M. André Trillard. Elle a raison !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je suis intervenu en ce sens tout à l’heure : il est sûr que les EHPAD deviendront – certains le sont déjà – des hôpitaux de fin de vie.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Gérard Roche. Les soins palliatifs qui y sont prodigués s’inscrivent donc totalement dans cette logique. C’est leur vocation. On entre en EHPAD à 85 ans et, touché par la maladie, la vieillesse, on y achève sa vie.
Cette évolution est inéluctable. Mais former des personnels à l’accompagnement de fin de vie implique de former non seulement les médecins coordonnateurs, les infirmiers, mais également le personnel paramédical, qui peut relever du tarif dépendance, et tous ceux qui travaillent dans l’EHPAD, afin qu’ils acquièrent une culture palliative.
Tout cela coûte de l’argent. Or je rappelle que le reste à charge, pour les patients des EHPAD, est trop lourd. Il y a urgence à traiter cette question : les personnes, une fois qu’elles ont touché l’aide personnalisée au logement et mangé une partie de leur bien, ne peuvent plus payer. En Haute-Loire, département rural, la moyenne des retraites s’établit à 883 euros par mois, quand le tarif d’un EHPAD est de 1 800 euros par mois. Comment font les résidents dont les enfants touchent le SMIC ?
On ne peut pas imposer aux EHPAD la prise en charge d’un coût de formation supplémentaire, notamment pour le personnel non soignant.
J’adhère tout à fait à l’esprit du présent texte, qui correspond à la vocation des EHPAD, mais nous discutons actuellement de la mise en œuvre de dispositions alors que celle-ci doit relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et il reviendra alors à Mme la ministre de nous présenter le détail de l’application sur plusieurs années, eu égard aux contraintes budgétaires. Ce faisant, nous déplaçons le débat, car nous discutons des modalités de mise en œuvre d’une loi dont nous n’avons pas encore abordé le fondement essentiel, idéologique, ce que nous allons faire dans les heures qui viennent.
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. L’objet de cet amendement mentionne la « culture palliative ». Pallier quoi ? La question est importante. Il faut pallier, me semble-t-il, l’absence de parole. Il faut donc des lieux de parole.
En tant que médecin, je peux vous dire que les personnes en fin de vie ont besoin de dire au revoir à leurs proches, à ceux qui les aiment. Il faut des lieux de parole pour entendre la douleur, la souffrance.
Je suis donc très heureux que l’on parle, dans cet hémicycle, de « culture palliative ».
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord avec Mme David : la formation du personnel n’est pas nécessairement lourde ; elle peut avoir lieu en cours d’emploi.
Il est totalement différent de prodiguer des soins palliatifs en maison de retraite, qui incombent au médecin coordonnateur, au médecin généraliste ou à l’infirmier. Un amendement dont nous discuterons bientôt tend également à prévoir l’intervention d’une équipe de soins palliatifs pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue.
Je voudrais évoquer la question des résidents en EHPAD, dont certains peuvent avoir besoin d’une intervention urgente. Les pathologies étant très nombreuses, on est alors obligé de les hospitaliser. On ne peut pas tout faire dans un EHPAD ! Malheureusement, il peut donc arriver que certains résidents décèdent à l’hôpital.
Les résidents qui doivent rester en EHPAD et s’y voir prodiguer des soins palliatifs sont ceux dont le diagnostic fait état d’une maladie grave, pour laquelle un transfert à l’hôpital n’apportera rien de mieux. En cela, la loi Leonetti était bonne. Aller plus loin et autoriser les familles à demander la sédation profonde et continue est plus complexe : il faudrait absolument que des équipes de soins palliatifs mobiles se rendent dans les EHPAD pour ce faire.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Nous avons un peu de difficultés à nous entendre, mes chers collègues, car nous ne parlons pas tout à fait de la même chose.
Il faut avant toutes choses saluer ce qu’a permis la loi adoptée sur l’initiative de Paulette Guinchard-Kunstler : le maintien à domicile via l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Tout le monde s’accorde sur ce point, grâce à ce dispositif, nous avons gagné dix ans de maintien à domicile. En effet, en 1993, lorsque j’ai ouvert un EHPAD dans la commune dont je suis l’élu, l’entrée dans ces établissements se faisait plutôt vers 75 ans ; elle se fait désormais à 85 ans environ.
Quand les personnes âgées entrent en EHPAD, c’est parce qu’elles sont dans un état de dépendance qui ne leur permet plus de rester à domicile et qui requiert un accompagnement particulier. Malheureusement, il faut regarder la vérité en face, ces personnes ne quittent pas l’EHPAD pour retourner chez elles, sauf cas vraiment exceptionnel. L’EHPAD est donc l’endroit où l’on finit sa vie.
Dès lors, je partage tout à fait l’avis exprimé par Daniel Chasseing : il faut permettre aux résidents des EHPAD d’y terminer leur vie, et ne les conduire qu’exceptionnellement à l’hôpital, lorsqu’ils sont atteints d’une affection que l’on ne peut pas prendre en charge sur place.
Les EHPAD emploient des personnels de qualité, dont certains seulement ont déjà été formés aux soins palliatifs. Il faut donc renforcer les équipes en leur offrant une telle formation.
Il ne faut pas confondre les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. Le personnel de service et le personnel aide-soignant n’ont pas nécessairement les compétences techniques qu’ont le médecin ou l’infirmier, mais ils jouent un rôle social d’accompagnement irremplaçable. Ils doivent donc recevoir une formation qui leur permette de jouer pleinement leur rôle et d’apporter à ces personnes âgées une présence affective et leur compréhension.
Les EHPAD de la Haute-Loire, cher Gérard Roche, comme le mien dans le Puy-de-Dôme, ont certainement une enveloppe réservée à la formation. C’est sur cette enveloppe qu’il faut prélever les crédits nécessaires pour former à l’accompagnement en fin de vie l’ensemble du personnel, y compris le personnel de service.
M. Georges Labazée. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit au sujet de la formation. En tout état de cause, la formation initiale ou continue ne peut être dispensée qu’à des personnels qui bénéficient déjà d’une certaine spécialisation dans les métiers de la santé. Elle ne peut être accordée à tous les types de personnels. On pourrait à la rigueur admettre que les autres personnels, dans le cadre des EHPAD, soient sensibilisés à la question, mais il serait quelque peu compliqué de leur dispenser une formation spécifique.
Par ailleurs, j’alerte l’ensemble de nos collègues sur un point. Nous venons d’aborder et de voter un ensemble d’amendements qui sont passés à travers les griffes de l’article 40 et de la commission des finances. Si d’aventure nous en faisions autant au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comment ferions-nous pour boucler le budget ?
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.
M. Michel Amiel, corapporteur. Effectivement, ne confondons pas formation et sensibilisation, qui ne relèvent pas de la même logique ni de la même approche et qui ne dépendent pas du même financement. La formation doit concerner le personnel médical ou paramédical, et la sensibilisation le reste du personnel intervenant dans les EHPAD.
J’ajoute que je ne suis pas certain que le sens du contact humain puisse s’apprendre par quelque formation que ce soit…
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mme Deromedi, M. Kennel, Mmes Mélot et Deroche et MM. Chasseing, Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes conclut une convention avec une unité mobile de soins palliatifs afin d’organiser les modalités de son intervention dans l’établissement.
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
Mme Nicole Duranton. Le développement des soins palliatifs en maisons de retraite constitue un réel défi et doit être encouragé.
Cet amendement vise à mettre en place des partenariats entre les EHPAD et les unités mobiles de soins palliatifs existantes. En se généralisant, ces partenariats auront pour vertu de favoriser le développement encore trop faible de ces unités mobiles de soins palliatifs, de coordonner leur action et de permettre leur déploiement sur le territoire.
M. le président. L'amendement n° 107 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 26 rectifié bis ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Bien évidemment, les EHPAD ont besoin des unités de soins palliatifs. Pour autant, cela doit-il figurer dans un texte de loi ? Je ne le pense pas, d’autant qu’une convention spécifique existe déjà. La commission a donc émis un avis défavorable, non sur le principe – puisque, je le répète, ces conventions spécifiques entre EHPAD et unités de soins palliatifs se pratiquent déjà –, mais sur un plan strictement juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, non sur le principe, mais parce que de telles conventions existent déjà. Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement.
Le code de l’action sociale et des familles prévoit déjà une convention pluriannuelle entre l’EHPAD, l’Agence régionale de santé et le conseil départemental qui doit identifier les services au sein desquels sont dispensés les soins palliatifs. Il est prévu que cette convention définisse le nombre de référents en soins palliatifs qu’il convient de former, ainsi que le nombre de lits.
M. le président. Madame Duranton, l'amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nicole Duranton. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud et MM. Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.
L'amendement n° 110 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport détaillant les modalités de la mise en place d’une filière universitaire de médecine palliative.
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
Mme Nicole Duranton. En l’état actuel, l’offre en matière de formation universitaire concernant les soins palliatifs est hétérogène et insuffisante, comme le dénonce la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2015. C’est pourquoi la Cour propose la mise en place d’une filière dédiée aux soins palliatifs. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 110 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 28 rectifié ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement. La mise en place de réseaux de soins palliatifs départementaux tombe sous le sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Duranton, l'amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nicole Duranton. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.
Les amendements nos 108 et 109 ainsi que les amendements identiques nos 93 et 106 ne sont pas soutenus.
Article 2
Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-1. – Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et à l’issue d’une procédure collégiale. Cette procédure collégiale réunit l’ensemble de l’équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent. Ses modalités sont définies par voie réglementaire. »
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon et Gorce, Mme D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l’article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.
« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit de rétablir le texte voté à l’Assemblée nationale. La commission des affaires sociales a en effet modifié cet article en réécrivant à sa façon le code de déontologie médicale et en supprimant la notion de traitement en ce qui concerne la nutrition et l’hydratation.
La rédaction actuelle de l’article 37 du code de déontologie médicale donne toute satisfaction : « Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches. » Par ailleurs, il est prévu que « la décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l’équipe de soins ».
Cette rédaction me paraît plus adaptée que celle de la commission, qui prévoit d’étendre le nombre de personnes consultées. Cela risque, à mon sens, de créer plus de problèmes que d’en régler. Quant à l’hydratation et à la nutrition, il s’agit de reprendre une décision du Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 111 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Grand et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
actes
par les mots :
soins curatifs
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Le deuxième alinéa de cet article précise que « les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable ».
Nous avons débattu de cet amendement en commission. Il s’agit ici de remplacer le mot « actes » par les mots « soins curatifs ». On me dit qu’« actes » est plus large que « soins curatifs », qui pourraient être trop restrictifs.
Je rappelle que, en l’absence de la précision contenue dans cet amendement, le risque est grand que des traitements tels que la nutrition et l’hydratation artificielles soient inclus dans les actes qui « n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » et soient de ce fait supprimés.
Outre les souffrances supplémentaires que provoquerait leur arrêt, il est clair que des soins tels que la nutrition et l’hydratation artificielles maintiennent le patient en vie. Les supprimer signifie donc le faire mourir.
Enfin, la rédaction proposée peut être grave de conséquences, car des patients qui ne sont pas en fin de vie pourraient cesser d’être nourris et/ou hydratés, et donc décéder. Or il y a des personnes très lourdement handicapées dont la vie est jugée comme une obstination à vouloir vivre.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 112 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collombat et Esnol, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer le mot :
inutiles
par le mot :
inefficaces
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Dire qu’un traitement est inutile revient en quelque sorte à mettre en doute l’équipe médicale qui le propose. En général, les médecins évitent de prescrire des traitements inutiles. En revanche, des médicaments peuvent cesser d’être efficaces dans le cadre d’un certain nombre de maladies. Voilà pourquoi l’utilisation du terme « inefficaces » me paraît plus adaptée.
Ce problème de vocabulaire peut sembler sans grande importance, mais les personnels soignants pourraient trouver difficile de s’entendre dire qu’ils administrent un traitement inutile.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Après le mot :
et
insérer les mots :
, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Un patient a toujours le droit de refuser un traitement, mais la rédaction actuelle de l’article 2 soumet dans tous les cas cette décision, lorsqu’elle est fondée sur le refus d’un acharnement thérapeutique, à une procédure collégiale où d’autres s’exprimeront pour ce qu’ils jugent conforme à l’intérêt du patient.
Si bien entendu une telle procédure se justifie lorsque le patient est inconscient ou hors d’état de manifester sa volonté, tel n’est pas le cas lorsque ce patient est conscient et en mesure de faire un choix éclairé. Dans cette dernière circonstance, le médecin doit se conformer au refus exprimé par son patient, sans bien sûr avoir à déférer la volonté de celui-ci au collège médical. C’est la raison pour laquelle l’amendement de la commission des lois prévoit de limiter la procédure collégiale aux seuls cas où le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté.
M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Barbier et Commeinhes, Mme Lamure, MM. Vogel, César, de Legge et Chaize et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Supprimer les mots :
ou, à défaut
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. La procédure collégiale doit non seulement réunir l'équipe de soins, la personne de confiance, mais également les membres de la famille et les proches qui le souhaitent.
La rédaction actuelle laisse entendre qu'est associée à l'équipe de soins la personne de confiance, mais pas forcément les membres de la famille et les proches. Or il est indispensable que les membres de la famille qui le souhaitent puissent participer à cette procédure.
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. de Legge, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux, Chaize et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mmes Mélot et Gruny, M. Mayet, Mme Canayer, M. Charon, Mme Deroche et MM. Cardoux et Guerriau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La nutrition, l’hydratation artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas un traitement. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. L’Assemblée nationale a posé le principe que la nutrition, l’hydratation et l’assistance respiratoire constituent un traitement pouvant être assimilé à une sorte d’acharnement thérapeutique, en écho à la jurisprudence du Conseil d’État.
La commission des affaires sociales a souhaité supprimer cette précision. J’aimerais cependant ouvrir le débat, tout particulièrement au sujet de la nutrition, de l’hydratation et de l’assistance respiratoire. Ces soins participent-ils de l’acharnement thérapeutique ? Certes, cela peut y participer dans une certaine mesure, mais si l’on fait le choix de cesser tout traitement thérapeutique, cela signifie-t-il pour autant que l’on doit s’interdire le recours à l’hydratation et à la respiration artificielles ? Devons-nous prendre le risque de faire mourir le patient déshydraté ou étouffé ?
Le débat, ici, est nettement plus « clivant » qu’à l’article 1er, mais il me semble difficile de considérer l’assistance respiratoire et l’hydratation d’une personne en fin de vie comme de l’acharnement thérapeutique.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Morisset, Reichardt, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Mouiller, Mme Mélot, MM. Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La nutrition et l'hydratation artificielles ne constituent pas un traitement. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement de repli participe de la même logique, sauf qu’il ne fait pas état de l’assistance respiratoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Amiel, corapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 90 rectifié, la commission a préféré inclure dans la loi les dispositions d’ordre réglementaire figurant à l’article 37 du code de déontologie médicale.
Il est précisé, au dernier alinéa, que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » Nous avons considéré que la confirmation de cette phrase par l’arrêt du Conseil d’État suffisait. Les discussions ont d'ailleurs montré que l’hydratation, et non la nutrition, posait effectivement des problèmes en fin de vie, ne serait-ce que par le maintien d’une voie veineuse. Nous reviendrons sur ce dernier point à propos des amendements nos 69 rectifié et 101 rectifié. La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui est de l’amendement n° 3 rectifié bis, les termes « soins curatifs » sont assez restrictifs, même si l’on comprend l’objectif recherché. Outre les soins curatifs, il faut également prendre en compte les actes, en particulier lorsque ceux-ci deviennent invasifs. Si l’on ne mentionne que les soins curatifs ou palliatifs, on omet les actes de prévention ou d’investigation, qui peuvent constituer un acharnement thérapeutique ou une obstination déraisonnable. L’avis de la commission est donc défavorable.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 72 rectifié, qui vise à remplacer le mot « inutiles » par le mot « inefficaces ». À titre personnel, cependant, je préfère qualifier les actes d’inutiles, pour marquer le coût de certaines pratiques dans ces périodes de traitement et de fin de vie.
La commission est tout à fait favorable à l’amendement n° 12 de la commission des lois ayant pour objet de spécifier « si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté ». Cette précision nous paraît être de nature à bien clarifier les choses.
L’amendement n° 48 rectifié, défendu par M. Chasseing, concerne la possibilité pour la famille de participer à la procédure collégiale conjointement avec la personne de confiance. Nous considérons bien sûr que les directives anticipées priment, nous y reviendrons ultérieurement, ensuite la personne de confiance. Si la famille ne doit pas être écartée de l’accompagnement en fin de vie, c’est l’avis de la personne de confiance qui doit l’emporter. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.
Pour ce qui est des amendements nos 69 rectifié et 101 rectifié, il convient de souligner qu’il s’agit bien de nutrition et d’hydratation « artificielles ». La nutrition artificielle se traduit par une alimentation parentérale, c'est-à-dire par voie veineuse, ou entérale, autrement dit par sonde de gastrostomie. La situation est analogue pour l’hydratation et l’assistance respiratoire.
Pour les personnes souffrant d’une maladie de Charcot, par exemple, l’alimentation par sonde de gastrostomie et l’assistance respiratoire constituent bien un traitement. Nous sommes donc bien dans un cas où les patients peuvent demander l’arrêt du traitement et, par voie de conséquence, bénéficier de la sédation profonde et continue.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 90 rectifié. La rédaction résultant des débats à l’Assemblée nationale nous paraît mieux correspondre à l’objectif recherché que celle de votre commission, qui étend de manière excessive la procédure collégiale. Il est des situations dans lesquelles cette procédure n’est pas utile.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié bis. La rédaction proposée par les auteurs de cet amendement constitue une restriction par rapport à la formulation initiale, en restreignant le nombre d’actes médicaux qui peuvent être considérés comme étant constitutifs d’une obstination déraisonnable.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 72 rectifié, dans la mesure où l’obstination déraisonnable repose aujourd’hui sur trois critères, aux termes de la définition retenue par l’arrêt du Conseil d’État. Une obstination déraisonnable renvoie à des traitements disproportionnés, inutiles ou qui n’ont pour seule fin que le maintien artificiel de la vie. Cette définition a été analysée et validée par le Conseil d’État dans l’affaire Lambert. Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur cette définition, qui a été posée dans un cadre juridique précis et clair.
L’amendement n° 12 tend à limiter le recours à la procédure collégiale aux seules situations où les patients sont hors état d’exprimer leur volonté. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, qui lui semble renvoyer à la même logique de primauté de la volonté du patient en état de s’exprimer que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et reprise par l’amendement n° 90 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 48 rectifié. Au fond, il s’agit d’introduire une hiérarchisation des modalités de recherche de la volonté du patient. Votre amendement, monsieur Chasseing, vise à élargir le cercle des personnes consultées dans le cadre de la procédure collégiale, à ne pas exclure la famille lorsqu’une personne de confiance a été désignée. Dès lors qu’une personne de confiance a été désignée, il ne nous semble pas bienvenu de contester cette démarche émanant du patient lui-même.
L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement n° 69 rectifié ayant pour objet de préciser que la nutrition, l’hydratation artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas un traitement. L’arrêt du Conseil d’État, validé sur ce point par la Cour européenne des droits de l’homme, affirme bien que tel est le cas.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 101 rectifié, qui est de même nature que l’amendement précédent.