M. Jean-Jacques Hyest. La fusion ou le rattachement d’une collectivité territoriale à une autre peuvent se produire au bout d’un certain temps. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi le texte prévoit que, dans ces cas de figure, la collectivité territoriale actionnaire cède ses actions « à leur valeur nominale ».
Mme Cécile Cukierman. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest. Je regrette, mais les fusions de collectivités ou les regroupements d’intercommunalités, par exemple, donnent lieu à une évaluation des charges et des biens.
Il n’y a pas de raison de retenir la valeur nominale initiale des actions. Quid de la valorisation ? Car on peut espérer que les actions auront pris de la valeur ! Cette formulation m’apparaît restrictive, et ne me semble donc pas justifiée. C’est pourquoi cet amendement tend à la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Les alinéas 33, 34 et 36 concernent les cas où la cession de parts est obligatoire. Il peut s’agir, par exemple, d’une fusion ou d’un rattachement de deux communautés de communes, ou encore d’un transfert de compétences.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Ces situations n’affectent pas l’opérateur privé !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Pensons à ceux qui devront gérer ces dossiers : les fusions de communautés de communes, le rattachement d’une commune à une intercommunalité, ou les transferts de compétences ne sont pas toujours aisés.
La sagesse commande donc, si l’on veut éviter que des difficultés n’apparaissent entre les collectivités, de se « caler » sur la valeur nominale. Je le répète, ce type de décisions n’interfère pas avec l’opérateur privé.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit ici de prévoir que, dans les cas de fusion d’une collectivité territoriale, d’une adhésion à une structure intercommunale, ou d’un transfert de compétences, les cessions de parts sociales détenues par une collectivité territoriale ou un EPCI peuvent se faire à une valeur économique autre que la valeur nominale des titres cédés.
Certes, la référence à la valeur nominale des actions n’est pas toujours le mode de valorisation le plus dynamique. Elle évite néanmoins que le cessionnaire – dans ces cas de figure, il s’agit souvent d’une structure intercommunale – n’assume seul la charge financière de la plus-value réalisée par la collectivité cédante.
M. Marc Daunis. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement, soucieux d’éviter cette situation, est donc de l’avis de la commission : il est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Je voterai l’amendement présenté par M. Hyest, et pour une raison très simple.
La notion de « service public industriel et commercial » apparaît dans un arrêt du Conseil d’État où, de mémoire, le commissaire du Gouvernement indique que le déficit n’est pas le critère obligé de fonctionnement du service.
Comment voulez-vous conclure un partenariat public privé, dont nous avons voulu renforcer le cadre pour le moraliser, si sa dynamique commerciale et économique n’est pas traduite dans le prix de l’action ?
D’ailleurs, les transferts de charges sont évalués par une commission locale d’évaluation des transferts de charges, et font l’objet d’une appréciation par la chambre régionale des comptes.
Dès lors, se référer ad vitam aeternam à la valeur nominale est le meilleur répulsif que vous pouviez trouver pour éloigner les acteurs privés !
M. Daniel Raoul. Mais cela ne concerne pas le privé !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je dois avouer être surpris par certains propos.
Tout d’abord, les alinéas dont nous discutons ne concernent pas les acteurs privés ;…
M. Jean-Jacques Hyest. Je n’ai pas dit cela !
M. Marc Daunis. … ils ont trait aux cas de cessions entre actionnaires publics.
Ensuite, comment, dans la valorisation d’une SEM, allez-vous faire la différence entre les résultats obtenus grâce à une activité réalisée dans le cadre d’un marché captif – c’est l’objet du contrat passé par la SEM – et ceux dus à l’implication de l’acteur privé ? Vous fonderez-vous sur le pourcentage, sur le risque pris ? Je vous promets, mes chers collègues, une tâche particulièrement ardue ! Quelle ventilation des bénéfices, et donc de la valorisation, retenir entre l’acteur privé, d’un côté, et l’actionnaire public, de l’autre ?
J’ai eu l’occasion de vivre la transformation d’une SEM en société publique locale, ou SPL, qui a nécessité le rachat d’une partie du capital.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah oui !
M. Marc Daunis. Je vous garantis que, lorsqu’il s’est agi de déterminer à quelle hauteur devait se faire la valorisation entre les différents actionnaires, ce fut un grand moment de bonheur !
De plus, la collectivité – une région, en l’occurrence – avait été le principal donneur d’ordre de la SEM. Le capital privé de cette dernière était presque exclusivement détenu par la Caisse des dépôts et consignations et par des sleeping partners - on ne peut pas dire qu’il y avait là un risque particulier. Les résultats, en effet, étaient déterminés, pour l’essentiel, par des travaux commandités par l’actionnaire majoritaire, la région, et donc financés sur fonds publics !
Il m’apparaît donc de la plus élémentaire prudence, et de la plus grande sagesse, d’en rester au critère le plus objectif, celui de la valeur nominale.
Ne mettons surtout pas le doigt dans un tel engrenage !
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Mézard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales est substitué (le reste sans changement)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également être saisi en cas de manquement à ces obligations dans le cadre du contrat instituant une société d’économie mixte à opération unique. – (Adopté.)
Articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13
(Supprimés)
Article 14
I. – Le titre VI du livre VIII du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« SOCIETES D’ECONOMIE MIXTE A OPERATION UNIQUE
« Art. L. 1863-1. – Les dispositions des articles L. 1541-1 à L. 1541-6, en tant qu’elles s’appliquent aux communes et à leurs groupements, sont applicables aux sociétés d’économie mixte à opération unique créées par les communes de la Polynésie française ainsi que leurs groupements.
II (nouveau). – Le chapitre Ier du titre VII du livre III de la partie législative du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est complété par un article L. 381-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 381-10. – Les communes et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés d’économie mixte à opération unique.
« Sous réserve de dispositions contraires, les articles L. 1541-1 à L. 1541-6 du code général des collectivités territoriales sont applicables aux sociétés d’économie mixte à opération unique mentionnées au présent article. » – (Adopté.)
Article 15
(Supprimé)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 317 |
Le Sénat a adopté la proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique. (Bravo ! et applaudissements sur la plupart des travées.)
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi initiale.
M. Jean-Léonce Dupont. Je souhaite exprimer ma très grande satisfaction et saluer le travail de tous.
Je sais gré à l’ensemble de mes collègues qui, ayant déposé un texte identique, nous ont permis d’aboutir à cette heureuse conclusion.
Je félicite notre rapporteur, dont chacun a pu apprécier la qualité et la pertinence des interventions.
Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que votre collègue, Mme Escoffier, qui, par rapport à notre initiative, a toujours été extrêmement à l’écoute. Nous ne sommes encore qu’au début du processus, mais nous souhaitons fournir un outil supplémentaire aux collectivités, et un outil utile. Je ne doute pas qu’au terme de ce processus cet outil sera très largement utilisé.
Je veux dire aux quelques collègues qui se sont abstenus que ce vote est tout à fait remarquable, puisqu’il n’exprime aucune opposition. Oserai-je dire qu’il s’agissait d’une abstention pratiquement positive ? (Sourires.)
M. Marc Daunis. En tout cas, constructive !
M. Jean-Léonce Dupont. À tous, un grand merci ! (Applaudissements.)
5
Nomination des membres d'une commission d’enquête et d’une mission d’information
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures, d’une part, pour la commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds ; d’autre part, pour la mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :
MM. Gérard Bailly, Vincent Capo-Canellas, Ronan Dantec, Vincent Delahaye, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Éric Doligé, Mme Frédérique Espagnac, MM. Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Francis Grignon, François Grosdidier, Charles Guené, Yves Krattinger, Philippe Leroy, Louis Nègre, Roland Ries, Mme Mireille Schurch, MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Teston, Raymond Vall, André Vallini, membres de la commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds ;
MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Bas, Mmes Natacha Bouchart, Corinne Bouchoux, M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Cartron, MM. Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Raymond Couderc, Mme Cécile Cukierman, MM. Yves Daudigny, Yves Détraigne, Claude Domeizel, Vincent Eblé, Christian Favier, René Garrec, Patrice Gélard, Michel Houel, Jean-Jacques Hyest, Ronan Kerdraon, Jacky Le Menn, Mme Hélène Lipietz, MM. Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean-Louis Masson, Mmes Catherine Morin-Desailly, Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Alain Richard, Bernard Saugey, Mmes Patricia Schillinger, Esther Sittler, M. François Vendasi, membres de la mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.
6
Financement du service public de l’assainissement
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi relative au financement du service public de l’assainissement par des fonds de concours, présentée par M. Daniel Dubois et plusieurs de ses collègues (proposition n° 840 [2012-2013], résultat des travaux de la commission n° 187, rapport n° 186).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Dubois, auteur de la proposition de loi.
M. Daniel Dubois, auteur de la proposition de loi. Nous sommes, mes chers collègues, pour la plupart encore, des élus locaux.
M. Jean-Claude Requier. Oui, encore…
M. Antoine Lefèvre. Encore, oui !
M. Daniel Dubois. Notre expérience de la gestion des collectivités territoriales, en particulier de la gestion des plus petites, des plus modestes, celles qui font vivre nos territoires ruraux, nous a parfois amenés à pester contre des législations trop rigides et donc inadaptées à nos structures rurales.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la proposition de loi que je soumets aujourd’hui à votre examen a pour objet de favoriser le développement des territoires, à plus forte raison des territoires ruraux, et de leur permettre d’accéder à des services que seuls ils ne pourraient pas mettre en place en leur accordant, lorsque c’est justifié, la souplesse nécessaire.
Dans une perspective d’aménagement du territoire et de protection accrue de l’environnement, l’amélioration du service public de l’eau et de l’assainissement constitue une préoccupation majeure des pouvoirs publics, notamment des élus locaux. Un récent audit des prix de l’eau en France a démontré que ceux-ci oscillaient en fonction des territoires de 1,75 euro à 10 euros par mètre cube !
Sous l’impulsion des nouvelles réglementations relatives aux normes sanitaires et environnementales, les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs compétences, prennent une part prépondérante dans l’effort consenti en matière de construction et de remplacement des réseaux d’assainissement.
Ainsi, en 2008, les dépenses à la charge des communes et groupements de communes, en tant que gestionnaires des services collectifs d’assainissement, se sont élevées à près de 2,5 milliards d’euros. Or c’est en zone rurale que les communes sont les plus dépourvues de réseaux d’assainissement collectifs et que les collectivités territoriales sont confrontées à la nécessité de procéder à des aménagements, souvent coûteux au regard des capacités budgétaires limitées de ces collectivités.
C’est parce que de nombreux établissements publics de coopération intercommunale se sont retrouvés confrontés à une telle situation et que les dispositions actuelles ne permettent pas d’y faire face de manière raisonnée et équitable pour toutes les communes membres que nous nous sommes saisis, avec plusieurs de mes collègues du groupe UDI-UC, de ce problème, et que nous avons déposé cette proposition de loi.
Je sais les réticences que notre initiative a suscitées et dont M. le rapporteur de la commission des finances ne manquera pas de vous faire part. Cependant, mes chers collègues, j’aimerais attirer votre attention sur plusieurs points qui méritent votre réflexion.
Tout d’abord, notre environnement institutionnel local évolue.
Les commissions départementales ont récemment redessiné la carte de l’intercommunalité. Sous l’impulsion des services de l’État, on a encouragé les EPCI à prendre de nouvelles compétences. Je pense, notamment, dans le département de la Somme, à l’assainissement collectif.
Dans l’acte III de la décentralisation, dont nous aurons prochainement à débattre dans cet hémicycle, on proposera que les communautés de communes détiennent cinq compétences obligatoires pour bénéficier de la dotation globale de fonctionnement bonifiée, l’assainissement faisant partie de la liste.
Face à ces évolutions et aux enjeux financiers nés de ces nouveaux transferts, les EPCI auront-ils les moyens d’assumer ? Je vous pose la question, mes chers collègues, alors que les financements de l’État accordés aux collectivités s’amoindriront de plus en plus dans les années à venir – environ 4,5 milliards d’euros de moins, dont 1,5 milliard d’euros l’année prochaine parmi lesquels 800 millions concernent les communes et les EPCI – et alors que l’acte III de la décentralisation mettra un frein aux financements croisés pourtant nécessaires aux investissements lourds que représentent les stations d’épuration et les réseaux.
Ajoutez à cela la récente ponction dans la trésorerie des agences de l’eau prévue par le projet de loi de finances pour 2014, qui décrédibilise le financement par la redevance et qui met à mal le principe, jusqu’ici intangible, selon lequel « l’eau paie l’eau »,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes d’accord !
M. Daniel Dubois. … et vous aurez une idée des réelles difficultés que rencontrent ou rencontreront les collectivités locales ou les EPCI pour prendre en compte et financer la compétence assainissement !
Dans un tel contexte, le versement de fonds de concours par les communes membres concernées peut apparaître comme une des réponses adaptées au problème, même si elle n’est pas suffisante.
J’ai été naturellement extrêmement attentif aux débats qui ont animé la commission des finances lors de l’examen du texte. Je pense que M. le rapporteur de la commission des finances va, dans quelques instants, opposer à l’adoption de ce texte deux principes – l’exclusivité dans le cadre d’un transfert de compétence et l’autonomie financière des services publics industriels et commerciaux – pour justifier sa position.
Aux arguments qui seront développés sur l’exclusivité et sur l’autonomie financière des SPIC, je souhaite d’ores et déjà répondre.
L’exclusivité, premier principe, signifie qu’une compétence, une fois transférée, ne peut plus être financée directement par une commune membre d’un EPCI.
J’entends cet argument, monsieur le rapporteur, mais, dans ce cas, pourquoi avoir prévu le principe du fonds de concours ? Le fonds de concours est une entorse au principe d’exclusivité. L’exclusivité, normalement, ne souffre pas d’exception, c’est sa nature même ! Arguer de cette spécificité, c’est nier que le législateur ait pu avoir à un moment donné la volonté de prendre en compte les réalités territoriales – je dis bien les réalités territoriales ! – et le nécessaire développement de nos collectivités.
Le fonds de concours sur investissement, par son existence, déroge au principe même d’exclusivité et justifie que nous nous posions aujourd'hui cette question : un réseau d’assainissement collectif est-il, oui ou non, un investissement et peut-il prétendre pour son financement à un fonds de concours ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je réponds oui !
M. Daniel Dubois. En ce qui concerne maintenant le second principe, l’autonomie financière des services publics industriels et commerciaux, je rappelle qu’un SPIC est financé par la redevance payée par les usagers. Là encore, nul ne saurait y déroger. En ce cas, mes chers collègues, pourquoi avoir prévu deux exceptions dans l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales ?
La première exception concerne les communes de moins de 3 000 habitants qui peuvent, elles, contribuer au budget d’un SPIC. Que signifie ce seuil de 3 000 habitants ? Comment a-t-il été arrêté ? Rien, ni dans nos textes ni dans notre histoire, ne le justifie et ne prouve de quelque façon que ce soit sa pertinence.
La seconde exception concerne l’autorisation donnée au financement des travaux, mais limitée aux cinq premières années d’exercice.
Bien sûr, M. le rapporteur vous dira que ces exceptions sont suffisantes et qu’il convient, là encore, de ne pas aller au-delà. Soit ! Mais, dans ce cas, prenons l’exemple du département de la Somme, monsieur le ministre. Avec un total de 782 communes, la Somme est le troisième département français pour le nombre de communes. Sachez, mes chers collègues, que 97,5 % d’entre elles ont moins de 3 000 habitants. Pourtant, 60 % des trente EPCI qui couvrent l’ensemble du département sont bloqués par ce seuil de 3 000 habitants. Est-ce là le résultat souhaité par le législateur ? Je ne le crois pas.
Pourquoi, alors que 97,5 % des communes de la Somme comptent moins de 3 000 habitants, ces communes une fois intégrées à un EPCI ayant la compétence « assainissement » se trouvent-elles bloquées par ce seuil ? C’est une difficulté opérationnelle sur ces territoires !
La réponse à cette question est simple : parce que, par analogie, encore une fois sans aucun fondement, la règle des 3 000 habitants par commune a été transposée sur l’ensemble de l’EPCI. Cette transposition aveugle et systématique – je ne suis pas le seul à le penser – fait de la communauté de communes dans la loi de 2004 un échelon totalement transparent. C’est un peu comme si l’EPCI n’existait pas !
N’en déplaise à ceux qui voient aujourd’hui l’EPCI comme un échelon territorial, l’intercommunalité doit rester un outil au service des communes, un outil de mutualisation qui leur permette de faire mieux, de faire plus au service des habitants. Elle ne doit pas être un carcan déconnecté de la réalité des territoires ruraux.
C’est pourquoi, mes chers collègues, il est aujourd’hui nécessaire de neutraliser ce plafond de 3 000 habitants pour autoriser les fonds de concours des communes vers la communauté de communes afin de faciliter le financement des travaux d’assainissement.
Sensible aux débats qui ont animé la commission des finances, j’ai souhaité, avec mes collègues du groupe UDI-UC, déposer un amendement : cette proposition de loi ne compte qu’un article et seul un amendement a été déposé, il devrait donc être assez simple d’en discuter !
L’amendement vise à préciser que l’objet de la proposition de loi se limite bien évidemment - nous avions eu l’occasion d’en discuter avec M. le rapporteur -, aux travaux d’investissement dans les réseaux d’assainissement et dans la station. Elle ne concerne en aucun cas le budget de fonctionnement du SPIC.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement prenne conscience des difficultés que rencontrent et surtout que rencontreront certaines collectivités pour financer des investissements de ce type.
J’espère vivement que nous tous ici, qui sommes encore pour la plupart des élus locaux, faciliterons, par l’adoption de ce texte, l’aménagement des territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances par intérim (M. François Trucy, secrétaire de la commission des finances, sourit.), mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui a pour objet d’élargir les possibilités de versement de fonds de concours entre communes et EPCI, en matière de financement du service public de l’assainissement.
En effet, certaines communes font face à des difficultés de financement de leur service public d’assainissement. Les investissements en la matière peuvent se révéler très importants, notamment dans les zones rurales, et donc difficiles à financer. M. Dubois a particulièrement insisté sur ce constat, qui fait d'ailleurs consensus.
De plus, d’après les auteurs de la présente proposition de loi, le transfert de la compétence « assainissement » à l’intercommunalité peut créer des difficultés, voire des blocages, s’agissant du financement de ce service public.
C’est que les communes membres d’une intercommunalité peuvent avoir fait des choix très différents. Or ce service public, j’y reviendrai, est financé par les redevances versées par les usagers, conformément à l’un des principes fondamentaux qui régissent les SPIC. Par conséquent, les usagers d’une commune ayant investi dans le réseau d’assainissement avant le transfert de la compétence à l’EPCI pourraient se voir imposer une hausse de la redevance communautaire afin de financer les dépenses de leurs voisins, qui, eux, n’ont pas réalisé plus tôt les travaux nécessaires. Ces habitants devraient donc payer deux fois pour un même service.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !