Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Je vous prie tout d’abord, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser à votre tour l’absence de Stéphane Le Foll, actuellement en déplacement en Afrique du Sud avec le Président de la République. Il m’a chargée de vous transmettre la réponse qu’il souhaitait vous apporter.

Vous faites part au Gouvernement des difficultés rencontrées par la commune de Chuyer, située dans votre département, pour approvisionner son service de restauration scolaire.

Ces difficultés concernent l’application de l’arrêté du 8 juin 2006 relatif à l’agrément sanitaire des établissements mettant sur le marché des produits d’origine animale ou des denrées contenant des produits d’origine animale.

En application de la réglementation européenne de 2004, les établissements fournissant des repas à des restaurants collectifs doivent disposer de l’agrément sanitaire européen et appliquer les règles d’hygiène qui y sont attachées, sauf s’ils remplissent les conditions pour bénéficier de la dérogation à l’obligation d’agrément sanitaire, c’est-à-dire si leur activité reste « marginale, localisée et restreinte ».

Ainsi, un commerçant de détail – restaurateur ou traiteur, par exemple – peut livrer des cantines scolaires en bénéficiant d’une dérogation à l’obligation d’agrément sanitaire, sous réserve de respecter les limites prévues par l’arrêté du 8 juin 2006, soit 400 repas ou fractions de repas hebdomadaires dans la limite de 30 % de sa production totale, ou 150 repas hebdomadaires s’il livre jusqu’à 100 % de sa production totale.

Les possibilités de dérogation offertes aux commerces de détail, ainsi que les simplifications en matière d’agrément sanitaire sont autant d’éléments en faveur du développement des circuits de proximité : les exigences sont limitées et, parallèlement, un niveau sanitaire élevé est maintenu.

En revanche, je dois vous indiquer qu’il n’est pas possible d’assouplir davantage les conditions permettant de bénéficier de la dérogation à l’agrément, car cela risquerait de créer des distorsions de concurrence économique entre opérateurs disposant d’un agrément et ceux qui bénéficient d’une dérogation, pour des activités de même nature.

L’obligation d’agrément sanitaire n’implique toutefois pas nécessairement d’investissements supplémentaires. Le contenu du dossier d’agrément est d’ailleurs normalement adapté à la taille de l’établissement en question.

Par ailleurs, le droit européen impose à tous les établissements du secteur alimentaire, qu’ils soient ou non agréés, la mise en place d’un plan de maîtrise sanitaire. Ce plan comprend les bonnes pratiques d’hygiène, l’analyse des points critiques pour mieux les maîtriser, ainsi que la traçabilité et la gestion des non-conformités. Ces éléments constituent l’essentiel du dossier d’agrément exigé pour livrer à la restauration collective.

Dans le cadre des efforts entrepris par le Gouvernement en matière de simplification, notamment des démarches administratives, le ministère de l’agriculture met à disposition, que ce soit en ligne sur son site internet ou dans ses services déconcentrés, des dossiers types d’agrément pour l’activité de charcuterie, salaison, plats cuisinés, entre autres, lesquels viennent d’ailleurs d’être actualisés à la suite de la simplification du dossier de demande d’agrément intervenue récemment. Tout établissement concerné par cette obligation peut donc s’aider de ces documents pour établir son dossier d’agrément sanitaire.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je reste un peu « sur ma faim » ! (Sourires.) En effet, je n’ai obtenu qu’une réponse partielle à cette question relative à la simplification d’un certain nombre de règles et de normes.

Nous ne voudrions pas que dans nos communes, notamment rurales, les derniers commerces disparaissent progressivement et soient remplacés par des entreprises industrielles éloignées des cantines scolaires et des écoles, qui serviront aux enfants des produits industriels.

Je vous l’avoue franchement, je suis quelque peu déçu par votre réponse. J’ai cependant bien noté l’obligation d’obtenir un agrément sanitaire, que ne manquera pas de demander l’établissement dont je viens d’évoquer la situation.

devenir de la ligne à grande vitesse rhin-rhône

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert, auteur de la question n° 511, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche sur le devenir de la ligne à grande vitesse – LGV – Rhin-Rhône.

M. Cuvillier ayant accompagné M. le Président de la République en Afrique du Sud, je vous remercie de bien vouloir répondre en son nom, madame la ministre.

Le rapport Duron relatif aux grands projets ferroviaires et routiers, remis au Gouvernement à la fin du mois de juin dernier, fait en particulier état de l’information selon laquelle la deuxième phase de la ligne précitée n’est plus jugée comme prioritaire, ce qui remet fortement en cause la poursuite du projet.

La réalisation des cinquante kilomètres restant a été reportée après 2030, alors que ce tronçon devait initialement entrer en service en 2016. Autant dire que le projet est quasiment abandonné !

Je souhaite rappeler que le projet de TGV Rhin-Rhône s’inscrit dans un schéma européen de liaison rapide entre l’Allemagne, au nord, et l’Espagne, au sud.

Le premier tronçon, d’une longueur de 140 kilomètres, est entré en service commercial le 11 décembre 2011 ; il correspond à un budget de 2,6 milliards d’euros.

Il reste à réaliser la deuxième tranche de l’ouvrage, vers Dijon, à l’ouest, et vers Mulhouse, à l’est.

À plus long terme, il conviendra de déterminer le tracé, de réaliser les études et de financer les branches sud et ouest de l’ouvrage, conçu, dès l’origine, comme une étoile à trois branches.

Même si l’État réexamine l’ensemble des grands projets d’infrastructures annoncés lors du Grenelle de l’environnement, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer s’il est dans les intentions du Gouvernement de poursuivre ce projet de LGV Rhin-Rhône ou, tout simplement, de l’abandonner, alors même que l’État et les collectivités territoriales ont signé en 2012 un protocole d’accord en vue d’achever la deuxième tranche du projet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Effectivement, monsieur le sénateur, M. Cuvillier accompagnant M. le Président de la République en Afrique du Sud, je me permets de vous transmettre la réponse qu’il souhaitait vous apporter.

Les différentes composantes de la LGV Rhin-Rhône, sur chacune de ses trois branches, ne sont pas au même stade d’avancement. La section la plus importante de la branche a été mise en service à la fin de l’année 2011 et ses deux extrémités, vers Dijon et Mulhouse, ont fait l’objet d’études approfondies qui conduisent à un investissement supplémentaire de plus de un milliard d’euros.

Sur les branches ouest et sud, les études sont nettement moins avancées et les tracés ne sont pas encore définis. Les premières estimations donnent toutefois une idée de l’ampleur des investissements qui doivent être prévus et qui se situent, pour ces deux branches, autour de 8 milliards d’euros.

Dans le cadre de la mission que lui a confiée le Gouvernement, la commission Mobilité 21 a présenté des propositions visant à préciser les conditions de mise en œuvre du schéma national des infrastructures de transport afin de le rendre compatible avec la situation et les perspectives des finances publiques.

Elle a classé le projet de LGV Rhin-Rhône en deuxième priorité et a proposé de poursuivre sa réalisation à compter de 2030. C’est d’ailleurs la recommandation qu’elle a émise pour tous les nouveaux projets de lignes à grande vitesse, hormis celui qui relie Bordeaux à Toulouse. Le Gouvernement a décidé de suivre ces recommandations, tout en précisant que la priorisation des projets devrait être réexaminée dans cinq ans, que l’année 2030 constituait un horizon et que le laps de temps nous en séparant pouvait être raccourci en fonction des ressources financières disponibles, du coût et de la maturité des projets.

Pour les cinq prochaines années, le Gouvernement a donné la priorité à l’amélioration des transports du quotidien. Il convient, à cette fin, d’accélérer la résorption des nœuds ferroviaires, de moderniser les lignes de chemin de fer classiques et de désenclaver les territoires.

Ainsi, en Franche-Comté, il paraît primordial d’aménager le réseau existant pour le rendre plus performant et répondre aux besoins régulièrement exprimés par les usagers en matière de qualité du service à travers la sécurité, la régularité, l’efficacité des correspondances, ou encore le confort du matériel roulant.

Au mois de septembre, le Premier ministre a lancé la nouvelle contractualisation État-régions et a demandé que son volet « mobilité » soit finalisé d’ici à la fin de l’année.

Il s’agit de définir, en concertation, les opérations prioritaires devant être réalisées au cours des prochaines années en termes d’infrastructures. En outre, le grand plan de modernisation du réseau demandé par Frédéric Cuvillier à Réseau ferré de France va être décliné territorialement dans les prochaines semaines.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’avoue que je ne la trouve pas très satisfaisante, mais je ne saurais vous en faire directement le reproche.

Lors d’une prochaine séance de questions, M. le ministre chargé des transports pourra sans doute me répondre plus précisément, non pas sur l’ensemble des travaux qui restent à effectuer pour terminer les branches sud et ouest de cette ligne à grande vitesse, mais sur la manière dont il entend financer, avant 2030, la fin de la tranche Dijon-Mulhouse. Les cinquante kilomètres qui restent à réaliser ne représentent pas un investissement faramineux, et c’est sur ce point que j’aurais souhaité une réponse plus complète de la part du Gouvernement.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures, pour le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage.

En outre, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, M. Jean Pisani-Ferry, sera entendu par le groupe de travail sénatorial « Quelle France dans dix ans ? », à quinze heures, salle Clemenceau.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage (rapport n° 782 [2012–2013]), débat organisé à la demande de la commission d’enquête.

La parole est à M. le président de la commission d’enquête. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)

M. Jean-François Humbert, président de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en février dernier, j’ai eu la chance d’être désigné président de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Avec Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur, nous nous sommes rapidement attelés à la tâche : il s’agissait de réaliser, en moins de six mois, un travail d’écoute de l’ensemble des parties et acteurs concernés, sans discrimination ni partialité, et de produire des conclusions qui puissent faire l’objet d’un consensus parlementaire. Je crois que la mission a bien été remplie.

Le 24 juillet dernier, soit cinq mois après sa création, la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage rendait son rapport.

Je crois pouvoir dire qu’un tel travail sur la lutte contre le dopage était une première du point de vue parlementaire ; nous pouvons tous nous féliciter de l’audience et du résultat obtenus.

Un rapport de plus de sept cents pages, fouillé et précis, a été produit. Un travail considérable a été effectué pendant cinq mois : soixante-trois auditions et deux tables rondes ont été organisées ; quatre-vingt-six personnes ont été entendues sous serment, avec obligation de dire la vérité.

Nous avons eu le plaisir, pour certains d’entre nous, de participer à soixante-neuf heures et quarante-sept minutes d’échanges sur la lutte contre le dopage. Chacun a pu poser ses questions, et j’estime que les auditions ont globalement été menées avec respect, mais sans complaisance.

Les huis clos demandés ont été acceptés. Lorsque les débats étaient publics, ils ont été largement suivis, si l’on en croit les nombreux retours que nous avons reçus, notamment par courrier. Le débat entre les personnes auditionnées et les sénateurs s’est ainsi accompagné d’une discussion entre les personnes auditionnées elles-mêmes.

Cinq déplacements ont été organisés, dont trois à l’étranger : aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, au laboratoire de Châtenay-Malabry et à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. Le rapport fait d’ailleurs son miel de nombreux exemples étrangers qui viennent éclairer notre propre lutte antidopage. Je vous renvoie, notamment, aux annexes du rapport qui proposent un compte rendu des auditions réalisées dans les trois pays que je viens de citer.

Nous avons également été heureux de constater que nos travaux rencontraient une audience internationale. L’Agence américaine, dont le directeur a été auditionné au Sénat, suivait ainsi les auditions que nous avons menées.

Par ailleurs, le dopage est un sujet à caractère particulièrement transnational, et les outils mis en place à l’étranger peuvent être de réelles sources d’inspiration.

Pour l’organisation des auditions, un objectif avait été fixé : celui de ne pas se concentrer sur le seul cyclisme, mais d’élargir notre panorama à l’ensemble des disciplines. Il s’agissait, comme je l’ai dit pendant la conférence de presse, de « lever le nez du guidon », si vous me permettez cette expression.

Dix-huit disciplines ont ainsi été représentées sans que le cyclisme soit mis au premier plan.

Cet état d’esprit d’équité et ce souhait de ne pas stigmatiser tel ou tel sport nous ont aussi conduits, comme vous le savez, à repousser la date de publication du rapport après le Tour de France. Par respect envers les sportifs, nous avons été ainsi en léger décalage par rapport à la date initialement envisagée.

S’agissant de l’audience, le succès a été au rendez-vous. Le rapport a été au hit-parade des rapports sénatoriaux pendant l’été. La notice du tome I a été consultée près de 9 000 fois. Dans leur totalité, les pages du rapport ont été vues environ 10 000 fois. Les fameuses annexes ont, quant à elles, été consultées plus de 35 000 fois. De même la page index de toutes les vidéos de la commission d’enquête a été vue plus de 5 000 fois.

Enfin, le jour de la présentation à la presse des conclusions de la commission d’enquête, le site sur lequel cette conférence de presse était retransmise a été consulté 25 000 fois en trois jours, entre la veille et le lendemain de la conférence de presse. Pour ceux qui étaient présents lors de la présentation du rapport à la presse, cela correspond bien à l’affluence des journalistes ce jour-là et au nombre d’articles parus sur le sujet.

Un peu moins de trois mois après, et avec un peu de recul, nous voilà rassemblés pour évoquer les conclusions du rapport et débattre, notamment avec Mme la ministre, de l’application qui pourrait rapidement en être faite.

Je tiens d’emblée à signaler que le groupe auquel j’appartiens a souhaité jouer pleinement le jeu de cette commission d’enquête issue d’un droit de tirage du groupe socialiste. En effet, il nous a semblé que la lutte antidopage pouvait rassembler largement les parlementaires que nous sommes, tous attachés à l’éthique du sport et à la préservation de la santé des sportifs.

Dans les dix dernières années, les lois Lamour de 2006 et Laporte de 2008, sur le trafic de produits dopants, avaient d’ailleurs fait l’objet de débats consensuels. Nous étions convaincus que des améliorations pouvaient être apportées aux dispositifs existants. Les conclusions de notre commission d’enquête vont clairement dans ce sens.

Nous avons donc souhaité construire un climat apaisé et coopératif et nous avons, au final, exprimé notre soutien aux propositions du rapport, que nous avons contribué à faire émerger.

J’apprécie, quant à moi, que les soixante propositions, que nous présentera sans doute tout à l’heure M. le rapporteur, soient précises, réalistes et applicables à budget constant. C’est parce que je les soutiens qu’il m’apparaît aujourd’hui comme particulièrement important de disposer d’informations précises en matière de calendrier d’application.

Convaincus de leur importance, nous sommes en effet tentés de transformer l’essai et de faire de l’ensemble de ces préconisations une proposition de loi tendant à améliorer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Deux engagements du Gouvernement pourraient toutefois nous amener à différer une telle initiative.

La première question est celle de savoir si le Gouvernement va déposer rapidement un projet de loi-cadre sur le sport, qui contiendrait un volet relatif à la lutte contre le dopage. Ce texte pourrait-il être discuté au cours du premier semestre 2014 ? Pouvez-vous nous donner des informations précises sur les dates ? Madame la ministre, seriez-vous, en outre, prête à déposer ce texte en premier lieu au Sénat (MM. René Garrec, Jean-Claude Carle et Bernard Saugey marquent leur approbation.)

M. Alain Dufaut. Excellente idée !

Mme Chantal Jouanno. Très bonne idée !

M. Jean-François Humbert, président de la commission d’enquête. … au vu des efforts qu’il a déployés pour approfondir la réflexion ?

La seconde question est celle de votre adhésion aux préconisations que nous avons pu faire.

J’en cite quelques-unes, choisies parmi les grandes rubriques fixées dans le rapport.

Pour améliorer notre connaissance du dopage, nous avons proposé que les fédérations potentiellement les plus concernées puissent établir une analyse des risques de dopage. Estimez-vous qu’une telle proposition soit viable et qu’elle puisse être intégrée dans les conventions d’objectifs ?

Sur la prévention, l’idée de passer des conventions portant sur les risques du dopage entre l’Agence française de lutte contre le dopage et les associations de sport scolaire dans le second degré nous paraissait pertinente. Estimez-vous que de telles initiatives puissent être menées ? Savez-vous si des actions de prévention spécifique en direction des professeurs d’éducation physique et des éducateurs ont été mises en place ?

Enfin, il nous est apparu, en France comme à l’étranger, que des centres de remise en forme pouvaient jouer un rôle important dans les trafics de produits dopants. Que comptez-vous faire sur cette question ?

En matière de contrôle, nous avions proposé de donner un temps d’avance aux contrôleurs, en leur permettant de disposer prioritairement des résultats du passeport biologique, avant les athlètes eux-mêmes. Un tel souhait a-t-il été porté à l’échelon international et quels sont, madame la ministre, les retours que vous pouvez nous donner sur ce sujet ?

De même, nombre de pays, dont la France, soutiennent la suppression de la distinction entre les substances interdites en permanence et celles qui le sont uniquement en compétition. Où en est-on sur ce point ?

Nous avons aussi réfléchi très longuement à l’amélioration des sanctions en matière de dopage. À cet égard, l’exemple américain est frappant. Lance Armstrong a fini par être rattrapé non pas grâce à un contrôle positif, mais par le témoignage de ses anciens coéquipiers. Cet été, la ligue américaine de baseball, que nous avions rencontrée l’année dernière, a frappé un grand coup en suspendant pour 211 matchs l’une des stars de son championnat, Alex Rodriguez. Cette suspension a fait suite à une enquête de plusieurs mois, menée par la ligue elle-même.

Il nous apparaît donc que l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, qui n’a quasiment jamais pris de sanctions sur la base de preuves non analytiques, est grandement en retard sur cette question. Par quels moyens, madame la ministre, comptez-vous lui permettre de mener de réelles investigations et de prendre des sanctions sur la base de ses découvertes ?

Les sanctions pécuniaires, qui peuvent être utilisées comme un moyen de négociation avec des dopés repentis, vous paraissent-elles, par exemple, constituer une voie d’amélioration intéressante ?

J’en viens à la pénalisation de la lutte antidopage. Après une très longue analyse, la commission d’enquête n’a pas choisi de proposer la pénalisation de l’usage de produits, considérant que les sportifs, quand ils prennent des substances dopantes, étaient avant tout des victimes. En revanche, nous avons préconisé de renforcer l’arsenal applicable à l’entourage du sportif, en pénalisant, notamment, la détention de produits dopants par des personnes non licenciées présentes dans les salles de remise en forme.

S’agissant de la coopération, nous avons suggéré que des données de renseignement puissent être échangées entre l’AFLD et les services de police. Là encore, il nous est apparu qu’il était de plus en plus difficile d’atteindre les sportifs au moyen des contrôles. Les problématiques en matière de libertés publiques sont, en effet, de plus en plus complexes. La coopération administrative, policière et douanière est sans doute la voie de l’avenir en matière de lutte contre le dopage. À notre sens, cette coopération passe par des outils juridiques précis à insérer dans le code du sport. Avez-vous déjà des propositions sur ce sujet ?

Enfin, je souhaiterais vous soumettre, madame la ministre, deux questions qui me tiennent particulièrement à cœur.

L’Europe du sport est une réalité de plus en plus forte. Les institutions européennes, d’une part, et les acteurs privés européens, d’autre part, jouent dorénavant un rôle majeur dans l’organisation et la régulation des compétitions. La force d’une organisation comme l’UEFA est assez caractéristique en ce domaine.

En matière de dopage, le Conseil de l’Europe a longtemps été à la pointe. Qu’en est-il aujourd’hui ? La commission d’enquête a souhaité que soit encouragée l’adoption par l’Union européenne de directives d’harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants. Selon quel calendrier de telles directives pourraient-elles aboutir, madame la ministre ?

Une autre question est celle du traitement réservé aux problèmes relatifs aux paris en ligne. Dans le droit actuel, les sanctions liées au trucage de matchs sont prises par les fédérations sportives. L’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, a un rôle de régulation du secteur, notamment sur les opérateurs de paris en ligne. En revanche, elle ne joue pas de rôle particulier en matière de surveillance des matchs truqués. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête n’a pas proposé une fusion de l’AFLD et de l’ARJEL, qui ont des fonctions bien distinctes.

Néanmoins, quel pourrait être le rôle d’une autorité de régulation qui disposerait d’un pouvoir particulier en matière de corruption dans le sport ? Si l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, disposait d’un certain nombre de compétences en la matière, comme le propose notamment Jean-François Lamour, l’AFLD pourrait-elle voir à son tour ses attributions élargies ?

Pour résumer, êtes-vous favorable, madame la ministre, à une extension des pouvoirs de l’AMA à la corruption dans le sport et quels seraient les effets d’une telle évolution en droit français ?

Nous avons travaillé de manière particulièrement approfondie la question de la lutte contre le dopage. J’aurais donc encore de très nombreux points à aborder. Cependant, parce que le temps de parole qui m’est imparti est limité, et parce que j’aperçois dans l’hémicycle un certain nombre des vingt et un membres composant la commission d’enquête, j’ai bon espoir que ces sujets pourront être abordés par eux, et notamment par le rapporteur Jean-Jacques Lozach.

Madame la ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter à nos interrogations.

Mes chers collègues, je vous encourage de nouveau à couvrir l’ensemble de ce vaste sujet qu’est le dopage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Chantal Jouanno ainsi que M. Stéphane Mazars applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage a plus que jamais marqué l’intérêt des parlementaires pour cette problématique. Le débat de ce jour nous permet de donner suite à ses cinq mois de travaux voulus par le Sénat, lequel est le représentant des collectivités territoriales, qui sont les premiers financeurs publics du sport en France.

Plus largement, et le Sénat peut le porter à son crédit, elle a contribué à créer un débat public autour du dopage et à éveiller de nombreuses consciences, qui étaient jusqu’à présent restées sourdes au problème. A posteriori, notre motivation première s’est trouvée justifiée par le rapport de l’ancien président de l’AMA, Dick Pound, en date de mai 2013 et portant sur « le manque d’efficacité des programmes de dépistage ».

J’ai eu des échos de nos propositions de la part de sportifs, d’éducateurs, de médecins, d’élus locaux ou encore de nombreux bénévoles engagés dans la vie sportive de la nation. Ils sont très positifs ; nos concitoyens ont, je le crois, apprécié que les parlementaires se penchent sur ce sujet, sans tabou, et qu’ils dégagent des voies pour l’avenir.

Enfin, ne nous voilons pas la face, les révélations que nous avons faites ont eu quelques conséquences très concrètes. Des démissions en cascade ont suivi la publication des documents sur les éditions 1998 et 1999 du Tour de France. De nombreux anciens dopés travaillaient et travaillent encore dans le monde du sport. Ce n’est pas forcément un problème, mais cela risque parfois de renforcer l’omerta, qui nuit à la lutte antidopage. La parole méritait donc d’être libérée.

Des révélations ont été faites dans le monde du tennis, avec des cas de dopage qui n’avaient pas été rendus publics, comme celui de Marin Čilić.

Le nouveau président de l’Union cycliste internationale – l’UCI –, Brian Cookson, a enfin proposé la création d’une commission « vérité et réconciliation », comme nous le recommandions. C’est une excellente nouvelle. Nous serons évidemment attentifs à la mise en œuvre de cette proposition.

Je considère que nous devons la notoriété du rapport que nous avons rendu au caractère consensuel et constructif de nos travaux. À cet égard, je souhaite remercier l’ensemble des collègues qui ont fait partie de la commission d’enquête – ils sont nombreux dans l’hémicycle – et notamment son président Jean-François Humbert. Ils ont contribué en son sein à approfondir la réflexion. Ils ont parlé d’une même voix et c’est pour cela qu’elle a porté aussi loin.

Je tiens également à remercier Mme la ministre, qui a mis ses équipes au service de la commission d’enquête. Nous avons pu sans cesse étoffer notre analyse grâce à la qualité des réponses apportées. Après le dépôt des conclusions, elle est également intervenue à plusieurs reprises pour les soutenir. Merci encore !

Je sais que ces sujets vous tiennent particulièrement à cœur, madame la ministre, et que vous les portez à l’échelon international. Nous sommes d’autant plus impatients de vous entendre répondre à nos questions.

La commission d’enquête s’était donné quatre objectifs : travailler sur un état des lieux du dopage, faire le bilan de la lutte antidopage, apporter un éclairage sur les enjeux internationaux et, enfin, formuler des propositions.

Je crois que notre analyse sur le bilan est consensuelle : le dopage traverse les disciplines, traverse les pays et traverse les niveaux de performance. Sa prévalence est indéniablement plus forte que le taux de sportifs contrôlés positifs. Il existe un réel décalage entre les chiffres officiels du dopage et sa réalité. En effet, le nombre de contrôles positifs se situe généralement entre 1 % et 2 % des contrôles, quels que soient l’année, le pays et le sport concerné, notamment collectif, individuel, olympique ou non.

Nous faisons ce constat : parler de dopage ne nuit pas au sport et, au contraire, contribue, à moyen et long termes, à lui redonner ses lettres de noblesse. Ne pas en parler, c’est souvent ne rien faire. C’est, finalement, contribuer à l’imaginaire collectif, qui veut que tous les sportifs soient dopés. Or c’est aussi ce préjugé que nous avons voulu combattre.

Nous sommes animés par le souhait de promouvoir une vision humaniste et vertueuse du sport, dans laquelle l’égalité des chances face à la performance prend toute sa place.

L’examen de notre politique antidopage fait également plutôt l’objet d’un consensus.

Le point satisfaisant est que la France reste plutôt en pointe en matière de lutte contre cette pratique prohibée.

Néanmoins, des difficultés réelles sont rencontrées, qui expliquent que la lutte a souvent encore un temps de retard sur ceux qui se dopent ou alimentent les réseaux et circuits concernés.

En effet, nous avons des difficultés à avoir une bonne connaissance statistique des pratiques dopantes, des trafics qui y sont liés et des molécules utilisées.

En matière de prévention, notre politique est à la fois trop peu dynamique et mal ciblée. Nous entendrons avec grand intérêt Mme la ministre sur cette question de la prévention.

Le dispositif de contrôle est plutôt solide. Le renforcement de son efficacité passe aujourd’hui par une politique de qualité, avec une priorité donnée aux contrôles inopinés et à un meilleur ciblage. Ce ciblage passe par la mise en place du passeport sanguin, étendu au profilage stéroïdien. Il serait utile qu’un point d’étape puisse être fait sur ce sujet, le passeport étant censé être mis en place depuis le mois de juillet dernier.

Notre laboratoire d’analyses de Châtenay-Malabry est toujours reconnu à l’échelle internationale, mais nos efforts en matière de recherche sont clairement insuffisants par rapport à d’autres laboratoires, notamment européens, comme Lausanne ou Cologne. Un éclairage sur les causes de ce constat pourra probablement être donné.

La politique de sanction mériterait, quant à elle, d’être clarifiée. Le partage des compétences actuelles entre les fédérations et l’AFLD nuit clairement à l’uniformisation des sanctions, mais surtout à leur originalité.

Cette politique reste souvent centrée sur le contrôle positif et la suspension, alors que d’autres pays insistent davantage sur les sanctions fondées sur des preuves non analytiques comme les témoignages ou les contributions des services de police.

Les sanctions pécuniaires sont enfin peu utilisées, ainsi que le pouvoir de modulation de sanctions en fonction du comportement du sportif.

Je donnerai quelques chiffres sur le sujet : une seule sanction sur la base de preuves non analytiques a été prononcée depuis la création de l’AFLD contre 20 % par l’Agence américaine, une seule sanction pécuniaire l’a été également ; en outre, à notre connaissance, la possibilité de réduire une sanction en cas de coopération du sportif n’a jamais été utilisée en France. Peut-être le code du sport n’est-il pas assez explicite sur cette modulation.

Enfin, en matière de lutte contre les trafics, nous butons notamment sur une définition restrictive du sportif et sur une certaine complexité de nos dispositifs juridiques. Surtout, nous avons constaté une incroyable incapacité des instances à coopérer entre elles, avec des témoignages accablants : l’AFLD, l’OCLAESP et les douanes ont tous des informations sur le dopage, mais ils ne les partagent pas ou très peu. La lutte antidopage serait beaucoup plus efficace si les différents acteurs sportifs, policiers et judiciaires coopéraient.

Sur le plan international, nous avons conscience que, par-delà les questions budgétaires ou de volonté politique, l’existence de différences culturelles dans le rapport au dopage constitue également un obstacle à l’harmonisation des législations nationales.

Voilà quelques éléments de l’état des lieux établi par la commission d’enquête à la suite des déplacements, tables rondes et auditions organisés au printemps dernier sur une problématique comportant de nombreux enjeux : éthiques, sanitaires, économiques, sociaux mais aussi d’ordre public.

Pour répondre aux différentes difficultés constatées, nous avons avancé soixante propositions, réparties en sept piliers.

S’agissant de la nature de ces propositions, je pense vraiment qu’elles sont concrètes, réalistes, parfois même de bon sens, à moyens financiers constants ou quasi constants, les plus rassembleuses possibles – je rappelle que notre rapport fut adopté à l’unanimité –, relevant parfois de la loi, du décret ou d’un simple règlement fédéral. Ces propositions reflètent une stratégie globale concernant toutes les disciplines et non un dispositif orienté vers tel ou tel sport particulier, qui serait alors en droit de s’estimer stigmatisé.

Le premier pilier est la connaissance.

La commission a proposé que le ministère des sports et l’AFLD financent des études sur la réalité du dopage, les risques encourus et sur le trafic de produits dopants. On ne combat bien que ce que l’on connaît bien. Ces études existent souvent à l’étranger, mais elles manquent en France. Le mouvement sportif devrait quant à lui se saisir du sujet pour faire parler ouvertement les sportifs, notamment ceux qui ont été contrôlés positifs. Leur prise de parole serait à mon avis intéressante. Dans le cyclisme, la commission qui pourrait être mise en place par l’UCI serait un premier pas. Le mouvement sportif dans son ensemble pourrait également travailler sur ce sujet.

Le deuxième pilier est la prévention.

La commission a mis en avant dix-sept propositions, car la situation actuelle nous semble très perfectible.

Le retour de la prévention dans le giron de l’Agence française de lutte contre le dopage paraît constituer un premier pas important. Le message de prévention doit être incarné dans la continuité, et l’Agence paraît constituer le vecteur idoine de la communication sur ce sujet. Celle-ci pourrait aussi remettre sur les rails les antennes médicales de prévention, ainsi que les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage.

La première question que je poserai à Mme la ministre est donc la suivante : pensez-vous que l’Agence puisse exercer ces compétences de prévention en lieu et place du ministère des sports ou considérez-vous que leur complémentarité doive être renforcée ?

Deux axes pourraient ensuite animer la politique de prévention.

La politique de sensibilisation des sportifs amateurs est une nécessité. Elle peut avoir lieu à travers les associations de sport scolaire, les clubs, les centres de formation, mais nous avons estimé qu’une action choc et ciblée, comme l’a dit M. le président de la commission d’enquête, vers les salles de musculation – ou de remise en forme, de façon générale – était un impératif. D’après les renseignements que nous avons reçus, ce sont souvent des plaques tournantes de la consommation et du trafic ; or rien n’y est fait actuellement.

Le second axe doit être orienté vers le sport professionnel. Les calendriers sportifs de certaines ligues et fédérations sont aujourd’hui devenus délirants, notamment avec la multiplication de compétitions internationales. Tout le monde le sait. La lourdeur des calendriers est un facteur incitatif avec, d’un côté, un accroissement des charges d’entraînement et, de l’autre, une réduction des temps de récupération.

Le ministère est déjà destinataire des calendriers, et nous avons estimé qu’il devait pouvoir s’opposer à ceux qui seraient abusifs, sur la base évidemment des risques pesant sur la santé des sportifs.

Madame la ministre, pensez-vous qu’une telle proposition soit réaliste ?

Le troisième pilier est celui de la politique des contrôles.

Il nous faut impérativement permettre à l’AFLD d’être présente sur un certain nombre de compétitions qui lui échappent actuellement.

Toutes les compétitions se déroulant en France doivent être considérées, par principe, comme nationales, sous réserve de la communication par la fédération internationale d’une liste annuelle des manifestations internationales qu’elle entend effectivement contrôler. Je pense qu’on resterait comme cela dans le cadre du code mondial.

Je crois savoir que nous avons avec Mme la ministre des points de vue convergents sur cette question.

Afin d’améliorer le ciblage des contrôles, une spécialisation des responsables régionaux de la lutte antidopage nous paraît également indispensable.

Nous avons donc proposé de mettre en place huit correspondants antidopage interrégionaux mis à la disposition de l’AFLD à temps plein, chargés de définir, en lien avec le directeur des contrôles, le programme interrégional des contrôles. Ils sont aujourd’hui vingt-quatre correspondants en tout, mais leur réel investissement est très disparate. Il vaut clairement mieux huit temps pleins que vingt-quatre tiers-temps. Ce serait un moyen de remotiver les troupes, d’éviter la dispersion, de professionnaliser les intervenants, et ce à coût constant.

Nous avons conscience qu’une telle préconisation se heurte à des difficultés de mise en œuvre. Néanmoins, souhaitez-vous vous orienter vers un tel fonctionnement ? Des négociations dans ce sens ont-elles commencé ?

Le quatrième pilier est celui des analyses.

Aujourd’hui, il existe de nombreux échantillons collectés qui ne sont pas analysés pour toutes les substances, pour des raisons d’économie. Comme l’AMA l’a recommandé, il semble pourtant que des produits comme l’EPO ou l’hormone de croissance devraient être plus systématiquement recherchés, quitte à réduire le nombre global de contrôles. Cela aurait un effet dissuasif et réduirait le sentiment d’impunité que pourraient ressentir certains sportifs dopés.

Afin d’accentuer l’orientation du laboratoire français vers la recherche, nous avons aussi estimé qu’il pourrait être rattaché à l’Université et non plus à l’AFLD. Pour étudier la faisabilité d’un tel rattachement, il est suggéré que l’Inspection générale de la jeunesse et des sports soit chargée d’une mission sur la pertinence et les modalités d’un adossement du laboratoire national de Châtenay-Malabry à une université. Idéalement, ce rapport devrait être rendu avant nos discussions sur la future loi-cadre sur le sport.

Pensez-vous qu’une telle mission puisse être diligentée rapidement ?

Le cinquième pilier est celui des sanctions disciplinaires.

Nous nous sommes prononcés en faveur d’un transfert du pouvoir de sanction des sportifs des fédérations nationales à l’Agence française de lutte contre le dopage, comme socle nécessaire à la réforme globale de la politique de sanction.

Ce transfert permettrait de mettre fin aux risques de conflits d’intérêts pesant sur les fédérations, mais surtout de professionnaliser la sanction afin de favoriser la prise de sanctions pécuniaires, de sanctions collectives et de sanctions fondées sur des éléments non analytiques.

Une réforme législative est nécessaire. Une telle disposition est-elle envisageable dans le texte de modernisation du sport que vous préparez ?

Nous avons également proposé que puisse être mis en place un véritable mécanisme de repentis. L’omerta est en effet un sujet majeur dans le dopage, et les sportifs nient systématiquement, du moins dans un premier temps, quand ils sont contrôlés positifs.

Il y a donc un réel intérêt général, pour la politique de lutte contre le dopage, à réduire la sanction de quelques-uns, en fonction du degré de coopération du sportif et des éléments d’information qu’il fournit. Cela aurait le triple intérêt d’apporter des renseignements sur les produits utilisés, de permettre de mieux remonter les filières de trafiquants et de renforcer les liens entre autorités antidopage et services de police et de gendarmerie.

Le sixième pilier est celui de la politique pénale.

Premier élément, la commission d’enquête n’a pas proposé de pénaliser l’usage de produits dopants. Nous avons entendu l’argument selon lequel l’idée serait de pouvoir disposer de moyens supplémentaires pour remonter les filières, et non de mettre en prison les sportifs.

Néanmoins, j’ai aussi soutenu l’idée que ce serait une erreur de créer une concurrence entre les sanctions disciplinaires et les sanctions pénales.

Nous disposons au demeurant déjà d’une incrimination de détention de produits dopants pour les sportifs, qui permet de lancer les enquêtes policières.

En revanche, cette incrimination est pour l’instant limitée aux seuls sportifs, au sens du code du sport. Or cette notion n’est pas très claire et exclut par exemple les membres des salles de sport ou de musculation, que nous évoquions voilà un instant. Nous proposons donc tout simplement que l’incrimination pénale de la détention de produits dopants soit élargie à l’ensemble des personnes pratiquant un sport dans le cadre d’un établissement d’activités physiques et sportives.

Enfin, le septième et dernier pilier, et non le moindre, est celui de la coopération.

L’AFLD ne pourra pas prendre des sanctions non analytiques si les services de police, de gendarmerie ou des douanes ne lui fournissent aucun élément. Il est, à l’inverse, extrêmement difficile de remonter les filières si les sportifs contrôlés positifs ne livrent aucune information. Il faut sortir chacun de son isolement contre-productif en imposant une coopération entre les acteurs.

Nous avons donc souhaité, parmi d’autres préconisations, que les informations recueillies par l’AFLD impliquant des faits de dopage soient systématiquement portées à la connaissance de l’OCLAESP, qui est aujourd’hui censé centraliser les informations.

Inversement, l’AFLD devra être destinataire de tous les procès-verbaux de garde à vue de personnes soupçonnées d’avoir commis un délit relatif au trafic de produits dopants ou, plus généralement, des éléments tirés des enquêtes menées.

Les services du ministère des sports se sont-ils déjà rapprochés de ceux de la justice pour savoir si une telle mesure pourrait être mise en place, avec une éventuelle base législative ?

Par ailleurs, sur la question du financement, nous avons proposé d’élargir la taxe Buffet et d’en affecter une partie à l’AFLD. Madame la ministre, que pensez-vous d’une telle évolution ? Est-elle envisageable dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 ?

Ces mesures nous ont semblé être le seul moyen pour que la lutte contre le dopage ait « une longueur d’avance » sur le phénomène qu’elle combat, notre conviction étant de consolider notre savoir-faire français, souvent reconnu au niveau international, et de ne pas baisser la garde.

Nous serons évidemment ravis, madame la ministre, d’entendre votre analyse sur les propositions que je viens d’évoquer ou sur toute autre qui vous paraîtrait digne d’intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP. – MM. Michel Le Scouarnec et Stéphane Mazars applaudissent également.)