M. Gérard Longuet. Toutes les décisions en matière de transition énergétique ont pour effet d’affaiblir la valeur de l’entreprise ! Aussi celle-ci va-t-elle chercher à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne, les succès que le gouvernement français lui refuse, en créant de nouveaux équipements électronucléaires. Cela prouve que la détention du capital d’une entreprise ne garantit certainement pas la bonne conduite de sa stratégie industrielle.
Par conséquent, c’est sans restriction mentale que l’on peut envisager le principe que traduit cet amendement. Son seul objet est de montrer que nous sommes solidaires et qu’ainsi nous acceptons de consentir un effort, y compris sur des biens industriels que l’on peut du reste diriger dans d’autres occasions et avec d’autres moyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, je remercie la commission d’avoir inscrit la clause de sauvegarde relative aux ressources exceptionnelles dans le corps même du projet de loi. Toutefois, la commission a modifié le texte de la clause, qui précise désormais que l’absence de recettes exceptionnelles est mécaniquement compensée par des crédits budgétaires. Cette disposition entre en contradiction avec la trajectoire de redressement prévue par la loi de programmation des finances publiques. Je ne peux donc pas y souscrire.
Cela étant, en passant de l’annexe au corps même du présent texte, cette clause prendra une force bien plus grande, en intégrant également la panoplie des cessions d’actifs de manière bien plus générale que l’amendement de M. Gautier. Celui-ci tendait à énumérer les entreprises concernées, ce qui ne me paraissait pas tout à fait souhaitable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Dans un effort incommensurable de compréhension, je peux admettre ce que dit M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Oh là là ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Néanmoins, si j’étais chargé de certains bons offices – ce qui n’est pas le cas –, j’apporterais cette précision : s’il est certain que les recettes exceptionnelles seront au rendez-vous, en volume et à point nommé, le texte de la commission ne fait courir aucun risque au Gouvernement. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Les dispositions qu’il contient ne seront tout simplement pas opérantes.
Compte tenu du vote unanime qu’a émis la commission, je soutiens la rédaction actuelle et j’émets donc, quoique un peu à regret, un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le ministre, je le répète, nous ne sommes pas en train de nous opposer au gouvernement de la République. Nous cherchons simplement à garantir le maintien du budget de la défense de notre pays. Je vous l’assure, nous veillerons à ce que tout soit fait pour que notre dispositif ne soit pas opérant.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
La dotation annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) est fixée à 450 millions d’euros. En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel.
Les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement.
Le Gouvernement communique préalablement aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des OPEX en cours.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
La présente programmation retient un montant de 450 millions d’euros pour la dotation prévisionnelle annuelle au titre des opérations extérieures.
En gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d’opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d’une opération existante en 2014 feront l’objet d’un financement interministériel.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis entièrement d’accord pour que la clause de sauvegarde pour le financement des opérations extérieures figure dans le corps même du projet de loi. Je souligne simplement que la commission a modifié la formulation. Le Gouvernement souhaite donc revenir à la version initiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur la modification défendue conjointement par M. Dulait et moi-même et adoptée à l’unanimité en commission.
L’amendement que nous avons présenté en commission visait, là encore, à empêcher que la défense nationale soit pénalisée, cette fois-ci en cas de surcoût des OPEX au-delà de 450 millions d’euros.
Même si je respecte l’amendement de M. le ministre, je considère qu’il faut en rester à la rédaction adoptée par la commission. En conséquence, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Les réductions nettes d’effectifs du ministère de la défense (missions défense et anciens combattants) s’élèveront à 33 675 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
- 7881 |
- 7500 |
- 7397 |
- 7397 |
- 3500 |
0 |
Ces réductions d’effectifs porteront sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense. Au terme de cette évolution, soit en 2019, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront ainsi à 242 279 agents en équivalents temps plein.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Cet article porte sur la réduction des effectifs de nos forces armées et des personnels civils qui interviennent en soutien de notre outil de défense.
J’éprouve un certain embarras à évoquer cet aspect du présent texte, car, au-delà des recettes exceptionnelles, une part déterminante du financement de cette programmation repose sur ce vaste plan de suppression d’emplois. Ces sacrifices majeurs sont essentiellement assumés par les personnels. En effet, la stabilité des crédits consacrés à la défense est assurée au prix de la poursuite d’une diminution drastique des effectifs.
D’ici à 2019, près de 34 000 postes seront supprimés ; 10 000 de ces suppressions avaient déjà été programmées par le précédent gouvernement. Au total, entre 2008 et 2019, les armées auront perdu 82 000 emplois, soit un quart de leurs effectifs.
Monsieur le ministre, je sais que ces mesures concernent pour l’essentiel le soutien et l’administratif. En outre, je sais que vous avez tenté de limiter au maximum les coupes dans les forces opérationnelles. Ces dernières ne seront pas moins amputées d’environ 8 000 postes.
Pour les personnels concernés, en quoi la nature de ces décisions diffère-t-elle des mesures adoptées par les précédents gouvernements ? Quelles sont les justifications de la poursuite d’une telle déflation des effectifs, amorcée par la politique menée par le précédent président de la République ?
Vous me rétorquerez que la méthode n’est pas tout à fait la même. En effet, en ce qui concerne le soutien, vous visez la simplification, la clarification, la rationalisation, pour plus d’efficacité. Quant aux réductions d’effectifs dans l’environnement administratif, elles sont précédées d’une analyse préalable, afin d’éviter toute prise de décision aveugle et automatique. Soit ! Je persiste malgré cela à penser que vous vous placez dans l’optique imposée par la RGPP, même si cette politique porte un autre nom aujourd’hui, qui repose sur le dogme intangible de la réduction à tout prix de la dépense publique.
Cette pratique de déflation des effectifs pour réaliser des économies n’est même pas probante d’un point de vue comptable. En effet, alors que 45 0000 postes ont été supprimés entre 2008 et 2012, la masse salariale des personnels militaires a augmenté de 5,5 %.
Ces chiffres impressionnants par la perte de substance humaine qu’ils révèlent ne peuvent être sans conséquences sur le fonctionnement et l’efficacité de nos armées. Afin de donner un ordre de grandeur, un ancien chef d’état-major de l’armée de terre a ainsi expliqué que, pour son secteur, la précédente programmation militaire équivalait à « rayer de la carte trente-huit sites industriels type Florange ». Celle que vous nous proposez aujourd’hui ne serait pas moins dévastatrice.
Enfin, ces réductions d’effectifs entraîneront la disparition d’unités et d’établissements militaires, emportant inévitablement des conséquences négatives sur la situation de nombre de nos territoires.
Le mécontentement, l’inquiétude et l’amertume d’un grand nombre de militaires comme de leurs familles sont profonds. Ils ont le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus dans les difficiles missions qu’ils remplissent et estiment être la seule institution à se réformer aussi fortement, pour, ainsi, contribuer plus que d’autres, à l’effort de redressement des comptes publics. En outre, le financement des mesures d’accompagnement et d’incitation au départ peut paraître insuffisant pour faire face à l’ampleur de la situation, ce qui accroît encore ce malaise.
Au-delà des problèmes économiques et humains posés par ce qui constitue, qu’on le veuille ou non, un plan social, les inquiétudes portent sur l’avenir même de notre outil de défense.
Il apparaît clairement dans le texte du projet de loi qu’à des fins de cohérence avec les formats définis dans le nouveau Livre blanc, ces réductions d’effectifs entraîneront une contraction du format des armées et une révision à la baisse de leur contrat opérationnel. De tout cela découle évidemment une réduction des ambitions militaires, conçues comme plus réalistes, à la hauteur de nos moyens. Je comprends, sans partager leur pessimisme, que certains aient pu évoquer à ce sujet un risque de déclassement stratégique dans quelques années, et donc de perte d’influence de notre pays dans le monde.
Monsieur le ministre, vous contestez cette vision des choses et vous refusez l’expression « armée bonsaï » que certains utilisent sur d’autres travées. Vous faites preuve d’un optimisme à toute épreuve…
Mme Cécile Cukierman. … en faisant valoir que peu de pays peuvent à la fois assurer la protection de leur territoire, faire face aux besoins de la dissuasion nucléaire et assurer des interventions extérieures, tout en s’appuyant sur une industrie de défense performante, dont nous venons de rappeler combien le maintien est nécessaire. Je veux bien vous croire, mais combien de temps encore pourrez-vous conserver cet optimisme si nous poursuivons sur cette trajectoire, mortifère à long terme ?
Nous souhaitions vous faire part de ces réflexions inquiètes concernant le niveau contestable des réductions d’effectifs que comporte cet article 4.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRC s’abstient.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la Représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère.
Ces actualisations devront également tenir compte de l’éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l’effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l’objectif d’un budget de défense représentant 2 % du PIB.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 48, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La première actualisation sera l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, dans l’objectif de le solder.
Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d’examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Cet amendement contient deux alinéas.
Pour le premier, je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, nous ne prétendons pas vous ordonner de solder immédiatement le report de charges. Nous ne nous opposerons pas à ce qu’il s’opère par des mécanismes de réductions successives, car nous pouvons parfaitement comprendre en quoi une réduction immédiate, certes souhaitable, paraît presque impossible.
Le deuxième alinéa tend à se substituer à un certain nombre d’amendements, de sorte que nous puissions réellement prendre en compte la problématique des avions Rafale. Vous savez que le nombre d’exemplaires à livrer a été minoré pour quelques années, du fait d’objectifs d’exportation qui, pour apparaître à portée, ne sont pas encore réalisés. Jacques Gautier indiquait en outre que, si la conclusion du contrat intervenait après une certaine date, elle ne correspondrait pas aux anticipations de livraison inscrites dans ce programme et différerait d’au moins un an le plan de livraison vers un pays acquéreur. Nous devons donc constater ici une légère divergence.
Nous souhaitons prendre des précautions minimales en ce qui concerne les avions Rafale, et nous entendons répondre ainsi au souci exprimé par la commission des finances, qui, par un amendement au rapport annexé, nous propose une issue excessivement favorable au ministère de la défense. Nous préférons celle que porte notre amendement.
Mes chers collègues, nous nous accordons deux ans de battement, durant les deux premières années d’exécution de la loi de programmation militaire, pour revoir, en tant que de besoin, notre position en étant au fait de la question. Notre priorité, entre toutes, s’attache bien aux capacités critiques, avec le ravitaillement en vol, les drones et la problématique de livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’exportation.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elles seront l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense dans l’optique de le réduire ainsi que de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis tout à fait d’accord pour que les engagements de la loi de programmation militaire fassent l’objet d’une attention toute particulière à la fin de l’année 2015 et pour inscrire dans le corps même de la loi la clause d’actualisation, comme je l’ai déjà dit,…
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … ce qui constitue une grande avancée.
J’ai également indiqué que le Gouvernement était d’accord pour que l’objectif de 2 % du PIB soit intégré dans le corps de la loi. C’est également une très grande avancée.
En revanche, la rédaction de l’amendement que vous présentez, monsieur le rapporteur, ne m’apparaît pas réaliste. Celle que je propose l’est un peu plus. Je vois mal en effet comment nous pourrions, dès la fin de 2015, solder le report de charges du ministère de la défense et, dans le même temps, réexaminer le ravitaillement en vol, les drones et la livraison de nouveaux avions Rafale. Cela revient à alourdir considérablement l’objectif, à la seule fin de se faire plaisir.
La rédaction que je propose prend en compte votre préoccupation, mais elle est plus mesurée, tout en nous permettant, à la fin de 2015, si d’aventure nous revenions à meilleure fortune, d’apprécier la part que nous consacrerions alors aux nouveaux projets et à la réduction du report de charges. Il sera impossible financièrement de le solder en 2015, tant les moyens à mobiliser seraient importants, plus encore si l’on fixe comme objectif conjoint d’augmenter le ravitaillement en vol et de régler un certain nombre de problèmes liés aux avions Rafale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Nous allons faire assaut d’amabilités : afin de tenir compte des arguments de M. le ministre, tout en respectant la rédaction de l’amendement qui a été adopté à l’unanimité par la commission, je suggère de faire évoluer le texte en ajoutant dans le premier alinéa les mots « afin de le réduire » avant les mots « dans l’objectif de le solder ».
M. le président. Monsieur le ministre, la suggestion de M. le rapporteur vous agrée-t-elle ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cette suggestion n’efface pas ma préoccupation, dans la mesure où le deuxième alinéa ne change pas. Décidément, cette rédaction fait preuve d’un optimisme excessif, qu’il me paraît difficile de cautionner.
M. le président. Monsieur le rapporteur, que décidez-vous ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je rectifie l’amendement n° 48 dans le sens que j’ai déjà indiqué.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La première actualisation sera l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l’objectif de le solder.
Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d’examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 62 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Chapitre Ier bis
Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation
(Division et intitulé nouveaux)
Article 4 ter (nouveau)
Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent des pouvoirs d’investigation les plus étendus sur pièces et sur place, pour suivre et contrôler de façon permanente l’emploi des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire, ainsi que ceux inscrits en loi de finances concernant la mission Défense. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent à toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances. Ils sont astreints au secret-défense.
Tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite du respect du secret de l’instruction et du secret médical, doivent leur être fournis. Le secret de la défense nationale ne peut leur être opposé.
Les personnes dont l’audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d’attribution, ont l’obligation de s’y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues au premier alinéa.
Lorsque la communication des renseignements demandés en application du présent article ne peut être obtenue au terme d’un délai raisonnable, apprécié au regard de la difficulté de les réunir, les présidents des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense peuvent demander à la juridiction compétente, statuant en référé, de faire cesser cette entrave sous astreinte.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent de pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place, aux fins d’information de ces commissions, pour suivre et contrôler de façon régulière l’application de la programmation militaire. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent, à cette fin, aux auditions qu’ils jugent utiles et aux investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances.
Dans le respect du secret de la défense nationale, le ministre de la défense leur transmet tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif utiles à l’exercice de leurs missions.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l'article 4 ter, introduit par un amendement en commission, afin de reconnaître aux commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place pour suivre et contrôler l'application de la programmation militaire.
La nouvelle rédaction tend, d'une part, à mieux tenir compte du respect du secret de la défense nationale et, d'autre part, à éviter que ces prérogatives n'interfèrent avec celles déjà reconnues aux commissions des finances des deux assemblées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à accorder de nouveaux pouvoirs de contrôle aux commissions chargées de la défense pour suivre l’application de la loi de programmation militaire. Il s’agit de notre part d’un geste important, que chacun pourra apprécier.
Le Gouvernement est d’autant plus favorable à cet amendement qu’il modifie la rédaction de l’article 4 ter, qui n’était pas acceptable à nos yeux. Le fait d’attribuer de nouveaux pouvoirs à la commission aux fins d’information et ne plus prévoir l’inopposabilité du secret de la défense nationale nous permet de souscrire à cette avancée importante.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Au nom de toute la commission, je remercie très sincèrement le Gouvernement d’accéder à cette demande. Notre objectif est d’avoir une loi de programmation militaire vertueuse dans son exécution et d’éviter, je dis cela sans polémique aucune, certaines dérives qui furent préjudiciables aux lois antérieures.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Une question me vient : si cet amendement est adopté, le règlement du Sénat devra-t-il être modifié ? Le cas échéant, il faudra penser à programmer cette modification du règlement des commissions quand le projet de loi aura été adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je comprends l’enthousiasme de l’ensemble des membres de la commission de la défense, mais on crée une véritable innovation.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Jusqu’à présent, seules la commission des finances et une commission d’enquête, qui fait l’objet d’une procédure extrêmement solennelle et encadrée, avaient le droit d’enquêter sur pièces et sur place.
Je vous le dis, mes chers collègues, on ouvre là une porte. Les autres commissions demanderont aussi la possibilité d’enquêter sur pièces et sur place dans leur domaine de compétences.
Pour avoir une longue expérience de la vie de notre assemblée – vous êtes un ancien parlementaire chevronné, monsieur le ministre –, et même si je comprends l’intention qui vous anime, mes chers collègues, je suis extrêmement réservé sur cet amendement, car, je le répète, on ouvre une brèche.
M. Daniel Reiner. C’est bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Peut-être est-ce très bien ! Mais méfiez-vous, d’autant qu’il s’agit de questions particulièrement sensibles. Nous allons d’ailleurs avoir l’occasion d’en reparler en abordant le renseignement.
M. Daniel Reiner. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne voterai pas contre cet amendement, mais je m’abstiendrai parce que je préférerais que l’on ait examiné toutes les conséquences de cette décision ô combien importante : on modifie des règles du Parlement qui existent depuis de très nombreuses années.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous mesurons l’effort accompli par M. le ministre, mais cette proposition va dans le sens d’une plus grande transparence, y compris sur des sujets délicats.
J’entends bien les propos de notre collègue Jean-Jacques Hyest, mais cela se passe ainsi dans un certain nombre de grandes démocraties, qui ne sont pas plus laxistes sur les questions relatives au renseignement. C’est pourquoi nous voterons l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.