200 kilomètres.
Madame la ministre, quelles mesures sont proposées aux familles pour accompagner ces élèves lors de la prochaine année scolaire ? Quels sont les projets pour les futures évolutions du réseau des établissements de l’AEFE à Madagascar ? En outre, comment les élus, les parents et les enseignants peuvent-ils être mieux associés aux décisions qui touchent à l’avenir de leurs enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, votre attachement pour Madagascar n’a d’égal que le mien pour notre réseau d’enseignement français à l’étranger.
Nous avons effectivement décidé de réorganiser notre offre pédagogique sur l’île et, face à la diminution des effectifs, de concentrer nos moyens et renforcer les capacités d’accueil des lycées de Tananarive et de Tamatave par le développement d’espaces pédagogiques et l’ouverture d’internats de grande qualité.
Les fermetures auxquelles vous avez fait référence ne se sont pas faites sans une information préalable et très large. Ainsi, de multiples rencontres avec les associations de parents d’élèves, les organisations syndicales et les conseillers élus de l’Assemblée des Français de l’étranger ont été organisées depuis 2007.
S’agissant de l’établissement d’Antsiranana, la fermeture du cycle lycée pour la rentrée 2013 a été annoncée en conseil d’établissement en mai 2011 et confirmée à la rentrée 2012.
Parmi les lycéens concernés par cette fermeture, 38 souhaitent poursuivre leur scolarité en France mais la majorité – 60 élèves – souhaite aller au lycée de Tananarive et 11 au lycée de Tamatave.
Bien évidemment, des mesures d’accompagnement ont été décidées : les élèves français pourront bénéficier des bourses sur critères sociaux, les élèves malgaches seront exonérés des droits de première inscription. L’État prendra à sa charge la différence du coût de la scolarité entre Tananarive et Diego-Suarez, ainsi que les frais d’internat, à hauteur de 50 % au maximum et sur critères sociaux. Nous avons également mis en place un forfait annuel de transport de 500 euros qui permettra de financer deux allers-retours Diego-Suarez-Tananarive en avion.
Pour les élèves malgaches ne pouvant se rendre à Tananarive, l’AEFE a obtenu l’autorisation de mettre en place un enseignement par le Centre national d’enseignement à distance, au tarif réglementé.
Aucune autre modification du réseau malgache n’est envisagée, monsieur le sénateur. Notre seule préoccupation est d’assurer pour l’avenir, et pour longtemps, un enseignement de qualité sur l’île.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la ministre, je tiens à vous remercier de ces éclaircissements sur le dispositif mis en place autour de la ville de Diego-Suarez, appelée aussi Antsiranana. Il devrait rassurer une bonne partie des parents d’élèves.
Je note par ailleurs avec plaisir qu’aucune autre modification significative du réseau à Madagascar n’est envisagée pour les prochaines années.
À mon sens, le développement des internats est tout à fait positif. Celui de Tananarive a été très sensiblement étendu et amélioré, avec la construction d’un nouveau bâtiment. Au cours des prochains mois, nous aurons à nous pencher sur la situation de l’internat de Tamatave, qui mérite encore d’être confortée, ainsi que sur le projet d’internat du lycée de Majunga. Nous devons encourager cette politique, qui permet de répondre aux besoins des différentes régions.
usurpation de plaques d’immatriculation
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 464, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, selon le ministère de l’intérieur, l’usurpation des plaques d’immatriculation de véhicules est en augmentation : près de 17 500 délits de cette nature auraient été recensés en 2012, soit une hausse assez affolante, de l’ordre de 73 % en un an.
Quels que soient les motifs de ces actes – échapper aux contrôles automatiques des radars, aux péages, aux stationnements payants ou, plus grave encore, à l’obligation d’assurance –, certains individus décident de se faire graver des plaques au numéro d’un autre automobiliste. C’est alors celui-ci qui reçoit les amendes, se voit retirer des points sur son permis et, éventuellement, subit les saisies.
Et en cas de « doublette parfaite » – c'est-à-dire si le numéro minéralogique de l’automobiliste concerné a été apposé sur une voiture de même modèle que la sienne –, les conséquences financières et administratives sont particulièrement lourdes : non seulement la victime de l’usurpation devra prouver sa bonne foi par des témoignages et des attestations de présence, mais elle devra attendre que justice lui soit rendue.
Ainsi, un automobiliste de mon département, le Val-de-Marne, a dû subir deux ans de procédures pour faire classer sans suite quarante-neuf procès-verbaux, éviter 2 000 euros d’amende et empêcher le trésor public de saisir ses comptes, alors que l’individu qui avait usurpé sa plaque d’immatriculation avait été interpellé. Ce cas, loin d’être isolé, illustre le vide juridique qui entoure les usurpations d’identité.
Alors que l’article R. 317-8 du code de la route indique que tous les véhicules à moteur doivent être équipés de plaques et que l’arrêté du 9 février 2009 précise les caractéristiques et les modalités de pose de ces plaques, je ne comprends pas pourquoi aucun texte n’encadre leur fabrication. Non seulement l’acheteur n’est obligé de fournir ni certificat d’immatriculation ni titre d’identité, mais le distributeur n’est soumis à aucun contrôle. Ainsi, de nombreux sites internet et même quelques professionnels ayant pignon sur rue n’exigent pas le moindre justificatif.
Comment expliquer l’absence d’encadrement et de contrôle de cette source de délinquance routière, parfois même revendiquée comme telle sur des forums internet ? Le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer la législation ou d’instaurer un agrément pour les distributeurs, qui seraient dès lors tenus de contrôler l’existence d’un certificat d’immatriculation et de tenir un registre des gravures ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Manuel Valls, qui m’a chargé de vous transmettre sa réponse concernant le phénomène d’usurpation des plaques d’immatriculation.
D’emblée, je précise que le cas bien particulier de l’usurpation du numéro d’immatriculation, pour lequel une procédure spécifique existe, a parfois été confondu avec le problème, aujourd’hui résolu, des verbalisations indues après la vente d’un véhicule.
Ensuite, je rappelle que le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule portant un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule, qui constitue une usurpation, est un délit sévèrement sanctionné. Conformément à l’article L. 317-4-1 du code de la route, ce délit est passible de sept ans de prison et de 30 000 euros d’amende. Indépendamment des poursuites pénales lancées à l’encontre des contrevenants, une procédure de changement d’immatriculation existe afin de répondre à ce type de difficultés.
Les victimes peuvent ainsi se rendre en préfecture pour demander à bénéficier d’un nouveau numéro d’immatriculation, sur présentation du dépôt de plainte effectué auprès des forces de l’ordre. Un nouveau numéro est alors attribué, sans donner lieu au paiement de la taxe régionale. Les infractions commises avec l’ancien numéro ne sont plus reprochées aux personnes dont l’immatriculation a été usurpée. Cette procédure protège les victimes d’usurpation de leur numéro d’immatriculation de toute verbalisation indue. Elle est du reste bien utilisée par nos concitoyens, comme en témoignent les 11 060 opérations de réimmatriculation faisant suite à usurpation enregistrées en 2012 dans le système d’immatriculation des véhicules.
En outre, pour contester les amendes déjà reçues, la victime d’usurpation peut déposer une requête en exonération auprès de l’officier du ministère public compétent, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quarante-cinq jours et en joignant le récépissé du dépôt de plainte. Aucun paiement de l’amende et aucune consignation ne sont nécessaires dans ce cas.
Une autre mesure protectrice a été mise en œuvre avec la saisie du champ « marque du véhicule », désormais effectuée lors de la constatation des infractions de stationnement relevées par procès-verbal électronique. Cette mesure permet de détecter une incohérence avec le champ « marque » retourné par le système d’immatriculation des véhicules et ainsi d’éviter l’envoi d’un avis de contravention au titulaire d’un certificat d’immatriculation d’un véhicule d’une autre marque dont le numéro d’immatriculation aurait été usurpé.
Pour ce qui concerne les problèmes de verbalisation indue faisant suite à la vente d’un véhicule, une difficulté s’est fait jour en 2011 : notre droit considérait que le titulaire du certificat d’immatriculation était le responsable du véhicule. De ce fait, lorsqu’une infraction était commise par un nouvel acquéreur avant qu’il n’ait procédé à la réimmatriculation du véhicule à son nom, l’ancien propriétaire pouvait être injustement sanctionné.
La loi n° 2011-1562 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, publiée le 14 décembre 2011, a remédié à ce problème en modifiant les articles L.121-2 et L. 121-3 du code de la route. Le vendeur du véhicule n’est plus destinataire des contraventions dressées postérieurement à la cession du véhicule, quand bien même le nouvel acquéreur n’aurait pas encore procédé à la réimmatriculation du véhicule à son nom.
Les mesures ainsi prises doivent permettre de répondre aux difficultés causées aux automobilistes. Si ce sujet continue à faire l’objet d’un suivi vigilant, il ne paraît pas nécessaire à ce jour d’introduire une réglementation nouvelle concernant l’activité économique de vendeur de plaques d’immatriculation, ce qui aurait notamment pour effet d’alourdir la charge de travail des préfectures.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très complète, qui sera utile aux victimes. En effet, la possibilité d’obtenir une réimmatriculation doit être mieux connue.
Cela étant, s’il est bon de s’attacher à résoudre les problèmes des victimes, je note que le Gouvernement ne s’attaque nullement à la fraude. Or, en l’espèce, n’importe qui peut se procurer une plaque d’immatriculation sans conditions particulières. Moi-même, il y a quelques années, j’ai fait fabriquer une plaque d’immatriculation portant la date de naissance d’un ami en guise de cadeau d’anniversaire : on ne m’a pas demandé le moindre justificatif ! C’est cette situation qui pose problème.
Aujourd’hui, selon vous, les victimes seraient protégées. Je doute cependant que le trésor public renonce si facilement à envoyer des rappels tant que la procédure est en cours : j’ai cité le cas de personnes qui ont subi de graves désagréments. Si le dispositif que vous avez mentionné et qui, du reste, ne date que de 2011, offre un peu plus d’efficacité, aucune réglementation n’encadre la délivrance des plaques, et je persiste à ne pas comprendre pourquoi. Vous dites que cela constituerait une charge de travail supplémentaire pour les préfectures. Or, avec le nouveau système d’immatriculation, où le numéro du département ne figure plus qu’à titre indicatif, je ne vois pas en quoi les préfectures seraient concernées.
Je le répète, les mesures que vous avez citées sont très positives, et il faudra développer l’information en la matière. Toutefois, je regrette que les revendeurs de plaques d’immatriculation – pour qui, au demeurant, cette vente ne représente qu’une part marginale de leur chiffre d’affaires – ne fassent pas l’objet du moindre contrôle, notamment lorsque la vente se fait sur internet.
incohérences préoccupantes en matière de sécurité
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 467, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir pris la peine de venir au Sénat remplacer M. le ministre de l’intérieur, dont je regrette qu’il ne puisse être présent pour répondre personnellement à ma question, car celle-ci fait suite à une conversation que nous avions eue précédemment. Je comprends cependant qu’il soit occupé.
Madame la ministre, les faits sont aujourd’hui un peu anciens, mais le principe qui semble les sous-tendre est toujours d’actualité, et c’est ce qui m’a conduit à interroger M. Valls sur ce que j’appelle le « deux poids, deux mesures » en matière de sécurité. Ce phénomène commence à créer un réel malaise dans notre pays !
Rappelons quelques faits. En décembre 2012, les pickpockets étant toujours plus nombreux – une armée ! – et toujours plus agressifs au Louvre, la direction du musée avait déposé plainte auprès du parquet de Paris. Elle avait également demandé des renforts policiers.
Au 10 avril 2013, aucune mesure sérieuse n’ayant été mise en place pour remédier à ces agissements qui portent préjudice aux visiteurs – des étrangers pour la plupart, ce qui donne à penser que les actes en question ternissent en outre gravement la réputation de notre pays –, deux cents agents du musée ont fini par exercer leur droit de retrait ; en d’autres termes, ils se sont mis en grève.
Quelques semaines plutôt, le 20 mars 2013, l’agression d’un groupe de touristes chinois rançonnés devant un restaurant au Bourget avait fait réagir Pékin : cela confirme le caractère grave de ces agissements et l’image déplorable qu’ils donnent de notre pays.
Cette grève des agents du Louvre a eu lieu après la « manif pour tous » du 24 mars 2013, au cours de laquelle des jets de gaz lacrymogène furent dirigés contre des familles défilant pacifiquement. J’y étais, cela s’est passé derrière moi !
Donc, quand le ministre de l’intérieur en a eu besoin, il a su trouver des forces de l’ordre pour faire taire les opposants au mariage pour tous, alors même que ce n’était pas leur rôle : c’est au maintien de l’ordre républicain, et non de l’ordre socialiste, qu’elles doivent être employées.
En évoquant ce dévoiement préoccupant, qui inquiète les Français, je ne peux m’empêcher de penser à ce jeune opposant au mariage pour tous qui a été interpellé et incarcéré à Fleury-Mérogis. Son cas étant examiné aujourd’hui par la cour d’appel de Paris, je n’en dirai pas plus.
Le 13 mai, au Trocadéro, la police, insuffisante en nombre, n’a pu empêcher qu’éclatent de violents affrontements entre supporteurs de clubs de football et que le quartier soit mis à sac. Depuis, elle a remonté les pistes de jeunes casseurs connus de ses services et procédé à des arrestations. Trop tard ! Les violences avaient eu lieu, provoquant des dégâts estimés à un million d’euros.
Ma question est double. Comment les forces de police sont-elles utilisées ? Quelles mesures le ministre entend-il prendre pour que les situations, en matière de sécurité, soient mieux appréhendées, c’est-à-dire avec bon sens et sans esprit partisan ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, ma réponse ne sera pas partisane : ce sera simplement celle du ministre de l’intérieur, qui vous prie d’excuser son absence ce matin.
La lutte contre la délinquance, en particulier contre les pickpockets aux abords du Louvre, constitue l’une des priorités des effectifs de la préfecture de police.
Autour du secteur touristique Louvre–Palais-Royal, plus de 10 000 personnes ont fait l’objet d’un contrôle depuis juin 2012 et plus de 2 000 individus ont été interpellés pour vol simple, vol à l’étalage, vente à la sauvette ou escroquerie à la suite des 140 opérations réalisées. Depuis le début de l’année 2013, ces contrôles, réalisés sur la base de réquisitions du procureur de la République, ont été maintenus et récemment renforcés dans le cadre du plan mis en place depuis le 7 juin pour accroître la sécurité des zones touristiques.
La présence policière aux abords des principaux sites parisiens a fait l’objet d’un renforcement depuis le mois d’avril dernier. Ainsi, chaque jour, plus de deux cents policiers sont mobilisés dans toute la capitale et dans les réseaux de transport pour lutter notamment contre les faits de délinquance commis à l’encontre des touristes.
Au-delà du renforcement de la présence policière, une série de mesures de nature à renforcer la sécurité des touristes fréquentant la capitale a été présentée par le préfet de police. Ce plan, fondé sur vingt-six mesures, a été défini en partenariat avec la Ville de Paris, les professionnels du tourisme, dont l’office du tourisme et des congrès de Paris et les responsables des sites touristiques, les hôteliers, les transporteurs ainsi que différents ministères. Il s’articule autour de quatre axes.
Premièrement, il vise au renforcement de la présence policière sur les sites touristiques les plus visités et les hôtels qui accueillent des touristes étrangers.
Deuxièmement, il prévoit la mise en place d’un partenariat actif avec les ambassades, les gestionnaires des activités liées au tourisme, les hôteliers de Paris et de la périphérie, ainsi que la RATP et la SNCF, pour identifier ensemble les secteurs d’action prioritaires, organiser les dispositifs de sécurité appropriés, veiller à une meilleure information et à une sensibilisation plus grande des étrangers concernant les bonnes pratiques en matière de sécurité.
Troisièmement, ce plan comprend l’amélioration de l’accueil des victimes étrangères, en facilitant le dépôt de plainte dans sa langue d’origine, l’accès aux services de police à proximité des sites touristiques et la prise de contact avec des interprètes.
Quatrièmement, enfin, il tend à une meilleure diffusion de l’information sur la sécurité à travers une nouvelle édition d’un guide pratique, Paris en toute sécurité, qui sera traduit en six langues.
Ces actions ont d’ores et déjà permis d’enregistrer des résultats significatifs. Le nombre de violences volontaires dans les secteurs touristiques a diminué de 12 % par rapport au mois d’avril 2012 et le nombre de plaintes pour vol dans l’enceinte du musée du Louvre est passé de cent vingt, en moyenne, par mois à une trentaine en mai, soit une baisse de 75 %. La direction de l’établissement a d’ailleurs exprimé publiquement sa satisfaction et salué le travail accompli par les services de police à l’occasion d’une visite sur site du préfet de police, le 6 juin dernier.
Les résultats obtenus démontrent, pour répondre directement à votre question, que les forces de police sont déployées comme il le faut, là où il le faut, dans le souci constant d’assurer à nos concitoyens comme à tous ceux qui visitent la capitale un cadre de vie sûr et respectueux des droits de chacun.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, mais je tiens à vous raconter une anecdote : sortant un jour de l’Assemblée nationale, je me suis rendu à la Madeleine à pied, en traversant donc la place de la Concorde. Sur tout le trajet, je n’ai pas vu un seul policier et le touriste originaire d’Extrême-Orient qui marchait devant moi aurait très bien pu se faire dévaliser sans que son voleur soit autrement inquiété ! Vous me parlez de deux cents policiers, mais je ne les ai pas vus ! De toute façon, ce nombre est insuffisant !
Comment voulez-vous qu’aujourd’hui, avec deux cents policiers, on protège tous ceux qui visitent la capitale, les étrangers et les provinciaux, qui sont aussi des cibles, car les uns et les autres ne sont pas toujours vigilants, laissant leur portefeuille dans la poche arrière de leur pantalon ou leur sac ouvert ?
Dans votre réponse, j’ai été intéressé par l’idée de protéger certaines sorties d’hôtel. Car ces délinquants commencent à s’attaquer aux touristes devant leur hôtel, pendant qu’ils attendent leur autocar ou un taxi !
Je voudrais également saluer la sortie du guide pratique à destination des visiteurs. C’est une très bonne chose : on peut le distribuer aux touristes dès leur arrivée, en prenant garde toutefois à ne pas leur faire peur !
Madame la ministre, vous affirmez que la police est bien utilisée. Mais voici un article d’un journal du soir dans lequel un syndicat de CRS dit tout le contraire ! (L’orateur montre une coupure de journal.) Dans cet article, plutôt bien fait, les CRS avouent avoir honte de la manière dont ils sont employés.
Je vais même parler pour les gendarmes, qui n’ont pas de syndicats et qui n’ont pas le droit de s’exprimer. Je suis officier de gendarmerie : je connais donc un peu ces questions. J’étais à une manifestation durant laquelle les gendarmes qui étaient devant moi m’ont confié leur honte quant à l’utilisation que l’on fait d’eux dans les manifestations contre le mariage pour tous.
Moi, j’étais derrière la banderole des élus. C’était d’un calme absolu, il y avait des femmes et des enfants, beaucoup de petits enfants – je n’aurais d’ailleurs pas emmené manifester de si jeunes enfants ! –, mais le déploiement de police était absolument incroyable, madame la ministre, je vous l’assure. J’ai rarement vu cela pour une manifestation !
Mme Catherine Procaccia. C’est vrai !
M. Alain Gournac. Je sais bien, madame la ministre, que ce n’est pas facile pour vous, mais quand on voit, juste après, les évènements du Trocadéro… Moi, qui ne suis rien, qui ne dispose pas d’un service de renseignement, mais je savais qu’il allait y avoir des incidents ! Il suffit d’écouter et de regarder autour de soi : les voyous échangent des messages sur Twitter. Ils avaient effectivement prévu de tout casser ! J’ai même vu des policiers s’écarter pour laisser passer des voyous qui s’en prenaient aux vitres d’un café !
Alors, madame la ministre, je vous demande de transmettre à M. Valls qu’il lui faut bien mesurer l’utilisation des forces de police afin de ne pas prêter le flanc à de telles critiques dans la presse. Je ne suis pas intéressé par les polémiques, je suis fier de mon pays et je voudrais que les touristes y soient bien accueillis !
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, en remplacement de Jean-Louis Lorrain, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
9
Transparence de la vie publique
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 688, texte de la commission n° 723, rapport n° 722) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 689, texte de la commission n° 724, rapport n° 722).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés dans les affaires publiques ». Ces mots de Jean-Jacques Rousseau, tirés du Contrat social, sont l’esprit des projets de loi qui vous sont aujourd’hui proposés.
Je sais que beaucoup d’entre vous – j’allais dire « d’entre nous » – s’insurgent contre les sondages qui révèlent une défiance grandissante et inquiétante des Français à l’égard de leurs représentants.
Je sais aussi que la faute de quelques-uns ne peut justifier l’opprobre que l’on jette sur tous les autres, qui exercent leurs mandats dans le respect des principes qui fondent leurs engagements.
J’ai la conviction que ces réactions légitimes ne répondent pas à l’attente d’une opinion publique nourrie par le doute à l’égard de ses représentants, alors que, comme toujours en période de crise, l’antiparlementarisme et, au-delà, la remise en cause des responsables publics constituent le fonds de commerce de l’extrême droite.
L’enjeu de ces textes est simple : retrouver le chemin de la confiance de nos concitoyens et rétablir une capacité d’écoute de la parole politique.
Combattre le poison du soupçon permanent par l’exemplarité républicaine : telle est la démarche que vous propose le Gouvernement.
J’ai, au fil des dernières semaines, acquis une conviction sur le mot « transparence », qui a tant cristallisé les interrogations, parfois les critiques. Cette notion de transparence n’est au fond que l’une des modalités d’exercice de la souveraineté du peuple : la démocratie, c’est précisément la délibération publique des représentants élus comme le pari de l’intelligence de nos concitoyens.
Il ne s’agit pas là d’une concession passagère à la mode ou aux nouvelles technologies, qui modifient d’ailleurs, dans un sens souvent heureux, l’information de nos concitoyens. Pour se convaincre de l’ancienneté de cette notion dans le débat public, il suffit de relire les échanges qui ont eu lieu ici même en février et en mars 1988, lors de l’examen de la loi relative à la transparence financière de la vie politique, présentée par le gouvernement de Jacques Chirac.
Jacques Larché était le rapporteur de la commission des lois, et le compte rendu intégral des débats publié au Journal officiel témoigne de débats de haute tenue. Je citerai, par exemple, les brillantes interventions de Michel Dreyfus-Schmidt et, pour le groupe communiste, de Charles Lederman.
En outre, la lecture de ces débats m’a conduit à considérer que nul ne pourra s’exonérer d’un constat gravé dans l’histoire des trois dernières républiques : chaque majorité, chaque gouvernement souhaite légiférer dans la sérénité. Pourtant, il convient d’observer que les grands scandales politico-financiers ont tous abouti à des modifications législatives.
Sans remonter aux affaires des républiques passées ni des temps antiques, il suffit de se rappeler le scandale de la Garantie foncière, en 1971, qui rendit nécessaire la mise en place du système des déclarations d’activité.
Faut-il également rappeler les circonstances qui conduisirent le président Nicolas Sarkozy à commander un rapport à la commission Sauvé sur la transparence de la vie publique, rapport qui demeura sans suite législative ?
Parlant de la peste, ce fameux mal répandant la terreur et envoyé par le ciel pour punir les hommes, La Fontaine écrivait : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Convenons que ce mal qui touche régulièrement la vie de nos républiques est sans doute assez indissociable de la condition humaine et du fonctionnement des corps sociaux.
Convenons aussi qu’il nous appartient collectivement de lui administrer le meilleur des remèdes démocratiques : l’adoption de bonnes lois, qui seront bien appliquées.
Le Président de la République a demandé au Gouvernement de préparer quatre projets de loi, et d’en saisir sans délai le Parlement, lorsque les événements récents que vous connaissez, impliquant un ancien ministre du budget, ont profondément altéré la confiance des Français en leurs représentants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la démocratie représentative ne peut se comprendre et être acceptée si ceux qui détiennent un mandat du peuple l’exercent à leur profit et non pour le bien des citoyens qui leur ont accordé leur confiance.
Nous le savons, les responsables publics de notre pays ne manquent ni d’honneur ni de vertu au sens où l’entendait Montesquieu. Mais je me suis forgé une solide conviction à cet égard au fil des mandats parlementaires que j’ai eu l’honneur de remplir. Les Français ne pourront nous écouter – si ce n’est nous entendre ! – que si la parole publique retrouve son prestige.
Il n’est pas là question d’affaires de parti, de droite ou de gauche. La démocratie est toujours une quête permanente. Elle doit se conforter par des pratiques et des mœurs faisant davantage place à la responsabilité de nos concitoyens.
Ces projets de loi font le pari de restaurer la confiance dans les institutions comme dans leurs serviteurs, en misant précisément sur la confiance en nos concitoyens.
Depuis le conseil des ministres du 13 mars dernier, je travaille à l’élaboration d’un projet de loi sur les conflits d’intérêts sur la base des recommandations du rapport de la commission Jospin mais, surtout, dans le prolongement des engagements pris par le Président de la République en faveur d’une République exemplaire.
Pour ce faire, j’ai pris connaissance, dès le début de mes travaux, de ceux de la commission des lois du Sénat et du groupe de travail pluraliste institué en novembre 2010, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.
Ce rapport, le premier du genre, est toujours une base de réflexion indispensable pour envisager le sujet qui nous occupe aujourd’hui.
Sur ce socle, votre commission des lois s’est attachée à concilier plusieurs exigences d’égale importance, que ce soit la publicité des informations et le droit à la vie privée, le contrôle par un organe extérieur et la séparation des pouvoirs, ou l’indépendance de l’élu et la liberté de mener une activité de son choix. Elle a adopté 109 amendements, signe de sa contribution importante à l’amélioration de la qualité de la loi, dont le président Jean-Pierre Sueur, on le sait, a le souci permanent.
Ces projets de loi s’organisent autour de trois objectifs : de nouvelles déclarations pour favoriser la transparence démocratique, de nouveaux contrôles autour d’une autorité administrative d’un nouveau genre et des dispositifs répressifs ou contraignants modernisés.
Le contrôle des électeurs sur ceux à qui ils ont confié le soin de les représenter est une exigence démocratique ancienne. Ce regard citoyen est l’essence même de la démocratie représentative.
À cet égard, je vous rappelle qu’une telle préoccupation apparaît dès l’aube du régime parlementaire avec la première assemblée élue au suffrage universel que la France ait connue : la Convention nationale.
C’est en effet le 14 mai 1793 que la Convention nationale décrétait que les représentants du peuple sont à chaque instant comptables à la nation de l’état de leur propre fortune. Je cite la résolution révolutionnaire : « On nous parle souvent de corruption et de fortune scandaleuses. Pour connaître de quel côté a été la corruption, il est demandé que chaque député soit tenu de donner l’état détaillé de sa fortune, que cet état soit imprimé et que celui qui aurait fait un faux bilan soit déclaré infâme ! »
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette exigence demeure d’une grande actualité.
S’agissant de la déclaration de situation patrimoniale, notre dispositif d’origine, ambitieux, a été remanié.
Concernant la question de la publication des déclarations, qui a fait l’objet d’un débat au cours des dernières semaines, je rappelle qu’il ne s’agit pourtant pas d’une question récente. Souvenons-nous, parmi les 110 propositions de François Mitterrand, de l’engagement n° 49 : …
M. Gérard Longuet. Il a mis huit ans pour s’y atteler !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … « La vie publique sera moralisée : déclarations des revenus et du patrimoine des candidats aux fonctions de Président de la République, de député et de sénateur ainsi que des ministres en exercice, avant et après expiration de leurs mandats. »
M. Henri de Raincourt. Quel exemple !
M. Jean-Claude Lenoir. Mitterrand en autorité morale, on aura tout entendu !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ici même au Sénat, on relève, dès 1979, une proposition de loi de M. Mercier et des sénateurs radicaux de gauche pour organiser une telle publicité.
Les propositions de loi ou amendements relatifs à ce sujet émanant des groupes communistes, socialistes ou autres, furent également très nombreux au cours des trente dernières années. Nous y reviendrons au cours du débat.
Tout en maintenant la publicité de l’ensemble des déclarations d’intérêts, la commission des lois a modifié le dispositif sur la publicité des déclarations de situation patrimoniale des élus et supprimé l’infraction sanctionnant la divulgation de leur contenu, se limitant à pénaliser une divulgation mensongère ou délibérément inexacte. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements qui ont été déposés sur ce sujet.
La solution de compromis élaborée par l’Assemblée nationale permettait, nous semble-t-il, d’offrir de nouveaux droits à nos concitoyens, tout en garantissant aux élus, sur le plan local, la protection de leur vie familiale.
M. Bruno Sido. Cela ne sert à rien !
M. Henri de Raincourt. Délation !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … qui est maintenu, mais sans la disposition relative à la protection des lanceurs d’alerte, qui peuvent jouer un rôle utile, comme on l’a vu à l’occasion d’affaires récentes ; je pense au Mediator, par exemple.
La notion de lanceur d’alerte est une idée relativement récente en France.
M. Gérard Longuet. Ça existait sous l’Occupation !
M. Jean-Jacques Hyest. Des délateurs !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’ai bien noté que la commission des lois du Sénat a supprimé cette disposition, à laquelle le Gouvernement est attaché, mais nous y reviendrons ultérieurement.
La commission des lois a, en outre, prévu le dépôt par le Gouvernement d’un document budgétaire retraçant l’utilisation faite de la « réserve parlementaire » l’année précédente, et a adopté, sur l’initiative de Gaétan Gorce, des mesures visant à renforcer l’encadrement du financement de la vie politique et les moyens de contrôle. Ces évolutions ont le soutien du Gouvernement.
M. Éric Doligé. Il faut supprimer la réserve !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Concernant la prévention des conflits d’intérêts, nous vous proposons également une avancée démocratique qui fera date.
Pour la première fois dans notre histoire, un texte législatif va définir la notion de conflit d’intérêts et mettre en place des outils de nature à prévenir de telles situations.
Notre ambition est bel et bien de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière. Comme je l’ai souligné devant la commission des lois, la question des conflits d’intérêts se pose dans l’ensemble des sociétés démocratiques avancées.
Je sais que, derrière les appréhensions qui peuvent exister autour du mot « transparence », s’exprime en fait une réserve à l’égard de la notion de conflit d’intérêts. Pourtant, dans une société démocratique avancée, c’est cette marge grise de non-droit qu’il faut faire régresser afin que, au lieu d’être ignorées, certaines situations soient organisées et contrôlées par le droit.
C’est pourquoi le Gouvernement propose de rendre obligatoires des déclarations d’intérêts pour les personnes visées par le projet de loi organique et le projet de loi ; ces déclarations seront rendues publiques par la Haute Autorité de la transparence de la vie publique. Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’on ne mesure pas les bouleversements qui résulteront de cette mesure !
La commission des lois a remanié les dispositions fixant le contenu des différentes déclarations, d’une façon qui me paraît tout à fait utile ; nous en débattrons dans la discussion des articles.
Au surplus, le projet de loi organique et le projet de loi organisent pour la première fois un système de déport, en vertu duquel, par exemple, les membres des autorités administratives indépendantes – ne réduisons pas le champ du débat aux seuls parlementaires – qui se trouveront dans une situation de conflit d’intérêts auront l’obligation de s’abstenir de prendre part à l’affaire ou à la décision en cause. Il s’agit d’une traduction moderne de la maxime de droit latin selon laquelle on ne peut être à la fois juge et partie.
M. Henri de Raincourt. C’est beau !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cette nouvelle obligation, elle aussi, est la matrice d’un profond renouvellement des pratiques. J’y reviendrai car le Gouvernement, même s’il a pris bonne note des interrogations de la commission des lois sur la situation des ministres, souhaite qu’une référence explicite à la situation de ces derniers figure dans la loi.
Le projet de loi prévoit également d’instituer un mécanisme nouveau de mandat de gestion pour les intérêts financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique. Quelle meilleure prévention des délits d’initié que des mandats de ce type, sans droit de regard des intéressés pendant toute la durée de leurs fonctions ?
Un sénateur du groupe UMP. C’est irréaliste !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, le Gouvernement vous propose de créer une Haute Autorité de la transparence de la vie publique disposant de pouvoirs effectifs, en remplacement de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique, instituée en 1988.
M. Éric Doligé. Qu’elle déclare son patrimoine !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les principaux responsables politiques et administratifs de notre pays devront lui transmettre les différentes déclarations prévues et les sanctions pénales en cas de non-respect des obligations de transmission seront renforcées.
Afin qu’elle forme un véritable organe indépendant de régulation, la Haute Autorité sera dotée de l’autonomie financière et pourra fixer elle-même son organisation interne ainsi que ses procédures par un règlement général.
Le président de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique sera nommé par décret, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution. Nous aurons quelques échanges sur la composition de ce collège, puisque la question sera soulevée par divers amendements.
La Haute Autorité de la transparence de la vie publique aura un rôle et des pouvoirs élargis par rapport aux missions de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quelle est la valeur d’une règle lorsque les moyens de contrôle n’existent pas ou sont insuffisants ? Je rappelle que la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont certains demandent le maintien dans le cadre d’un statu quo du droit positif, a elle-même signalé, dans chacun de ses rapports annuels, que l’insuffisance des moyens juridiques à sa disposition ne lui permettait pas de remplir efficacement la mission que le législateur lui avait confiée.
M. Gérard Longuet. Avez-vous déjà vu une commission satisfaite de son sort ? Vous découvrez des évidences !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Demain, la Haute Autorité de la transparence de la vie publique pourra demander la transmission des déclarations fiscales remplies par le conjoint. À défaut d’obtenir directement communication de ces déclarations, elle pourra en demander copie à l’administration fiscale.
En outre, la Haute Autorité pourra demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, ce qui représente évidemment une avancée très importante. Une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pourra également être prononcée en cas de refus de communication des déclarations.
On le voit, le projet du Gouvernement est porteur d’une réelle ambition pour cette nouvelle autorité administrative indépendante, qui pourra être saisie par le Premier ministre, le président de l’une des assemblées parlementaires ou une association habilitée de lutte contre la corruption.
Enfin, le projet de loi organique et le projet de loi prévoient les évolutions normatives nécessaires à la construction d’une « culture déontologique », tâche ardue fixée par le rapport Sauvé.
Plus précisément, nous vous proposons deux séries de dispositions, touchant respectivement aux incompatibilités parlementaires et au renforcement de la répression contre les malversations.
Nos premières propositions consistent à protéger les parlementaires des intérêts particuliers.
Comme l’a souligné le rapport d’information du Sénat sur la prévention des conflits d’intérêts, publié en mai 2011, la logique des incompatibilités n’est pas d’interdire toute activité professionnelle.
M. Jean-Michel Baylet. Heureusement !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit plutôt de soustraire le mandat parlementaire aux influences susceptibles de l’écarter de la prise en compte de l’intérêt général.
Le Gouvernement propose d’interdire, par exemple, le cumul du mandat parlementaire avec l’exercice de fonctions au sein d’entreprises réalisant une part importante de leur activité commerciale avec l’administration.
L’indépendance des élus qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale est un principe constitutionnel, qui doit être garanti par l’édiction de nouvelles interdictions évitant la confusion de l’argent et de la démocratie.
S’agissant des incompatibilités parlementaires, la commission des lois a maintenu le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, en ajoutant une nouvelle incompatibilité, relative à la direction d’un syndicat professionnel. Une telle précision me semble utile.
Je tiens à souligner que, en ce qui concerne tant le contrôle des incompatibilités que les sanctions éventuelles en cas de conflit d’intérêts, les projets initiaux du Gouvernement comme les textes issus des travaux de la commission des lois du Sénat respectent pleinement l’autonomie des assemblées.
M. Henri de Raincourt. C’est faux !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. En effet, le dernier mot reviendra toujours au bureau des chambres, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
M. Gérard Longuet. Pas du tout !
M. Jean-Claude Lenoir. Regardez le texte, c’est le parquet !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement vous propose de mettre en œuvre l’engagement n° 49 de François Hollande en ouvrant la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité : ainsi, l’ensemble des élus du suffrage universel et les membres du Gouvernement seront passibles d’une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption, le trafic d’influence, la fraude électorale et la fraude fiscale.
Enfin, nous vous proposons de renforcer la répression du « pantouflage ». À cet égard, l’interdiction faite aux fonctionnaires par le code pénal de rejoindre, à l’issue de leurs fonctions, une entreprise avec laquelle ils ont été en relation du fait de ces fonctions sera étendue aux membres du Gouvernement et aux titulaires de fonctions exécutives locales.
Le projet de loi organique et le projet de loi que le Gouvernement vous présente s’attachent à fixer un cadre commun de la déontologie de la vie publique sans chercher à régir dans le moindre détail le comportement des responsables publics.
Comme lors des principales affaires qui éclaboussèrent les trois dernières républiques, l’inaction n’est pas une option, car ces questions sont au cœur du pacte républicain !
Les dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen forment un ensemble conçu pour servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence et de justice.
M. Francis Delattre. C’est de la démagogie !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est d’abord aux responsables publics, élus ou non, que justice sera rendue. En réglementant les liens qui unissent argent et politique, le projet de loi organique et le projet de loi sont destinés à lever la suspicion qui pèse sur ces responsables dans l’opinion publique.
Ensuite, la justice sera assurée pour nos concitoyens qui, mieux informés et garantis, pourront distinguer le vrai du faux sans le filtre du soupçon.
Lors de l’épreuve de philosophie du baccalauréat de cette année, de nombreux lycéens ont planché sur ce sujet : « Peut-on faire de la morale si l’on ne s’intéresse pas à la politique ? »
M. Pierre-Yves Collombat. Et surtout si l’on est immoral ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question qui nous est posée est d’une certaine manière inverse : peut-on faire de la politique sans s’intéresser à la morale ?
M. Gérard Longuet. Regardez Cahuzac ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Montesquieu, dans De l’Esprit des lois, écrivait très simplement que pour pouvoir fonctionner une démocratie a besoin de personnalités vertueuses.
M. Francis Delattre. Il vous reste beaucoup de travail !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je suis convaincu que la Haute Assemblée saura promouvoir et améliorer la cause de la vertu publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste).
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Raincourt. Place au prêchi-prêcha ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Il aura fort à faire pour nous convaincre !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transparence, le contrôle et le respect de la vie privée…
M. Gérard Longuet. Ça, c’est foutu !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … sont trois impératifs qui s’imposent à nous. De fait, c’est à nous, législateurs, qu’il revient de trouver, avec le Gouvernement, le meilleur dispositif pour concilier la nécessaire transparence, le contrôle qui s’impose et le respect de la vie privée auquel nous avons de bonnes raisons d’être fortement attachés.
M. Charles Revet. Il faut y être très attentif !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Jusque-là, je ne perçois pas de contradiction…
M. Jean-Claude Lenoir. Vous ne faites que commencer !
M. Henri de Raincourt. Mais ça va venir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Que le Gouvernement retire ses textes !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le ministre, le projet de loi organique et le projet de loi fixent les obligations de déclaration de l’ensemble des responsables publics : membres du Gouvernement, parlementaires nationaux et européens, responsables des exécutifs locaux au-delà d’une certaine taille pour les communes et les intercommunalités, membres des autorités administratives indépendantes et hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres, dirigeants d’entreprises publiques.
M. Charles Revet. Ça se fait depuis des années !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il s’agit de pouvoir vérifier l’évolution du patrimoine de ces responsables pendant le temps de leur mandat, s’ils sont élus, ou de leurs fonctions, s’ils sont fonctionnaires, et de montrer qu’il n’y a pas d’enrichissement inexpliqué.
Comme M. le ministre l’a fort bien rappelé, ces projets s’inscrivent dans une lignée de lois : la loi organique du 24 janvier 1972 modifiant la législation relative aux incompatibilités parlementaires a instauré la déclaration d’activités, puis les lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique la déclaration de patrimoine ; enfin, en 2011, sur l’initiative des assemblées parlementaires, tout particulièrement du Sénat, la déclaration d’intérêts a été créée.
M. Gérard Longuet. C’était le rapport Larché !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est dans cette évolution historique que viennent s’inscrire les deux textes que nous examinons aujourd’hui. (M. le ministre acquiesce.)
Je vous rappelle aussi que la commission des lois du Sénat a publié un rapport d’information rédigé par MM. Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Pierre Vial. Les conclusions de ce rapport, fruits d’un travail important, ont été approuvées par la commission. Elles m’ont servi de fil rouge dans mon travail.
De fait, dans les amendements que je présenterai, j’ai repris à mon compte un certain nombre des suggestions qui ont été avancées dans le cadre pluraliste ayant permis la rédaction de ce rapport.
Il s’agit, mes chers collègues, de la démarche d’élus, dont nous faisons partie, attachés à la République et à la transparence comme au contrôle et au respect de la vie privée.
M. Gérard Longuet. Nous sommes attachés au contrôle du Parlement par le Parlement, pas par des fonctionnaires !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Certes, mon cher collègue, le contrôle du Parlement par le Parlement et la séparation des pouvoirs sont de bonnes choses.
M. Gérard Longuet. C’est même le fondement de la République !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mais le contrôle doit pouvoir aller jusqu’à son terme.
M. Bruno Sido. Comme si les fonctionnaires étaient indépendants !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Or la justice est la première des instances indépendantes de notre pays, du moins voulons-nous le croire ! Il n’est jamais bon qu’une instance ne se réfère qu’à elle-même.
Qu’il me soit permis d’insister tout particulièrement sur certains points dont nous débattrons.
Je dirai un mot, d’abord, de la communication des déclarations de patrimoine, qui est un bon point. Le projet de loi prévoit dans le détail la manière dont elles seront rédigées. À cet égard, nous avons adopté un grand nombre d’amendements, et nous en adopterons peut-être d’autres ce soir.
Ces déclarations de patrimoine sont déposées au début et à la fin du mandat.
M. Jean-Michel Baylet. C’est déjà prévu par la loi !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Toute évolution significative, monsieur Baylet, doit être déclarée, et comme vous le soulignez à juste titre, un tel dispositif est déjà prévu par la loi. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. À quoi bon le répéter alors ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ce qui n’est pas encore prévu par la loi, en revanche, c’est la transparence.
Le projet du Gouvernement prévoyait, pour les parlementaires comme pour les ministres, la publicité des déclarations de patrimoine. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un dispositif selon lequel les déclarations sont faites auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui les transmet, après vérification.
Notre commission des lois a modifié les délais prévus, afin qu’il puisse effectivement y avoir vérification. Au demeurant, l’opération pourra se poursuivre après la transmission des déclarations en préfecture. Selon le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, ces dernières seront consultables par tout électeur.
Aux termes de l’alinéa 51 de l’article 1er du projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale, « le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale, des observations ou des appréciations » afférentes se traduit par une sanction qui peut aller jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amendes. Notre commission a adopté un amendement visant à supprimer cet alinéa. Pourquoi ?
M. Bruno Sido. Oui, pourquoi ?
M. Gérard Longuet. Parce que l’honneur d’un parlementaire, cela n’a pas d’importance !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Absolument pas, monsieur Longuet ! L’honneur d’un parlementaire a au contraire beaucoup d’importance. Simplement, la commission des lois a très majoritairement estimé qu’il n’y avait pas grand sens à sanctionner d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende quiconque aura communiqué une information universellement consultable.
M. Henri de Raincourt. Donc, il faut la communiquer à tout le monde !
M. Bruno Sido. Et la publier dans un journal !
M. Henri de Raincourt. Ça ne tient pas la route !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Si tout électeur peut consulter à la préfecture une déclaration,…
M. Bruno Sido. Oui, et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … il n’y a pas de fondement à en sanctionner la communication.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que tous les sites internet ne sont pas soumis à la loi française ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland du Luart. Et voilà !
M. Bruno Sido. C’est la mondialisation !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Si l’un d’entre vous connaît un dispositif susceptible de remédier à cet état de fait, qu’il nous en fasse part !
De plus, les journalistes pourront invoquer le secret de leurs sources pour diffuser une information à laquelle, de toute façon, chacun aura largement accès.
M. Henri de Raincourt. C’est comique !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Voilà pourquoi nous n’avons pas retenu l’alinéa 51. En revanche, nous avons adopté, sur ma proposition, un amendement visant à sanctionner fortement la publication de déclarations mensongères ou avec intention délibérée de nuire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mézard. Jésuite !
M. Bruno Sido. Les sanctions existent déjà !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, êtes-vous donc favorables à ce que des divulgations fausses soient publiées et non sanctionnées ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Lenoir. Quelle naïveté !
M. Jean-Michel Baylet. Démonstration est faite des difficultés de ce texte...
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Vous ferez vos propositions, dont j’ai déjà eu connaissance ; mais je n’ai pas relevé un grand nombre d’alternatives !
La première possibilité, on en a parlé encore ce matin, c’est le texte initial du Gouvernement, à savoir la communication des déclarations par le Journal officiel.
La seconde possibilité, c’est le dispositif imaginé par l’Assemblée nationale. Dans ce cas, la sanction prévue par nos collègues nous paraît totalement disproportionnée et impraticable. Dans les faits, elle ne serait jamais ou rarement infligée.
Le texte prévoit également des sanctions fortes, mais justifiées, à l’égard des parlementaires qui omettraient de faire ces déclarations ou qui feraient de fausses déclarations. Sur ce point, il n’y a pas de désaccord.
M. Éric Doligé. Et les ministres ?
M. Bruno Sido. Et les hauts fonctionnaires ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Le cas des ministres est prévu par le texte, monsieur Doligé.
La commission des lois s’est opposée à une inéligibilité perpétuelle, considérant que cette sanction était contraire à l’esprit de nos institutions.
M. Bruno Sido. Dix ans, cela suffit ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Chacun a le droit de s’amender quelques décennies plus tard et de devenir meilleur.
M. Bruno Sido. On a le droit de devenir meilleur, disait Victor Hugo !
M. Henri de Raincourt. On va tous aller se confesser !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ces dispositifs s’appliquent aux parlementaires, aux maires des communes d’une certaine importance, ainsi qu’aux présidents d’une intercommunalité. Le texte prévoyait un seuil de 30 000 habitants, que nous avons conservé. Ainsi, le nombre total de personnes assujetties à ce dispositif serait de l’ordre de 7 000.
La commission a également pris en compte, monsieur Baylet, la nécessité de préserver la vie privée,…
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … au regard des indivisions en cas de communauté de biens. Elle a aussi soutenu ou précisé un certain nombre de mesures relatives à la discrétion à l’égard des conjoints, des membres de la famille et des proches.
Pour ce qui est des collaborateurs parlementaires, nous avons prévu la déclaration de tous les autres emplois exercés concomitamment afin de prévenir les conflits d’intérêts.
Dans le texte qui nous a été transmis, le conflit d’intérêts est défini comme une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics et privés. Notre commission a modifié sur trois points cette définition.
Premièrement, elle en a restreint le champ, le limitant à toute interférence entre des intérêts publics et des intérêts privés. Il est en effet facile de voir, ne serait-ce qu’en assistant aux séances du Parlement, que divers intérêts publics entrent souvent en ligne de compte. Par exemple, beaucoup d’entre nous, le mardi matin, défendent les intérêts de telle ou telle collectivité locale.
M. Gérard Longuet. Évidemment, nous sommes élus pour ça !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Deuxièmement, la commission a modifié la partie de l’article 2 du projet de loi indiquant que le conflit d’intérêts est « de nature à compromettre ou à paraître compromettre l’exercice des fonctions ». Nous avons supprimé le verbe « paraître ». N’ayant pas encore réussi à percevoir toutes les subtilités de la théorie des apparences, nous avons préféré nous en tenir aux faits.
Troisièmement, le texte du Gouvernement tendait à préciser que les personnes exercent leurs fonctions « avec dignité, probité et impartialité ».
M. Gérard Longuet. Par définition, nous avons tous un parti pris ! Sinon, nous ne serions pas parlementaires !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Justement, monsieur Longuet. C’est pourquoi la commission a décidé de supprimer le mot « impartialité ». Car je ne connais pas de ministre ni de parlementaire impartiaux : nous défendons tous, animés par nos convictions, les causes qui nous tiennent à cœur. La commission a retenu l’expression « dignité, probité et intégrité ». (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C’est grotesque !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Qu’y-a-t-il de risible ? Cette rédaction est meilleure dans la mesure où nous sommes tous nécessairement engagés.
S’agissant de l’obligation de déport, nous avons modifié le texte du Gouvernement, car nous considérons que le déport n’est possible ni pour le Premier ministre, qui, comme vous le savez, contresigne, en vertu de la Constitution, la majorité des actes du Président de la République, ni pour les ministres, qui contresignent, dans le champ de leur compétence, nombre d’actes du Premier ministre, en particulier ceux dont ils doivent assurer l’exécution.
Pour ce qui est des incompatibilités, nous avons suivi l’Assemblée nationale. S’agissant de l’incompatibilité avec la fonction de conseil et de l’interdiction de commencer une activité nouvelle durant le mandat, nous avons introduit certaines propositions du rapport que j’ai cité tout à l’heure, relatives en particulier à l’incompatibilité d’un mandat parlementaire avec la direction d’un syndicat professionnel ou la présidence d’une autorité administrative indépendante.
Toujours en vertu des propositions figurant dans ce rapport, nous avons retenu une incompatibilité avec la direction des sociétés mères qui travaillent pour l’État.
Nous avons aussi précisé que les fonctionnaires devenus parlementaires devront désormais être en position de disponibilité et non de détachement.
M. Bruno Sido. Ils devraient démissionner !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Enfin, nous avons prévu qu’il serait impossible à un parlementaire de percevoir une rémunération pour siéger dans des instances au sein desquelles il représente l’assemblée à laquelle il appartient.
M. Bruno Sido. C’est normal !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous avons aussi précisé les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Conseil constitutionnel, tout en adoptant ce matin un amendement aux termes duquel ces derniers peuvent continuer à exercer certaines fonctions ou certains travaux d’ordre scientifique, juridique, intellectuel ou culturel.
S'agissant de la réserve parlementaire – sujet que chacun connaît ici –, certains voudraient la supprimer.
M. Éric Doligé. Oui, il faut la supprimer !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission a été saisie sur ce point de plusieurs amendements qu'elle examinera ce soir.
Certains d’entre eux visent à rendre publique l'affectation des dotations financières consenties dans le cadre de la réserve parlementaire – appellation indue, d’ailleurs –, laquelle, comme chacun sait, est inscrite dans les crédits du ministère de l'intérieur et dont les parlementaires proposent l'attribution à des communes, à des collectivités locales ou à des associations.
S'agissant de la question des lanceurs d'alerte,…
M. Henri de Raincourt. Les délateurs !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … il vous est proposé de supprimer les articles y afférents, pour la simple raison que des dispositions semblables figurent dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, que nous examinerons dans quelques jours. Il nous a paru inutile d'engager deux fois le même débat à deux semaines d'intervalle.
M. Henri de Raincourt. Quel bon sens… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. S'agissant de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, nous avons adopté un certain nombre d'amendements visant à conforter son indépendance et à élargir sa composition.
Ainsi, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désigneraient désormais chacun non plus une, mais deux personnalités qualifiées pour siéger au sein de cette instance, et ce après avis conforme des commissions parlementaires compétentes rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Nous avons également considéré que la Haute Autorité devait disposer de plus de temps pour contrôler les patrimoines. En particulier, elle doit pouvoir saisir les services fiscaux qui devront lui fournir les informations nécessaires plus rapidement qu’ils ne le font aujourd’hui. De la sorte, elle pourra en trois mois procéder aux contrôles prévus par le projet de loi, étant entendu que, dès lors que les déclarations de patrimoine auront été adressées aux préfectures, elle continuera d’exercer cette mission de contrôle.
Enfin, la commission a adopté un certain nombre de dispositions relatives au financement de la vie politique. Ainsi, elle a plafonné les dons susceptibles d’être versés par une même personne physique à un ou plusieurs partis politiques, de même qu’elle a limité la possibilité pour les parlementaires de se rattacher à des micropartis ou à des structures considérées comme telles. Sont visés en particulier les micropartis basés dans des collectivités d'outre-mer, qui, d'une certaine façon, permettent de contourner la loi à des fins de commodité.
Mes chers collègues, telles sont les principales modifications à ce texte que vous propose la commission des lois. Nous avons été guidés par le souci…
M. Gérard Longuet. De cacher l’affaire Cahuzac !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … de parvenir au meilleur équilibre possible entre la transparence, le contrôle et le respect de la vie privée. Nous avons souhaité ne pas adopter de dispositifs impraticables, autrement dit nous avons veillé à écarter toute mesure irréaliste.
Lorsque la loi est violée, lorsqu’elle n’est pas respectée ou bien en cas d’exploitation mensongère des déclarations faites par les élus, nous avons souhaité que de vraies sanctions s’appliquent.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que ce type de loi fut de tout temps un combat.
Je me souviens, soit en tant que parlementaire soit en tant que membre du gouvernement, que les lois de moralisation du financement des campagnes électorales ou des partis politiques,…
M. Henri de Raincourt. On voit le résultat !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … qu’elles aient été présentées par Michel Rocard ou par Alain Juppé, avaient été vivement combattues. Nombreuses avaient été les déclarations selon lesquelles une telle entreprise n’était ni sérieuse ni réaliste, et qu’il ne fallait pas s’engager sur ce chemin.
De même, quand ont été instaurées l'indemnité parlementaire ou les indemnités des élus, il s’était trouvé de bons esprits pour considérer que ces fonctions devaient être exercées gratuitement et qu'il ne fallait pas parler de ce sujet. (MM. Henri de Raincourt et Bruno Sido s’exclament.)
Chaque fois que l'on aborde les questions relatives aux rapports entre l'argent et la politique, on trouve toujours de bons esprits pour nous expliquer que ce n’est pas le moment, que le problème ne se pose pas et que tout va bien.
Mes chers collègues, vous savez très bien que tout ne va pas bien.
M. Bruno Sido. Cahuzac !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre l'actualité de ces derniers jours, de ces dernières semaines et de ces derniers mois.
Nous n'acceptons pas que certains puissent prétendre qu’il n'y a rien à faire. Aucun d'entre vous, vous le savez bien, ne peut défendre aujourd'hui un quelconque statu quo.
Pour ma part, je salue l’initiative prise par le Président Hollande de présenter cette grande loi de transparence de la vie politique. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Qu’il fasse une déclaration patrimoniale et paie ses impôts !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Certes, comme l’a dit notre collègue Pierre-Yves Collombat, citant Malebranche, cette grande loi s’explique bien par une « cause occasionnelle ». Mais elle mérite d’être soutenue, même si le texte doit être amélioré ou précisé.
Quoi qu’il en soit, à chaque loi de moralisation, des réticences se sont exprimées, puis chacun a fini par reconnaître que ces lois étaient justifiées, nécessaires, et personne n'est revenu sur ces textes.
Je vous invite à saisir l'occasion qui nous est offerte de contribuer – même s’il faudra bien d’autres apports – à réconcilier les Français avec la politique.
M. Henri de Raincourt. Cette loi ne sert à rien !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur de Raincourt, je ne partage pas votre défaitisme. La vérité rend libre !
M. Gérard Longuet. Vous voulez surtout enterrer l’affaire Cahuzac !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La transparence, le contrôle et le respect de la vie privée seront des garanties pour la démocratie. On sert toujours la République lorsque l'on écrit des lois qui réconcilient les citoyens avec la chose publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Henri de Raincourt. Ce sera l’inverse !
M. Bruno Sido. Saint-Sueur !
M. Gérard Longuet. Transparence à Singapour !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner ces textes, disons-le, c'est que nous sommes victimes de M. Cahuzac ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Françoise Férat. Très bien !
M. Jean Louis Masson. On met dans le même sac M. Cahuzac et les parlementaires honnêtes !
Le Président Hollande aurait mieux fait de régler le problème de son ancien ministre plutôt que d'embêter les parlementaires en les obligeant à exposer leur vie privée dans tous les domaines ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Dans un premier temps, j'ai hésité à m'abstenir sur ces textes. Mais notre assemblée, sur un point précis, pour faire plaisir à M. Hollande, a adopté une position qui me scandalise et qui me conduira finalement à voter résolument contre ce projet de loi : je veux parler de la possibilité de publicité du patrimoine personnel des parlementaires.
Cette atteinte à la vie privée est tellement révoltante que la majorité socialiste de l'Assemblée nationale avait fait un pas en arrière. Mais, au Sénat, certains en rajoutent toujours une couche pour bien se faire voir du Président de la République.
M. Bruno Sido. Saint-Sueur ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Louis Masson. En l’occurrence, ils en ont rajouté une bonne couche, en affirmant n’importe quoi !
Nous dire que l'on ne peut pas à la fois autoriser la consultation des déclarations de patrimoine et empêcher leur publication dans la presse ou sur internet est un énorme mensonge ! Actuellement, nos concitoyens, y compris nos adversaires politiques, peuvent aller consulter nos déclarations d’impôt sur le revenu ou d’impôt de solidarité sur la fortune.
M. Henri de Raincourt. Exactement !
M. Jean Louis Masson. Mais leur publicité étant sanctionnée par la loi, pas un ne s’est jusqu’à présent permis de passer outre l’interdiction de publication !
Prétendre que ce système, qui fonctionne très bien pour les déclarations d'impôt sur le revenu ou sur la fortune, ne serait pas valable pour les parlementaires, c’est incompréhensible. Ou bien je suis complètement incohérent et je ne comprends rien à rien, ou bien ceux qui affirment cela ne sont pas de bonne foi !
Cette proposition n’a d’autre but que de faire diversion et de faire plaisir à une presse malsaine et démagogique, qui, pour vendre du papier, confond caractère public d'un document et publicité tous azimuts. Ce n'est pas en exhibant la vie privée des parlementaires dans les journaux ou ailleurs…
M. Bruno Sido. En les traînant dans la boue !
M. Jean Louis Masson. … que l’on ira vers plus de transparence dans la vie publique et que l’on empêchera les gens d'être malhonnêtes.
Par exemple, s’agissant de M. Cahuzac, personne n'aurait su à la lecture de sa déclaration d’impôt qu'il avait planqué de l'argent en Suisse, pour la simple raison que ces avoirs n’y auraient pas été mentionnés !
M. Gérard Longuet. Élémentaire, mon cher Watson !
M. Jean Louis Masson. Publier dans un journal la situation détaillée du patrimoine familial des parlementaires et exhiber leur vie privée est une honte. C'est d'autant plus scandaleux que, contrairement à ce qu’on a affirmé, cela n’entraînerait aucun progrès dans la moralisation de la vie publique.
M. Henri de Raincourt. Que dalle !
M. Jean Louis Masson. Celui qui est corrompu et qui touche des pots-de-vin ne le mentionnera pas dans sa déclaration ! De fait, ce n'est pas en rendant publique celle-ci qu'on réglera le problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, j'interviendrai sur bien d’autres points durant les débats. Mais je tiens d’ores et déjà à vous dire que je suis radicalement contre ces projets de loi, qui portent atteinte à la démocratie !
J’espère qu’au moins un parti aura le courage de saisir le Conseil constitutionnel. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l’a souligné M. Masson, la raison qui nous amène à discuter aujourd’hui des projets de loi visant prétendument à introduire plus de transparence dans la vie publique, c’est l’affaire Cahuzac !
M. Roland Courteau. On l’aura compris !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien cela qui motive depuis plusieurs mois la grande farce dans laquelle aimerait nous entraîner le Gouvernement, après s’être lui-même tourné en ridicule.
Ainsi, après avoir fait le grand déballage du patrimoine des membres du Gouvernement, ce qui provoqua les spéculations les plus folles, les moqueries les plus viles et les classements les plus loufoques, il faudrait que les parlementaires et les élus locaux, qu’on avait un peu oubliés, en fassent autant !
J’ouvre une parenthèse et remarque au passage que, depuis plusieurs mois déjà, le Président de la République fait exactement ce qu’il reprochait à son prédécesseur : un fait, une loi ; un événement, une mesure !
Mme Éliane Assassi. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Jean-Jacques Hyest. Aux échecs, je vous prie de me croire, cette asymétrie s’appelle « la défense hollandaise ». C’est l’ouverture version socialiste ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Faut-il alors, comme sur bien d’autres sujets, reléguer au passé l’engagement de François Hollande qui, avec beaucoup de simplicité, nous disait : « moi, Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps, je ne m’occuperai pas de tout » ?
Pour ma part, j’entends déjà les Français lui répondre gentiment : « Des mots faciles, des mots fragiles, c’était trop beau. » (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Ainsi, disais-je, il faut bien comprendre que la philosophie du texte, c’est tenter de faire rejaillir la faute d’un homme sur l’ensemble de la classe politique, notamment les parlementaires. Sauf que cela ne s’appelle pas « prendre de la hauteur de vue », cela s’appelle « prendre la fuite » ou échapper à ses responsabilités.
M. Henri de Raincourt. C’est dégueulasse !
M. Jean-Jacques Hyest. Beaucoup de choses ont été dites sur l’affaire Cahuzac, parfois avec précision, parfois avec hésitation, parfois en vérité, et sans doute d’autres fois dans le mensonge.
Un certain nombre de questions doivent aujourd’hui trouver des réponses. Des auditions ont lieu actuellement à l’Assemblée nationale. Comme j’ai confiance en la justice, je crois que l’instruction judiciaire fera toute la lumière sur ce scandale politique.
Néanmoins, il est des faits incontestables. Je veux parler de la faute morale et du cynisme de M. Cahuzac qui, en connaissance de cause, disait vouloir prendre les mesures nécessaires « pour faire en sorte que ceux qui abusent des lois et conventions existantes pour s’exonérer de leur juste contribution à l’effort national ne soient plus en mesure de le faire ». Je veux parler également de l’erreur, aussi involontaire soit-elle, qui a conduit le Président de la République à se tromper à ce point sur l’un des piliers de son gouvernement.
Cette dernière erreur est pardonnable. Peut-on tout connaître d’un homme ? En revanche, ce qui l’est moins, c’est l’utilisation qui est faite d’une affaire néfaste pour toute la République.
M. Marcel-Pierre Cléach. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce qui l’est moins c’est de réveiller, que vous le vouliez ou non, l’antiparlementarisme primaire fondé sur le postulat selon lequel tous les élus seraient corruptibles.
Pourtant, les chiffres parlent pour nous : les affaires sont rares et, comme le dit le proverbe, un arbre qui tombe fait toujours plus de bruit qu’une forêt qui germe !
Le rapport de la commission des lois que vous avez cité abondamment, monsieur le rapporteur, tout comme vous, monsieur le ministre, rappelait que 51 condamnations avaient été prononcées en 2006 et 49 en 2007.
M. Gérard Longuet. Pour prise illégale d’intérêt !
M. Jean-Jacques Hyest. Ou corruption ! Mais ces affaires ne concernaient, dans les deux cas, qu’une dizaine d’élus sur un total de responsables certainement supérieur aux 7 000 visés par la loi, et plus proche des 40 000, les maires de petits villages pouvant être concernés.
C’est pourquoi je regrette parfois que certains jeunes élus, sans doute pleins d’enthousiasme, adoptent une attitude qui, en d’autres temps, a porté un coup fatal à la République.
M. Henri de Raincourt. Ah là là !
M. Jean-Jacques Hyest. Que chacun veuille renforcer la transparence, cela va de soi pour la majorité des parlementaires et personne ne s’y opposera ; mais à ceux qui se sont fait embobiner, je dis qu’il faut avoir l’art et la manière pour se montrer digne des fonctions que le suffrage a bien voulu leur confier.
Les émoluments que chacun, depuis « l’appel des dix », nomme des privilèges, et qui permettent en réalité de subventionner des activités d’intérêt général, ne sont pas décernés intuitu personae. Ils ne sont pas dévolus à M. Le Maire, à M. Wauquiez, à M. Darmanin ou à d’autres, ils le sont à l’ensemble des parlementaires de la République. On peut discuter de la réserve parlementaire, mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin !
Faire croire ainsi aux Français que nous sommes des citoyens privilégiés et jouer le jeu des politiciens cyniques, c’est en somme jouer contre la République !
Nous n’avons pas attendu l’affaire Cahuzac pour nous intéresser à la question de la transparence.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. J’ai aussi participé, monsieur le rapporteur, à l’élaboration de toutes les législations depuis celle de 1988.
C’est pourquoi le Gouvernement et votre majorité n’ont pas manqué de supports pour travailler, puisqu’un certain nombre de documents de travail avaient été commandés à ce sujet.
Je pense au rapport Sauvé, élément important, même si les définitions qu’il mettait en avant de la transparence et du conflit d’intérêts étaient un peu compliquées pour nous.
Je pense au rapport d’information de l’Assemblée nationale résultant des travaux d’un groupe de travail sur la prévention des conflits d’intérêts, constitué le 6 octobre 2010 ; après une série d’auditions publiques, celui-ci avait remis ses propositions au bureau de l’Assemblée nationale le 6 avril 2011.
Enfin, je n’ai pas besoin de rappeler que la commission des lois du Sénat avait rendu un rapport d’information afin de prévenir les conflits d’intérêts relatifs aux parlementaires. Ce rapport ambitieux a été salué et faisait consensus. Il aurait mérité – la commission des lois a tenté de le faire – que le débat soit rouvert dans ce sens par la nouvelle majorité.
Force est de constater que cette large réflexion a permis, lors de la précédente législature, de grandes avancées dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les déclarations auxquelles nous sommes déjà, aujourd’hui, soumis.
Malheureusement, le Gouvernement a souhaité agir dans la précipitation. La consultation des professionnels des branches d’activité concernées, qui pour la plupart sont favorables à l’encadrement interne de leurs activités au travers de codes de déontologie, aurait pourtant permis de conjuguer nos efforts pour aboutir à un dispositif plus efficace, plus large et plus respectueux des libertés individuelles. Je pense, notamment, à la profession d’avocat qui dispose d’un code de déontologie très élaboré.
Je regrette également que le Gouvernement recoure à la procédure accélérée. Franchement, pour un texte d’une telle complexité, c’est une aberration…
M. Charles Revet. C’est étonnant !
M. Jean-Jacques Hyest. Cette procédure n’offre pas, tout le monde en convient, l’exhaustivité nécessaire à l’étude d’un sujet aussi technique que celui-ci. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous nous faites travailler dans des conditions invraisemblables.
M. Éric Doligé. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Je reviendrai sur les points particuliers qui me paraissent fragiles, mais je relève d’ores et déjà qu’un certain nombre de questions restent sans réponse après l’examen des textes à l’Assemblée nationale. Rien ne permet aujourd’hui de dire que nous en obtiendrons davantage lors de leur examen au Sénat.
Si ces textes me paraissent confus, c’est qu’ils sont nés dans la confusion ! Or ce n’est pas en nous les faisant avaler pièce par pièce qu’ils nous paraîtront plus digestes !
Fidèle à son habitude, le Gouvernement préfère aborder tous les sujets sensibles de manière distincte, comme si le plus dur était de faire passer la première part du gâteau.
On l’a vu à l’occasion du débat sur le mariage pour tous où un certain nombre de points ont été laissés de côté pour plus tard !
La réforme sur la moralisation de la vie publique repose sur quatre textes : un texte de loi organique et un texte de loi ordinaire, présentés aujourd’hui, un texte de loi relatif à la fraude fiscale et, enfin, cerise sur le gâteau, son avatar, le texte relatif au procureur de la République financier.
Quoi qu’il en soit, pour rationaliser autant que possible un débat trop passionnel, il convient de rappeler un certain nombre de choses.
Tout d’abord, le conflit d’intérêts n’est pas propre à la sphère publique.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest. Il est plutôt propre à la vie des individus dès lors qu’ils exercent une activité susceptible de faire naître un intérêt collectif. La notion de conflit d’intérêts ne devrait donc pas être confinée à la sphère publique, car nous parlons non pas de criminalité ni de délinquance, mais bien de déontologie ! On a toujours tendance à confondre les deux !
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il existe dans notre droit des dispositifs de prévention – l’encadrement du financement des partis politiques et des campagnes électorales, les obligations déclaratives et les dispositions réglementaires propres aux assemblées –, mais également des dispositifs répressifs : la prise illégale d’intérêt, la corruption active ou passive sont poursuivies et font l’objet de condamnations.
Cependant, sauf à changer le code pénal, un conflit d’intérêts n’est pas un délit.
Plusieurs de mes collègues reviendront sur ces points plus en détail aux cours des débats, mais convenons dès à présent que la réglementation a ses limites et que tous les contournements restent envisageables. C’est d’ailleurs pourquoi cette loi n’aurait pas permis d’éviter l’affaire Cahuzac. Il est utile de le dire ici !
De plus, il faut bien comprendre qu’une prévention excessive est susceptible de nuire aux libertés individuelles de chacun et d’avoir un effet contre-productif. La prévention outrancière se fait au détriment des libertés publiques et la mise en œuvre de ce principe induit une logique selon laquelle nous sommes tous des délinquants potentiels. Il en va autrement de la répression, trop souvent stigmatisée.
Vous partez du principe selon lequel tous les parlementaires sont sujets à la corruption. En procédant de la sorte, vous renforcez l’idée populiste selon laquelle « les élus sont tous pourris ».
M. Jacques Mézard. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons toujours souhaité échapper à ce lieu commun néfaste pour la démocratie.
Permettez-moi de citer le rapport d’information de la commission des lois du Sénat, qui était clairvoyant à ce sujet : « […] il a semblé essentiel à vos co-rapporteurs de trouver des mécanismes qui, tout en permettant de prévenir effectivement les conflits d’intérêts et tout en concourant à l’apparition de la nouvelle culture de la déontologie qu’ils appellent de leurs vœux, ne transforment pas les acteurs publics en suspects permanents qui seraient tenus à une transparence totale. Le contrôle de la probité des membres du Parlement, qui est indispensable et qui sera à terme un gage d’approfondissement de la démocratie, ne doit pas basculer dans un voyeurisme qui serait à l’inverse un facteur d’affaiblissement de la dignité et de la légitimité des représentants du peuple. »
Tous nos collègues étaient d’accord sur cette définition. Tenons-nous-y !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Ne modifions pas toujours tout au gré des affaires !
Pourquoi, d’ailleurs, ne devrait-on viser que les élus ? Pourquoi ne pas élargir la réforme de la lutte contre le conflit d’intérêts à tous les magistrats de la Cour des comptes, à tous les représentants du Conseil d’État, à tous les inspecteurs des finances et à tous les grands corps de l’État français ?
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. On pourrait également envisager de l’étendre aux magistrats de l’ordre judiciaire.
Je signale qu’aucun critère d’objectif ne laisse à penser qu’un haut fonctionnaire serait moins corruptible qu’un homme politique, d’autant que le premier a souvent plus de pouvoir que le second !
M. Gérard Longuet. Évidemment !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour en revenir concrètement aux textes, je dirai qu’ils sont contraires à nos principes constitutionnels et républicains.
Ces textes portent atteinte à la liberté de chacun d’exercer une activité. On ne peut pas interdire les activités annexes, sauf à vouloir qu’il n’y ait plus que des parlementaires hors sol, qui dépendraient uniquement de leur mandat et de leur parti.
M. Marcel-Pierre Cléach. Des apparatchiks !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vois bien ce que serait le Parlement dans quelques années !
M. Alain Gournac. Les parlementaires seraient envoyés par le parti !
M. Jean-Jacques Hyest. De même, ces textes portent atteinte au principe d’égalité entre les candidats.
M. Patrice Gélard. Évidemment !
M. Jean-Jacques Hyest. Ainsi, lors des élections législatives, un candidat sortant, soumis aux obligations de la loi sur le patrimoine, sur les intérêts, sera traité différemment des autres candidats dont le patrimoine et les intérêts ne seront pas encore déclarés.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. On nous raconte tout un tas de fariboles sur l’interdiction de diffuser l’information, mais je crains bien que le tout ne se retrouve sur la place publique !
Faut-il s’arrêter là ? Je ne crois pas. Il faut encore dire que, par les principes qu’ils mettent en avant, les projets de loi qui nous sont proposés sont contraires à la démocratie. Ils portent atteinte aux droits et libertés fondamentales qui doivent normalement être garantis aux citoyens, car les parlementaires sont aussi des citoyens !
Il en est ainsi du principe de légalité des délits : les textes tendent à prévoir que puisse être puni le fait de ne pas déclarer « une part substantielle » ou de ne pas indiquer « une modification substantielle » de son patrimoine. Or rien n’est établi clairement quant à ces notions qui restent floues. Par ailleurs, l’élément intentionnel n’est pas pris en compte, alors que notre code pénal tend à le prévoir, sauf exception, pour engager la responsabilité des personnes soumises à l’obligation de déclaration.
Il en va de même pour le droit au respect de la vie privée : les hommes politiques ne sont pas seuls ; nous ne sommes pas des moines-soldats ; nous avons une famille qu’il faut respecter.
Toutes ces atteintes commencent à faire beaucoup ! En fin de compte, elles mettront en cause la personne au-delà de l’élu !
Il convient donc d’être extrêmement vigilant et de rejeter ces mesures, comme l’avait fait d’ailleurs à une époque la commission des lois. N’avait-elle pas alors tiré la sonnette d’alarme ?
En outre, ces textes portent atteinte au principe d’égalité devant la justice : avec une grande naïveté, les auteurs de ces projets ont prévu de réprimer les dénonciations calomnieuses ou simples divulgations publiques. Toutefois, l’accès aux informations d’intérêt et patrimoniales est parfaitement anonymisé, ce qui ne permettra pas la poursuite effective des personnes malintentionnées.
La commission des lois a donc essayé de trouver une solution, mais il est certain qu’il y aura des divulgations et on ne réprimera pas !
M. Gérard Longuet. Comme pour le secret de l’instruction !
M. Jean-Jacques Hyest. À partir du moment où il y a publication, ce sera trop tard. Si, en plus, on demande à la justice de s’en mêler, je crains que cela n’aille dans le sens de la publication intégrale !
Je passe sur le principe de confiance avec l’administration fiscale. Comme nous devrons envoyer toutes nos déclarations, des confrontations seront systématiquement faites et nous serons contraints, comme, hélas ! les chefs d’entreprise, à dialoguer sans fin avec l’administration fiscale.
Enfin, n’oublions pas le principe de séparation des pouvoirs : le fait que la Haute autorité de la transparence de la vie publique puisse, contrairement à la commission actuelle, recueillir les déclarations d’intérêts des parlementaires me paraît absolument contraire à tout principe de séparation des pouvoirs.
M. Gérard Longuet. C’est la mort de la déontologie !
M. Jean-Jacques Hyest. On ne peut pas accepter cela !
Dans toutes les assemblées parlementaires du monde – nous avons vérifié aux États-Unis, en Allemagne et ailleurs -, les problèmes de déontologie, donc de conflits d’intérêts, sont traités par des structures internes, jamais par une autorité extérieure. Pour cette raison, nous ne pouvons approuver ces projets de loi. (Bien sûr ! sur les travées de l'UMP.)
Nous aurions pu mettre en avant les alternatives proposées par la commission des lois.
De surcroît, pourquoi ne pas contrôler la probité des membres de la Haute autorité ? Ne devraient-ils pas également faire une déclaration ? Quand je suis jugé – même si c’est par une Haute autorité indépendante et non par une juridiction – je veux savoir par qui je suis jugé !
De toute façon, je n’aime pas beaucoup entendre parler de moralisation. J’entends la morale, j’entends aussi la vertu, chère à Montesquieu, cité par M. le ministre tout à l’heure, mais pas la moralisation !
M. Gérard Longuet. C’est pour les dames patronnesses ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. La moralisation, c’est l’égocentrisme dans toute sa splendeur ! Comme l’homme ne peut être qu’homme, c’est – passez-moi l’expression – l’hôpital qui se moque de la charité !
Malheureusement, c’est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Le Gouvernement, qui a confié à Jérôme Cahuzac la tâche de lutter contre la fraude fiscale, va nous apprendre comment on peut gagner en transparence et le Président de la République, ancien élève de la promotion Voltaire de l’École nationale d’administration – Voltaire, attaché aux libertés comme peu le sont encore aujourd’hui ! –, va nous expliquer comment lutter contre les conflits d’intérêts ! Faisons preuve d’un peu d’humilité, l’objectif de moralisation de la vie publique, tel qu’il nous est présenté, n’est qu’un rideau de fumée !
Pourquoi ne pas avoir fait le choix de mettre en place une organisation interne aux assemblées, déjà dotées d’un règlement intérieur qui, jusque-là, a fait ses preuves ? Nous avons, j’imagine, les moyens d’encadrer par nous-mêmes les conflits d’intérêts et les principes déontologiques, comme nous l’avons toujours fait, et comme le font beaucoup d’autres institutions et organisations collectives.
Il faudrait faire tout cela parce que la majorité d’entre nous – la quasi-totalité même, je l’espère ! – est déterminée à lutter efficacement contre la corruption, parce que nous avons perdu, injustement, un peu de la confiance des électeurs et parce que certains d’entre nous n’échapperont peut-être pas à quelques sanctions électorales qui ne profiteront qu’aux extrêmes.
Croyez-vous vraiment que nous pourrions être assez fous pour ne pas nous rendre compte que, lorsque l’un des nôtres est mis en cause, nous sommes tous soumis à la défiance de nos concitoyens ? Pour autant, faut-il vraiment céder à une inclination trop souvent observée, consistant en une repentance perpétuelle qui nous conduit à douter d’une probité que personne d’autre que nous n’oserait remettre en question ? On se repent pour les autres, et il faudrait encore se repentir pour des actes que l’on n’a pas commis, comme un enfant inventerait des bêtises pour se punir d’avoir été trop sage !
La question de la confiance des citoyens envers les élus est éminemment importante. Elle se posait avant, et elle se posera malheureusement encore après l’adoption de ces textes qui ne prennent pas toute la mesure de la situation.
J’entends dire, il est vrai, que le Président de la République tente de sauvegarder les apparences, mais ne nous y trompons pas ! Il faut cesser de prendre les citoyens pour des benêts, il faut cesser de croire que l’on remontera dans les sondages par quelques petits calculs politiques qui sont décryptés le lendemain dans tous les journaux et sur tous les plateaux de télévision : je le sais, beaucoup d’entre vous le savent et je ne doute pas un seul instant que François Hollande ne le sache également !
Ainsi, j’affirme que ce texte ne doit pas être voté. Malheureusement, c’est avec beaucoup de lucidité que j’aborde ce débat. Je connais bien l’opinion de la majorité des élus sur ce texte, mais je ne minimise pas la rigueur trop rigide de la discipline partisane ! Je n’aurai pas la candeur d’imaginer que le Gouvernement n’arrivera pas, par une manœuvre ou par une autre, à faire adopter ces projets de loi !
Au cours des débats, nous serons une force de proposition pour faire en sorte que ce texte respecte les droits et les libertés de chacun, ne fragilise pas l’indépendance et l’autonomie financière des parlementaires et inverse la tendance d’opinion des citoyens envers leurs élus.
Quoi qu’il arrive, j’espère que les membres du Gouvernement qui défendent ces projets de loi auront la sagesse de prévoir qu’ils ne s’appliqueront pas aux mandats en cours. Je sais, en effet, pour en avoir parlé avec mes collègues, que beaucoup d’entre eux se font un point d’honneur de protéger leur vie privée – je ne parle pas des parlementaires, mais des élus locaux ! – et qu’ils n’auraient donc pas, pour cette raison, accepté de faire étalage d’informations aussi personnelles lorsqu’ils se sont portés candidats.
Monsieur le ministre, votre majorité nous reprochait, ou plutôt reprochait au président Sarkozy son « agitation ». Je constate néanmoins qu’il y a plus d’action dans le mouvement que dans la parole. Vous parlez plus que vous n’agissez, sur la transparence de la vie publique comme sur beaucoup d’autres sujets ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons aujourd’hui visent à assurer la transparence et le contrôle des patrimoines des responsables publics. Ils se veulent un élément de réponse aux aveux de l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac, sur ses comptes bancaires détenus à l’étranger.
Pour autant, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, cette question n’est pas nouvelle. Certes, beaucoup trop d’affaires ont terni la réputation et la confiance du peuple envers le monde politique. Ces affaires sont aujourd’hui autant de fractures entre élus et citoyens, et elles nourrissent un réel désenchantement populaire à l’égard de la politique et de la chose publique.
Ainsi, à chaque affaire, sans remonter à 1971 et encore moins à 1793,…
M. Gérard Longuet. Parlons de Panama !
Mme Éliane Assassi. … le besoin s’est fait sentir de renforcer la moralisation de la vie publique. À ce titre, on peut citer les affaires liées au financement des partis politiques et des campagnes électorales au cours des années quatre-vingt, qui ont conduit à l’adoption d’une première loi en 1988, sous le gouvernement de Jacques Chirac, avant qu’un nouveau texte ne soit voté en 1990, sous le gouvernement de Michel Rocard.
On peut citer aussi, en 2010, la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, qui avait été créée au plus fort de l’affaire Woerth-Bettencourt. Dans son rapport, la commission avait, notamment, proposé une loi de déontologie, le renforcement des incompatibilités et de nouvelles interdictions de cumul des fonctions. Un projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été présenté au conseil des ministres le 27 juillet 2011, mais il n’a jamais été discuté au Parlement.
Ainsi, remis une nouvelle fois au goût du jour, sous l’impulsion de l’actualité politique, les textes dont nous allons débattre s’inspirent des rapports de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, et du rapport d’information du groupe de travail pluraliste de nos collègues de la commission des lois, présidé par Jean-Jacques Hyest et auquel a participé l’ancienne présidente de notre groupe, intitulé Prévenir effectivement les conflits d’intérêts pour les parlementaires.
« Stupeur et tremblements », donc, après l’affaire Cahuzac, bien que l’on ait pris soin de nous préciser qu’il s’agissait des errements d’un individu, de la dérive personnelle d’une espèce de « loup solitaire de l’évasion fiscale » ! À la suite de ces révélations, le Président de la République soulignait que le mensonge d’un ministre était « un outrage fait à la République » et qu’il fallait prendre toutes les décisions qui renforceraient la volonté de construire une République exemplaire.
Ainsi donc, la promesse de campagne de François Hollande d’établir une République exemplaire se trouvant fortement ébranlée, l’objectif a été double : d’abord, insister sur le fait que seul un homme porte la responsabilité du scandale, renvoyant ainsi à l’idée d’une faille personnelle et non à une faille du système ; ensuite, renforcer le système existant afin qu’une défaillance personnelle ne puisse pas, de nouveau, venir « entacher » le système et, par là même, cette République exemplaire tant promise !
C’est avec ce double objectif que le Président de la République affichait l’ambition « de lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés », en assurant la publication et le contrôle des patrimoines des ministres et de tous les parlementaires. S’est ensuivie la publication du patrimoine de nos ministres !
Ensuite sont arrivés ces textes, dont l’objet est de doter la France « de moyens effectifs de prévention, de contrôle et de sanction du non-respect des obligations de probité et d’intégrité qui s’imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques ».
Je voudrais m’arrêter sur un point. La multiplication récente des « affaires » montre que le fonctionnement de la Ve République est arrivé à bout de souffle : cette République est malade !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Trop de concentration de pouvoir dans l’exécutif, dévalorisation du Parlement, peu ou pas de place donnée à la souveraineté populaire et à l’initiative citoyenne : la Ve République a oublié que le contrat social repose aussi sur un accord implicite, en vertu duquel les gouvernés d’un jour peuvent être les gouvernants de demain. Un fossé inquiétant s’est donc creusé, fossé qui révèle une défiance de la population envers ceux qui la représentent et envers le Gouvernement.
Mes chers collègues, savez-vous qu’aujourd’hui 17 % seulement des Français pensent que les responsables politiques se préoccupent de gens comme eux ; ils sont donc plus de 80 % à penser que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’eux ! Pourquoi ?
Beaucoup de choses se disent et s’écrivent au sujet de cette perte de confiance : manque de courage ou impuissance des gouvernants face aux puissants lobbies industriels, économiques ou financiers ; dispersion des lieux de prise de décision qui rend plus complexe l’accès aux informations et la maîtrise de ces décisions par le citoyen ; instrumentalisation de la démocratie représentative, devenue le lieu d’un nouveau marché où l’image, la volonté de se démarquer, la lutte pour les postes et l’espérance du gain l’emportent sur la vertu civique ; accélération des phénomènes de crise économique et financière qui favorise l’émergence d’une nouvelle catégorie de dirigeants, plus proches du chef d’entreprise que du chef de parti.
Oui, maintes causes sont avancées pour tenter de trouver des raisons à cette crise, mais la cause essentielle ne trouve-t-elle pas sa source dans la défiance de nos concitoyens à l’égard du personnel politique, dès lors que celui-ci ne met pas en œuvre les choix qui ont permis son élection ?
Cette défiance et cette non-réponse aux besoins populaires favorisent ce que certains, en d’autres temps, appelaient une « pédagogie du renoncement » qui, à son tour, favorise le repli sur soi, l’individualisme et l’abstention des électeurs, sans évoquer ici le vote en faveur du Front national. Fondamentalement, c’est bien la question de la démocratie, voire d’un changement en profondeur de culture politique et citoyenne, qui se pose aujourd’hui.
Il faut l’admettre, l’actualité politique reflète bel et bien le dérèglement du système capitaliste qui fait du développement de la finance, de l’argent et de l’accumulation, un but en soi, un jeu normal du système. Elle montre également qu’il existe aujourd’hui une collusion trop importante entre le monde politique et le monde financier. À cela, s’ajoute un affaiblissement patent du rôle du Parlement, ce qui n’aide en rien à maintenir le lien entre élus et citoyens.
Ainsi, tout en incriminant les facteurs extérieurs à notre monde politique pour expliquer la crise dans laquelle s’enfonce notre démocratie, il faut non seulement proposer des solutions pour redynamiser l’implication des citoyens, mais aussi être intransigeants à l’égard du monde politique, c’est-à-dire, mes chers collègues, vis-à-vis de nous-mêmes. En outre, nous devons, pour redonner confiance au peuple, mettre fin à la collusion que j’évoquais et aux pratiques contraires à l’intérêt général !
C’est en ce sens que nous nous devons d’envoyer un signal fort pour lutter contre la fraude fiscale, la délinquance financière et l’évasion fiscale. Comme le dit Transparency International France : « La transparence n’est pas une fin en soi. Elle doit permettre l’exercice d’un contrôle citoyen. Elle est aussi un outil devant contribuer à restaurer la confiance des Français envers leurs élus et leurs institutions. »
Chacun conviendra que la mise en place de dispositifs de prévention, de contrôle et de sanction aux manquements des obligations d’intégrité doit s’imposer à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques, car il s’agit, je le répète, d’une exigence démocratique.
À ce titre, nous nous félicitons que soit remis à l’ordre du jour le principe de transparence. En ce sens, ces projets de loi constituent une avancée, avec différentes obligations désormais imposées pour empêcher concrètement les conflits d’intérêts : le renforcement des incompatibilités applicables tant aux élus qu’aux agents publics, l’obligation de déport ou de décharge de fonction, le durcissement et l’extension des règles de « pantouflage ».
De même, la généralisation et la précision du contenu des déclarations d’intérêts et de patrimoine favoriseront l’efficacité des dispositifs proposés. Pour les déclarations de patrimoine, le droit de consultation ouvert aux citoyens est une solution que je qualifierai d’équilibrée, car elle permet de concilier la nécessaire transparence et le respect de la vie privée.
Pour autant, avec mon groupe, je m’efforcerai tout au long de l’examen de ces textes de démontrer qu’ils ne vont pas suffisamment loin. Ils font, entre autres, abstraction de la question du lobbying, pourtant étroitement liée à celle des conflits d’intérêts. S’agissant de l’obligation de déport, elle était trop limitée dans le texte initial du projet de loi, puis a été supprimée en commission : nous la réintroduirons par voie d’amendement, dans les termes du texte initial, mais en l’étendant encore.
Quant à la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, elle n’est pas, pour l’heure, dotée de moyens d’action suffisants.
Nous sommes, bien évidemment, favorables à l’introduction dans notre droit d’une définition du concept de conflit d’intérêts. Jusqu’à présent, le caractère imprécis et fragmenté de cette notion, non définie par un texte législatif en droit français, ne permettait pas d’élaborer une véritable politique de prévention des conflits, construite sur une base juridique solide.
Cependant, nous pensons que la définition proposée ici n’est pas encore suffisamment précise.
Nous avons bien conscience que la notion de « conflit d’intérêts » est à la fois subjective et évolutive, en fonction des situations susceptibles de se présenter et de l’expression des attentes collectives. Il nous paraît regrettable que la définition donnée par M. Jospin ait été préférée à celle qui avait été choisie dans le cadre du rapport Sauvé.
Cette dernière détermine, en effet, de manière plus pertinente le champ du conflit d’intérêts au travers de la définition de l’intérêt privé : « l’intérêt privé d’une personne concourant à l’exercice d’une mission de service public s’entend d’un avantage pour elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d’affaires ou professionnelles significatives, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles ». Cette définition permettrait une application plus effective.
S’agissant de la Haute Autorité, son rôle doit être essentiel. Il est plus que nécessaire de s’assurer que l’élu ne s’est pas anormalement enrichi pendant l’exercice de son mandat.
L’exemple de la Commission pour la transparence financière de la vie politique le démontre, elle qui n’a jamais disposé de moyens de contrôle ou de sanction pour agir efficacement !
Depuis sa création, en 1988, elle a traité 10 000 dossiers – de ministres, de parlementaires, d’élus locaux, de dirigeants d’entreprise publique ou d’office HLM –, mais n’a découvert que quelquefois des éléments suffisamment douteux pour justifier une transmission au parquet, « sans que cela ne puisse rien donner », regrettent ses services.
D’ailleurs, Christian Pierre, l’un des anciens membres de cette commission, qui l’a quittée en 2009, avait précisé : « Elle ne contrôle rien. Elle ne détecte rien. Et ne sanctionne rien. Donc pratiquement, elle ne sert à rien. » Pourquoi la structure existante n’a-t-elle pas été renforcée ?
Ainsi, c’est à juste titre qu’on peut s’inquiéter des possibilités dont disposera la Haute Autorité de la transparence de la vie publique pour garantir une lutte effective contre les conflits d’intérêts et les défaillances.
Nous devons donc la renforcer en lui octroyant les moyens matériels et humains garants de son efficacité si on s’entend, bien évidemment, sur l’objectif à atteindre : en faire la clé de voûte du mécanisme de contrôle de l’intégrité des responsables publics.
Certaines autorités administratives indépendantes, telles que l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de contrôle prudentielle ou encore la Commission de régulation de l’énergie disposent, quant à elles, de moyens d’enquête et de sanction.
Sans moyens humains et matériels pour mener à bien ses missions, la Haute Autorité sera, à coup sûr, une nouvelle version de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Par conséquent, elle ne servirait à rien !
Il lui faut des moyens matériels, au travers, notamment, de la création de moyens d’enquête propres, comme cela existe pour l’Autorité des marchés financiers. Il faut aussi lui octroyer la possibilité d’enjoindre l’administration fiscale à transmettre tous les éléments dont elle pourrait disposer.
Cela revient, en outre, à faire sauter le filtre politique du bureau de l’Assemblée nationale, ce qui offrirait une plus grande force démocratique.
Enfin, on ne peut que regretter l’absence dans ces projets de loi de la question du lobbying, qui est pourtant plus qu’étroitement liée à celle des conflits d’intérêts.
En dehors de l’incompatibilité du mandat parlementaire avec l’exercice d’activités de conseil, et malgré quelques initiatives en commission des lois, aucune vraie réflexion n’a été engagée en matière d’encadrement du lobbying.
Si l’écoute de tous les acteurs de notre société est nécessaire, voire essentielle, à l’élaboration des décisions publiques, les échanges entre les élus et les groupes d’influence doivent être menés de manière déontologique et transparente pour les citoyens. Or, nous le savons tous ici, il n’en est rien. L’actualité récente est là pour le démontrer ! Il est donc urgent que la France leur impose – pour le moins, et je suis gentille ! – des contraintes.
La transparence ne doit et ne peut pas être un vain mot, un vain concept pour le pouvoir en place, quel qu’il soit !
Comme l’a dit André Malraux, « la vérité c’est d’abord ce que l’homme cache » : efforçons-nous toujours de contraindre le pouvoir à sa manifestation. Mes chers collègues, la transparence est à ce prix ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons terminé nos travaux la semaine précédente avec un projet de loi constitutionnelle sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM. Nous les débutons cette semaine avec un projet de loi sur la transparence de la vie publique. À première vue, pas de lien évident entre les deux textes.
Pourtant, qu’est-ce qui a conduit le Gouvernement à soumettre au Parlement, en priorité, le texte portant réforme du CSM ? Quelle est la véritable raison d’être du texte sur la transparence ? Cela a déjà été dit à cette tribune, c’est une seule et même affaire : l’affaire Cahuzac !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Il aura marqué son passage !
M. François Zocchetto. Je l’ai rappelé mercredi dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi constitutionnelle, il s’est agi d’opérer un amalgame déduisant d’un prétendu manque d’indépendance de la justice, qu’aurait révélé l’affaire Cahuzac, la nécessité de réformer d’urgence le Conseil supérieur de la magistrature.
Ce ne fut pas une réussite, monsieur le ministre. N’avez-vous pas annoncé vous-même, à l’issue du vote du Sénat de jeudi dernier qui ne vous convenait pas, que la réforme était purement et simplement suspendue ?
Nous le regrettons, car le vote du Sénat n’est pas à prendre à la légère quand on sait l’urgence qu’il y a à renforcer le statut des magistrats du parquet.
Revenons aux projets de loi sur la transparence que vous nous présentez aujourd’hui. Là, plus de faux-semblants : il s’agit bien d’une « réforme Cahuzac » ! Certains ont même parlé, dans nos rangs, d’une opération de blanchiment de l’affaire Cahuzac !
M. Charles Revet. C’est sans doute vrai !
M. François Zocchetto. Bien sûr, M. Cahuzac n’est pas cité nommément dans l’exposé des motifs des projets de loi, mais la toute première phrase de ce dernier est assez éclairante : « Le Gouvernement a décidé d’accélérer les travaux qui avaient été entrepris pour rénover le cadre de la lutte contre les conflits d’intérêts dans la vie publique. » On se demande bien ce qui a pu susciter cette « accélération » des travaux, si ce n’est l’affaire Cahuzac !
On ne trouve pas plus de traces de Jérôme Cahuzac dans le rapport de l’estimé Jean-Pierre Sueur ! On préfère, bien sûr, faire référence, dès les premières lignes, à Saint-Louis, à Philippe IV ou encore à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! La véritable justification de la réforme est ainsi peu mise en avant par la majorité : on peut la comprendre.
La confiance de nos concitoyens dans la classe politique était déjà bien timide. Les mensonges de votre ancien ministre du budget ont eu sur elle un effet dévastateur.
Quelle a été votre réponse ? Plutôt que de reconnaître l’inutilité de la fameuse Charte de bonne conduite du Gouvernement, qu’on a oubliée au passage, vous avez décidé de mieux masquer le malaise qui est le vôtre en jetant l’opprobre sur tous les responsables politiques, voire sur les responsables publics, et en lançant le jeu dangereux de celui qui lavera plus blanc que blanc ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Je le reconnais, les deux projets de loi poursuivent néanmoins un large chantier ouvert par la précédente majorité, chantier que nous ne refusons certainement pas d’aborder. La réflexion a été ouverte il y a plus de deux ans déjà, dans le cadre des travaux du rapport de Jean-Marc Sauvé. Nous aurions souhaité ne pas être contraints de légiférer sous le coup de l’émotion,…
M. Antoine Lefèvre. … et dans l’urgence !
M. François Zocchetto. … encore moins dans le cadre de la procédure accélérée.
Nous aurions préféré ne pas légiférer en réaction aux manquements graves d’un de vos ministres, alors que vous avez si souvent reproché à vos prédécesseurs d’agir sous le coup de l’émotion.
Qu’elles soient de nature organique ou ordinaire, je distingue deux catégories dans les dispositions que vous nous proposez, monsieur le ministre. Il y a, d’une part, très clairement ce qui concerne la situation patrimoniale et la déclaration à laquelle vous voulez soumettre les élus. Il y a, d’autre part, la prévention des conflits d’intérêts.
Selon nous, ces deux sujets appellent des approches et surtout des réponses bien différentes.
Pour ce qui concerne la déclaration de la situation patrimoniale, la voie dans laquelle vous nous engagez ne mène à rien. Je le dis clairement, je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à produire les déclarations, ni pour le législateur, ni pour la justice, ni pour nos concitoyens !
Les seuls, à mon sens, qui doivent se réjouir d’avance de ce type de proposition, c’est une certaine catégorie de journalistes, et on peut les comprendre ! Que d’articles déjà tout prêts, décrivant par le menu le patrimoine de M. le maire ou de Mme la sénatrice ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Quel bénéfice pour notre vie démocratique ? Aucun puisque règnera le soupçon plutôt que la confiance entre les citoyens et les élus ! Vous savez très bien que toute déclaration sera sujette à caution de la part de nos concitoyens !
En fait, la seule chose qui présente un réel intérêt si l’on s’attache à l’examen du patrimoine d’un élu ou d’un responsable public, c’est un éventuel enrichissement injustifié et donc suspect. Dans cette hypothèse, rendre publique une variation inexpliquée du patrimoine d’un élu aura un effet positif. Nous vous proposerons des amendements dans ce sens.
Le dispositif que vous nous proposez est tout autre. Le premier effet garanti de votre système sera de susciter une certaine forme de voyeurisme, de curiosité malsaine.
M. Charles Revet. Oui !
M. François Zocchetto. Que penser alors de la pseudo publicité des déclarations de situation patrimoniale inventée par l’Assemblée nationale ? À quoi cela servira-t-il de pouvoir consulter sans pouvoir publier ? Je le dis clairement, nos collègues députés ont inventé une véritable usine à gaz ingérable, ou plutôt une usine à fabriquer de la rumeur et du soupçon ! Rien de pire que d’entretenir l’une et l’autre à l’encontre des élus !
Votre majorité a tenté de trouver un compromis malheureux entre l’idée de départ de publicité intégrale, qu’elle a refusée – car c’est bien le groupe socialiste qui a refusé la publication des patrimoines –, et la gêne réelle qu’elle éprouvait à ouvrir la voie au voyeurisme, donc à une certaine forme de populisme, ce dont tout le monde a bien conscience !
Voilà comment nous en sommes arrivés à cette brillante idée d’une déclaration qui ne serait consultable qu’en préfecture. Consultable mais pas diffusable ! Cette diffusion serait un délit. Du moins était-ce ce que prévoyait le texte avant son passage en commission des lois. Notre rapporteur a cru bon de maintenir cette interdiction de diffusion, mais il l’a privée de toute sanction de nature pénale.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je n’ai pas maintenu l’interdiction ! Elle est supprimée.
M. François Zocchetto. Alors la confusion est encore plus grande !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Elle est supprimée !
M. Alain Gournac. Tout va mieux alors !
M. François Zocchetto. Plus personne ne s’y retrouve !
Quoi qu’il en soit, pour rétablir la confiance entre les citoyens et les élus, un autre choix serait préférable !
Si vous considérez que la publicité des déclarations est nécessaire, il n’y a qu’une seule solution pour atteindre l’objectif que vous vous êtes fixé : la publication sans réserve au Journal officiel de l’intégrité des déclarations. Si vous nous obligez à suivre votre logique, nous défendrons, avec Michel Mercier et un certain nombre de mes collègues du groupe UDI-UC, un amendement visant à mettre en œuvre cette solution. J’espère qu’il sera adopté et que le groupe socialiste le votera. Ce sera le seul moyen d’éviter un système incohérent, irréaliste et qui continuera à jeter un peu plus le soupçon sur les responsables politiques. On verra bien si le groupe socialiste suit le Gouvernement !
En ce qui concerne les conflits d’intérêts, les choses sont différentes, on aborde là une vraie question. Autant le sujet des déclarations est peu intéressant, autant celui-ci mérite que l’on s’y attarde longuement, en tous cas plus longtemps que ce ne fut le cas jusqu’à présent.
La question qui se pose est la suivante : peut-on concilier l’exercice passé, actuel et futur d’une activité privée – je parle bien d’activité, et non de profession – avec un mandat public ?
Une première approche, radicale, serait de considérer que cela est impossible. Une telle interdiction absolue, au-delà de son caractère inconstitutionnel, serait évidemment un recul démocratique et aurait vocation à créer une classe, voire même une caste, politique, parfaitement décalée par rapport aux réalités économiques et sociales de notre pays.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Zocchetto. La seconde approche est celle qui organise une concomitance entre mandat public et activité privée.
Organiser un système déclaratif est la bonne idée. D’ailleurs, le Sénat n’a pas attendu le Gouvernement puisque nous remplissons déjà, depuis un bon moment, une déclaration d’intérêts publiée sur le site internet du Sénat.
Tous les citoyens peuvent consulter les déclarations d’activité et d’intérêts des sénateurs et de leurs proches. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur ce sujet !
Cette question de la prévention du conflit d’intérêts pose aussi le problème du renouvellement et du recrutement de notre classe politique. À force de stigmatiser les parlementaires et les élus, nous connaîtrons bientôt – et c’est déjà le cas ! – de graves difficultés de recrutement. On ne voit pas comment, demain, un agriculteur, un artisan, un cadre du privé ou du public, ou une personne exerçant une activité libérale, accepterait de s’engager dans la vie politique, au vu des contraintes toujours plus fortes que l’on entend faire peser sur les élus. Ce n’est pas de la politique fiction !
M. Charles Revet. Non ! Il est bon de le rappeler...
M. François Zocchetto. Je rappelle que, lors du dernier renouvellement, la moitié des nouveaux députés était constituée de professionnels de la politique,...
M. Charles Revet. C’est que veulent les socialistes !
M. François Zocchetto. ... c’est-à-dire des personnes issues des partis politiques ou des cabinets ministériels.
Ce problème se fait de plus en plus présent, et le Sénat n’est pas à l’abri de cette évolution.
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. François Zocchetto. La question que nous devons nous poser, mes chers collègues, est simple : à quoi doivent ressembler les élus de demain ?
Disons les choses plus clairement : si l’on met bout à bout l’ensemble des réformes que vous nous proposez, entre les déclarations tous azimuts et le non-cumul des mandats, on voit aisément quel sera le visage, par exemple, de l’Assemblée nationale.
Votre texte conforte la voie fatale qui fera de l’Assemblée nationale, en particulier, et du Parlement, en général, des chambres de fonctionnaires élus, comparables à ce qui existait, entre autres, sous le règne de Louis-Philippe, durant la Monarchie de Juillet.
M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Exact !
M. Charles Revet. C’est ce que les socialistes veulent !
M. François Zocchetto. Cette catégorie que l’on peut, pour le coup, qualifier de « caste politique », sera principalement composée d’anciens membres de cabinets, d’apparatchiks des partis politiques, voire peut-être de quelques hauts fonctionnaires qui n’auront fait que de la politique.
M. Éric Doligé. Et de retraités...
M. François Zocchetto. Au mieux, on peut espérer quelques retraités du secteur privé pour représenter a minima la société active...
M. Jean-Michel Baylet. On est sauvé ! (Sourires.)
M. François Zocchetto. Si le tableau que je vous dresse vous plaît, et si vous l’assumez pleinement, tant mieux pour vous ! Je dirai quant à moi : tant pis pour la France !
L’égalité des citoyens devant la loi, c’est l’égale dignité de chacun, avant même l’égal accès aux mandats. Je crains que vous n’ayez perdu de vue cette vérité élémentaire.
Notre mission n’est pas de multiplier les obstacles destinés à empêcher nos concitoyens de se faire élire. Notre devoir est au contraire de tout faire pour s’assurer que les élus de demain soient, bien sûr, irréprochables – c’est essentiel –, mais aussi qu’ils soient représentatifs de la diversité de notre société.
Pour conclure, asservir le Parlement est une tentation permanente du pouvoir exécutif. Force est de constater que ces deux textes imposés par le Président de la République s’inscrivent dans cette tradition condamnable ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Lenoir. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Clemenceau disait : « Ce que nous dénommons vérité n’est qu’une élimination d’erreurs. » Alors, de grâce, n’en faites pas une de plus ! (Exclamations laudatives sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, lesdites relations peuvent être plus ou moins bonnes, mais il convient qu’elles soient réciproquement respectueuses.
Vous avez déclaré, dimanche, au quotidien La Montagne, dans une interview intitulée « Le ministre cueille les champignons et soigne les relations», que le vote exprimé par le Sénat jeudi dernier sur le Conseil supérieur de la magistrature était « preuve d’immaturité de la démocratie française ». (Ouh ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Charles Revet. C’est le ministre chargé des relations avec le Parlement qui dit cela !
M. Jacques Mézard. Nos collègues apprécieront ce qualificatif élogieux pour la Haute Assemblée !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Mézard. Ne pensez-vous pas que nous pourrions vous retourner le compliment, face à l’avalanche de textes gouvernementaux qui nous arrivent préparés à la va-vite, modifiés à la dernière minute ?
Mme Jacqueline Gourault. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. Tacite avait écrit : « à autorité publique très corrompue, loi sans nombre » ! (Sourires sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Ne pensez-vous pas que nous pourrions vous retourner le compliment, face à l’usage abusif de la procédure accélérée, que nous reprochions avec virulence, ainsi que vous-même, à la précédente majorité (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.), face aux modifications constantes de l’ordre du jour du Sénat (Sans arrêt ! sur les mêmes travées.), face à l’accumulation de textes importants, sans que les commissions compétentes puissent prendre le temps nécessaire à la réflexion, sans même que nous puissions disposer des rapports de la commission dans des délais raisonnables ?
À nos interpellations, monsieur le ministre, vous avez répondu froidement que la session surchargée était un « trompe-l’œil ». (M. Patrice Gélard s’esclaffe.) Là encore, nos collègues apprécieront ! Cette phrase est-elle respectueuse du travail parlementaire ?
M. Éric Doligé. Non !
M. Jacques Mézard. Est-elle le signe d’un comportement mature ? (Non ! sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, est-ce faire preuve de maturité politique pour un gouvernement, après l’explosion du dossier Cahuzac, que de réagir dans la panique, sous la pression médiatique, pour faire voter dans la précipitation un texte, là encore insuffisamment travaillé, dans le seul but avoué de calmer l’opinion publique et de répondre aux sondages ?
En résumé, pour vous, il faut un texte, n’importe lequel, pour communiquer.
M. Pierre Martin. Voilà !
M. Jacques Mézard. Un texte pour la transparence de la vie publique méritait un autre processus, une autre méthode, la recherche d’un consensus à l’issue d’une indispensable concertation.
Le président du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste à l’Assemblée nationale, Roger-Gérard Schwartzenberg, l’a très bien exprimé : « Un ministre, un membre du Gouvernement, M. Cahuzac, est mis en examen, et l’exécutif semble vouloir détourner l’attention en tournant le projecteur vers les parlementaires. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.) En fait, ce projet de loi “Cahuzac” introduit une étrange innovation, la repentance pour autrui (Sourires sur les travées de l'UMP.), en invitant les parlementaires à s’auto-accuser collectivement de fautes que la quasi-totalité d’entre eux n’ont pas commises. »
M. Patrice Gélard. Très bien !
M. Jacques Mézard. Transformer les parlementaires, les responsables d’exécutifs et les hauts fonctionnaires en présumés coupables, favoriser la délation en renversant la charge de la preuve concernant ce que vous appelez pudiquement des « lanceurs d’alerte », c’est aller à l’encontre de ce que l’on doit attendre d’une démocratie mature.
Qu’attendent nos concitoyens ? Tout d’abord, que leurs élus et les hauts fonctionnaires ne s’enrichissent pas du fait de l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions administratives. Ensuite, qu’il soit mis fin à des situations patentes de conflits d’intérêts. Enfin, que soit élargi le régime des incompatibilités professionnelles.
Comment répondre à ces trois interrogations ? Nous le disons très clairement, la sagesse est effectivement de donner à une haute autorité de contrôle de la vie politique – appelez-la comme vous voudrez ! – les moyens d’obtenir communication des éléments complets relatifs au patrimoine de chaque responsable public, les moyens de vérifier la vérité et la loyauté des informations transmises en début et en fin de mandat, les moyens de faire sanctionner les déclarations mensongères.
Les pouvoirs de cette Haute Autorité ne nous posent pas de problème. Il n’en est pas de même, comme l’a rappelé Roger-Gérard Schwartzenberg, de sa composition et des modalités de désignation de ses membres, qui ne garantissent guère sa représentativité et marquent, encore une fois, une réelle défiance envers le Parlement de la République.
M. Patrice Gélard. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Des amendements ont été adoptés !
M. Jacques Mézard. Certes, monsieur le président de la commission des lois, il y a toujours des changements, mais la conclusion est, hélas ! souvent la même.
Votre projet, monsieur le ministre, éliminait les personnalités qualifiées. La commission de l’Assemblée nationale a corrigé cette absence en ajoutant, aux sept membres déjà prévus, quatre personnalités. (M. Alain Gournac s’esclaffe.)
Mais curieusement, en séance publique à l’Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a ramené de quatre à deux le nombre de ces personnalités désignées par les présidents des deux assemblées.
Quant aux personnes concernées par cette obligation de déclaration de patrimoine, vous avez établi une liste exhaustive ciblant les élus jusqu’aux maires de communes de plus de 20 000 habitants – pourquoi ce chiffre, d’ailleurs ? –,...
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Non, 30 000 !
M. Jacques Mézard. ... tous les conseillers régionaux, la plupart des conseillers généraux, les personnes exerçant un emploi ou des fonctions par nomination en conseil des ministres. (M. le rapporteur le conteste.)
Laissez-moi aller jusqu’au bout de mon propos, monsieur le rapporteur, vous aurez des heures pour prêcher la bonne parole ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Il apparaît que vous avez reculé peu glorieusement quant au fait d’imposer cette déclaration aux membres du Conseil constitutionnel, et même de l’imposer à tous les magistrats, administratifs ou judicaires, alors que, voilà huit jours, Mme la garde des sceaux nous affirmait avec force que les Français ne croyaient plus à leur justice. (Mêmes mouvements.)
Oui, il est juste et sain que les responsables publics déclarent la totalité de leur patrimoine à une autorité indépendante disposant des pouvoirs et moyens pour en vérifier l’exactitude et l’évolution. Nous sommes d’accord : c’est cela, la transparence.
En revanche, le projet revisité par l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat, ce n’est plus seulement de la transparence, mais c’est du voyeurisme mâtiné de jésuitisme. (Sourires sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Jacqueline Gourault. Alors là !
M. Jean-Michel Baylet. C’est grave !
M. Jacques Mézard. La consultation des patrimoines des parlementaires en préfecture pour tout électeur, avec une obligation de non-divulgation des informations pénalement sanctionnée, est un modèle du genre. C’est de l’hypocrisie institutionnelle, car on publie ou on ne publie pas ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Quant à la rédaction de la commission des lois, c’est du demi-jésuitisme ! (Sourires.) Il faut qu’un électeur aille en préfecture ; on ne sait pas s’il peut réclamer une photocopie, mais il peut communiquer l’information comme il l’entend !
M. Pierre Martin. Très bien !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, pour justifier ce projet de loi, vous reprenez, dans la foulée d’antiparlementaristes, cette antienne des périodes de crise : « Tous pourris ! » Et vous dites : « Voyez les sondages ; ils l’affirment ! » Croyez-vous sérieusement que c’est la bonne méthode, que votre texte hypocrite aura un impact sur l’opinion à laquelle vous êtes soumis ?
Nous avons déjà un arsenal juridique considérable pour poursuivre et condamner les élus qui manquent à leurs devoirs, et transgressent la loi. Encore faut-il l’utiliser, et donner à la justice les moyens humains et financiers d’instruire les dossiers dans des délais suffisamment rapides !
Hier, après huit ans d’instruction, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé tous les prévenus dans le dossier « Pétrole contre nourriture », aucune infraction n’étant constituée. Cela se passe de tout commentaire, sauf de la part de ceux qui ont supporté huit ans de mise en examen et d’instruction. Et la presse informera en quelques lignes de cette relaxe, après avoir publié des dizaines de pages sur cette affaire pendant des années ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Pierre Martin. Très bien !
M. Jacques Mézard. Comme dans la société en général, il existe parmi les élus et les hauts fonctionnaires des brebis galeuses, et cela sous tous les régimes, sous toutes les républiques, au sein de toutes les sensibilités et de tous les partis politiques, y compris parmi ceux qui donnent le plus de leçons de morale. (C’est vrai ! sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Il convient de les poursuivre, de les condamner et de les écarter des responsabilités publiques.
Nous considérons, pour notre part, que la loi de la République doit être la même pour tout le monde, et doit s’appliquer avec d’autant moins d’indulgence que le délit est favorisé par l’exercice de la fonction.
Il s’agit de trier le bon grain de l’ivraie et de dissocier clairement et définitivement la fraude, l’enrichissement et la corruption de toutes les poursuites pénales, engagées souvent de manière aveugle, contre des élus et des fonctionnaires pour des faits relatifs à l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions lorsqu’ils sont poursuivis, non à titre personnel, mais pénalement en qualité de président d’exécutif ou de préfet, ce qui est le cas aujourd’hui pour plusieurs dizaines d’entre eux. Et c’est profondément injuste car pour l’opinion la différence n’est pas faite. Mais notre bon gouvernement est-il préoccupé par l’inquiétude de ces nombreux maires, présidents et préfets ? Certes, ce n’est pas porteur dans l’opinion publique, monsieur le ministre, mais c’est une réalité de terrain.
Que chacun balaie devant sa porte, fasse son devoir. Le projet de loi est totalement réactif à l’affaire Cahuzac. Que je sache, monsieur le ministre, c’est un des vôtres. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Alors, de grâce, évitez les leçons de morale émanant de la direction de votre parti.
M. Henri de Raincourt. Effectivement !
M. Jacques Mézard. Je regrette que vous soyez trop souvent dans la contradiction, dans le « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». Quand le rapporteur à l’Assemblée nationale pour le non-cumul des mandats, nouveau député de Haute-Garonne, démissionnait de son mandat de conseiller régional d’Île-de-France voilà quelques semaines, que ne rapportait-il pas un texte contre le parachutage !
Quand Mme la ministre de la réforme de l’État et de la décentralisation prône le non-cumul des mandats verticaux pour permettre à d’éminentes personnalités PS de continuer à cumuler la mairie de grandes villes, la présidence de métropoles et de plusieurs SEM, sociétés d’économie mixte, cela relève-il de la cohérence et de l’exemplarité, ou de l’hypocrisie ?
Monsieur le ministre, quand dans ce projet de loi relatif à certaines incompatibilités, vous n’interdisez pas à des maires de villes importantes d’être membres appointés de cabinets ministériels importants, voire de la Présidence de la République,…
M. Henri de Raincourt. Oh là là !
M. Jacques Mézard. … n’êtes-vous pas en totale contradiction avec votre propre argumentation ? (M. Alain Chatillon opine.) J’espère que vous vous rallierez à notre excellent amendement sur cette question !
Monsieur le ministre, quand, depuis un an à l’Assemblée nationale, n’ont pas été éradiqués les errements concernant par exemple nombre d’assistants parlementaires rémunérés en réalité par des lobbys, on peut s’interroger sur la volonté de faire le ménage.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Notre groupe, pour sa part, a toujours eu une haute conception de l’engagement dans la vie publique : être un élu, quel que soit le mandat, est d’abord un honneur confié par les électeurs, dont la majorité place leur confiance dans le candidat élu. C’est le suffrage universel qui nous donne la légitimité d’agir, pour mettre en œuvre la puissance publique, qu’il s’agisse de mandats locaux ou nationaux.
À cet honneur, nous le savons, correspondent des devoirs, qui consistent à savoir se montrer digne de la fonction occupée, en agissant avec probité et exemplarité.
M. Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. C’est bien pourquoi il nous paraît essentiel de garantir l’indépendance des élus vis-à-vis de toute tentation, d’une part, et de toute forme de pression extérieure, d’autre part.
Les incompatibilités sont ainsi une des formes de garde-fou que la République a mis en œuvre depuis les débuts de la IIIe République. Comme l’expliquait déjà Eugène Pierre, aux débuts de cette IIIe République, dans son Traité de droit politique, électoral et parlementaire, « l’incompatibilité s’appuie sur le principe de la séparation des pouvoirs ; elle a pour but de garantir à l’électeur l’indépendance de l’élu ».
Nous avons été les premiers à déposer une proposition de loi en ce sens, le 28 juin 1978, à l’Assemblée nationale. Nous avions également salué les travaux de la commission Sauvé, à l’occasion desquels nous avions formulé une série de mesures pour mieux assurer la transparence de la démocratie, en proposant, en particulier, le renforcement des obligations déclaratives des élus et des pouvoirs de contrôle de l’instance compétente.
Notre groupe n’a pas attendu l’affaire Cahuzac pour réagir. Non seulement nous avons inscrit dans notre espace réservé le projet de non-cumul des indemnités mais, depuis un an, nous avons déposé six propositions de loi sur les questions de transparence, d’incompatibilités, de cumul des indemnités, de renouvellement des mandats.
Manifestement aucun de ces textes n’attira en son temps l’attention de votre gouvernement. Il faut dire que nous sommes en désaccord profond sur une question de fond.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Vous voulez faire du Parlement une assemblée de professionnels de la politique nourris dans le sérail du parti…
MM. Jean-Claude Lenoir et Alain Gournac. Effectivement !
M. Jacques Mézard. … dès l’université, voire avant – nous en avons eu un exemple récemment. Vous voulez faire du Sénat une réplique de l’Assemblée nationale pour corriger cette anomalie qui insupportait M. Jospin, autant avoir le courage de reconnaître que vous voulez supprimer le bicamérisme.
M. Henri de Raincourt. Exactement !
M. Jacques Mézard. À quoi servirait une deuxième chambre copie de la première ?
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, votre projet se veut un texte de loi, en réalité c’est un communiqué de presse parce qu’il y manque l’essentiel, la réflexion et la concertation dans un domaine où construire un large consensus est indispensable.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous indiquant qu’aucun membre du groupe RDSE ne votera ce projet,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ah !
M. Jacques Mézard. … permettez-moi de vous citer quelques vers :
« Quoi ! parce qu’un fripon vous dupe avec audace,
Sous le pompeux éclat d’une austère grimace,
Vous voulez que partout on soit fait comme lui,
Et qu’aucun vrai dévot ne se trouve aujourd’hui ?
Laissez aux libertins ces sottes conséquences ;
Démêlez la vertu d’avec ses apparences,
Ne hasardez jamais votre estime trop tôt […]. »
Vous aurez reconnu, monsieur le président de la commission des lois, vous qui êtes très cultivé, un passage de Tartuffe de Molière. Inutile d’en dire plus. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC ainsi que de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C’est la curée !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, il sera difficile pour moi d’égaler le talent de M. Mézard.
M. Charles Revet. Si vous dites pareil, ce sera bien !
Mme Hélène Lipietz. Un seul être manque et tous sont mis à nu : telle pourrait être la leçon de ces derniers mois de la vie politique française.
Mais le désamour, voire le mépris, que les Français semblent éprouver pour les hommes et les femmes politiques est-il lié à l’affaire C. ?
N’est-ce pas à bon compte que l’on met sur le dos d’un seul la responsabilité de tous ?
Ce bouc émissaire est-il le responsable de tous les maux, chargé non pas de les emporter hors de nos villes mais essentiellement de cacher une réalité faite de petites entorses à la morale et, surtout, de nos grandes entorses à nos promesses de jours meilleurs, les écologistes ayant plutôt tendance à promettre des jours pires ?
En y réfléchissant bien, l’affaire C. …
M. Henri de Raincourt. Cahuzac !
Mme Hélène Lipietz. … n’est qu’un pâle reflet des scandales qui ont émaillé toutes les cités, tous les empires, toutes les sociétés depuis que l’écriture nous en transmet la mémoire.
Le roi David envoya Uri faire la guerre, lui-même préférant lutiner la femme de son général, la belle Bethsabée.
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas grave ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. C’est naturel ! (Nouveaux sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Le romain Verrès s’est enfui avec le budget de l’armée, achetant, grâce à ce budget, ses électeurs, pillant la province dont il a été le légat. Puis, devenu magistrat, il vend ses jugements. (Des discussions sur les travées de l’UMP couvrent les paroles de l’orateur.)
Mme Cécile Cukierman. Peut-on écouter Mme Lipietz ?
M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter Mme Lipietz, je vous prie.
Mme Hélène Lipietz. Réélu en Sicile, il pille celle-ci jusqu’à ce que Cicéron, journaliste d’investigation de l’époque, révèle au monde sa turpitude.
Le troisième calife de l’empire arabo-musulman, Othman ibn Affan, n’eut pas besoin d’un ignoble vizir pour perdre sa place : son népotisme lui valut une révolution de palais et la perte de sa vie.
Nos rois et nos reines firent souvent du royaume de France le supplétif de leur domaine royal. Le régent fut un promoteur immobilier hors pair, doublé d’un visionnaire dans l’argent en papier.
Et si la République naissante fut friande de la transparence en stipulant, par décret du 14 mai 1793, « les représentants du peuple sont, à chaque instant, comptables à la Nation de l’état de leur fortune », Danton ne fut pas un Saint… Just.
Les turpitudes des politiques de la IIIe République permirent aux journaux de faire fortune tout autant qu’elles firent leur propre fortune. Le gendre du Président Grévy, Daniel Wilson, député, malgré sa condamnation pour trafic de légion d’honneur fut réélu deux fois. Panama fut un scandale tout autant qu’une réalisation technique exceptionnelle.
Des élus et des fonctionnaires de la IVe République retrouvèrent sans gloire le chemin des scandales en récoltant des piastres en lieu du Trésor public.
M. Jean-Claude Lenoir. L’affaire des piastres, l’affaire des fuites !
Mme Hélène Lipietz. Quant à la Ve République, elle n’a pas manqué d’attirer les escrocs et magouilleurs, qu’ils soient hommes politiques, fonctionnaires ou encore citoyens plus égaux que les autres dans le secret des dieux. Par respect pour ceux qui sont toujours en vie, je ne citerai pas de nom.
Mais si nos économies sont si mal en point, n’est-ce pas aussi parce que des banquiers ont grugé les emprunteurs en inventant des valeurs ne reposant, justement, sur aucune valeur ?
Et le sport national des Français n’est-il pas la fraude aux impôts et aux amendes avec demande d’appui à leur sénatrice préférée ?
Alors oui, la politique a des pourris, mais tous ne le sont pas et, surtout, ceux qui nous jugent devraient aussi faire l’inventaire de leurs compromissions avec l’intérêt général.
Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi nous ? Et surtout pourquoi comme cela ? Pourquoi cette loi sur « l’opaque transparence descendue d’un scandale » ? Cet oxymore est digne d’un Cid qui, parti 925, par un prompt défaut, se vit bien seul en arrivant en hémicycle.
La réponse est peut-être dans l’incapacité de nos politiques successives, qu’elles soient de droite ou de gauche, à résoudre des problèmes insolubles, tels que le chômage ou le retour de la croissance,…
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Hélène Lipietz. … ou la perte de prestige de la France et la montée de nouvelles puissances mondiales,…
M. Charles Revet. C’est tout à fait la réalité !
Mme Hélène Lipietz. … ou encore l’incompréhension de nos citoyens face aux premiers signes tangibles de l’épuisement de notre planète, réchauffement climatique, envolée du prix des matières premières.
Tout cela augmente la défiance des citoyens vis-à-vis de l’action politique.
M. Charles Revet. On veut cacher la réalité !
Mme Hélène Lipietz. Or l’action politique c’est nous ; et nos concitoyens ne nous font plus confiance, parce que dans l’épreuve le capitaine est toujours responsable de tout et de tous. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Capitaine de pédalo ! (Sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Et c’est ainsi que 80 % de nos concitoyens considèrent que nous sommes corrompus, indistinctement, les purs et les impurs, les bons et les méchants, les truands et les agneaux !
Et le pire, c’est que nous sommes d’accord avec cette défiance puisque nous nous apprêtons à voter un texte qui va mettre fin à la présomption d’innocence en instaurant une présomption de suspicion !
M. Gérard Longuet. Exactement !
Mme Hélène Lipietz. Fallait-il aller aussi loin, ou aussi peu loin, dans la mise au pilori de 7 000 personnes : les parlementaires, les ministres et leurs cabinets, les membres des autorités administratives indépendantes, les hauts fonctionnaires, mais pas les maires des communes de moins de 30 000 habitants ?
Poser la question c’est déjà y répondre. Toutefois, la réponse n’a aucun intérêt, puisqu’elle est inaudible, faussée par elle-même.
Une fois le grand déballage exigé, il n’est plus possible de reculer. Peut-on, un seul instant, imaginer que nous ne votions pas ce texte, aussi déplaisant soit-il ?
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ah oui !
Mme Hélène Lipietz. Ceux d’entre nous qui ne le voteront pas, même s’ils sont majoritaires dans cet hémicycle, seront soupçonnés d’avoir des choses à cacher.
M. Jean-Vincent Placé. Bien sûr !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Mais non !
Mme Hélène Lipietz. Quelles sont ces choses ? Peu importe qu’elles soient politiques, juridiques ou personnelles, elles seront inaudibles. Car c’est le refus qui sera montré du doigt.
M. Alain Gournac. Oh là là !
Mme Hélène Lipietz. Ainsi donc nous savons tous que nous allons devoir nous mettre à nu…
M. Jean-Claude Lenoir. Par pitié, non, pas ça ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Restons sages ! (Nouveaux sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Laissez-moi finir ma phrase !
M. Gérard Longuet. Vous nous tendez des perches !
Mme Hélène Lipietz. Nous savons tous que nous allons devoir nous mettre à nu, disais-je, reste à savoir comment présenter belle.
Pourtant, au lieu de foncer tête baissée dans l’effeuillage généralisé, nous, collectivement, élus et citoyens, aurions dû prendre le temps de réfléchir à cette question : comment empêcher le pouvoir de corrompre ?
À défaut d’avoir pris le temps de la réflexion, nous avons des réponses qui ne sont pas adaptées à la question et qui choquent plus d’un d’entre nous.
Ainsi, plutôt que le patrimoine de l’élu, n’est-ce pas la différence entre l’entrée et la sortie de mandat qui intéresse nos concitoyens, ce delta de toutes les turpitudes, là où se retrouve l’enrichissement sans cause ?
Ainsi, sur mon site internet personnel, la rubrique « La réserve parlementaire et son utilisation pour l’année 2013 » intéresse infiniment plus que « L’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat », l’IRFM. Sur le site du Sénat, la rubrique « Les déclarations d’activités et d’intérêts » n’arrive qu’en quarante-cinquième position des pages consultées. Il semble bien que le déballage n’emballe les médias et les foules que tant qu’il n’a pas lieu !
La publication de mon patrimoine a eu pour unique conséquence une proposition m’incitant à placer mes économies en assurance vie plutôt que dans la pierre, pour permettre à mes enfants d’échapper à l’impôt sur les successions…
M. Jean-Claude Lenoir. C'était très sage !
Mme Hélène Lipietz. Au fond, ce que nous reprochent les citoyens, ce sont les connivences, les petits et gros arrangements entre amis qui conduisent à voter des lois, à adopter des amendements, au bénéfice non pas de l’intérêt général, mais d’industries, de sociétés de marchand de Tapie, de copains et de coquins, au détriment de la société, de l’environnement ou de la santé.
Ce qui intéresse aussi les citoyens, c’est que nous donnions l’exemple, en nous appliquant à nous-mêmes ce que nous voulons qu’eux-mêmes fassent, même s’ils ne le font pas... Voilà d’ailleurs qui ne manque pas d’étonner !
Ainsi, l’évasion fiscale, c’est mal, mais, quand l’évadé a des responsabilités politiques, c’est pire !
Nous avons aussi eu un cas chez les Verts : la grande évasion fiscale et la vendeuse de sextoys bio !
Pour autant, l’évasion fiscale n’est pas donnée à tout le monde : ne peuvent emporter de valises en Suisse que ceux qui gagnent des sommes substantielles !
J’ose le dire : il y a certainement en pourcentage plus de citoyens malhonnêtes en prison que d’élus malhonnêtes en liberté... J’ai bien dit « en pourcentage ».
C’est pourquoi il ne faut pas confondre honnêteté, contrôle et transparence.
Qui plus est, ces mêmes citoyens, si prompts à déclarer dans les sondages qu’ils nous estiment corrompus, sont pourtant les premiers à redonner leur confiance à des élus qui ont été effectivement condamnés. Ils ne s’interrogent même pas sur le message qu’ils envoient aux élus honnêtes : « Peu importent vos fautes, nos voix vous laveront de tous vos péchés. » L’onction démocratique est une amnistie,…
M. Patrice Gélard. Une absolution !
Mme Hélène Lipietz. … une amnésie populaire.
Après ces – j’espère – belles paroles, mes chers collègues, vous pourriez croire que les écologistes aiment nager en eaux troubles et se satisfont de ce texte. Eh bien non ! Non pas parce que nous voulons laver plus blanc que Vert, mais parce que nous n’aimons pas faire les choses à moitié.
De deux choses l’une : soit, comme certains l'ont proposé, on se contente de la législation actuelle en ne la retouchant qu’à la marge, comme pour le cumul des mandats (Mme Cécile Cukierman s’exclame) ; soit on dévide l’écheveau des intérêts, des revenus et des patrimoines pour mieux l’analyser, car l’écologie est la science de l’interaction des vivants.
C’est pourquoi, alors même que certains d’entre nous, sans attendre les rebondissements de ces derniers temps, ont fait le choix, libre et éclairé, de publier leur patrimoine, l’utilisation de leur réserve et autres affaires d’argent, les écologistes présenteront des amendements visant à moins d’opacité. Rappelons que les écologistes sont pour la publication de toutes les déclarations sous forme de données ouvertes, bien entendu de manière totalement anonyme.
J’en viens à la collusion avec les entreprises. Il est évident que les sphères économiques ont bien plus d’influence sur nos concitoyens que les petites décisions que nous pouvons prendre ici. C’est cela qu’il faut surveiller de près : l’influence des groupes, entreprises, lobbies sur nos votes qui vont parfois à l’encontre de l’intérêt général, de l’environnement, de la santé, de l’éducation. Je sais, je radote, mais c’est exprès !
C’est là que doit se concentrer l’exigence de transparence.
Où sont déclarés les cadeaux, si courants qu’ils sont omis par tous : invitations à des voyages, dans des restaurants de luxe, y compris par des sociétés de fast food ? Comment faire de la peine à quelqu’un, un groupe ou une société devenu un familier ?
Personne n’est parfait. Le conflit d’intérêts est toujours possible, mais il faut l’afficher. C’est pour cela qu’au Conseil de l’Europe les conflits d’intérêts doivent être déclarés.
Nous défendrons également un amendement sur les assistants parlementaires qui sont ou seraient mis à disposition par des groupes de pression. Il est nécessaire que le public le sache et n’ait pas à deviner de qui il s’agit.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme Hélène Lipietz. Cependant, dans le même temps, il faut donner à nos collaborateurs, que je remercie du travail qu’ils accomplissent pour nous, un véritable statut et élaborer une convention collective qui les protège des abus inhérents à leurs missions d’assistance, en tout lieu et à toute heure, de leurs parlementaires.
Nous souhaitons que différentes chartes de déontologie soient mises en place pour chacun des trois pouvoirs et nous espérons que le quatrième pouvoir, le pouvoir journalistique, fera de même.
M. Henri de Raincourt. Ah ben oui !
Mme Hélène Lipietz. Quant aux sanctions contre les élus, si elles doivent avoir lieu, elles doivent d’abord venir des pairs : c’est à chaque assemblée, chaque gouvernement, chaque ministère, ne plus tolérer en son sein des brebis galeuses.
Enfin, si nous aurions aimé que la peine d’inéligibilité soit non relevable, nous n’avons pas maintenu l’amendement que nous avions rédigé à cette fin car son adoption aurait créé un fâcheux précédent pour les simples citoyens condamnés. C’est pourquoi nous y avons renoncé !
En effet, nous savons être magnanimes, et le peuple, lui, est souverain. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jean Boyer et M. le rapporteur applaudissent également.)
(M. Didier Guillaume remplace M. Jean-Patrick Courtois au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis deux heures, nous entendons des interventions brillantes, étincelantes, percutantes. Beaucoup d'entre elles visent un seul objet : ébranler la majorité et le Gouvernement.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Oh là là !
M. Alain Gournac. Impossible !
M. Charles Revet. C'est juste qu’ils ne sont pas d'accord !
M. Alain Anziani. En réalité, ces interventions auront pour effet d'ébranler la maison qui nous abrite, le Sénat lui-même.
M. Jean-Claude Lenoir. Il ne faut pas inverser les rôles !
M. Henri de Raincourt. On est habitué !
M. Alain Anziani. Pourquoi une telle véhémence…
Un sénateur du groupe UMP. Oh !
M. Alain Anziani. … au sujet d'un texte qui a pour unique ambition de rétablir la confiance entre nous et les citoyens ? Cela devrait au contraire nous réunir !
Mme Cécile Cukierman. Nous n'avons rien à cacher !
M. Alain Anziani. À cette méfiance de nos concitoyens, nombre de parlementaires répondent par de la défiance envers les citoyens. Ce n'est évidemment pas la bonne réponse.
Je reprendrai certains des arguments qui ont été avancés.
D'aucuns ont parlé de texte de circonstance. Étonnamment, je partage ce point de vue et vous donne raison, mes chers collègues : c'est bien de cela qu'il s'agit. Cependant, si vous réfléchissez à l'histoire qui est la nôtre, tous les textes de moralisation – le terme n'est pas apprécié, je le retire aussitôt –, en tout cas tous les textes qui ont tendu à donner un peu plus de vertu en politique sont nés des circonstances.
Le ministre a ce matin rappelé qu'en 1971 le scandale de la Garantie foncière avait vu un député mélanger ses intérêts avec ceux d'administrateur d'une société. L'année suivante, un texte de circonstance était présenté, qui se voulait fortement déontologique, puisqu’il renforçait les incompatibilités – déjà ! – et obligeait les parlementaires à une déclaration de leurs activités.
Des années plus tard, sur toutes les travées, nous avons tous vécu ces douloureux scandales liés au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Immédiatement nous ont été présentés des textes que nous pouvons qualifier de circonstance, mais qui ont permis de rendre la France exemplaire en matière de financement de la vie politique. C'est encore le cas aujourd'hui : dans aucun pays, la législation n’est aussi ferme que la nôtre.
Je conclurai par un dernier exemple que l'on appelle « l'affaire Woerth-Bettencourt », c'est la presse qui l’appelle ainsi, ce n'est pas moi. Cela a donné naissance à un projet de loi du gouvernement Fillon relatif à la déontologie. J’en relisais ce matin l’exposé des motifs : « La confiance des citoyens dans ceux qui gouvernent, jugent ou administrent est au fondement même de la République et de la démocratie. Cette confiance ne peut prospérer que si l’intégrité et l’impartialité des responsables publics ne peuvent être mises en doute. » Nous pouvons faire nôtre ces deux phrases.
Pourtant, ce projet de loi est resté dans les tiroirs. Aujourd'hui, d'une certaine façon, nous reprenons le chantier. Je rappelle que ce texte prévoyait déjà des déclarations d'intérêts, des mécanismes de déport ou encore la création d'une autorité de la déontologie de la vie publique – on ne parlait pas encore de Haute Autorité –, avec un président nommé par décret. Aujourd'hui, la création d'une telle instance fait parfois sourire ; pourtant, elle figurait déjà dans ce texte.
M. Alain Gournac. Vous étiez contre !
M. Alain Anziani. Et je n’évoquerai pas le rapport d’information de Jean-Jacques Hyest sur lequel, avec quelques-uns, nous avons pu travailler.
Je le dis sans provocation : il suffit d’examiner la chronologie pour s’apercevoir que le seul à avoir voulu légiférer sur ces questions en dehors du contexte – certes, le contexte l’a depuis rattrapé ! –, c'est François Hollande. En effet, à peine élu Président de la République, celui-ci a demandé à ses ministres de signer une charte de déontologie prévoyant que « le Gouvernement a un devoir de transparence ». (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. On voit le résultat !
M. Alain Gournac. Quelle efficacité !
M. Alain Anziani. Ne mélangez pas tout, mes chers collègues, nous allons y venir !
En tout cas, lorsque François Hollande pose cet acte, il le fait alors que les circonstances ne l’y poussent pas.
Vous avez raison, la réalité est toujours plus forte : elle a rattrapé la volonté très forte du Président de la République avec le mensonge de Jérôme Cahuzac, que nous avons tous condamné.
Un sénateur du groupe UMP. Ce n'est pas le seul !
M. Alain Anziani. Aujourd'hui, il faut un nouveau texte. Je vous promets que d'autres textes viendront par la suite, parce que, demain, il y aura l'affaire Karachi,…
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !
M. Henri de Raincourt. Ne vous avancez pas trop !
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n'est pas sûr !
M. Charles Revet. Vous avez une façon de détourner les problèmes !
M. Alain Anziani. … ou tout autre scandale. À chaque fois, il nous faudra progresser. Il n'y a jamais de texte définitif, surtout pas en la matière !
On nous oppose qu’il s’agit de textes de méfiance. Mes chers collègues, nous partageons tous le même sentiment : nous supportons mal ce soupçon qui nous frappe, tous, quelles que soient les travées que nous occupons. Nous en avons assez de ces accusations selon lesquelles nous sommes trop payés pour ne rien faire, corrompus, absents, inutiles ! (M. Henri de Raincourt acquiesce.) Personne ici n'accepte ce reproche qui est adressé aux parlementaires.
M. Jean-Claude Gaudin. C’est vrai !
M. Alain Anziani. Face à cela, deux solutions s'offrent à nous. La première semble relever de la magie. Elle consiste à penser qu'il suffit de hausser les épaules et que la rumeur passera. Personne ne pense cela possible ; personne ne croit à la magie. La seconde solution consiste à trouver des outils pour tenter de faire front.
Un autre courant nous reproche d'en faire trop, parce qu'il n'y a rien à voir. Vérifions si cela est vrai. Ensemble, nous observons que les Français pensent exactement le contraire. Un sondage réalisé en 2011, qui est cruel pour nous tous, révèle que 72 % des personnes interrogées estiment que les dirigeants politiques sont plutôt corrompus. Il est vrai qu'un sondage ne rend pas forcément compte la réalité.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Heureusement !
M. Alain Anziani. Vous voyez que nous sommes encore d'accord ! (M. Éric Doligé s’exclame.)
Je ne parlerai pas ici des parlementaires qui font l'objet de poursuites pénales, car les faits qui leur sont reprochés ne relèvent généralement pas de leur mandat de parlementaire. Ne nions pas que les conflits d'intérêts existent. Je me contenterai de citer trois exemples.
Le premier, c'est l'affaire du Mediator. Comment admettre une telle affaire ? Dans ce dossier, un individu, mandaté par les laboratoires Servier, est venu dans les bureaux du Sénat, corriger le rapport qui devait être rendu sur ce médicament, pour minorer le rôle des laboratoires Servier et détourner les soupçons sur une autre instance. C'est ici même que cela s'est passé, pas ailleurs ! Évidemment, des mises en examen ont eu lieu, l’une d’entre elles concerne une ancienne collègue sénatrice.
Le deuxième exemple concerne un rapport du député Christophe Sirugue, dont on ne fait pas assez mention, qui a été remise au nom du groupe de travail sur les lobbies à l'Assemblée nationale. Il relève que beaucoup – le mot n'est pas exagéré – de collaborateurs de parlementaires sont rémunérés par des sociétés qui pratiquent le lobbying. C'est la réalité ! Dès lors, que fait-on ? Faut-il faire comme si de rien n'était et passer à autre chose, ou faut-il essayer de réglementer l'activité des groupes d’intérêts dans nos assemblées ?
Enfin, troisième exemple, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, comment pouvons-nous accepter qu'un parlementaire perçoive dix ou vingt fois plus de réserve parlementaire qu'un autre ? Est-ce équitable et acceptable en république (M. Alain Gournac s’exclame.) qu'un parlementaire puisse recevoir vingt fois plus de réserve que ses collègues, y compris au sein d’un même département ?
M. Pierre Martin. On noie le poisson !
M. Jean-Claude Gaudin. Il ne doit pas y avoir beaucoup de parlementaires dans ce cas !
M. Alain Anziani. Ils sont déjà de trop, monsieur Gaudin !
Mais enfin ! Ne voyez-vous pas que ces pratiques bafouent non seulement la justice, mais aussi l'équité en matière électorale.
Nous essayons de trouver des outils : c'est le sens même de ce texte.
Le premier outil, classique, s’appelle les incompatibilités : voilà un siècle que nous savons l’utiliser, depuis le trafic des médailles.
M. Gérard Longuet. Wilson !
M. Alain Anziani. Nous allons renforcer ces incompatibilités. Comment peut-on s'y opposer ?
Nous allons notamment renforcer celles qui frappent ceux de nos collègues qui voient subitement s'éveiller en eux une vocation de conseil, alors qu'ils n'ont jamais exercé une telle activité avant de devenir parlementaire. Mais, soudain, frappés par la grâce, ils se découvrent un talent particulier pour donner des conseils,…
M. Gérard Longuet. Ils ne les donnent pas, ils les vendent !
M. Alain Anziani. … contre forte rémunération, bien évidemment, mon cher collègue.
Ils trouvent le temps de se livrer à cette activité en plus de leur mandat parlementaire, qui ne doit sans doute pas franchement les épuiser.
Il faut donc renforcer les incompatibilités ; c’est ce que prévoit votre texte, monsieur le ministre. Qui peut être contre ?
M. Gérard Longuet. Nous !
M. Alain Anziani. Il faut aussi aller plus loin, et rendre publiques un certain nombre de déclarations.
Y a-t-il vraiment un drame ?
Nos déclarations d'intérêts sont déjà publiées sur le site du Sénat, comme le soulignait tout à l'heure notre collègue. À cet égard, il est intéressant de constater que, la première année, ces déclarations ont été consultées 40 000 fois. Aujourd'hui, nous sommes sur un rythme annuel de 4 000 consultations. La curiosité aussi s’érode avec le temps.
Qui dans cette enceinte a été blessé par la publication de sa déclaration d'intérêts ? Qui en a ressenti de la honte ? Qui a considéré que sa vie privée avait été bouleversée ? Il me semble qu'aucun drame n’est survenu depuis cette publication.
Ne dramatisons pas ce qui devient finalement monnaie courante – le terme est bien choisi ! (Sourires.) – une fois passée la curiosité des premiers temps.
On peut en revanche discuter du pas supplémentaire que franchit ce texte en prévoyant de rendre publiques les déclarations de patrimoine. Cela existe déjà dans de nombreux pays.
Et je me permets d’attirer votre attention sur le paradoxe dans lequel nous nous enfermons. Nous nous arc-boutons sur ce refus alors que les plus exposés des politiques, les membres du Gouvernement, ont publié de telles déclarations.
M. Henri de Raincourt. Elle est bien bonne !
M. Jean-Claude Gaudin. Quand on voit ce qu’ils ont déclaré !
M. Charles Revet. Dites-nous que vous croyez à la sincérité de ce qui a été publié !
M. Éric Doligé. Il en manque !
M. Alain Anziani. Là non plus, il n'y a pas eu de séisme, en dépit de nombreuses publications dans la presse, notamment dans les quotidiens régionaux. Et il ne me semble pas avoir vu les membres du Gouvernement perturbés dans leur action – tout au plus certains d'entres eux ont-ils pu être agacés. Je ne crois pas en tout cas que notre République ait été atteinte par ces publications.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Alain Anziani. À partir de là, avec Jean-Pierre Sueur, nous avons imaginé que la transparence ne souffrait pas de demi-mesures et que, dès l'instant que l'on autorisait une publication à la préfecture, avec la possibilité de consulter ces déclarations, il fallait aussi en accepter les conséquences et être parfaitement cohérents. C'est pourquoi nous avons supprimé l'interdiction de divulguer ces déclarations et les condamnations qui lui étaient attachées. Nous pensons que cela ne devrait pas poser beaucoup de problèmes.
Bien sûr, cette mesure peut se discuter, mais je souhaite attirer l'attention de ceux qui la discutent.
Ceux qui souhaitent le maintien des sanctions – un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende – vont-ils demain poursuivre leur quotidien régional s’il lui vient à l'idée de publier leur patrimoine ?
M. Patrice Gélard. Ça n’a aucune chance d’aboutir !
M. Alain Anziani. J'aimerais aussi qu'ils me disent s'ils souhaitent que ce soit à chaque fois le Gouvernement qui poursuive les différentes publications – de par notre statut, les poursuites pourraient en effet relever de l'initiative du Gouvernement.
M. Gérard Longuet. Normalement ! C’est l’action publique !
M. Alain Anziani. Quoi qu'il en soit, je souhaite bien du plaisir à ceux qui voudraient poursuivre ces organes de presse ! En effet, une fois que le quotidien régional aura publié votre patrimoine et que vous aurez déposé plainte, ce n'est pas un article que vous aurez, mais des dizaines, dans toute la presse nationale. Et vous aurez même droit de surcroît à un petit procès, au cours duquel vous devrez vous expliquer sur votre patrimoine, ce qui donnera lieu à d'autres articles… Quant à la décision finale du tribunal, je ne mettrai pas ma main à couper qu'elle donnera satisfaction au plaignant.
M. Henri de Raincourt. Ça, c’est sûr !
M. Alain Gournac. C’est le problème !
M. Alain Anziani. C'est donc le principe de réalité qui nous conduit à faire preuve de prudence en la matière.
Pour conclure, j'ai entendu des personnes pour qui j'ai beaucoup d'estime dire que ces textes avaient été imposés par le Président de la République, ou encore que nous n'avions pas à donner de leçons de morale.
Il s’agit, à mon sens, de contrevérités. Ces textes nous sont tout simplement imposés par la réalité, comme l’ont été les textes sur le financement de la vie publique et beaucoup d'autres textes. Ils sont aussi guidés par la volonté de rétablir cet indispensable lien de confiance entre les élus et les électeurs, qui malheureusement continue de se défaire, et dont le délitement ne favorisera aucun des groupes politiques de cet hémicycle, mais ceux qui, à l'extérieur, comptent les coups avec beaucoup de gourmandise. Demain, ils auront beau jeu de dire : « Regardez-les, ils sont incapables de faire preuve de la moindre transparence ! »
M. Charles Revet. Vous l'avez détruite, la confiance !
M. Alain Gournac. Ce texte n’améliorera rien du tout !
Mme Cécile Cukierman. Quand on ne respecte pas les plafonds de dépenses, on détruit aussi la confiance !
M. Alain Anziani. J'attire aujourd'hui votre attention sur ce point.
Je sais les interrogations qui existent sur ce texte, mais imaginons qu'il soit rejeté : l'opinion va immanquablement penser que, décidément, nous avons beaucoup de choses à cacher ! (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Elle dira ce qu’elle voudra !
M. Alain Anziani. Et elle ajoutera même que, décidément, les sénateurs ne veulent rien dévoiler.
M. Alain Gournac. Elle le dit déjà !
M. Francis Delattre. Nous ne sommes pas socialistes, nous !
M. Alain Anziani. J’aimerais faire partager cette vérité : il est de notre responsabilité de regarder avec beaucoup d'attention ce texte, parce que c’est notre relation avec l'opinion qui se joue à travers lui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Ah ! un peu de sérieux.
M. Éric Doligé. Dis-leur ce que tu penses !
M. Henri de Raincourt. Éclaire-nous !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je suis maintenant sénateur, j'emploierai des mots policés pour parler des réserves que je nourris à l'encontre de ce texte. Mais vous verrez au final que l'addition de ces réserves fait de moi un opposant déterminé à ces projets de loi.
Je suis tout d'abord réservé sur les circonstances qui ont conduit à l'élaboration de ce texte.
Franchement, monsieur le ministre, il fallait oser le faire ! Car tout part au fond du mensonge d'un ministre du budget, qui cache l'existence de fonds placés en Suisse.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Effectivement !
M. Jean-Claude Lenoir. Il commence par nier l’existence de ces avoirs au Président de la République, au Premier ministre et à l’Assemblée nationale, avant que l'on apprenne finalement qu'il a menti à toutes ces autorités.
La recette trouvée par votre gouvernement, inspirée d'ailleurs par celle qu'utilisait régulièrement un président de la République en fonction de 1981 à 1995, est de faire diversion.
Il existe de beaux ouvrages sur la question, notamment celui de Machiavel. Relisez dans Le Prince les passages où il instruit Laurent de Médicis des choses qui touchent la vie publique, notamment quelques-uns des passages consacrés aux Florentins.
Tartuffe est venu plus tard, monsieur Mézard, mais quel art consommé du détournement d’attention !
Il fallait sauver les apparences ! Le Gouvernement était atteint ; c’était un séisme politique. Rappelez-vous la une des quotidiens, les titres des journaux télévisés. Il fallait créer une diversion pour protéger le Gouvernement et sa majorité. Et les victimes de cette diversion, ce sont les parlementaires !
M. Charles Revet. On les met en accusation !
M. Jean-Claude Lenoir. À en croire ceux qui alimentent aujourd'hui ce débat, ils seraient responsables des dysfonctionnements, des désordres et des mensonges qui ont été dénoncés.
Certes, le Gouvernement a péché par naïveté et par légèreté. Mais, si j’en crois certains propos entendus voilà quelques instants à cette tribune, cette naïveté est franchement contagieuse. Comment pouvez-vous croire un seul instant que le dispositif que vous nous proposez aurait pu empêcher M. Cahuzac de dissimuler la vérité ?
M. Alain Gournac. En effet !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président de la commission des lois, l'article 1er du projet de loi organique prévoit l'obligation pour un parlementaire de déclarer les fonds qu’il détient à l'étranger. Croyez-vous que l'ancien député du Lot-et-Garonne aurait mis une croix dans cette case et communiqué le nom du dépositaire ? Pourquoi être naïfs à ce point ?
La deuxième réserve porte sur la méthode. Elle conduit à jeter l'opprobre sur les parlementaires.
Je me suis replongé dans l'histoire des grands scandales qui ont jalonné la vie parlementaire. On prétend que chaque scandale a engendré une loi. Je ne partage pas ce point de vue. En réalité, ce sont souvent les électeurs qui ont tranché en lieu et place du législateur ou des magistrats.
Rappelez-vous cette affaire qui a momentanément écarté Clemenceau de la vie publique et parlementaire,…
M. Gérard Longuet. Panama !
M. Jean-Claude Lenoir. … après que la chambre unanime se fut levée en criant : « Panama ! Panama ! »
Ce n'est pas une loi qui a empêché qu'un autre scandale du même type puisse se reproduire, mais bien les électeurs.
MM. Jean-Claude Gaudin et Gérard Longuet. Les électeurs du Var !
M. Jean-Claude Lenoir. Et croyez-vous que dans un autre scandale, l'affaire Stavisky, c'est une loi qui fit barrage à de nouvelles affaires du même ordre ? Non ! C’est la foule qui défila place de la Concorde le 6 février 1934 en vociférant ces mots lus dans Rivarol : Tous des voleurs !
Mme Jacqueline Gourault. Rivarol, en voilà une référence !
M. Jean-Claude Lenoir. Prenez garde, vous alimentez avec ce texte une opinion (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) toujours plus hostile aux parlementaires, accusés de tous les maux. Et je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit, afin de ne pas prolonger mon propos.
Certes, il y a des brebis galeuses. Mais retenez que, dans l'histoire parlementaire, un seul député a été condamné pour avoir commis un délit dans l'exercice de ses fonctions. Il s’appelait André Rives-Henrÿs, et c’était en 1974.
Certes, des parlementaires ont été condamnés depuis, mais pour des raisons extérieures à leur mandat de parlementaire.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. L'un a été emprisonné pour une affaire de mœurs, les autres ont été condamnés pour des trafics d'influence ou des trucages de marché, mais dans l'exercice d'autres mandats.
Je vous en prie, chers collègues, contrairement à l'opinion exprimée par l'orateur qui m'a précédé à cette tribune, il me semble que vous portez la responsabilité d'avoir ouvert un débat qui nous met tous en accusation. Et, croyez-moi, l'opinion ne s'arrêtera pas là.
Croyez-vous que l’opinion, dans le cirque romain, va se contenter de ce que vous lui proposez ? Mais demain, elle réclamera plus ! « Ce n’est pas assez ! » dira-t-elle.
Par ailleurs, j’ai trouvé déplacé votre propos selon lequel si l’on est opposé au présent projet de loi organique, c’est que l’on a quelque chose à cacher. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Anziani. C’est l’opinion qui le dit ; ce n’est pas moi !
M. Jean-Claude Lenoir. Non, mon cher collègue, vous l’avez dit à la tribune et l’opinion le répétera !
Nous sommes tous devenus des pénitents, habillés par pudeur et par décence d’une robe de bure. Vous vous doutez bien que nous devrions normalement tous être dévêtus, avec de la cendre sur les cheveux…
M. Patrice Gélard. Et la corde au cou !
M. Jean-Claude Lenoir. Et se joignent à notre cortège de pénitents des flagellants, que l’on trouve parmi nous, qui estiment qu’il faudrait aller beaucoup plus loin encore et beaucoup plus vite et qui aliment eux aussi le sentiment négatif éprouvé à l’égard des parlementaires.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Francis Delattre. Il manque le gibet !
M. Jean-Claude Lenoir. J’émets enfin une réserve sur l’objectif recherché et les résultats qui vont être obtenus.
Comme cela a été souligné dans cette enceinte, il existe déjà des règles relatives à notre patrimoine, à nos intérêts et que nous appliquons. Il faut le rappeler à l’opinion car, à vous entendre, on a l’impression que tout est à créer, tout est à inventer.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd’hui, la finalité recherchée est de moraliser la vie publique, et non de caresser l’opinion dans le sens du poil.
Un jour, vous irez sans doute plus loin. Peut-être bientôt allez-vous sanctionner des parlementaires qui auraient renié leurs convictions lors d’un vote.
Mme Cécile Cukierman. Cela n’a aucun rapport ! C’est aux électeurs de le faire.
M. Francis Delattre. Écoutez !
M. Jean-Claude Lenoir. Ne seront-ils pas soupçonnés de recevoir un avantage en raison de leur vote ? Surtout, et je le dis sciemment dans une assemblée où la majorité est aussi courte,…
M. Bruno Sido. Inexistante !
M. Jean-Claude Lenoir. … allez-vous empêcher un élu de faire profiter l’assemblée à laquelle il appartient de son expérience professionnelle ? Évidemment, celui qui sait ne doit pas s’exprimer !
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Celui qui connaît un dossier doit se taire ! Telles sont les conséquences pernicieuses du texte qui nous est aujourd’hui soumis.
Mme Françoise Cartron. Franchement !
M. Jean-Claude Lenoir. En réalité, que veut-on ?
M. Bruno Sido. On ne sait pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous savons ce que souhaite la majorité dans ses différentes composantes : des élus hors-sol, élevés sous serre, qui n’ont exercé aucune activité professionnelle. En effet, évoquer des questions de santé serait condamnable pour un médecin ! Et ne parlons pas des agriculteurs !
M. Henri de Raincourt. Oh là là oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Bref, on veut des élus éloignés de la vie quotidienne de nos concitoyens, des élus sans attaches avec le territoire. Évidemment, défendre le département dont les électeurs nous ont envoyés siéger dans cette enceinte est condamnable.
M. Gérard Longuet. C’est du clientélisme !
M. Jean-Claude Lenoir. Voilà autant de dérives auxquelles nous allons assister et qui justifient notre hostilité aux mesures que vous nous proposez, qui ont pour objet de vous laver de tout péché commis et d’écarter le soupçon.
Mes chers collègues, en réalité, aucune loi n’empêchera quelqu’un de mentir !
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Aucune règle ne suffira, aucun interdit ne produira une conséquence positive.
M. Alain Anziani. Alors, il faut supprimer le code pénal !
Mme Cécile Cukierman. Et ce sera l’anarchie !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais ce qui nourrit notre action, ce qui justifie notre candidature à une fonction élective, notre présence dans cet hémicycle, c’est le code moral que nous construisons pour nous-mêmes et qui nous rend dignes de l’honneur que nous ont fait ceux qui nous ont élus. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Yves Détraigne et Christian Namy applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, les projets de loi organique et ordinaire dont nous sommes saisis aujourd’hui sont des textes hautement symboliques, car, comme l’a rappelé le rapporteur, ils traitent des sujets essentiels que sont la transparence, le contrôle et le respect de la vie privée. Ils sont aussi empreints d’un certain pragmatisme.
Ces textes sont d’une importance considérable pour notre République et ses institutions. Construire une République exemplaire : tel est l’objectif premier du Président de la République qui s’accompagne de l’ardente obligation d’obtenir la confiance de nos concitoyens.
M. Charles Revet. Il faut que ça change !
Mme Catherine Tasca. Avec l’examen de ces deux projets de loi, nous sommes aujourd’hui amenés à faire un progrès décisif en ce sens.
Fort heureusement, la transparence de la vie publique est une préoccupation ancienne et croissante des gouvernements. Ce sujet a fait l’objet de plusieurs lois, dont celle du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, modifiée, notamment, en 1995. Il est regrettable de noter que les progrès de la législation ont presque toujours eu lieu à la suite d’affaires ou de scandales politiques.
Si l’affaire Cahuzac a amené le Gouvernement à présenter dans l’urgence les présents projets de loi, il n’en demeure pas moins que les avancées qui sont proposées dans ces textes sont reconnues de longue date comme une nécessité pour la revitalisation de notre système politique tout entier.
En votant ces textes, ce que le législateur doit avoir à l’esprit, ce n’est pas principalement l’éventualité d’une future affaire Cahuzac, mais bien plutôt la restauration de la crédibilité des politiques aux yeux de nos concitoyens.
Pour ma part, je considère que l’expression d’une défiance à l’égard des politiques, dont la très grande majorité d’entre eux remplissent leur mandat avec engagement,…
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Catherine Tasca. … dévouement, et intégrité, témoigne d’une réelle injustice, en tout cas d’un excès. Il n’en demeure pas moins que leur crédibilité est trop souvent mise en cause. Il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour que s’impose à tous l’exemplarité des élus de la République qui sont, pour la plupart, entièrement dévoués et engagés au service de l’intérêt général.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser la situation telle qu’elle est et rester sourds à la défiance exprimée par nos concitoyens. Pour combattre celle-ci, nous devons agir. Et c’est le choix du Gouvernement.
Les projets de loi que nous examinons vont permettre à notre pays de combler un certain retard et de rejoindre le peloton de tête des pays ayant adopté des règles déontologiques strictes. En effet, ils comportent des avancées concrètes et consistantes : la publication des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts et d’activités d’un grand nombre de responsables publics ; la création de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, qui sera dotée de pouvoirs étendus, notamment en matière d’investigation et d’injonction ; la création de nouvelles incompatibilités ; des sanctions renforcées en cas de manquements aux nouvelles obligations créées par ces textes.
Je me réjouis du fait que la déontologie devienne un sujet de première importance pour le législateur. Le Sénat a d’ailleurs été précurseur dans ce domaine. Dès 2009 a été créé par la précédente majorité au sein de la Haute Assemblée le Comité de déontologie parlementaire pour, selon les termes de l’arrêté du bureau du 25 novembre 2009, traiter des « questions d’éthique concernant les conditions d’exercice du mandat des sénateurs et le fonctionnement du Sénat » sur saisine du bureau ou du président du Sénat.
Le premier président de cette instance fut Robert Badinter. Ce choix marquait la volonté de haute exigence éthique pour ce nouvel organe. Le président Bel a ajusté la composition du Comité, qui compte désormais six membres, pour assurer la représentation de chacun des groupes de notre assemblée. Il est en effet essentiel que les travaux du Comité échappent aux positions partisanes et permettent une approche collective des questions déontologiques. C’est bien au Parlement qu’il appartient d’assumer ces questions, dont il ne saurait être dessaisi ni exonéré.
Avec le bureau du Sénat, le Comité de déontologie a contribué à élaborer des solutions concrètes, comme la mise en place, à la fin de l’année 2011, d’un dispositif de déclaration d’activités et d’intérêts des sénatrices et des sénateurs étendu aux invitations et aux cadeaux qu’ils pourraient recevoir dans le cadre de leur mandat. Ces déclarations d’activités et d’intérêts sont rendues publiques par leur mise en ligne sur le site internet du Sénat depuis l’été 2012.
Le Comité de déontologie du Sénat, que j’ai l’honneur de présider, s’est réuni le 18 juin dernier, sur saisine du président du Sénat, afin de procéder à un échange de vues sur les incidences que pourraient entraîner les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la transparence de la vie publique au regard de la situation des parlementaires.
Fortement attaché au principe de séparation des pouvoirs, le Comité a insisté sur la nécessaire articulation des compétences entre la future Haute Autorité de la transparence de la vie publique et le bureau des assemblées, ainsi que sur la place de l’organe de déontologie dans le dispositif envisagé par le Gouvernement.
S’il est évidemment complètement admis et souhaité que soient réservées à la Haute Autorité les compétences en matière de déclaration de situation patrimoniale, il est également souhaitable que les attributions relatives à la déontologie parlementaire, pour ce qui concerne les déclarations d’intérêts et d’activités, et la prévention des conflits d’intérêts, continuent d’être assumées par les assemblées parlementaires, même si elles sont simultanément soumises à la Haute Autorité. La primauté des bureaux des assemblées en matière d’incompatibilités parlementaires est préservée. Il conviendrait de conférer des compétences renforcées aux organes chargés de la déontologie parlementaire relatives à la prévention des conflits d’intérêts.
Nous appuyant sur les réflexions de notre Comité de déontologie, Alain Anziani, les membres du groupe socialiste et moi-même avons déposé des amendements allant dans ce sens et qui ont été adoptés par la commission des lois. Ils ont pour objet de donner une reconnaissance légale aux organes chargés de la déontologie parlementaire qui existent au sein de chaque assemblée : le déontologue de l’Assemblée nationale et le Comité de déontologie du Sénat.
Sans viser à donner de compétences contraignantes à ces derniers et en laissant au bureau des assemblées le libre choix d’en définir tant la forme que le fonctionnement et les attributions, ces amendements tendent à les associer étroitement aux nouveaux mécanismes de prévention et de traitement des conflits d’intérêts que mettent en place les projets de loi dont nous débattons aujourd’hui.
La consécration légale de ces organes déontologiques internes aux assemblées non seulement est forte symboliquement, mais constitue aussi une véritable avancée pour nos assemblées parlementaires et, par voie de conséquence, pour notre démocratie.
L’article 2 bis du projet de loi ordinaire, ajouté par l’Assemblée nationale en première lecture, confère au bureau de chaque assemblée le pouvoir de définir des lignes directrices, des « règles », selon la terminologie retenue par la commission des lois du Sénat, en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. Ces règles devront éclairer les parlementaires sur l’attitude qu’ils pourraient être amenés à prendre dans une situation potentielle de conflits d’intérêts à l’occasion d’un acte commis au cours de leur mandat.
Sur la suggestion du Comité de déontologie du Sénat, nous avons déposé un amendement visant à associer directement les organes chargés de la déontologie parlementaire dans chaque assemblée à la rédaction de ces lignes directrices en leur permettant de donner au bureau un avis sur celles-ci. Cet amendement a également pour objet d’introduire dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires une reconnaissance légale des organes chargés de la déontologie parlementaire.
Deux autres amendements portent sur l’article 1er du projet de loi organique. Le premier tend à ce que les bureaux des assemblées parlementaires et les organes chargés de la déontologie puissent être informés des observations adressées par les électeurs à la Haute Autorité concernant les déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires. Le second a pour objet d’imposer à la Haute autorité, lorsqu’elle constate des manquements aux obligations relatives aux déclarations d’intérêts et d’activités l’amenant à transmettre le dossier au parquet et à en informer le bureau, d’en informer également l’organe chargé de la déontologie parlementaire.
S’ils sont adoptés en l’état, les projets de loi qui nous sont soumis permettront de renforcer les obligations de transparence et d’exemplarité qui incombent à chaque élu de la République tout en préservant le principe de séparation des pouvoirs.
Ces textes de progrès font écho aux évolutions de notre société, ce dont nous ne pouvons nous dispenser, et sont susceptibles de donner un nouvel élan aux institutions de notre démocratie. Je voterai donc avec conviction en leur faveur, afin que soit garantie, aux yeux de nos concitoyens, l’exemplarité de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Hélène Lipietz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mots doivent être à la base de nos débats : moralité et dignité. Moralité, car les récents événements ont éclaboussé toute la classe politique. Nous allons devoir établir des critères de transparence qui permettent à la République de débusquer ceux qui la desservent et de décourager ceux qui pourraient la desservir s’ils briguaient un mandat. Selon un adage de nos campagnes, quand on a un trou au pantalon, on ne monte pas au mât de cocagne. (Rires.)
Dignité, car cette moralisation doit se faire dignement, puisqu’il s’agit précisément de retrouver notre dignité d’élu, par respect pour la démocratie, pour les populations que nous représentons et pour nos proches et nos familles. Pour garder notre dignité, nous devons garder notre sang-froid, afin d’éviter que la transparence ne soit recherchée à la va-vite et ne se limite à un déballage dont se régaleront les ennemis de la vraie démocratie et les boulimiques du sensationnel.
Pour être digne, la démarche de moralisation doit être collective. Les démarches personnelles de tous ces trompettistes solistes de la transparence sur les chaînes de désinformation en boucle ne font que desservir la moralisation, qui répond à un besoin légitime de nos concitoyens.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. Gérard Roche. Pour être digne, la démarche de moralisation doit également être transversale. Le Gouvernement présente un projet de loi, qui sera évidemment soutenu par nos collègues du groupe socialiste et peut-être par des sénateurs appartenant à d’autres groupes, mais la moralisation doit être l’affaire de tous. Le groupe UDI-UC et sans doute aussi le groupe UMP présenteront des amendements visant à éviter que la transparence ne se limite à un déballage et à faire en sorte que nos assemblées ne finissent pas par être composées uniquement d’hommes d’appareil totalement coupés de la réalité territoriale, n’ayant comme attache locale que leur présence durant les week-ends dans les assemblées de défense qui fleurissent un peu partout.
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité gouvernementale, vous voilà au pied du mur. Ou nos amendements sont bien reçus, voire adoptés, et le Sénat pourra peut-être, dans sa majorité, voir dans cette démarche une réelle intention de moralisation, loin de toute tactique politicienne ; ou nos amendements sont majoritairement rejetés, et on évoquera, comme l’a fait tout à l'heure Jacques Mézard, une tartuferie visant, après bien des déboires, à vous faire revêtir le manteau de la vertu et à jeter sur nos épaules celui, moins glorieux, de l’opprobre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Charles Revet applaudit également.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre législation relative au financement et à la transparence de la vie politique est une œuvre commune. La première loi, initiée en 1988 par le gouvernement de Jacques Chirac à la demande du Président François Mitterrand, témoigne de l’esprit de relatif consensus qui a longtemps prévalu sur cette question. L’honnêteté oblige aussi à dire que, à chaque fois, c’est une affaire politico-financière qui nous a poussés à modifier le dispositif. C’est encore le cas cette fois-ci, malheureusement. Mais prenons-en acte et tentons d’en tirer le meilleur profit.
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, CNCCFP, plafonnement des dépenses électorales, financement des partis politiques et transparence : il s’agissait déjà, alors, de remédier à une crise de confiance que des actes inacceptables avaient provoquée ou révélée. Grâce aux textes que nous avons adoptés, des règles transparentes s’appliquent désormais aux campagnes électorales et aux comptes de campagne.
Il faut accepter ces règles et respecter ceux qui ont la responsabilité de les faire appliquer. Lorsque la CNCCFP et le Conseil constitutionnel constatent que de l’argent destiné au financement de l’action des pouvoirs publics a servi à financer la campagne de Nicolas Sarkozy, puis rectifient le compte et sanctionnent le candidat en conséquence, il est – je le dis délicatement – inadéquat et impropre de hurler au scandale démocratique.
Inadéquat et impropre, comme le communiqué de l’ancien Président de la République qui annonce sa démission du Conseil Constitutionnel pour retrouver sa liberté de parole. Nous n’avions pas remarqué qu’il n’était pas libre de parole. Et puis, il faudra nous expliquer comment un membre de droit du Conseil constitutionnel, en vertu de la Constitution et en sa qualité d’ancien Président de la République, peut en démissionner. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Charles Revet. Qu’est-ce que cela a à voir avec le texte d’aujourd'hui ?
Mme Cécile Cukierman. Il y a bien un lien !
M. Jean-Claude Gaudin. Vous n’avez jamais dû venir dans les Bouches-du-Rhône !
M. Jean-Yves Leconte. Mais revenons à nos moutons. La République exemplaire, c’est le choix que les Français ont fait le 6 mai 2012. Depuis, la réalité s’est imposée à nous. Elle témoigne des difficultés de la tâche, mais elle ne doit pas abattre notre détermination à avancer.
La République exemplaire, c’est la justice qui passe dans toutes les affaires, sans intervention du pouvoir politique. C’est pourquoi il faut regretter que nous n’ayons pas pu trouver, la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le chemin d’un compromis ayant pour objectif de donner des garanties constitutionnelles à l’indépendance de la justice.
M. Charles Revet. Ce n’est toujours pas l’objet du texte d’aujourd'hui !
M. Jean-Yves Leconte. La République exemplaire, ce sont les ministres qui rendent public leur patrimoine après avoir signé une charte de déontologie.
Les projets de loi que nous examinons aujourd'hui s’inscrivent dans cette continuité. Ils sont un juste prolongement des travaux de la commission Jospin, qui était chargée de formuler des propositions sur la rénovation et la déontologie de la vie publique.
M. Jean-Claude Gaudin. Elle ne comportait pas un seul élu !
M. Jean-Yves Leconte. Je salue le travail réalisé par le président et rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur : il a su faire évoluer les textes de l’Assemblée nationale afin qu’ils répondent le mieux possible aux objectifs annoncés par le Président de la République et aux attentes des Français, et prennent acte de l’impossibilité de bloquer aujourd’hui la circulation de l’information. Ce sont des avancées significatives.
Le ministre du budget d’un gouvernement socialiste mis en examen pour fraude fiscale : la force du symbole nous a tous pétrifiés. Elle nous oblige tous à nous interroger sur ce qui a rendu possible une telle situation.
M. Charles Revet. C’est à vous de vous interroger !
M. Jean-Yves Leconte. C’est ce que je suis en train de faire, monsieur !
Si le mensonge d’un homme produit de tels effets, c’est que la désillusion vis-à-vis de l’ensemble de la politique est grande. Il existe une défiance à l’égard de tous les élus de la République.
M. Gérard Longuet. Vous entretenez, vous amplifiez, vous organisez cette défiance !
M. Jean-Yves Leconte. Nous ne pouvons la balayer d’un revers de main. Cette défiance, nous devons la constater, sans stigmatiser aucun groupe politique.
« Moraliser la vie politique » semble devenir l’urgence absolue. Le dire de cette manière sous-entend que rien n’est moral aujourd’hui. Comme d’autres orateurs avant moi, je réfute cette affirmation, qui ne correspond pas à l’engagement politique de nombreux militants, responsables, élus pour défendre leurs idées, leurs convictions, leurs engagements et leurs projets. (M. Charles Revet s’exclame.)
Plutôt que de moralisation, il est question – c’est l’intitulé même de ces projets de loi – de transparence de la vie politique. Il est temps de répondre au soupçon par la preuve, de remplacer le questionnement par la transparence. Personnalités publiques élues pour faire émerger, exprimer, défendre l’intérêt général, nous avons un devoir d’exemplarité. La question de la publication de notre patrimoine et de nos déclarations d’intérêts est légitime et normale. C’est la condition pour tordre le coup à tous les fantasmes.
Bien entendu, un engagement public est un engagement personnel qui ne saurait provoquer d’effet au-delà du raisonnable sur les obligations et l’intimité de nos familles et de nos proches. Dans leur rédaction actuelle, les deux projets de loi semblent répondre de manière équilibrée à ces exigences.
M. Gérard Longuet. Vous y croyez vraiment ?
M. Jean-Yves Leconte. J’invite ceux qui s’inquiètent de cette évolution à regarder ce qui se passe chez nos voisins européens ou à constater la rapidité avec laquelle le débat s’est clos pour les ministres dès lors que la publication de leurs patrimoines a été effective. Alain Anziani rappelait tout à l'heure ce que le Sénat a déjà fait en matière de déclaration d’intérêts des sénateurs, et comment les mesures adoptées ont vite été considérées comme normales, en toute transparence.
L’exigence de transparence est une nécessité. C’est aussi une évolution inévitable pour une société dans laquelle certains aspects de ce qui constituait auparavant la vie privée relèvent aujourd’hui du domaine public. Les réseaux sociaux sont passés par là, et, même s’il faut en refuser la dictature, ils modifient les habitudes, les comportements et les réflexes. Accepter, accompagner ces nouvelles exigences, c’est répondre à de nouvelles attentes afin d’être audibles sur les idées, les valeurs, les projets que nous souhaitons défendre et pour lesquels nous sommes engagés en politique.
En ce qui concerne les activités parallèles des parlementaires, faut-il aller plus loin que la publication des déclarations d’intérêts, qui est déjà effective pour les sénateurs et le sera bientôt pour l’ensemble des parlementaires ? Profiter de son mandat de parlementaire pour développer une activité complémentaire qui relève du conflit d’intérêts est naturellement interdit. De telles pratiques, qui vont parfois jusqu’au trafic d’influence, tombent sous le coup de la loi.
Cependant, avoir la capacité de revenir à tout instant à son activité, à son métier initial, en continuant parfois à le pratiquer donne plus de facilité pour avoir cette liberté de ton qui est utile, et même indispensable, en politique. Y renoncer créerait également des situations inégalitaires. Cela poserait nécessairement la question du statut de l’élu, car il faudrait alors s’interroger sur l’égalité devant le mandat entre un salarié du privé, un travailleur indépendant, un praticien libéral et un fonctionnaire. L’inégalité est déjà patente.
La diversité des origines et des compétences des parlementaires est une nécessité absolue. Cette diversité est déjà trop faible. Nous devons donc la préserver et même l’augmenter autant que possible. Sur cette question, il me semble que la position qui émerge des travaux de l’Assemblée nationale et de notre commission des lois est équilibrée.
Un autre point doit être abordé : le statut de nos collaborateurs. La transparence de l’activité parlementaire doit porter sur la totalité des acteurs. Employeurs ou activités complémentaires de nos collaborateurs : tout cela doit être connu. Mais cette exigence nouvelle d’une déclaration d’intérêts doit s’accompagner de la reconnaissance d’un statut qui permettrait de sécuriser les collaborateurs des parlementaires et des groupes politiques. C’est le sens d’un amendement que nous sommes plusieurs à avoir déposé.
La défense de l’intérêt général : voilà le cœur de l’action politique. Pour le symbole, il est essentiel que les responsables politiques soient exemplaires. Mais pour qu’ils servent à quelque chose, il faut qu’ils puissent agir. Sur ces questions, nous devons tracer des pistes pour faire évoluer nos institutions tant dans les comportements que dans les textes. Parlementaires parfois passe-plats de l’administration, parlementaires notaires d’un accord conclu ailleurs ou de la législation européenne, parlementaires contraints entre le Conseil d’État et l’exécutif, parlementaires qui cèdent trop vite face à ces contraintes : voilà l’ensemble des constatations qui nous interrogent sur le sens de notre mandat, mais indiquent en même temps les principes qui peuvent faire de ce mandat un mandat utile.
La politique est en crise dès lors que nos concitoyens ont le sentiment qu’une alternance tant attendue ne permet pas d’élargir les chemins du possible, ne change rien à leur quotidien, et que toute espérance est vaine. Cela entraîne la remise en cause de la capacité du politique à agir sur le réel et parfois, plus prosaïquement, de l’autorité du politique sur l’administration et, par voie de conséquence, de l’utilité du politique. Réussir à conjuguer « Le changement, c’est maintenant » et la continuité de l’action de l’État, ce n’est pas facile. Mais si le sentiment est qu’il y a un vainqueur et un vaincu entre ces deux exigences, alors nous aurons perdu.
Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à avoir milité pour la VIe République. Conservons cette perspective, car avancer vers de nouveaux équilibres institutionnels est la condition de notre réussite. Chaque ministre doit être personnellement responsable devant le Parlement. Chaque nomination importante au plus haut niveau de l’administration mériterait d’être ratifiée par les commissions compétentes du Parlement. Et ces ratifications doivent se faire dans un esprit qui rompt avec la déférence habituelle et la règle dite des trois cinquièmes négatifs, selon laquelle l’impétrant doit seulement éviter d’avoir plus de 60 % des voix contre lui.
À travers ces deux projets de loi, il s’agit au fond de donner aux responsables politiques la capacité de mobiliser l’ensemble des citoyens du pays pour son redressement. La condition de notre succès, c’est d’abord de créer un climat de mobilisation générale face à l’urgence économique et sociale, afin d’arrêter les destructions d’emplois quotidiennes. Cela passe par la confiance. Et, en ce qui nous concerne, créer la confiance passe par l’exemple, par l’exemplarité.
Les textes que nous examinons touchent les parlementaires, mais aussi une grande partie des élus de la République. En effet, les règles de transparence prévues dans le projet de loi ordinaire concernent aussi les parlementaires européens, les conseillers régionaux, les conseillers généraux, les maires et les maires adjoints. À l’exception de ceux qui cumulent, ces élus ne pourront pas s’exprimer dans cette enceinte. Là aussi, il y aurait beaucoup à dire.
La décentralisation des compétences doit s’accompagner d’une profonde réforme qui permette de mieux lier compétences et capacité à déterminer et à lever les recettes pour y faire face. Dans le cas contraire, c’est le sens des mandats électifs qui risque de s’étioler progressivement, tout comme la capacité des élus locaux à peser sur la réalité. Et je ne parle pas des transferts de souveraineté au niveau européen, absolument essentiels afin de pouvoir peser sur l’évolution du monde, mais qui contraignent les marges de manœuvre réelles du débat national, celles de l’exécutif comme celles du Parlement. Tant que l’on refusera un véritable débat à l’échelon européen, la politique restera contrainte.
Tout cela nous mène loin de la transparence, mais ma conviction est que la transparence est un moyen de redonner à la politique la capacité d’agir. Les deux projets de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, constituent des outils qui feront de notre pays un modèle en la matière. Ils constituent aussi un vecteur pour affiner certains aspects du financement de notre vie politique. Ces projets de loi réaffirment le devoir d’exemplarité des élus, indispensable pour qu’ils soient audibles lorsqu’ils présentent un projet politique et pour qu’ils pèsent sur les décisions.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste du Sénat aborde ce débat en étant résolu à soutenir le texte soumis à notre assemblée par notre commission des lois.
En conclusion, je voudrais vous dire que, en entendant le président du groupe RDSE se référer à Tartuffe pour expliquer que, membre de la majorité gouvernementale, il votera pourtant contre ce texte,…
M. Jean-Claude Gaudin. Il a été meilleur que vous, en tout cas !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est parce qu’il a des convictions !
M. Jean-Yves Leconte. … ce qui handicapera la capacité du Sénat à peser sur le texte final, j’ai trouvé cela surréaliste !
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue !
M. Jean-Yves Leconte. J’aime et je salue la diversité et la liberté du groupe du RDSE, mais je crois que nos collègues sont allés un peu trop loin, et je le regrette, car le Sénat a besoin d’un vote positif sur ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. Jean-Claude Gaudin. C’est nul !
M. Gérard Longuet. C’est du chantage !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je dirai quelques mots en réponse aux orateurs, avec comme objectif, d’une part, d’écarter les discussions inutiles et, d’autre part, de retenir les pistes qui peuvent nourrir un débat utile et riche.
MM. Hyest et Lenoir se sont retrouvés avec des mots différents en abordant la question d’une manière assez politique.
Selon vos propres termes, monsieur Lenoir, le Gouvernement, confronté à l’affaire Cahuzac, a voulu sauver les apparences pour s’en sortir, tandis que, pour M. Hyest, il a voulu échapper à ses responsabilités et se cacher derrière ce texte, qui a un lien direct avec cette affaire.
Je regrette que vous ne m’ayez pas écouté plus attentivement. En effet, cela aurait évité ce débat inutile, puisque j’ai moi-même affirmé au nom du Gouvernement que ce texte avait, non dans son principe – nous y avions déjà travaillé avant –, mais dans ses dispositions, un lien avec l’affaire Cahuzac. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.) Ce n’est pas une découverte, et il n’était pas besoin d’une réflexion approfondie pour s’en apercevoir. Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, évitons de nous opposer pendant des jours sur cette question, puisque ce constat est partagé.
Une question plus intéressante mérite notre attention : cette situation est-elle nouvelle ? Là est le débat politique.
Certains d’entre vous ont esquissé une partie de l’histoire, mais se sont arrêtés en chemin, voyant bien qu’il y avait une contradiction à montrer que notre histoire politique, sous tous les gouvernements successifs, est jalonnée de lois, pour constater à la fin que ce projet de loi répond aux mêmes critères que les autres, c’est-à-dire un texte qui succède à un événement. Certains ont été cités ici depuis la loi sur la Garantie foncière. Mais il y a tout de même une différence, pour rester sur ce débat et pour le clore.
Un événement récent, sous l’ancienne majorité, a entraîné la même réaction, avec une méthode un peu différente : l’affaire Woerth. On a commandé un rapport à M. Sauvé, mais la grande différence, c’est que la proposition de loi de M. Sauvadet, qui traitait pour partie de ces questions, n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.
Par conséquent, quand on veut « sauver les apparences », pour reprendre votre expression, monsieur Lenoir, on peut demander un rapport et ne jamais organiser le débat. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)
Nous, nous avons déposé un texte de loi. Celui-ci est aujourd’hui en discussion et ne mérite pas d’être sorti de l’histoire, parce qu’il est le résultat d’une réaction normale.
Par ailleurs, M. Hyest, qui est parti,…
M. Jean-Claude Gaudin. Il reviendra !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … a déclaré que le Président de la République n’avait pas voulu réagir sur cette affaire. C’est faux, car pour la première fois, – là aussi, ce ne sont pas les apparences – nous avons, au sein de la majorité, accepté sans la caricaturer la commission d’enquête à l’Assemblée nationale.
Un sénateur du groupe UMP. Pouviez-vous refuser ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je vous renvoie à l’affaire dite « des sondages » : nous avions, dans l’opposition, essayé d’utiliser notre droit de tirage pour demander une commission d’enquête. Mais le texte avait été tellement caricaturé que nous y avions finalement renoncé.
Vous le voyez, je ne crois pas que, sur ce terrain, ces comparaisons fassent avancer le débat. En tout cas, je souhaitais, sur cette question, vous apporter une réponse.
M. Masson n’étant pas présent,…
M. Jean-Claude Gaudin. On ne le voit jamais ! (Rires sur plusieurs travées.)
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … je lui répondrai ultérieurement.
En outre, M. Hyest a formulé un certain nombre de propositions.
N’ayant pas bien compris la référence qu’il a citée dans son intervention, je lui répondrai que l’omission de déclaration a effectivement déjà été punie, sous l’ancienne majorité, de 30 000 euros d’amende et de privation des droits civiques, aux termes de l’article L.O. 135-1 du code électoral, issu de la loi organique du 14 avril 2011. Chacun y reconnaîtra sa paternité, et il me semble que, de ce point de vue, la référence n’était pas fondamentalement opportune.
M. Hyest a tracé deux pistes qui sont évidemment intéressantes dans le débat : d’une part, l’application au mandat en cours, qui est un vrai débat, sujet sur lequel nous aurons à échanger, et, d’autre part, la protection de la vie privée.
Je l’ai dit moi-même dans mon intervention, sur ces questions, nous sommes souvent amenés à arbitrer entre des principes de même valeur mais qui aboutissent à des solutions contradictoires, comme la protection de la vie privée par rapport à la transparence.
D’où l’idée – le système, je l’ai bien compris, n’a pas déclenché son enthousiasme –, même si ce n’était pas la proposition d’origine, de conjuguer ces deux systèmes, solution qui avait été reprise par l’Assemblée nationale et à laquelle, quels que soient le rapport et les décisions de la commission des lois, le Gouvernement est justement attaché, dans la mesure où elle évite une publicité tous azimuts s’agissant des patrimoines.
Mme Assassi a eu raison de rappeler que – ce qui peut nous faire bondir, nous faire regimber ; en tant qu’élu, j’ai suffisamment siégé au Parlement pour savoir que l’on peut nier cette réalité ; c’est la solution de facilité – trois sondages réalisés ces douze derniers mois ont répondu terriblement à la question suivante : pensez-vous que les élus, les parlementaires sont corrompus ? Je pensais que la moitié des personnes interrogées allaient répondre par l’affirmative. En réalité, elles ont répondu oui à 85 %. On peut dire qu’elles ont tort ou qu’elles sont anesthésiées par je ne sais quelle presse. On peut l’ignorer – c’est la méthode Coué –, mais certains font fortune là-dessus. Qui ne peut voir aujourd’hui que c’est le fonds de commerce de ceux qui ne sont pas là ?
Il faudrait ne rien dire, rester là, spectateurs, en disant que nous sommes les défenseurs de la République et que tout le monde va le comprendre. Nous le sommes peut-être, mais ils ne le comprennent pas. (M. Charles Revet s’exclame.)
C’est, je crois, la question de fond, que l’on ne peut écarter d’un revers de main.
Je voudrais maintenant répondre à Mme Assassi sur la question du lobbying, qui fera aussi l’objet d’un débat entre nous, et vous donner la position du Gouvernement sur un certain nombre de questions.
Je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous avons aussi des principes à respecter, dont la séparation des pouvoirs et l’autonomie des assemblées. Par conséquent, dans certains domaines, le Gouvernement, non qu’il n’ait pas d’idée ou que la question du lobbying ne soit pas intéressante, ne peut que s’en remettre à la sagesse de l’assemblée. C’est le cas, par exemple, de la question des collaborateurs ou d’autres sujets, qui relèvent exclusivement de l’assemblée. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement franchirait cette ligne de séparation. (Mme Catherine Tasca opine.)
Ce sujet, je l’ai vécu comme parlementaire et je l’observe comme ministre des relations avec le Parlement, est évidemment important, mais c’est aux assemblées de prendre des décisions si elles le jugent utile.
Monsieur Zocchetto, je ne reviendrai pas sur ce que je viens de dire au sujet du lien avec l’affaire Cahuzac. Vous avez vous-même posé un certain nombre de questions et regretté que l’on puisse, avec le texte de la commission, aboutir à une solution qui ne soit pas cohérente, en tout cas qui présente des risques sans qu’il y ait des pénalités.
Nous sommes prêts au débat, car, je l’ai dit, le Gouvernement veut examiner l’ensemble des questions. Sur un texte comme celui-là, nous ne sommes pas dans la situation où la vérité serait seulement d’un côté. Nous pouvons être opposés sur le fond, le principe de l’affaire, mais des progrès doivent être réalisés, des questions pertinentes ont été posées. Le Gouvernement souhaite prendre sa part dans le débat pour enrichir le texte, notamment dans le sens que vous souhaitez.
Monsieur Mézard, quand vous avez dit que nous avions un désaccord de fond sur une question de fond, tout était dit et, à partir de là, la passion n’était qu’annexe…
M. Gérard Longuet. Le talent !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … par rapport à ce positionnement qui ne supposait, par sa détermination, aucune ouverture, malgré le consensus que vous évoquiez à la fin et qui me paraissait apparaître comme un regret si ce n’est comme une contradiction complète avec le reste de la démonstration.
Madame Lipietz, vous avez bien sûr eu raison de replacer le texte dans son contexte. C’est une réalité qui est aujourd’hui devant nous.
M. Anziani a aussi retracé, notamment, les initiatives qui ont été prises ici sur les déclarations d’intérêts. Alors que rien ne l’y obligeait, le Sénat, dans sa totalité, a été exemplaire en mettant en ligne ces déclarations d’intérêts. Il s’agit d’une bonne information. Nous y répondrons à travers les souhaits de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Je ne peux que partager les propos de M. Anziani sur le fait que cette question de fond ne concerne pas seulement le Sénat. Il s’agit de la relation de la représentation nationale avec les citoyens.
Monsieur Lenoir, vous avez fait une démonstration très pertinente…
M. Gérard Longuet. Talentueuse !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … qui a retenu mon attention sur un sujet qui n’existe pas. Si le texte vous a fait croire cela, je suis prêt à toutes les corrections : jamais on ne demandera à un parlementaire, qui est là pour s’exprimer et voter au nom de l’intérêt général et de l’ensemble de la nation, de se retirer d’un vote sur un texte de loi.
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai dit : demain ! Vous verrez, on y arrivera !
M. Charles Revet. On peut se poser des questions !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il peut y avoir des amendements, mais ce n’est pas la position du Gouvernement. En effet, à ce moment-là, le risque d’une quelconque démarche pour changer les majorités est réel. Je vous le dis très clairement pour que ce débat ne vous perturbe pas davantage : il n’y a pas et il n’y aura pas d’obligation de déport pour les parlementaires. D’ailleurs, ce serait probablement inconstitutionnel compte tenu du statut des parlementaires.
Madame Tasca, vous avez repris, ce qui n’a pas été surprenant, la question du lien avec les organes de déontologie, aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat. Cela répond également à la question suivante : que continuent à faire les assemblées – nous y reviendrons –, car le lien entre la Haute Autorité et un certain nombre de décisions qui demeurent exclusivement de la compétence des assemblées est aussi une réalité que nous avons inscrite dans le texte ?
Monsieur Roche, nous sommes évidemment ouverts à la discussion de tous les amendements. On ne trouve pas dans ce texte, sauf une opposition frontale qui a pu être exprimée mais assez rarement, de critère qui recouvre complètement les divisions partisanes. Par conséquent, le Gouvernement est très attentif à l’ensemble de ces propositions.
Jean-Yves Leconte a soutenu brillamment ce texte, en faisant des références et des comparaisons utiles avec nos voisins européens. Il a terminé en manifestant ses aspirations en faveur de changements constitutionnels et la construction d’une sixième République. Qu’il me permette, à ce stade, de lui répondre : à chaque jour suffit sa peine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Hélène Lipietz et M. Michel Le Scouarnec applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, en ayant une pensée pour notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain, je voudrais, en votre nom à tous, accueillir très chaleureusement notre nouvelle collègue sénatrice du Haut-Rhin, Mme Françoise Boog, en lui souhaitant la bienvenue dans la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
projet de loi organique
M. le président. Nous passons à la discussion des motions déposées sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Longuet, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 723, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour la motion.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Gérard Longuet. Je tiens au préalable à m’adresser à notre jeune collègue, en formant le vœu qu’elle éprouve les mêmes satisfactions que celles que j’ai connues en trente-cinq ans de vie parlementaire.
Monsieur le ministre, en m’exprimant à cet instant au nom du groupe UMP pour défendre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire – la loi organique sera, elle, soumise au Conseil constitutionnel –, je dois avouer très sincèrement que je vous en veux.
J’aime le Parlement, j’aime la vie parlementaire ; je considère que les parlementaires ne méritent absolument pas les injustices qu’ils subissent et que vous avez évoquées en mentionnant des sondages dont je pense profondément que la crise Cahuzac explique en partie l’ampleur.
M. Charles Revet. En grande partie !
M. Gérard Longuet. En effet, confronté à une situation impossible – que je comprends – et accidentelle – je l’imagine –, le Gouvernement a transféré sur la classe politique en général et sur le Parlement en particulier la responsabilité qui était la sienne : avoir choisi un homme qui ne pouvait pas assumer une telle mission.
Les sujets évoqués à travers ce projet de loi organique et ce projet de loi méritent l’attention. De fait, quand on aime le Parlement, on a le droit de se poser deux questions, que vous avez du reste confondues et dont vos textes ne traitent nullement.
Premièrement, je songe à l’émergence progressive dans notre droit d’une notion d’origine anglo-saxonne mais qui commence à entrer dans tous les esprits, à savoir le conflit d’intérêts. Ces situations s’observent dans le secteur privé, notamment en matière bancaire : les banquiers expliquent qu’ils érigent de véritables murailles de Chine entre les différents services d’un même établissement pour prévenir tout conflit d’intérêts au sein de cet établissement.
Le conflit d’intérêts constitue une préoccupation constante de l’économie privée, et à juste titre on pouvait s’interroger sur son adaptation à la vie parlementaire et sur la distinction très forte qui sépare, d’un côté, le conflit d’intérêts, qui est une attitude et n’est jamais un délit, et, de l’autre, le délit pénal, lequel est la prise illégale d’intérêt, voire le trafic d’influence ou la corruption.
Dans sa précipitation, le Gouvernement a créé une sorte de monstre juridique, qui – je dois le reconnaître – a hélas été préparé par les ambiguïtés des lois de 1988 et 1995. C’est cette première confusion qui me met mal à l’aise et qui mérite d’être étudiée à la lumière de notre Constitution. Je pense naturellement à son article 25, qui rappelle l’obligation de fixer, par la loi, les règles d’éligibilité et d’incompatibilités au Parlement. Je pense également à un certain nombre de principes à valeur constitutionnelle issus de la Déclaration des droits de l’homme, sur lesquels je reviendrai.
Deuxièmement, je mentionnerai un sujet grave, qu’il faut examiner sérieusement et non dans l’urgence, dans la précipitation ou dans le conflit, dans ce climat d’opprobre né du mensonge d’un homme devant le Parlement : après tout, c’est lui qui a menti aux parlementaires, et non l’inverse !
M. Charles Revet. Exactement !
M. Gérard Longuet. Ce sujet, qui mérite plus de sérénité, c’est le statut professionnel du parlementaire.
À ce titre, tous les cas sont uniques. Les situations des députés ne sont pas nécessairement celles des sénateurs. Qui plus est, au sein de l’une et l’autre des deux assemblées, chacun peut choisir librement, sous l’arbitrage des électeurs, son mode de fonctionnement personnel. Il n’y a pas une carrière type !
Jean-Claude Lenoir a évoqué avec humour des députés bientôt hors-sol, élevés sous serre par injection de soutiens partisans, puisque seuls les partis pourront les accompagner.
Mes chers collègues, quelle est, en vérité, la force de notre Parlement ? Dans cet hémicycle, sont disposées un certain nombre de médailles en bronze en hommage aux grands parlementaires des IIIe, IVe et Ve Républiques : toutes ces personnalités sont singulières, eu égard à leur vie personnelle d’avocat, de médecin, d’entrepreneur ou d’industriel. Ce sont des femmes – trop rarement – et des hommes – souvent – venus de la société civile qui acceptent de s’engager. D’autres, au contraire, font le choix d’une carrière exclusivement parlementaire.
Monsieur le rapporteur, toutes ces questions méritaient d’être étudiées en profondeur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. (M. le rapporteur brandit un exemplaire du rapport de la commission.) Tout de même, 300 pages !
M. Gérard Longuet. A contrario, le Gouvernement a repris une mauvaise initiative, qui est issue de la loi de 1988 mais qui était alors sans conséquences : confier à une commission administrative une mission qui, dans toutes les autres démocraties parlementaires, relève de l’autorité du Parlement. Telle est la première condamnation que j’invoquerai pour dénoncer l’inconstitutionnalité du présent texte.
Jacques Larché était, en 1988, rapporteur de la première loi sur le financement des partis politiques – je ne parle pas ici du texte de Michel Rocard, que j’ai voté en 1989, car je connaissais suffisamment Guy Carcassonne pour savoir que la France avait trop souffert de son retard en la matière ; quant au texte de 1988, je n’ai pu le voter puisque j’étais alors ministre ! Quoi qu’il en soit, dès cette époque, M. Larché précisait qu’un tel contrôle ne pouvait être confié à une commission administrative composée de fonctionnaires.
Après tout, qu’il existe une « Haute Autorité », passe encore ! Mais où est la morale dans ce pays ? Regardons un peu en arrière ! Jean-Claude Gaudin et moi-même en avons discuté : en 1940, un seul magistrat a refusé de prêter serment au maréchal Pétain – M. Didier –, tandis que quatre-vingts parlementaires lui ont refusé les pleins pouvoirs !
M. Jean-Claude Gaudin. Le 10 juillet 1940…
M. Gérard Longuet. Le Parlement n’a pas à rougir de son courage. Il n’a pas à recevoir sans discuter des leçons de morale venues de l’extérieur, alors qu’il a, en son sein, suffisamment de forces pour organiser sa discipline. Telle est ma conviction ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Pourquoi diable prévoir un tel système ? Qu’une commission administrative recueille des documents, cela n’emportait pas de conséquences. Désormais, en vertu des procédures prévues, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera investie d’une responsabilité diabolique. J’emploie ce terme à dessein. De fait, en apparence, cette commission administrative, dotée d’un titre glorieux et où toute immixtion de parlementaires passés, présents ou futurs est interdite, n’a qu’une charge de greffier. Mais, en fait, c’est loin d’être le cas ! La Haute Autorité mènera un dialogue continu et systématique sur l’ensemble des activités d’un parlementaire, de sa famille, de ses liens et de ses proches, lesquelles devront être justifiées en permanence !
Monsieur le rapporteur, ce constat se fera jour lorsque nous examinerons les différents articles : le droit d’interrogation, le droit d’appréciation et le droit de saisine du parquet pour des manques d’information font peser une menace permanente sur les parlementaires, être victimes non simplement de leurs propres faiblesses, oublis et négligences mais aussi, le cas échéant, des faiblesses, oublis et négligences de celles et ceux à qui ils sont liés. C’est tout simplement invraisemblable !
J’ajoute que cette saisine du parquet, dont les bureaux des deux assemblées sont informés, reste à la discrétion de la Haute Autorité.
Je ne reviendrai pas, en cet instant, sur les procédures qui me semblent particulièrement choquantes : nous aurons l’occasion de les évoquer lorsque nous examinerons l’ensemble du dispositif. Toutefois, en revenant à la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789, on observe que le présent projet de loi viole ouvertement l’article XVI de ce texte : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution. »
C’est exactement le cas dans lequel nous sommes placés ! Premièrement, la garantie des droits de la défense n’est pas assurée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Deuxièmement, les parlementaires seront placés sous la menace permanente de cette instance. Certes, le pouvoir de sanction revient au Conseil constitutionnel en cas d’omission de dépôt d’un texte ou à la justice en cas de saisine du parquet. Mais, comme Jacques Mézard l’a souligné avec raison, c’est la mise en accusation publique sur la base d’un fait qui pose problème, nous le savons tous !
Je vous le rappelle, seront non seulement consultables en préfecture les déclarations patrimoniales – question qui, en tant que telle, pose plusieurs problèmes que je détaillerai dans quelques instants – mais aussi les appréciations que porte la Haute Autorité sur ces documents. Quand on connaît la malice – pour ne pas employer un terme plus agressif – des membres d’un certain nombre d’institutions à l’égard du Parlement, on ne peut qu’être inquiet.
À ce titre, je citerai l’exemple d’un secrétaire de la commission de la transparence, par ailleurs membre du Conseil d’État, qui a failli être mon collègue au Gouvernement – j’y suis entré juste après son départ. Celui-ci a engrangé des droits d’auteur en publiant un livre nourri des informations qu’il avait directement puisées dans les fonctions que je viens de mentionner. Bref, ne croyons pas que les hautes autorités soient peuplées de saints ! Elles sont peuplées d’hommes et de femmes, avec leurs convictions et leurs passions. Il serait raisonnable que ces hommes et ces femmes se soumettent à des principes simples, par exemple à celui de la double juridiction ou encore au droit à un recours à caractère suspensif.
Dans ces conditions, on pourrait accepter à la rigueur que la procédure proposée et adoptée en 1988, à savoir le dépôt d’un certain nombre de documents, soit transférée du Conseil constitutionnel à une commission, dès lors que cette dernière, strictement administrative, se contenterait de ses fonctions de greffier. Or tel n’est pas le cas : dans le cadre du présent texte, la Haute Autorité organise le conflit public, confère entière autorité à la délation et donne du grain à moudre à tous ceux qui, comme M. le ministre l’a souligné à juste titre, prospèrent sur le goût de nos compatriotes pour le jeu de chamboule-tout, et favorisent partant systématiquement la vente des publications les plus agressives à l’égard des institutions en place.
Passé cette observation, je tiens à me tourner vers mon collègue et ami le président François Zocchetto. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
En effet, je souhaite attirer son attention sur les articles II, IV et VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
L’article IV de ce texte est relatif à la liberté, donc à la liberté d’entreprendre. Il serait quand même tout à fait étonnant que les parlementaires français soient les seuls, parmi nos compatriotes, à perdre l’usage de ce droit. Or le présent texte précise très clairement que les députés et sénateurs ne peuvent pas s’engager dans une nouvelle activité. C’est tout simplement absurde ! Le bureau de l’assemblée à laquelle un parlementaire appartient le rappellera à l’ordre s’il se lance dans une activité contraire aux principes déontologiques qui s’imposent à lui. Toutefois, partir du principe qu’un parlementaire ne peut pas commencer une nouvelle activité, quelle qu’elle soit, c’est totalement inconstitutionnel : une telle disposition revient à priver d’une liberté fondamentale – le droit d’entreprendre – un millier de nos compatriotes qui n’ont tout simplement aucune raison d’être a priori coupables lorsqu’ils changent d’orientation !
L’un de mes excellents camarades, qui a siégé à la commission des lois de l’Assemblée nationale en 1978 puis ici même, au Sénat, Nicolas About, a commencé sa carrière parlementaire comme médecin, et l’a quittée docteur en droit, avant de devenir juriste. De quel droit peut-on empêcher un tel changement d’activité ?
Par ailleurs, concernant l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme, j’observe que le présent texte exclut de but en blanc certaines professions. À cet égard, certains ont pu gloser sur les activités de conseil. Je rappellerai simplement que la présidente sortante du MEDEF a par ailleurs été présidente du syndicat national des bureaux d’études techniques, le SYNTEC, représentant professionnel du conseil en France. Le conseil constitue une activité honorable, riche de plus de 150 000 salariés dans notre pays, et dont la balance commerciale est tout à fait excédentaire ! Il permet à nos entreprises de gagner des parts de marché à l’exportation.
Le conseil est-il ce pestiféré que vous dénoncez ? On déplore certainement des abus et des excès, mais ces cas relèvent de la déontologie et donc du contrôle que le Parlement doit exercer sur lui-même. Pourquoi diable contraindre les électeurs dans leur droit de choisir leurs représentants, au prétexte qu’untel, en raison de ses activités de conseil, ne serait pas habilité à présenter sa candidature ?
En vérité, via la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, vous orchestrez l’éviction de tous ceux qui exercent des responsabilités économiques significatives, comme cadre salarié, comme chef d’entreprise, au titre d’une profession libérale ou tout simplement en tant qu’investisseur !
Ces personnes vivront sous la menace permanente de l’analyse que la Haute Autorité dressera au sujet de leurs intérêts. Or celles et ceux qui exercent des responsabilités professionnelles et qui ont eu le bonheur d’être élus n’ont pas envie d’être jugés et disqualifiés par des hauts fonctionnaires ne disposant pas de la moindre compétence dans le domaine de l’entreprise. Par conséquent, ils s’abstiendront de se présenter. Le monde politique et surtout la représentation parlementaire de notre pays seront appauvris d’autant !
Je terminerai en évoquant l’article II de la Déclaration des droits de l'homme, qui concerne le droit à la sécurité, à la sûreté, et donc à la vie privée.
Je suis très opposé à la publication, pour une raison simple : je considère que nous allons déplacer le débat politique.
Nous allons, d’une part, écarter de la vie politique locale des personnalités de talent et de qualité qui ne voudront pas voir leur famille exposée à l’intérêt, la jalousie, la moquerie, voire la cruauté, de leur environnement.
Nous provoquerons, d’autre part, un déplacement du débat, qui portera non plus sur les convictions mais sur le statut matériel. Vous avez cité le patrimoine des membres du Gouvernement. Certains remarqueront, pour le critiquer, qu’aucun d’entre eux n’est actionnaire de sociétés non cotées et que, d’une façon générale, leurs investissements ne sont jamais des investissements productifs, mais toujours des investissements défensifs et de sécurité.
MM. Jean-Claude Gaudin et Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. Très honnêtement, il n’est pas souhaitable que le débat prenne cette forme.
J’ajoute, enfin, qu’une inégalité flagrante sera introduite dans le débat politique. Un sortant qui se représentera aura mis son patrimoine sur la place publique alors que ses concurrents vivront dans la discrétion. Ils pourront attaquer celui qui est exposé sans avoir, eux, à se justifier. (M. Charles Revet opine.)
Je crains véritablement que, pour payer une faute que nous n’avons pas commise, nous ne contraignions la classe politique, les élus de province, les candidats aux mairies, aux responsabilités départementales et régionales, et, naturellement, au Parlement, de s’abstenir d’exposer leurs proches, leurs familles, leurs salariés ou leurs partenaires, et que nous ne laissions ainsi la vie politique aux seuls professionnels, nourris dans le sérail des appareils qui y trouveront, certes, une sécurité mais en aucun cas une représentativité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, contre la motion.
M. Gaëtan Gorce. J’ai écouté avec attention M. Longuet, pour tenter de trouver dans sa démonstration les arguments de droit que l’intitulé de sa motion pouvait nous laisser espérer. Je n’ai pas été déçu, car j’ai entendu que notre Constitution était menacée à plus d’un titre par un texte qui parle simplement de transparence sur les patrimoines et sur les intérêts et qui, en s’efforçant de faire la publicité sur ces questions, menacerait du coup l’équilibre de nos institutions.
En écoutant notre collègue parler ainsi, j’ai eu le sentiment d’une légère disproportion entre les causes et les effets dénoncés. Si je puis être utile dans ce débat, ce sera pour rassurer M. Longuet, car je n’imagine pas une seconde que son propos ait pu manquer d’une once de sincérité.
Vous nous dites, monsieur Longuet, en entonnant la vieille chanson qui berce l’inertie politique, que l’on va en faire trop et que l’on va aller trop loin. C’est un air connu : ce sont toujours ceux qui se sont opposés aux évolutions qui reprochent ensuite à ceux qui les provoquent de franchir une étape trop importante.
Si nous avions su, par le passé, comme certains l’avaient proposé, prolonger l’effort qui avait été engagé voilà plus d’une vingtaine d’années afin de faire connaître le patrimoine et la situation financière des parlementaires dans le cadre défini de la Commission pour la transparence de la vie politique, peut-être ne serions-nous pas aujourd’hui en train de débattre pour déterminer s’il est opportun, ou non, d’organiser la publicité de ces patrimoines.
Or je rappelle que les socialistes, tout au long des deux mandats d’opposition auxquels ils ont été confinés, n’ont jamais cessé de réclamer le renforcement de ladite Commission. Nous demandions que lui soient attribués les moyens et les prérogatives de vérifier les déclarations qui lui étaient adressées et de sanctionner le défaut de déclaration ou son inexactitude, sans que la majorité à laquelle vous apparteniez, d’ailleurs, n’y consente jamais.
Alors, évidemment, le soupçon, le doute s’est installé et la revendication n’est plus aujourd’hui que l’on puisse simplement contrôler, mais bien que l’on puisse savoir. Qui en est responsable ? Ceux qui le proposent, non pour répondre seulement aux attentes de l’opinion mais pour tenir compte d’un état des points de vue publics, ou ceux qui ont empêché ces évolutions raisonnables et progressives autrefois ? Je vous en laisse juge.
Vous nous dites, ensuite, avec un accent, là encore, que j’ai apprécié, venant de quelqu’un qui a occupé de très nombreuses responsabilités politiques, régionales, locales, ministérielles, ce qui fait de vous une autorité dans notre domaine,…
M. Gérard Longuet. N’exagérons rien !
M. Gaëtan Gorce. … que vous plaidez pour l’amateurisme en politique, pour l’initiative et l’inspiration de ceux qui, venant de mille métiers, ne pourraient plus siéger dans ces assemblées.
Vous vous êtes fait le défenseur d’hommes et de femmes qui, au vu de votre parcours, ne vous ressemblent pas, mais qui ont, c’est vrai, le droit de siéger sur nos travées.
M. Henri de Raincourt. Quel est le problème ?
M. Gaëtan Gorce. Je veux vous rassurer, monsieur Longuet : je ne crois pas que la loi que nous allons voter, car j’espère que nous la voterons, empêchera les notaires, les pharmaciens, les médecins, les bedeaux, les apothicaires, s’il en est, de venir siéger sur ces travées.
Un sénateur du groupe UMP. Quel mépris !
M. Gérard Longuet. En tout cas, les consultants ne le pourront pas !
M. Gaëtan Gorce. Je crois qu’on leur demandera simplement d’abandonner les pratiques de leur art, la discrétion, le secret entourant les fortunes, la précaution que l’on prend toujours, dans nos villes, de ne pas dire les choses relatives à l’argent, afin, entrant dans ces murs, d’accepter la publicité du patrimoine et des intérêts que l’opinion et les citoyens réclament.
Cela va-t-il faire reculer notre démocratie ? (Oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Notre démocratie sera-t-elle affaiblie du fait que l’on sache qui gagne quoi et qui possède quoi, dès lors qu’il prétend à des charges publiques ? (Même mouvement.) Je ne vois pas en quoi cela peut constituer une menace.
Faut-il y voir une menace pour le parlementaire, pour l’élu, qui pourrait se sentir découragé, dans ce cas, d’accomplir la démarche consistant à se présenter devant ses concitoyens ? J’ai la faiblesse de penser qu’être un élu du peuple, qui plus est un élu national, est un honneur suffisamment grand pour que l’on puisse accepter de siéger au Sénat ou à l’Assemblée nationale.
Ces petites concessions faites à son amour-propre, ou à ses secrets de famille, ne seront pas, permettez-moi de vous le dire, directement sous les projecteurs, à l’exception des quelques éléments que nous serons amenés à déclarer.
Sans doute les choses auraient-elles pu être différentes, et certains de nos collègues l’ont exprimé. Comment ne pas dire, dans ce débat, sinon en sombrant dans la tartufferie dont notre ami Jacques Mézard nous rendait tout à l'heure un peu coupables, que nous avons assisté au cours de ces dernières années à une dégradation de notre esprit public ? La responsabilité en est sans doute partagée sur toutes ces travées, mais, pendant cinq ans d’un mandat qui s’est achevé dans le soulagement d’une partie de l’opinion, on a entendu de la part des responsables publics aux niveaux les plus élevés des mises en cause de la justice – que l’on retrouve d’ailleurs dans des propos entendus ce week-end – et des juges, personnellement livrés à l’opprobre publique, et des contestations du Conseil constitutionnel et de son président. Tout se passe comme si tout ce qui était naturellement interdit, par le simple fait du bon sens et de la morale politique, était devenu permis ! C’est cela qui a introduit la suspicion.
Lorsqu’on a accepté, sans penser à mal sans doute, que l’on puisse être à la fois membre d’un gouvernement et des instances dirigeantes d’un parti, on a un peu taillé au côté ce qu’était la tradition de notre Ve République. Mais lorsqu’on a accepté, sans que cela ne remette en rien en cause l’honnêteté de la personne concernée, que l’on soit à la fois ministre du budget et trésorier du principal parti de la majorité, chargé d’organiser son financement, on a créé les éléments de la suspicion.
M. Gérard Longuet. Vous voulez parler d’Henri Emmanuelli ?
M. Gaëtan Gorce. À l’évidence, le simple bon sens et le rappel de la morale publique ne suffisaient plus et ne suffisent plus aujourd’hui à garantir nos citoyens et nous-mêmes contre ces dérives inacceptables.
Il faut que nous sachions, les uns et les autres, si nous voulons reconquérir la confiance de nos concitoyens, nous souvenir qu’il existe des règles élémentaires. Lorsqu’on s’en éloigne, on devrait y être rappelé par ses pairs.
M. Henri de Raincourt. Par ses pairs, oui, c’est cela !
M. Gaëtan Gorce. Et si ces pairs ne font pas ce travail, alors c’est la loi qui, malheureusement, doit en décider.
M. Jean-Claude Gaudin. Allez l’expliquer dans les Bouches-du-Rhône, pour les socialistes !
M. Gaëtan Gorce. Cette loi nous permettra de le faire.
Alors ne nous dites pas, et je terminerai sur ce point, qu’en faisant cela nous mettrions en péril la République, que nous transformerions l’équilibre entre le Parlement et l’exécutif, que nous livrerions la politique à des professionnels sans âme ou sans talent. (M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.)
M. Gérard Longuet. Nous aurions une République médiocre, mais c’est bien cela que vous voulez !
M. Gaëtan Gorce. Certains sont sans âme et sans talent, il y en a eu de tout temps et sur toutes les travées. Mais les hommes et les femmes de talent sauront, je le crois, accepter, comme je l’ai indiqué, cette petite concession consistant à faire la lumière sur leur patrimoine afin de pouvoir défendre les intérêts de leur pays, comme nous cherchons à le faire sur toutes ces travées en répondant à l’opinion par une loi de bon sens, de justice et de clarté. J’espère que nous serons entendus sur ce point. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons le talent de M. Gérard Longuet…
M. Henri de Raincourt. Il est grand !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … mais, il le sait, il l’a quelque peu forcé pour tenter d’expliquer qu’il y avait une quelconque inconstitutionnalité dans ce texte.
M. Gérard Longuet. Il y en a pourtant bien !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Lorsqu’on présente des arguments relatifs à l’inconstitutionnalité d’un texte, ils doivent tomber les uns après les autres, nous impressionnant par leur clarté, leur puissance et leur force. En l’occurrence, vous avez évoqué divers sujets, dont votre crainte de voir advenir telle ou telle évolution. Très franchement, en quoi est-il contraire à la Constitution de la République française que l’on instaure plus de transparence, plus de contrôle et de respect de la vie privée, auquel nous avons été particulièrement attentif ?
Après avoir entendu votre propos, je pense que nous sommes nombreux à ne pas pouvoir conclure à l’inconstitutionnalité du texte. Je pense que vous en conviendrez aisément.
À mon sens, – et je prends date – cette loi sera une des lois de la République auxquelles on se référera,…
M. Henri de Raincourt. Vous la surestimez !
M. Charles Revet. Vous dites cela à chaque fois, pour chaque loi !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … à l’égal des grandes lois (Protestations sur les travées de l'UMP.),…
Un sénateur du groupe UMP. À chaque fois, c’est pareil : il s’agit de la loi du siècle !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … dont nous parlons encore aujourd’hui, sur le financement des partis, sur le financement des campagnes électorales et beaucoup d’autres sujets, qui ont permis d’aller vers plus de clarté, de probité, de justice. Nous n’avons rien oublié, en effet, de la manière dont les campagnes électorales et les partis politiques étaient financés. (M. Philippe Bas s’exclame.)
Comme vous, j’écoutais ce que disait notre collègue Gaëtan Gorce. En entendant un certain nombre de propos cet après-midi, je ne pouvais m’empêcher de me repasser le film de ce que j’avais vu et entendu à la télévision et à la radio, ces mises en cause quotidiennes de l’instance la plus élevée chargée, précisément, de dire ce qui est constitutionnel.
Qui a nommé les membres du Conseil constitutionnel ? Vous le savez bien, je ne vais pas le déclamer. Quelles sont ses prérogatives ? Elles sont dans la Constitution. Qui est responsable de ce qui s’est passé et de la décision du Conseil constitutionnel ? Tout le monde le sait !
Je comprends que chacun puisse être gêné. Personne n’est heureux de l’affaire Cahuzac, ni de ce qui s’est passé finalement. Mais nous devrions nous rassembler chaque fois que l’on nous propose de faire un pas en avant, afin de trouver les majorités à cet effet. Cela dépend de chacune et de chacun.
En tout cas, je souhaite qu’il n’y ait pas de majorité pour dire que ce texte est contraire à la Constitution, car ce n’est pas le point de vue de la commission des lois. Je pense, d’ailleurs, que chacun en est presque convaincu ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Longuet, je voudrais vous remercier pour votre franchise, tout en manifestant ma surprise.
Au fond, et je ne souhaite pas caricaturer vos propos, arrêtez-moi si je les ai mal compris, mais j’ai noté quasiment au fil de la plume, vous avez affirmé regretter avoir voté les législations précédentes ou y avoir été associé, et notamment la loi de 1988, puisque, au fond, c’est à cette époque que vous aviez décidé de déléguer à une Haute Autorité, non tous les pouvoirs que nous entendons lui confier aujourd’hui, mais le principe du contrôle.
M. Gérard Longuet. Pas une Haute Autorité, une petite commission administrative !
M. Gérard Longuet. Je l’ai dit, c’est vrai, et M. Jacques Larché également.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est pour cela que je vous fais part de ma surprise devant un débat qui nous renvoie vingt-cinq ans en arrière.
Si ce que vous dites ici a peut-être été défendu par vous-même, il n’a jamais été défendu par l’UMP. Vous avez, en outre, renforcé les pouvoirs de l’ancienne commission dont vous regrettez maintenant la création.
Il s’agissait au départ d’une simple commission, mais ses pouvoirs ont été au fur et à mesure accrus, et encore récemment, en avril 2011, suscitant d’ailleurs, à l'Assemblée nationale, un débat interne entre l’Union des démocrates et indépendants et l’UMP sur le point de savoir s’il fallait ou non prévoir une peine de prison. Toujours est-il qu’à cette occasion on a créé un délit de fausse déclaration. Cela n’est pas si vieux, avril 2011...Or je n’ai pas entendu ici que telle était votre position à cette époque.
C’est pourquoi je marque une certaine surprise sur cet angle d’attaque. En effet, ce débat, qui est légitime dans la mesure où il se fonde sur une autre logique, était, me semble-t-il, tranché. Il ne me semble donc pas que l’approche globale actuelle du groupe UMP corresponde à la pratique en cours depuis vingt-cinq ans : vous vous êtes appuyé vous-même sur cette commission dont vous regrettez aujourd’hui l’existence !
Quant aux éléments d’inconstitutionnalité que vous trouvez dans le texte, je m’interroge, mais peut-être vous ai-je mal compris.
Vous estimez que les sanctions qui pourraient être prises par cette Haute Autorité seraient dépourvues de possibilité de recours, un droit normalement accordé à toute personne. Sans doute nous sommes-nous mal exprimés.
Premièrement, le signalement d’une irrégularité dans les déclarations d’intérêts ou dans les déclarations de patrimoine que ferait la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique n’est pas une innovation juridique. Il s’agit tout simplement de l’application à cette autorité administrative – et c’est encore plus justifié pour elle, dirais-je ! – de l’article 40 du code de procédure pénale, jamais remis en cause sous aucune majorité, qui prévoit le signalement au parquet. Les sanctions sont ensuite prises par la justice. Ce n’est pas parce que le signalement est effectué par cette autorité administrative que le délit est constitué. Les éléments objectifs de constitution du délit figurent dans la loi – c’est le principe de la légalité des délits et des peines –, mais il revient ensuite au juge de prononcer les sanctions. Si nous avions procédé autrement, vous auriez eu raison, mais, de ce point de vue, la disposition prévue dans le texte remplit complètement les objectifs que vous avez mis, à raison, en exergue. Nous avons pris cette précaution. La procédure que nous proposons respecte donc bel et bien les droits de l’homme.
En somme, au-delà de l’effet de surprise que vous avez créé, monsieur Longuet, vous n’avez apporté aucun élément de nature à prouver l’inconstitutionnalité de ce texte. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 295 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté. (MM. Jean-Pierre Michel et Jean-Jacques Filleul applaudissent.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Bas, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 723, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Philippe Bas, pour la motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, monsieur le président-rapporteur, monsieur le vice-président de la commission des lois,…
M. Jean-Pierre Michel. Bis repetita placent !
M. Philippe Bas. … vous qui avez animé nos travaux et dont je salue la présidence toujours efficace,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Bas. … mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Pierre Michel. C’est la cinquième fois que notre collègue défend une telle motion !
M. Philippe Bas. En effet, il existe, me semble-t-il, des raisons très fortes de se donner le temps de rechercher un consensus dans un débat qui nous engage tous, car il y va du fonctionnement même de notre démocratie.
Au fond, je considère qu’il serait sain que nous soyons en situation de nous entendre sur un tel projet de loi. Quelle belle image donnerions-nous alors à nos concitoyens, si leurs représentants réussissaient à explorer, et à trouver, les voies d’un accord sur un texte de cette nature !
M. Jean-Pierre Michel. Vous êtes un spécialiste de la question ! C’est un préalable !
M. Philippe Bas. La démocratie, nous l’avons tous en partage et nous voulons tous la faire vivre. Aussi, nous souhaitons tous faire progresser la transparence, de même que la déontologie de la vie publique.
Deux voies s’offrent à nous pour atteindre cet objectif, compte tenu du point de départ de notre discussion, c’est-à-dire du texte qui nous est proposé, amendé, d’abord, par l'Assemblée nationale, puis par notre commission des lois.
De notre point de vue, ce texte comporte un certain nombre d’excès, d’erreurs ou de dangers, qui ne sont pas nécessaires à la progression des règles démocratiques que nous appelons de nos vœux.
La première voie possible serait d’amender ce texte en profondeur. Pourquoi pas ? Si nous avions l’espoir, eu égard aux travaux réalisés par notre commission des lois, que ce soit possible, nous n’hésiterions pas à recommander cette solution. Malheureusement, je regrette de devoir le dire, nos discussions en commission n’ont pas permis de rapprocher encore les points de vue. Je ne désespère pas que nous puissions y parvenir, mais, pour ce faire, il faudrait que nous prenions un peu plus de temps. D’ailleurs, je ne vois pas le moindre motif d’urgence à régler cette question.
M. Gérard Longuet. L’urgence du Gouvernement !
M. Philippe Bas. Il me paraît hautement souhaitable que le Gouvernement et sa majorité se donnent toutes les chances de réussir à trouver un bon accord sur un sujet qui, je le disais, engage l’avenir de notre démocratie parlementaire.
Pour tout dire, je crois que cet accord serait en réalité, si chacun y mettait du sien, assez facile à obtenir, car nous ne partons pas de rien.
En effet, vous connaissez les uns et les autres – dans le cas contraire, je vous en recommande la lecture ! – l’excellent rapport d’information, remis en mai 2011, du groupe de travail pluraliste de la commission des lois, créé en novembre 2010 et présidé par notre collègue Jean-Jacques Hyest.
M. Gérard Longuet. Très bon rapport !
M. Philippe Bas. Dès lors qu’il y a eu accord politique, pourquoi ne sommes-nous pas aujourd'hui en situation de proposer un texte faisant consensus, qui aurait dans notre pays l’audience de tous nos concitoyens dans la mesure où il serait adopté par tous les parlementaires des deux assemblées, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent ?
Si je vous présente cet après-midi, au nom de mon groupe, cette motion tendant à opposer la question préalable, c’est dans l’espoir que nous puissions – enfin ! – parvenir à ce résultat. Je sais bien que, dans ce domaine, c’est toujours très difficile.
Voyez-vous, je me souviens de l’adoption des lois de 1988, ce n’est pas si lointain, et je constate qu’elles n’avaient malheureusement pas été adoptées par les groupes communiste et socialiste de l’époque.
M. Antoine Lefèvre. Dommage !
M. Philippe Bas. Je le regrette, d’autant que tout le monde admet aujourd'hui que cette législation a constitué un grand pas en avant. C’est si vrai que le Gouvernement incorpore cet acquis aux lois de la République et s’en prévaut aujourd'hui pour dire qu’il est temps d’aller plus loin.
Pour ma part, je suis ravi de constater que vous avez su évoluer dans ce domaine, chers collègues de la majorité, alors que les deux périodes de cinq ans pendant lesquelles vous avez été aux affaires avant 2012 n’ont pas été particulièrement fécondes en termes de progression des règles de notre vie démocratique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.- Très bien ! sur certaines travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Il faut le rappeler !
M. Philippe Bas. Si l’on dresse le bilan de la législation de 1988, et elle le mérite, on constate qu’elle n’a pas permis de détecter de nombreux cas d’enrichissement douteux, en tout cas parmi les parlementaires. Ce constat peut être interprété de deux manières. On peut dire que c’est parce que, dans notre démocratie, les parlementaires sont, et heureusement, honnêtes, ce que je crois. Mais on peut aussi y voir la preuve que la commission n’avait pas assez de pouvoirs, ce que, pour ma part, je ne crois pas. Toutefois, je veux bien accepter que cette commission change de nom et prenne davantage de pouvoirs, car nous n’avons strictement rien à cacher.
À cet égard, je veux rappeler que, en tant que parlementaires, nous ne passons pas de marchés publics, nous ne signons pas de contrats, pas plus que nous ne procédons au recrutement d’agents publics. Par conséquent, quand des faits de corruption sont poursuivis dans notre pays, il n’est pas anormal que l’on ne sanctionne pas l’action de parlementaires, puisque ceux-ci prennent des décisions collégiales et n’ont pas la signature pour des actes qui pourraient faire grief devant les tribunaux…
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai ! Il faut le rappeler !
M. Philippe Bas. … et conduire à un enrichissement illicite, à un délit de favoritisme, à une prise illégale d’intérêts, à de la corruption, voire à de la fraude fiscale… (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Il est plus fréquent qu’il y ait lieu de s’interroger sur la situation de tel ou tel ministre ; le cas s’est d’ailleurs présenté récemment, dans une affaire d’autant plus grave qu’elle impliquait le ministre précisément chargé de lutter contre la fraude fiscale ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
À partir d’un bilan des lois du 11 mars 1988, il est aujourd’hui possible d’avancer dans deux directions : le contrôle de l’enrichissement des élus entre deux déclarations de patrimoine et le contrôle de leurs intérêts. Pourquoi n’agirions-nous pas conjointement, en nous inspirant de l’excellent rapport dont je viens de rappeler la qualité ?
Mes chers collègues, notre légitimité trouve sa source dans la confiance des Français, et c’est sous le regard de nos concitoyens que nous accomplissons notre mission : mes propos, comme les vôtres, sont publics ! Aussi nous appartient-il de démontrer que nous délibérons selon nos convictions et selon l’idée que nous nous faisons de l’intérêt général. Je voudrais tant que nos compatriotes n’en doutent jamais…
Nous ne pouvons nous contenter de proclamer notre probité ; nous devons en donner toutes les preuves nécessaires et, en ce qui nous concerne, nous y sommes prêts. Il faut seulement que le problème soulevé par le projet de loi organique soit débattu au regard des principes touchant aux droits et libertés garantis à tous les citoyens, y compris aux parlementaires, même si ceux-ci doivent accepter un certain nombre de restrictions pour faire devant les Français la preuve de leur probité.
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je voudrais vraiment vous faire entendre que les réserves que nous exprimons au sujet du projet de loi organique ne portent pas sur le principe d’un progrès dans le contrôle de l’enrichissement des élus et dans la prise en compte de leurs intérêts.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Philippe Bas. Ces réserves tiennent à l’idée que nous nous faisons du droit. De fait, compte tenu de l’origine du projet de loi organique et de ses conditions d’élaboration, compte tenu de la manière dont vous avez déplacé le point d’équilibre auquel était parvenu le groupe de travail présidé par notre collègue Jean-Jacques Hyest et du point de déséquilibre que vous avez préféré retenir, compte tenu aussi des véritables raisons du discrédit qui paraît entacher l’action publique de nos jours, je crois profondément qu’il y aurait lieu de remettre l’ouvrage sur le métier.
Ce n’est pas innocemment que j’ai fait référence à l’origine du projet de loi organique, mais ce n’est pas non plus par plaisir. Cette origine, c’est une déclaration du Président de la République du 3 mars dernier.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est vrai !
M. Philippe Bas. Pour des raisons politiques que je comprends bien, celui-ci a prétendu refermer le dossier Cahuzac en changeant de terrain et en incriminant l’ensemble des élus, alors que la faute n’était en rien liée à leur action ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La justice suit son cours !
M. Philippe Bas. D’ailleurs, le projet de loi organique présenté aujourd’hui par le Gouvernement n’apporte aucune espèce de solution à des situations aussi graves, inqualifiables et impardonnables que celle dont, il y a quelques mois, à notre corps défendant, nous avons tous été les témoins. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Longuet. Les témoins médusés !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il y en a eu d’autres avant !
M. Philippe Bas. Chers collègues de la majorité, comment pouvez-vous imaginer que, ce projet de loi organique adopté, un nouveau Jérôme Cahuzac rendrait publics des dépôts monétaires à l’étranger qu’il aurait constitués sur la base d’une fraude fiscale ? Je ne vous crois pas naïfs au point de penser que, par les mesures proposées, vous allez résoudre réellement ce type de difficultés ; en vérité, vous ne les résoudrez pas.
Nous ne sommes donc pas dupes des intentions politiques, à peine cachées, qui sont les véritables motivations de votre dispositif !
M. Gaëtan Gorce. Nous ne sommes pas dupes des vôtres !
M. Philippe Bas. Quant aux conditions d’élaboration de ce projet de loi organique, chers collègues de la majorité, je déplore qu’à aucun moment vous n’ayez recherché, par une discussion pluraliste comparable à celle qui s’était tenue en 2011, autour du président de la commission des lois d’alors, des solutions équilibrées aux problèmes de la déontologie et de la transparence de la vie publique.
De même, quand, il y a quelques mois, le pouvoir que vous soutenez s’est mêlé de former une commission pour examiner ce problème, à aucun moment elle n’a consulté les élus ! Du reste, cette commission, présidée par M. Jospin, a oublié de traiter dans le détail les questions dont nous sommes aujourd’hui saisis.
Mais, au-delà même de l’origine du texte et des conditions dans lesquelles il a été préparé, de façon unilatérale, par le Gouvernement et son administration, nous jugeons que le point de déséquilibre sur lequel la majorité s’est arrêtée n’est pas acceptable.
La publicité des déclarations ne sert à rien, sinon à faire plaisir à quelques organisations politiciennes, qui s’arrangeront pour mener des campagnes extrémistes sur les revenus des élus. Ce qui importe, ce sont les pouvoirs de l’instance qui contrôle l’enrichissement des élus entre deux déclarations de patrimoine.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Philippe Bas. Rendre publiques des déclarations, y compris mensongères, cela ne sert à rien – du reste, les Français ne seront pas dupes. Aussi je fais mienne l’excellente expression de « tartufferie » qui a été employée plus tôt dans notre débat.
J’en viens à la question des tiers, en entendant par ce mot toutes les personnes auxquelles un élu est attaché, étant entendu qu’aujourd’hui les liens ne sont pas toujours juridiquement organisés ; c’est ainsi qu’un tiers peut être un enfant ou un parent.
M. Gérard Longuet. Ou une relation professionnelle !
M. Philippe Bas. Comment voulez-vous qu’un élu puisse obtenir de ces tiers des informations que la loi ne les oblige nullement à fournir à quiconque ? Pensez-vous réellement que, dans toutes les familles de France, les enfants connaissent le patrimoine des parents, et les parents celui des enfants ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Connaît-on toujours le patrimoine des personnes auxquelles on est lié ? Absolument pas !
M. Gérard Longuet. Sans parler de leurs activités, ni de leurs intérêts !
M. Philippe Bas. Tout citoyen ayant la liberté de ne pas communiquer ces informations, est-il absolument nécessaire de faire ainsi intrusion dans la vie des familles des élus, qui ne sont pas pour grand-chose dans l’engagement public de ceux-ci, si ce n’est par le soutien qu’elles leur apportent ? Pour ma part, je ne vois pas pourquoi on expose les familles et les personnes liées aux élus de la manière dont vous le proposez ici. À mes yeux, il y a là une atteinte à des droits individuels reconnus aux Français de toutes conditions depuis plusieurs décennies, et même depuis plus de deux cents ans !
S’agissant enfin des mesures relatives aux intérêts des élus, elles ouvrent la porte à toutes les mises en cause. Chers collègues, nos intérêts sont multiples, et en général légitimes ! Tel qui appartient à une confrérie philosophique a un intérêt ; tel qui s’engage dans le mouvement associatif en a un autre.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Le projet de loi organique ne vise pas cela !
M. Philippe Bas. Tel qui a exercé antérieurement une profession tout à fait honorable a un intérêt.
Chers collègues de la majorité, où allez-vous vous arrêter, dès lors que vous ne fixez aucune limite dans la définition des intérêts ?
À la vérité, vous vous reposez sur l’idée que l’élu lui-même se fait des intérêts qu’il conviendrait de déclarer : mais comment fonder un contrôle sur la seule bonne foi ? Il y a là une contradiction intellectuelle qui me paraît intenable !
Reste le vice qui me semble le plus grave de tous dans le franchissement des lignes jaunes : je veux parler du système des « lanceurs d’alerte », selon l’appellation élégante que vous avez trouvée, et qu’on pourrait tout aussi bien qualifier de système de dénonciation.
Pour ma part, je ne veux pas de la République des délateurs !
Que l’on protège les Français qui, de bonne foi, fournissent à l’instance chargée du contrôle des informations avérées, cela est nécessaire ; mais les délateurs qui lanceront sur la place publique des calomnies irréparables, parce que l’inanité n’en sera établie qu’au bout d’un an ou deux, notre République ne doit leur prodiguer aucun encouragement !
À ces raisons déjà nombreuses de s’opposer au projet de loi organique s’en ajoute une autre que je veux souligner pour terminer tout à fait.
Le discrédit de la parole publique vient de ce qu’après avoir pris des engagements on agit dans un sens contraire. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Jacqueline Gourault. Cela n’est pas nouveau !
M. Philippe Bas. Chers collègues de la majorité, personne n’a obligé votre candidat, François Hollande, à prétendre qu’il renégocierait le traité budgétaire européen, avant de le faire adopter sans en changer une virgule ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier et M. Jean-Jacques Mirassou. C’est faux !
M. Philippe Bas. Personne ne l’a obligé à affirmer qu’il remettrait en cause la réforme des retraites, alors qu’il veut aujourd’hui l’aggraver, ni qu’il résoudrait le problème des ouvriers d’Aulnay et de Florange ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Hors sujet !
M. Jean-Pierre Michel. Et Sarko ?
M. Philippe Bas. Personne non plus n’a oublié la promesse de votre président, François Hollande, de ne pas augmenter les impôts en 2014, alors que son ministre, M. Moscovici, vient d’annoncer une hausse dans le prochain budget ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Jacques Filleul. M. Hollande est le président des Français !
M. Philippe Bas. De même, personne ne vous a obligés à supprimer la TVA anti-délocalisations, pour ensuite la rétablir, mais sous une autre forme !
Chers collègues de la majorité, je me doutais que j’allais un peu vous agacer ; je regrette presque d’y avoir mis un ton trop haut. Croyez bien que ma véhémence traduit ma sincérité (On le conteste sur les travées du groupe socialiste.) : si nous voulons réhabiliter la parole publique dans notre pays, il faut commencer par ne pas prendre d’engagements que l’on sait ne pas pouvoir tenir, et par tenir les engagements que l’on a pris !
M. Jean-Yves Leconte. L’opposition est bien placée pour faire la morale !
M. Philippe Bas. Pardon pour cette morale élémentaire, mais si, les uns et les autres, nous parvenions à l’observer, un grand pas en avant serait accompli !
M. Jean-Pierre Michel. Et l’arbitrage Tapie ?
M. Philippe Bas. Pour le moment, chers collègues de la majorité, je vous assure que nous aimerions vraiment pouvoir voter ce projet de loi organique ; seulement, vous n’avez pas fait le nécessaire pour que nous le puissions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je le déplore, et pour nous donner une dernière chance d’en obtenir la possibilité, je demande à nos collègues, particulièrement à ceux qui ne sont pas spécialement bien disposés à l’égard de cette motion, de l’adopter dans un instant de raison : nous serons disponibles pour travailler avec vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les arguments que je vous ai déjà présentés,…
M. Jean-Claude Gaudin. Tant mieux !
M. Alain Anziani. … même si une certaine forme de répétition pourrait être en l’occurrence utile.
Pour commencer, je tiens à saluer M. Bas,…
M. Henri de Raincourt. Il le mérite !
M. Alain Anziani. … qui s’est déclaré heureux – c’est déjà bien ! – de défendre la motion tendant à opposer la question préalable ; heureux, je ne le suis pas moins de la combattre !
Mon cher collègue, permettez-moi de vous faire remarquer que, dans votre bonheur, vous vous êtes un peu trompé de motion.
M. Philippe Bas. Non !
M. Alain Anziani. En effet, vous avez commencé par nous expliquer qu’il fallait renvoyer le projet de loi organique en commission : mais la question préalable est différente, en son objet, du renvoi en commission et, finalement, monsieur Bas, vous avez usurpé le rôle de M. Collombat ! (Sourires.)
À cette première confusion du début s’en est ajoutée une autre, dans votre conclusion. De fait, vous vous êtes trompé une seconde fois en terminant par un réquisitoire purement politicien.
M. Jean-Pierre Michel. M. Bas se trompe sans arrêt !
M. Charles Revet. Le réquisitoire était justifié !
M. Henri de Raincourt. Merci pour la leçon !
M. Alain Anziani. Vous vous êtes même trompé une troisième fois, puisque, tout au long de votre propos, vous avez déploré qu’à la faveur d’un renvoi à la commission nous n’exhumions pas le rapport d’information que M. Hyest, dont je regrette l’absence, a rédigé avec M. Collombat et plusieurs autres collègues de tous les groupes, dont moi-même.
M. Charles Revet. Un très bon rapport !
M. Alain Anziani. Mais ce rapport dont vous dites le plus grand bien, monsieur Bas, l’avez-vous seulement lu ?
Vous soutenez qu’il ne faudrait pas de déclaration d’intérêts, ou pas sous la forme que nous prévoyons. Pourtant, dans la proposition n° 4, les auteurs du rapport énoncent qu’une déclaration d’intérêts doit être imposée à l’ensemble des parlementaires.
Vous nous reprochez de nous mêler de la vie privée et des rémunérations annexes. Pourtant, dans la proposition n° 12, le rapport préconise une déclaration des rémunérations annexes. (M. Claude Dilain acquiesce.) Nous sommes même allés plus loin puisque, dans la proposition n° 13, le rapport recommande que la déclaration d’intérêts évalue l’ensemble des rémunérations perçues au cours des trois années précédant le début du mandat.
Et, à l’instant, vous avez consacré tout un dégagement aux proches des élus, qui, dites-vous, ne devraient pas être concernés. Vous êtes donc en pleine contradiction avec M. Hyest, puisque, dans la proposition n° 14, le rapport préconise que les intérêts des proches soient intégrés dans la déclaration.
Monsieur Bas, il faut choisir : si vous voulez le rapport Hyest, votez le projet de loi Vidalies !
M. Yves Daudigny. Et voilà !
M. Alain Anziani. Vous y retrouverez en effet de nombreuses propositions contenues dans le rapport, comme celle d’interdire aux parlementaires les fonctions de conseil ; cette recommandation du rapport Hyest figure dans le projet de loi organique présenté par le Gouvernement.
De même, le rapport Hyest préconise de rendre incompatibles le mandat parlementaire et la présidence d’un syndicat professionnel : le texte de la commission le prévoit, puisque nous avons voté un amendement en ce sens !
Toujours selon le rapport Hyest, il faut éviter le cumul entre un mandat parlementaire et une fonction de direction dans une entreprise ; cette mesure figure dans le projet de loi organique !
M. Jean-Pierre Michel. Et Dassault ?
M. Alain Anziani. Enfin, monsieur Bas, il y a dans ce rapport, que M. Collombat connaît bien, une proposition qui aurait dû vous faire frémir, car elle est un peu provocante : un parlementaire pourrait continuer à cumuler son mandat avec une activité professionnelle, mais la rémunération qu’il percevrait en qualité, par exemple, d’avocat, de dentiste ou de notaire, serait limitée à la moitié du montant de l’indemnité parlementaire.
Cette proposition figure dans le rapport Hyest. Voulez-vous vraiment l’introduire dans le projet de loi organique ? J’attends avec impatience de lire votre amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mais, j’y reviens, vous vous êtes probablement trompé de motion. En effet, qu’est-ce qu’une question préalable ? Sa définition est précise : son adoption signifie qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. Autrement dit, « circulez, il n’y a rien à voir ! »
J’ai eu la curiosité d’aller vérifier ce qu’il en était dans ce document que nous recevons tous, je veux parler du Bulletin Quotidien, daté du 8 juillet. En page 3, on peut lire ces différentes rubriques : « Affaire Bettencourt / abus de faiblesse / trafic d’influence » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), « CCSDN / Karachi » (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) ; en page 17, on apprend que l’ancien ministre Pierre Bédier – à quel gouvernement appartenait-il, déjà ? –,…
M. Jean-Pierre Michel. Il a été condamné !
M. Alain Anziani. … qui avait été condamné pour avoir traficoté quelques marchés publics, vient d’être réélu !
Vous le voyez, les problèmes touchant à la transparence de la vie publique ne remontent pas à ces dernières années.
On découvre également, en page 24 du même Bulletin Quotidien, que l’ancien ministre Léon Bertrand – à quel gouvernement appartenait-il, lui ? –, « a été condamné, à trois ans de prison ferme dans une affaire d’attribution illégale de marchés publics en Guyane ».
Et puis, évidemment – et je ne peux pas le passer sous silence –, on trouve aussi, en page 5, une rubrique intitulée « L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy dénonce avec virulence la décision du Conseil constitutionnel de rejeter ses comptes de campagne ».
Mme Nathalie Goulet. Vous avez de bien mauvaises lectures ! (Sourires.)
M. Alain Anziani. Alors, chers collègues, remettre aujourd’hui en question la plus haute de nos institutions, le Conseil constitutionnel, au motif qu’il ne fait qu’appliquer les textes que vous avez vous-mêmes votés et que vous n’avez pas réformés pendant les cinq années durant lesquelles vous en aviez la possibilité, me paraît bien exagéré ! Vous feriez mieux d’avoir plus de mesure.
Mais au fond, à quoi vous opposez-vous ?
M. Gérard Longuet. À l’amateurisme du Gouvernement !
M. Alain Anziani. Je vous ai entendus dire précédemment que vous entendiez vous opposer au voyeurisme.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Alain Anziani. Or il n’en est pas question ici. Relisez le texte du Gouvernement ! Jamais vous ne trouverez la moindre allusion à une volonté d’aller au-delà des limites pour tenter de voir ce qui est caché. Jamais ! Il est simplement prévu que chacun assume ce qu’il est et ce qu’il fait.
Mme Françoise Férat. C’est plus subtil que cela !
M. Alain Anziani. Cela ne devrait pas nous gêner, puisque c’est sans doute le principe élémentaire de l’éthique en politique.
À quoi vous opposez-vous donc ? Au contrôle !
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Alain Anziani. On a établi devant moi un parallèle qui m’a paru assez juste. Pendant plusieurs années, vous nous avez servi assez fréquemment l’idée qu’il fallait installer des caméras de surveillance à tous les coins de rue. Quand nous nous y opposions au nom d’une certaine modération, vous aviez une réplique parfaite et définitive : « Les honnêtes gens n’ont pas peur d’être filmés » ! Je vous retourne donc l’argument : les honnêtes parlementaires n’ont pas peur de la transparence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En fait, vous vous opposez, sans peut-être même bien vous en rendre compte, à une espérance de probité qui existe dans ce pays. Et cette espérance concerne non pas uniquement la politique, mais aussi les médias, le monde des banques et celui des affaires dans son ensemble. Elle intéresse non pas uniquement la France, mais l’ensemble des démocraties, et en particulier celles qui sont en crise. Regardez ce qui se passe autour de nous : dans la plupart des pays, la question de la transparence redevient d’actualité.
Je serais tenté de vous inviter, en toute sympathie, à ne pas rester dans le dernier carré de ceux qui ne veulent ni voir ni entendre. Ne faites pas comme si le monde, autour de vous, ne bougeait pas. Face aux événements qui se multiplient – j’en ai cité quelques-uns à l’instant et d’autres en début d’après-midi, dont l’affaire du Mediator –, ne vous contentez pas de marteler que vous n’êtes pas concernés .Ce n’est pas une réponse !
Pourtant, il est vrai que 95 % d’entre nous ne sont pas concernés par ces affaires ; mais 5 % le sont. À cause d’eux, nous avons la responsabilité collective d’aller plus loin, de rendre le système plus transparent, d’être exigeants et exemplaires, et de le montrer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur Bas, j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre intervention. À mon tour, je souhaite vous faire deux remarques.
Premièrement, lorsque vous avez dit que votre groupe aurait souhaité voter ce texte, j’ai pensé – pardonnez-moi ! – à cette pièce de Molière qui fut déjà citée.
Deuxièmement, je veux vous rappeler ce qu’a voté la commission. Vous avez en effet consacré un long développement au conflit d’intérêts, insistant sur le caractère inadmissible des questions désormais susceptibles de nous être posées au sujet des associations auxquelles nous participons, des clubs philosophiques auxquels nous appartenons, ainsi que d’un certain nombre d’institutions et d’associations bénévoles dans lesquelles nous pouvons nous investir.
Monsieur Bas, vous avez assisté à la réunion de la commission qui s’est tenue ce matin. Il ne vous a pas échappé que la commission a donné un avis favorable à un amendement visant à supprimer, pour ce qui concerne les déclarations d’intérêts et d’activités, l’alinéa 34 de l’article 1er du projet de loi organique, lequel indique, au sein de l’énumération des éléments figurant dans la déclaration : « Les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ; ».
Pourquoi avons-nous accepté de supprimer cet alinéa ? Justement, pour éviter toute suspicion et ménager une totale clarté. Dans la mesure où les conflits d’intérêts sont clairement définis, nous avons estimé, à une large majorité, que la mention de ces « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts » pouvait renvoyer à toute une série d’engagements ou de participations non définis, ce qui ne nous a pas paru souhaitable dans la loi. Vous avez donc obtenu satisfaction à cet égard.
Il ne vous a pas échappé non plus que cet amendement, qui a été adopté par la commission, a pour signataire… Jean-Jacques Hyest ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. C’est pour cela que nous l’avons voté !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est pour cela aussi que vous vous souvenez tout à coup que vous l’avez voté (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) et que vous comprenez à quel point vous avez eu tort de critiquer le texte sur ce point !
M. Philippe Bas. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous sommes donc d’accord ! (Rires sur les mêmes travées.)
La commission a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Après les observations d’Alain Anziani et la démonstration de M. le rapporteur, le Gouvernement ne va pas en rajouter !
Personne n’a véritablement compris où vous vouliez en venir, monsieur Bas. Au début de votre intervention, vous avez adopté un mode interrogatif : fallait-il poursuivre le travail ? Toutefois, la chute a éclairé le point de départ de votre propos : votre objectif était de revenir à ce que je pensais avoir évacué, à savoir, permettez-moi de le dire, car c’est ainsi que je l’ai ressenti, un exposé politicien. Évidemment, c’est votre liberté de parlementaire, mais, en tous les cas, cela n’éclairait pas, me semble-t-il, votre démarche.
Pour les raisons exposées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je souhaite naturellement défendre la motion tendant à opposer la question préalable, présentée avec talent par mon collègue Philippe Bas.
Selon moi, nos propos ne peuvent prêter à aucun malentendu. Philippe Bas a défendu le travail collectif et consensuel de notre Haute Assemblée, qui s’est traduit par le rapport d’information n° 518. Veut-il dire pour autant qu’il adopte et accepte, et que le groupe UMP adopte et accepte, toutes les dispositions de ce rapport ? La réponse est naturellement non. Ce qui différencie ce rapport, monsieur le ministre, de l’action gouvernementale, c’est qu’il s’agit d’un travail d’origine sénatoriale, réalisé par des parlementaires expérimentés, chevronnés, attachés à l’image de la Haute Assemblée, qui acceptent un sacrifice de leur confort quotidien, pour consolider l’image de cette institution.
Si vous aviez eu recours, pour ce projet de loi organique déposé trop rapidement et assez contradictoire, à la méthode qui a été celle de M. Jean-Jacques Hyest, à savoir plusieurs mois de travail, de réflexion et d’approfondissement, nous aurions sans doute pu marquer nos différences, constater nos désaccords – il y en a au sein de l’opposition comme de la majorité –, mais au moins aurions-nous eu le sentiment d’aller au fond de chacune des questions.
Les propos de M. Sueur sur ce qui est l’alinéa 32 de l’article 1er du projet de loi organique dans le texte de la commission, illustrent exactement ce que je visais quand je parlais de l’inconstitutionnalité de certaines dispositions. Je n’ai ni la compétence ni la qualité pour donner un cours de droit, mais nous y reviendrons au moment de rédiger le texte du dispositif que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.
Vous avez eu l’intelligence, parce que vous n’en manquez pas, monsieur le président de la commission des lois, d’accepter, avec le soutien de Jean-Jacques Hyest, la suppression de cet alinéa relatif aux « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », anticipant justement qu’il nous aurait été par trop facile autrement d’obtenir la censure de ce dispositif par le Conseil constitutionnel.
Mais je vous rassure : parce que vous avez bâclé ce travail majeur, en agissant avec précipitation pour des raisons d’opportunité politique, vous pourrez le constater, nos bases d’attaque demeurent inchangées. Je pense notamment aux articles II, IV, VI et XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à certaines décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle du 30 avril 2000, qui censure un texte interdisant l’accès aux fonctions parlementaires d’élus consulaires.
Si Philippe Bas a achevé son intervention sur une tonalité politique, c’est bien parce que le ressort de ce projet de loi organique, et du projet de loi, est uniquement politique, de circonstance, alors que le sujet méritait un travail de fond.
Je terminerai mon propos en évoquant une conviction personnelle que vous n’avez pas l’air de comprendre, monsieur le ministre. Je suis attaché à la vie parlementaire. On peut appartenir à l’UMP sans être, par exemple, un présidentialiste de stricte obédience. Je pense en particulier que l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est certainement pas la meilleure solution et que le quinquennat est une tragédie par rapport au septennat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) J’appartiens à une formation qui me donne le droit de penser cela.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai soutenu Édouard Balladur, qui avait les mêmes convictions. Cela peut parfois me distancier de Charles Pasqua, qui avait présenté à la fois la loi organique du 11 mars 1988 et celle du 8 février 1995. Il était pourtant un parlementaire et un sénateur chevronné, mais il était moins attaché à l’autonomie du Sénat quand il était au Gouvernement que lorsqu’il siégeait à l’Assemblée nationale. Pour ma part, je suis attaché à l’autonomie du Sénat quand je siège au Sénat et lorsqu’il m’arrive, par hasard, d’appartenir au Gouvernement.
Je pense que, même si la Commission pour la transparence financière de la vie politique, qui était greffière dans la loi de 1988, a, en vingt-cinq ans, acquis une certaine expérience, elle n’a cependant pas vocation à être une Haute Autorité, sans que soit méconnu gravement le principe de la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de vous faire part de notre étonnement à la lecture de la question préalable qui nous est soumise. Ainsi donc il n’y aurait pas lieu de discuter ce projet de loi organique…
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Christian Favier. Ceux-là mêmes qui n’étaient pas avares de marques d’indignation, voilà quelque temps, lorsqu’il s’agissait de fustiger le comportement de l’ancien ministre du budget, nous proposent aujourd’hui d’abandonner tout débat visant à assainir le fonctionnement de notre République.
Je ne sais pas s’il s’agit d’un embarras récent, du fait de l’étalage dans la presse des arrangements que Bernard Tapie a pu conclure avec l’ancienne majorité,…
M. Henri de Raincourt. C’est petit !
Mme Éliane Assassi. Il fallait le dire !
M. Christian Favier. … mais, dans tous les cas, on voit bien que, dans cette assemblée, le conservatisme a la vie dure.
La multiplication récente des affaires de collusion entre le pouvoir politique et le milieu des affaires nous montre bien qu’il n’en est rien : les conflits d’intérêts, symptomatiques d’une République malade de la personnalisation du pouvoir et du néolibéralisme économique (Exclamations sur les travées de l'UMP.), se font de plus en plus visibles.
Il est de notre responsabilité d’ouvrir un débat sur cette question afin de redresser l’image désastreuse que les Français ont aujourd’hui, malheureusement, de leurs élus. C’est par cette discussion que nous arriverons à nous assurer de la probité de tous les représentants du peuple. À ce sujet, je regrette que le Gouvernement ait encore une fois engagé la procédure accélérée sur un texte qui gagnerait au contraire à être discuté en profondeur.
Il apparaît clairement que le texte qui nous est proposé, s’il va dans le bon sens, n’est pas tout à fait à la hauteur des enjeux qui nous concernent. Il faudra en particulier veiller à ce que son adoption ne serve pas de prétexte au Gouvernement pour se défausser et faire l’économie d’une politique ambitieuse de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, lutte qui, à nos yeux, paraît tout aussi importante que celle qui doit être menée pour la transparence.
C’est bien pour cela, mes chers collègues, que je vous appelle à rejeter cette question préalable : il est indispensable que nous puissions nous saisir de l’occasion de cette discussion pour, ensemble, améliorer ce texte. Et les perspectives d’amélioration sont nombreuses, si nous ne voulons pas faire de cette Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une nouvelle et inutile commission pour la transparence financière de la vie politique.
Soyons ambitieux et renforçons la définition du conflit d’intérêts dans la loi pour lui donner une réelle force juridique.
Soyons audacieux et donnons à cette Haute Autorité un réel pouvoir d’enquête, afin qu’elle puisse mener à bien ses missions.
N’ayons pas peur d’assumer l’existence potentielle, sur certains sujets, de conflits d’intérêts, chez des ministres ou des parlementaires, et imposons une obligation de déport pour les membres du Gouvernement, pour les présidents de commission et pour les rapporteurs, dans les cas litigieux.
N’hésitons pas à ouvrir une vraie réflexion sur les incompatibilités entre mandat parlementaire et activités professionnelles, pour que plus jamais un élu ne se serve de son mandat pour s’enrichir.
De quoi avez-vous donc si peur pour refuser ainsi ce débat ? Pourquoi devenez-vous si fébriles lorsque l’on parle de probité, de prévention des conflits d’intérêts ou de respect de l’intérêt général ?
À la vue du malaise que ce texte peut causer chez certains, je suis d’autant plus assuré du caractère indispensable de sa discussion.
Je ne partage pas entièrement la vision de la transparence et des conflits d’intérêts inscrite dans ce texte, mais je suis intimement convaincu que notre République, à défaut d’une réflexion institutionnelle globale, a besoin d’une réforme en ce sens.
Nous voterons donc contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 296 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Henri de Raincourt. Avec 166 pour et 176 contre, on se rapproche !
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°105 rectifié.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (Procédure accélérée) (n° 723, 2012–2013).
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la motion.
M. Jacky Le Menn. Il la retire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. « La femme de César ne saurait être soupçonnable. » (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Ainsi le futur maître de Rome justifiait-il, voilà bien longtemps, à la fois la répudiation de sa seconde épouse et – ce que l’on oublie généralement – l’absolution de son séducteur.
M. Pierre-Yves Collombat. « Les uns prétendent que César parla comme il pensait ; », commente Plutarque, « d’autres croient qu’il cherchait à plaire au peuple, qui voulait sauver l’accusé […] afin, d’un côté, de ne pas s’attirer, par sa condamnation, le ressentiment du peuple et, de l’autre, pour ne pas se déshonorer aux yeux des bons citoyens par une absolution formelle. »
Sous la République consulaire qui est la nôtre, que le titulaire du pouvoir suprême commette une erreur de casting trop voyante dans le choix de l’un de ses ministres et c’est l’ensemble des élus nationaux, une bonne partie des élus locaux et des acteurs de la vie publique qui sont sommés, comme la femme de César,…
Mme Françoise Cartron. Encore ?...
Mme Anne Emery-Dumas. Propos sexiste !
M. Pierre-Yves Collombat. … de rendre des comptes, non pas seulement de ce qu’ils font, mais aussi de la manière dont les autres le perçoivent.
Pour que leur vertu ne faiblisse pas, les voici placés sous la surveillance des électeurs, des réseaux de formatage de l’opinion en charge du pilori symbolique.
Sauver les apparences en détournant l’attention des coupables fonctionnels sans effleurer ce qui fâche fait partie de l’arsenal de gouvernement, particulièrement par temps de crise.
La crise durant, s’approfondissant même, faute de remèdes adaptés, cette accélération de l’histoire n’a rien d’étonnant. D’affaire Cahuzac en affaire Woerth, quelques dizaines de mois seulement séparent le présent projet de loi de la loi organique du 14 avril 2011, elle aussi d’inspiration élyséenne.
Bénéfices secondaires en 2011 : donner l’impression de rattraper un retard supposé sur nos voisins dans la défense de l’ordre moral en rebaptisant « conflit d’intérêts » ce qui ressemblait trop à un peu reluisant trafic d’influence.
Bénéfice secondaire aujourd’hui : renforcer un peu plus le contrôle judiciaire, bureaucratique et d’opinion sur les élus nationaux et locaux.
Et pourtant, dans la chronique des scandales politiques de ces trente dernières années, on peine à trouver la trace de parlementaires, en tout cas en tant que tels. On y trouve essentiellement des membres de l’exécutif ou des personnes lui étant liées par toute la gamme des liens, de la connivence de classe inconsciente au calcul froid, en passant par les liens familiaux, de camaraderie ou d’amitié.
Tout simplement parce que, notre système concentrant l’essentiel du pouvoir politique à l’Élysée et dans ses satellites, les nécessités de sa conquête et de sa perpétuation rendent peu regardant sur les moyens.
Tout simplement parce que c’est là que tout ce qui compte se décide, choix généraux comme décisions de portée individuelle et pratique. Pas au Parlement !
Comment empêcher alors, lorsque tout se joue là, qu’il en aille différemment ? Comment éviter que l’élection présidentielle, perçue de moins en moins comme un acte politique et de plus en plus comme une cérémonie magique de conjuration et de résurrection, ne débouche sur la désillusion et la rancœur ?
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. « Réduction de la fracture sociale », « Travailler plus pour gagner plus », « Le changement, c’est maintenant » : même si elles jouent leur rôle dans la présidentielle, cette élection se fait non pas sur des promesses précises, mais sur l’espoir que l’on a réussi à faire naître.
« Le changement, c’est maintenant », c’est, traduit l’électeur, « le changement pour moi », non pas la ixième réforme structurelle de ceci ou de cela, non pas la réforme pour rassurer Bruxelles, Berlin, le CAC 40 ou les marchés, que sais-je.
La désillusion naît du décalage de plus en plus grand entre la politique et la communication qui en tient lieu.
M. Philippe Bas. Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème de la Ve République finissante n’est pas le Parlement, c’est l’exécutif !
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’absence de contre-pouvoirs politiques réels qui explique les dérives dont se nourrit le désaveu populaire. Et c’est pourtant le pouvoir législatif que l’on entend affaiblir.
M. Gérard Longuet. Voilà un vrai républicain !
M. Pierre-Yves Collombat. Dans son intervention, Alain Anziani rappelait l’affaire du Mediator. Précisément, cette affaire a été rapidement réglée, et sans qu’il faille changer la loi.
Au Parlement, regardons les choses de près. Même les cavaliers masqués du petit matin ne peuvent aboutir sans l’intervention ou le consentement de l’exécutif.
L’affaire Tapie nous renvoie à un exemple récent. En février 2007, au cours de la campagne présidentielle, alors que nous examinions la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, un amendement nous a soudainement été soumis qui visait à élargir le champ d’utilisation de la procédure d’arbitrage et, bien évidemment, à la sécuriser. On a vu ce qui s’est passé par la suite…
Le bon sens et l’honnêteté voudraient donc qu’avant de désigner, dans l’urgence, les responsables à la vindicte publique et de bricoler à la hâte des remèdes législatifs destinés à faire tomber la fièvre, on prenne le temps du diagnostic, de l’inventaire des moyens de traitement déjà disponibles et de leurs marges d’amélioration, car il y en a.
Le bon sens et l’honnêteté intellectuelle voudraient que l’on s’interroge sur la nature du processus de décision démocratique, sur ce que signifie « intérêt général », plutôt que de se contenter de psalmodier qu’il n’est pas la somme des intérêts particuliers, ce qui ne permet guère d’avancer.
Le bon sens et l’honnêteté intellectuelle voudraient, corrélativement, que l’on définisse en quoi consiste le « conflit d’intérêts » pour un parlementaire, les limites de la notion, ses rapports avec les « manquements au devoir de probité » du code pénal : « prise illégale d’intérêts », « favoritisme », « trafic d’influence ».
Les conditions dans lesquelles ces projets de loi ont pu être examinés par la commission des lois, je n’y insiste pas, mériteraient à elles seules cette demande de retour à la commission, d’autant que celle-ci, comme cela a été rappelé plusieurs fois, a produit, voilà deux ans à peine, un rapport suffisamment fouillé pour servir de point de départ à notre réflexion.
Malheureusement, M. le rapporteur en a retenu surtout les propositions allant dans le sens répressif, en évitant soigneusement d’en épouser la logique et l’essentiel, à savoir l’absence de publicité des déclarations, contrairement à ce qui nous est proposé aujourd’hui. La commission des lois tend même à revenir sur la légère réduction que l’Assemblée nationale a introduite.
Ainsi, intérêts matériels et intérêts moraux, décisions particulières et décisions de portée générale, activités professionnelles, mandats électifs et associatifs, se trouvent-ils mêlés dans le même grand sac des intérêts potentiellement en conflit. C’est de ce grand sac que sont censés sortir le génie et la lumière, et le triomphe de la morale !
Le plan de travail de la commission des lois, si vous acceptez ma proposition de renvoi, est très simple à dresser.
Tout d’abord, il convient d’établir le diagnostic : la vie politique française est-elle réellement si corrompue qu’elle a besoin de la présente ordonnance de coin de table ? Je me contenterai ici de remarquer que le président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, quand nous l’avons interrogé, nous a déclaré qu’en vingt-cinq ans d’examen, sur 25 000 dossiers, seules 14 personnes ont été concernées…
M. Gérard Longuet. Dont 6 parlementaires !
M. Pierre-Yves Collombat. … dont 6 parlementaires, qui ont vu leur dossier transmis au parquet, lequel n’y a pas donné suite, l’enrichissement inexpliqué ne constituant pas un délit.
S’il faut, à n’en pas douter, donner plus de moyens d’investigation à la commission et définir les moyens juridiques qui permettraient de mieux sanctionner l’enrichissement illégal, la mise sous surveillance générale de pratiquement tous les acteurs publics ne me semble pas le remède adapté.
La France, nous dit-on, serait au 24e rang des pays les moins corrompus, selon l’indice de présomption de corruption de Transparency international. Ce classement est certes peu glorieux, mais, outre que la scientificité de la notion de « plutôt corrompu » ne saute pas vraiment aux yeux, il est troublant de constater, en regardant le classement pour 2011, que, parmi les pays mieux notés que nous, figurent 13 paradis fiscaux, dont les 10 meilleurs du monde, selon le magazine Forbes !
M. Philippe Bas. Très intéressant !
M. Pierre-Yves Collombat. L’autre élément du diagnostic doit être l’inventaire de l’arsenal répressif existant, ainsi que l’évaluation de son efficacité par rapport à celui des autres pays démocratiques.
S’agissant de la répression des atteintes à la probité des acteurs publics, en tout cas, notre code pénal et la jurisprudence sont particulièrement répressifs.
La définition de la prise illégale d’intérêts par le code pénal est tellement large que les actes les plus légitimes, comme le fait pour un élu de voter une subvention à un organisme dans lequel il représente sa collectivité ès qualités, hors de tout enrichissement personnel, peuvent être qualifiés de prise illégale d’intérêts. Quant à la Cour de cassation, elle ne fait pas de différence entre intérêt moral et financier, intérêt général et personnel.
Le même constat peut être dressé pour le délit de favoritisme, constitué même en l’absence d’intention d’avantager quelqu’un, dès lors que la procédure de passation des marchés n’a pas été strictement respectée.
Par deux fois, le Sénat a adopté à l’unanimité une modification de la notion de « prise illégale d’intérêts », et une fois s’agissant du délit de favoritisme.
Par crainte des réactions médiatiques, ces textes n’ont jamais été inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate que notre rapporteur s’est abstenu de reprendre cette nouvelle définition de la prise illégale d’intérêts, ce qui était pourtant l’une des préconisations du rapport que nous avons évoqué.
N’apparaît nulle part non plus cette conclusion du rapport : « L’étude des régimes de prévention des conflits d’intérêts et de leur application concrète dans les Parlements occidentaux révèle que le système français est, globalement, plus performant que celui de nombreux États. »
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. Le deuxième ensemble de questions porte sur la notion de « décision » : qu’est-ce qu’une décision ? Comment cela se passe-t-il dans une assemblée démocratique ?
Non seulement le présent projet de loi organique confond décision individuelle, pratique, qui est le fait des exécutifs, et décision de portée générale, définition de règles applicables à tous, mais il renvoie à une conception totalement erronée, à mon sens, de la prise de décision collective au sein d’assemblées démocratiques.
Conception erronée, disais-je, parce que la décision conforme à l’intérêt général n’est pas, comme on voudrait nous le faire croire, le produit d’atomes civiques purgés, comme les eaux usées de nos stations, de tout préjugé par le regard purificateur de l’opinion. Si tel était le cas, ne pourraient participer à la décision démocratique, comme cela a été dit, que ceux qui tiennent leurs connaissances non pas de leur pratique, mais de la lecture des journaux ou de leurs consignes de vote. Tous les autres devraient s’abstenir.
Cette idée est perverse, car la décision démocratique est le produit d’un débat public réglé au sein d’une assemblée représentative, dans l’idéal de tous les intérêts et opinions. Ce qui suppose des parlementaires d’origines diverses, des parlementaires présents et actifs – question à soigneusement éviter ! Ce qui suppose aussi que le débat ne puisse être biaisé et qui pose la question de la désignation des présidents de commission et des rapporteurs. Le groupe de travail avait d’ailleurs conclu – autre conclusion passée à la trappe – que c’est à ce niveau que le risque de conflit d’intérêts existe vraiment au Parlement, non pas parce que les gens qui ont un intérêt délibèrent, mais parce que la manière de poser le débat peut être biaisée par celui qui l’ouvre et le mène.
Le troisième ensemble de questions que la commission devra se poser a trait à l’efficacité des dispositifs de prévention des manquements au devoir de probité publique, tels qu’ils sont proposés dans ce texte.
Pour répondre au désenchantement public, suffira-t-il, mes chers collègues, que, vêtus de probité candide, leur déclaration de patrimoine sur Facebook dans une main et leur déclaration d’activités et d’intérêts sur Twitter dans l’autre, les élus du peuple, les parlementaires, les élus locaux, acceptent stoïquement leur rôle de boucs émissaires, au motif que personne n’est obligé d’être candidat ? Je pense que ce ne sera pas le cas, d’abord, comme on l’a vu, parce que la crise de confiance des citoyens dans leurs institutions et les acteurs politique n’a pas l’origine que l’on prétend, ensuite parce que le remède ne fera qu’aggraver le mal.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. La publication des déclarations non seulement n’empêchera pas les trafiquants de trafiquer – on découvrira seulement à l’occasion d’un scandale qu’ils avaient menti –, mais elle fournira un aliment permanent au harcèlement de ceux qui ne seront pas dans ce cas.
Non seulement la défiance publique continuera à se nourrir des scandales, qui perdureront, comme ils ont perduré après chaque train de mesures de diversion, mais elle trouvera un aliment nouveau dans la contemplation des déclarations.
Les commentaires qui ont suivi la publication du patrimoine des membres du Gouvernement, encombrée de vélos, de voitures revenant du contrôle technique,…
M. Henri de Raincourt. Un kayak !
M. Pierre-Yves Collombat. … d’estimations immobilières, sont édifiants. « Quant au patrimoine de Pierre Moscovici », commente le journal de référence du 17 avril 2013, « à seulement 270 000 euros, il est presque aussi maigre que la croissance du PIB français. » (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Rien n’est dit, tout est dit !
La recherche de la transparence pourrait bien être le meilleur moyen de perpétuer l’obscurité sur les processus de décisions qui importent vraiment, selon le principe pascalien : qui veut faire l’ange fait la bête !
Mes chers collègues, cette proposition de retour en commission vise simplement, en nous invitant à ne point trop faire l’ange, à nous permettre de moins faire la bête ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive (Oh ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.), je ne vais pas me suivre M. Collombat dans ses excès littéraires.
M. Gérard Longuet. Il était excellent !
M. Jean-Pierre Michel. Des affaires, nous en connaissons tous, et je dirai même qu’ici nous portons tous notre croix ! À cet égard, monsieur Mézard, il ne me semble pas que M. Tapie ait été membre du parti socialiste !
J’ai entendu dans cet hémicycle un certain nombre de propos excessifs. Or, lorsque l’on s’exprime dans cette enceinte, on ne parle pas seulement pour soi, on parle au nom de son groupe, au nom de son parti politique et, éventuellement, au nom des ministres du Gouvernement issus de son parti, qui doivent forcément souscrire aux propos que l’on tient.
Monsieur Collombat, nos concitoyens attendent des textes, des mesures,…
M. Gérard Longuet. Avec impatience !
M. Charles Revet. C’est un leurre !
M. Gérard Longuet. Il y a 3 millions de chômeurs !
M. Jean-Pierre Michel. ... et la réflexion que vous demandez à la commission des lois, si jamais ce texte lui est renvoyé, a déjà été menée par le Gouvernement. Le résultat figure d’ailleurs dans l’exposé des motifs. À partir de là, le Gouvernement nous propose un certain nombre d’articles, que l’Assemblée nationale et nous-mêmes avons d’ailleurs modifiés, par exemple sur le patrimoine, mais, surtout, sur les conflits d’intérêts.
Mes chers collègues, faut-il parler, ici, au Sénat, des conflits d’intérêts ? Faut-il s’en tenir à la déontologie du bureau de notre assemblée ? Faut-il citer le nom des parlementaires qui acceptent des voyages à l’étranger en dehors de tout cadre sénatorial, invités par des puissances étrangères ? Que vont-ils y faire, d’ailleurs ?
Il suffirait de les déclarer ; mais à qui ? Ces déclarations sont-elles publiques ? Sait-on ce qui en résulte ? Non ! Mes chers collègues, nous avons besoin de textes, car, nous le savons, la déontologie interne ne suffit pas. C’est pareil dans les autres professions ! On sait très bien que les sanctions disciplinaires infligées par les ordres sont totalement insuffisantes et que la justice doit intervenir dans certains cas. Cette loi est donc nécessaire.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Michel. La commission des lois a travaillé, d’abord sur la base du fameux rapport d’information de la commission des lois adopté en 2011, auquel notre rapporteur n’a cessé de se référer pour accepter certains amendements, notamment de M. Hyest ou de M. Collombat.
D’ailleurs, monsieur Collombat, vous étiez présent ce matin - pas la semaine dernière, cependant - et vous avez pris la parole très souvent.
M. Henri de Raincourt. Il a le droit !
M. Jean-François Husson. Mais nous sommes surveillés ?
M. Jean-Pierre Michel. Vous avez de surcroît rencontré quelques succès avec certains de vos amendements, mais pas avec tous.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Cinq amendements de M. Collombat ont reçu un avis favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est suspect !
M. Jean-Pierre Michel. Bien sûr, il n’est jamais urgent d’agir lorsque l’on n’a rien à se reprocher, lorsque tout va très bien dans le meilleur des mondes, lorsque les hommes politiques, dont nous sommes, sont portés aux nues par leurs concitoyens, lorsque l’on n’est pas suspecté, lorsque l’on n’est pas « la femme de César ».
Il ne faudrait donc rien faire : c’est du moins ce que vous proposez !
M. Philippe Bas. C’est faux !
M. Jean-Pierre Michel. Pour ma part, je pense tout le contraire. À mon sens, il faut agir et le Gouvernement a été bien avisé de le faire rapidement, sur l’initiative du Président de la République, après ce scandale que fut l’affaire Cahuzac,…
M. Philippe Bas. Aucun rapport !
M. Gérard Longuet. Non, aucun !
M. Jean-Pierre Michel. … que nous portons, nous, comme une croix, à l’instar de certains de nos prédécesseurs dans le passé.
Soyons clairs et ne nous rejetons pas la faute les uns sur les autres : nous devons légiférer rapidement et c’est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je m’oppose à cette motion de renvoi à la commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit et bien dit par M. Jean-Pierre Michel.
Je voudrais cependant faire observer à M. Collombat que, s’il avait voulu que la définition du conflit d’intérêts à laquelle il a fait allusion soit prise en compte, il lui était tout à fait loisible de déposer un amendement en ce sens, comme il ne manque d’ailleurs pas de le faire fréquemment, concourant ainsi à enrichir les travaux de la commission.
M. Pierre-Yves Collombat. Je l’ai fait !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, la commission des lois a déjà consacré douze heures à l’examen de ce texte.
Mme Françoise Férat. Seulement ?
M. Gérard Longuet. Dont six heures pour le président de la commission !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mais ce n’est pas fini ! Je rappellerai en effet à ceux d’entre nous qui voudraient approuver cette motion, à laquelle je suis opposé, le titre complet du Barbier de Séville, de Beaumarchais : « ou la Précaution inutile ». Je m’explique : la commission des lois doit se réunir dès la suspension de la séance, car il lui reste encore quelque deux cents amendements à examiner. Ceux qui veulent qu’elle se réunisse ont donc d’ores et déjà satisfaction !
Au reste, nous sommes toujours extrêmement heureux de nous retrouver en commission, l’atmosphère y est excellente et les débats sont approfondis. Nous ne ménageons ni notre temps ni notre peine, surtout en ce mois de juillet – tout comme en juin, mai ou avril ! C’est un plaisir sans cesse renouvelé !
De toute façon, la réunion de la commission est prévue. Mes chers collègues, si vous voulez en plus voter cette motion, vous le pouvez, mais cela me semble vraiment inutile ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le président, puisqu’il s’agit d’une procédure interne au Parlement, j’ai pour ligne de conduite de ne pas me prononcer, car la motion tendant au renvoi à la commission ne concerne que l’assemblée à laquelle elle est soumise.
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 105 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 297 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, lorsque le Sénat adopte une motion de renvoi en commission sur un texte inscrit par priorité à l’ordre du jour sur décision du Gouvernement, la commission doit présenter ses conclusions au cours de la même séance, sauf accord du Gouvernement.
Je consulte donc le Gouvernement, monsieur le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le président, le Gouvernement demande que la commission présente son rapport au cours de la même séance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. J’informe les membres de la commission des lois que celle-ci va se réunir immédiatement.
M. le président. À quelle heure souhaitez-vous que nous reprenions nos travaux en séance publique, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, nous pourrions reprendre les travaux en séance publique à vingt-deux heures quinze.
10
Nomination d’un membre d’une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Françoise Boog membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Jean-Louis Lorrain, décédé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le rapport 2012 au Parlement sur les recompositions de l’offre hospitalière, en application de l’article 17 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
Ce rapport a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
12
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 juillet 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le deuxième alinéa de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime (statut du fermage et du métayage) (2013-343 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Acte est donné de cette communication.
13
Transparence de la vie publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et nouveau rapport de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique.
La parole est à M. le rapporteur pour nous présenter les conclusions de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l’adoption par le Sénat de la motion de renvoi en commission présentée par Pierre-Yves Collombat, que je salue, la commission, à l’issue de sa réunion, a fort logiquement constaté une majorité homothétique avec la majorité qui a adopté le renvoi en commission dans l’hémicycle.
On voit là une logique. Je ne dis pas que tout est logique, mais, ici, il y a une logique, et elle est incontestable !
Donc, la commission, à l’issue de sa réunion, a décidé de rejeter le texte du projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique qu’elle avait pourtant adopté lors de sa réunion du mercredi 3 juillet 2013. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.) Mais la commission a le droit d’évoluer dans ses conceptions et dans ses appréciations, madame Létard !
La commission a informé ses membres – et ce fut l’office de notre collègue M. Jean-Pierre Michel, qui l’a présidée – qu’en conséquence et en application du premier alinéa de l’article 42 de la Constitution la discussion porterait en séance sur le texte du projet de loi organique tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il résulte de ce rapport que, la commission ayant rejeté le texte qu’elle avait adopté, le Sénat doit examiner le texte du projet de loi organique tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Le Sénat changeant de base de discussion, le droit d’amendement doit désormais s’exercer sur le texte de l’Assemblée nationale.
Nous pourrions fixer un nouveau délai limite à demain mercredi 10 juillet, treize heures, pour le dépôt des amendements. La séance serait ouverte à seize heures, afin de permettre à la commission des lois de se réunir au préalable pour examiner les amendements.
Y a-t-il des observations sur ces propositions ?
Mme Catherine Troendle. Je demande la parole, monsieur le président.
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à faire un rappel au règlement fondé sur l’article 47 ter, qui prévoit la fixation des délais limite pour le dépôt des amendements par la conférence des présidents. Or aucune conférence des présidents ne s’est réunie, monsieur le président. Et je ne trouve aucun article permettant de fixer ainsi un délai sans passer par la conférence des présidents !
Par ailleurs, comment fixer à demain, treize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ? Il nous sera totalement impossible, dans un délai aussi court, de déposer de nouveaux amendements, puisqu’il s’agit pour nous de reprendre complètement, de fond en comble, un texte que nous rejetons totalement aujourd’hui !
Monsieur le président, il est impossible de travailler dans des conditions sereines si vous maintenez un délai aussi bref !
Je vous demanderai donc de confier à la conférence des présidents le soin de fixer les nouveaux délais, dont nous pourrons ainsi débattre.
M. Pierre-Yves Collombat. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, pour que la démarche ait un sens, il nous faut reprendre le texte et revenir, comme je l’ai dit en commission, à un type d’exercice assez proche de celui que nous avons pratiqué à l’occasion du projet de loi sur la décentralisation. Nous étions arrivés à un texte assez différent de la rédaction initiale, un texte que j’ai voté parce que je trouvais qu’il correspondait bien à nos attentes.
J’avoue mon incompétence totale en matière de procédure, mais je sais que, si vous entendez faire passer le texte tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, c’est – je tiens à vous le dire – une pantalonnade ! Vraiment, cela n’a strictement aucun sens !
Je pense donc qu’il faut pour le moins s’en tenir à ce que propose Mme Troendle, qui est de bon sens, et réunir la conférence des présidents pour voir ce qu’il est possible de faire. Pour ma part, j’ai consulté l’ordre du jour tel qu’il est prévu jusqu’à la fin du mois et j’ai constaté qu’il ne comportait pas de textes d’une urgence extrême et qu’il restait suffisamment de plages disponibles pour pouvoir continuer à travailler sur ce texte. Nous avons besoin de quelques heures, voire un peu plus, pour tenter de trouver un modus operandi et nous accorder sur quelques principes.
Tout le reste n’est que procédure ! Cela confirme, d’ailleurs, ce que je disais : le pouvoir est à l’Élysée, et nous sommes là pour valider ce que veut l’Élysée ! Je veux bien qu’il en soit ainsi, mais ce n’est pas sain. En tant qu’institution, nous creusons notre tombe !
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate que d’année en année, c’est pire. Personne n’y est pour quoi que ce soit : cela ne tient pas aux hommes, cela ne tient pas aux gens, cela tient à la dérive de nos institutions ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Oui, chers collègues, cela se passe ainsi ! D’ailleurs, c’est à peu près ce que vous avez dit, d’une autre façon : il n’y a plus de contre-pouvoir : soit !
Bien sûr, les hommes sont les hommes, et ils essaient de tirer la couverture à eux. Mais ce n’est pas le fond du débat. Si nous n’arrivons pas à élaborer nous-mêmes un dispositif qui ressemble à quelque chose, ce sera la débandade totale !
Peut-être la procédure vous permettra-t-elle de faire passer ce que vous voulez faire passer, mais ce serait lamentable !
Mme Éliane Assassi. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mon groupe et moi-même regrettons la situation dans laquelle nous nous trouvons ce soir. Mais j’ai le souvenir d’autres situations dans lesquelles le Gouvernement avait su user de procédures qui nous avaient contraints à clore nos débats dans une précipitation que je regrette encore aujourd’hui.
Je regrette d’autant plus cette situation qu’il me semble que les grands oubliés, ce sont les Français ! Tout à l’heure, dans la discussion générale, j’ai dit la façon dont ils ressentent aujourd’hui le décalage entre eux et les élus. Ce soir, ils ne sont sans doute pas des millions à nous regarder, mais, dans le même temps, les choses se savent. Nous ne renvoyons pas une bonne image du Parlement, et du Sénat, en particulier !
Je ne suis pas suffisamment avertie de la procédure pour connaître les outils qui nous permettraient de pouvoir enfin débattre de ce texte important. Mais la transparence, cela a du sens, pour moi !
Je crois sincèrement que nous appelons à cette transparence, quel que soit le lieu où nous siégeons aujourd’hui dans l’hémicycle.
Il faut que nous puissions discuter de ce texte en toute sérénité. Monsieur Collombat, je vous entends bien, mais des votes sont intervenus. Ils ont du sens ou alors, cela ne sert à rien de voter !
Mme Catherine Troendle. Justement !
Mme Éliane Assassi. Donc, cela ne sert à rien de tenter d’ouvrir le parapluie. La chose est faite. Nous savons qui a créé les conditions de la situation dans laquelle nous sommes ce soir. Il faut l’assumer. Si c’était mon cas, si c’était le cas de mon groupe, nous saurions l’assumer. Je ne trouve pas très élégant de votre part de renvoyer cette situation à d’autres ce soir.
Je ne sais pas quelle peut être l’issue dans cette situation.
Je le réaffirme au nom de mon groupe, il est nécessaire que nous ayons une discussion approfondie et sereine nous permettant de prendre de la hauteur sur ce sujet, même s’il ne s’agit pas forcément de la préoccupation première de nos concitoyens. En effet, ce que ceux-ci déplorent aujourd’hui, plus peut-être qu’un manque de transparence de la vie publique, c’est l’impuissance des politiques à répondre à leurs besoins. Telle est à mon sens la véritable problématique.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Dans les circonstances présentes, nous sommes surpris qu’aucune réunion de la conférence des présidents ne soit organisée. Nous avons un peu le sentiment d’être sans gouvernance ; comme les Français, d’ailleurs…
Je suis d’autant plus surpris que ce qui se passe ce soir était prévisible : il suffisait de voir la désorganisation totale de nos travaux en commission des lois. À un moment, ça finit par craquer, et c’est ce qui est arrivé ce soir… Il faut trouver une solution.
Ce sujet intéresse le Sénat, et au-delà l’ensemble des Français ; nous n’avons d’ailleurs pas attendu l’actuel gouvernement pour l’aborder. Nous pensons toutefois qu’une loi de circonstance, examinée qui plus est selon la procédure accélérée, ne peut pas prospérer. Nous avons besoin de débattre sereinement afin de parvenir à un consensus !
Réunissons donc la conférence des présidents, retrouvons un peu de sérénité, et voyons comment organiser au mieux l’examen de ce texte. Peut-être le Gouvernement pourrait-il renoncer à la procédure accélérée ? S’il y a des circonstances dans lesquelles cette procédure s’impose, ce n’est pas le cas en l’occurrence. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement souhaite que ce texte puisse être examiné sereinement et complètement avant la fin de la présente session extraordinaire, qui ne connaît d’autre limite que le décret du Président de la République. Si la conférence des présidents décide que le Sénat siégera au-delà de l’échéance actuellement prévue, le Gouvernement respectera cette décision et se tiendra à la disposition de votre assemblée afin que le débat sur ce texte important puisse aller à son terme, dans le cadre de la procédure qui a été choisie.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux pas laisser Mme Assassi dire que je ne prends pas mes responsabilités ! Je les prends, comme son groupe a pris les siennes s’agissant de l’amnistie sociale !
Mme Éliane Assassi. Pas avec les mêmes conséquences ! Vous êtes au Gouvernement, pas nous !
M. Pierre-Yves Collombat. De quelles conséquences parlez-vous ? Nous avons des opinions et des principes, et nous nous battons pour les défendre, point barre ! Si nous ne pouvons pas défendre dans cette enceinte les valeurs auxquelles nous tenons, où le ferons-nous ? Nous ne sommes pas aux ordres !
M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre la séance afin de prendre l’attache du président du Sénat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La conférence des présidents va se réunir, dans la salle de la commission de la culture. La séance reprendra à l’issue de cette réunion.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Pouvez-vous nous dire à quelle heure, monsieur le président ?
M. le président. Étant naturellement optimiste, je dirai vingt-trois heures quinze…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Excellente idée !
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-six, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
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Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie ce soir, mardi 9 juillet 2013, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Vendredi 12 juillet 2013
À 9 heures 30, à14 heures 30 et le soir :
1°) Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n° 688, 2012-2013).
(La conférence des présidents a fixé au jeudi 11 juillet, à dix heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le jeudi 11 juillet, à quatorze heures trente.)
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (texte de la commission, n° 724, 2012-2013).
Lundi 15 juillet 2013
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique.
Mardi 16 juillet 2013
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique (A.N., n° 1227).
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 15 juillet, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 juillet, à neuf heures.)
2°) Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens (procédure accélérée) (n° 664, 2012-2013).
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 10 juillet matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 15 juillet, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 juillet matin.)
Mercredi 17 juillet 2013
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (n° 690, 2012-2013) et projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au procureur de la République financier (n° 691, 2012-2013).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission des lois se réunira pour les deux rapports et les deux textes le mercredi 10 juillet matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 16 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 15 juillet, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 17 juillet matin.)
Jeudi 18 juillet 2013
À 9 heures 30 :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juillet, à dix-sept heures.)
2°) Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille.
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
4°) Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.
5°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État (procédure accélérée) (A.N., n° 1219).
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mardi 16 juillet après midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juillet, à dix-sept heures ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé au jeudi 18 juillet, à onze heures.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le jeudi 18 juillet, à seize heures.)
Mardi 23 juillet 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales.
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 237 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Hausse de tarification des assurances automobiles pour les conductrices.)
- n° 394 de M. Didier Guillaume à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
(Environnement réglementaire concernant les bailleurs sociaux en matière de normes liées à l’habitat.)
- n° 400 de M. Francis Grignon à Mme la ministre de la culture et de la communication.
(Schéma de régionalisation accrue de France 3.)
- n° 409 de M. Michel Savin à M. le ministre de l’intérieur.
(Statuts de demandeur d’asile, de débouté du droit d’asile ou de sans papiers.)
- n° 418 de M. Gilbert Roger à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
(Lien entre le numerus clausus et la désertification médicale.)
- n° 422 de M. Philippe Bas à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
(Situation du réseau à moyenne tension dans le département de la Manche.)
- n° 430 de Mme Cécile Cukierman à M. le ministre de l’éducation nationale.
(Vœux en conseil d’administration des établissements publics locaux d’enseignement.)
- n° 448 de M. Michel Berson transmise à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche.
(Amélioration de la régularité du RER D.)
- n° 459 de Mme Marie-Thérèse Bruguière à M. le ministre de l’éducation nationale.
(Langue des signes pour les enfants sourds.)
- n° 463 de M. Jean-Luc Fichet à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
(Avenir de la filière bois française.)
- n° 468 de M. Alain Gournac à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
(Urgence d’une recherche spécifique sur le cancer des enfants.)
- n° 470 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam à M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
(Diffusion des livres numériques français à l’étranger.)
- n° 475 de Mme Hélène Lipietz à Mme la ministre de la culture et de la communication.
(Préservation de l’intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay (Yonne) et maintien du classement UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité.)
- n° 476 de M. Jacques Mézard à M. le ministre de l’éducation nationale.
(Suppression de postes d’enseignants du premier degré dans le Cantal.)
- n° 480 de Mme Nicole Bonnefoy à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
(Recensement des camélidés en France.)
- n° 482 de Mme Chantal Jouanno à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
(Nuisances sonores aériennes.)
- n° 483 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
(Spécificités des associations intermédiaires au regard de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.)
- n° 488 de M. Jean-Jacques Filleul à M. le ministre de l’intérieur.
(Stationnement illégal des gens du voyage.)
- n° 492 de M. André Vairetto à Mme la ministre chargée de la décentralisation.
(Modalités de calcul de la contribution au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.)
- n° 497 de Mme Josette Durrieu à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
(Baignade naturelle biologique.)
À 14 heures 30 et le soir :
2°) Projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (n° 719, 2012-2013) et projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (procédure accélérée) (n° 718, 2012-2013).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission des lois se réunira pour le rapport et les deux textes le mercredi 17 juillet matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 22 juillet, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 23 juillet matin.)
Mercredi 24 juillet 2013
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé (n° 172, 2012-2013).
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 17 juillet matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 23 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 22 juillet, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 juillet matin.)
2°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’élection des conseillers de Paris, présentée par M. Jean-Jacques Urvoas (A.N., n° 1145).
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 17 juillet matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 juillet, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 23 juillet, à dix-sept heures ;
- au lundi 22 juillet, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 juillet matin.)
Jeudi 25 juillet 2013
À 9 heures 30, à14 heures 30 et le soir :
1°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l’accueil des personnes handicapées (n° 602, 2012-2013).
2°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, signé à Bruxelles le 10 mai 2010 (n° 678, 2012-2013).
3°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (n° 677, 2012-2013).
(Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mardi 23 juillet, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
4°) Navettes diverses.
La prochaine réunion de la conférence des présidents aura lieu mercredi 24 juillet 2013, à dix-neuf heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 12 juillet 2013, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
1°) Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (texte du projet de loi organique transmis de l’Assemblée nationale, n° 688, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n° 731, 2012-2013) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 732, 2012-2013).
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n° 689, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n° 722, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 724, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART