compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat de Jordanie

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de quatre sénateurs du groupe d’amitié Jordanie-France du Sénat du Royaume Hachémite de Jordanie, conduite par son président, son excellence le docteur Chabib Ammari. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

La délégation est en France pour une visite d’étude jusqu’au 15 avril, centrée sur l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ainsi que le développement des échanges culturels et universitaires franco-jordaniens.

Elle se rendra également à Toulon, à Aix et à Marseille pour visiter le pôle de compétitivité « Cap Énergies » et le nouveau musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Accueillie au Sénat par notre collègue Mme Christiane Kammermann, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Jordanie, la délégation a prévu ce matin une réunion de travail sur la transition énergétique avec nos collègues de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, et rencontrera notre collègue Bruno Sido, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le Sénat français entretient d’excellentes relations de confiance et d’amitié avec le Sénat jordanien, nourries d’échanges sur le conflit syrien qui nous préoccupe tous, la paix au Moyen-Orient et le développement de nos partenariats économiques dans le domaine de l’eau et de l’énergie.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat jordanien une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

3

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de Mme Sophie Primas, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de celle de M. Michel Doublet, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;

- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Michel Doublet, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (suite)

Agriculture, alimentation et forêt

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 279, texte de la commission n° 387 rectifié, rapport n° 386, avis nos 344 et 373).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui était attendu, car il est la pierre angulaire de la démarche « produisons autrement » que vous mettez en place depuis votre arrivée aux responsabilités. L’ambition de ce texte est, vous l’avez dit, de relever le défi de la compétitivité de notre agriculture et de notre filière bois tout en engageant la France sur la voie de la transition écologique. Ce ne sont pas des objectifs contradictoires, bien au contraire ; c’est là tout l’enjeu de votre projet d’agroécologie.

Ce projet de loi intervient également à la suite de la récente réforme de la politique agricole commune dans laquelle la France a beaucoup œuvré pour maintenir les crédits destinés à l’agriculture française, soutenir l’élevage et les petites exploitations qui sont les plus créatrices d’emploi, et encourager l’installation de jeunes agriculteurs : autant d’objectifs qui sont également portés par ce projet de loi.

Il était devenu indispensable et urgent de mieux prendre en compte les réalités économiques et de mener pleinement le combat pour la compétitivité de notre agriculture.

Le constat est là : nous héritons de dix ans d’inaction en la matière. En dix ans, notre pays est passé de la deuxième à la cinquième place mondiale en matière d’exportation agricole et agroalimentaire. Et que dire de l’état de nos filières et du nombre d’exploitations qui n’a cessé de diminuer ? On enregistre une baisse de 20 % à 25 %, selon les régions, entre deux recensements généraux de l’agriculture.

Le rapport de la mission d’information sur la filière viande que j’ai eu l’honneur de présider l’année dernière, rapport adopté à l’unanimité, a démontré que l’élevage français a perdu en dix ans de 15 % à 25 % de ses productions selon les secteurs. C’est un déclin très préoccupant et même dramatique dans les zones à forte production animale telles que la Bretagne. Pour chacune des filières, les chiffres sont inquiétants : 2 millions de porcs en moins ont été produits depuis le début des années deux mille, 44 % des poulets consommés sont importés, contre 8 % en 1990, et l’on constate en vingt ans une baisse de 20 % des effectifs du troupeau bovin et de 31 % du troupeau ovin.

La mission d’information a constaté que ces difficultés proviennent principalement d’un déficit de compétitivité de tous les maillons de la filière et d’une course au prix bas, encouragée par la grande distribution, qui écrase les marges de l’ensemble des acteurs de la production et de la transformation.

Cette situation dégradée que vous avez trouvée à votre arrivée démontre le peu d’efficacité des deux lois agricoles adoptées en 2006 et en 2010.

Notre pays doit réussir à conforter son excellence agricole et agroalimentaire dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel. Le présent texte ouvre des perspectives pour de nouveaux modèles de production plus diversifiés et une intégration optimale de l’écologie au service de l’agriculture et de la forêt.

Dans ce nouveau modèle de production, il faut également garder une exigence élevée de qualité, de garantie de sécurité sanitaire pour rassurer les consommateurs mais aussi pour prendre en compte leurs attentes plus sociétales. C’est l’enjeu du titre III de ce projet de loi qui vise à progresser en matière de santé végétale, de santé animale et de garanties de sécurité sanitaire de l’alimentation.

Le texte comporte des avancées en matière de lutte contre le développement du phénomène d’antibiorésistance. La logique de prévention s’impose : fixer un objectif ambitieux concernant les antibiotiques critiques constitue une bonne approche, mais il faut être vigilant à ne pas provoquer un effet destructeur sur le maillage des vétérinaires dont nous savons l’importance pour nos territoires ruraux.

Le texte introduit également des exigences plus fortes en matière de pesticides. Il promeut les méthodes alternatives, et notamment le biocontrôle. Je plaide néanmoins pour une accélération de la mise en place des solutions alternatives, car il y a urgence. En outre, il faut faire comprendre que cette démarche économe en intrants n’est pas celle de la contrainte mais a plutôt pour objectif d’améliorer l’efficacité et la performance économique. Je laisserai à Nicole Bonnefoy, rapporteur en 2012 de la mission commune d’information sur les pesticides, le soin d’en parler plus longuement.

J’en viens au titre V, qui traite des dispositions relatives à la forêt.

Ces dispositions permettent de donner à ce texte une véritable reconnaissance. À cet égard, je m’associe à ce qui a déjà été dit par M. le rapporteur Philippe Leroy sur l’importance de la forêt et la nécessité de développer une politique « forêts-bois » ambitieuse qui réponde aux attentes des professionnels. D’ailleurs, le texte s’inscrit déjà dans la continuité d’un ensemble de dispositifs mis en place par le Gouvernement en faveur de la filière, avec la création du comité stratégique de la filière bois, ou avec les mesures prises en lois de finances. Les dispositions de ce texte vont dans le bon sens et permettront de continuer à progresser.

Avant de les détailler, j’interviendrai brièvement pour rappeler la place de la forêt dans l’espace français, mais aussi son poids économique, avec plus de 400 000 emplois dont l’essentiel en zones rurales et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Dans un contexte économique difficile, marqué également par la raréfaction des ressources fossiles, il devient essentiel d’optimiser la valorisation complète de cette ressource renouvelable en fonction de ses différentes utilisations : le bois d’œuvre, le bois d’industrie, le bois énergie ou biomasse forestière.

Toutefois, l’usage optimisé de cette ressource implique une hiérarchie des usages et repose pour une large part sur la capacité des acteurs économiques à créer les conditions d’une complémentarité entre les différentes utilisations du bois et à éviter les conflits d’usage.

Le bois énergie représente 65 % des énergies renouvelables produites actuellement en France, essentiellement par la valorisation des sous-produits de la filière bois ; mais encore faudrait-il s’assurer, lorsqu’un projet industriel est envisagé, que ses besoins en approvisionnement n’engendrent pas une surexploitation directe ou indirecte des ressources sylvicoles locales, régionales, voire nationales, et éviter les déséquilibres en tenant compte aussi des autres besoins d’approvisionnement de structures locales de moindre dimension.

Dans le même temps, nous connaissons bien le constat de l’insuffisante organisation de la filière bois, qui repose sur des petites entreprises, souvent fragiles, et les difficultés de la mobilisation de la ressource bois dans notre pays.

L’industrie de transformation du bois s’est affaiblie.

Le secteur de la scierie française, par exemple, est en recul sur les exportations de sciage qui, entre 2005 et 2012, ont baissé de près de 43 %. Le nombre de scieries a fortement diminué et la production de sciages a baissé de 10 % entre 2002 et 2011. Nous exportons des bois bruts et importons des bois travaillés, transformés, incorporant beaucoup de valeur ajoutée. Les chiffres de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, la DGPAAT, relèvent que le déficit de la balance commerciale en meuble, principal responsable du déficit de la filière bois, a augmenté de 200 millions d’euros entre 2009 et 2010.

C’est bien notre paradoxe : nous avons l’une des meilleures ressources forestières d’Europe – la troisième forêt européenne –, et pourtant nous affichons un déficit record dans notre balance commerciale.

Notre forêt n’est pas suffisamment mise en valeur localement ; en témoignent les exportations de grumes vers la Chine. Or c’est ce potentiel économique qui doit être valorisé sur place.

L’aspect économique est donc un enjeu majeur. Dans ce cadre, l’instauration, dans la loi, du fonds stratégique de la forêt et du bois constitue une avancée fondamentale, car un tel organisme est le fondement de toute politique forestière.

La disparition du fonds forestier national, voilà plus de dix ans, a eu de graves conséquences amplifiées par les tempêtes successives qui ont découragé bon nombre de propriétaires forestiers de replanter.

Toutefois, monsieur le ministre, permettez-moi d’ajouter que, au-delà de la création du fonds stratégique, l’enjeu sera d’assurer la pérennité de ce dernier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a adopté la proposition du rapporteur de créer un compte d’affectation spéciale décrivant les recettes du fonds. Vous nous dites que ce n’est pas acceptable. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.

La forêt, outre son potentiel économique, contribue activement à la préservation des équilibres écologiques, des écosystèmes et de la biodiversité, puisqu’elle stocke le carbone, purifie l’eau, enrichit les sols et offre des habitats propices à la faune et à la flore. Enfin, elle abrite une grande diversité d’activités, touristiques, cynégétiques, sportives, scientifiques, etc.

Le présent texte reconnaît pleinement cette multifonctionnalité des forêts, notamment de leurs fonctions d’intérêt général, et ouvre ainsi la possibilité de rémunération de ces aménités environnementales.

La reconnaissance par la loi est importante. Elle émet notamment un signal fort en direction de nos concitoyens, qui n’ont pas toujours conscience des atouts considérables que recèle la forêt, par la diversité de ses fonctions.

De surcroît, ce projet de loi réorganise la gouvernance dans ce domaine. En particulier, le programme national de la forêt et du bois, décliné à l’échelle régionale, permettra de partager des constats et de définir des priorités.

Chacun sait que la forêt française est très morcelée. L’objectif du groupement d’intérêt économique et environnemental forestier est précisément de permettre le rassemblement de tous les professionnels concernés.

Monsieur le ministre, votre projet de loi va dans le bon sens. Il s’appuie sur une PAC réorientée et plus juste. Les membres du groupe socialiste le défendront et vous soutiendront avec conviction et détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Parfait !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier MM. les rapporteurs du travail qu’ils ont accompli : M. Didier Guillaume, M. Philippe Leroy et particulièrement M. Pierre Camani, qui n’a pas toujours eu la tâche facile, sans oublier Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

À mon tour, je m’associe aux marques de satisfaction exprimées hier quant à la reconduction de notre ministre de l’agriculture. Son propos liminaire a montré le niveau auquel il a placé sa mission,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très haut niveau !

M. Raymond Vall. … qui est importante pour notre pays.

Ce projet de loi, qui compte vingt-neuf articles, doit nous permettre de concilier dans le domaine de l’agriculture les performances économiques, environnementales et sociétales. M. le ministre l’a souligné, en déclarant avec beaucoup de conviction que nous devions adapter l’agriculture française aux enjeux de demain ; nous avons beaucoup parlé du domaine de l’environnement à cet égard, mais il faut également conforter la filière agricole, qui représente un secteur stratégique pour la France et dont la contribution est très importante dans le domaine de l’emploi.

Je tiens à citer le département du Gers,…

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Magnifique département !

M. Roland Courteau. En plein air et en plein Gers !

M. Raymond Vall. … considéré comme l’un des plus agricoles de France : l’agriculture y représente 12 % des actifs.

Il faut également prendre en compte l’agroalimentaire. Dans cette région Midi-Pyrénées, que l’on connaît et reconnaît pour l’aéronautique, c’est le secteur agroalimentaire qui constitue le premier employeur. C’est dire combien nous sommes sensibles au présent texte.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous encouragez des orientations de long terme, en proposant des nouveaux dispositifs ou des aménagements des outils existants. J’en évoquerai quelques-uns.

Le titre II porte une attention très nourrie à la préservation des terres agricoles et au contrôle des structures. Nos collègues députés ont enrichi les prérogatives des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, afin de freiner véritablement la déprise agricole. Personnellement, je partage cette volonté, d’autant plus que l’article 13 du projet de loi initial a bien clarifié les missions des SAFER tout en harmonisant le cadre de leur gouvernance. Cet instrument fondamental d’aménagement foncier se trouve ainsi renforcé, et son fonctionnement ouvert.

À la fin de ce même titre II, l’Assemblée nationale a introduit le répertoire des actifs agricoles. C’est une excellente mesure, très attendue par les organisations agricoles. Néanmoins, si la rédaction adoptée est relativement souple, elle n’intègre pas clairement les pluriactifs. J’ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues du RDSE, un amendement tendant à pallier cette lacune. Je sais que les rapporteurs sont très à l’écoute sur ce sujet. Nous devrions, je l’espère, parvenir à trouver le bon compromis.

En ma qualité de président de la commission du développement durable, je souhaite naturellement évoquer le volet environnemental, au titre duquel Pierre Camani a apporté une contribution très appréciée. Ce texte intègre, pour la première fois, l’agroécologie dans le domaine de la loi.

Sans doute la question des baux environnementaux fera-t-elle débat. Pour ma part, je souhaite qu’un équilibre soit trouvé entre le nécessaire encouragement à de nouvelles pratiques agricoles et le souci de ne pas bloquer la conclusion des baux. Ce point renvoie d’ailleurs à la question plus générale du statut du fermage, qui, à mon sens, mériterait certainement un large toilettage législatif.

Concernant les risques sanitaires, le transfert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes focalise bien sûr beaucoup de discussions.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui !

M. Raymond Vall. Il est certain que l’organisation actuelle n’est pas suffisamment réactive. Il était donc urgent de remédier à cette faiblesse. Ce projet de loi s’y attèle, et le droit de veto du ministre, proposé par la commission, répond à ceux qui s’inquiétaient du regroupement de l’évaluation et de la gestion des risques.

Enfin, je dirai un mot de la forêt. Bien sûr, j’ai beaucoup apprécié l’intervention que Philippe Leroy a consacrée à ce sujet, et je me félicite de l’important travail de planification opéré via ce projet de loi.

Mes chers collègues, vous connaissez mon attachement aux circuits courts et à la valorisation des produits agricoles locaux. Ce qui est valable pour la production agricole l’est aussi pour la production forestière. Il n’est plus acceptable que la France, qui possède la troisième forêt d’Europe, continue à importer massivement du bois ou des produits transformés à l’extérieur à partir de son propre bois. C’est pourquoi j’approuve les dispositions du présent texte qui permettront de mieux tirer profit du potentiel économique offert par notre forêt, tout en veillant au respect de l’apport vital de cette dernière à l’environnement. Je songe en particulier à son rôle pour le stockage du CO2, qui nécessite une politique active de reboisement, proposée via le présent texte.

Nous aurons l’occasion de débattre plus longuement de ces différents volets. Les sénateurs du RDSE apporteront leur contribution à travers les amendements qu’ils défendront dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Renée Nicoux et M. Roland Courteau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenir de notre agriculture est une question de fond. Cela a déjà été dit hier, l’agriculture française fait vivre des milliers d’hommes, en nourrit des millions d’autres, et la seule sphère agricole et agroalimentaire représente, pour notre pays, 12,5 milliards d’euros d’excédent net à l’exportation.

J’attire votre attention sur le fait que, avec le verdissement de la PAC, le renforcement de l’agroécologie et le durcissement de l’encadrement administratif et des normes qui vont avec, nous risquons d’obtenir le contraire de ce que nous souhaitons.

Nous voulons des mesures qui permettent réellement aux entreprises agricoles et agroalimentaires de retrouver de la compétitivité et de la croissance pour faire face à nos concurrents européens, sans oublier, bien sûr, la protection de notre environnement.

Aurons-nous réellement les moyens, avec ce projet de loi, d’inverser la courbe déclinante sur laquelle se trouve notre agriculture depuis une quinzaine d’années ?

M. Gérard Bailly. J’aimerais le croire. En tout cas, c’est une question vitale, notamment pour la filière élevage, qui me préoccupe particulièrement. Vous le savez, tous les chiffres la concernant sont en baisse : en vingt ans, diminution de 11 % du cheptel bovin, de 30 % du cheptel ovin, baisse de l’abattage des volailles… On observe un tel phénomène dans tous les domaines.

Le revenu annuel moyen d’un éleveur de viande bovine est de 15 000 euros, et les jeunes délaissent massivement le secteur de l’élevage pour se tourner vers des productions plus rentables, et surtout moins exigeantes en termes de présence. Or nos éleveurs doivent avoir des revenus suffisants pour vivre ! Aujourd’hui, 50 % des éleveurs bovins et 54 % des éleveurs ovins ont plus de cinquante ans : avec ce niveau de revenus et la pénibilité du travail, il est urgent d’agir pour favoriser l’installation des jeunes exploitants, entre autres via une simplification administrative.

La mise en œuvre, par l’article 14, d’un contrat de génération adapté à ce secteur va dans le bon sens, mais reste sans doute insuffisante.

J’ajoute, en cet instant, qu’il ne faut pas oublier tous les crédits nécessaires à la construction et à la modernisation des bâtiments d’élevage. Ces chantiers sont indispensables pour garantir aux éleveurs de meilleures conditions de vie.

Ce dont les éleveurs ont besoin, c’est de mesures concrètes améliorant réellement la compétitivité des entreprises comme, par exemple, l’alignement des contraintes sanitaires et environnementales françaises sur la réglementation européenne. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Nos viandes présentent déjà les garanties les plus élevées au monde sur les plans sanitaire – on peut s’en réjouir –, environnemental et du bien-être animal. Il n’y a pas besoin d’en ajouter encore ! Nous ne pouvons plus subir toutes ces distorsions de concurrence. Il faut les réduire pour permettre aux agriculteurs de se battre à armes égales avec leurs concurrents allemands, italiens ou espagnols, sans parler d’un problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre : celui de la main-d’œuvre employée en Allemagne, avec des salaires bien inférieurs à ceux de notre pays.

S’ajoute l’exonération de l’écotaxe poids lourds. Pour l’heure, celle-ci est suspendue, mais non supprimée. Elle reste une menace pour les éleveurs.

En outre, comment pourrons-nous bénéficier des allégements de charges ? Il n’en est question nulle part dans ce projet de loi !

Parmi les nombreux problèmes que rencontrent les éleveurs, je citerai encore trois exemples.

Premièrement, je pense au problème récurrent de la grande distribution qui, dans sa course au « toujours moins cher », fait le jeu de nos concurrents et écrase les prix de nos producteurs.

Deuxièmement, je songe aux prédateurs. Mis à part quelques collègues venant comme moi de régions de montagne, je me suis senti bien seul, pendant plusieurs années, à dénoncer dans cette enceinte la passivité des autorités face au loup et aux dégâts causés aux troupeaux ovins, qui provoquent un immense découragement chez les éleveurs. Pastoralisme et présence du loup sont incompatibles. C’est ce que je répète depuis dix ans ! Quand on pense que, au cours de l’année 2013, 6 767 ovins ou jeunes bovins ont été massacrés par les loups, on se demande où est le bien-être animal ! Il ne faut pas non plus négliger les traumatismes que les éleveurs ont pu subir.

M. Bruno Sido. Très vrai !

M. Gérard Bailly. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé sur ce sujet par notre rapporteur, M. Guillaume. Il va dans le bon sens (M. Didier Guillaume, rapporteur, acquiesce.)…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Gérard Bailly. … et recueillera, je le crois, l’unanimité. J’en profite pour remercier la commission du travail accompli en la matière.

Concernant les prédateurs, je ne peux manquer d’évoquer, pour ma région, le problème du lynx.

M. Gérard Bailly. Ce dernier prend un essor qui devient lui aussi inquiétant. S’y ajoute, pour tous ceux qui ont des étangs, la question des cormorans, qui infligent de 250 à 550 euros de pertes à l’hectare.

Troisièmement, nos éleveurs doivent faire face à la pullulation des campagnols, surtout en zone de montagne, que ce soit dans le Jura, dans les Alpes ou dans le Massif central. Il s’agit là d’une véritable calamité dans les zones herbagères d’altitude. Les conséquences sont désastreuses : pertes de fourrages, problèmes sanitaires touchant les animaux et les hommes. Les pertes économiques peuvent atteindre de 10 000 à 25 000 euros par exploitation en Franche-Comté. Au cours de nos discussions, je défendrai un amendement tendant à accorder une déduction fiscale pour compenser les pertes de récoltes dues aux campagnols.

Pour conclure, je dirai quelques mots de la filière « bois ». M. le ministre l’a indiqué, elle représente un potentiel très important pour notre économie. Cette filière est tout à fait cruciale pour mon département, boisé à 45 %. Dans l’ensemble, elle a largement besoin d’être mieux valorisée, car des milliers d’emplois sont à la clef. Ce constat est admis sur toutes les travées de cet hémicycle.

Comme nombre de mes collègues, je me réjouis de la mise en place d’un fonds stratégique pour soutenir les investissements de ce secteur, à condition, bien sûr, qu’il soit suffisamment abondé. Ces crédits sont indispensables pour que puisse être envisagée la modernisation des exploitations et des coupes de bois, ainsi que l’amélioration des indispensables dessertes de nos massifs.

Une meilleure exploitation passe aussi par une diminution du morcellement forestier. J’insiste pour que, en cas de vente de parcelles de moins de quatre hectares, le droit de préférence soit réellement appliqué au profit d’un propriétaire riverain, ou, à défaut, de la commune si elle est acheteuse.

Je souhaite enfin que nous nous penchions, au cours de nos débats, sur le cas de nos territoires largement boisés, couverts de forêts à 70 %, voire à 80 %. Leurs habitants demandent que l’on y diminue les étendues forestières.

Notre agriculture, dans sa richesse et sa diversité, fait vivre notre tissu rural. Notre ruralité a besoin d’être soutenue et encouragée. Il faut des allégements plutôt que des contraintes. Je souhaite que les amendements déposés à cette fin soient votés. Ils vont du reste dans le sens des belles déclarations faites par les membres du Gouvernement qui, chaque année, se succèdent dans les allées du salon de l’agriculture !

Monsieur le ministre, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce projet de loi, comme nos rapporteurs. C’est pourquoi, après le travail parlementaire, ce texte doit réellement mettre en œuvre des réformes ambitieuses pour l’avenir de notre agriculture, afin que la France produise plus et qu’elle produise mieux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Didier Guillaume, rapporteur, applaudit également.)