M. Jacques Chiron. Très juste !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’ai bien entendu l’ensemble des interventions. Évidemment, j’en préfère certaines plus que d’autres. (Sourires.)
Selon moi, il serait dommage de rejeter un amendement qui ne vise pas à se substituer à la réforme générale des bases locatives ou au zonage, mais qui tient compte aussi du fait que les valeurs locatives et les impositions locales sont élaborées à partir de déclarations individuelles. Or nous savons que des points ne sont pas mentionnés dans ces déclarations et qu’elles comportent un certain nombre d’inexactitudes.
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Vincent Delahaye. Lorsque les plus-values ont été déclarées par les notaires – auparavant elles étaient auto-déclarées –, le produit a tout à coup augmenté de 50 % !
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Vincent Delahaye. Pour répondre à M. Raynal, je pense effectivement que les collectivités territoriales auront plus à gagner qu’à perdre.
M. Michel Bouvard. Effectivement !
M. Vincent Delahaye. C’est mon point de vue, qui n’est peut-être pas totalement partagé.
Quoi qu’il en soit, nous connaissons tous, dans nos communes ou nos territoires, un certain nombre de propriétés historiques ou de belles demeures dont les valeurs locatives sont extrêmement basses. À l’occasion d’une mutation, il ne me semble pas anormal que le nouveau propriétaire voit la valeur de son bien réévaluée au bon niveau.
Encore une fois, le dispositif proposé n’a pas vocation à se substituer à une réforme d’ensemble dont j’attends qu’elle avance et dont on nous parle depuis 2010. Les valeurs ont été référencées en 1970 – ce n’est pas d’hier !
Pouvoir s’interroger sur la valeur locative d’un bien et, le cas échéant, la corriger, au moment d’une mutation ou d’une succession peut nous permettre progressivement d’avancer dans le bon sens.
Aussi, je maintiens mon amendement. (MM. Jean-François Longeot et Michel Canevet applaudissent.)
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, vous aviez demandé l’avis du Gouvernement. Suivez-vous son avis défavorable ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vouloir profiter des mutations pour réviser la valeur locative ne me paraît pas antinomique avec une réforme globale. Sur le fond, je suis donc plutôt favorable à cet amendement.
Toutefois, deux problèmes se posent.
D’une part, la rédaction retenue me semble bloquante. Dire qu’aucune mutation ne peut intervenir sans que la valeur locative du bien n’ait été mise à jour risque de soulever une vraie difficulté.
D’autre part, l’adoption de ce dispositif risque d’aboutir à des disparités importantes sur un même palier. Sans doute faudrait-il prévoir un mécanisme en sifflet.
Cet amendement me paraît donc perfectible. Encore une fois, il s’agit d’une idée intéressante, qui mérite d’être creusée. Cette réflexion peut d’ailleurs être conduite parallèlement à une révision générale.
Ne pas profiter des transactions – nombreuses en France – pour réviser les valeurs locatives, c’est autant d’occasions manquées. Il faudrait simplement améliorer la rédaction de cet amendement et prévoir des mécanismes de lissage notamment pour éviter d’aboutir à des inégalités trop criantes dans un même immeuble.
Je suis quelque peu réservé sur cet amendement et je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Francis Delattre. Très bien, monsieur Delahaye !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 33 septies.
3
Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 4 décembre 2015, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
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Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 4 décembre 2015, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
– les effets de la représentation mutuelle des personnes soumises à imposition commune postérieurement à leur séparation (n° 2015–503 QPC) ;
– l’allocation de reconnaissance II (n° 2015–504/505 QPC) ;
– le respect du secret professionnel et des droits de la défense lors d’une saisie de pièces à l’occasion d’une perquisition (n° 2015–506 QPC) ;
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, nous allons examiner les articles 34 et 34 bis, appelés par priorité.
Article 34 (priorité)
I. – Le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à compter de 2018.
II. – La troisième partie du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° Après l’article 1649 quater B quater, il est inséré un article 1649 quater B quinquies ainsi rédigé :
« Art. 1649 quater B quinquies. – La déclaration prévue à l’article 170 et ses annexes sont souscrites par voie électronique par les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet.
« Ceux de ces contribuables qui indiquent à l’administration ne pas être en mesure de souscrire cette déclaration par voie électronique utilisent les autres moyens prévus au premier alinéa du 1 de l’article 173. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 1658 est ainsi rédigé :
« Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d’avis de mise en recouvrement. » ;
3° Le 2 de l’article 1681 sexies est ainsi modifié :
a) Le montant : « 30 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
b) Le montant : « 10 000 € » est remplacé par le montant : « 2 000 € » ;
c) Le montant : « 2 000 € » est remplacé par le montant : « 1 000 € » ;
d) Le montant : « 1 000 € » est remplacé par le montant : « 300 € » ;
e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au premier alinéa du présent 2, l’impôt de solidarité sur la fortune peut être acquitté par dation dans les conditions prévues à l’article 1716 bis. » ;
4° L’article 1738 est complété par des 4 et 5 ainsi rédigés :
« 4. Par dérogation au 1, le non-respect de l’article 1649 quater B quinquies entraîne l’application d’une amende forfaitaire de 15 € par déclaration ou annexe à compter de la deuxième année au cours de laquelle un manquement est constaté.
« 5. Par dérogation au 1, le montant de la majoration prévue au même 1, lorsqu’elle sanctionne le non-respect du 2 de l’article 1681 sexies, ne peut être inférieur à 15 €. »
III. – A. – Le 1° et le a du 4° du II s’appliquent :
1° Aux déclarations souscrites au titre des revenus de l’année 2015, lorsque le revenu de l’année 2014 du contribuable, au sens du 1° du IV de l’article 1417, est supérieur à 40 000 € ;
2° Aux déclarations souscrites au titre des revenus de l’année 2016, lorsque le revenu de l’année 2015 du contribuable, au sens du 1° du IV de l’article 1417, est supérieur à 28 000 € ;
3° Aux déclarations souscrites au titre des revenus de l’année 2017, lorsque le revenu de l’année 2016 du contribuable, au sens du 1° du IV de l’article 1417, est supérieur à 15 000 € ;
4° À compter des déclarations souscrites au titre des revenus de l’année 2018.
B. – Les a et e du 3° et le b du 4° du II s’appliquent aux paiements effectués à compter du 1er janvier 2016.
C. – Le b du 3° du II s’applique aux paiements effectués à compter du 1er janvier 2017.
D. – Le c du 3° du II s’applique aux paiements effectués à compter du 1er janvier 2018.
E. – Le d du 3° du II s’applique aux paiements effectués à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. L'amendement n° II–359, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, en précisant les types de revenus concernés, le traitement des dépenses fiscales correspondant à l’année d’imposition annulée en cas d’année blanche et le coût de la réforme pour l’État, les tiers payeurs et, le cas échéant, les contribuables
II. – Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La mise en œuvre du prélèvement à la source respecte les principes de progressivité, de conjugalisation et de familialisation de l’impôt sur le revenu, par l’application du mécanisme de quotient conjugal et familial.
Le Gouvernement présente également au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, les réformes alternatives au prélèvement à la source permettant de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous reprenons notre discussion avec le sujet tout à fait essentiel du prélèvement à la source, annoncé à compter de 2018.
Monsieur le ministre, je précise d’emblée que la commission des finances n’a pas d’opposition de principe à une réforme qui est mise en œuvre dans de nombreux pays européens.
Nous avions pourtant cru comprendre que « Bercy », jusqu’à aujourd’hui tout du moins, ne s’enthousiasmait pas à l’idée de cette réforme.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. « Bercy, Bercy, des hommes et des femmes… » (Sourires.)
Le rapport extrêmement intéressant du Conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, sur la fusion entre impôt sur le revenu et CSG, réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat, montre que le prélèvement à la source soulève beaucoup de difficultés.
Si je reconnais volontiers qu’un tel dispositif est déjà mis en œuvre dans la plupart des pays, il faut aussi dire les choses telles qu’elles sont : le prélèvement à la source n’est pas la solution miracle.
Entre la télédéclaration – je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux hommes et aux femmes qui gèrent cet outil informatique particulièrement fiable –, les prélèvements mensuels et la possibilité de moduler les prélèvements si on le souhaite, nous disposons d’un certain nombre d’outils qui permettent, notamment en cas de variation de revenu, d’avoir une imposition extrêmement simplifiée.
Par ailleurs, l’expérience montre que le prélèvement à la source ne dispense pas de toute obligation déclarative. En Allemagne, par exemple, les contribuables doivent procéder à des déclarations pour corriger d’éventuelles variations par rapport au prélèvement à la source.
Si le prélèvement à la source ne suscite pas de notre part d’opposition de principe, nous souhaiterions néanmoins compléter le contenu du rapport prévu à l’article 34 de ce texte, qui devra préciser les types de revenus concernés, le traitement des dépenses fiscales, le coût de la fameuse année blanche, le coût pour les tiers payeurs et, le cas échéant, pour les contribuables. Ces informations seraient utiles pour éclairer, notamment, la représentation parlementaire, en vue de la mise en œuvre de cette réforme.
Par ailleurs, nous souhaiterions que les solutions alternatives soient indiquées. Certaines figurent dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. D’autres systèmes permettent en effet d’éviter le fameux décalage entre l’année de perception des revenus et l’année de leur déclaration.
Enfin, nous sommes attachés à un certain nombre de principes, qui ne devraient pas être mis en cause par la réforme. Il nous paraît donc important de les rappeler, certains d’entre eux ayant d’ailleurs valeur constitutionnelle : il s’agit des principes de progressivité de l’impôt, de conjugalisation et de familialisation, ainsi que de l’application du mécanisme du quotient familial et conjugal.
À nos yeux, cette réforme ne doit pas être celle d’un clan contre un autre. C’est pourquoi nous souhaiterions être entendus par le Gouvernement sur ce sujet. Il s’agit de compléter l’information du Parlement sur une réforme tout à fait essentielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je veux d’abord remercier le Sénat de son travail en la matière. Il permet aujourd'hui à M. le rapporteur général, au nom de l’ensemble de la commission des finances, d’exprimer un avis positif sur un sujet d’intérêt général, à savoir la mise en œuvre du prélèvement à la source, lequel introduit une modification en profondeur et dans la durée de notre système fiscal.
Je le rappelle, le prélèvement à la source existe dans la quasi-totalité des pays. Si sa mise en œuvre a parfois pu poser certains problèmes, ceux-ci ont toujours été surmontés dans de très bonnes conditions.
Je veux également saluer, monsieur le rapporteur général, votre appréciation positive des mécanismes de télédéclaration. Il est nécessaire non pas d’y contraindre tout le monde, mais d’y inciter un nombre important de contribuables, avant tout dans leur propre intérêt.
Quant à l’amendement n° II–359, il est, de mon point de vue, satisfait par le texte que nous vous proposons. Le rapport présentera en effet les différentes options envisageables sur tous les grands sujets, et notamment ceux que vous avez évoqués.
Le Gouvernement n’étant pas à proprement parler favorable à cet amendement, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parle est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Pour ma part, je ne suis pas partisane, tout comme l’ensemble de mon groupe, de la retenue à la source. Le ministre le sait, puisque j’ai participé au groupe de travail sur la remise à plat de la fiscalité des ménages, qui avait été mis en place sous le gouvernement Ayrault.
De ce point de vue, je m’inscris dans la lignée d’un certain nombre de représentants de salariés qui considèrent que le fait de confier aux entreprises la gestion de l’impôt est préoccupant. Celles-ci seraient en effet amenées à connaître la situation familiale du salarié. Or, on le sait, dans le cadre d’une restructuration d’entreprise, on peut tout à fait utiliser de telles informations.
J’en viens à l’amendement n° II–359. M. le rapporteur général propose de compléter le rapport destiné à préparer la mise en place de la retenue à la source. Il souligne ainsi l’un des éléments clés du dossier, à savoir le devenir du quotient familial, sujet sur lequel je souhaiterais obtenir quelques informations. Ces dernières années, nous avons été amenés à discuter assez souvent de cette question, qui constitue une difficulté pour la retenue à la source. Doit-on comprendre que la prise en compte du quotient familial est destinée à disparaître ? Il y a là une vraie question. Je souhaiterais obtenir des précisions sur ce point.
Autre interrogation, dans une relation entre l’administration et l’entreprise ou une caisse de retraite ou l’organisme d’assurance chômage, quid de la confidentialité des informations ? Là aussi, des précisions devront être apportées. Je ne suis pas convaincue que la retenue à la source constitue un système plus efficace pour les salariés.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Ce débat a déjà eu lieu à de nombreuses reprises. À nos yeux, la retenue à la source fait partie des mesures de justice fiscale, puisqu’elle permet de rattacher le paiement de l’impôt aux revenus de l’année en cours et non pas à ceux de l’année précédente, ce qui résoudrait un certain nombre de difficultés liées aux changements de situation du contribuable.
Il s’agit également d’une importante mesure de simplification. La preuve en est que nous sommes le dernier pays en Europe à le mettre en place,…
M. Gérard Longuet. Et à avoir un régime présidentiel !
M. Richard Yung. Nous avons une belle Constitution mais ça ne suffit pas !
… tous les autres possédant un tel système depuis 1945.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La Suisse ne l’a pas !
M. Richard Yung. Parallèlement, cette réforme implique le développement de la déclaration en ligne et du télépaiement. C’est une bonne chose en soi, dans la mesure où ces évolutions facilitent et allègent le travail de la DGFIP, la direction générale des finances publiques.
Toutefois, il est important de le souligner, monsieur le ministre, la déclaration en ligne doit demeurer une possibilité et ne pas devenir obligatoire. Un certain nombre de personnes, en effet, ne peuvent pas ou ne souhaitent pas y avoir recours.
Je me permets également d’évoquer le problème des contribuables résidant à l’étranger, pour lesquels il conviendrait de trouver les solutions techniques qui s’imposent. Ils rencontrent en effet souvent des difficultés, notamment des problèmes de code.
La retenue à la source est une excellente mesure. Nous suivrons M. le rapporteur général, puisque, au travers de l’amendement qu’il a défendu, il facilite le travail.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Cet article constitue une première étape vers la mise en œuvre d’une partie de l’engagement n° 14 du candidat François Hollande – « un prélèvement simplifié sur le revenu ». Toutefois, cet engagement allait plus loin, en portant d’abord sur « la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG ».
Même si le Gouvernement s’en défend officiellement, c’est bien le risque lié à la mise en place du prélèvement à la source. Une telle fusion entraînerait en effet de facto la progressivité de la CSG, au détriment des classes moyennes et supérieures, sur lesquelles, encore une fois, reposerait l’essentiel du poids fiscal.
De ce point de vue, l’article 34 bis que nous examinerons dans quelques instants ne nous rassure pas.
La situation pourrait devenir absolument insupportable pour ces Français, tant la fiscalité serait alors concentrée. Je le rappelle, la CSG pèse environ 90 milliards d’euros, contre 70 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu.
De la même façon, la conjugalisation et la familialisation ne sauraient être remises en question par la réforme. Là encore, ce sont les familles, avec les classes moyennes, qui ont subi de plein fouet le choc fiscal du quinquennat Hollande.
Les précisions apportées par l’amendement du rapporteur général vont dans le bon sens, car elles contraindraient le Gouvernement à expliciter davantage le sens dans lequel il compte orienter sa réforme. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains le votera, tout en espérant que M. le ministre nous apportera des précisions sur la réforme annoncée.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. La télédéclaration et le paiement par internet sont des réformes déjà très largement engagées. Elles produisent un certain nombre d’effets positifs, dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Le Gouvernement propose, au travers de cet article 34, de donner, avec le prélèvement à la source, une nouvelle dimension, en adoptant un rythme relativement lent, puisque l’horizon de la réforme est fixé à 2018, à la modernisation de la fiscalité. Demeurent toutefois un certain nombre d’obstacles techniques que nous avons tous en tête. Si je ne qualifie pas cet article 34 d’article d’appel, j’estime qu’il est surtout d’ordre déclaratif.
Certaines questions doivent être examinées avec le Parlement. C’est d’ailleurs l’optique, me semble-t-il, évoquée tout à l’heure par M. le ministre. Je pense notamment à la question du coût, pour les entreprises, ainsi qu’à la confidentialité des informations que l’employeur pourrait être amené à connaître sur la vie du salarié, ses autres revenus ou la composition de sa famille.
Si nous sommes d’accord avec l’idée générale qui guide cette réforme, nous pensons que le Parlement devra avoir l’occasion de revenir sur tous ces points.
Après avoir entendu M. le ministre, je me pose la question : s’agit-il de la promesse présidentielle, qui est au quart tenue, ou de l’idée d’un travail collaboratif avec le Parlement ? J’espère que la seconde option prévaudra.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, compte tenu des opinions exprimées, je retire ma demande de scrutin public !
M. François Marc. Comme l’a précisé Richard Yung, notre groupe est bien sûr favorable tant à la proposition de réforme concernant le prélèvement à la source qu’à l’amendement qui nous est soumis.
En effet, ces deux préoccupations font suite au travail entrepris par la commission des finances depuis maintenant deux ou trois ans sur la question de la réforme fiscale, la modernisation de la fiscalité.
À la suite des préconisations formulées par le Conseil des prélèvements obligatoires, que nous avions saisi, nous estimons nécessaire d’examiner de près la question d’une imposition l’année où on touche ses revenus. C’est la raison pour laquelle il semble opportun d’avoir une vision plus large des options qui s’offrent à nous. L’imposition des revenus courants, telle que définie par le Conseil des prélèvements obligatoires, peut apparaître comme une solution alternative, qu’il est important d’avoir à l’esprit. C’est pourquoi cet amendement se justifie parfaitement.
MM. Jacques Chiron et Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. À la suite des différentes interventions, je souhaite apporter quelques éléments de réponse.
Au fond, le prélèvement à la source et la télédéclaration sont deux sujets distincts, qui ne relèvent pas d’une argumentation unique.
La principale qualité du prélèvement à la source – je n’ose pas dire sa seul qualité, mais cette qualité suffit à elle seule –, c’est de mettre en adéquation le moment du paiement de l’impôt et le moment du paiement des revenus, pour en finir avec une situation que nous connaissons tous.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Ainsi, l’année où l’on est au chômage, il faut payer par rapport à l’année où l’on avait un bon revenu. L’année de la retraite, il faut payer par rapport à la dernière année de travail. Ce décalage dans le temps est préjudiciable à toutes les catégories de contribuables. Nous voulons donc y remédier.
Cela signifie, madame Deromedi, que le prélèvement à la source n’est ni une réforme de l’impôt, ni bien sûr la fin du quotient familial. En effet, le quotient familial peut parfaitement être adapté au prélèvement à la source, comme c’est le cas dans plusieurs pays, avec la conjugalisation ou la familialisation.
Par ailleurs, il ne s’agit pas – c’est un autre débat ; peut-être aura-t-il lieu dans quelques instants ? – de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG. Dans de nombreux pays, il existe en effet deux types de prélèvements sur les revenus.
Concernant la télédéclaration, l’appréciation globale est très positive. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, pour les compliments adressés aux services qui mettent en œuvre ces dispositifs, qui fonctionnent très bien. J’utilise désormais moi-même exclusivement les démarches en ligne.
Elles ont des avantages : le paiement par internet donne droit à une dizaine de jours de trésorerie supplémentaires. Ça tombe bien puisque la date du prélèvement passe, grosso modo, du 15 au 25 ou 26 du mois et que, entre-temps, pour beaucoup de Français, intervient précisément le versement de la paye ou du revenu.
Ces remarques peuvent paraître anecdotiques, mais il s’agit en réalité d’un sujet de grande importance, qui a des conséquences sur l’amélioration de la vie des contribuables.
Il est évidemment prévu – cela répond à certaines préoccupations – que la dématérialisation de la déclaration se fasse de manière progressive, sur trois ans : l’obligation de déclaration en ligne s’appliquera d’abord aux revenus les plus élevés, avant d’être progressivement généralisée, en l’espace de deux déclarations.
Par ailleurs, l’obligation est seulement relative : il existe une case à la libre disposition du contribuable, qui lui permet de déclarer « ne pas être en mesure de » souscrire sa déclaration par voie électronique, soit parce qu’il n’est pas abonné à internet, soit parce que la zone où il réside est une zone dite « blanche », soit parce qu’il vit à l’étranger dans des conditions qui l’empêchent de faire cette déclaration en ligne dans de bonnes conditions.
J’estime donc que ce système est véritablement très incitatif, au bon sens du terme, et qu’il permet de prendre en compte la singularité des situations de chacun, y compris en cas de difficulté dans le maniement d’internet.
Voilà les éléments que je voulais produire à l’appui de ces deux réformes, qui sont des réformes bienvenues de modernisation de l’impôt, qui nous mettront au même niveau que la plupart des autres pays européens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)