7
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Anne-Catherine Loisier membre titulaire du Conseil supérieur de la forêt et du bois.
8
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
M. le président. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé, par lettre en date du 30 novembre 2015, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 198, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction, et déposée le 25 novembre 2015.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 9 décembre.
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 décembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3141-26 du code du travail relatif à l’indemnité compensatrice de congés payés non due en cas de faute lourde (2015-523 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat.
Ce matin, à la lecture du dérouleur de nos travaux, nous avons tous découvert que, lors de l’examen des crédits de l’enseignement scolaire, le Gouvernement serait représenté par le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Nous savons gré à M. Thierry Mandon d’être parmi nous ce soir. Nous avons toujours plaisir à vous accueillir et à travailler avec vous, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que vous saurez faire preuve de la même disponibilité que lors des deux auditions de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à l’occasion de l’examen des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En revanche, permettez-moi de m’étonner que Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ait pas jugé indispensable d’être présente, d’autant que, pour la première fois, l’examen des crédits de la mission prendra pour partie la forme d’un débat spontané et interactif.
Au printemps dernier, Mme la ministre avait reporté plusieurs fois le rendez-vous pris pour son audition par la commission, s’agissant de la réforme du collège, sujet qui préoccupait nombre de nos collègues de tous les groupes. Son audition sur les crédits de la mission n’a quant à elle pu intervenir qu’entre dix-neuf et vingt et une heures, à la seule date qu’elle avait pu dégager sur son agenda. Le 12 octobre dernier, dans le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, le Gouvernement était représenté par Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Vous comprendrez donc, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, au nom de notre commission, je ne puis que déplorer cette accumulation de rendez-vous manqués, qui finit par traduire un manque de respect pour notre assemblée et, au-delà, une parfaite indifférence à l’égard du débat parlementaire.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. L’éducation est un sujet qui nous préoccupe tous, que le Président de la République a placé au premier rang de ses priorités et qui représente encore – je tiens à le souligner – le premier budget de la Nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Férat. Très bien !
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Enseignement scolaire
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
J'indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d'attribuer un temps de parole de sept minutes aux rapporteurs spéciaux, de trois minutes aux rapporteurs pour avis, puis de quarante-cinq minutes aux orateurs des groupes.
Le Gouvernement disposera ensuite de quinze minutes pour répondre aux commissions et aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions de deux minutes maximum chacune, avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des finances, pour une durée totale de quarante-cinq minutes.
La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis partagé entre, d’une part, le respect dû à la fatigue, si naturelle après ces longues séances de jour et de nuit, et, d’autre part, l’importance que revêt ce budget tant pour la nation – il s’agit de l’enseignement scolaire – que pour nos finances – quelque 67 milliards d’euros y sont consacrés.
Je dispose pour mon intervention d’environ une minute par dizaine de milliards d’euros… (Sourires.) J’essaierai donc d’être synthétique. Dans ces conditions, ceux qui ont la passion de l’enseignement, c’est-à-dire nous tous, mes chers collègues, j’en suis persuadé, me pardonneront de rester superficiel.
Le montant total de ces crédits pour 2016 s’élève donc à 67 milliards d’euros. Par rapport à l’année précédente, on constate une augmentation de 700 millions d’euros, soit 1 %. Néanmoins, si l’on retire du montant total les sommes affectées au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits à proprement parler consacrés à l’enseignement scolaire au sein de cette mission s’élèvent à 48 milliards d’euros.
La dépense intérieure d’éducation en France représente 6,1 % du PIB, soit la proportion moyenne que consacrent les pays membres de l’OCDE à l’enseignement. Nos voisins allemands y dévouent une part plus réduite de leur PIB – 5,1 % –, de même que l’Italie.
Il faut pourtant comparer ce qui est comparable : cette proportion dépend, d’une part, de l’importance du PIB par habitant, qui est supérieur en Allemagne, et, d’autre part, au nombre d’enfants relativement à la population totale, qui est inférieur en Allemagne. Dès lors, l’effort que nous consacrons à l’enseignement, s’il est significatif, correspond naturellement à la jeunesse de notre population.
Par ailleurs, la dépense de l’État, telle qu’elle est exprimée dans les crédits que nous examinons ce soir, correspond à une petite moitié du montant global de la dépense intérieure d’éducation. Le reste se répartit entre les collectivités territoriales, extrêmement sollicitées dans notre pays, les familles, naturellement, ainsi que, d’une façon minoritaire, sinon marginale, les entreprises.
Il nous faut examiner ce budget. Le jugement synthétique que je vais émettre à son sujet pourra sembler brutal, voire caricatural. Nous observons en effet, d’une part, des dépenses importantes, typiques d’un membre de l’OCDE et qui ont doublé en quinze ans, et, d’autre part, des résultats jugés plutôt médiocres par les enquêtes PISA ; du moins nous situons-nous, à cet égard, dans la seconde moitié de la classe des pays de l’OCDE.
En outre, notre système éducatif – cela constituera pour chacun d’entre vous, j’en suis persuadé, une préoccupation – est, en apparence, le système le plus conservateur des inégalités sociales entre les familles. Il semblerait que l’école, loin de les remettre en cause, perpétue ces inégalités. Voilà le bilan : médiocrité des résultats et conservatisme social du système scolaire français.
L’explication en est simple : nous dépensons trop dans le secondaire et pas assez dans le primaire. La dépense moyenne par élève est en effet globalement supérieure à celle des autres pays de l’OCDE : 10 450 dollars par an et par élève, toutes catégories confondues, contre 9 500 dollars pour les pays de l’OCDE, soit près de 1 000 dollars de plus. Dans le secondaire, l’écart atteint 2 000 dollars par élève. Je suis désolé de m’exprimer en dollars ; j’aurais pu convertir ces montants en euros, mais, comme l’euro se rapproche du dollar, les comparaisons s’en trouvent simplifiées.
En d’autres termes, le secondaire est « budgétivore », alors que le primaire est plutôt mal doté. Cela se constate d’ailleurs dans les taux d’encadrement, qui sont satisfaisants dans le secondaire, mais insuffisants dans le primaire.
En France, l’enseignement primaire est de qualité, mais supporte des charges plus élevées par enseignant. De plus, les enseignants du primaire ont, par rapport à la moyenne de leurs collègues européens, pour des pays comparables, des situations matérielles inférieures.
La Cour des comptes, d’une façon qui lui est propre, c’est-à-dire parfois contestable ou partielle, a d’ailleurs signalé le surcoût spectaculaire de la dépense par élève dans les lycées pour l’année qu’elle étudiait, à savoir une année de transition. Les lycées français, par la diversité de leur offre, leur taille, la dispersion géographique, ont des charges de fonctionnement extrêmement élevées.
Pour l’essentiel, c’est-à-dire à 92,35 %, ce budget est un budget de dépenses salariales. Il importe de rappeler que la dépense salariale de ceux qui sont en activité doit être comparée à la dépense salariale des retraites. Ainsi, dans ce budget, les retraites représentent 43 % de la dépense salariale des enseignants en activité.
Lorsque le Gouvernement annonce 10 850 emplois nouveaux en 2016, pour que la création globale depuis 2012 atteigne plus de 43 000 postes dans l’enseignement scolaire et que soit tenu tenir l’objectif de 55 000 emplois nouveaux annoncé lors de la campagne présidentielle – on ne peut pas lui reprocher de tenir ses engagements, même si ce ne sont pas les nôtres –, nous ne pouvons nier que ce but est quantitativement atteint.
Toutefois, cette politique quantitative s’opère assez vraisemblablement au détriment du qualitatif pour les enseignants, dont le pouvoir d’achat a diminué de 1 % en euros constants en 2013. En outre, on constate aujourd’hui de réelles difficultés de recrutement dans des matières stratégiques, comme l’anglais, les mathématiques ou le français.
Parmi les mesures prévues dans le projet de loi de finances pour 2016, nous sommes favorables aux efforts consentis en faveur de l’enseignement préélémentaire, de l’accueil des élèves handicapés et de l’internat. En revanche, nous sommes beaucoup plus dubitatifs en ce qui concerne le plan numérique à l’école.
Surtout, nous sommes sincèrement convaincus qu’il faudrait remettre en cause, d’une part, l’insuffisance des moyens du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, d’autre part, le Louvois de Grenelle, c’est-à-dire le système d’information de gestion des ressources humaines et des moyens de l’éducation nationale, qui, pour l’instant, fait sauter à peu près tous les compteurs des dépenses envisagées, sans pour autant aboutir à un résultat.
Sous réserve de l’adoption de ses deux amendements et de l'amendement de la commission de la culture, la commission des finances préconise l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, avec plus de 67 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, la mission « Enseignement scolaire » constitue, pour la deuxième année consécutive, le premier budget de la France. Ce budget s’inscrit dans la continuité des précédents exercices, qui visaient notamment à revenir sur une partie des 80 000 suppressions de postes décidées sous le précédent quinquennat.
Cette politique de coupes drastiques dans les effectifs s’était en effet traduite par un sentiment d’incompréhension au sein du corps enseignant, par une « souffrance ordinaire », comme l’a très justement rappelé Brigitte Gonthier-Maurin dans un rapport d’information en 2012.
La critique récurrente sur les prétendus « surnombres » dans l’éducation nationale me semble dépassée, les coupes franches intervenues dans les effectifs sous le précédent quinquennat y ayant plus que répondu. Ceux qui appellent à des diminutions d’effectifs sont d’ailleurs les premiers à critiquer la fermeture de classes dans leur commune, leur département ou leur région.
Je pense, pour ma part, que les créations de postes prévues dans le projet de loi de finances pour 2016 sont indispensables si l’on veut apporter une réponse aux besoins des élèves et des enseignants et contribuer à la réduction des inégalités sociales et à la résorption de la fracture territoriale.
Cependant, la crise du recrutement est sévère et révèle un phénomène profond et durable, qui ne doit plus être envisagé isolément comme le problème de telle ou telle académie.
Au mois de juillet dernier, le ministère a décidé de mettre fin au recrutement des emplois d’avenir professeurs à la rentrée de 2015, pour leur substituer des « masters en alternance ». Les étudiants perçoivent une rémunération en tant que contractuels, payés à temps plein, pour douze semaines dans des classes en responsabilité. Tout cela s’est fait dans une très grande discrétion, pour ne pas dire plus, et je veux profiter de ce débat budgétaire pour évoquer ce nouveau dispositif, sur lequel le budget est quasi muet.
Le Gouvernement a fait en 2012 le choix de mettre en place des emplois d’avenir professeur, plutôt qu’un véritable système de prérecrutement. Ce choix n’a pas permis de faire remonter le nombre des candidatures dans les disciplines déficitaires, notamment en mathématiques, et ce pour au moins deux raisons : il y avait dans ces disciplines peu de candidats satisfaisant aux conditions nécessaires pour devenir emploi d’avenir professeur et le travail exigé par ce statut ne permettait pas aux étudiants recrutés de réussir leurs études dans de bonnes conditions.
Depuis la rentrée dernière a été lancé un « master en alternance », expérimenté notamment dans l’académie de Créteil. Contractuels, ces « alternants » sont censés suivre un master 1 avec une semaine de stage en observation, puis douze semaines dans les classes en responsabilité, en remplacement d’enseignants titulaires. Seule une semaine de « pratique accompagnée » est prévue au début de l’année. Cette façon d’appréhender la formation, sans que l’étudiant ait plus de temps pour préparer son stage avec l’enseignant titulaire en charge de la classe et sans suivi, s’apparente davantage à du remplacement qu’à de la formation.
De plus, je m’inquiète de la diminution du nombre d’heures de formation pour ces « masters en alternance » – 268 heures –, soit une perte de 220 heures par rapport aux étudiants en master 1. Le risque est grand que ce dispositif ne rencontre les mêmes écueils. Surtout, il ne peut être l’unique réponse aux problèmes de recrutement. Je plaide donc de nouveau pour l’instauration de prérecrutements, dès la licence.
Par ailleurs, en matière de rémunérations, des efforts ont été consentis, mais on ne peut se satisfaire d’une situation où les enseignants ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de 1 % en 2013. L’amélioration des conditions matérielles des enseignants est un levier sur lequel on ne peut faire l’impasse pour relancer l’attractivité du métier.
J’en viens à la question de l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires. La minoration des crédits destinés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires me semble regrettable dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités et de surcoûts engendrés par les réformes du collège et des programmes. La sous-dotation de ce fonds tient aux hypothèses retenues. Le budget se fonde sur une hypothèse de 80 % de communes couvertes par un projet éducatif territorial. Nous sommes déjà à plus de 82 % : il manque donc environ 72 millions d’euros.
Enfin, l’an dernier, j’ai appelé votre attention sur les difficultés rencontrées par certains jeunes, notamment dans l’enseignement technique agricole, pour réaliser leur alternance, faute de formations proposées ou d’entreprises volontaires. J’ai pu constater sur le terrain que ces difficultés demeuraient, alors que, dans le même temps, certains métiers connaissaient une pénurie de main-d’œuvre.
Mes chers collègues, si ce budget apporte certaines réponses bienvenues, il me semble que celles-ci manquent trop souvent d’ambition. C’est pourquoi, pour l’instant, je m’abstiendrai sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », en attendant la discussion des amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec trois minutes pour un budget qui s’élève à 67,1 milliards d’euros, soit plus de 22 milliards d’euros par minute, cette intervention est sans doute la plus chère de l’histoire du Sénat ! (Sourires.)
La gravité de la situation m’interdit toute forme d’ironie, car j’étais prêt à abandonner ces trois minutes, tant il me paraît inconcevable de donner, en si peu de temps, un avis sur un budget aussi important pour l’avenir de nos enfants. À l’instar de Mme la présidente de la commission de la culture, je déplore l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale ce soir : sans doute a-t-elle des engagements plus importants que de venir présenter son budget devant la représentation nationale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Chiron. Une minute de perdue !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Une minute à 22 milliards d’euros ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir.
La transmission du savoir est le plus grand défi que nous devons relever. L’actualité en est malheureusement la triste illustration. C’est aussi parce qu’ils n’ont pas été éduqués et instruits que les auteurs des attentats du 13 novembre dernier ont été embrigadés et endoctrinés.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est parce qu’ils n’avaient pas les mots qu’ils ont commis le mal, qu’ils ont commis l’irréparable.
M. Charles Revet. Oui !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » augmentent de 700 millions d’euros. Les engagements en matière de créations de postes sont tenus : quelque 8 561 postes seront créés en 2016 dans l’éducation nationale. Faut-il s’en réjouir ? Je ne le crois pas.
En effet, cette politique du « toujours plus » ne résout rien. Les comparaisons internationales le montrent et la Cour des comptes l’a rappelé : l’effort financier que consent la France – il a doublé depuis 1980 et augmenté de 10 % depuis 2000 – est fondamentalement déséquilibré en faveur du secondaire, en particulier du lycée ; Gérard Longuet, rapporteur spécial, l’a souligné.
Nous dépensons beaucoup moins pour le primaire, alors que c’est à ce niveau que tout se joue : plus de la moitié des « décrocheurs » étaient en difficulté à l’issue du CM2, si ce n’est du cours élémentaire. Les résultats de notre système scolaire restent médiocres et ce budget s’inscrit dans la continuité parfaite des précédents.
Pourtant, il y a urgence. Remettons la maison à l’endroit en dégageant de véritables priorités, au premier rang desquelles l’apprentissage des fondamentaux à l’école primaire. Cela peut et doit se faire à moyens constants, par un véritable redéploiement des moyens de l’enseignement secondaire vers le primaire.
Quand les maîtres, monsieur le secrétaire d’État, seront-ils rémunérés au même niveau que leurs collègues du second degré ? Quand les directeurs d’école se verront-ils enfin reconnaître un véritable statut ? Quand le cadre de l’école primaire évoluera-t-il vers plus d’autonomie et de responsabilité ?
Quid de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, grands absents de ce budget ? La filière professionnelle, pourtant coûteuse, concentre une grande partie de l’échec scolaire, et ses résultats sont peu satisfaisants. Un travail important doit être mené pour rationaliser et adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises et réduire le nombre de spécialités. Votre objectif de former 60 000 apprentis dans l’éducation nationale en 2017 restera hors d’atteinte tant que l’apprentissage sera considéré comme une voie d’échec.
Plutôt que de faire porter l’effort sur ces priorités, votre ministère se lance tête baissée dans des réformes au bien-fondé contestable et dont l’État se décharge du financement sur les collectivités territoriales. C’est le cas de la réforme des rythmes scolaires, dont le fonds de soutien est manifestement sous-doté de 70 millions d’euros, ou du plan numérique à l’école, qui sera financé par les départements. Le précédent de la Corrèze et une récente étude de l’OCDE nous conduisent à nous interroger sur l’intérêt de ces investissements, au-delà de l’affichage politique.
Enfin, la rentrée de 2016 verra le renouvellement des manuels de la scolarité obligatoire. Vous prévoyez 150 millions d’euros en 2016, et autant en 2017, pour l’acquisition des manuels du collège. Très bien ! Toutefois, pas un centime n’est prévu pour les manuels de l’école primaire,…
M. Michel Savin. Ce sont les communes qui paieront !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … alors qu’aucun texte n’impose aux communes de prendre en charge leur renouvellement. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Vincent Eblé. Votre temps de parole est écoulé !
Mme Annie David. C’est terminé !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Je termine, madame la présidente.
Une dépense totale estimée à 240 millions d’euros reposera ainsi sur les communes, déjà asphyxiées par la baisse des dotations et par la réforme des rythmes scolaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Jacques Chiron. C’est fini !
Mme Annie David. Vous abusez !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. En conséquence, je vous proposerai un amendement visant à faire prendre en charge une grande partie de ce coût par l’État. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Vincent Eblé. C’est terminé ! On ne vous écoute plus !
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure ! Vous ne pouvez pas doubler votre temps de parole.
M. Michel Savin. Ce n’est pas la ministre qui va trop parler, c’est sûr… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement, ainsi que ceux qui seront présentés par notre collègue Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole des orateurs a été fixé conformément au nouveau règlement mis en place sur l’initiative de M. le président du Sénat. La majorité sénatoriale se doit de respecter les règles qui ont été instaurées, même si elles peuvent être frustrantes.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, puisque nous examinons les crédits de la mission « Enseignement scolaire », permettez-moi de faire un peu de pédagogie ! Je rappelle que la conférence des présidents a arrêté, de manière collective, le même schéma pour chacun, quel que soit son rôle.
Si nous ne parvenions pas à achever l’examen des crédits de cette mission à minuit trente, afin de nous permettre de respecter le programme de demain, je me verrais dans l’obligation de reporter la fin de nos travaux à vendredi matin, ce qui serait déplaisant.
J’invite donc chacun d’entre vous à faire un effort pour respecter le temps de parole qui lui est imparti et les rapporteurs pour avis à donner l’exemple ! Nous aurons le temps, lors du débat interactif et spontané, d’interroger M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.