Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, François Fortassin, Mme Catherine Tasca.
2. Modification de l’ordre du jour
3. Saisine du Conseil constitutionnel
4. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
5. Lutte contre le crime organisé et le terrorisme. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Explications de vote sur l’ensemble
Ouverture du scrutin public solennel
Suspension et reprise de la séance
Proclamation du résultat du scrutin public solennel
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
Suspension et reprise de la séance
6. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Marie-Christine Blandin ; Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité.
Mme Cécile Cukierman ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Bricq ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Mme Élisabeth Doineau ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Mme Élisabeth Doineau.
Mme Patricia Morhet-Richaud ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
arménie – azerbaïdjan : situation du haut-karabagh
M. Michel Amiel ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
M. Richard Yung ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
dotation financière des communes
Mme Anne Chain-Larché ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
conditions d'abattage des animaux
M. Alain Fouché ; M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; M. Alain Fouché.
Mme Claire-Lise Campion ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Suspension et reprise de la séance
7. Organisme extraparlementaire
M. André Reichardt ; M. le président.
9. Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
10. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
11. Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 69 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 60 rectifié de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 61 rectifié de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 3 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 62 rectifié de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 5 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 1er bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 40 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Retrait.
Amendement n° 7 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié bis de M. Claude Kern. – Rejet.
Amendement n° 49 de M. Didier Marie. – Rectification.
Amendement n° 49 rectifié de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié bis de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié bis de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié de M. Claude Kern. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 41 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 50 de M. Didier Marie. – Adoption par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 67 rectifié bis de M. Didier Mandelli. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 68 rectifié bis de M. Didier Mandelli. – Retrait.
Amendement n° 37 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 52 de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 51 de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 8 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 9 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 19 rectifié sexies de M. Michel Savin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 53 de M. Didier Marie. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Retrait.
Amendement n° 10 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 11 de Mme Christine Prunaud. – Adoption.
Amendement n° 54 de M. Didier Marie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Devenu sans objet.
Amendement n° 16 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 23 rectifié sexies de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° 55 de M. Dominique Bailly. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 47 rectifié de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° 44 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 66 rectifié de M. Didier Mandelli. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 6
Amendement n° 14 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 70 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. François Fortassin,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 31 mars a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 4 avril, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs le soir du mercredi 6 avril, au lieu de ce soir ; des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires le jeudi 7 avril à dix-huit heures trente, au lieu de ce soir.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
3
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2016, en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, d’un recours aux fins de constater que certaines dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Décisions du conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 1er avril, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé pour les conséquences dommageables d’actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins (n° 2016-531 QPC) ; la composition de la formation collégiale du tribunal correctionnel du territoire des îles de Wallis-et-Futuna (n° 2016-532 QPC).
Acte est donné de ces communications.
5
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (projet n° 445, texte de la commission n° 492 rectifié, rapport n° 491, tomes I et II, avis nos 476 et 474).
Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps de parole attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après plusieurs jours de débat sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, voici l’heure du bilan.
Le Sénat aura-t-il marqué ce texte, une fois que nous l’aurons adopté ? Sans hésitation, oui ! De fait, grâce au travail que la commission des lois a mené pendant plusieurs mois sous la houlette de son président, Philippe Bas, et au travail tout aussi important accompli, avec une grande motivation, par son rapporteur, Michel Mercier,… (MM. Jean-Pierre Raffarin, Éric Doligé et Jean-Paul Emorine applaudissent.)
MM. Gérard Dériot et Hubert Falco. Très bien !
M. François Zocchetto. … nous avons ouvert la voie à des avancées importantes dans deux domaines : la sauvegarde des libertés individuelles – principe cher au Sénat – et l’amélioration de l’efficacité de la procédure pénale dans la lutte contre le terrorisme.
En définitive, le projet de loi sur lequel nous nous apprêtons à voter est plus équilibré, plus précis ; en un mot, meilleur.
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à saluer l’attitude constructive du Gouvernement… sur ce texte. La précision est utile,…
M. Roger Karoutchi. En effet !
M. François Zocchetto. … car il n’aura échappé à personne que la semaine de travail que nous venons de passer avec vous contraste avec la précédente, qui a vu l’échec de la révision constitutionnelle. Je dois dire, à cet égard, que l’attitude du Gouvernement et du Président de la République ont laissé un goût amer. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
La lutte contre le terrorisme comporte de nombreuses facettes et la réforme constitutionnelle, voulue par François Hollande, faisait partie du dispositif d’ensemble. Dans ces conditions, comment ne pas être déçu par cet échec ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Les choses avaient pourtant bien commencé. Souvenez-vous, mes chers collègues : à Versailles, nous étions tous debout pour applaudir le Président de la République. Tout cela pour voir le projet de révision s’essouffler, à l’image d’une majorité que certains commentateurs se sont plu à décrire comme à bout de souffle…
M. Jean-Louis Carrère. Le projet a été victime des primaires à droite !
M. François Zocchetto. Je tiens à répéter, en réponse aux propos tenus dans cet hémicycle la semaine dernière par M. le Premier ministre lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, que le Sénat ne peut être tenu pour responsable de cet échec. (Marques d’approbation sur de nombreuses travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) En effet, la majorité sénatoriale a travaillé sérieusement sur ce projet et elle l’a fait sur la base de la parole du Président de la République au Congrès ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. Sur la base de la guerre Sarkozy-Fillon ! C’est cela, votre obsession !
M. Hubert Falco. Pour une fois que nous voulons suivre le Président de la République !
M. François Zocchetto. J’en arrive à me demander ce que le Gouvernement et le Président de la République attendaient du Sénat. Si c’était pour lui demander un vote conforme, il fallait le dire tout de suite ! Nous nous serions épargné des débats difficiles.
Sur le projet de loi constitutionnelle, le Sénat a adopté son propre texte. Et après ? C’est bien l’objet de la navette parlementaire que de permettre la poursuite du travail.
La réalité est étonnante : le Gouvernement semble vouloir reporter sur le Sénat les errements d’une majorité si divisée que le Président de la République s’en méfie !
Moyennant quoi le Premier ministre est conduit, comme il l’a fait dans cet hémicycle la semaine dernière, à soutenir des raccourcis malheureusement grossiers, voire faux juridiquement. Ainsi ne puis-je pas passer sous silence l’idée que, parce que nous n’aurions pas voté la révision constitutionnelle, le sort du terroriste Abdeslam n’aurait pas pu être scellé. Faut-il rappeler ce principe élémentaire, à savoir que le droit pénal n’est pas rétroactif ? Il n’est pas sérieux de la part du Premier ministre d’avoir voulu faire croire qu’à cause du Sénat ce terroriste ne pourrait pas être puni !
Mme Catherine Troendlé. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Quand parlerez-vous du projet de loi en discussion ?
M. François Zocchetto. Toujours est-il que, comme je l’ai toujours pensé, les dispositions que nous nous apprêtons à voter sont bien plus importantes et seront bien plus efficaces pour améliorer la sécurité des Français que toute réforme constitutionnelle. Je pense en particulier aux perquisitions de nuit, à la lutte contre le financement du terrorisme et à la lutte contre le trafic d’armes. Nous voilà dans le concret, dans le quotidien des forces de sécurité et des magistrats qui luttent tous les jours contre les terroristes et la criminalité organisée !
Dans la continuité de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste que nous avons adoptée au mois de février dernier – excellente initiative à laquelle a participé le président de notre commission des lois, Philippe Bas – ainsi que des travaux de cette commission, les débats en séance ont permis d’introduire deux innovations essentielles, à savoir les nouveaux délits sanctionnant la consultation habituelle de sites terroristes et le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes. Je crois sincèrement que ces deux infractions sont indispensables.
Le débat en séance publique a été riche, notamment lorsque nous avons abordé la question essentielle de la perpétuité réelle pour les auteurs de crimes terroristes. Nous avons soutenu l’amendement présenté par Michel Mercier visant à encadrer très strictement les conditions dans lesquelles le tribunal d’application des peines pourrait examiner les demandes de relèvement de période de sûreté. Cet assouplissement ne pourra être octroyé qu’à titre exceptionnel, seulement après une période minimale d’incarcération de trente ans et, surtout, après qu’aura été recueilli l’avis des parties civiles et obtenu l’aval d’une commission spéciale composée de magistrats expérimentés. C’est ce que nous voulions et je pense que c’est ce que souhaitent les Français.
Le texte issu de nos travaux a donc été largement enrichi ; nous le soutiendrons.
Une dernière étape s’annonce, qui sera décisive : la commission mixte paritaire. Compte tenu de l’ampleur du projet de loi et de la complexité des questions, l’exercice ne sera pas simple. Nous comptons sur les représentants du Sénat au sein de cette commission mixte paritaire pour être aussi vigilants que possible et préserver au maximum tous les apports de notre assemblée.
Je tiens en particulier à souligner que le Sénat est enfin parvenu à adopter un dispositif permettant de mettre fin au monopole de Bercy en matière de poursuite pour fraude fiscale. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC.) C’est là une avancée majeure, qui permet d’en finir avec ce que l’on appelle le « verrou de Bercy » en la matière et, ainsi, faciliter la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale, par la voie pénale. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. François Zocchetto. Il s’agit d’une proposition formulée de longue date par les sénateurs centristes, notamment par Nathalie Goulet. Je remercie Michel Mercier d’avoir bien voulu la soutenir en tant que rapporteur. J’espère que, sur cette question tout particulièrement, la commission mixte paritaire nous donnera raison ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Où était-il ?
M. le président. Je le sais, moi, mais je ne vous le dirai pas ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est le camp Fillon, c’est bien cela ?
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier notre rapporteur du travail considérable et, à vrai dire, tout à fait excellent qu’il a accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Michel Mercier, qui suit la mise en œuvre de l’état d’urgence depuis que celui-ci a été instauré, a également accompagné notre travail sur le projet de loi constitutionnelle, avant d’assumer la responsabilité du rapport sur le présent texte, dont sortira une loi qui fera franchir à notre pays un palier dans la lutte contre le terrorisme.
La lutte contre le terrorisme nous réunit une fois de plus cet après-midi, après le drame de Bruxelles et les événements tragiques que nous avons connus dans notre pays l’an dernier. Dans cette lutte, nous pouvons marquer notre reconnaissance aux forces de l’ordre et aux magistrats français, qui sont sur le front.
Le Sénat a souhaité rendre le projet de loi plus sévère et plus efficace, dans le respect, bien sûr, de l’état de droit et des libertés fondamentales, exigence à laquelle nous ne nous dérobons jamais.
Nous avons répondu présent dans la lutte contre le terrorisme lors de l’examen des textes dont sont issues la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions et la loi du 19 février 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. (M. Roger Karoutchi opine.) Nous répondons présent aujourd’hui encore avec ce texte très important.
Il s’agit pour nous non pas de réagir à l’émotion de nos concitoyens, mais de répondre à l’expérience des forces de sécurité et des juges, confrontés à la difficulté du travail d’identification des réseaux, de réunion des preuves et d’arrestation des coupables. Ils nous disent que les formes du terrorisme évoluent et se diversifient, que les moyens technologiques utilisés par les terroristes ne cessent de s’enrichir et que l’intensité des crimes que ceux-ci commettent ne cesse, à l’évidence, de s’aggraver.
En vérité, le travail des policiers, des gendarmes et des juges a fait apparaître des angles morts dans notre code de procédure pénale, qu’il est temps de combler.
Ce projet de loi vise à renforcer les pouvoirs des procureurs, après ceux des services de renseignement par la loi du 24 juillet 2015. Pour nous, il s’agit évidemment de leur donner à la fois des moyens de surveillance et les moyens d’obtenir des informations dont ils ne disposent pas, autant de moyens que nous avons attribués à la police et aux autres services de renseignement, notamment pour la captation à distance de données ou pour l’utilisation d’appareils tels que les IMSI-catchers.
Il s’agit aussi de respecter l’exigence de continuité des enquêtes en garantissant aux procureurs de ne pas en être dessaisis de manière prématurée au profit d’un juge d’instruction, comme cela a trop longtemps été le cas. C’est très important. En effet, jusqu’alors, seuls les juges d’instruction disposaient des pouvoirs que nous donnons désormais aux procureurs.
Grâce à l’apport du Sénat – il convient de le souligner –, le texte reconnaît désormais de nouvelles infractions, qui devront être sévèrement punies. C’est le cas des voyages sur des sites d’entraînement au djihad ou de la consultation régulière, et sans motif légitime, de sites internet incitant aux crimes terroristes. Nous avons également décidé de criminaliser un certain nombre de délits terroristes qui n’exposent aujourd’hui leurs auteurs qu’à des peines de dix ans de prison ; de tels délits pourront désormais donner lieu à des peines de quinze ans de prison, avec des circonstances aggravantes.
Lors de nos travaux, nous avons naturellement écarté la possibilité de la contrainte pénale, disposition créée par la loi de Mme Taubira, pour tout ce qui se rapporte au terrorisme. Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, nous avons allongé la période de sûreté au maximum, c’est-à-dire à trente ans. Nous avons aussi décidé de créer un délit pour les entreprises qui refuseraient de fournir les clés de décryptage et entraveraient ainsi le déroulement des enquêtes.
L’exécution des peines est également rendue plus sévère.
Ce texte interdit d’abord tout aménagement de peine pendant la durée d’incarcération des condamnés. Il prévoit ensuite la mise en œuvre d’une procédure visant à empêcher toute libération d’un terroriste condamné à la réclusion à perpétuité après l’achèvement de sa période de sûreté, laquelle, je le rappelle, a été étendue à trente ans. Est inscrit enfin le principe de la rétention de sûreté pour les personnes condamnées à des peines inférieures à la perpétuité, une fois que celles-ci auront purgé leur peine. Je rappelle que cette mesure ne s’applique aujourd’hui qu’aux criminels sexuels ayant été diagnostiqués malades psychiques.
En outre, ce texte renforce les pouvoirs de police de deux manières. D’une part, il prévoit l’assignation à résidence et un certain nombre de contraintes pour tout individu rentrant de sites d’entraînement au djihad. D’autre part, il crée une mesure de rétention de quatre heures pour tous ceux qui, à la suite d’un contrôle d’identité, mériteraient de voir vérifiées certaines informations les concernant, notamment par la consultation d’un certain nombre de fichiers. En effet, quand on parvient à tomber sur de tels individus au cours d’un contrôle d’identité, on ne veut pas les laisser disparaître dans la nature !
M. Charles Revet. Heureusement !
M. Philippe Bas. On préfère – et c’est heureux ! – chercher à déterminer s’il existe des raisons de les placer en garde à vue et de les arrêter.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous recommande d’adopter ce texte, beaucoup plus sévère que celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « l’état d’urgence […] montre son efficacité, même s’il ne peut pas être un état permanent. C’est pourquoi un projet de loi est discuté en ce moment même au Parlement ». Ainsi s’est exprimé le Président de la République mercredi dernier, en annonçant la fin des débats sur le projet de loi visant à constitutionnaliser l’état d’urgence.
De tels propos clarifient les tenants et les aboutissants du texte sur lequel nous sommes aujourd’hui appelés à voter : ce projet de loi joue le rôle de relais à l’état d’urgence, qui prend fin le 26 mai prochain, soit quinze jours avant l’Euro 2016.
En même temps qu’il renonçait à la révision constitutionnelle et aux dérives sécuritaire et identitaire auxquelles elle conduisait, le Gouvernement est parvenu à faire passer dans notre droit commun des mesures directement issues de l’état d’urgence, et ce au terme de quelques jours de débat à peine, après avoir engagé la procédure accélérée.
Pourtant présenté comme un texte distinct des lois précédentes, cet énième projet de loi antiterroriste, initialement centré sur des mesures visant à alléger la procédure pénale, reprend des dispositions similaires à celles qui figuraient dans l’avant-projet de loi d’application de la révision constitutionnelle pour les introduire dans le droit commun. Il en est ainsi de la mesure relative à la rétention administrative de quatre heures sur simple soupçon.
Alors même que le Gouvernement n’a toujours pas pris de dispositions protectrices – comme celles que nous avons proposées par voie d’amendement – pour répondre aux condamnations prononcées contre l’État pour contrôles discriminatoires au faciès, cette mesure de police contribuera à aggraver les situations et à dégrader la confiance que les citoyens placent quotidiennement dans les forces de l’ordre.
Avec ce projet de loi, une salve d’autres mesures sécuritaires et attentatoires aux libertés publiques a été adoptée.
Désormais, les parquets seront en droit d’ordonner des perquisitions de nuit, prérogative jusqu’alors réservée aux juges. Les procureurs et les juges d’instruction seront autorisés à utiliser de nouvelles méthodes de surveillance, telles que les IMSI-catchers et la captation de données.
M. Philippe Bas. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Les règles relatives à l’engagement armé des policiers sont assouplies.
Bien sûr, la droite sénatoriale a marqué ce texte de son sceau en s’appliquant à durcir davantage notre dispositif préventif et répressif.
M. Hubert Falco. Eh oui ! Et elle a eu raison !
Mme Cécile Cukierman. Elle a ainsi contribué à l’adoption de plusieurs mesures aggravantes, telles que la pénalisation de la consultation régulière de sites incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie, mesure figurant déjà dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste déposée par M. Bas au mois de février dernier. La presse spécialisée elle-même s’interroge, évoquant une inquisition moderne. Comme si le blocage, le filtrage et l’interdiction de la consultation de tels sites représentaient la voie royale pour prévenir le terrorisme !
Malgré les graves distorsions que cette évolution introduit dans l’échelle des délits et des peines, la criminalisation de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste constitue une autre des mesures adoptées dans le projet de loi. Y figurent aussi la création d’une période de sûreté spéciale applicable à tous les crimes terroristes, y compris ceux qui ne sont pas punis de la réclusion criminelle à perpétuité, et surtout la possibilité donnée à la cour d’assises, lorsque le crime terroriste est passible de la prison à vie, soit d’allonger la période de sûreté à trente ans – contre vingt-deux ans actuellement –, soit de décider qu’aucune mesure d’aménagement de peine ne pourra être accordée : le principe de la perpétuité dite « incompressible » est ainsi inscrit dans la loi !
Évidemment, le Sénat a rejeté l’amendement que nous avions déposé et qui visait à supprimer cette disposition. Vous vous y êtes d’ailleurs également opposé, monsieur le garde des sceaux, déclarant que « le Gouvernement [était] conscient qu’en cette période il [fallait] durcir un certain nombre de sanctions ».
Pour notre part, nous considérons que la période n’est pas à la surenchère sécuritaire et démagogique ! Ces mesures concernant notamment la perpétuité réelle et la rétention de sûreté sont extrêmement graves : elles viennent entacher nos droits fondamentaux et mettre en péril le socle même du droit pénal français.
L’ensemble de ces mesures seront non seulement inefficaces au regard de l’objectif que le texte cherche à atteindre, à savoir la lutte contre Daech, mais surtout inapplicables, compte tenu des moyens dérisoires alloués à la justice. Quelle logique y a-t-il à aggraver les délits et étendre le quantum de la sanction pénale quand on sait que les tribunaux ne sont pas en mesure de suivre la cadence ?
Et quand bien même les finances publiques seraient au beau fixe, il faudrait tâcher de s’en servir à bon escient, ce dont nous ne pouvons que douter quand on voit le projet de société que vous nous proposez !
Nous le répétons : tous les moyens doivent être mis en œuvre pour les programmes de réinsertion, le milieu associatif, en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de la culture.
Bien entendu, nous devons renforcer nos services de renseignement et revaloriser de manière importante et urgente la justice, fille pauvre de notre République ! Nous devons aussi repenser notre politique publique de sécurité : elle doit être plus équilibrée et davantage en phase avec une réelle politique publique de la prévention, ainsi qu’avec le contexte international – nos choix diplomatiques – et national – nos choix sociétaux.
Le groupe communiste républicain et citoyen le répète : ne tombons pas dans le piège tendu par les obscurantistes. C’est la liberté et le combat social qui permettront à la République de triompher !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre ce projet de loi. Alors que nous assistons à la banalisation de l’état d’urgence, nous observerons la plus grande vigilance lorsque ces mesures sécuritaires, inédites dans notre démocratie, viendront à s’appliquer ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voterons dans quelques instants – je l’espère – en faveur d’un texte qui montre la détermination du Gouvernement à lutter non seulement contre le terrorisme, mais également contre le crime organisé, deux formes de criminalités d’ailleurs souvent liées.
Mes chers collègues, nous nous accordons tous sur l’objectif. Nous sommes tous convaincus qu’il faut donner à la police, aux forces de l’ordre et à la justice les moyens de lutter contre le terrorisme.
Ce projet de loi a fait l’objet d’un large accord à l’Assemblée nationale, puisqu’il a été adopté par 474 députés !
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je dois reconnaître que les travaux qui ont été menés sur ce texte l’ont été avec pragmatisme et que des échanges très constructifs ont eu lieu aussi bien en commission que dans l’hémicycle. J’invite donc mon groupe à voter en faveur de ce texte, même si tous les articles qu’il comporte ne recueillent pas notre soutien ; j’y reviendrai.
Ce texte répond avant tout à la nécessité de donner davantage de moyens aux forces de l’ordre et à la justice pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, et ce – je tiens à le réaffirmer – dans le respect de notre État de droit.
En premier lieu, nous devons évidemment tenir compte des évolutions liées au développement de l’informatique, des réseaux et des moyens de connexion.
Il est en effet indispensable de permettre aux forces de l’ordre d’utiliser ces moyens modernes et, pour ce faire, monsieur le garde des sceaux – je le dirai aussi au ministre de l’intérieur –, il faut leur attribuer des moyens financiers.
Il convient aussi de se défendre contre les méthodes nouvelles auxquelles ont recours les réseaux terroristes, qui en font très bon usage, pour mettre en œuvre leurs intentions criminelles. Il est donc nécessaire de lutter non seulement contre la cybercriminalité, mais aussi contre le trafic d’armes, autre enjeu important de ce combat.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez cru devoir créer une infraction relative à la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme. Sur ce sujet, il faut être clair : nous ne souhaitons pas du tout encourager la consultation de ces sites. Cependant, pour nous, la vraie question est de savoir si cette nouvelle infraction, qui contribue à vous donner une image plus sécuritaire, est véritablement utile ou si elle ne risque pas, au contraire, d’empêcher les tribunaux de statuer sur le fondement d’infractions plus répressives, sans compter qu’il faut se donner les moyens de détecter ces infractions et de poursuivre leurs auteurs ! Par conséquent, ne glosons pas sur cette question, de nature essentiellement technique.
En second lieu, nous devons tenir compte de l’internationalisation du terrorisme et du crime organisé.
C’est la raison pour laquelle nous avons adopté – ce qui était loin d’être évident ! – la proposition du ministre de l’intérieur d’organiser des rétentions administratives, disposition précédemment amendée par l’Assemblée nationale.
Nous avons accepté que le pouvoir de police administrative soit renforcé en matière de contrôle. En effet, nos forces de l’ordre doivent pouvoir accéder, lors de l’arrestation d’un individu, à des informations provenant de l’étranger, plus particulièrement d’Europe, dont il faut attendre une meilleure organisation.
Nous avons également donné notre accord pour qu’il soit désormais possible de retenir et d’assigner à résidence un individu qui revient de théâtres d’opérations terroristes. Sur ce sujet, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez là aussi décidé de créer une nouvelle infraction, qui a donné lieu à un débat nourri. Là encore, l’enjeu n’est pas simplement de savoir s’il faut durcir ou non les peines : on peut ajouter des infractions à l’excès ! La vraie question est de savoir si elles sont véritablement utiles et efficaces.
N’oublions pas non plus, mes chers collègues, que nous avons passé du temps sur des articles relatifs au blanchiment d’argent. Ces articles sont importants, parce que cela vaut la peine de s’attaquer avec fermeté au problème du financement du crime organisé et du terrorisme, au moment précis où l’on parle de réseaux et de sociétés offshore. À ce sujet, monsieur Zocchetto, nous verrons si ce que vous avez obtenu en la matière a un avenir. Il n’est pas impossible que cela soit intéressant !
Répondre au terrorisme, oui, mais dans le respect des règles de la démocratie !
Monsieur le rapporteur, nous avons veillé à ce que chacun ait droit à un procès équitable. À l’heure où l’on renforce le rôle des procureurs de la République, ce qui constitue un nouveau mode d’organisation nécessaire notamment pour lutter contre le terrorisme, la cybercriminalité et le crime organisé, il nous faut des garanties ! Celles-ci résulteront de l’indépendance des procureurs – disposition qu’il faut parvenir à faire voter dans le cadre d’une future révision constitutionnelle –, de l’introduction de la procédure contradictoire à un stade déterminé de l’enquête préliminaire et du renforcement du rôle du juge des libertés et de la détention.
Enfin, si elle ne doit pas nous faire peur, la pénalisation ne peut pas constituer un instrument pouvant dissuader les terroristes. En réalité, ceux qui sont prêts à donner la mort en se la donnant à eux-mêmes ne seront jamais impressionnés par l’aggravation des peines. Certes, chers collègues de la majorité sénatoriale, il est sans doute utile d’y avoir recours, mais vous oubliez d’indiquer – même si nous avons insisté sur ce point – qu’étendre une peine de prison de dix ans à quinze ans aura surtout pour effet de surcharger la cour d’appel de Paris. Cette initiative ne sera donc pas forcément efficace, ce qui soulève une vraie question.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez également décidé de porter la durée de la détention préventive des mineurs de deux ans à trois ans. De notre côté, nous pensons qu’un mineur poursuivi pour actes de terrorisme doit être sanctionné – il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il accomplisse une longue peine de prison ! –, mais qu’il faut le sortir le plus rapidement possible de la détention provisoire et le placer dans un centre de rééducation et de déradicalisation !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Bigot. La question de l’application des peines a également été au cœur de nos débats. À ce sujet, beaucoup de choses restent à faire pour que chacun comprenne bien qu’il y a, d’une part, le temps de la peine, c’est-à-dire celui de la sanction, et, d’autre part, les garanties que la société souhaite obtenir pour sa sécurité quand un condamné sort de prison.
Cette question est loin d’être simple et, à mon sens, on peut facilement lui apporter une mauvaise réponse. C’est pourquoi il faut la revoir : il y a, d’un côté, les condamnés qui sont dangereux parce qu’ils ont des problèmes psychiatriques et, de l’autre, ceux qui le sont parce qu’ils continuent de croire qu’ils vont faire la guerre à la France. Pour ces derniers évidemment, aujourd’hui, la peine de réclusion à perpétuité est déjà « réelle ». En effet, bénéficier d’un aménagement de peine au bout de trente ans n’est qu’une possibilité et, en vérité, ces individus resteront souvent en prison jusqu’à la fin. On pourrait d’ailleurs citer plusieurs exemples à l’appui !
Mes chers collègues, avant que vous ne passiez au vote de ce texte, j’aimerais vous amener à méditer cette phrase de celui qui fut mon maître au barreau et qui fut également, je le crois, un grand garde des sceaux et un grand sénateur, Robert Badinter : « La grandeur et l’influence de la France sont pour moi à la mesure de son rôle au service des libertés. Qu’elles brillent chez elle d’un éclat sans pareil, alors son influence dans le monde se révèle supérieure à sa puissance réelle ».
C’est de cette influence que nous disposons et c’est avec les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que nous réussirons dans notre lutte contre le terrorisme ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Alain Bertrand et Raymond Vall applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’élaboration d’une intervention sur un projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme est devenue un véritable exercice de style, tant le Parlement a été mobilisé sur cette question au cours des dernières années.
Renforcer l'arsenal législatif quand la menace est élevée est légitime. C'est à la suite des vagues d'attentats que la France a connues dans les années quatre-vingt, puis en 1995, que les principales lois antiterroristes ont été adoptées.
Dans les années deux mille, d'autres textes ont été votés, en réaction au 11 septembre 2001 bien sûr, mais aussi en réaction aux attentats de Madrid en 2004 et de Londres au mois de juillet 2005.
Au mois de mars 2012, Mohammed Merah assassinait des militaires et des enfants juifs. La France découvrait alors avec horreur cette nouvelle forme de terrorisme djihadiste.
Les attaques se sont multipliées depuis, faisant chaque fois plus de victimes, et, chaque fois, nous avons voté de nouveaux textes. Nous avons ainsi adopté cinq lois majeures en quatre ans et des dizaines de dispositions disséminées dans les textes les plus divers que nous avons eu à examiner : renseignement, sécurité dans les transports, procédure pénale, etc. ; tout cela dans la précipitation, bien souvent sans bilan précis de l’efficacité de la précédente loi adoptée et, désormais, toujours en procédure accélérée, laquelle ne peut permettre un travail législatif réellement satisfaisant.
M. Hubert Falco. C’est vrai !
Mme Esther Benbassa. J’ai porté, sur l’ensemble de ces textes, la voix du groupe écologiste et inlassablement rappelé nos convictions les plus profondes.
La lutte contre le terrorisme djihadiste, qui fait tant de victimes chaque jour dans le monde, est un devoir national. Pour être efficace, cette lutte doit être concertée, coordonnée avec nos voisins européens et envisagée au-delà de l’unique réponse répressive.
Les terribles attaques que nous avons subies en 2015 ont déstabilisé notre société. N’était-ce pas le but de ces meurtriers fanatisés ? Il me semble, malheureusement, que les débats que nous avons eus par la suite, au Parlement notamment, autour de ces textes qui nous sont soumis en cascade ont dégradé un peu plus un climat social déjà fortement fragilisé.
Chacun a prôné l’unité, le rassemblement de la Nation, mais qu’offrons-nous à nos concitoyens, sinon le triste spectacle de la division et, parfois, de la posture politicienne ?
Quiconque fera un examen de conscience reconnaîtra que l’on ne luttera pas contre le terrorisme à coup de déchéance de nationalité ou de perpétuité « réelle ». Dans sa large majorité, le groupe écologiste ne votera pas ce texte, même s’il reconnaît que certaines de ses dispositions sont pertinentes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est ni par laxisme ni par naïveté, mais c’est parce que nous avons la conviction profonde que nombre des mesures que contient ce texte constituent une atteinte grave à nos libertés et à nos droits fondamentaux.
Nous avons le devoir et la responsabilité de lutter résolument et sans relâche contre le terrorisme, mais nous devons le faire sans aucune concession s’agissant de la protection des valeurs républicaines et démocratiques qui sont les nôtres et de la défense de nos libertés.
Nous nous sommes majoritairement opposés à la prorogation de l’état d’urgence voilà quelques semaines. Nous ne pouvons donc soutenir un texte qui aboutit à faire entrer certains des aspects de ce dispositif dans le droit commun.
Je souhaite utiliser le temps qu’il me reste pour aborder certains points qui me semblent essentiels et qui ont été totalement occultés par des débats parfois quelque peu stériles.
Certains s’appliquent à faire de ces terroristes des monstres, des êtres qui n’auraient plus rien de commun avec l’humanité.
M. Hubert Falco. Eh oui !
Mme Esther Benbassa. Il faudrait donc, parce que l’on ne peut les détruire au sens propre du terme, les isoler,…
M. Hubert Falco. Votez le texte !
Mme Esther Benbassa. …les enfermer pour toujours et jeter la clef.
M. Hubert Falco. Il faut durcir la loi !
Mme Esther Benbassa. Parce qu’ils ne nous ressemblent plus et parce qu’ils ont commis des actes « monstrueux », il est devenu irresponsable de s’interroger sur les causes, de proposer des mesures de prévention et d’éducation. Envisager des programmes de réinsertion…
M. Christian Cambon. Impossible de les réinsérer ! Il ne faut pas rêver !
Mme Esther Benbassa. …est parfois considéré comme une insulte à la mémoire des victimes.
Mes chers collègues, je crois qu’il s’agit là d’une immense erreur, en même temps que d’une certaine défaite de la pensée, qui ne nous protégera contre aucune menace.
Je terminerai en citant le philosophe Frédéric Worms. (Marques d’étonnement sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Qui est-ce ?
Mme Esther Benbassa. Si vous ne le connaissez pas, je n’y peux rien… Il faut lire un peu ! (Exclamations amusées.)
Mme Éliane Assassi. Il est normal qu’ils ne le connaissent pas !
Mme Esther Benbassa. « Il importe avant tout que la transgression radicale de l’ordre social, que constituent les crimes de terrorisme, par la violence aveugle qu’ils sèment, ne tombe pas dans l’oubli. Mais il convient tout autant de réfléchir à une réponse adaptée à cette violence extrême qui met en cause la paix civile et met en danger la société politique. Cette réponse ne saurait consister à prétendre exclure radicalement ceux qui ont radicalement trahi le contrat social. En effet, la maturité d’une société politique se mesure à sa capacité à connaître et surmonter ses divisions intérieures, aussi graves soient-elles. » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite profiter des trois minutes qui sont allouées aux non-inscrits pour insister sur deux points sur lesquels j’ai essayé de présenter des amendements, mais qui, à mon avis, n’ont pas été abordés. Or ils me paraissent importants au regard des problèmes du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance.
Le premier de ces points choque nombre de nos concitoyens. C’est la possibilité pour un terroriste, un criminel ou un délinquant…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pareil !
M. Jean Louis Masson. …de se porter partie civile lorsqu’il est blessé par une de ses victimes. Ainsi, si quelqu’un est agressé et se défend un peu trop vivement, le délinquant ou le criminel peut essayer d’obtenir des dommages et intérêts.
Mme Éliane Assassi. Un délinquant n’est pas forcément un terroriste !
M. Jean Louis Masson. Notre système juridique devrait aussi être beaucoup plus restrictif dans ce domaine, qui concerne de nombreux faits divers.
Mme Éliane Assassi. Quels amalgames !
M. Jean Louis Masson. Par exemple, nos concitoyens sont nombreux à s’étonner qu’un bijoutier qui tire sur celui qui tente de commettre un hold-up dans son magasin puisse être ensuite poursuivi et, surtout, se voir demander des dommages et intérêts par son agresseur, si celui-ci a été blessé.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qu’est-ce que cela vient faire là ?
M. Jean Louis Masson. Je crois que, dès lors que la légitime défense n’est pas retenue, il n’est pas normal que la famille de l’auteur d’une agression ou cet auteur lui-même puisse se constituer partie civile contre une victime ou contre les forces de l’ordre.
À bien des égards, il est choquant que les auteurs de crimes ou de délits ou leurs ayants droit aient la possibilité de se constituer partie civile contre leurs victimes,…
M. Daniel Raoul. Le sujet !
M. Jean Louis Masson. …voire – et c’est encore pire ! – contre les forces de l’ordre. Il ne faut en effet pas s’étonner ensuite si la police, ou parfois la gendarmerie, hésite à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour attraper les délinquants ou les criminels !
Il serait donc absolument indispensable, mais chaque fois que j’en parle je me heurte malheureusement à un refus, ce qui ne m’empêchera pas de le redire inlassablement, de modifier la loi sur ce point.
Le second point que je veux évoquer est celui de l’utilisation de leurs armes par les forces de police.
Actuellement, il y a une grande différence entre la gendarmerie et les forces de police. Alors que leurs fonctions sont identiques – elles assurent conjointement la protection des citoyens et le maintien de l’ordre public, en particulier en appréhendant les auteurs de crimes et délits –, les moyens dont elles disposent ne le sont pas.
Mme Éliane Assassi. Temps de parole épuisé !
M. David Assouline. C’est terminé !
M. Jean Louis Masson. Contrairement aux gendarmes, les fonctionnaires de la Police nationale ne peuvent faire usage de leurs armes qu’en situation de légitime défense. Cette restriction est à mon sens extrêmement dangereuse, car il y a une incertitude juridique pour les policiers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. J’ai terminé… Je dirai simplement qu’il aurait été pertinent que les policiers se voient donner les mêmes droits que les gendarmes pour l’utilisation de leurs armes de service.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est ce que l’on a fait !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat a déjà eu l’occasion de se prononcer trois fois sur le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme. J’avais d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur du premier texte, au mois de décembre 2012.
Je ne vous surprendrai pas en disant que mon groupe restera fidèle à ses principes de liberté. Une majorité d’entre nous s’abstiendra, d’autres ont choisi de soutenir ce texte, Pierre-Yves Collombat votera contre.
Monsieur le président de la commission des lois, je crois que le Sénat, lui, n’est pas fidèle à son histoire en se prévalant, par votre voix, de fabriquer une loi plus répressive que celle de l’Assemblée nationale, qui, elle, est soumise à l’opinion et aux médias. Je vous le dis avec tout le respect et toute l’amitié que j’ai pour vous.
Nous sommes certes favorables au renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme dans le respect des principes qui garantissent l’État de droit et dans le cadre de réformes susceptibles d’améliorer le fonctionnement de notre système judiciaire. Dans cet ensemble trop magmatique et confus, on distingue plusieurs éléments positifs, notamment les dispositions prévues pour lutter contre le financement du terrorisme et contre le trafic d’armes à feu. Nous partageons aussi les objectifs visés à l’encontre de ceux qui reviennent des zones de conflits djihadistes.
En ce qui concerne le présent texte, de nombreuses approximations demeurent et il nous apparaît que la procédure accélérée, une fois de plus, a pris de cours jusqu’à ses instigateurs ! Je pense notamment aux dispositions que nous avons votées fort rapidement sur la fraude fiscale, monsieur le rapporteur.
Quand on va trop vite, on va souvent mal ! Il existe de nouvelles sources de confusion et de complexification, qui consistent par exemple à soumettre des mesures administratives au contrôle du juge judiciaire. Cette disposition sème un peu plus de trouble dans la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.
La procédure de la retenue de quatre heures, dont la nature reste ambiguë, présente encore des zones d’ombre. Ni le rapporteur ni le Gouvernement n’ont pu nous renseigner sur la valeur juridique des échanges informels qui pourront advenir dans ce cadre. En réalité, bien qu’il présente aujourd’hui plus de garanties que dans le texte adopté à l’Assemblée nationale, ce dispositif ne parvient pas à se départir des vices qui lui sont inhérents et dont la pratique confirmera l’évidence.
Quant à la distinction entre mesures privatives de liberté et mesures restrictives de liberté, il faut bien être passé par l’ENA pour faire de la loi un sanctuaire de l’hypocrisie ! (Sourires sur les travées du RDSE et du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
En outre, si nous partageons le constat selon lequel le crime organisé alimente les réseaux terroristes en liquidités, en matériels et parfois aussi en hommes, l’opportunité de l’extension des moyens de renseignements à l’ensemble des infractions régies par le texte nous paraît discutable. Il suffit d’ailleurs de lire la liste des incriminations pour s’en convaincre.
Dans le sillage des débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence, il ne convient pas de rétrécir la compétence dévolue constitutionnellement à l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.
Mes chers collègues, vous connaissez notre détermination à combattre avec fermeté les « ennemis de la liberté ». De ce point de vue, nous nous féliciterions de l’intransigeance pénale ici prévue à l’encontre des agents de la terreur et de ceux qui les soutiennent, si nous n’avions pas conscience des difficultés que rencontrera notre système judiciaire pour les faire appliquer.
Comment ignorer ces difficultés quand vous-même, monsieur le garde des sceaux, dénoncez l’augmentation inéluctable des coûts cachés du système pénitentiaire et de ceux du système judiciaire, grevé par le prix des mesures d’enquête et d’expertise ?
Ce projet de loi facilite le recours à ces coûteuses techniques d’interception et de captation des communications. Il nécessitera des moyens humains considérables pour traiter et analyser les données ainsi collectées.
Cette constatation s’applique également aux dispositions qui inscrivent de nouveaux délits dans le code pénal et prévoient d’aggraver le quantum des peines d’infractions en lien avec des activités terroristes.
À cet égard, je tiens à réaffirmer, dans la tradition du groupe du RDSE, que l’accumulation des lois pénales réactives est un non-sens, que le suivisme par le Parlement d’une opinion publique exacerbée par les médias est toujours un danger démocratique, que lutter contre le crime organisé par une multiplication constante des incriminations et une aggravation non moins constante de l’échelle des peines est une absurdité que la France ne cesse de faire sous les quinquennats successifs sans aucun succès pratique.
On ne lutte pas contre le terrorisme en envoyant des messages aux médias ; c’est en donnant aux forces de sécurité et à la justice les moyens matériels et humains nécessaires que l’on y parvient.
L’état catastrophique de la justice relève, depuis des décennies, d’une responsabilité collective tant des gouvernants que des citoyens qui n’ont jamais voulu en faire une priorité.
Comment ne pas être indigné de constater dans le même temps les sommes fabuleuses dépensées aux fins de construire des stades pour l’Euro 2016 et la pénurie dans nos greffes et nos commissariats ? Mes chers collègues, quand les Romains ont abusé de l’adage « panem et circenses », leur civilisation s’est effondrée. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Pas tout de suite !
M. Jacques Mézard. Surtout, l’objectif de lutte contre le terrorisme et le crime organisé a considérablement occulté la question de la réforme de la procédure pénale. Il s’agit pourtant de la finalité originelle du projet de loi.
La volonté d’aménager la disparition du juge d’instruction au profit du couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention innerve l’ensemble du texte, sans que nous ayons eu le temps nécessaire pour en débattre.
Certes, il y a la promesse d’une réforme constitutionnelle – à l’issue incertaine – destinée à renforcer l’indépendance du parquet, mais, en raisonnant à droit constant, on s’aperçoit au contraire que le projet de loi consacre l’omniprésence d’un magistrat nommé par le pouvoir exécutif, auquel on reconnaît en outre une faculté d’ubiquité.
C’est un bouleversement dont les conséquences n’ont pu être pesées dans le cadre d’un examen en procédure accélérée.
En conclusion, mes chers collègues, l’économie générale de ce texte pâtit de la précipitation dans laquelle il a été conçu. L’évolution de la procédure pénale qu’il comporte ne nous paraît pas souhaitable sans l’assurance préalable de l’indépendance du parquet et compte tenu du risque bien réel qui existe quant au respect des droits et libertés de chacun. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Catherine Tasca, Philippe Adnot et François Fortassin, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert et je suspends la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 194 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 299 |
Contre | 29 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je remercie le Sénat pour le résultat de ce vote.
Après l’adoption du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 8 mars, par 474 voix pour et 32 contre et ce vote très significatif du Sénat – 299 voix pour et 29 contre –, nous avons maintenant parcouru la moitié du chemin. Évidemment, le texte n’est plus le même, compte tenu des modifications apportées par la Haute Assemblée, sous la responsabilité de son éminent rapporteur, Michel Mercier. Je veux d’ailleurs saluer son travail et l’écoute dont il a fait preuve vis-à-vis des positions du Gouvernement, ainsi que l’attention constante et, je crois, bienveillante du président de la commission des lois, Philippe Bas.
Cela étant, le Gouvernement n’est pas en accord avec la totalité du texte adopté et espère que, sur certains éléments, des progressions seront envisageables. Je vous en donne un exemple, mesdames, messieurs les sénateurs, qui est en résonance avec l’actualité.
Nous avons souhaité que le texte autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de nous permettre de transposer, avant le mois de décembre 2016, la quatrième directive européenne contre le blanchiment de capitaux.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Sénat, et je comprends ses motivations, a souhaité que cette disposition figure « en dur » dans la loi. Il a donc refusé d’accorder l’habilitation. Or si nous en restons à une procédure législative traditionnelle, nous ne parviendrons pas à transposer la directive « anti-blanchiment ». Chacun comprendra que nous devons agir sans délai sur cette question, non pas que notre arsenal soit incomplet – il l’est assez depuis la loi de 2013, qui a créé un parquet national financier –, mais parce que nous risquons, sans cela, de manquer de temps.
L’Assemblée nationale et le Sénat vont désormais se réunir en commission mixte paritaire. C’est la seule instance de la vie parlementaire au sein de laquelle le Gouvernement n’est pas représenté. Je fais donc totalement confiance aux députés et aux sénateurs pour aboutir. S’il m’est permis d’émettre un vœu, c’est celui qu’un accord soit trouvé en CMP et que celui-ci respecte les positions de chacune des assemblées.
L’objectif central du projet de loi est d’améliorer nos moyens de lutte contre le terrorisme, et ce sujet, comme d’autres, me semble mériter ce climat de concorde, qui est né à l’Assemblée nationale et que j’ai retrouvé, à l’occasion de ce débat, au Sénat. Je remercie donc l’ensemble des sénateurs ayant participé à cette discussion, singulièrement ceux qui ont un peu plus porté la voix, notamment le rapporteur et le président de la commission des lois. J’espère que les deux prochaines étapes après la commission mixte paritaire, c’est-à-dire les votes finaux, se dérouleront dans ce même climat bienveillant d’unité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
lanceurs d'alerte
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'environnement, mais je me réjouis que Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité me réponde. Cette question concerne les lanceurs d’alerte, dont chacun mesure la nécessité en tous domaines.
Alors que des initiatives de protection sont en projet, alors que les « Panama papers » montrent les milliards volés, la loi de 2013 n’est pas appliquée – loi pourtant soutenue ici bien au-delà de la majorité gouvernementale !
Il faudra un jour un texte harmonisé, global et exigeant. En attendant, l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et la lutte contre les conflits d’intérêts, éléments décisifs de la démocratie, ne sont pas garanties. La transparence et la vigilance sur les panels des lieux de décision ne sont pas assurées, car la commission ad hoc, votée ici en 2013, n’est pas installée !
Nous savons comment l’écoute de salariés, d’usagers ou de riverains aurait pu permettre d’éviter hier des drames sanitaires et environnementaux : l’amiante, le Mediator, les prothèses PIP. Mais nous sommes privés des outils de recours et de contrôle !
Mesdames, messieurs les ministres, plusieurs d’entre vous sont concernés. Il s’agit de santé et d’environnement ! Il s’agit de démocratie ! Il s’agit de loyauté du Gouvernement vis-à-vis de la chose votée ! Pourquoi cette commission n’est-elle pas opérationnelle, alors que le Gouvernement affirme sa volonté sur le sujet ? Si des instances participantes n’ont pas désigné leur représentant, ne faut-il pas s’interroger sur leur peu d’appétit à voir fonctionner un outil de suivi de leurs bonnes ou mauvaises pratiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur l’avancement des actions prévues dans la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, issue d’une proposition de loi que vous avez déposée.
Ce texte, vous le savez, me tient particulièrement à cœur, car il donne le droit à toute personne de rendre publique une information en cas de risque grave sur la santé ou sur l’environnement. Il prévoit la possibilité d’exercer ce droit d’alerte au sein de l’entreprise, au profit de représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, mais aussi de tout salarié. Il crée également une commission nationale chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, ainsi qu’aux procédures d’enregistrement des alertes.
Cette loi doit être mise en œuvre. Pour cela, deux décrets ont été publiés le 26 décembre 2014 : le premier fixe la liste des établissements et organismes publics qui tiennent un registre des alertes en matière de santé publique et d’environnement ; le second est relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, celle-là même que vous mentionnez.
La composition de cette commission est aujourd’hui quasiment finalisée. Il ne manque plus que la désignation des représentants du Conseil d’État, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, du ministère de l’agriculture et du ministère de la recherche. La désignation de ces personnalités est imminente.
La commission nationale, qui est donc chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, pourra être nommée tout de suite après par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Elle pourra alors, sans attendre, démarrer ses travaux. (Applaudissements sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
moyens accordés à la justice
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le garde des sceaux, il semblerait que vous ayez découvert soudainement l’état calamiteux de la justice de notre pays. Après avoir été quatre ans président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, il n’est jamais trop tard… (Rires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.) Rappelons qu’à l’époque vous votiez sans sourciller les maigres budgets alloués à la justice.
À ce sujet, je tiens à saluer l’initiative du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France, qui mettent en scène des « tribunaux d’opinion » où le prévenu, l’État, est poursuivi pour « mise en danger de la justice » et « non-assistance à justice en danger ». Il y a effectivement urgence à lui donner les moyens de se redresser : il y va de la remise à flot du service public de la justice et de l’accès à un procès équitable pour tous. Mais, des moyens, pour quoi faire ? Du tout-carcéral ? Certainement pas pour nous, comme nous venons de le dénoncer lors du vote précédent.
Mon interpellation porte plus précisément sur la situation des personnels d’insertion et de probation fortement mobilisés depuis plusieurs semaines. Vous avez enfin reçu hier l’intersyndicale. Vous vous félicitez d’avoir déjà pu avancer sur certains points comme celui du dispositif de la « pré-affectation ». Pourtant, l’heure n’est pas aux félicitations. Il faut aujourd’hui des mesures urgentes pour mettre fin à l’indigence des ressources humaines qui paralyse l’action même de ces agents favorables à une politique pénale progressiste et humaniste, les seuls agents de la pénitentiaire exclus de toute revalorisation. Le plan triennal d’ouverture des postes doit se prolonger, pour assurer la réinsertion en milieu ouvert comme fermé, garantie indispensable contre la récidive.
Monsieur le garde des sceaux, ma question porte sur la situation de ces personnels mobilisés. Comme tous les agents de la pénitentiaire, ils n’ont pas le droit de grève et expriment leur colère et leur revendication par d’autres biais : des « jeudis morts » du SPIP à une grande manifestation nationale le 10 mai prochain. Or certains reçoivent aujourd’hui des menaces de leur administration, sur leurs évolutions de carrière ou leur salaire. Que comptez-vous faire pour leur garantir, comme à tout citoyen, la possibilité de s’exprimer librement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Billout. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de dire toute ma considération pour les personnels d’insertion et de probation. Sachez que je ne les ai pas « enfin » reçus ; je les ai reçus hier comme nous en étions convenus avec les trois organisations composant l’intersyndicale. Je les reverrai d’ailleurs dans huit jours, parce que je veux avancer avec eux sur un diagnostic partagé.
Vous l’avez évoqué, 1 000 créations de postes ont été décidées pour la période 2014-2017, dont 640 conseillers d’insertion et de probation. Il existe un désaccord entre l’administration et les syndicats sur l’état des lieux – j’ai besoin que l’administration confirme les chiffres qu’elle m’a donnés –, mais les engagements pris par Christiane Taubira concernant les créations de postes, y compris les 70 directeurs d’insertion et de probation, seront tenus.
Je ne découvre pas la situation ; je l’ai d’ailleurs dit au Sénat dès mes premières réponses aux questions d’actualité. J’ai simplement souhaité donner l’alerte sur la gravité de la situation.
Le budget de la justice, qui est le huitième de l’État en importance, s’élève à 8 milliards d’euros. Cela montre l’effort considérable qui a été fait depuis 2012. J’imagine que, lors de chaque discussion budgétaire, vous avez apprécié les progressions enregistrées, notamment en termes de postes – si nous pouvons créer 1 000 postes, c’est justement grâce aux efforts qui ont été réalisés. Reste que nous sommes dans une situation d’urgence. Je l’ai dit pour que nous puissions, là aussi, partager ce diagnostic et pour que nous puissions, ensemble, dans la logique et la solidarité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement, décider des mesures utiles à une bonne administration de la justice, à laquelle font appel chaque année 4 millions de Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
« panama papers »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État Eckert, vous le savez, les parlementaires ne sont ni juges ni policiers. En revanche, ils exercent leur vigilance – c’est particulièrement la tradition du Sénat grâce à sa commission des finances – sur tout ce qui a trait à l’évasion et à la fraude fiscales.
Ainsi, lors du précédent quinquennat, le Sénat avait refusé de ratifier la convention fiscale entre la France et le Panama (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.), car, à l’époque, le Panama ne satisfaisait pas aux critères internationaux, notamment en matière de transparence. Je rappelle que, le 21 décembre dernier, le ministre Sapin a émis des doutes sur la capacité de ce pays à répondre aux demandes de renseignement de la France.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Cahuzac !
M. Jean-Louis Carrère. Aboyeurs !
Mme Nicole Bricq. Néanmoins, à la suite de la signature de cette convention, qui avait été ratifiée par l’Assemblée nationale, celle-ci ayant eu le dernier mot, le Panama avait été sorti de la liste noire française le 4 avril 2012 – j’ai vérifié la date – par arrêté gouvernemental.
Votre collègue Sapin, répondant à l’un de nos collègues députés à l’Assemblée nationale, vient de déclarer…
M. Albéric de Montgolfier. Les yeux dans les yeux !
Mme Nicole Bricq. … qu’il avait décidé de réinscrire le Panama sur la liste noire à la suite du scandale qui vient d’éclater. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le secrétaire d’État, il suffit d’un simple arrêté ministériel. Ma question est donc simple : quand le prendrez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, vous m’interrogez opportunément sur le Panama. Il y aurait beaucoup à dire, mais votre question est précise.
Vous avez, là aussi opportunément, rappelé les raisons pour lesquelles le Panama a été sorti de la liste noire et à quelle date. Ce pays a été sorti de cette liste, parce qu’il avait signé une convention. Or nous avons constaté que cette convention n’était pas respectée. C’est pour cette raison que, dès la fin de l’année dernière, le ministre Sapin, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, celui-ci étant retenu à l’Élysée (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) – ça arrive… (Sourires.) –, avait déclaré que, si le Panama ne fournissait pas les renseignements d’ordre fiscal que nous lui demandions, le Gouvernement envisagerait de le réinscrire sur la liste noire.
L’arrêté qui réintroduira le Panama sur la liste des États et territoires non coopératifs – c’est une décision extrêmement lourde de conséquences, car les retenues à la source lors des transactions s’élèvent systématiquement à 75 % des montants – sera pris par le ministre des finances dans les jours qui viennent.
J’ajoute, puisque des interrogations se posent sur les banques – vous verrez ce soir à l’occasion d’une émission de télévision un certain nombre de choses sur une grande banque française –, que les dirigeants de cette grande banque française seront reçus dans les heures qui viennent par le ministre des finances en vue d’éclaircir la situation. Comme vous le voyez, nous agissons, même s’il reste encore beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
lutte contre le diabète
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Dans deux jours aura lieu la Journée mondiale de la santé, qui sera consacrée cette année au diabète. Cette maladie chronique touche 3 millions de personnes en France et 350 millions dans le monde. Il est difficile d’imaginer les contraintes qui pèsent non seulement sur les patients atteints de cette maladie, mais aussi sur leurs enfants ou sur leurs parents, qui, à leur chevet, surveillent la bonne prise d’insuline à la suite de la mesure de la glycémie.
Je voudrais insister aujourd’hui sur la chaîne des procédures. De la recherche à l’innovation, de l’autorisation au remboursement, je demande que tout soit mis en œuvre pour réduire les délais, favoriser la recherche grâce à des financements et permettre la mise sur le marché de nouveaux produits, sans pour autant négliger le rapport bénéfices-risques. Or le Comité économique des produits de santé, qui décide si un dispositif est remboursable par l’assurance maladie, semble accuser un retard d’un an dans l’instruction des dossiers. Je souhaiterais que nous adoptions un système aujourd’hui proposé à certains patients, mais dont tous ne peuvent pas bénéficier, car il n’est pas remboursé par l’assurance maladie : la mesure du glucose en continu.
En attendant le pancréas artificiel, tout juste à l’essai, et les capteurs de technologie Flash, ne pourrait-on pas avancer sur ces systèmes de mesure du glucose en continu, qui apportent beaucoup de satisfaction à ceux qui l’utilisent quand ils peuvent se l’offrir ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Lasserre. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, vous l’avez souligné, la Journée mondiale de la santé, organisée par l’Organisation mondiale de la santé chaque 7 avril, sera cette année consacrée à la lutte contre le diabète, afin de sensibiliser aux conséquences de cette maladie.
Aujourd’hui, dans le monde, le nombre des personnes atteintes de diabète augmente chaque année de 5 % à 6 %. En France, comme l’avez indiqué, plus de 3 millions de personnes sont concernées.
Les facteurs de croissance de cette maladie, nous les connaissons bien : l’obésité, le surpoids, l’absence d’exercice physique… C’est pourquoi nous devons répéter des messages de prévention. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont vous étiez corapporteur, ont d’ailleurs été votées des dispositions permettant d’améliorer la prévention comme l’étiquetage nutritionnel, la mise en place d’un parcours éducatif en santé ou l’interdiction des fontaines à soda.
Pour mesurer la glycémie, les personnes malades doivent se faire une piqûre plusieurs fois par jour, ce qui est à la fois désagréable et contraignant. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les dispositifs médicaux de mesure du glucose en continu que vous avez évoqués puissent être admis au remboursement. Pour ce faire, les discussions actuellement menées par le Comité économique des produits de santé doivent aboutir le plus rapidement possible à un accord avec les industriels. Ainsi, la vie quotidienne de ces patients, notamment des plus jeunes, pourra être améliorée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.
Mme Élisabeth Doineau. Ce n’est pas tant une question que je voulais poser qu’un cri que je souhaitais pousser pour l’ensemble des patients souffrant de diabète. Ils attendent avec impatience de pouvoir utiliser ces nouveaux dispositifs, qui représentent une réelle avancée comme en témoignent tous les patients qui en ont bénéficié. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
moyens accordés à la justice
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Les magistrats français sont confrontés à toujours plus de missions avec toujours moins de moyens. L’insécurité croissante dans laquelle le pays est plongé aggrave la situation des tribunaux.
Devant le nombre d’affaires à traiter, la Conférence nationale des procureurs de la République a annoncé le désengagement du parquet dans des procédures jugées « non prioritaires ». Voilà qui ouvre encore plus largement la voie à l’impunité !
On observe une grande disparité de délais de jugement sur le territoire. La justice n’est plus la même pour tous sur l’ensemble du territoire français. Dans les Hautes-Alpes, on compte en théorie trois magistrats – un procureur et deux substituts –, puisque le vice-procureur exerce à temps partiel. C’est pourtant cette même équipe, amputée de 20 % de ses effectifs, qui doit assumer toutes les audiences, l’ensemble des permanences, les réunions à l’extérieur et, bien sûr, les déplacements dans un département qui n’a pas été épargné, avec 45 personnes décédées en montagne au cours de l’année 2015.
Alors que notre société se judiciarise, que la délinquance augmente, le ministère public est happé par la lutte contre la radicalisation, sans aucun moyen supplémentaire. Certaines juridictions sont asphyxiées.
Nous l’avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, vous estimez que la justice est à bout de souffle. Vous venez de faire un terrible héritage. Or quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour que l’institution judiciaire reprenne une activité normale, pas seulement à Bobigny où vous avez fait des annonces, mais dans tout l’Hexagone ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne vais pas faire de polémique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais, mais j’ai choisi de considérer la justice comme un élément de rassemblement.
Aujourd’hui, 480 postes de magistrat ne sont pas pourvus. La raison en est simple : en 2008, en 2009, en 2010 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)…
Ce n’est pas de la polémique, ce sont les faits. Je ne cherche pas à faire des effets, mais simplement à ce que chacun comprenne. (Mêmes mouvements.)
En trois ans, 105 postes ont été ouverts au concours, contre 368 cette année.
Mme Sophie Primas. Ça fait quatre ans que vous êtes là !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ces années-là, moins de 200 greffiers ont été recrutés.
Quand un ministre de la justice ouvre 105 postes en trois ans, alors que tout le monde sait que 1 400 personnes vont partir à la retraite dans les quatre ans à venir, on construit la paupérisation de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous me forcez à dire la vérité, je vous la dis ; vous voulez des chiffres, je vous les cite !
Mme Sophie Primas. Quatre ans !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre juridiction est préservée : les trois postes au parquet sont occupés, de même que les neuf postes au siège. Il manque deux fonctionnaires, des adjoints administratifs ; leur absence sera comblée au mois de septembre. À Gap, pas un effectif ne manquera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Malheureusement, toutes les juridictions ne peuvent pas en dire autant, car les efforts que nous réalisons mettront du temps à se concrétiser.
En attendant, je vous invite à vous rendre avec moi à l’École nationale de la magistrature et à l’École nationale des greffes et à saluer les 368 fonctionnaires et les 761 greffiers que nous allons embaucher ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le garde des sceaux, voilà quatre ans que votre majorité gouverne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le budget de la justice, par habitant, classe désormais la France au trente-septième rang en Europe, juste derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il y a donc urgence à se consacrer aux vrais problèmes des Français, aux vrais problèmes de la justice. Il n’y a pas de temps à perdre dans d’hypothétiques réformes constitutionnelles.
Soyez concret : sans réorganisation, sans moyens, sans révision des règles qui régissent la procédure pénale, nous nous éloignerons d’une justice sereine et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
arménie – azerbaïdjan : situation du haut-karabagh
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe du RDSE.
M. Michel Amiel. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la crise qui frappe le Haut-Karabagh. Cette crise réveille les blessures d’un conflit qui, dans les années quatre-vingt-dix, avait fait pas moins de 30 000 morts.
Les affrontements qui ont débuté dans la nuit du vendredi 1er avril opposent les forces azerbaïdjanaises et arméniennes. Les premiers bilans humains laissent craindre une reprise durable du conflit pour le contrôle de cette partie montagneuse du Caucase, à fort enjeu politique, stratégique pour l’acheminement des hydrocarbures, et peuplée par 150 000 personnes environ, majoritairement des Arméniens. L’escalade militaire dans cette région intervient à un moment où la Russie et la Turquie sont en pleine crise diplomatique.
Cela fait près de vingt-deux ans maintenant que, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, vingt-deux pays au sein du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, cherchent une issue à ce conflit.
Alors même que sont réunis aujourd’hui à Vienne des médiateurs pour essayer d’arriver à une solution et qu’un cessez-le-feu aurait été trouvé en ce début d’après-midi, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre.
Le représentant du Haut-Karabagh en France a déclaré : « Aujourd’hui, nous sommes à une telle escalade qu’il ne suffit plus de se contenter d’appels pour revenir au calme. Il faut absolument prendre des mesures sérieuses et concrètes, pour contraindre le pouvoir du régime azerbaïdjanais à cesser cette attaque, cette offensive et surtout ces bombardements sur les villes. »
Dois-je rappeler le triste bilan de l’Azerbaïdjan dans nos efforts de rapprochement : suspension des négociations pour un accord d’association avec l’Union européenne en 2014, fermeture du bureau de l’OSCE à Bakou en 2015 ?
Ainsi, monsieur le ministre, je me dois de vous demander quelle est, au-delà de la posture convenue d’appel à un cessez-le-feu, la position de la France dans ce conflit. Quelles initiatives concrètes le gouvernement français compte-t-il prendre à travers le groupe de Minsk ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison de souligner le caractère extrêmement grave des affrontements qui ont repris vendredi soir au Haut-Karabagh.
La France, vous l’avez rappelé, joue un rôle particulier dans ce conflit. En tant que coprésidente du groupe de Minsk de l’OSCE, aux côtés de la Russie et des États-Unis, elle a en charge la tentative d’une solution de paix entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh. Elle suit donc avec une très grande attention l’évolution de la situation.
Toutes les autorités de l’État sont mobilisées. Dès samedi, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu. Jean-Marc Ayrault s’est également entretenu samedi avec son homologue arménien, puis avec son homologue azerbaïdjanais. Il a insisté sur le fait que ce conflit ne pouvait être résolu par la force et qu’un retour rapide à la table des négociations était indispensable.
M. Alain Néri. Et urgent !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Ces démarches ont déjà produit leurs premiers effets. Il était bel et bien urgent que cessent des affrontements meurtriers.
Un cessez-le-feu a été annoncé. La France demande à ce qu’il soit entièrement, intégralement respecté.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Les parties au conflit ont accepté de recevoir les médiateurs du groupe de Minsk, qui se rendent sur place aujourd’hui même. Ils seront à Bakou ce soir, puis ils iront à Stepanakert et à Erevan.
Parallèlement, l’OSCE est saisie à Vienne. Nous sommes en contact étroit avec l’Allemagne, qui préside actuellement cette organisation. Jean-Marc Ayrault s’entretient du reste en ce moment même avec son homologue allemand, qui est en visite à Paris.
Notre mobilisation est la hauteur de la gravité de l’enjeu.
Le Président de la République ne ménagera aucun effort. Il a déjà accueilli le président azerbaïdjanais Aliyev et le président arménien Sarkissian à Paris, et il a indiqué qu’il était disposé à les recevoir de nouveau.
M. Jean-François Husson. Il est sur tous les fronts !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre mobilisation est indispensable. On ne peut pas parler de « conflit gelé » à propos d’un affrontement qui a fait des milliers de victimes depuis près de trente ans. On ne peut laisser perdurer indéfiniment un foyer de déstabilisation potentielle dans une région qui est déjà en proie à de graves instabilités.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre engagement est constant. Il est clair. Il a pour base les principes dits « de Madrid » : le non-recours à la force, le respect de l’intégrité territoriale des États et le droit à l’autodétermination des peuples. J’insiste sur ce point, car c’est là la condition d’une paix durable dans la région. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances.
La semaine dernière, l’INSEE a publié, pour ce qui concerne l’économie française, les chiffres d’exécution budgétaire de 2015 et ses prévisions révisées pour 2016. Je n’évoquerai, à cet égard, que deux indicateurs.
Premièrement, l’INSEE établit la croissance à 1,2 % en 2015 et l’estime à environ 1,6 % pour 2016, soit au-dessus du niveau prévu dans la dernière loi de finances.
M. François Grosdidier. Grâce aux collectivités territoriales !
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Richard Yung. J’espère vivement que tout le monde se réjouit de ces bons chiffres (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)…
M. le président. Monsieur Yung, poursuivez.
M. Richard Yung. Je ne peux pas parler, monsieur le président ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Deuxièmement, l’INSEE évalue le déficit public – cela vous intéressera à coup sûr, chers collègues – à 3,5 % en 2015, au lieu des 3,8 % prévus.
M. Philippe Dallier. Merci les collectivités territoriales !
M. Richard Yung. Permettez-moi de le souligner, le déficit s’élevait à 140 milliards d’euros en 2010. Cette année, il n’est plus que de 77 milliards d’euros. Il a donc été réduit de moitié. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Et la dette ?
M. Richard Yung. Ce n’est pas la peine de crier, cela ne résout pas le problème du déficit !
Ce résultat est allé de pair avec une réduction d’impôts de 17 milliards d’euros pendant l’exercice 2015.
M. François Grosdidier. Payée par les communes !
M. Richard Yung. Le fait de crier ne résoudra pas non plus ces problèmes-là !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De toute façon, vous dites n’importe quoi !
M. François Grosdidier. Eh oui, tout a été transféré sur la fiscalité locale !
M. Richard Yung. Monsieur le président, je sollicite un peu de temps de parole supplémentaire… (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis constamment interrompu !
J’observe qu’il s’agit là de sujets assez sensibles,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En effet !
M. Richard Yung. … mais le constat que je dresse correspond à la vérité. Il faut dire la vérité et il faut la regarder en face !
Ma question est la suivante (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) : au regard des nouvelles estimations de l’INSEE, quelles sont les prévisions pour l’exécution de la loi de finances pour 2016, voire au-delà ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Dallier. Tout va bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Posez la même question aux maires !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Yung, je ne reprendrai pas les chiffres que vous venez de citer : je ne pourrais bien entendu que les confirmer.
M. Francis Delattre. C’est téléphoné !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous indiquerai simplement le contexte dans lequel cette exécution budgétaire s’est inscrite. Il est bon de l’avoir à l’esprit.
Au milieu de l’année dernière, un certain nombre de lanceurs d’alerte nous déclaraient : « Les recettes fiscales ne seront pas au rendez-vous. Vous avez annoncé des dépenses que vous ne saurez pas financer. » Ils nous prédisaient une catastrophe budgétaire !
Certes, nous sommes toujours en déficit, mais le déficit s’établit à un niveau inférieur à nos prévisions.
Mme Fabienne Keller. C’est faux !
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas grâce au budget de l’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout le monde peut effectivement s’en réjouir, sans forcément s’en satisfaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons également financé des priorités, qu’il s’agisse de l’éducation nationale (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) ou des moyens de sécurité que nous avons dû déployer à la suite des agressions dont la France a fait l’objet.
M. le garde des sceaux l’a dit : il faut des moyens supplémentaires pour la police, pour la gendarmerie, pour la justice, mais aussi pour nos armées. En la matière, nous avons tenu les engagements pris par le Président de la République au début de l’année dernière.
Les résultats obtenus l’ont confirmé : il est possible de concilier ces objectifs avec une inflexion à la baisse de la trajectoire des déficits. C’est ce que nous ambitionnons de réitérer. Nous présenterons notre programme de stabilité à nos partenaires européens au cours des jours qui viennent.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça, c’est bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce programme sera examiné en conseil des ministres le 13 avril prochain. Il s’agira toujours de financer des priorités, qui peuvent nous être imposées par l’actualité, par le contexte international ou par la crise que subissent un certain nombre de secteurs ; je pense notamment aux baisses de cotisations de près de 1 milliard d’euros que nous avons d’ores et déjà mises en œuvre pour l’agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
dotation financière des communes
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics. Elle est un cri d’alarme des collectivités locales, qui votent en ce moment leur budget.
La France accuse un déficit public bien supérieur à la moyenne de l’Union européenne. Avec le Portugal et la Croatie, elle est l’un des trois États membres présentant à la fois des déséquilibres macroéconomiques et un déficit public jugé excessif. Or ce tableau n’empêche pas le Gouvernement de se féliciter, pour cette année 2015, d’un déficit de 3,5 % dû essentiellement à la baisse des investissements des collectivités (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.), à hauteur de 4,6 milliards d’euros. Je rappelle que François Hollande avait annoncé, en 2012, un déficit de 1,3 % pour 2015.
M. Alain Dufaut. C’est la vérité !
Mme Anne Chain-Larché. Comment pouvez-vous vous réjouir de ce chiffre, qui ne résulte d’ailleurs pas des efforts de l’État mais d’une ponction décidée arbitrairement sur les budgets des collectivités locales ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
Mme Anne Chain-Larché. Le complément est dû à un environnement économique favorable, que nos voisins, eux, ont su mettre à profit pour réduire leur déficit public.
Les collectivités territoriales ont dégagé un excédent de 700 millions d’euros en 2015. Cela est dû notamment à une baisse de leurs dépenses d’investissement, résultant de la baisse drastique des dotations de l’État.
À ce titre, nous nous étonnons des chiffres transmis ce matin aux communes par la direction générale des collectivités locales.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Chiffres scandaleux !
Mme Anne Chain-Larché. La baisse de la dotation globale de fonctionnement se révèle encore bien plus importante que l’année dernière. (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Or la diminution annoncée par le Gouvernement devait être équivalente. À son sujet, on parlait même d’une réduction.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est du vol !
Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ces chiffres transmis par la Direction générale des collectivités locales ?
M. Jean-Louis Carrère. Temps de parole écoulé !
Mme Anne Chain-Larché. Avez-vous donc pour but de continuer à présenter des bilans établis sur le dos des collectivités locales ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, pardonnez-moi de commencer mon propos par un rappel technique – de temps à autre, il faut accepter d’en faire – : les transferts financiers entre l’État et les collectivités territoriales sont neutres au sens du déficit public. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Là n’est pas la question !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si vous supprimez une dépense d’un côté et une dépense équivalente de l’autre, vous aboutissez à un résultat à somme nulle. (Vives exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard César. C’est n’importe quoi !
M. Philippe Dallier. C’est Majax !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs, je réitère la proposition que j’ai déjà adressée à Mme Michèle André : je suis prêt à venir devant la commission des finances de la Haute Assemblée pour que nous nous expliquions sur ce point.
Madame Chain-Larché, vous m’interrogez sur les dispositions budgétaires à venir. L’excédent de 700 millions d’euros, qui a été dégagé par les collectivités territoriales et sur lequel vous avez insisté, est effectivement une nouveauté, au regard d’un déficit qui, l’année dernière, était de l’ordre de 4,5 milliards d’euros. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela ne sert à rien de s’agiter, les chiffres sont là !
M. Philippe Dallier. Ce ne sont pas les nôtres !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cet excédent prouve qu’il existait une certaine capacité d’investissement,…
M. Gérard Dériot. Dans les départements !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … laquelle n’a pas été nécessairement mobilisée, et ce pour différentes raisons : transferts de compétences, fusions de collectivités, incertitudes quant à l’avenir. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est là ma conviction : je vous invite à examiner les comptes des collectivités territoriales.
Je répète ce que j’ai indiqué dès le mois de janvier dernier : ce soir, demain, la semaine prochaine, je suis prêt à venir, chiffres en main, débattre de ce sujet devant votre commission des finances ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Létard. Venez !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Fouché. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Après la révélation de nouveaux cas de maltraitance animale, le doute, sinon l’opprobre, est jeté sur les 263 abattoirs que compte la France.
Interrogé ici même en novembre dernier, vous affirmiez, monsieur le ministre : « L’État contrôle et continuera à contrôler les abattoirs et à renforcer ses contrôles. » Au total, précisiez-vous, 104 avertissements et 60 mises en demeure ont été adressés aux abattoirs au cours de l’année 2014. Vous promettiez également la création, d’ici à 2017, de 160 postes dans les services vétérinaires.
Confronté à de nouveaux cas de maltraitance, vous demandez aujourd’hui aux préfets de mener, dans un délai d’un mois, des inspections spécifiques dans tous les abattoirs. Naturellement, tout sera clean au cours de ce mois. Mais après ? C’est là toute la question !
Vous annoncez également la désignation, parmi les salariés des abattoirs de France, de représentants pour la protection animale bénéficiant d’un statut protecteur. Mais ces délégués existent déjà, notamment à Mauléon-Licharre, où l’on a pu constater leur efficacité.
Il s’agit de rendre confiance aux éleveurs et aux consommateurs. La protection animale doit être prise en considération au même titre que les conditions sanitaires et les conditions de travail des salariés concernés.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire cesser ce scandale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous faites référence aux images tournées par l’association L214 et diffusées par plusieurs chaînes de télévision. Vous avez également rappelé mes propos.
Dès le mois de mai 2014, j’ai demandé à la DGAL de mettre en place une stratégie globale relative au bien-être animal, car je suis conscient que ce sujet ne doit pas simplement être traité au gré de l’actualité.
En outre, un certain nombre de mesures ont été votées au Sénat, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, qui autorisent la transparence sur toutes les publications des services de l’État.
Vous avez rappelé que la France compte 263 abattoirs que l’État a la responsabilité de contrôler. À cet égard, je vous confirme que ce gouvernement a créé 60 postes de vétérinaire supplémentaires en 2015 et qu’il en créera autant en 2016 et en 2017, soit 180 postes au total. Lorsque je suis arrivé au ministère, 440 emplois de vétérinaire avaient été supprimés !
M. Jackie Pierre. Ça fait quatre ans !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces créations de postes ne suffiront donc pas encore à compenser ceux que vous aviez supprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Gournac. Quatre ans !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans les débats qui animent l’opposition, j’entends qu’on va supprimer 300 000 fonctionnaires. Je vous demande de bien considérer vos propres propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Sur chacun de ces sujets, il va vous être difficile de nous expliquer comment vous allez faire !
Quant à moi, je vais assumer ma part de responsabilité. Vous l’avez dit, celle-ci doit être partagée. J’ai trop souvent entendu dire qu’il reviendrait à l’État d’assumer la totalité du suivi du bien-être animal dans les abattoirs. Ce n’est pas entièrement le cas. Il existe un système d’autocontrôle et de responsabilité partagée, qui explique qu’un nouveau statut soit maintenant conféré aux représentants pour la protection animale. Il est vrai qu’il en existe déjà, mais il s’agit de salariés qui, dès lors qu’ils craignent de perdre leur emploi, peuvent renoncer à dénoncer les mauvais traitements commis dans leur abattoir.
Je voudrais qu’on se mette à la place de ceux qui travaillent dans les abattoirs, qu’il importe de respecter. Ce métier est pénible ! C’est pourquoi je défends la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites, que certains contestent aujourd’hui.
En outre, au-delà des salariés, il y va également de la responsabilité de l’encadrement et des directeurs d’abattoirs. Nous créerons donc un délit pénal dans le cadre de la loi Sapin au mois de juin, afin que chacun se sente responsable. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
S’y ajoutent des innovations techniques entrant dans le cadre de la stratégie pour le bien-être animal. Un exemple concerne le sexage des poussins : nous avons suffisamment vu d’images atroces de broyage des poussins, la France sera donc le premier pays à mettre en œuvre une innovation permettant le sexage dans l’œuf, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La France innove ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Sur ce sujet, nous sommes en avance en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous êtes au pouvoir depuis quatre ans !
Vous pouvez, en outre, vous faire confirmer par votre collègue garde des sceaux que l’article 521-1 du code pénal réprime déjà les actes de cruauté envers les animaux.
Je souhaite simplement que vous écoutiez les propositions utiles émises par le Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire : renforcement des contrôles vétérinaires, installation de caméras dans les postes de saignée de tous les abattoirs, création de comités d’éthique dans les abattoirs, composés de représentants des éleveurs, des bouchers, des associations de défense des animaux, des mairies et de la société civile, comme il en existe déjà dans les laboratoires pratiquant des expériences sur les animaux. Vous devriez y prêter attention ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
autisme
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Claire-Lise Campion. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Le troisième plan autisme 2013-2017 a prévu un budget de plus de 205 millions d’euros pour répondre aux nombreuses difficultés que rencontrent les personnes autistes et leurs familles dans leur parcours de vie. Durant cette période, 3 400 places d’accueil supplémentaires sont programmées.
Ce troisième plan préconise un dépistage de l’autisme dès l’âge de dix-huit mois, une prise en charge précoce et intensive et une évolution des pratiques professionnelles conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous dresser un nouveau bilan d’étape ?
M. Alain Gournac. Question téléguidée !
Mme Claire-Lise Campion. La volonté politique est forte et les moyens mobilisés sont importants, mais la liste des problèmes rencontrés est encore longue : erreurs de diagnostic ; diagnostic tardif du fait des délais de prise en charge auprès des centres de ressources autisme ; encombrement des centres médico-psychologiques qui ne permet pas une prise en charge optimale ; enfin, pénurie de places dans les établissements spécialisés.
Par ailleurs, les enfants et les adultes atteints de troubles du spectre autistique aspirent à être des citoyens à part entière. Cela requiert que chacun d’entre nous lutte contre les a priori, contre la peur de l’autre, la peur de la différence.
Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a récemment adressé à la France une série de recommandations. Il préconise notamment de mener des campagnes de sensibilisation pour combattre la stigmatisation et les préjugés.
Pouvez-vous nous indiquer les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine, au lendemain de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je connais votre implication sur le sujet du handicap et de l’autisme en particulier. Vous m’interrogez sur le bilan du troisième plan autisme. Je n’aurai pas assez de deux minutes pour le détailler. Sachez toutefois que je présenterai ce bilan devant le Comité national de l’autisme le 21 avril et devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 27 avril, à sa demande. Je serais très heureuse de le présenter également à la commission des affaires sociales du Sénat, si son président et ses membres me le demandaient.
Les préconisations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU ont fait suite à l’audition de la France sur ce sujet. Certaines portent sur la scolarisation des enfants. La scolarisation des enfants avec des troubles du spectre autistique fait bien partie des priorités du troisième plan autisme. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous y travaillons. Les unités d’enseignement en maternelle sont une vraie réussite : nous en avions prévu cent, mais il y en aura finalement dix de plus, qui ouvriront à la rentrée de 2016. Nous poursuivrons cet effort.
Concernant les campagnes de sensibilisation et d’information, l’ONU les a effectivement recommandées. J’ai lancé la première campagne de sensibilisation gouvernementale sur l’autisme le 2 avril, laquelle intègre plusieurs éléments.
Le premier est un spot grand public qui raconte l’histoire du petit Elliot et qui est visible dans plus de 250 cinémas en France jusqu’au 15 avril.
Le deuxième est un site expérientiel, qui permet à chacun d’entre nous de se mettre à la place d’une personne avec des troubles du spectre de l’autisme. Je vous recommande de vous y rendre, à l’adresse dismoielliot.fr.
Le troisième est un site internet de référence, qui diffusera toutes les informations officielles à partir du mois de septembre 2016.
Enfin, le quatrième est le fruit du travail de vidéastes, de Youtubers, comme l’on dit en anglais, qui se sont mobilisés pour réaliser des vidéos sur le sujet, lesquelles ont été vues plus de 500 000 fois.
Vous le voyez, le Gouvernement est mobilisé pour informer sur ce qu’est l’autisme et pour faire diminuer les préjugés envers les personnes autistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 28 avril 2016 et seront retransmises sur France 3 et Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de trois sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national de la montagne.
La commission des affaires économiques, la commission de l’aménagement du territoire et la commission des lois ont été invitées à présenter chacune une candidature.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
8
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour un rappel au règlement.
M. André Reichardt. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 75 bis et 76.
Lorsqu’un sujet d’actualité internationale est particulièrement grave, la chambre haute doit pouvoir s’en saisir directement. C’est ce que je souhaite faire en appelant l’attention sur la reprise des opérations militaires sur la ligne de contact du Haut-Karabagh depuis la nuit de vendredi à samedi, lesquelles auraient déjà fait, selon mes informations, plusieurs dizaines de morts, tant militaires que civils.
La France, qui copréside le groupe de Minsk, ne peut pas rester inactive. Elle semble être déjà intervenue pour faire cesser les hostilités, si j’en crois les propos que vient de tenir le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Cette violence déclenchée sur la ligne de front montre que le statu quo dans ce conflit n’est plus admissible ni tenable et qu’il faut que la communauté internationale se mobilise pour le rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, qui subit une agression militaire depuis plus de vingt-cinq ans.
Il est urgent que la France et les pays concernés réagissent dans les plus brefs délais pour imposer le respect, par l’Arménie, des quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur ce sujet. Rappelons que l’Arménie occupe ni plus ni moins 20 % du territoire azerbaïdjanais depuis maintenant vingt-cinq ans. Cette situation n’est naturellement pas acceptable.
Seul le respect du droit international apportera la paix et la justice dans cette partie du monde.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
9
Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (proposition n° 373, texte de la commission n° 515, rapport n° 514, avis verbal n° 509).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis ma prise de fonction au sein du Gouvernement il y a deux ans, vous le savez, j’ai souhaité engager une nouvelle dynamique sur les enjeux du supportérisme.
C’est dans les murs du Sénat que j’avais pu exprimer, lors d’un colloque organisé par le Conseil national des supporters, le souhait du Gouvernement de garantir les conditions d’une reconnaissance du supportérisme par les institutions et les acteurs du sport professionnel.
Cette reconnaissance avait un double enjeu : d’une part, reconnaître la contribution et l’apport des supporters au développement du sport et à l’animation de nos stades et, d’autre part, mieux associer les supporters aux politiques de sécurité au sein des stades pour renforcer leur efficacité.
L’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme a permis d’avancer dans cette voie.
Dans sa version initiale, le texte limitait la question du supportérisme à l’angle répressif. Il montre désormais un véritable ancrage dans une volonté d’équilibre. C’est donc un nouveau texte qui est porté à notre étude aujourd’hui. Je précise qu’il concerne tous les supporters des sports professionnels et ne se restreint pas au football.
Je veux remercier tous ceux qui ont permis cette avancée, en particulier les députés François de Rugy et Jean Glavany. Je veux aussi saluer les sénateurs Dominique Bailly, Jean-Jacques Lozach, Corinne Bouchoux, Ronan Dantec et Mireille Jouve, qui ont apporté un nouveau regard sur le supporter grâce à leur proposition de loi relative à la représentation des supporters, dont l’esprit a été conservé au sein de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
La nécessité de garantir la sécurité dans les stades, notamment dans un contexte de menace terroriste au plus haut niveau, est aujourd'hui une préoccupation partagée par tous. Je veux croire que chacun a également conscience que nos actions répressives doivent s’accompagner de mesures de prévention dans lesquelles les supporters eux-mêmes peuvent et doivent jouer un rôle majeur.
Le sport doit demeurer une fête. Je suis foncièrement convaincu que penser la sécurité, c’est avant tout peser la nécessité d’intégrer le supporter à la politique engagée afin de proposer un équilibre. N’enfermons pas le supporter dans une stigmatisation négative. Évitons d’assimiler l’ensemble des supporters qui font vivre le sport français, qui le célèbrent, aux quelques hooligans pour lesquels le sport n’est qu’un prétexte à la violence.
Il s’agit désormais de s’orienter vers « la désescalade de la violence », pour reprendre les termes de Nicolas Hourcade, éminent sociologue spécialiste des questions de supportérisme. Pour lui, la stigmatisation à l’égard du supporter est frappante en France, où il est trop souvent pointé du doigt, mal perçu et vu de façon globale.
Il est dès lors important de ne pas faire de confusion quant à la définition des supporters : les hooligans, qui cristallisent la violence et nuisent au bon déroulement des compétitions sportives, ne peuvent être admis comme supporters. Le supporter, par définition, est celui qui porte plus haut le sport qu’il soutient. Ce n’est pas celui qui le rabaisse.
Les supporters amateurs de sport et les « ultras » sont tout à fait légitimes. Ils défendent simplement à une échelle différente leur engagement pour un sport dans le respect des valeurs citoyennes. Le supporter n’est pas un fauteur de troubles. Il participe au contraire à l’élan positif et enthousiaste suscité par la compétition. Il fait vivre, il anime une équipe.
Bien sûr, la violence dans les stades est inacceptable. Elle l’est d’autant plus que le sport, notamment le football, suscite l’intérêt de centaines de milliers de nos jeunes, qui bien souvent se projettent dans les exploits de leurs équipes favorites. Qu’un enfant souhaitant assister à un match de football, au stade ou devant sa télévision, se trouve confronté à l’expression de haines et de violences justifie totalement notre action la plus résolue.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Des mesures de répression et de prévention des violences doivent donc être prises.
Nous sommes en état d’urgence. Je félicite d’ailleurs mon collègue Bernard Cazeneuve pour sa rigueur dans l’organisation de la sécurité liée à l’Euro de football. Je crois que, dans ce contexte, les forces de l’ordre ont d’autres priorités que d’accompagner les supporters. Il faut que les supporters le comprennent.
Cet accompagnement est visé par les articles 1er et 2 de ce texte de loi. Si ces mesures sont justifiées par des impératifs de sécurité, elles doivent toutefois être précisément encadrées afin de limiter toute forme d’arbitraire et de se conformer aux principes de notre droit.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Tout à fait !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Permettre le refus de délivrance de billets en cas de non-respect des règles en matière de sécurité me paraît aller dans ce sens.
À cet égard, le décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, devra impérativement encadrer ce nouveau pouvoir des clubs quant aux motifs, à la durée de ces mesures, à la publicité des règlements intérieurs des stades et des conditions générales de vente ainsi qu’aux conditions de recours.
À l’article 2, consacrer le principe du contradictoire en matière d’interdiction administrative de stade permettrait à mon sens de poursuivre ce même objectif. Les interdictions de stade et de déplacement sont pleinement justifiées lorsqu’elles visent des individus au comportement notoirement violent et dangereux.
Mais, comme je le disais, les outils de l’action publique pour prévenir les violences, prévenir le hooliganisme doivent être étendus. Il faut responsabiliser les supporters. En Allemagne et en Angleterre, où les hooligans sont plus nombreux qu’en France, la politique du supportérisme n’est pas limitée au répressif : elle inclut un dialogue avec le supporter. Dans ces pays, les fédérations de supporters entretiennent de véritables relations de dialogue avec les différentes instances sportives. C’est aujourd’hui ce que vise cette proposition de loi au travers de l’article 5, qui pose les fondements d’un supportérisme à la française. Admettre la place essentielle du supporter dans la compétition, c’est lui offrir le rôle qu’il mérite enfin.
Si, dans sa version initiale, cette proposition de loi n’envisageait la question que sous le prisme de la lutte contre le hooliganisme, son nouvel intitulé – « proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme » –, voulu par le Gouvernement, traduit bien cette volonté de considérer plus largement la question du supportérisme et de lui accorder une véritable reconnaissance.
Il n’y a pas là, de notre part, une quelconque volonté de laxisme. Il s’agit de comprendre qu’instaurer le dialogue avec les supporters dans un climat de confiance revient à mener une politique préventive pour désamorcer les problèmes en amont et trouver des solutions. C’est essentiel !
En 2010, un Livre vert du supportérisme suscité par la ministre Rama Yade avait déjà souligné ce besoin de reconnaissance des supporters vis-à-vis des instances sportives et institutionnelles. En 2013, un excellent rapport parlementaire que j’ai eu le plaisir de commettre avec Marie-Georges Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français allait dans ce sens. Le rapport de 2014 de Jean Glavany intitulé Pour un modèle durable du football français soutenait lui aussi la nécessité d’associer les supporters et leurs associations à la prévention de la violence et la nécessité de développer un dialogue solide au niveau tant local que national. Enfin, en juin 2015, une proposition de loi était examinée à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le sujet de la représentation des supporters.
En marge de l’action politique, l’évolution est également palpable au niveau associatif. J’ai participé le mois dernier à la troisième édition des ambassades de supporters. Là aussi, il y a un désir fort d’être partie prenante dans les compétitions, notamment dans les grands événements sportifs internationaux. Les supporters souhaitent être entendus et s’engager de façon concrète. Je crois qu’il est possible, et même tout à fait opportun, d’envisager des partenariats. C’est ce que prévoit cette proposition de loi.
Au niveau local, il s’agit pour chaque club professionnel de faire appel à des supporters crédibles pour entreprendre un dialogue avec ces nouveaux référents. Si les députés ont acté le principe de référents désignés par les clubs, il paraît nécessaire de préciser les conditions exactes de leur désignation, leurs missions ainsi que les modalités de leur formation. Ils ne doivent pas être les responsables de la sécurité des clubs mais de véritables médiateurs.
Au niveau national, l’objectif est de créer une instance nationale du supportérisme, force de réflexion, de dialogue et de proposition dont la composition et les missions seront précisées par décret. En effet, cette instance devra être paritaire, composée de représentants des ministères concernés, des fédérations, des ligues professionnelles et des clubs, des associations de supporters, des collectivités locales ou encore de personnalités qualifiées. Ses missions seront notamment de rendre des avis sur les textes législatifs ou réglementaires, de faire des propositions ou de conduire des missions sur tout sujet relevant du supportérisme.
Un texte réglementaire fixera tous ces objectifs, car je pense que ce n’est pas à la loi de le faire. Je préfère prévenir dès maintenant que je demanderai le retrait de certains amendements tendant à ce que les missions de cette instance nationale soient inscrites dans la loi. Nous en reparlerons tout à l’heure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le calendrier sportif à venir est riche. Il dépasse l’Euro de football désormais tout proche. Envisager le supporter autrement, l’inclure dans l’organisation des événements peut être très porteur. Je suis convaincu de la nécessité de lier dialogue et sécurité. Cette proposition de loi peut offrir un élan neuf et instaurer un climat de confiance dans les événements à venir. Le mot-clé de cette loi est le dialogue : il nous appartient de le prolonger et d’échanger pour en tirer toute la richesse. Il vous appartient de renverser ce climat et de créer enfin entre les supporters et le sport professionnel, plutôt qu’un climat de défiance, un climat de confiance. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de la violence dans le sport a fait l’objet de nombreux travaux législatifs afin de renforcer la répression de comportements violents au sein des stades.
Je souhaite tout d’abord insister sur la différence existant entre les supporters et les hooligans. Ces derniers ne sont que des casseurs qui recherchent l’affrontement violent avec les autres, en particulier avec les forces de l’ordre. Toutefois, le supporter très engagé et très passionné, usuellement désigné sous le nom d’« ultra », a un rapport ambigu à la violence, et je pèse mes mots. Cela a été souligné dans le Livre vert du supportérisme.
Le présent texte concerne tous les sports, mais j’observe que les violences parmi les supporters touchent principalement le football et qu’il existe une spécificité à Paris.
En premier lieu, le cadre juridique actuel pour réprimer la violence dans les stades est déjà très complet.
En second lieu, je souhaiterais insister sur deux difficultés résiduelles auxquelles le texte a pour objet de répondre : la difficulté des clubs à faire face à certains comportements dangereux et la nécessité d’intégrer les supporters qui refusent la violence.
Le cadre juridique est articulé autour de sanctions pénales et de mesures administratives. Sans détailler toutes ces mesures, j’observe qu’il existe des dispositions spécifiques au sein du code du sport, notamment des infractions d’introduction ou de lancer d’engins pyrotechniques, des infractions réprimant les provocations à la haine ou à la violence, ou encore l’exhibition de signes ou de symboles racistes notamment. Ces peines peuvent être complétées de mesures d’interdiction judiciaire de stade, prononcées à titre de peine complémentaire des autres infractions précitées pour cinq ans au plus.
Ce dispositif pénal est complété par un dispositif préventif relevant de la police administrative.
Le préfet peut prononcer une interdiction administrative de stade à l’encontre d’une personne constituant une menace pour l’ordre public. Le ministre de l’intérieur peut également interdire un déplacement de supporters en cas de risque de trouble grave à l’ordre public. Enfin, une procédure spéciale permet de suspendre ou de dissoudre par décret une association sportive dont les membres ont commis des actes d’une particulière gravité.
Ces dispositions ont effectivement permis de faire diminuer les violences depuis la saison 2009-2010, fondatrice dans la lutte contre les violences au sein des stades, à la suite de la mort d’une personne en 2010. Actuellement, il existe 328 mesures d’interdiction de stade en cours sur tout le territoire, contre 342 pour la saison dernière, dont 160 interdictions administratives et 168 interdictions judiciaires.
Les interdictions de déplacements sont beaucoup plus nombreuses que les années précédentes, même s’il y a bien sûr un effet induit de l’état d’urgence. Toutefois, en février, une circulaire du ministre a rappelé aux préfets la nécessité de ne pas les utiliser de manière trop extensive.
Quelques difficultés persistent, auxquelles le présent texte vise à répondre.
Les clubs sportifs ont une obligation générale d’assurer la sécurité des personnes et des biens au sein des enceintes. Ils reçoivent ainsi communication des listes de personnes faisant l’objet d’une interdiction de stade. Cette information leur permet de ne pas vendre de billets à celles qui font l’objet d’une telle mesure ou de résilier leur abonnement. À l’intérieur du stade, les organisateurs peuvent se prévaloir des conditions générales de vente comme du règlement intérieur pour les opposer aux personnes ne respectant pas les règles imposées et les expulser le cas échéant.
Toutefois, aussi bien lors de mon déplacement au Parc des Princes que lors des auditions, plusieurs personnes entendues ont fait part des difficultés des clubs à répondre à leurs obligations en matière de sécurité dans la mesure où un certain nombre de comportements ne font pas l’objet d’une réponse répressive, alors même qu’ils peuvent présenter des risques pour la sécurité ou pour le bon déroulement du match : insultes, bagarres, etc. Dès lors, les clubs n’ont aucune trace de ces incidents et ne peuvent refuser ultérieurement de vendre des billets aux auteurs de ces incivilités. C’est ce qui a expliqué la création par le PSG d’un fichier non déclaré des personnes ayant un comportement « non conforme aux valeurs du club ». Ce critère, extensif et subjectif, était inadapté et a été justement abandonné à la suite des contrôles diligentés par la CNIL.
Je pense moi aussi qu’il est sage d’associer les supporters. J’ai rencontré l’association nationale des supporters et diverses associations de supporters. Ils s’inscrivent dans une démarche de responsabilité, et je pense qu’il ne faut pas qu’ils ratent cette opportunité de devenir de réels partenaires des pouvoirs publics et des clubs. Mieux les intégrer, comme le prévoit la proposition de loi, permettrait en effet de les responsabiliser.
Cette proposition de loi a fait l’objet d’un important travail de la part de nos collègues députés et du Gouvernement. Ce travail a permis de trouver un équilibre que je pense adéquat. La commission s’est donc inscrite dans cette logique.
En premier lieu, l’article 1er offre la possibilité aux clubs de répondre à leur obligation de sécurité en leur permettant de mettre en œuvre un traitement automatisé pour fonder un refus de vente ou des résiliations d’abonnement pour des manquements aux dispositions relatives à la sécurité et au bon déroulement des matchs figurant dans le règlement intérieur ou les conditions générales de vente. C’est une réelle avancée.
Sur mon initiative, la commission a précisé la rédaction de cet article pour faire disparaître toute ambiguïté dans la définition du traitement automatisé et pour en simplifier, bien évidemment, la formulation.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. L’idée a été de rendre la définition du traitement la plus objective possible.
La proposition de loi prévoit aussi diverses mesures de sécurisation, avec un principe de maîtrise de la vente des places par le club, l’allongement de la durée des interdictions administratives, ou encore la prohibition de l’accès aux zones de retransmission en public des matchs pour les personnes interdites judiciairement de stade, comme c’est déjà possible pour les personnes faisant l’objet d’une interdiction administrative.
En second lieu, le présent texte crée un mécanisme de nature à mieux associer les supporters. La commission a simplement précisé, sur mon initiative, que le référent supporters du club serait désigné après avis des associations de supporters agréées et non par toutes les associations. Cette restriction est, à mon sens, nécessaire, sous peine de fragiliser le mécanisme. Elle s’inscrit aussi pleinement dans la logique de responsabilisation des associations de supporters, auxquelles j’en ai préalablement parlé et qui étaient d’accord avec moi.
Mes chers collègues, c’est donc une proposition de loi utile et équilibrée que je vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi est débattue dans un contexte sportif marqué par la richesse de son actualité et l’adoption récente d’avancées significatives.
Citons quelques exemples : la loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale ; la conférence nationale sur le sport professionnel qui est en cours ; la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 ; l’organisation prochaine de l’Euro 2016 de football ; le déploiement du plan « Citoyens du sport » ; la mise en place du sport sur ordonnance dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé ; une meilleure prise en compte de la dimension environnementale ; sans oublier l’assainissement financier du CNDS, le Centre national pour le développement du sport, l’incidence de la réforme territoriale avec, notamment, la décentralisation des CREPS, les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, qui s’avère d’ores et déjà une réussite, ainsi que le regain d’intérêt de l’Union européenne, notamment du Conseil de l’Europe, pour le sport.
En un mot, l’actualité sportive se porte bien, et elle s’enrichit aujourd’hui de cette proposition de loi visant à renforcer le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.
L’équilibre de ce texte réside dans la bonne articulation de deux têtes de chapitre du Livre vert du supportérisme de 2010 intitulées, d’une part, Allier prévention et répression et, d’autre part, Intégrer les associations de supporters pour pacifier les stades. Nous sommes convaincus que la réussite d’une telle entreprise contribuera à améliorer la fréquentation des stades.
Je ne reviendrai pas sur le détail des articles qui nous a été présenté par Mme la rapporteur de la commission des lois. J’observe seulement que la nécessité de limiter au minimum les atteintes portées aux droits a été au centre des préoccupations du travail des députés, notamment à l’article 1er concernant le refus de délivrance des titres d’accès et des accès.
Ce texte, grâce à l’article 5 ajouté lors des débats à l’Assemblée nationale et que la commission de la culture a particulièrement examiné, constitue une avancée vers une association plus étroite des supporters à la vie économique et sociale des clubs, si ceux-ci s’emparent pleinement de cette possibilité. Mais le dispositif proposé devra être complété au cours des années qui viennent.
Dominique Bailly avait pris l’initiative, le 17 juin 2015, de déposer une proposition de loi relative à la représentation des supporters, cosignée par des collègues de toute tendance, qui visait à créer un conseil des supporters chargé d’assurer l’expression collective de ceux-ci et permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion comme à l’évolution économique et financière des clubs.
La proposition de loi susvisée prévoyait également la création d’un organisme national représentatif des supporters et la nécessité pour les ligues professionnelles de dialoguer régulièrement avec les supporters.
On retrouve une influence certaine de ce texte dans l’article 5 de la présente proposition de loi, même si ce dernier ne va pas aussi loin pour ce qui concerne les conseils de supporters. Il s’agit néanmoins d’une première étape, qui pourra servir de base à des développements futurs.
Nous appelons de nos vœux la poursuite de la concertation entre tous les acteurs concernés et sa traduction législative, dans le continuum d’un processus engagé lors du premier congrès national des associations de supporters de football qui s’est déroulé au mois de janvier 2010 au Stade de France.
D’autres initiatives doivent également permettre d’avancer dans la voie d’un nouveau supportérisme, comme la mise à niveau et une conception moderne de nos stades et enceintes sportives, alliées à notre système de formation et d’apprentissage à la citoyenneté, qui doivent concourir à la sécurisation des rencontres. Ces actions participent à la nécessité de faire du sport une source de plaisir et d’éducation.
L’évolution du sport et sa mondialisation mettent en compétition les organisations et les modèles nationaux, les systèmes fiscaux et sociaux, les environnements juridiques, la qualité des infrastructures. Mais elle intégrera de plus en plus la capacité pour un pays d’organiser des compétitions sans violence ni incivisme dans les stades et autour de ceux-ci.
Ce texte a pour finalité une organisation apaisée – normale – d’un événement sportif, quel qu’il soit. On évoque bien sûr ici le football, car nous sommes à quelques semaines de l’Euro 2016, mais cette proposition de loi concerne l’ensemble des sports, la globalité des relations entre organisateurs de manifestations et clubs de supporters, dans toutes les disciplines. Elle vise l’image du sport en général.
Ne l’oublions pas, sans spectateurs, il ne peut y avoir de clubs professionnels ! Les dirigeants et les entraîneurs passent, les joueurs aussi, mais les supporters restent.
Par ailleurs, ce texte rejoint le rapport de Jean Glavany publié en 2014 et intitulé Pour un modèle durable du football français. La proposition n° 1 de ce document n’est-elle pas intitulée : renforcer la sécurité et le civisme dans le football en associant fermeté et dialogue ?
Permettez-moi de citer un passage de ce rapport : « Il convient de renouveler les politiques de répression des comportements délictuels et de développer la coordination entre tous les acteurs du football : la sécurité est leur responsabilité collective. Le dialogue entre les autorités publiques, les clubs et les associations de supporters est une pièce maîtresse dans cette lutte. »
Cette coopération peut comporter divers volets : organisation des déplacements, animation et accueil dans le stade, lutte contre toutes formes de discrimination, formation citoyenne aux valeurs du sport, contribution à un climat convivial, festif et populaire autour des rencontres.
Gardons également à l’esprit que la violence concerne parfois le sport amateur. Dans les tribunes, à l’occasion de telle ou telle rencontre, nous trouvons aussi des spectateurs venus simplement pour la beauté du geste sportif ou la convivialité de l’ambiance, sans être obligatoirement animés par le résultat du compétiteur, qu’il fût individuel ou collectif.
Face à une jeunesse qui fonctionne beaucoup par identification et mimétisme, l’exemplarité du sportif de haut niveau n’est pas non plus à négliger dans la disposition d’esprit du supporter. Comme l’écrit Pascal Boniface, « la célébrité doit créer des obligations et pas seulement des droits. »
Monsieur le secrétaire d'État, de façon très consensuelle, la commission de la culture s’est prononcée favorablement sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui, je l’espère, recueillera l’unanimité de notre assemblée, s’inscrit clairement dans la perspective de l’Euro 2016, un événement qui s’annonce sensible du point de vue de la sécurité.
En effet, outre la menace terroriste qu’il serait irresponsable de nier, se pose la question des actes de hooliganisme dans les stades et aux abords de ceux-ci.
Ces derniers mois, au moins trois matchs ont été ternis par de violents affrontements entre supporters ultras : les rencontres OM-OL en septembre 2015,…
M. Alain Dufaut. C’est vrai !
M. Claude Kern. … Le Havre-Lens en janvier dernier et Reims-Bastia en février.
Ces faits intolérables, condamnés par les associations de supporters que je qualifierai de « majoritaires », puisque les hooligans se disent également spectateurs et amateurs de sport, doivent trouver une réponse à la hauteur des actes : stricte et sans appel et, naturellement, répressive.
Je m’inscris en faux contre les objections consistant à affirmer que nous élaborons des lois circonstancielles : les derniers événements et la perspective de l’Euro 2016 motivent certes l’adoption rapide de cette proposition de loi, mais celle-ci s’inscrit dans un arsenal législatif mis en place tardivement en comparaison des autres pays européens.
L’histoire du hooliganisme français et de la réponse de la puissance publique est, en effet, faite de non-dits. La question des pratiques des ultras en France a pendant longtemps été étouffée, pour deux raisons majeures.
Première raison, la représentation sociale du hooligan « à l’anglo-saxonne ». Jeune, pauvre ou mal inséré socialement, alcoolisé, se revendiquant d’une idéologie d’extrême droite ou appartenant à des groupuscules nazis, le hooligan dans toute sa violence serait typiquement britannique. Or les ultras eux-mêmes le disent : ils sont d’abord fans de football, ne sont pas toujours délinquants et voient dans le hooliganisme « une culture, un style de vie ».
Seconde raison, les affrontements ont pendant longtemps eu lieu hors des stades en France, dans des zones reculées. Or les études ont montré que le hooliganisme français est identique à celui que connaît la Grande-Bretagne en termes de quantité, de fréquence et de degré de violence.
Pourtant, les autorités françaises se sont emparées assez tardivement du sujet, puisqu’il a fallu attendre les années 2000 pour voir s’esquisser des mesures probantes en matière de lutte contre le hooliganisme.
Depuis 2009, la création d’une division nationale de lutte contre le hooliganisme et l’adoption de dispositions réglementaires et législatives visant à prévenir les troubles à l’ordre public ont permis de réduire les actes de violence et de rouvrir le chemin des stades aux familles et aux amateurs d’un sport dont les valeurs sont assises sur le fair-play, la tolérance et le respect de l’autre, des valeurs que nous partageons tous dans cet hémicycle.
Néanmoins, les violences persistent, et le bilan de la saison 2014-2015 des championnats professionnels des ligues 1 et 2 fait état d’une recrudescence des actes de hooliganisme.
Pour mettre un coup d’arrêt à ces pratiques et éviter l’emballement des affrontements, il est indispensable de prendre de nouvelles mesures. C’est tout l’objet de cette proposition de loi, qui a été utilement étoffée par les députés en séance publique, à tel point que le nombre d’amendements déposés au Sénat est relativement faible au regard d’autres textes.
Possibilité pour les clubs professionnels de football de mettre en place un fichier des hooligans ; allongement de la durée de l’interdiction administrative ; transmission aux organismes sportifs internationaux d’éléments relatifs aux personnes interdites de stade ; limitation des possibilités de vente de cartes annuelles d’abonnement et possibilité d’autoriser la vente de billets nominatifs ; création d’une instance nationale du supportérisme ; peine complémentaire d’interdiction d’accès à toute zone de retransmission publique d’un match : autant de mesures qui contribueront à garantir le déroulement paisible des matchs, en laissant la place au jeu et au spectacle.
Certes, la proposition de loi est encore perfectible, et les amendements qui nous seront soumis sont, pour l’essentiel, empreints de bon sens et justifiés. J’en ai déposé quelques-uns et j’en soutiendrai certains autres.
Cependant, le texte présenté par la commission, pour reprendre l’excellent propos de Mme la rapporteur, « permet un équilibre bienvenu entre les nécessaires compléments devant être apportés aux clubs sportifs et le respect des garanties applicables en matière de traitements automatisés de données ».
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Tout à fait !
M. Claude Kern. La proposition de loi consacre également le rôle des associations de supporters, dont la prise en compte est indispensable à la fois pour lutter contre le hooliganisme et pour récompenser la qualité de leur pratique du supportérisme, dans l’esprit du sport.
À l’instar de Jean-Jacques Lozach, le rapporteur pour avis de la commission de la culture, je pense que ce texte aurait pu aller plus loin sur ce point, en institutionnalisant la place des supporters dans les clubs, ainsi que le prévoit la proposition de loi soutenue par notre collègue Dominique Bailly. Mais vous nous en direz certainement plus, monsieur le secrétaire d'État, au cours de ce débat, sur votre vision du rôle des supporters dans l’évolution des pratiques sportives.
Permettez-moi de souligner un dernier point. Si l’esprit du sport est parfois malmené dans toutes les disciplines, il est vrai que le hooliganisme est caractéristique du football.
Sport populaire par excellence, diffusé et pratiqué dans le monde entier, le football subit durement l’image de ces ultras, qui cherchent à influer le cours du match par des actes d’une violence extrême, une situation intolérable, à l’image des rencontres qui sont suspendues ou arrêtées par le comportement d’ultras qui lancent des objets sur les joueurs ou cassent des équipements.
Je forme le vœu que les dispositions que nous allons examiner seront adoptées et, surtout, mises en place dès le mois de juin prochain, afin que les festivités liées à l’Euro 2016 ne soient en rien gâchées par des violences intolérables.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Très bien !
M. Claude Kern. Il va de soi que le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le football, de par ses chiffres impressionnants, tient une place toute particulière dans le monde du sport français : plus de 2 millions de licenciés – on note une augmentation nette depuis 2012 –, presque 10 millions de personnes dans les stades pour les rencontres professionnelles au cours de cette saison, sans parler du nombre de téléspectateurs.
Lieu de divertissement, exaltation du courage, de l’esprit d’équipe – c’est en tout cas ce que j’espère dans la plupart des cas –, c’est aussi parce que le stade est le lieu idéal pour mener un travail idéologique que, à la fois, les empires, les républiques et, même, les régimes totalitaires ont mené des politiques sportives d’ampleur.
Le football, mais aussi, dans une autre dimension, le cyclisme, a, à ce titre, fait l’objet d’un traitement particulier.
Sport populaire par excellence, le football a les qualités de ses défauts. Et c’est au législateur de réunir les conditions susceptibles d’atteindre un équilibre, afin de préserver le caractère populaire du stade, tout en assurant la sécurité des biens et des personnes.
À ce titre, nous ne pouvons que souscrire à l’article 5 de cette proposition de loi introduit par l’Assemblée nationale. Malheureusement, alors même que deux modèles économiques et sociaux s’opposent diamétralement dans l’Europe du football, la France a choisi de se tourner vers la Grande-Bretagne plutôt que vers l’Allemagne. Cette dynamique s’est manifestée de plusieurs façons.
Tout d’abord, on a assisté à une politique d’incitation à refermer le football professionnel sur lui-même, malgré les dispositifs tels que la prime à la formation, permettant aux clubs amateurs de souffler financièrement, mais les plaçant sous la dépendance directe des structures professionnelles.
Ce constat s’est par ailleurs accompagné d’une souveraineté de plus en plus forte de la Ligue de football professionnel, la LFP, qui se conduit de plus en plus comme le réceptacle des lobbies des clubs que comme une instance régulatrice d’un monde du football gavé par l’argent, ce en oubliant l’immense majorité invisible que constituent les clubs amateurs.
Ce renfermement est apparu notamment pour ce qui concerne les droits télévisuels. Petit à petit, et sous l’impulsion d’une partie des présidents des clubs de l’élite, on se dirige vers une polarisation de ces revenus : les gros clubs, plus bankable que d’autres, et dont les rencontres sont donc plus diffusées, toucheraient plus de droits télévisuels, ce qui leur permettrait de se renforcer et ainsi d’être encore plus attirants l’année suivante.
De la même manière, la réforme future des promotions et des rétrogradations des clubs entre la ligue 1 et la ligue 2 va conduire à un nouvel isolement des clubs de première division, sous prétexte de sécuriser les investisseurs, au détriment de l’enjeu sportif.
Par ailleurs, le rapprochement avec le modèle anglo-saxon s’est exprimé au travers de la politique de « nettoyage des tribunes » que cette proposition de loi souhaite encore, à mon avis, amplifier.
Premièrement, ce fut le cas en soumettant les horaires de matchs aux exigences des diffuseurs. C’est ainsi qu’il avait fallu une mobilisation des supporters – je rapporte là leurs propos ! – pour que les matchs de la ligue 2, relégués les vendredis et les lundis, soient joués à vingt heures et non plus à dix-huit heures quarante-cinq, car il était alors compliqué pour les supporters de venir au stade.
Deuxièmement, cela se vérifia en usant et en abusant de l’arsenal mis en place par la LOPPSI notamment, mais nous y reviendrons plus longuement au cours du débat.
Rappelons tout de même que, en Grande-Bretagne, c’est par la désinstitutionnalisation des tribunes que s’est développé le hooliganisme, qu’il a ensuite fallu combattre en menant une répression importante et, surtout, en augmentant drastiquement le prix des places.
Enfin, cette politique a poussé les clubs à posséder leur propre stade. En France, ce mouvement s’est concrétisé, par exemple, avec le stade Pierre-Mauroy, propriété d’Eiffage jusqu’en 2043, et le stade des Lumières, propriété d’OL Groupe.
Mme Christine Prunaud. Quel rapport avec le « nettoyage des tribunes » ? La construction d’un nouveau stade, par ailleurs propriété privée, a deux conséquences essentielles. Premièrement, le prix des places est forcément plus élevé. Deuxièmement, les stades quittent les centres-villes au profit de la périphérie, cette nouvelle localisation les rendant, d’ailleurs, la plupart du temps, beaucoup plus difficiles d’accès. Ce constat est confirmé par la baisse moyenne du taux de remplissage.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, je veux à la fois rappeler l’attachement du groupe CRC au sport en général, en tant que pratique fédératrice et populaire, et dire que cette proposition de loi ne nous semble pas protéger suffisamment cet idéal.
Comme je l’ai fait remarquer, la France a suivi le modèle anglo-saxon, qui a poussé la marchandisation du football à son extrême, au risque d’exclure des catégories populaires des stades, laissant les structures privées gouverner le football professionnel et ne faisant aucune distinction entre supporter, ultra et hooligan – je partage votre avis sur ce point, monsieur le secrétaire d'État ! (M. le secrétaire d'État s’exclame.)
Pourtant, d’autres modèles, promus en Europe, perfectibles, mais meilleurs, auraient pu permettre de sortir de cette impasse, que nous estimons sécuritaire et, surtout, très libérale.
Pour l’heure, la philosophie générale de cette proposition de loi ne nous satisfait pas. Nous serons attentifs au cours des débats et aux avis qui seront émis sur nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus de quatre mois après les attentats du 13 novembre, deux semaines après les attaques de Bruxelles et à deux mois de l’Euro de football de 2016, le contexte dans lequel nous examinons la proposition de loi du groupe Les Républicains renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme est bien évidemment loin d’être anodin.
Le hooliganisme est un phénomène qui reste, et c’est heureux, relativement minoritaire en France. Pour le combattre, notre pays s’est déjà doté, au fil des années, d’un arsenal répressif important relatif aux supporters, avec l’interdiction administrative de stade, ou IAS, et l’interdiction judiciaire de stade, l’IDS.
Alors que la législation en vigueur comporte les dispositions nécessaires pour prévenir et sanctionner les violences dans les enceintes sportives, l’article 1er de la présente proposition de loi permettrait aux clubs de football de refuser l’accès aux stades à des supporters ne faisant pas l’objet d’une IAS, mais qui présenteraient un danger pour la sécurité ou le bon déroulement de la rencontre sportive. Ces mêmes clubs pourraient ensuite ficher ces personnes à l’aide d’un traitement automatisé de données à caractère personnel.
Le député Guillaume Larrivé, coauteur et rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, précise, dans son rapport, que ces dispositions, qui « devrai[en]t conduire à une moindre mobilisation des forces de police lors des rencontres sportives, appara[issen]t d’autant plus nécessaire[s] qu’actuellement les forces de l’ordre doivent être prioritairement mobilisées pour lutter contre la menace terroriste islamiste. » Afin de mieux lutter contre cette menace, il faudrait déléguer les prérogatives de la police et des préfets aux clubs de football en matière de gestion de la sécurité, de l’accès aux stades et de fichage des supporters.
Cette évolution me semble quelque peu problématique. Laisser l’exercice de ces compétences aux mains de sociétés commerciales non contrôlées constitue un risque d’arbitraire bien trop élevé.
Bien sûr, le fichier tenu par les organisateurs de manifestations sportives sera soumis à un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et mis en œuvre dans les conditions définies par le Conseil d’État. Mais peut-on s’assurer qu’un tel fichier sera sciemment utilisé pour écarter les personnes violentes, et non pour effectuer un tri sur d’autres critères ? En effet, les clubs pourraient profiter de ces nouvelles dispositions pour écarter des supporters jugés trop revendicatifs – par exemple, ceux qui dénonceraient une gouvernance autocratique ou s’opposeraient à une politique tarifaire excessive.
De surcroît, l’article 6 de la proposition de loi étend l’interdiction de stade aux lieux de retransmission des matchs. Dans le contexte actuel et à l’approche de l’Euro 2016, nous comprenons, bien sûr, que l’accès aux fan zones, qui pourraient réunir entre 10 000 et 100 000 personnes, soit restreint et que les contrôles soient renforcés. Mais comment appliquer une telle disposition au regard du nombre très élevé d’établissements où seront retransmis les matchs de football, qu’il s’agisse des bars, des restaurants, ou encore des salles de sport ?
Évidemment les actes de violence et de discrimination devraient être sanctionnés de manière vigoureuse, mais il est tout aussi important de promouvoir un encadrement très strict des mesures susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles et d’être utilisées à des fins discriminatoires.
Il importe également de sortir d’une logique uniquement punitive et de s’engager dans une logique préventive, qui intègre les premiers acteurs concernés, à savoir les représentants des supporters. En effet, la représentation des supporters au sein tant des instances nationales du sport que des sociétés exploitant les clubs professionnels est la garantie d’une meilleure politique de prévention, permettant de lutter plus efficacement contre les phénomènes de violence et de discrimination au sein des enceintes sportives.
Sur ce point, l’article 5 permet de faire entrer dans la loi une définition positive des supporters, ainsi qu’une représentation à la fois locale et nationale de ces derniers.
Ces mesures, nous les soutenons. D’ailleurs, mon collègue Ronan Dantec présentera des amendements visant à garantir un meilleur partage de la gouvernance entre fédérations, clubs et représentants des supporters.
De nombreux amendements ont été déposés. Ceux du groupe écologiste ont été élaborés dans un esprit tout à fait constructif.
Au final, il s’agira de savoir si le texte revisité par le Sénat atteindra l’équilibre entre répression et prévention. De cet équilibre dépendra le vote du groupe écologiste.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte a considérablement évolué depuis sa transmission au Sénat, qui l’a déjà profondément transformé.
Face aux supporters, deux philosophies s’opposent : la fermeté et la compréhension.
Cela étant, les supporters de football, comme des autres sports, d'ailleurs – c’est toutefois dans le domaine du football que les problèmes se posent avec le plus d’acuité, les difficultés étant, en général, proportionnelles au nombre de spectateurs – se divisent en deux catégories : d’un côté, ceux dont le comportement est tout à fait correct et qui ne créent pas de problèmes et, de l’autre, ceux que l’on pourrait appeler les « agités », qui se livrent à des exactions.
Je pense qu’il ne faut pas aller trop loin dans la compréhension à l’égard de ceux qui cassent tout, qui se battent… On n’a pas besoin de tels individus, que je considère comme des parasites, dans les stades ! À cet égard, je regrette très vivement que la CNIL ait en quelque sorte censuré la tentative du Paris Saint-Germain d’éliminer leur présence : si on avait laissé le PSG réagir, les supporters actuels seraient peut-être moins virulents et certainement beaucoup plus calmes.
Il faut prendre la mesure des dérapages. Ce n’est pas parce que l’on soutient une équipe que l’on doit donner des coups de poing à son voisin ou casser la vitrine de commerces !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Tout à fait ! Vous avez raison.
M. Jean Louis Masson. On ne souligne jamais assez que ce sont certains clubs spécifiques qui posent des problèmes. Il faudrait peut-être sanctionner les clubs concernés de manière beaucoup plus vigoureuse. Cela aurait un effet dissuasif. Or, bien souvent, les dirigeants de certains clubs ne sont pas mécontents que des petites péripéties se produisent : cela fait parler du club, cela donne l’impression qu’il est important, cela stimule l’enthousiasme des spectateurs…
Il faudrait peut-être intégrer une forme de responsabilité des clubs et faire en sorte que ces derniers s’autodisciplinent beaucoup plus qu’actuellement.
M. Dominique Bailly. Cela figure déjà dans la proposition de loi !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur, et M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. Oui ! Relisez le texte !
M. Jean Louis Masson. Je souhaite que l’on ne sombre pas dans l’excès de compréhension et que l’on continue de faire preuve d’une certaine fermeté dans la répression, car les hooligans comprennent certainement mieux celle-ci que celle-là !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne peut justifier que des violences puissent survenir en marge des rencontres sportives, que ce soit dans les stades ou à l’extérieur de ceux-ci. À cet égard, nous entendons, à l’instar de nos collègues, faire preuve de la plus grande fermeté contre toutes ces violences, qui n’ont pas leur place dans le sport.
Toutefois, de ce point de vue, l’arsenal répressif est depuis la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2, plutôt satisfaisant en ce qui concerne le traitement des supporters violents et les mesures coercitives pour éloigner ceux-ci des stades.
Pourtant, la version initiale du texte déposé à l’Assemblée nationale visait exclusivement à renforcer ces mesures répressives, sans jamais poser la question de leur application et de leur efficacité : sont-elles toujours ciblées sur les faits les plus graves ? Les sanctions sont-elles toujours proportionnelles à la gravité des faits ? Comment, enfin, concilier au mieux les impératifs de sécurité et le respect des libertés publiques ?
Pour preuve que ces interrogations ne paraissaient pas fondamentales, aucun représentant ni des clubs de football ni des associations de supporters n’a été auditionné par le rapporteur à l’Assemblée nationale, alors que ces organismes sont les premiers concernés par cette proposition de loi.
Je sais gré à notre rapporteur d’avoir réparé cet impair en permettant à des dirigeants de clubs, aux représentants d’associations de supporters, mais aussi à des chercheurs spécialistes de ces mouvements d’exprimer leur point de vue et, ainsi, d’avoir élargi la réflexion.
Une articulation entre la répression des comportements violents et le dialogue avec les associations de supporters susceptibles justement d’enrayer les comportements à risque semble indispensable si l’on veut mener une politique tout à la fois efficace sur le plan de l’ordre public et respectueuse des libertés individuelles. C’est ce que traduit le nouvel intitulé de la proposition de loi. Nous nous félicitons également de l’intégration en son sein de dispositions visant à améliorer le dialogue et la prévention, même si nous pensons que le texte peut aller encore plus loin.
L’article 1er permet aux clubs d’exclure des supporters. À l’inverse de plusieurs de mes collègues, je ne suis pas convaincue de la nécessité de confier aux clubs des pouvoirs de police appartenant au juge et au préfet, pouvoirs qu’aucun club, hormis le Paris Saint-Germain, ne réclamait. Certes, la situation du club de la capitale, avant le plan de sécurité dit « Leproux », nécessitait un traitement spécifique, mais la loi n’est pas là pour s’adapter aux cas particuliers. En ce sens, je veux citer un extrait du rapport Faut-il avoir peur des supporters ?, issu de travaux menés dans l’enceinte de la Haute Assemblée en 2007 : « la responsabilité d’expulser physiquement un spectateur récalcitrant d’un stade incombe aux services de police ou de gendarmerie. » Eu égard à l’exemple du PSG, épinglé par la CNIL à plusieurs reprises, entre 2013 et 2015, pour fichage illégal, comment contrôler d’éventuels abus de la part des clubs ? La question demeure et justifiera les amendements que nous défendrons ultérieurement.
Demeurent également des interrogations sur la pertinence de l’allongement des interdictions administratives de stade prévu à l’article 2. Il faut savoir que l’interdiction judiciaire de stade permet déjà d’écarter un supporter considéré comme violent pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, à l’instar, par exemple, des législations allemande ou espagnole. Renforçons cette mesure ! À l’inverse, la vocation préventive des interdictions administratives de stade paraît en contradiction avec la volonté d’étendre leur durée. Ces interdictions, émanant du préfet, visaient à l’origine à faire la jointure avec la procédure judiciaire, non à se substituer à elle. En allongeant leur durée, ne s’expose-t-on pas à ce qu’elles deviennent la voie de recours normale ?
N’oublions pas, mes chers collègues, que ces mesures n’offrent pas les garanties du contradictoire et peuvent s’avérer très invalidantes pour les supporters incriminés, ainsi que l’a fait remarquer Mme la rapporteur, d’autant plus que l’on constate un taux anormalement élevé d’annulations de ces mesures de la part des tribunaux administratifs. Ces recours qui aboutissent devraient nous alerter sur un dispositif qui s’est peut-être écarté de sa finalité première !
Enfin, il apparaît que les interdictions administratives de sortie du territoire – destinées, je le rappelle, aux Français présumés terroristes – présentent un régime plus protecteur pour les personnes que les interdictions administratives de stade, ce qui semble difficile à justifier.
Les dispositions de l’article 5 qui prévoient la création d’une instance nationale du supportérisme et d’un agent de liaison entre les supporters, les clubs et les pouvoirs publics nous semblent tout à fait positives – je le répète –, mais le rôle des associations de supporters est déterminant dans la régulation des comportements à risque. Il faut donc dialoguer avec celles-ci et, ainsi, contribuer à les responsabiliser. De ce point de vue, s’il fallait trouver des exemples en Europe, c’est moins du côté de la Grande-Bretagne que de l’Allemagne, où ce dialogue permet souvent de désamorcer les tensions, qu’il faut chercher.
Enfin – j’en terminerai sur ce point –, il nous paraît important de rendre publics les chiffres du ministère de l’intérieur relatifs aux interdictions de stade et de déplacement, afin d’orienter au mieux une politique publique efficace.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous avons des propositions à faire pour enrichir ce texte de loi ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, avant que nous n’abordions ce texte dans le détail, de procéder à un petit rappel de contexte. On ne peut pas traiter du supportérisme et du hooliganisme sans rappeler que le sport permet le dépassement de soi et qu’il est porteur de valeurs universelles de solidarité, de respect de l’autre et des règles communes, ainsi que d’un message de concorde.
Si chacun s’accorde à en reconnaître les vertus, tant pour la santé physique et mentale de ceux qui le pratiquent que pour son incidence sociale à travers les valeurs qu’il prône et les vrais moments de communion qu’il permet de vivre, il est aussi un miroir de notre société et de ses dimensions moins glorieuses : compétition acharnée, attrait et pouvoir de l’argent, individualisme et, dans les cas les plus extrêmes, nationalisme et xénophobie.
Le sport, depuis ses origines, doit composer entre sa dimension humaniste et les passions exacerbées qu’il suscite. Ainsi, la violence, dans les stades et autour de ceux-ci, ne date pas de l’ère contemporaine. Déjà les légions romaines, à l’instar de nos forces de l’ordre, intervenaient pour réprimer les débordements de ceux que l’on n’appelait pas encore les supporters lors des courses de chars à Constantinople.
Les chars ont disparu, mais la violence est malheureusement toujours là. Les stades en ont donné l’illustration la plus vive, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi chez nous. J’en veux pour preuve les derniers incidents en date qui se sont déroulés au Havre, dans mon département.
On peut s’interroger sur les causes de ces comportements : présence nombreuse, effet de foule, confrontation d’équipes dont l’une, gagnante, est possiblement arrogante et l’autre, perdante, probablement frustrée…
Toutes les explications peuvent être fournies et les études ne manquent pas. Il n’en reste pas moins que la violence, qui doit être en permanence prévenue, contenue et réprimée, est inacceptable.
Dans le même temps, les événements sportifs ont toujours rassemblé des foules enthousiastes, venues partager un spectacle, soutenir l’image de leur territoire et l’excellence de ses représentants. Ce sont, pour elles, des moments de convivialité et de partage, créateurs de lien social, qu’il faut absolument préserver.
C’est pourquoi il faut, sans relâche, et en s’adaptant aux évolutions de notre société, rechercher et trouver le meilleur équilibre possible entre le maintien de la sécurité dans nos stades et la reconnaissance des valeurs portées par les supporters.
De nombreuses réflexions ont déjà été engagées sur cette question, comme l’ont rappelé les précédents orateurs : la révision en cours de la convention européenne de 1985, le Livre vert de 2010, le rapport de Jean Glavany intitulé Pour un modèle durable du football français, ou encore la proposition de loi de notre collègue et ami Dominique Bailly, dont nous reprendrons, sous forme d’amendements, plusieurs préconisations.
La présente proposition de loi, dans son aspect répressif, complète un arsenal déjà important qui a permis de réduire les actes de hooliganisme, notamment à travers la mise en œuvre du fichier national des interdits de stade, même si nous constatons un rebond des incidents en 2015.
Il est utile de préciser que si ce fichier s’adresse à toutes les manifestations sportives, il concerne essentiellement le football, qui cumule, à lui seul, 367 interdictions de stades en 2015, contre 3 pour le rugby, 3 pour le basket et aucune pour les autres disciplines sportives.
De façon plus générale, ce texte a le mérite de clarifier la répartition des rôles en matière de sécurité entre les organisateurs de manifestations sportives et l’État, et de responsabiliser les premiers en leur donnant les moyens d’assumer pleinement leurs obligations : refus d’accès au stade, résiliation d’abonnement, création de fichiers spécifiques.
Ces dispositions ont été encadrées pour préserver les libertés fondamentales. Toutefois, elles mériteraient de l’être davantage encore pour rassurer les supporters, qui craignent de possibles décisions arbitraires visant à éloigner du stade des personnes revendicatrices, mais peu ou pas dangereuses pour autant. Plusieurs des amendements déposés vont dans ce sens.
Le texte prévoit également d’allonger la durée des interdictions administratives de stade. Si l’on peut admettre cette mesure afin de rendre ces interdictions pleinement efficaces, j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur l’usage croissant de telles interdictions : celles-ci n’ont en effet pas vocation à se substituer aux mesures judiciaires et sont trop souvent assorties d’obligations de pointage qui peuvent rendre la vie d’un supporter particulièrement difficile quand le club qu’il soutient dispute près de soixante rencontres par an. Nous le rappelons : ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques que représente la personne concernée.
Enfin, il nous paraît judicieux d’étendre les interdictions judiciaires à ce que l’on appelle les « fan zones », tout en considérant nécessaire d’en préciser le périmètre.
Sur les sept articles que compte cette proposition de loi, cinq concernent la dimension répressive. L’article 5, particulièrement important et attendu, marque un véritable tournant en ce qu’il reconnaît – enfin ! – l’existence, le rôle et la place des supporters. Il existe aujourd’hui une réelle volonté de la part de ces derniers de se structurer et de devenir des interlocuteurs crédibles des autorités et des clubs. Cela s’est traduit par la tenue des assises du supportérisme, ici même, au Sénat, et par la création du Conseil national des supporters de football et de l’Association nationale des supporters.
Il est indispensable d’accompagner les supporters et de stimuler leur rôle non seulement social et démocratique, mais aussi d’acteurs de prévention des comportements indésirables.
Les associations de supporters doivent être reconnues et dissociées clairement des hooligans : elles jouent un rôle d’intégrateur social pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives, notamment pour les plus jeunes ; elles constituent des espaces d’apprentissage de la vie associative et militante ; elles sont enfin régulatrices de la violence lorsqu’elles exercent un contrôle efficace sur leurs membres – c’est la raison pour laquelle nous considérons qu’elles doivent avoir connaissance des interdits de stade liés à leur club.
Les autorités publiques, les collectivités territoriales, mais aussi les sociétés commerciales organisatrices d’événements sportifs doivent poursuivre et approfondir le dialogue avec ces associations – et, quand cela n’est pas encore fait, l’engager – et aider à leur structuration.
Ainsi, l’amélioration de la représentation de ces associations, à travers la création d’une instance nationale du supportérisme, est une excellente décision, qui mériterait d’être prolongée – ce sera l’objet de deux amendements. Ce serait le gage d’une plus grande transparence et d’une plus grande durabilité du sport, vecteur de cohésion sociale et de responsabilité sociétale.
Nous plaidons donc, monsieur le secrétaire d’État, pour que soit trouvé le meilleur équilibre entre adaptation des mesures répressives, garantie des libertés individuelles et reconnaissance du rôle des associations. Nous soutiendrons toutes les avancées qui feront de ce texte une loi contre les hooligans et pour les supporters. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme la rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les compétitions sportives constituent des moments importants de cohésion. Ces rencontres sont parfois dégradées par des individus totalement étrangers aux valeurs sportives qui profitent des insuffisances de notre législation ; des individus dont la haine n’a rien à voir avec la passion et l’enthousiasme des supporters.
En raison de certaines lacunes juridiques qui empêchaient de remédier aux débordements lors de rencontres sportives, il était nécessaire de compléter et d’améliorer notre arsenal législatif.
À cet égard, je salue les avancées contenues dans le dispositif qui nous est proposé. Je salue également nos collègues de l’Assemblée nationale qui ont permis à cette initiative de voir le jour. Je remercie enfin la commission des lois, son président, Philippe Bas, et Catherine Troendlé qui ont examiné ce travail constructif pour répondre aux nécessités de l’actualité sportive.
Cette proposition de loi répond tout d’abord à l’impossibilité de communiquer aux fédérations et groupements sportifs la liste des personnes indésirables. Le Conseil d’État avait même récemment annulé la communication de ces données aux fédérations et groupements sportifs agréés, au motif que ces organismes n’exerçaient aucune mission dans le maintien de l’ordre public. Seule une modification législative pouvait mettre fin à cette impossibilité.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
M. Pierre Charon. Ce sera chose faite, monsieur le président de la commission des lois, si la proposition de loi et son article 1er sont adoptés.
Désormais, le fichier des indésirables pourra être créé et utilisé par des organisateurs d’événements sportifs.
Cette avancée met fin à un blocage qu’il était impossible de contourner, sous peine d’illégalité. Il sera dorénavant possible de refuser des supporters – les individus visés ne méritent d’ailleurs pas ce nom !
Ce texte comporte d’autres avancées. La durée légale des interdictions administratives de stade est, à ce jour, dérisoire et inadaptée par rapport à la saisonnalité des championnats. Ne laissons pas ces interdits de stade revenir régulièrement, un peu à la manière de la mauvaise saison.
À cet égard, j’approuve l’élargissement de la durée de l’interdiction administrative de douze à vingt-quatre mois, voire à trente-six en cas de récidive.
De même, je me réjouis que la liste des personnes sous le coup d’une interdiction administrative de stade soit communiquée aux organismes sportifs internationaux.
En tant qu’élu parisien, je sais que la ville de Paris est concernée par l’Euro 2016. Pour éviter les débordements, il faut donc agir en amont et faciliter le travail des instances européennes et internationales. Instaurer la possibilité de savoir qui est interdit de stade est une mesure de bon sens.
Pour éviter que certains hooligans ne contournent les vérifications d’identité, la proposition de loi prévoit aussi la généralisation de la vente nominative d’abonnements, ce qui permettra d’éviter la pratique des ventes de billets en bloc.
Enfin, je me réjouis que le rôle et la responsabilité des supporters soient reconnus à travers la création d’une instance nationale du supportérisme placée auprès du ministre des sports. Les supporters pourront ainsi contribuer au bon déroulement des compétitions sportives.
Il est important que ces derniers soient consultés. Leur rôle ne doit pas seulement être passif. Les supporters sont bien plus que des spectateurs, ce sont des acteurs à part entière. Ils contribuent à l’intensité de l’ambiance des grandes compétitions sportives.
J’approuve l’élargissement des interdictions judiciaires de stade aux fan zones. La retransmission d’un événement sportif doit être l’occasion d’une scène de liesse, non de jets de tessons… Il convient donc d’aller au-delà des stades et de leurs abords, en élargissant précisément la notion de périmètre couvert par l’interdiction judiciaire de stade.
Je salue, à cet égard, le dispositif introduit à la suite de l’adoption d’un amendement de Philippe Goujon, à l’Assemblée nationale. Cette initiative est fondamentale. Ne laissons pas ceux qui ont violé la loi profiter de ses insuffisances et de ses flous. Les interdits de stade doivent être éloignés de tous les lieux où ils peuvent sévir. Il s’agit d’une avancée aussi importante que la possibilité de créer des listes de personnes indésirables dans les stades.
Mes chers collègues, il y a urgence : l’Euro 2016 approche. Ne laissons pas nos pelouses parisiennes devenir le terrain de jeu de batailles rangées. À Paris, nous avons encore le souvenir des débordements inacceptables du 13 mai 2013. Nous avions alors déploré l’inertie des pouvoirs publics, plus prompts à sévir lors de certaines manifestations qu’à s’occuper des casseurs.
De ce point de vue, étant donné la configuration des lieux et les risques de débordement, les fan zones doivent être évitées dans la capitale au cours de l’Euro 2016. Il y va de la tranquillité publique. J’en profite pour relayer les demandes et les craintes de ceux qui veulent éviter de voir Paris devenir un terrain d’affrontement. Cela permettrait aussi de ne pas disperser les forces de l’ordre, souvent sollicitées depuis le 13 novembre dernier.
Pour toutes ces raisons, j’approuve ce dispositif, fruit d’un travail transpartisan. Parce que c’est à la fois le cœur et la raison qui s’expriment, je suis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour ses auteurs, la proposition de loi que nous étudions vise à permettre aux clubs professionnels de mieux assumer leur responsabilité en matière de sécurité dans les stades, via le refus de vente de billets et la mise en place d’un fichier d’exclusion, et à allonger la durée des interdictions administratives de stade.
Je mesure et partage la nécessité de garantir la sécurité de l’Euro 2016, que notre pays accueillera dans un peu plus de deux mois, ce dans un contexte particulier de menace terroriste. Il s’agit bien évidemment d’une priorité du Gouvernement. Les mesures de sécurité prévues à cette fin ont d’ailleurs été renforcées pour les stades, leurs abords et les fan zones.
Toutefois, sans amoindrir l’enjeu que constitue l’Euro 2016 en matière de sécurité, les supporters ne peuvent être appréhendés uniquement sous l’angle de la répression. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que nos collègues de l’Assemblée nationale, avec votre soutien, aient pu dépasser ce premier volet sécuritaire pour introduire des dispositions en faveur du dialogue avec les supporters.
Comme vous l’avez souligné dans votre propos introductif, le nouvel intitulé de cette proposition de loi en atteste et permet de faire une différence, à mon sens cruciale, entre supporters et hooligans. C’est en effet dans un souci de dialogue avec les supporters et leurs représentants que je souhaite aborder ce texte.
Selon moi, les supporters sont un maillon essentiel du dispositif sportif. Nous avons tout à gagner à les écouter et à les impliquer davantage, en particulier pour préserver la sécurité lors des rencontres sportives. Tel est d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, le sens de la proposition de loi relative à la représentation des supporters que j’ai déposée au mois de juin 2015 et que vous avez mentionnée, préparée avec les associations de supporters et signée par une soixantaine de collègues, de tous bords politiques.
Je me félicite que le texte qui nous occupe ce soir reprenne déjà, en partie, certaines des dispositions que j’ai proposées, notamment la création d’une instance nationale du supportérisme – j’y reviendrai dans quelques instants.
L’article 1er de la présente proposition de loi permet aux clubs organisateurs de refuser la vente de billets à certains spectateurs, auteurs d’actes inciviques ou manifestant des comportements violents, et de créer ce fameux fichier de hooligans.
Si je soutiens la nécessité de donner aux clubs les moyens de lutter contre la violence dans les stades, la formulation de cet article doit, selon moi, être précisée pour éviter tout risque d’arbitraire dans les décisions de refus d’accès que prendront les clubs. Nous présenterons donc un amendement allant dans ce sens.
L’article 2, quant à lui, allonge la durée de l’interdiction administrative de stade. Si l’existence d’une telle mesure est nécessaire, il convient là aussi de préciser les choses. On constate en effet que deux tiers des recours mènent à l’annulation de l’arrêté contesté. C’est pourquoi nous présenterons deux amendements : l’un, relatif au principe du contradictoire ; l’autre, relatif aux obligations de pointage, comme l’évoquait à l’instant Didier Marie.
L’article 3 prévoit la transmission de l’identité des interdits de stade aux organismes sportifs internationaux, lorsqu’une équipe française participe à une manifestation sportive à l’étranger. Nous proposons d’étendre cette disposition aux compétitions organisées par ces mêmes organismes sur le sol français.
Par ailleurs, dans un souci de responsabilisation des associations de supporters et afin de leur permettre de promouvoir les valeurs du sport, nous proposons que le préfet communique l’identité des interdits de stade aux associations de supporters agréées, au même titre qu’aux clubs et aux fédérations.
L’article 5, consacré aux supporters, insère un nouveau chapitre dans le code du sport, ce dont je me félicite. Il pose une définition des supporters et des associations de supporters.
Je profite de cette tribune pour vous remercier une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, de cette initiative gouvernementale de création d’une instance nationale du supportérisme et d’un référent supporters.
Cet article va réellement dans le bon sens. Comme j’aimerais qu’il aille encore un peu plus loin, les membres de mon groupe et moi-même avons déposé trois amendements : le premier tend à préciser les conditions de désignation et de formation du référent, ainsi que ses missions ; le deuxième et le troisième s’inspirent de certaines des dispositions contenues dans ma proposition de loi de juin 2015. En effet, le présent texte instaure une représentation des supporters à l’échelon national. Nos amendements visent non seulement à décliner cette représentation à l’échelle des clubs, mais aussi à élargir la composition des fédérations aux représentants des supporters.
Assurer la sécurité au sein des enceintes est un objectif que nous partageons, mais pas au détriment des supporters. C'est la raison pour laquelle nos amendements tendent à préciser et à proportionner les dispositions, ainsi qu’à associer et à responsabiliser les supporters.
En conclusion, j’aimerais dire qu’il est temps d’appréhender les supporters sous un autre angle que celui de la répression, de prendre conscience qu’ils font partie intégrante du mouvement sportif et que les inclure et les responsabiliser ne peut qu’être un atout pour le sport professionnel français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Les supporters constituent l’âme du football professionnel. Sans eux, le football professionnel ne serait pas très différent d’un sport amateur ou d’un divertissement quelconque. Alors que la plupart des joueurs et des entraîneurs changent de clubs au cours de leur carrière, les supporters honorent leur engagement contre vents et marées et restent fidèles à leur équipe.
Je suis satisfait de voir arriver au Sénat cette proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, texte comportant à la fois des dispositions répressives et d’autres plus novatrices, car axées sur le dialogue.
Nous sommes à deux mois de l’UEFA Euro 2016. Notre pays ayant la chance d’accueillir un tel événement, on attend de lui qu’il soit irréprochable en matière de sécurité.
Ainsi, dans son volet répressif, la proposition de loi décline un panel de mesures demandées par les clubs, désabusés face à certains comportements, heureusement minoritaires, de supporters.
La durée maximale de l’interdiction administrative de stade, déjà portée à six mois en 2010, puis à douze mois en 2011, atteindrait désormais vingt-quatre mois. En cas de récidive, elle passerait de vingt-quatre mois à trente-six mois.
Cette interdiction serait étendue aux fan zones, comme c’est déjà le cas pour les interdictions judiciaires de stade.
Par ailleurs, la proposition de loi tend à permettre aux organisateurs de refuser ou d’annuler la vente d’un titre d’accès au stade, pour raisons de sécurité.
Enfin, et c’est là une disposition nouvelle importante, les clubs seront autorisés à automatiser le traitement des données de supporters. Ce fichier automatisé des supporters sera néanmoins limité aux personnes contrevenant « aux dispositions des conditions générales de vente ou de règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations ». Le simple supporter ne posant aucun problème ne se retrouvera donc pas fiché ; en revanche, les hooligans le seront. La précision est de taille. À cet égard, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier Mme le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la qualité de leurs travaux.
Aujourd’hui, notre système est répressif, proche de celui de la Grande-Bretagne. Nous sommes conscients de l’importance d’aller vers un système axé sur le dialogue avec les supporters et les associations de supporters et permettant de construire une véritable relation de confiance. En effet, la confiance entre les différents acteurs du sport constituera un moyen d’améliorer la sécurité ; cette proposition de loi va dans ce sens.
Elle prévoit notamment de mettre en place, dans chaque club, des référents chargés des relations avec les supporters. Je suis pleinement favorable à un tel dispositif. Ces référents seront désignés après avis des associations respectant les valeurs du sport, en particulier celles qui bénéficient de l’agrément du ministère des sports. Chaque club professionnel aura donc l’obligation de désigner un ou plusieurs représentants officiels des supporters chargés des relations entre le club, ses supporters et les associations de supporters.
À l’échelon européen, l’UEFA partage cette idée, puisqu’elle a elle-même mis en place des responsables de l’encadrement des supporters, ou RES.
La responsabilité de choisir, sélectionner, former un tel responsable reviendra à la direction du club. Principal prérequis : être bien connu des supporters, entièrement accepté et à même de comprendre les groupes cibles. Ce responsable sera employé, dans les grands clubs, de préférence à plein temps. Dans les plus petits clubs, il bénéficiera d’un temps partiel ou interviendra bénévolement. Le dialogue avec les supporters commence avec leurs référents.
Pour avoir été responsable de l’organisation des matchs de l’Europa League – ce n’était malheureusement pas à Marseille –, je sais que le dispositif des RES fonctionne, permettant en particulier d’aider au debriefing précédant le match, qui réunit différents intervenants, à savoir, notamment, le club et les représentants de l’État et de la ville. Il peut permettre d’anticiper les éventuelles difficultés.
Le dialogue est également recherché avec la création auprès du ministère chargé des sports d’une instance nationale du supportérisme qui reconnaît le rôle des associations de supporters. Elle sera composée de l’ensemble des acteurs du sport.
Enfin, il était opportun de créer un statut du supporter, reconnu en tant qu’acteur du sport respectueux de l’éthique sportive et des valeurs éducatives et citoyennes du sport. Il est rappelé que le supporter doit participer au bon déroulement des manifestations sportives.
La création d’un statut de supporter et d’instances de représentation au sein des institutions et des clubs est un symbole important. Les supporters deviennent de véritables interlocuteurs. Il faut qu’ils soient associés aux discussions, que leurs voix soient prises en compte dans la gouvernance du sport, comme c’est le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni. À ce titre, la représentativité des instances créées constituera un véritable enjeu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai bien sûr ce texte, le dialogue avec les supporters me paraissant primordial. Nous assistons aujourd’hui en France à une baisse des niveaux de fréquentation des stades. L’incompréhension entre les acteurs grandit. Nous sommes en outre dans une période difficile de lutte contre le terrorisme, laquelle nécessite que des mesures sécuritaires soient prises. Dans ce contexte, la concertation me semble la meilleure des alliés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques-Bernard Magner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale et présentée par Guillaume Larrivé arrive fort opportunément, à quelques semaines seulement de l’ouverture de l’Euro 2016. Elle devrait fournir aux organisateurs les moyens législatifs d’assumer beaucoup mieux leurs obligations en matière de sécurité.
Ce n’est pas la première fois que le Parlement se préoccupe de ces problèmes de hooliganisme et d’insécurité dans nos stades et nos enceintes sportives. J’ai ainsi souvenance d’une réflexion menée au Sénat en 2006 et 2007 par nos anciens collègues Bernard Murat et Pierre Martin, au sein d’un groupe de travail auquel je participais et dont le thème était le suivant : faut-il avoir peur des supporters ?
Il se trouve que les principales propositions des rapporteurs de l’époque rejoignaient déjà les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je pense, en particulier, à la nécessité du « renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters » et de la « création d’un fichier européen commun des interdits de stade », ainsi qu’aux mesures de prévention, qui nous auraient permis de gagner dix ans en la matière.
Plus récemment, en 2011, j’ai été moi-même rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, d’un texte relatif à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016. Si la finalité essentielle de cette loi était de permettre le financement de la rénovation de six enceintes sportives et de la création de quatre nouveaux stades réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif par le biais d’une éligibilité aux subventions publiques et aux participations financières extérieures, la sécurité dans les nouveaux stades faisait partie intégrante du cahier des charges de l’UEFA pour l’Euro 2016. Jean-Jacques Lozach a évoqué le travail mené par Dominique Bailly sur le même sujet au mois de juin 2015.
Les aspects essentiels de la proposition de loi ayant été évoqués par les précédents orateurs, je me bornerai à souligner les trois points qui me paraissent primordiaux.
Tout d’abord, les cartes d’abonnement doivent évidemment être nominatives. Une photo devrait également être exigée. Certes, une telle disposition est sans doute de nature réglementaire. Toutefois, elle permettrait d’éviter la présentation de fausses identités, phénomène assez fréquent.
Ensuite, l’interdiction des stades doit être effective pour ceux qui sont condamnés. À cet égard, le délai de trois ans me paraît raisonnable.
Enfin, il convient de renforcer le dialogue entre les supporters, leurs représentants et les dirigeants des clubs. C’est certainement la préconisation le plus importante. Il faut que le club et les groupes de supporters tombent d’accord sur la désignation de responsables officiels des supporters qui doivent dès lors assumer pleinement leurs responsabilités, et faire respecter les engagements pris avec le club, dans le cadre, comme l’a dit tout à l’heure M. le secrétaire d’État, d’un véritable partenariat.
Par ailleurs, les hooligans, venus de Grande-Bretagne, sont, après les associations d’ultras, les plus dangereux. Leur attachement au club, probablement réel au début, dévie très vite vers un soutien violent, devenu le seul motif de leur venue au stade. Ils se regroupent de manière informelle, dans des bandes et non des associations, afin d’organiser ce qu’ils appellent des « fights » avec d’autres supporters. Ce sont des batailles de rue ou de tribune n’ayant comme but que la violence elle-même.
C’est surtout ce type d’individus qui n’a plus rien à voir avec un supporter sportif qu’il faut absolument éradiquer, comme l’a réussi en partie le Paris Saint-Germain. Ces personnes ne doivent plus pouvoir pénétrer dans les stades.
Toutefois, cela a été dit à maintes reprises, gardons-nous de faire un amalgame ! Les associations de supporters ne doivent pas être uniquement envisagées sous l’angle de la violence. Le ciment d’identification locale que constitue un club sportif est un élément essentiel pour une ville ou une collectivité qui doit donc s’investir en matière de problématique des supporters.
Les associations de supporters jouent en effet un rôle d’intégration sociale pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives pour les plus jeunes. Elles sont aussi régulatrices de la violence, lorsqu’elles exercent un contrôle efficace de leurs membres, ce qui en fait des acteurs sociaux incontournables.
Le renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters est donc bien évidemment l’élément clé de cette proposition de loi. Étendre ce dialogue à l’échelon national par la création d’une instance nationale du supportérisme va tout à fait dans le bon sens.
Je soutiens également la publication des fichiers des interdits de stade au plan européen. Toutefois, comme l’a dit Dominique Bailly, la réciprocité de cette mesure doit impérativement être mise en œuvre.
Nous ne voulons plus connaître les épisodes tragiques qui ont touché Glasgow en 1971, Bruxelles, au stade du Heysel, en 1985, Sheffield en 1989, Gênes en 1995, mais aussi Paris, aux abords du Parc des Princes, en 2006 et 2013. C’est pour cette raison que nous voterons sans hésitation le texte élaboré par la commission des lois, lequel ne peut que renforcer efficacement la lutte contre le fléau que constitue le hooliganisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
Mme la présidente. En application de l’article 50 ter du règlement, j’informe le Sénat que M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a demandé, par lettre en date de ce jour, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 523, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle et déposée aujourd’hui même.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement.
11
Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.
La discussion générale ayant été close, nous passons à l’examen du texte de la commission.
proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme
Article 1er
L’article L. 332-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° À la fin, la référence : « article 23 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité » est remplacée par la référence : « article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Aux fins de contribuer à la sécurité des manifestations sportives, les organisateurs de ces manifestations peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à ces manifestations ou en refuser l’accès aux personnes qui ont contrevenu ou contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations.
« À cet effet, les organisateurs peuvent établir un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux manquements énoncés à l’alinéa précédent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Christine Prunaud. L’article 1er de cette proposition de loi prévoit de laisser aux clubs le soin de refuser ou d’annuler la délivrance de titres d’accès à des manifestations sportives aux personnes qui mettraient en péril la sécurité ou le « bon déroulement » desdites manifestations.
S’agissant de la sécurité, tout d’abord, pourquoi confier cette mission aux clubs, alors même que, à l’exception du Paris Saint-Germain, aucun n’est demandeur d’une telle disposition, et surtout n’est en mesure de s’arroger des pouvoirs qui devraient être dévolus à la force publique ?
Concernant la référence au « bon déroulement », le groupe CRC ne peut être que s’interroger sur le sens de cette expression. Que faut-il vraiment entendre par « bon déroulement » ?
L’article 1er prévoit par ailleurs une seconde mesure, tout aussi contestable : la possibilité pour les clubs de constituer des fichiers de supporters. Ce point est pour nous, le groupe CRC, d’une grande importance. Cette pratique inaugurée par le PSG a fait l’objet de mises en demeure de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et de condamnations du Conseil d’État.
Si ces décisions visaient non pas le fond de l’affaire, mais plutôt l’absence de législation en la matière, le législateur doit-il pour autant légaliser une pratique largement critiquable, dans le seul but de faire « rentrer dans les clous » un club menant une politique particulièrement néfaste vis-à-vis des supporters ?
Ces interrogations nous conduisent à demander la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
Mme Mireille Jouve. J’ajoute aux propos qui viennent d’être tenus que ces propositions de dispositions sont le fruit de demandes émanant d’un seul club, le PSG.
Celui-ci souhaite pouvoir exclure et ficher certains de ses supporters, qu’il considère comme indésirables, mais sans que cela soit toujours justifié – en témoignent les mises en demeure du club parisien par la CNIL entre 2013 et 2015.
La possibilité d’abus n’étant pas écartée, il ne me paraît donc pas opportun d’octroyer une telle liberté à des sociétés privées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La position de la commission est tout à fait opposée à celle des auteurs de ces deux amendements de suppression de l’article 1er.
Madame Prunaud, contrairement à ce que vous dites, les clubs ont bien une obligation de sécurité dans l’enceinte des stades.
Par ailleurs, le PSG n’est pas seul demandeur : d’autres clubs ont fait connaître leur intérêt pour la mise en place d’un tel fichier.
L’adoption de l’article 1er est donc absolument nécessaire afin de permettre aux clubs sportifs de se doter de traitements automatisés et d’assurer ainsi effectivement leur obligation de sécurité, et donc le bon déroulement des matchs au sein des stades.
En outre, le périmètre des traitements automatisés a été largement précisé par la commission, et toutes les garanties ont été offertes pour en cadrer la définition.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur ces deux amendements.
Le Paris Saint-Germain est loin d’être le seul club concerné ! Il a certes dû, il y a quelques années, prendre des mesures importantes pour ramener l’ordre au Parc des Princes ; mais de nombreux clubs souhaitent aujourd’hui pouvoir interdire de stade les personnes condamnées comme « fautrices de troubles ».
C’est la raison pour laquelle nous approuvons la logique de cet article 1er, y compris celle qui préside à la rédaction de l’alinéa 2.
J’avais d’ailleurs souhaité – et l’Assemblée nationale, sur ce point, a suivi le Gouvernement – que tout traitement automatisé de données soit établi sous le contrôle de la CNIL, afin de parer à d’éventuels excès. Il est en effet important qu’un traitement informatisé puisse être mis en place, mais celui-ci doit faire l’objet d’un contrôle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 24 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 60 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Je tiens d’abord à préciser que je partage pleinement les objectifs de cette proposition de loi, ainsi que les propos de M. le secrétaire d’État, qui appelait tout à l’heure à la non-stigmatisation des supporters et au refus de l’amalgame entre ces derniers et les hooligans.
Ce texte est bien entendu influencé par son contexte de rédaction, celui de l’état d’urgence et de l’organisation prochaine de l’Euro de football.
Il est d’ores et déjà possible d’interdire des personnes de stade, mais cela relève de la compétence exclusive du juge ou du préfet. Le juge rend une décision publique, au terme d’une procédure contradictoire respectant les droits de la défense. Le préfet prend un arrêté qui peut être attaqué devant les juridictions administratives.
Une interdiction de stade prise par les organisateurs d’un événement sportif ne présente aucune de ces garanties.
L’article 1er de cette proposition de loi permet en outre aux organisateurs d’événements sportifs d’établir un traitement automatisé de données à caractère personnel, véritable liste noire de supporters qui n’est soumise à aucun contrôle a posteriori, notamment de la CNIL.
Il est simplement prévu que la CNIL rende, a priori, un avis motivé sur le décret fixant les conditions de ce traitement automatisé de données à caractère personnel. Je pose donc la question : de quel contrôle a posteriori l’utilisation de ces listes fera-t-elle l’objet ?
Mme la présidente. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Il est déjà possible, sur le fondement de l’article L 122-1 du code de la consommation, de refuser à une personne l’accès à une enceinte sportive en raison d’un motif légitime, par exemple si cette personne méconnaît les conditions générales de vente ou contrevient au règlement intérieur du stade.
La possibilité d’interdire l’accès au stade pendant une durée déterminée est réservée aux juges – c’est l’objet de l’article L 332-11 du code du sport – et aux préfets. Cette interdiction peut être prononcée à l’encontre des personnes ayant commis une infraction ou dont le comportement d'ensemble laisse à craindre qu'elles vont troubler l'ordre public.
Laissé aux mains des organisateurs de manifestations sportives, un tel pouvoir ne manquerait pas de donner lieu à des décisions arbitraires, subjectives, infondées. Seraient ainsi exclus le respect des droits de la défense, la possibilité d’une procédure contradictoire ou celle d’un recours en urgence devant un tribunal.
En outre, les organisateurs étant dépourvus de pouvoirs de coercition, comment pourront-ils mettre en œuvre ces interdictions sans générer davantage de troubles sur la voie publique, aux abords des stades ?
Mme la présidente. Les amendements nos 2, 25 rectifié, 48 et 57 sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Lozach, Marie, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 57 est présenté par Mme Benbassa.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
et au bon déroulement
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement de repli vise à supprimer la mention du « bon déroulement » des manifestations sportives.
L’article 1er prévoit en effet d’autoriser les sociétés organisatrices à refuser ou à annuler la délivrance d’un droit d’entrée à la manifestation, au motif que la personne incriminée gênerait le « bon déroulement » de celle-ci.
Cette formulation pose question et problème, pour plusieurs raisons qui justifient notre demande de suppression.
Le risque est en premier lieu celui de l’arbitraire. On autorise les clubs à « sélectionner » leurs supporters, mais en fonction de quels critères ? Selon nous, ces critères seraient purement arbitraires, impossibles à définir. Nous voici aux antipodes de la promotion d’un sport populaire, accessible à tous et fédérateur !
Par ailleurs, sur quelle base déterminer ce qui relève du « bon déroulement » d’une manifestation sportive ? Je pense notamment – mais ce problème n’est évidemment pas réductible au seul cas du PSG – au règlement intérieur du Parc des Princes, qui interdit aux supporters de rester debout dans les espaces équipés de sièges !
Cette clause apparaîtra particulièrement cocasse à qui songe que ledit stade est intégralement équipé de tribunes avec sièges, conformément aux règles de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football, laquelle n’autorise les tribunes sans siège que dans les stades de catégorie 1 !
Une nouvelle fois, par ce genre de mesures, c’est l’ensemble de la conception du football comme fête populaire qui s’effondre, au profit d’une vision assimilant le match à un spectacle, et le supporter à un spectateur consommateur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié.
Mme Mireille Jouve. Comme cela a déjà été dit, la notion de « bon déroulement » est vague, et son interprétation est laissée à la discrétion des clubs. Or il nous semble que seules les atteintes à la sécurité des manifestations doivent pouvoir justifier le fichage de supporters.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Jean-Jacques Lozach. Concernant l’article 1er, nous souscrivons presque entièrement à la rédaction de la commission des lois : celle-ci répond à l’exigence de clarification et de meilleur encadrement du refus d’accès aux enceintes sportives.
Néanmoins, nous sommes réservés sur la notion de « bon déroulement » d’une manifestation, qui peut fonder le refus d’accès. Cette notion est floue ; elle peut, de ce fait, donner lieu à un certain arbitraire.
Cet article étant très clairement une réponse à une demande du PSG, je ne choisirai pas mon exemple au hasard : on peut ainsi déduire de la lecture du règlement intérieur du Parc des Princes que pourrait être déclaré légitime et autorisé le refus d’accès au stade à un spectateur qui aurait posté des photos ou des vidéos d’un match du PSG sur internet, voire qui aurait gêné d’autres spectateurs en restant simplement debout. Et gardez-vous de croire, mes chers collègues, que je caricature !
De telles interdictions de stade nous paraîtraient pour le moins excessives. Nous partageons certaines des inquiétudes exprimées par les associations de supporters, tout en souscrivant à l’impératif de sécurité porté par les auteurs de cet article.
C’est pourquoi nous proposons, à notre tour, de limiter les motifs de refus ou d’annulation d’accès aux manifestations au seul motif de sécurité. Il s’agit de prévenir toute décision qui pourrait être interprétée comme arbitraire et, à ce titre, jugée contestable.
Mme la présidente. L'amendement n° 57 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 3, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les conditions générales de vente et les règlements préalablement soumis pour avis rendu public à l’instance nationale du supportérisme prévue à l’article L. 224-2 du présent code, sont opposables au titre de la sécurité de ces manifestations. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’objet de cet amendement de repli est que l’instance nationale du supportérisme instituée par l’article 5 de la présente proposition de loi soit consultée et rende un avis public sur les conditions générales de vente et les règlements intérieurs des clubs et des stades, s’agissant du moins des mesures de sécurité.
Il ne s’agit pas de donner aux supporters la main sur une compétence qui est aujourd’hui exercée par les clubs, mais plutôt de mettre en place des garde-fous contre des mesures qui seraient particulièrement hostiles aux supporters.
Il ne me semble pas exagéré de soutenir que l’exigence de sécurité préoccupe tout le monde. L’exercice de cette compétence par les clubs, plutôt que par la puissance publique, pose d’ailleurs question, et n’est pas sans susciter quelque inquiétude.
En chargeant l’instance nationale du supportérisme de rendre un avis sur cet aspect des règlements intérieurs et des conditions générales de vente, nous instaurerions non seulement les garde-fous déjà évoqués, mais aussi un espace de dialogue supplémentaire entre supporters et clubs – tel est bien l’objectif de la présente proposition de loi.
Cet espace de discussion permettrait l’accord sur des règles communes, mais aussi la prise en compte de l’expérience tangible des supporters, dans la perspective d’une coconstruction de la politique d’animation des stades.
Mme la présidente. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les conditions générales de vente et les règlements intérieurs préalablement soumis, pour avis rendu public, à l’instance nationale du supportérisme prévue à l'article 224-2 du présent code sont ainsi opposables au titre de la sécurité de ces manifestations. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu, madame la présidente, au regard notamment des arguments, précédemment développés, relatifs au règlement intérieur du PSG.
Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Cet amendement vise à éviter que les organisateurs de manifestations sportives ne puissent librement constituer de véritables « listes noires », comme cela a été évoqué précédemment.
Les clubs peuvent déjà constituer des listes de clients ayant des impayés ou ayant violé les conditions générales de vente. En outre, ils disposent du Fichier national des interdits de stade, qui comporte toutes les personnes désignées ainsi par un juge ou un préfet.
Le traitement envisagé interviendrait dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL. En l’état, aucune limite n’est prévue sur les personnes susceptibles d’être fichées – mineurs, journalistes, élus – ou la durée du fichage. Six mois ? un an ? six ans ? à vie ? La possibilité de contester son placement sur une telle liste, qui peut intervenir pour des raisons particulièrement vagues, donc contestables, n’est pas prévue non plus.
Il s’agit donc d’une procédure discrétionnaire, qui privera un supporter de son droit de se rendre dans un stade, sans respect du contradictoire et du droit à la défense ni possibilité de contester une telle sanction.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes dont les informations à caractère personnel font l’objet d’un traitement automatisé disposent d’un droit d’accès, d’information, de rectification et d’opposition.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement de repli concerne plus précisément la question du fichier.
À l’heure actuelle, rien ne permet de garantir aux personnes dont les informations à caractère personnel font l’objet d’un traitement automatisé le respect des dispositions prévues dans le droit commun en matière de fichier.
Par cet amendement, nous voulons donc prévoir que ces personnes aient bien un droit d’information, d’accès, de rectification et d’opposition aux données traitées par les organisateurs de manifestations sportives. Il s’agit de nous assurer que le fait d’être supporter ne nous amène pas dans une zone de non-droit, où les clubs peuvent faire tout et n’importe quoi, en marge de la loi.
Les droits d’opposition, d’accès, de rectification et d’information prévus par notre droit commun, mais également par le futur règlement européen pour les citoyens, relèvent de l’exigence démocratique en matière de respect de la vie privée et de transparence.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes dont les données à caractère personnel ont été recueillies en application du présent article disposent d’un droit d’information, d’accès, de rectification et d’opposition relatif à ces données. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les dispositifs visés aux amendements nos 60 rectifié et 61 rectifié reviennent à une quasi-suppression de l’article 1er. Je vous renvoie aux arguments que j’ai développés précédemment à cet égard.
Comme je l’ai souligné, le traitement automatisé prévu est nécessaire pour permettre aux clubs sportifs de se doter de tels traitements, afin d’assurer effectivement leur obligation de sécurité. En outre, nous avons précisé le périmètre de ces traitements automatisés.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les auteurs des amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48 proposent la suppression de la référence à la notion de « bon déroulement ». Or il s’agit d’une notion précise, qui permet aux organisateurs de l’événement sportif d’assurer la sécurité des matchs.
Les auteurs de l’amendement n° 2 indiquent dans leur exposé des motifs qu’il peut être parfaitement anodin de rester debout pendant un match. Mais cela peut aussi occasionner des chutes ou cacher la vue des personnes assises derrière ! Je rappelle d’ailleurs – certains l’apprendront peut-être aujourd'hui – que c’est interdit par le code du sport, depuis le drame de Furiani. L’exemple choisi par les auteurs de l’amendement illustre bien la nécessité de laisser une marge de manœuvre aux clubs.
Au demeurant, la notion de « bon déroulement » existe déjà en police administrative, notamment à l’article L. 211-6 du code de la sécurité intérieure, qui concerne les manifestations et les rassemblements sur la voie publique.
Je précise que cette référence n’a pas été ajoutée au Sénat ; ce sont les députés qui l’ont – à juste titre ! – introduite dans le texte.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 3. Il n’est pas justifié d’imposer aux organisateurs de manifestations sportives la consultation préalable de l’instance nationale du supportérisme avant d’édicter les conditions générales de vente et le contenu du règlement intérieur. Ces documents relèvent d’abord de la responsabilité des clubs, qui ont seuls une obligation de sécurité. En outre, le dispositif proposé serait particulièrement lourd.
L’amendement n° 26 rectifié est quasi identique à l’amendement n° 3 ; il appelle donc le même avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 62 rectifié reviendrait, là encore, à une quasi-suppression de l’article 1er. La commission y est donc défavorable, pour les raisons indiquées précédemment.
L’amendement n° 5 et l’amendement n° 28 rectifié bis visent à introduire dans le texte le principe selon lequel les personnes disposent d’un droit d’accès, d’information, de rectification et d’opposition. Une telle disposition serait redondante avec l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui prévoit ce droit d’accès. La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements, qui sont satisfaits ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Nous partageons l’avis de Mme la rapporteur sur la majorité des amendements. Toutefois, contrairement à la commission, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48.
Comme je l’avais souligné dans mon intervention liminaire – les propos tenus dans une intervention liminaire ne sont jamais de vaines paroles ! –, nous sommes à la recherche d’un équilibre.
Ce soir, nous nous allons prendre une décision forte : confier aux organisateurs de manifestations sportives la responsabilité de refuser la délivrance de titres d’accès et de constituer un fichier de données à caractère personnel en cas de manquements graves à la sécurité. C’est un pas très important.
Mais les parlementaires, en attribuant un tel pouvoir, doivent, me semble-t-il, limiter le recours à l’appréciation subjective. Or la notion de « bon déroulement » d’une manifestation sportive est totalement subjective. En effet, madame la rapporteur, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Prenons l’exemple du kop du stade Geoffroy-Guichard, dont le sénateur Maurice Vincent vous parlerait mieux que moi. Il arrive aujourd'hui qu’il y ait 10 000 personnes debout. Le club de Saint-Étienne devra-t-il demain leur interdire l’accès au motif qu’il est interdit de se tenir debout dans un stade ? Ce n’est pas sérieux !
Dans la version votée à l’Assemblée nationale, il était fait référence à la « sécurité » des manifestations sportives. Je pense que cela permet d’encadrer les conditions dans lesquelles les clubs peuvent interdire l’accès à un stade. Mais où commence et où finit le « bon déroulement » ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. C’est l’Assemblée nationale qui a introduit cette notion dans le texte !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Nous sommes au Sénat, madame la rapporteur ! Si vous approuviez le texte de l’Assemblée nationale, il ne fallait pas le modifier. Or il m’a bien semblé que vous aviez souhaité le modifier…
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Vous avez une majorité à l’Assemblée nationale !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Encore une fois, la notion de « bon déroulement » me paraît trop subjective.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements nos 2, 25 rectifié et 48.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48.
M. Didier Marie. Certes, nous souscrivons à l’approche de la commission des lois, qui a cherché à clarifier et à mieux encadrer l’article 1er. Cela étant, à l’instar de notre collègue Jean-Jacques Lozach et des auteurs des amendements identiques au sien, nous sommes extrêmement réservés sur la notion de « bon déroulement ».
Prenons l’exemple d’un supporter qui manifesterait son désaccord avec la politique tarifaire ou les choix sportifs du club, notamment le recrutement de tel ou tel joueur ; il ne mettrait pas pour autant en danger la sécurité des manifestations sportives !
La notion de « bon déroulement » dépendra donc de l’appréciation qui en sera faite. Or elle variera selon les clubs. Nous risquons donc d’avoir des règlements intérieurs extrêmement différents. Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, laisser autant de place à la subjectivité.
C’est pourquoi nous approuvons la position du Gouvernement et nous voterons ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons évidemment aussi ces amendements identiques.
Comme cela a été rappelé, la notion de « bon déroulement » suscite une réelle interrogation. Avec une telle disposition, nous sortons des objectifs affichés par les promoteurs de l’article 1er : garantir la sécurité des manifestations sportives, en excluant les supporters – ils sont quelques centaines, tout au plus – qui sont devenus de véritables fauteurs de troubles et menacent les spectatrices et les spectateurs lors des matchs.
Il y a effectivement de quoi s’interroger. Quid des supporters qui agitent une banderole dans un stade pour contester les choix sportifs des dirigeants de club – cela s’est vu lors de nombreux matchs de football – sans remettre en cause la sécurité et le « bon déroulement » de l’événement ? Quid de ceux qui portent un tee-shirt à l’effigie d’un révolutionnaire sud-américain ayant vécu voilà plusieurs décennies, comme l’on en voit dans les kops ou les virages de certains grands stades français de football ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteur sur le fait d’être debout. Mais il arrive à toute personne qui assiste à un match de football, ne serait-ce que pour voir jouer ses enfants – je ne parle même pas de la Ligue 1 –, de se lever à un moment donné ; l’élan collectif fait qu’on partage aussi ses émotions avec son corps !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Et on se rassoit ensuite !
Mme Cécile Cukierman. Cela peut arriver, par exemple pour une ola. Mais il arrive aussi que l’on reste debout !
Par ailleurs, l’exemple de Furiani est, à mon avis, très mauvais : ce qui s’est passé alors n’était pas seulement lié au fait que des supporters se tenaient debout. Mais c’est un autre débat.
M. Patrick Abate. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je voterai ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, pour explication de vote.
M. Dominique Bailly. Il me semble que la loi interdit aujourd'hui de vendre des places debout. Mais, chacun le sait, il arrive que des spectateurs ayant acheté des places assises pour un match se tiennent debout dans l’enceinte du stade sans poser de problèmes particuliers de sécurité.
Comme le soulignait mon collègue Didier Marie, la rédaction qui nous est proposée placerait la décision dans les mains des dirigeants des clubs, qui pourraient alors interdire l’accès aux stades à certaines personnes pour des motifs un peu arbitraires.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. À mon sens, il ne faut pas se focaliser sur le point de savoir si l’on a le droit d’être debout ou s’il faut être assis dans les stades. Ce n’est pas du tout la question qui nous est posée.
Je vous renvoie à la rédaction envisagée : « Aux fins de contribuer à la sécurité des manifestations sportives, les organisateurs de ces manifestations peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à ces manifestations ou en refuser l’accès aux personnes qui ont contrevenu ou contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations. » L’objectif, c’est bien de contribuer à la sécurité des manifestations sportives.
Nous sommes en train d’instaurer un régime de police administrative.
Bien entendu, il est toujours possible que les mesures prises soient disproportionnées. Imaginons la situation grotesque où une personne serait interdite de stade pour avoir trop manifesté son enthousiasme en se levant fréquemment ! Pour ma part, quand j’assiste à des matchs de football, je ne cesse de me lever et de me rasseoir. Je suis passionné, comme tous les supporters. Mais je ne fais pas obstacle au bon déroulement. Et si l’on m’interdisait de ce seul fait de venir au match suivant, je formerais évidemment un recours, qui aboutirait certainement !
Il y a un moment où il faut laisser une liberté d’appréciation suffisante aux organisateurs des matchs et autres manifestations sportives pour que la sécurité soit effectivement assurée. N’essayons pas de tout régler par avance ; la loi ne pourra pas prévoir tous les cas de figure !
Il me paraît tout à fait essentiel de nous en tenir à ce qui a été proposé par la commission des lois. Au demeurant, la notion de « bon déroulement » figure déjà, notamment pour les manifestations musicales, à l’article L. 211-6 du code de la sécurité intérieure, que je vous invite à relire. C’est la preuve qu’il ne faut pas faire toute une affaire des mots « et au bon déroulement ».
Il est bien naturel de permettre aux organisateurs d’assurer le bon déroulement. Et s’ils abusent d’une telle facilité, qui est aussi pour eux un devoir, ils seront sanctionnés, ce qui leur fera passer la tentation de recommencer !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 195 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 200 |
Contre | 143 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
Mme Cécile Cukierman. On a parlé tout à l’heure d’équilibre. Alors que des craintes s’expriment aujourd'hui sur la réglementation, les fichiers et les règlements intérieurs que chacun peut mettre librement en place, il eût été intéressant que l’instance nationale du supportérisme que l’on souhaite créer dispose d’une vue d’ensemble, à la fois pour rassurer, harmoniser et pour éviter que des abus puissent voir le jour dans un certain nombre de clubs. C’est pourquoi nous maintenons cet amendement.
Mme la présidente. Madame Jouve, l'amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
L’article L. 332-2 du code du sport est ainsi modifié :
1° Les mots : « visées par l’article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité » sont remplacés par les mots : « mentionnées au 1° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure » ;
2° À la fin, la référence : « à l’article 3-2 de cette loi » est remplacée par les références : « aux articles L. 613-1 à L. 613-7 du même code ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 332-16 du même code est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
2° À la troisième phrase, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « trente-six ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 29 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 63 rectifié est présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Pellevat, Houel, Cambon, Savin et Chaize.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 6.
Mme Christine Prunaud. Cet article, qui prévoit la prolongation automatique des interdictions administratives de stade, pose question.
Tout d’abord, nous nous interrogeons sur la logique qui a poussé le rédacteur de la proposition de loi à renforcer le pouvoir administratif alors même que les peines judiciaires, certes plus longues à prononcer, sont plus adaptées aux situations et tout simplement plus justes.
Car l’on touche ici au fond même du problème. Les interdictions administratives de stade, créées par la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPPSI, pour initialement couvrir la période allant de l’engagement des poursuites contre une personne à sa condamnation, sont aujourd’hui devenues la norme en matière de sanction des supporters.
Allonger ces périodes de condamnation décidées par le préfet, sans audience préalable, tendrait au final à renforcer l’arbitraire au détriment de la justice.
Pour finir, une question demeure : comment justifier de repousser dans la durée ces interdictions administratives alors même que leur mission de jonction est largement remplie dans leur configuration actuelle, et que d’autres cas de limitations de déplacement, notamment dans la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, ne prévoient qu’une période de deux ans ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit là encore d’un amendement de suppression, mais ne croyez pas, madame la rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, que nous tenons à tout prix à détricoter la loi ! (Sourires.)
En l’occurrence, l’allongement des interdictions administratives de stade ne nous paraît pas justifié, et ce pour plusieurs raisons.
L’article L. 332-11 du code du sport permet déjà au juge de prononcer une peine d’interdiction de stade pouvant aller jusqu’à cinq ans lorsqu’une personne commet un acte grave. Il est donc possible d’écarter un supporter causant des troubles à l’ordre public pendant une longue durée. L’interdiction administrative est censée avoir un rôle préventif en attendant un jugement de l’autorité judiciaire, c’est donc une mesure d’urgence qu’il ne paraît pas légitime de renforcer.
Dans leur rapport présenté au Sénat en 2007, les sénateurs Bernard Murat et Pierre Martin indiquaient : « Il faut par conséquent que les juges puissent intervenir plus rapidement afin que les mesures administratives ne constituent pas une fin en elles-mêmes, mais une technique permettant d’écarter les supporters violents en attendant la décision judiciaire. »
Nous partageons totalement cette vision des choses où la police administrative ne doit pas se substituer au jugement judiciaire.
En outre, les tribunaux administratifs connaissent un taux anormalement élevé d’annulation de ces mesures d’interdiction administrative de stade, tendant à démontrer qu’elles ne sont pas toujours fondées.
Enfin, la comparaison avec l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure montre que l’interdiction administrative de sortie du territoire destinée aux Français projetant des déplacements à l’étranger « ayant pour objet la participation à des activités terroristes » ne peut être supérieure à deux ans… Comment justifier que les supporters bénéficient d’un régime plus sévère que les présumés terroristes ?
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter l'amendement n° 63 rectifié.
M. Didier Mandelli. De nombreux arguments ayant déjà été développés, cet amendement est quasi défendu.
La mesure de police administrative permet de maintenir l’ordre public en faisant la jonction entre la commission d’un acte grave ou d’une série d’actes délictueux, et la tenue d’un procès judiciaire, lequel devra permettre de prononcer une interdiction pouvant aller jusqu’à cinq années. La durée de douze mois paraît donc amplement suffisante, permettant la tenue d’un procès pénal.
Par ailleurs, l’argument sur l’Euro de football est caduc puisque les arrêtés pris maintenant permettent de couvrir toute la période de l’Euro, comme je l’ai souligné tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Mme Prunaud a affirmé que la peine d’interdiction judiciaire de stade pouvait être source de dérive, ce que je ne crois pas. Le mot me paraît même un peu fort pour un tel outil.
Ces trois amendements identiques de suppression de l’article sont contraires à la position de la commission. À notre sens, il est nécessaire d’étendre la durée des interdictions administratives de stade, qui sont un élément très important de la présente proposition de loi. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Nous sommes ici au cœur du débat.
Que le sénateur Requier me pardonne ce rappel liminaire : si cette disposition a été votée à l’Assemblée nationale, c’est que la proposition de loi initiale visait la lutte contre le hooliganisme. Or, tout à l’heure, nous avons pris soin de faire la différence entre un supporter, qui peut être un ultra, et un hooligan.
Je le répète, l’article 2 s’adresse aux hooligans, d’autant que nous avons veillé à rappeler à l’article 1er les questions de sécurité. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
En revanche, pour éviter tout arbitraire – l’équilibre étant ce soir, vous l’aurez compris, dans l’objectivité et dans le rejet de toute subjectivité –, le Gouvernement portera un regard bienveillant sur les amendements visant à préciser les conditions du principe du contradictoire. Cette proposition de loi sur les supporters doit entrer dans les détails pour ne laisser place à aucun arbitraire. Il est essentiel que les clubs sportifs professionnels et les supporters aient ce soir le sentiment d’avoir été traités de la même façon, avec équité.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 29 rectifié et 63 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l'article L. 332-16 du code du sport, les mots : « par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, » sont supprimés et les mots : « de l'une de ces manifestations, » sont remplacés par les mots : « d'une manifestation sportive ».
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Les interdictions administratives de stade peuvent être décidées sur le fondement d’un « comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives ».
Cette notion demeurant très subjective et les recours juridictionnels en la matière n’étant pas très effectifs, comme je l’ai déjà évoqué, il conviendrait de limiter la possibilité pour le préfet de prendre une mesure d’interdiction administrative de stade seulement pour la commission d’un acte grave, ou pour l’appartenance ou la participation à un groupement dissous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. La notion de « comportement d’ensemble » permet de justifier une mesure préventive d’interdiction administrative de stade. L’interdiction ne pourrait plus alors intervenir qu’en cas de commission d’un acte grave.
J’observe que seulement 328 mesures d’interdiction de stade ont été prises, dont 168 mesures administratives, pour tout le territoire, ce qui n’est pas un nombre excessif. Il n’y a donc pas lieu de restreindre les conditions pour prononcer les mesures d’interdiction administrative.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Jouve, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié est retiré.
Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le premier alinéa de l’article L. 332-16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui fait l’objet d’une interdiction administrative de stade peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s’exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à intégrer dans le dispositif des interdictions administratives de stade les dispositions prévues dans le droit commun en matière de droits d’information et de recours.
À l’heure actuelle, une personne menacée par une interdiction administrative de stade n’est en rien assurée d’avoir la possibilité d’être assistée par un conseil. Bien souvent, le devoir d’information de l’administration se limite à notifier qu’une personne fait l’objet d’une décision d’interdiction administrative de stade, et à préciser la durée de cette décision ainsi que ses modalités pratiques : retenue du passeport, pointage au commissariat, etc.
Toutefois, le motif de cette notification n’est pas automatiquement indiqué, ce qui introduit de l’arbitraire dans ces décisions. Autre élément problématique, les recours prévus à ces interdictions de stade font, dans l’immense majorité des cas, l’objet d’une annulation par le tribunal administratif.
Cependant, en raison du temps de latence entre l’instruction du recours et le jugement, les requérants ont purgé leur peine a minima en grande partie. L’annulation n’a donc qu’une portée symbolique.
Au vu des contraintes que cela peut entraîner et de l’atteinte portée à la liberté de déplacement des citoyens, il est proposé de créer un délai de quatre mois pour que le tribunal administratif statue sur le sort de l’interdiction administrative de stade.
Ce délai semble suffisant pour satisfaire chaque partie et s’aligne sur le droit commun afin d’éviter de perpétuer une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation des citoyens, qui voient souvent leur passeport confisqué et se trouvent dans l’obligation de pointer au commissariat aux heures de match, qui se confondent parfois avec les heures de travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le premier alinéa de l'article L. 332-16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Ce nouvel amendement de repli vise simplement à permettre à un supporter incriminé dans le cadre d’une interdiction administrative de stade de se faire assister par un conseil.
Encore une fois, il s’agit de reconnaître des droits qui sont déjà reconnus aux personnes visées par l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure relatif aux interdictions administratives de sorties du territoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Médevielle, Canevet, Cigolotti, Longeot et Tandonnet et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le premier alinéa de l’article L. 332-16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le préfet ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de sa décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil de son choix. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement est déjà défendu dans l’esprit. Néanmoins, il diffère sensiblement de celui qui vient d’être soutenu par Mireille Jouve dans le sens où il vise à permettre à la personne interdite de stade de présenter ses observations en présence d’un conseil, et non via un mandataire.
Cette divergence est pour moi fondamentale, car elle assure l’équilibre entre le respect des droits de la défense et la nécessaire responsabilisation des auteurs de troubles à l’ordre public.
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées :
« Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police informent la personne concernée de la mesure qu’ils envisagent de prendre à son encontre, des faits en cause et de la base légale de la décision. Ils la mettent en mesure de leur présenter ses observations écrites, et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales, dans un délai de dix jours, par lettre recommandée avec avis de réception. La décision finale ne peut intervenir qu’après réception des observations de la personne dans le délai imparti ou, le cas échéant, à l’expiration de ce délai. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement, dans l’esprit, rejoint les précédents. J’ai le sentiment qu’il peut vraisemblablement rassembler, contrairement aux amendements de suppression.
Il s’agit ici de prévoir un meilleur encadrement de l’interdiction administrative, car l’article 2 pose un grand nombre de questions, qui se traduisent par des difficultés dans la vie quotidienne de ceux qui en sont victimes.
Première remarque, il est souhaitable que l’interdiction administrative ne se substitue pas à l’interdiction judiciaire.
Or on constate depuis quelque temps une montée en puissance de ces interdictions administratives et, inversement, une raréfaction des interdictions judiciaires.
Il est à noter, par ailleurs, que tous les recours en référé-liberté ont été rejetés, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une privation de liberté, et que les recours au fond n’ont pu être examinés que fort tardivement, une fois que l’intéressé a purgé la totalité de sa sanction et a été astreint à une obligation de pointage.
L’objet de cet amendement est d’inscrire dans la loi le principe du contradictoire et de faire en sorte, de façon plus précise que dans les amendements précédents, que la procédure contradictoire ait lieu avant le prononcé de l’interdiction et non après, ce qui permettrait non seulement de garantir les droits de la personne susceptible d’être interdite de stade, mais aussi de limiter grandement les recours. En effet, sur la quarantaine de recours jugés au fond à ce jour, les plaignants ont obtenu gain de cause dans les deux tiers des cas, en grande partie pour non-respect de la procédure contradictoire.
Mme la présidente. L’amendement n° 64 rectifié bis, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Pellevat, Houel, Cambon et Chaize, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le deuxième alinéa du même article est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cet arrêté a pour seul objet de faire la jointure avec la procédure judiciaire. Il n'a pas vocation à se substituer à la peine complémentaire prévue à l'article L. 332-11. »
… – Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cet arrêté est contesté en référé devant un tribunal administratif, il existe une présomption d'urgence. »
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Cet amendement est défendu, de même que le suivant.
Mme la présidente. L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Cambon, Houel, Pellevat, Trillard, de Nicolaÿ, Morisset et Chaize, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le deuxième alinéa du même article est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cet arrêté a pour seul objet de faire la jointure avec la procédure judiciaire. Il n’a pas vocation à se substituer à la peine complémentaire prévue à l’article L. 332-11. »
… – Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est saisi en annulation d’un tel arrêté, le juge administratif se prononce dans un délai de deux mois. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le troisième alinéa de l'article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui fait l'objet d'une interdiction administrative de stade peut, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Il s’agit d’un amendement de repli, et j’en présenterai plusieurs sur ce sujet qui me paraît important en termes de libertés publiques.
Cet amendement, auquel nous tenons beaucoup, vise à accorder aux supporters faisant l’objet d’une procédure d’interdiction administrative de stade le bénéfice d’une décision du tribunal administratif intervenant plus rapidement, en l’occurrence dans un délai de quatre mois.
Il s’agit, d’une part, de prendre en compte le taux élevé d’annulations d’interdiction administrative de stade par les tribunaux administratifs, qui interviennent le plus souvent un an, voire deux ans après la peine.
Ces interdictions administratives, qui sont presque toujours assorties d’une obligation de pointage au commissariat, peuvent être très invalidantes pour les supporters, comme vous l’aviez noté, madame la rapporteur. Il convient donc de s’assurer rapidement de la validité de celles-ci auprès du tribunal.
Il s’agit, d’autre part, d’aligner les recours dont peuvent bénéficier les supporters sur ceux dont bénéficient déjà les personnes visées par l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure relatif aux interdictions administratives de sortie du territoire.
Il n’y a pas de raison qu’un supporter ne dispose pas des mêmes droits et du même délai de recours qu’un présumé terroriste.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Kern, Médevielle, Canevet, Cigolotti, Longeot et Tandonnet et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le troisième alinéa de l’article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui fait l’objet d’une interdiction administrative de stade peut, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Comme vient de l’indiquer Mireille Jouve, le présent amendement vise à introduire une procédure de recours contre la décision administrative d’interdiction de stade. Cette étape me semble indispensable dans un État de droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les amendements nos 7, 30 rectifié et 42 rectifié bis tendent à prévoir une phase postérieure à la décision, en vue de permettre à la personne ayant fait l’objet de la mesure de présenter des observations. Ils visent, en second lieu, à imposer aux juridictions administratives de statuer dans les quatre mois suivant la saisine.
Prévoir une phase de présentation d’observations par la personne faisant l’objet d’une interdiction de stade après que cette mesure a été prise ne présente aucun intérêt. En tout état de cause, le code des relations entre le public et l’administration pose un principe général de respect d’une procédure contradictoire préalable à une décision administrative défavorable, les décisions ne pouvant intervenir que lorsque la personne a pu présenter ses observations écrites, voire orales, et en s’étant fait assister, le cas échéant, d’un représentant de son choix. Cette phase préalable présente plus d’intérêt que le dispositif proposé.
Par ailleurs, il n’est pas justifié de prévoir un recours spécifique, enserré dans des délais contraints pour la juridiction administrative, ces délais n’étant de surcroît pas sanctionnés.
L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.
L’amendement n° 49 tend à créer une phase contradictoire préalable au prononcé d’une interdiction administrative de stade.
J’observe, ici aussi, que les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l’administration posent un principe général de respect d’une procédure contradictoire préalable à une décision administrative défavorable, les décisions ne pouvant intervenir, je le répète, que lorsque la personne a pu présenter ses observations écrites, voire orales, et en s’étant fait assister, le cas échéant, d’un représentant de son choix. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ou quand leur mise en œuvre pourrait compromettre l’ordre public.
Il est dangereux de créer des dispositions spécifiques propres à certaines mesures administratives, car, dans ce cas, les procédures auront tendance à diverger.
Par ailleurs, le présent amendement ne prévoit pas le cas de l’urgence ou des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier que cette procédure ne soit pas respectée, ce qui créerait une forte contrainte pour l’administration, tout à fait inédite et disproportionnée au regard des enjeux. Cela fragiliserait fortement les interdictions administratives de stade, qui sont un instrument essentiel pour assurer la sauvegarde de l’ordre public.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 64 rectifié bis a pour objet de définir l’interdiction administrative de stade comme un simple palliatif à une mesure d’interdiction judiciaire de stade et vise également à prévoir qu’en cas de contestation de cette mesure devant le tribunal administratif en référé, la condition d’urgence est réputée remplie.
L’interdiction administrative et l’interdiction judiciaire sont deux mesures bien distinctes : l’interdiction judiciaire est une peine et l’interdiction administrative une mesure d’ordre public. La notion de « jointure » est par ailleurs particulièrement vague.
En outre, il n’est pas justifié d’instaurer des voies de recours spécifiques en matière d’interdiction administrative de stade : je rappelle que ces mesures ne concernent actuellement qu’environ 170 personnes sur tout le territoire. Il n’est donc pas nécessaire de créer un dispositif dérogatoire.
J’émets un avis défavorable.
L’amendement n° 65 rectifié bis, très proche du précédent, en diffère en remplaçant le principe d’une condition d’urgence remplie par l’obligation pour le tribunal administratif de statuer dans un délai de deux mois. Comme exposé précédemment, il n’est pas justifié d’instaurer des procédures administratives spécifiques.
L’avis est également défavorable.
L’amendement n° 31 rectifié a pour objet de prévoir que, en cas de contestation de la mesure d’interdiction administrative de stade devant le tribunal administratif, celui-ci se prononce dans un délai de quatre mois, la personne ayant fait l’objet de la mesure devant saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois.
Il n’est pas justifié d’instaurer des voies de recours spécifiques en matière d’interdiction administrative de stade : je rappelle, encore une fois, que ces mesures ne concernent actuellement qu’environ 170 personnes sur tout le territoire.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Il en est de même, pour les mêmes motifs, en ce qui concerne l’amendement n° 43 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement reprend intégralement à son compte l’avis de Mme la rapporteur, exception faite de celui qu’elle a émis sur l’amendement n° 49.
Je prendrai le même argument, celui d’une décision administrative, qui est encore plus fort dans la mesure où l’on est dans le cadre des libertés publiques.
Dès lors que vous avez décidé, à l’instar des députés, d’alourdir les sanctions, s’agissant de l’interdiction administrative de stade, il convient de prévoir une contrepartie afin de rétablir l’équilibre du texte en faisant mention des libertés publiques et de ce principe essentiel du droit qu’est celui du contradictoire.
Vous avez argué, madame la rapporteur, que ce principe était déjà posé dans l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, sauf pour les cas d’urgence, lesquels cas d’urgence n’étaient pas prévus dans l’amendement n° 49. Or M. Marie a rédigé cet amendement en l’adaptant au sport, et il se trouve qu’il n’y a pas de match tous les jours.
Le dispositif proposé laisse donc le temps au préfet de prendre ses dispositions en vue de respecter le principe de contradictoire. Je considère, en outre, que les préfets ne seront pas choqués par ce texte, car il correspond aux instructions qu’ils ont reçues du ministre.
Pour établir un bon équilibre du texte et un climat de confiance avec les supporters, le fait que ce texte, qui n’était qu’une instruction, soit inscrit dans la loi lui donne de la force et de la puissance.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements nos 7, 30 rectifié, 42 rectifié bis, 64 rectifié bis, 65 rectifié bis, 31 rectifié, 43 rectifié, et favorable sur l’amendement n° 49.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le Sénat doit prendre ses responsabilités : ou bien nous voulons réellement améliorer la lutte contre le hooliganisme, ou bien nous voulons renforcer les garanties qui existent actuellement.
Je suis partisan, pour ma part, de renforcer la lutte contre le hooliganisme en respectant les garanties républicaines figurant déjà dans la loi.
La loi de 1979 a posé un principe très simple : il doit y avoir une procédure contradictoire préalable, à laquelle on peut déroger en cas d’urgence.
En cas d’urgence, monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas toujours possible de mettre en place une procédure qui va durer une quinzaine de jours. Or l’amendement n° 49 prévoit que la personne susceptible d’être interdite de stade doit être prévenue dix jours à l’avance et avoir le temps, après consultation de son dossier, de préparer une réponse.
Des matchs de football se déroulent, certes pas tous les jours, mais parfois plusieurs fois par semaine. Si nous ne permettons pas qu’une personne qui s’est rendue fautive en provoquant des troubles dans un stade soit interdite de stade pendant quinze jours, nous n’aurons ni rempli notre rôle ni assumé nos responsabilités. Or la possibilité de déroger à la procédure contradictoire en cas d’urgence n’est nullement prévue dans l’amendement n° 49.
C’est dire que, si nous adoptions cet amendement, nous serions certains, au lieu d’améliorer la lutte contre le hooliganisme, de renforcer son inefficacité. C’est pour nous une véritable épreuve de vérité !
Dès lors que la procédure contradictoire existe, qu’elle est définie par la loi et qu’une dérogation est prévue en cas d’urgence, je considère que nous ne pouvons pas adopter un amendement qui ne prévoit pas ces cas d’urgence. C’est une très lourde responsabilité, que je vous invite, mes chers collègues, à ne pas prendre.
M. le secrétaire d’État nous a invités à entrer dans les détails ; je reproche précisément aux auteurs de l’amendement de ne pas le faire !
Nous sommes d’accord sur le fond : la procédure contradictoire doit être appliquée ; elle existe d’ailleurs déjà. Mais nous devons avoir la possibilité d’y déroger lorsqu’un individu s’est mal conduit, afin d’éviter qu’il ne se comporte à nouveau très mal, et en groupe, la semaine suivante ou trois jours après.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote sur l’amendement n° 49.
M. Jean-Jacques Lozach. Je soutiens l’amendement n° 49 et je suis heureux de constater que ma position rejoint celle de M. le secrétaire d’État.
On se situe, avec cet amendement, dans le cadre des interdictions administratives, lesquelles sont du ressort du préfet, et non dans celui des interdictions judiciaires, qui, elles, relèvent du juge. Pour raisonner en termes de gradation, il s’agit donc du premier degré de la gravité du comportement.
Au travers du principe du contradictoire, qui nous paraît tout à fait justifié, nous souhaitons appliquer un principe de précaution. Je dirais même que le débat contradictoire peut contribuer à une politique de prévention face aux actes de violence et d’incivilité. En effet, l’individu qui aura fait l’objet d’une procédure contradictoire aboutissant à la non-inscription sur le fichier des interdits de stade saura qu’il est repéré par l’autorité publique et qu’il a tout intérêt à changer d’attitude au cours des matchs suivants.
N’oublions pas que ce n’est pas rien, pour un jeune de vingt ou vingt-cinq ans passionné de football, d’être privé de l’objet de sa passion pendant six mois ou un an !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mon groupe votera cet amendement pour plusieurs raisons.
Sans entrer dans les polémiques ni revenir sur les débats que nous avons eus à l’occasion de précédents textes, je tiens à rappeler que nous avons toujours défendu le principe d’une procédure contradictoire. Nous sommes favorables à ce principe, car il est nécessaire et indispensable, y compris au respect des droits de chacune et de chacun.
Je constate malheureusement que la majorité sénatoriale nous propose, une fois de plus, comme elle l’a déjà fait précédemment sous l’impulsion initiale du Gouvernement, de rogner, au nom de l’urgence, un peu plus les libertés individuelles fondamentales de chacun. L’urgence est devenue l’argument permettant de réduire davantage ces droits.
Ce texte, je le redis, fait débat et inquiète. Il laisse place aussi, chez les supporters, à une part d’« imaginaire » et d’inquiétude. Si ces craintes ne sont pas justifiées, autant le préciser ; cela rassurera et permettra de jeter les bases d’un dialogue plus constructif pour les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Si M. le président de la commission des lois le permet, je reprendrai à mon compte sa formulation : le Sénat doit prendre ses responsabilités. Il est justement dans sa tradition d’être le garant des libertés publiques.
Peu de décisions d’interdiction de stade sont prises aujourd’hui dans l’urgence, et ce même si le calendrier des compétitions de football est très resserré, ce qui n’est pas le cas dans les autres disciplines sportives. Je rappelle, d’ailleurs, que la proposition de loi concerne l’ensemble des disciplines.
Il n’en reste pas moins qu’il y a des délais entre les compétitions. Il est donc tout à fait possible pour l’administration d’organiser la procédure contradictoire afin que la personne concernée puisse être entendue.
Madame la présidente, afin de rassurer le président de la commission des lois et de répondre à l’interrogation de Mme la rapporteur, je souhaite rectifier mon amendement, pour le rédiger ainsi : « Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police informent la personne concernée de la mesure qu’ils envisagent de prendre à son encontre, sauf en cas d’urgence, des faits en cause et de la base légale de la décision. » Le reste serait sans changement.
Cette rédaction permettrait de cadrer le dispositif, de nous conformer aux attentes de M. le président de la commission des lois et, ainsi, de jouer pleinement notre rôle de garant des libertés publiques.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées :
« Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police informent la personne concernée de la mesure qu’ils envisagent de prendre à son encontre, sauf en cas d'urgence, des faits en cause et de la base légale de la décision. Ils la mettent en mesure de leur présenter ses observations écrites, et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales, dans un délai de dix jours, par lettre recommandée avec avis de réception. La décision finale ne peut intervenir qu’après réception des observations de la personne dans le délai imparti ou, le cas échéant, à l’expiration de ce délai. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. L’avis défavorable portait non pas uniquement sur le point soulevé par M. Marie, mais principalement sur le fait que cette disposition était redondante. Le principe du contradictoire existe déjà, il est codifié. Pourquoi faire une loi bavarde ?
Je maintiens l’avis défavorable de la commission sur cet amendement rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Dans sa sagesse, le Sénat prend ses responsabilités. Pour sa part, le Gouvernement considère que cet amendement rectifié répond à une volonté d’équilibre et de consensus.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le deuxième alinéa de l’article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’arrêté est pris dans un délai de deux mois à compter de la constatation des faits. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement prévoit que l’autorité administrative a deux mois pour prendre une interdiction administrative à compter de la constatation des faits.
D’une part, il s’agit d’une mesure de police administrative d’urgence : elle doit donc être prise rapidement pour être efficace.
Par ailleurs, il s’agit d’éviter, comme on a pu parfois le voir, qu’une mesure d’interdiction administrative de stade n’intervienne cinq ou six mois après les faits reprochés, si le parquet refuse de poursuivre le supporter ou si le tribunal l’a relaxé.
Je le répète, une interdiction administrative de stade est une mesure préventive, utilisée en urgence pour écarter un supporter qui se serait rendu coupable de délits propres aux manifestations sportives. Elle ne doit pas avoir vocation, en tant qu’elle n’offre pas les garanties du contradictoire et d’un procès équitable, à devenir une sanction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Madame Jouve, je reprends votre argumentaire : l’interdiction administrative a une vocation préventive, et non punitive. Il n’est pas cohérent de proposer un tel délai de deux mois à compter de la constatation des faits au regard des nécessités d’étayer la mesure. Cette disposition serait, à mon sens, excessivement rigide. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je reprends les propos de Mme la rapporteur, en les inversant : c’est parce qu’il s’agit de mesures administratives d’urgence que je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre plusieurs mois avant de les prendre.
Un délai de deux mois après la constatation des faits est raisonnable pour que la sanction soit prise ; elle ne doit pas l’être au-delà.
Fixer un délai, madame la rapporteur, m’apparaît d’une logique implacable, dans un esprit de respect des droits et de libertés publiques.
L’avis du Gouvernement est donc très favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 332-16 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « l’un ou à l’autre des arrêtés pris en application des alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « l’arrêté pris en application du deuxième alinéa. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Vous allez croire que je suis obsédée par les interdictions administratives de stade (Sourires.), mais, comme l’a dit Mme la rapporteur dans son très bon rapport, cette mesure peut être vraiment invalidante pour les supporters qui en font l’objet. Je pense notamment à l’obligation de pointage au commissariat qui intervient, rappelons-le, tous les week-ends.
Aussi, cet amendement prévoit de supprimer l’obligation de pointage pour les interdictions administratives de stade seulement, mais de la conserver pour les interdictions judiciaires de stade, lorsque le juge peut à la fois apprécier la gravité des faits et la situation familiale ou professionnelle du supporter pour décider de l’opportunité d’assortir l’interdiction de stade d’une obligation de pointage.
Alors qu’un nombre non négligeable d’interdictions administratives de stade sont annulées par le tribunal administratif un ou deux ans après, celles-ci ont tout de même produit leurs effets et porté atteinte à la vie privée et professionnelle des supporters. Il convient donc de supprimer une mesure très attentatoire aux libertés dès lors qu’elle n’est pas prise dans le cadre d’un procès.
Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le troisième alinéa de l’article L. 332-16 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Je défendrai exactement la même position que ma collègue Mme Jouve : les obligations de pointage qui accompagnent de manière quasi automatique les décisions d’interdiction de stade soulèvent effectivement de très nombreuses questions.
Il s’agit, tout d’abord, d’un dispositif lourd et contraignant. Mme la rapporteur relève dans son rapport que ces convocations au commissariat peuvent atteindre jusqu’à une soixantaine de matchs en une saison pour les clubs qui sont engagés sur plusieurs fronts, à la fois dans le championnat national, les coupes et les compétitions internationales. Un supporter interdit de stade doit ainsi aller pointer au commissariat 60 fois dans l’année, c’est-à-dire plus d’une fois par semaine !
Les supporters du club de Saint-Étienne nous ont expliqué que, dans cette ville, il n’y avait que deux commissariats : l’un qui se trouve dans l’enceinte du stade et dans lequel ils ne peuvent bien évidemment pas aller, et le commissariat central. Ce commissariat exigeait qu’ils viennent pointer à la mi-temps, c’est-à-dire tous en un quart d’heure ! Imaginez les contraintes que cela peut représenter à la fois sur le plan professionnel, pour des personnes qui travaillent de nuit ou le week-end, et sur le plan familial, sans même parler de la situation de celles et ceux qui souhaiteraient partir en vacances ou se déplacer, et qui se trouveraient contraints de rentrer à toute vitesse pour pointer au commissariat !
En outre, comme nous l’avons déjà signalé, les deux tiers des recours contre les interdictions de stade conduisent à une annulation de l’arrêté contesté. Néanmoins, les obligations de pointage ne sont pas suspendues en cas de recours ; les délais de jugement étant particulièrement longs, même si la personne est non coupable, elle est contrainte d’aller pointer jusqu’à l’expiration de sa sanction.
Enfin, l’article L. 332-16 du code du sport ne prévoit aucun critère permettant d’adapter l’obligation de se présenter, qui est laissée au seul arbitrage du préfet.
Notre amendement a donc pour but d’éviter des obligations disproportionnées au regard du comportement reproché à la personne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Ces deux amendements ont pour objet de supprimer l’obligation de pointage pour les personnes qui font l’objet d’une interdiction administrative de stade. Cette obligation est certes lourde et contraignante, je le reconnais bien volontiers, et j’estime qu’elle devrait être utilisée de manière particulièrement prudente, mais elle n’est pas systématiquement imposée, comme le précise l’article L. 332-16 du code du sport. Elle peut être tout à fait nécessaire dans certains cas pour vérifier que la personne respecte bien la mesure d’interdiction de stade.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 196 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 301 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67 rectifié bis, présenté par MM. Mandelli, Grand et Morisset, Mme Deromedi et MM. de Nicolaÿ, Trillard, Pellevat, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 332-16-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet arrêté doit intervenir au moins huit jours avant la rencontre concernée. Avant de prendre cet arrêté, le ministre de l’intérieur sollicite l’avis des clubs concernés et de l’organisme prévu à l’article L. 224-2. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 332-16-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet arrêté doit intervenir au moins huit jours avant la rencontre concernée. Avant de prendre cet arrêté, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police sollicite l’avis des clubs concernés et de l’organisme prévu à l’article L. 224-2. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. La loi prévoit depuis 2011 la possibilité d’interdire le déplacement de supporters du club visiteur dans la commune ou aux abords du stade du club recevant la manifestation sportive. Le recours à ce dispositif connaît une progression aussi spectaculaire que regrettable. Lors de la saison 2011-2012, trois rencontres seulement étaient concernées. En 2014-15, c’étaient déjà 39 rencontres, sans que cela soit justifié par une hausse du nombre d’incidents et sans que cela induise d’ailleurs de baisse. Au cours de la saison actuelle, 199 rencontres ont déjà été concernées. Le fait que nous soyons actuellement en période d’état d’urgence a eu bien évidemment une incidence forte, puisque nos forces de l’ordre sont affectées à d’autres missions.
Dans la pratique, on constate que ces arrêtés sont trop souvent pris au dernier moment : la veille, voire le jour même. Cela a des conséquences pour les supporters. Imaginez un supporter de Lille qui veut se déplacer à Nice, puis à Nantes et, enfin, en Corse, à Ajaccio ou à Bastia : le fait d’être prévenu la veille, alors que son voyage doit se faire en avion ou en train, entraînera évidemment des conséquences sur le plan financier et en termes d’organisation.
De même, on peut aussi envisager le cas d’un père de famille qui souhaiterait passer ses vacances en Corse et emmener ses enfants voir un match de foot de son équipe préférée ; il ne pourrait pas pénétrer dans le stade si son enfant de dix ou quinze ans porte une écharpe aux couleurs de son club de cœur et, s’il le faisait, il s’exposerait à des sanctions allant jusqu’à six mois de prison et 30 000 euros d’amende.
Nous considérons donc qu’une consultation préalable des clubs et de l’organisme représentatif des supporters devrait permettre d’aboutir à des solutions d’encadrement des déplacements de supporters pouvant satisfaire à la fois ces derniers et les autorités. Un délai de huit jours minimum avant la rencontre paraîtrait adapté.
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 332-16-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’arrêté est précédé d’une concertation entre le ministère de l’intérieur ou son représentant et les clubs concernés, les chargés des relations avec les supporters prévus à l’article L. 224-3 du code du sport et l’organisme mentionné au sixième alinéa de l’article A. 222-1 du code du sport. » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’arrêté est publié au moins huit jours avant la date de la manifestation sportive concernée. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Dans la droite ligne de ce que nous avons défendu jusqu’à présent, nous avons déposé cet amendement visant à favoriser un dialogue constructif entre supporters et autorités administratives, préalablement à une décision d’interdiction de déplacement.
Il est en effet consternant de voir ces interdictions se multiplier pour éviter de mobiliser plus de forces de l’ordre. D’ailleurs, cet argument est difficile à soutenir dans la mesure où le dispositif policier est certes plus diffus, mais tout aussi étoffé, qu’il y ait ou non interdiction de déplacement.
En effet, en cas d’autorisation de circulation, l’ensemble des supporters visiteurs arrivent et partent en même temps, ce qui engendre une concentration des effectifs policiers ; en revanche, en cas d’interdiction de stade, les forces de l’ordre sont disséminées dans toute la ville hôte puisque le risque de voir des supporters voyager seuls existe.
Par ailleurs, l’instauration d’une concertation préalable entre acteurs peut permettre de lever certains blocages. Ainsi, la préfecture d’Ille-et-Vilaine, qui a tenu à recevoir les supporters nantais avant d’interdire tout déplacement pour voir si l’on pouvait à la fois permettre leur déplacement à Rennes tout en assurant une sécurité optimale de l’événement, a permis de trouver une solution pérenne : un rassemblement commun à tous les supporters nantais et un planning de rentrée et de sortie du stade en un seul point.
De la même manière, cette préfecture avait signé un accord avec les supporters parisiens auxquels le Paris Saint-Germain refuse de vendre des places, afin de leur permettre d’acheter des billets dans les tribunes réservées aux Rennais, en les concentrant sur un point fixe.
Ces exemples, malheureusement encore peu nombreux, devraient être généralisés. C’est ce à quoi vise cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 332-16-1 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’arrêté est précédé d’une consultation des clubs concernés, des chargés des relations avec les supporters prévus à l’article L. 224-3, et de l’organisme prévu à l’article L. 224-2. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu, tous les arguments ayant été avancés.
Mme la présidente. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 332-16-1 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’arrêté est publié au moins huit jours avant la date de la manifestation sportive concernée. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Les arrêtés d’interdiction de déplacement, instaurés par la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », sont souvent publiés au dernier moment par les préfectures. Comme l’ont dit mes collègues, cela a des conséquences financières importantes pour les supporters.
Vous avez vous-même déclaré lors de votre conférence de presse, madame la rapporteur, que les préfectures devraient publier ces arrêtés au moins 15 jours avant la rencontre concernée ; vous voyez que nous n’en demandons pas tant ! Sous réserve bien sûr de circonstances exceptionnelles, la publicité d’un tel arrêté 8 jours avant le match semble à la fois légitime et raisonnable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Préalablement, je veux indiquer à Mme Jouve que la publication des interdictions de déplacement est d’ordre réglementaire. M. le secrétaire d'État est très attentif à votre intervention et il pourra donner toutes les instructions nécessaires pour que cette demande soit suivie d’effets. Je soutiens en effet cette mesure.
Ces amendements ont pour objet de prévoir, d’une part, que les interdictions de déplacement ou de circulation interviennent au moins 8 jours avant la rencontre et, d’autre part, que les clubs et l’instance nationale du supportérisme soient consultés avant l’édiction de telles mesures.
L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de faire participer des acteurs privés à la police administrative, ce qui est contraire à la Constitution. En outre, elle créerait de très fortes rigidités, une situation pouvant changer y compris quelques jours ou quelques heures avant la rencontre.
Par ailleurs, j’observe que le déplacement de 150 supporters de Saint-Étienne vers Ajaccio samedi dernier a finalement été autorisé, à la suite des discussions entre clubs, supporters et autorités de police. Ce bel exemple constitue donc la preuve que, en la matière, le dialogue doit être encouragé sans que des délais soient imposés, car ils auraient probablement l’effet inverse : pour ne pas être dans l’impossibilité plus tard de prendre un arrêté d’interdiction, on l’édicterait systématiquement. Laissons la place au dialogue.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement a le même avis que Mme la rapporteur, pour deux raisons.
D’une part, pour ce qui concerne les consultations, sachez que celles-ci existent déjà ; la loi n’a donc pas à les formaliser, d’autant qu’elles seront évidentes dès lors que les articles 4 et 5 de la présente proposition de loi auront été adoptés.
D’autre part, en ce qui concerne le délai de 8 jours, compte tenu de l’état existant du dialogue et des informations dont dispose le ministère sur les déplacements de supporters, certaines mesures doivent parfois être prises en urgence, parfois quelques heures avant un match. Ce délai pourrait donc contrarier le déroulement de la rencontre et, surtout, l’ordre public, qui est le cœur de notre travail de ce soir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 67 rectifié bis.
Mme Cécile Cukierman. J’ai bien entendu les explications de Mme la rapporteur et de M. le secrétaire d'État. Néanmoins, comme cela est indiqué dans l’objet de l’amendement n° 67 rectifié bis, les interdictions de déplacement se sont multipliées.
Certes, nous sommes en période d’état d’urgence, ce qui a pu justifier un certain nombre d’interdictions destinées à garantir l’efficacité des forces de l’ordre sur leurs missions premières, au nom de la sécurité intérieure de notre pays. Cela dit, nous sortirons tôt ou tard de cet état d’urgence et il ne faudrait pas que cette loi complique les déplacements et qu’elle permette un recours, sinon systématique, du moins de plus en plus fréquent aux interdictions de déplacement de supporters.
D’ailleurs, les rixes ou les heurts, parfois planifiés et qu’il faut dénoncer, peuvent avoir lieu à mi-chemin entre les villes participantes, en amont du match, et non sur les lieux de la rencontre. Ainsi, le problème du hooliganisme – c’est bien de cela qu’il s’agit – et de la violence qu’il engendre peut s’exprimer dans le stade, mais aussi – nous avons tous en tête différents exemples passés – à plusieurs kilomètres du stade. Or c’est bien là-dessus qu’il faut agir.
Vous avez donc une interprétation trop restrictive du droit d’aller et venir de tout un chacun ; c’est pourquoi nous voterons pour cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 332-16-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 332-16-… – Les mesures prises au titre des articles L. 332-11, L. 332-16, L. 332-16-1 et L. 332-16-2 font l’objet d’un rapport public annuel par les services du ministère de l’intérieur. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Rien ne permet aujourd'hui de faire un véritable état des lieux des mesures d’interdiction administrative de stade, d’interdiction de déplacement et de circulation des supporters, tant individuellement que collectivement. Alors que, d’une part, l’Italie et le Royaume-Uni produisent chaque année un rapport détaillant le nombre de telles décisions, leur motivation et les éventuels recours et que, d’autre part, la Commission d’accès aux documents administratifs le préconise, le ministère de l’intérieur garde le silence sur ces données.
Il s’agit pourtant d’une revendication légitime de transparence, surtout à un moment où les mesures préfectorales ont pris le pas sur les décisions de justice en matière de contrôle des supporters et où la plupart des recours déposés donnent lieu à leur annulation.
Sans préjuger du contenu d’un tel rapport, il semble essentiel d’assurer la publicité pleine et entière des données concernant ces interdictions, qui se multiplient de même que les recours y afférents. Une telle transparence serait source d’apaisement voire de réformes à venir, comme en témoigne le Home Office britannique depuis 2001. Cette mesure s’inscrirait dans la dynamique ayant conduit à la publication du rapport de la Commission nationale du contrôle des techniques de renseignement et de celui de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Mme la présidente. L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par MM. Mandelli, Grand, Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Pellevat, Houel, Cambon et Chaize, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 332-16-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 332-16-… – Les mesures prises au titre des articles L. 332-11, L. 332-16, L. 332-16-1 et L. 332-16-2 font l’objet d’un rapport annuel publié par le ministère de l’intérieur. »
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Je ne soutiens habituellement pas les demandes de rapport, mais le ministre de l’intérieur n’a pas répondu à une question écrite que je lui ai posée voilà quelques semaines sur ce sujet pour connaître les chiffres relatifs aux différentes mesures d’interdiction prononcées sur le territoire national et les comparer à ceux d’autres pays, qui publient ces chiffres en toute transparence et qui vivent pourtant des situations beaucoup plus difficiles que la France. La moindre des délicatesses voudrait que le ministre réponde aux questions des parlementaires.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 332-16-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 332-16-… – Les mesures prises au titre des articles L. 332-11, L. 332-16, L. 332-16-1 et L. 332-16-2 font l’objet d’un rapport public annuel. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Il s’agit là d’un amendement tant de transparence que de bon sens. Il vise à assurer la publicité du résultat des politiques publiques en matière d’interdiction de stade ou d’interdiction de déplacement des supporters. De façon assez étonnante, cela n’est actuellement pas assuré par le ministère de l’intérieur.
Pourtant, cette publicité permettrait d’orienter les politiques publiques afin de répondre au mieux aux infractions commises par les supporters incriminés.
Cet amendement vise tout autant à se conformer à un avis de la Commission d’accès aux documents administratifs qu’à aligner les pratiques françaises sur celles du Royaume-Uni ou de l’Italie, où la question des supporters et du hooliganisme n’est pas mince, loin de là.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d’imposer au ministère de l’intérieur de publier les statistiques en matière d’interdiction administrative, d’interdiction judiciaire et d’interdiction de déplacement.
Dans la mesure où les interdictions administratives sont prises par les préfets, il serait extrêmement compliqué d’organiser une telle publication. Au regard des priorités actuelles du ministère de l’intérieur, il ne semble pas justifié d’imposer une telle obligation. En outre, le ministère de l’intérieur s’est doté d’un service statistique interministériel indépendant, qui pourra, le cas échéant, décider de publier des études en la matière.
Je profite toutefois de la parole qui m’est donnée pour vous demander, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir demander à M. le ministre de l’intérieur de répondre à la question écrite de M. Mandelli.
Cela étant dit, la commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Pour tout vous dire, je voulais fonder mon avis défavorable sur la possibilité donnée à tout parlementaire de poser une question écrite au ministre. (Sourires.) Malheureusement, M. Mandelli a posé une question et n’a toujours pas obtenu de réponse…
De mémoire de parlementaire – cela ne remonte pas à très loin –, il me semble qu’un ministre a trois mois pour répondre aux questions écrites qui lui sont posées (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC.), mais je me trompe peut-être…
Cela étant dit, je comprends ce désir de transparence, d’information, mais, bien que l’administration n’ait strictement rien à cacher, un rapport annuel est lourd à produire.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Absolument !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je transmettrai donc à mon collègue Bernard Cazeneuve votre souhait d’une réponse rapide à votre question, monsieur le sénateur, mais je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Je veux rapidement réagir aux propos du secrétaire d'État concernant l’obligation faite aux ministres de répondre aux questions écrites qui leur sont posées.
Je ne peux m’empêcher de souligner, monsieur le secrétaire d'État – vous l’avez d’ailleurs vécu vous-même en tant que parlementaire –, qu’il nous est parfois demandé de les reposer parce qu’elles sont devenues caduques en raison du dépassement du délai de réponse.
Ainsi, l’argument reposant sur la possibilité de poser une question écrite pour obtenir des informations est sans doute valide, mais nous n’avons pas toujours de réponse, indépendamment du jugement et de l’appréciation à porter sur celle-ci.
Sans aller jusqu’à décerner des bons et mauvais points aux ministres sur leur délai de réponse, il serait donc opportun que vous passiez le message à l’ensemble des membres du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Pierre Vial. Tout à fait !
Mme la présidente. Monsieur Mandelli, l'amendement n° 68 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Didier Mandelli. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 68 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 332-15 et l’avant-dernier alinéa de l’article L. 332-16 du même code sont complétés par les mots : « , ainsi qu’aux organismes sportifs internationaux lorsqu’ils organisent une manifestation sportive à laquelle participe une équipe française ».
Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
A. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article L. 332-15 du code du sport et au cinquième alinéa de l’article L. 332-16 du même code, après les mots : « aux associations et sociétés sportives », sont insérés les mots : « , aux associations de supporters mentionnées à l’article L. 332-17 ».
B. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article L. 332-15 et la seconde phrase du cinquième l’alinéa de l’article L. 332-16 du même code sont supprimés.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Au travers de cet amendement, nous souhaitons que l’identité des personnes interdites de stade soit communiquée par le préfet aux associations agréées de supporters, au même titre qu’aux associations et sociétés sportives et aux fédérations sportives agréées.
Si l’on veut responsabiliser les associations de supporters et leur donner les moyens de faire respecter en leur sein les valeurs du sport, il convient qu’elles aient systématiquement connaissance de l’identité des personnes interdites de stade.
Le texte en prévoit actuellement la possibilité ; j’appelle mes collègues à faire un effort supplémentaire dans le sens d’une meilleure reconnaissance de ces associations, dès lors qu’elles sont agréées, en leur manifestant notre confiance en leur capacité à coorganiser la sécurité dans les stades, engageant ainsi leur responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir la transmission systématique, par le préfet, de la liste des personnes interdites de stade aux associations de supporters agréées par le ministre chargé des sports ; actuellement, cela n’est qu’une possibilité.
Au-delà de la volonté de renforcer les associations agréées de supporters, cette disposition a pour objet de permettre à ces associations de se porter partie civile.
Toutefois, la finalité du dispositif n’est pas de prendre des sanctions à l’égard de leurs propres membres. Je vous mets en garde, mes chers collègues, sur le risque que ces informations transmises systématiquement fassent l’objet d’une publicité non voulue.
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Il est donc préférable de laisser au préfet une simple possibilité de transmettre ces éléments, au cas par cas.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes d’accord !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet amendement me donne l’occasion de rappeler ce qui s’est passé lors de l’examen du texte en commission. Mme la rapporteur a souhaité développer les agréments des associations de supporters, se référant à une loi de 1984 et à un texte réglementaire de 1998.
Or le souci, c’est qu’aucune association n’a obtenu d’agrément à ce jour. Aussi, si le préfet doit communiquer ces informations aux associations agréées, le travail sera vite réalisé : il n’y en a pas une !
Nous sommes là confrontés à un vrai problème, auquel il faudra réfléchir en deuxième lecture. Si je vois bien les avantages que présente l’agrément pour une association, on ne peut néanmoins pas demander à des structures associatives bénévoles de remplir des dossiers contraignants tout en réclamant la simplification administrative. (Mme la rapporteur s’exclame.)
Vous pouvez sursauter, madame la rapporteur, mais c’est la réalité !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Non, je veux simplement prendre la parole !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Quand on considère les démarches requises pour obtenir un agrément, on réalise le travail que cela représente. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’existe pas une seule association agréée aujourd'hui !
Par ailleurs – pardon d’être un peu long, mais nous sommes au cœur du sujet –, que ferons-nous quand certaines associations seront agréées et d’autres non ? Et si aucune association d’un club n’est agréée ?
La question est donc complexe. Avant toute chose, il convient de déterminer quelles structures peuvent recevoir cette information. Doit-il s’agir uniquement des associations agréées ? Ne faut-il pas simplement exiger des structures, pour qu’elles soient authentifiées, qu’elles soient répertoriées par les clubs auxquels elles seraient associées ? Ces questions ont été tranchées par votre commission, mais, pour moi, elles restent en suspens. Je considère donc que l’amendement est prématuré et j’y suis défavorable.
Madame la rapporteur, il est bien beau de dire qu’il faut des associations agréées, mais si, depuis 1984, il n’y en a pas une qui ait vu le jour, c’est sans doute que des questions se posent !
Mme la présidente. Monsieur Marie, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L’amendement n° 52 est retiré.
L’amendement n° 51, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
ou lorsqu'ils organisent une compétition en France
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement d’appel vise à préciser la formulation figurant à l’article 3 en ce qui concerne les transmissions d’informations aux organismes internationaux.
Lorsqu’une équipe française devra jouer à l’étranger, elle transmettra au club hôte la liste des interdits de stade. Cette règle concerne-t-elle aussi les sélections nationales ? En outre, que se passera-t-il quand une compétition sera organisée par l’un de ces organismes internationaux en France, comme le championnat d’Europe de football qui se tiendra au mois de juin sous l’égide de l’UEFA ? Nous proposons que, dans ces cas aussi, les organismes internationaux soient destinataires de la liste des interdits de stade du fichier national.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Monsieur Marie, je vous demande de retirer votre amendement, qui est satisfait par l’article 3 dans sa rédaction actuelle. En tout état de cause, les données relatives aux interdits de stade concernent des supporters de clubs français, qui ne font généralement pas partie du public supportant les équipes nationales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Comme Mme la rapporteur, je sollicite le retrait de cet amendement. En effet, l’article L. 332-15 du code du sport prévoit déjà que ces informations sont communiquées aux associations de supporters, ainsi qu’« aux autorités d’un pays étranger lorsque celui-ci accueille une manifestation sportive à laquelle participe une équipe française ». Cela étant, je ne sais pas ce qui se passera si un jour la Coupe du monde se tient au Panama ! (Mme Cécile Cukierman rit.)
Mme la présidente. Monsieur Marie, l’amendement n° 51 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L’amendement n° 51 est retiré.
L’amendement n° 8, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Excepté dans le cadre d’une procédure judiciaire, ces données ne peuvent être transmises à des tiers. Leur exploitation et leur conservation doivent cesser à l’échéance de cette même manifestation.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. S’il ne paraît pas forcément inopportun de travailler à la collaboration des organismes nationaux et européens dans le cadre de l’organisation de compétitions continentales, le flou entourant la rédaction actuelle de l’article 3 est source d’interrogations. En particulier, faut-il comprendre que l’UEFA sera réceptionnaire des données relatives aux supporters de clubs français engagés en Ligue des champions ou en Ligue Europa ? Les organismes européens ont pourtant déjà fait savoir qu’ils n’étaient pas demandeurs de ces informations. En outre, il n’y a pas de politique de sécurité commune aux fédérations et aux ligues.
La question se pose aussi de l’utilisation de ces données, surtout dans un contexte où des structures comme l’UEFA et la FIFA, qui certes ont des compétences en matière de sécurité, du moins pour les événements qu’elles organisent, exercent aussi des activités commerciales et de marketing.
Si donc l’idée générale qui sous-tend cet article n’est pas forcément mauvaise, il convient de prévoir un meilleur encadrement, afin de prévenir des abus et des dérives. C’est pourquoi nous proposons que, excepté dans le cadre d’une procédure judiciaire, les données transmises ne puissent pas être communiquées à des tiers. Par ailleurs, si des données sont transmises en vue d’assurer la sécurité d’un événement, il n’est pas question qu’elles soient conservées après la fin de celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de cet amendement, la rédaction de l’article 3 est précise : elle prévoit la transmission des listes d’interdits de stade aux organismes sportifs internationaux lorsqu’ils organisent une manifestation à laquelle une équipe française est susceptible de participer. En l’état actuel des choses, les clubs sportifs français ont donc déjà accès à ces listes, y compris à celle des interdits de stade au titre d’une peine complémentaire. Dans ces conditions, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je souscris tout à fait à votre propos, madame David, mais je pense que ces précisions relèvent d’un décret, qui satisfera votre préoccupation. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.
Mme la présidente. Madame David, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je vais le retirer, madame la présidente, en remerciant M. le secrétaire d’État de ses explications. Nous persistons, madame la rapporteur, à trouver floue la rédaction de l’article 3, s’agissant en particulier de la durée de conservation et d’exploitation des données, au sujet de laquelle rien n’est précisé.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La Commission nationale de l’informatique et des libertés rend public dans son rapport annuel d’activités un état des lieux de l’usage de la compétence prévue aux articles L. 332-15 et L. 332-16 du code du sport
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, garante des libertés, doit disposer d’un réel droit de regard sur la transmission des données relatives aux personnes interdites administrativement de stade.
Si l’information est bien communiquée aux associations, sociétés et fédérations sportives, aux autorités étrangères de manière automatique ainsi qu’aux associations de supporters, la CNIL ne peut pas exercer le moindre contrôle sur cette transmission. Dès lors que circulent des données à caractère personnel, il paraît pourtant essentiel qu’elle puisse se saisir de ces éléments et les faire figurer dans son rapport annuel.
Par ailleurs, cette mesure renforcerait la transparence en matière d’interdictions administratives de stade, aujourd’hui engluées dans un système opaque où les informations circulent très mal. Ainsi, rien ne permet de connaître le détail des motifs d’interpellation et d’interdiction administrative de stade. Dans ces conditions, comment distinguer les mesures qui relèvent réellement de la lutte contre le hooliganisme de celles consécutives à d’autres faits, certes répréhensibles, mais relevant d’un autre champ ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les transmissions de données sont limitées et ont une finalité tout à fait précise. La transmission de ces données à des États étrangers est d’ores et déjà possible.
En ce qui concerne la CNIL, lui confier la rédaction de rapports spéciaux conduirait à diluer ses avis, sachant qu’elle rend déjà aujourd’hui un rapport public annuel.
J’ajoute qu’un amendement similaire dans son principe, déposé à l’article 1er, a déjà été rejeté par la commission.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Prunaud. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Après l’article L. 332-1 du code du sport, il est inséré un article L. 332-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-1-1. – Les cartes annuelles d’abonnement donnant accès aux compétitions sportives professionnelles auxquelles participe une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 ne peuvent être vendues que par celles-ci, par une société commerciale mandatée par elle à cet effet ou par un comité d’entreprise.
« Ces titres d’accès peuvent être nominatifs. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19 rectifié sexies, présenté par MM. Savin, Dufaut et Carle, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu, Bouchet, Saugey, Grosdidier, Legendre et Vial, Mme Micouleau, MM. Grosperrin et B. Fournier, Mme Deseyne, MM. Falco, Vogel et Karoutchi, Mme Duchêne, MM. Vasselle, Chasseing, P. Leroy, Rapin, Mandelli et Laménie, Mmes Cayeux et Morhet-Richaud et MM. Dallier, Gremillet et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ces titres d’accès sont nominatifs et comportent une photographie de l’abonné. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Le président Philippe Bas a souligné que le Sénat devait prendre ses responsabilités. Le présent amendement va dans ce sens !
En effet, il vise à renforcer la sécurisation de la vente des abonnements en imposant que la carte annuelle d’abonné comporte la photo de son titulaire. Cela permettrait aussi d’éviter la vente de cartes d’abonnement par blocs, qui empêche de connaître l’identité des acheteurs. Le règlement de la Ligue de football professionnel permet la mise en place d’un tel contrôle, puisqu’il prévoit que « chaque carte doit être personnalisée ».
Comment contrôler l’identité d’une personne souhaitant entrer dans un stade en l’absence de photo sur la carte d’abonnement ? Le contrôle des supporters abonnés sera rendu plus strict et l’utilisation de la carte par des personnes non titulaires de l’abonnement deviendra impossible.
Je signale que l’organisateur d’une manifestation sportive doit répondre de tout manquement à son obligation générale de sécurité à l’égard des participants et du public ; en cas de désordre, c’est lui qui peut voir sa responsabilité engagée sur les plans disciplinaire, civil et pénal.
Il me semble important que les cartes d’abonnement comportent une photographie, afin de permettre un meilleur contrôle des entrées dans les stades !
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, ces titres d’accès vendus par une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 sont nominatifs lorsque le règlement intérieur de la ligue professionnelle à laquelle elles sont affiliées le prévoit. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement a un objet proche de celui de l’amendement n° 19 rectifié sexies. Nous voulons également sécuriser la vente des abonnements en s’assurant de l’identité des acheteurs, mais nous ne souhaitons pas qu’une photographie figure sur les cartes d’abonnement, pour diverses raisons, notamment pratiques.
Si l’on veut responsabiliser les associations et sociétés sportives et rendre la mesure pleinement efficace, il nous semble nécessaire que celle-ci soit obligatoire, y compris pour les ventes par blocs.
Cette disposition figure dans le règlement intérieur de la Ligue de football professionnel, mais elle n’est pas respectée. C’est pourquoi nous proposons de l’inscrire dans la loi. On ne peut pas à la fois demander des moyens renforcés pour assumer ses responsabilités en matière de sécurité et ne pas se conformer aux dispositions déjà édictées par sa propre ligue dans ce domaine !
Compte tenu des difficultés pratiques que certains clubs pourraient rencontrer pour mettre en œuvre cette mesure, nous prévoyons un délai d’application suffisamment long pour que les adaptations nécessaires puissent être apportées en matière d’organisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. L’amendement n° 19 rectifié sexies vise à rendre les titres d’accès obligatoirement nominatifs. Une telle mesure pourrait avoir des conséquences très importantes, non évaluées, sur le fonctionnement des clubs sportifs ; je pense tout particulièrement aux petits clubs amateurs, qui pourraient être confrontés à des problèmes d’organisation insurmontables. Aussi serait-il sans doute préférable de conserver le principe de la simple possibilité.
En outre, pour lutter contre la pratique de la vente de places par blocs, l’article 4 prévoit déjà que seuls le club, une société commerciale mandatée ou un comité d’entreprise peuvent vendre les billets. Cette obligation me paraît satisfaire, monsieur Savin, votre amendement, que je vous demande donc de retirer.
Quant à l’amendement n° 53, il tend à imposer, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, que les titres d’accès à une manifestation sportive soient nominatifs, lorsque le règlement intérieur de la ligue professionnelle à laquelle les associations sont affiliées le prévoit. Il me paraît préférable de s’en tenir à la simple possibilité de prévoir le caractère nominatif des titres, plus souple qu’une obligation. Du reste, la plupart des grands clubs imposent déjà les titres d’accès nominatifs. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.
Ne perdons pas non plus de vue, mes chers collègues, que nous ne légiférons pas seulement pour le football, mais pour l’ensemble des disciplines sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je souscris à l’avis de Mme la rapporteur.
Monsieur Savin, pour connaître particulièrement bien le sport professionnel, vous comprendrez que, en effet, on ne puisse pas imposer cette obligation à toutes les disciplines.
En ce qui concerne la question de la photographie, je me souviens d’un excellent rapport que vous avez commis avec votre ancien collègue Stéphane Mazars ; vous y rappeliez que les cartes d’abonnement achetées par une collectivité pour être redistribuées portent le nom de celle-ci et qu’il serait impossible d’y faire figurer une photographie. Je pense plus particulièrement au football et à l’achat par les collectivités de prestations de services auprès des clubs professionnels.
Pour ces raisons, votre proposition, monsieur Savin, ne me paraît pas réalisable. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; j’y serai défavorable si vous le maintenez.
L’avis du Gouvernement est identique à l’égard de l’amendement n° 53.
Mme la présidente. Monsieur Savin, l'amendement n° 19 rectifié sexies est-il maintenu ?
M. Michel Savin. J’entends bien les arguments de Mme la rapporteur et de M. le secrétaire d’État, mais je me place sur le terrain de l’efficacité. À l’entrée d’un stade, comment les personnes chargées de contrôler les abonnés doivent-elles faire si les cartes d’abonnement ne comportent pas de photographie ?
Toutes les licences sportives, que l’on soit professionnel ou amateur, comportent une photographie. Il en va de même des cartes d’abonnement de la SNCF. Si ces dernières étaient dépourvues de photo, comment s’effectueraient les contrôles dans les trains ?
À mes yeux, faire figurer sur les cartes d’abonnement une photographie est le seul moyen de permettre aux personnes qui assurent la sécurité dans les stades de faire leur travail de façon efficace et dans de bonnes conditions. Je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Annie David. Et de sectarisme !
Mme Cécile Cukierman. … et que l’on accuse de sous-estimer gravement les menaces qui pèsent sur nos concitoyens.
En effet, nous considérons que cet amendement réalise un juste équilibre : la présence d’une photographie sur les cartes d’abonnement permet de mieux assurer les contrôles et, partant, la sécurité, au-delà même de l’objet de la présente proposition de loi.
Madame la rapporteur, je vous signale que l’article 4 concerne uniquement les « cartes annuelles d’abonnement donnant accès aux compétitions sportives professionnelles ». Je vous aurais suivie si l’adoption de l’amendement avait dû avoir pour effet de faire peser sur les petits clubs et les petites associations de supporters de telles contraintes.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous indique que, à l’association sportive de Saint-Étienne, l’ASSE, deux systèmes coexistent : celui de la carte annuelle d’abonnement, nominative, qui détermine un placement et que l’on ne peut pas céder à une autre personne, et celui dans lequel des billets émis à l’occasion de chaque match sont achetés de manière annualisée. C’est ce second système qui permet à un certain nombre de collectivités de bénéficier, pour chaque match, d’un bloc de places, qu’elles peuvent ensuite redistribuer, en particulier aux responsables associatifs, afin de faciliter l’accès aux manifestations sportives. Ce que l’ASSE a réussi à mettre en place doit pouvoir être étendu sans trop de difficultés à tous les clubs de football.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Nous soutenons l’amendement de M. Savin. En effet, comment contrôler l’identité de la personne s’il n’y a pas de photographie sur la carte d’abonnement ? Aujourd’hui, il n’y a pas de moyen de reconnaître un individu qui a été repéré une première fois mais se présente à une autre porte d’entrée ou à une autre caisse. La présence d’une photographie sur la carte d’abonnement me semble donc vraiment nécessaire. En outre, comme vient de le dire Mme Cukierman, il est possible de trouver des arrangements pour permettre l’entrée des stades aux détenteurs de billets distribués par des collectivités territoriales ou des entreprises, par exemple.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteur et de M. le secrétaire d’État. Si je comprends bien, nous sommes tous plutôt favorables à ce que l’identification des personnes qui entrent dans un stade soit possible, mais le dispositif n’est pas mûr. Une réflexion plus approfondie serait nécessaire. Dans cette attente, je retire mon amendement et nous nous abstiendrons sur celui de M. Savin.
Mme la présidente. L'amendement n° 53 est retiré.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai cosigné l’amendement défendu par M. Savin. Certes, il faut faire une distinction entre les clubs de football professionnel et les petites associations sportives gérées par des bénévoles, mais la solution présentée au travers de cet amendement me semble être de bon sens et de nature à permettre d’aboutir à un consensus. L’objectif est de sécuriser la tenue des rencontres sportives, dans le respect des passionnés de sport, toutes générations confondues.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je suis très favorable à l’amendement de M. Savin.
Tout d’abord, apposer une photographie sur un titre d’abonnement ne pose pas de difficultés techniques et n’induit pas de conséquences financières lourdes pour les clubs professionnels.
Ensuite, cette mesure ne concernerait qu’un nombre limité de ligues professionnelles et de disciplines, tels le basket-ball, le rugby ou le football.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. Les clubs professionnels qui auraient à l’appliquer disposent de budgets relativement importants.
Enfin, si l’on veut renforcer la sécurité, il m’apparaît indispensable qu’une photographie figure sur les cartes d’abonnement. Plutôt que d’imposer aux individus interdits de stade d’aller pointer au commissariat de police à la mi-temps des matchs et d’embouteiller ainsi celui-ci, mieux vaut se donner les moyens de les refouler s’ils se présentent à l’entrée du stade. La présence d’une photographie sur la carte d’abonnement ne garantit pas une sécurité absolue, mais elle peut permettre de déplacer le lieu du contrôle.
Il s’agit donc là à mon sens d’une bonne initiative, qu’il ne faut pas hésiter à mettre en œuvre, tout en prévoyant peut-être un délai suffisant pour ce faire. M. le secrétaire d’État pourra fixer la date d’entrée en vigueur par décret.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, pour explication de vote.
M. Dominique Bailly. J’irai plutôt dans le sens de l’argumentation développée par M. le secrétaire d’État.
Mon club de basket, qui joue en pro B, vend des abonnements annuels non nominatifs à de nombreuses collectivités territoriales, pour plusieurs centaines de milliers d’euros. La mise en œuvre de la mesure proposée serait difficile pour de tels abonnements, les places étant allouées à des personnes différentes selon les matchs, et elle mettrait en outre en péril les finances du club.
Permettez-moi maintenant d’évoquer mon cas personnel : abonné au Racing club de Lens, où il n’existe pas de phénomènes de hooliganisme, il m’arrive parfois de ne pas pouvoir me rendre disponible pour assister à un match. Je donne alors ma place à un ami. Si l’on appose une photographie sur les cartes d’abonnement, ce ne sera plus possible. Dans la vraie vie, l’application d’une telle mesure posera des problèmes.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens moi aussi cet amendement. Pour une fois que l’on met en œuvre une mesure de simplification administrative ! La photographie permettra de gagner du temps au moment du contrôle et de sécuriser les admissions au stade.
J’entends l’objection relative aux places achetées par les collectivités territoriales, mais il ne s’agit pas alors de cartes d’abonnement nominatives : des places sont offertes par les municipalités pour tel ou tel match. La situation est très différente !
Dans ma petite société de pêche, chacun a sa photographie sur sa carte de pêche : c’est très simple à mettre en œuvre et extrêmement efficace en termes de contrôle.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Certains sujets pouvant apparaître anodins sont en réalité extrêmement importants.
J’entends les arguments de M. Savin et je partage l’objectif des auteurs de l’amendement. Toutefois, à côté du principe, il y a les exceptions. Eu égard à celles-ci, je suis totalement convaincu par les explications de M. Bailly.
Prenons l’exemple d’un abonné à un club de basket-ball. Si sa photo figure sur son titre d’abonnement, il ne pourra plus faire profiter un parent ou un ami de sa place quand il ne sera pas en mesure d’assister lui-même à un match : l’abonnement sera strictement personnel.
En ce qui concerne les abonnements souscrits par les collectivités, madame Cukierman, celles-ci ne pourront plus non plus distribuer les places comme elles le voudront. En effet, je peux vous assurer que, dans la plupart des clubs, ces abonnements sont annuels et que les collectivités n’achètent pas des contingents de places match par match. Dès lors, comment les collectivités pourront-elles continuer à soutenir les clubs en achetant des prestations de services ? D’ailleurs, quelle photo figurerait sur le titre d’abonnement ? Celle du maire ? Peut-être cette idée séduirait-elle M. Gaudin… (Sourires.)
Je maintiens mon avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. N’ayant pas d’idée préconçue au sujet de cet amendement, j’ai écouté avec attention l’ensemble des intervenants. Je vais maintenant vous dire quelle conviction j’ai acquise au fil de ce débat.
Tout d’abord, je pense que la carte d’abonnement avec photographie est une fausse sécurité. Ce n’est pas un passeport biométrique ; c’est un document aisément falsifiable, la photographie d’identité pouvant naturellement être changée.
Ensuite, on pense toujours à la lutte contre le hooliganisme lors des grands matchs de football. Or il existe de nombreux clubs professionnels, dans différentes disciplines, tels le handball, le basket-ball, le rugby, pour lesquels nous n’avons heureusement aucun débordement à déplorer. La mesure envisagée serait d’application générale et absolue, alors qu’elle ne comporte pas que des avantages ! En effet, outre qu’elle n’apporte qu’une fausse sécurité, comme je l’ai déjà dit, elle présente des inconvénients pour le public, du fait que les abonnés ne pourront plus céder leur droit d’entrée à un membre de leur famille ou à un ami, et elle empêchera les collectivités territoriales ou les comités d’entreprise d’acheter des abonnements pour aider les clubs, ainsi que pour faciliter l’accès aux manifestations sportives d’un public aussi nombreux que possible.
C’est pourquoi j’estime que nous allons peut-être trop loin. L’important, c’est d’imposer la carte d’abonnement avec photographie pour les seuls grands clubs sportifs dont les matchs présentent des risques en termes de sécurité. Dans ces seuls cas, le dispositif, même s’il est imparfait, peut revêtir un intérêt. Je reste dubitatif, mais je peux comprendre que l’on veuille expérimenter la mise en œuvre d’une telle mesure dans cette hypothèse. Au demeurant, le texte tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et par la commission des lois du Sénat le permet déjà.
Mais pourquoi aller plus loin ? Pourquoi prendre une mesure générale et absolue pour toutes les compétitions organisées entre des clubs professionnels ? Cette catégorie ne recouvre pas seulement le PSG ou l’OM : il y a par exemple à Cherbourg un excellent club professionnel de handball, soutenu par un public enthousiaste et n’ayant jamais connu de débordements. Si, demain, on imposait la carte d’abonnement avec photographie, je crois que cette contrainte, en plus d’être inutile, serait mal vécue par la trentaine d’entreprises partenaires du club et la collectivité cherbourgeoise !
Voilà pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à ne pas adopter cet amendement, pour lequel j’ai demandé un scrutin public.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance, afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié sexies.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 197 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 70 |
Contre | 260 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le titre II du livre II du code du sport est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Supporters
« Art. L. 224-1. – Les supporters et les associations de supporters, par leur comportement et leur activité, participent au bon déroulement des manifestations et compétitions sportives et concourent à la promotion des valeurs du sport.
« Art. L. 224-2. – Est instituée une instance nationale du supportérisme, placée auprès du ministre chargé des sports, ayant pour mission de contribuer au dialogue entre les supporters et les autres acteurs du sport et de réfléchir à la participation des supporters, au bon déroulement des compétitions sportives et à l’amélioration de leur accueil.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de cette instance.
« Art. L. 224-3. – Les associations sportives ou les sociétés mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12 qui participent aux compétitions organisées par une ligue professionnelle, au sens de l’article L. 132-1, assurent le dialogue avec leurs supporters et les associations de supporters.
« À cet effet, elles désignent, après avis des associations de supporters agréées par le ministre chargé des sports, une ou plusieurs personnes référentes chargées des relations avec leurs supporters. »
Mme la présidente. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
sport
insérer les mots :
, de rendre un avis public sur tout projet ou proposition de loi intéressant les supporters
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Nous proposons que l’instance nationale du supportérisme soit saisie en cas de projet ou de proposition de loi concernant les supporters. N’oublions pas que, en l’occurrence, ni les clubs ni les associations de supporters n’ont été consultés par le rapporteur de l’Assemblée nationale, alors que cette proposition de loi les concerne pourtant au premier chef !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Accorder à l’instance nationale du supportérisme un rôle consultatif préalable à toute initiative législative apparaît tout à fait disproportionné et contraire à la Constitution.
En outre, rien n’empêchera cette instance de rendre un rapport d’activité annuel ou de formuler un avis sur les initiatives législatives prises en matière sportive.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Madame Jouve, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, dont le dispositif relève en réalité du domaine réglementaire. La loi ne doit pas se substituer au décret.
Mme la présidente. Madame Jouve, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, madame la présidente, puisque l’on m’assure que la disposition figurera dans un décret.
Mme la présidente. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Elle est consultée sur toute initiative législative intéressant directement les supporters et entrant dans son champ de compétence. L’instance nationale du supportérisme rend public chaque année un rapport sur son activité et peut faire des recommandations visant à renforcer la participation des supporters au bon déroulement des compétitions sportives et à améliorer leur accueil.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Il convient de donner à l’instance nationale du supportérisme une véritable légitimité et un pouvoir de représentation des supporters, en lui confiant une mission de conseil auprès des acteurs publics et privés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Pour les mêmes motifs que pour l’amendement précédent, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je demande le retrait de cet amendement, au motif que ces précisions seront apportées par le décret.
L’instance nationale du supportérisme sera consultée sur tout projet de loi ou texte réglementaire relatif aux supporters ou à leurs associations, ainsi que sur tout projet d’acte de l’Union européenne ou de convention internationale se rapportant au supportérisme. Elle pourra se voir confier la réalisation d’études et de missions relatives au supportérisme. Elle pourra également formuler des recommandations visant à améliorer le rôle des supporters et à renforcer le dialogue avec les autres acteurs du sport, échanger et partager des informations avec ces derniers. Enfin, elle réalisera un rapport d’activité annuel.
L’instance nationale du supportérisme devra donc être une véritable instance de réflexion, de dialogue et de proposition.
L’ensemble de ces points seront repris dans un décret.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un décret détermine les compétences et les conditions de désignation de ces personnes, ainsi que les conditions de leur formation.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La désignation de personnes référentes, sur le modèle des Fan Projekte allemands ou des Supporters Liaison Officers proposé par l’Union des associations européennes de football, l’UEFA, doit constituer une avancée significative au titre de la politique de dialogue et d’accompagnement des supporters. Il convient toutefois de compléter la loi, en indiquant que seront précisées par décret les conditions de désignation et de formation de ces personnes, afin d’éviter un certain nombre de dérives.
Mme la présidente. L'amendement n° 54, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un décret détermine les conditions de désignation, les missions et les modalités de formation de ces personnes référentes.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement va dans le même sens que le précédent, mais sa rédaction est très légèrement différente.
Le décret visé donnera véritablement corps à l’organisme représentatif des associations de supporters, en fixant un cadre précis en termes de missions et de formation.
Mme la présidente. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine les compétences, les conditions de désignation, de formation et d’indemnisation de ces personnes. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Ces trois amendements ont un même objet – prévoir la prise d’un décret relatif aux conditions de nomination des référents chargés des relations avec les supporters –, même si les rédactions ne sont pas tout à fait identiques. La commission pensait laisser au pouvoir réglementaire le soin d’organiser le fonctionnement de ces référents selon les normes les plus adaptées, par exemple par la voie d’un arrêté. Qu’en pense le Gouvernement ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements sur le fond, mais il convient de se mettre d’accord sur la rédaction. Qu’en pense le président de la commission des lois ? Il incombe au Sénat de prendre ses responsabilités et d’adopter la rédaction la plus appropriée !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Mettons aux voix le premier amendement.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 54 et 34 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 16, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 224-… – Les relations entre les associations sportives ou les sociétés mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et les supporters et leurs associations s’organisent par le biais des personnes référentes chargées des relations avec les supporters et peuvent faire l’objet de conventions d’objectifs et de moyens. Ces dernières comportent les éléments relatifs aux aides directes et indirectes apportées aux associations de supporters par les associations sportives et les sociétés mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12, et les actions développées par les associations de supporters en vue d’animer les tribunes, promouvoir les valeurs du sport et participer au bon déroulement des compétitions sportives. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à introduire la possibilité de recourir à des conventions d’objectifs et de moyens entre les associations sportives et les associations de supporters, afin que tous s’engagent en faveur du maintien, dans les stades, d’une activité de promotion des valeurs du sport et d’animation des tribunes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. La procédure proposée nous semble excessivement lourde, dans la mesure où les associations de supporters ont une existence relativement récente. Il semble préférable de laisser clubs et associations s’organiser librement sans leur imposer des conventions d’objectifs et de moyens. Peut-être ce sujet peut-il être renvoyé au décret…
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je vous demande, madame Prunaud, de bien vouloir retirer votre amendement. Il sera satisfait par le décret.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 23 rectifié sexies, présenté par MM. Savin et Carle, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu, Bouchet, Saugey, Kern, Grosdidier, Grosperrin, Legendre et Vial, Mmes Micouleau et Deseyne, M. Vogel, Mme Duchêne, MM. Vasselle, Chasseing, P. Leroy, Grand et Rapin, Mme Cayeux, MM. Laménie et Mandelli, Mme Morhet-Richaud et MM. Dallier, Gremillet et Houel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 224-… – Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale ayant la charge d’un ou plusieurs équipements sportifs à vocation régionale ou nationale, et donc concernés par les questions relatives au supportérisme, ont la possibilité d’identifier un élu comme responsable des questions liées aux supporters. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. L’article 5 de la proposition de loi tend à prévoir la désignation, par les associations de supporters, d’une ou de plusieurs personnes référentes chargées des relations avec leurs supporters.
Afin d’assurer un dialogue constructif avec ces personnes, nous proposons la désignation, par les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale ayant la responsabilité d’un ou plusieurs équipements sportifs à vocation régionale ou nationale, d’un élu responsable en matière de questions liées au supportérisme. Cela permettrait que celles-ci soient traitées par une personne ayant une connaissance approfondie des dossiers et reconnue institutionnellement.
Il m’apparaît important que des représentants des collectivités puissent être associés au suivi de problèmes pouvant affecter de manière récurrente des équipements placés sous la responsabilité de ces dernières.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Cet amendement n’a pas vraiment de portée normative et il est satisfait. En effet, rien n’empêche aujourd’hui une collectivité de nommer une personne responsable du suivi des questions liées au supportérisme. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je partage l’avis et l’argumentation de Mme la rapporteur. M. Savin et moi-même nous sommes rencontrés à Pau, à l’arrivée d’une étape du Tour de France ; il se rappelle peut-être que le maire de cette ville, François Bayrou, a une adjointe chargée du Tour de France ! Ce que vous proposez d’instaurer existe donc déjà, monsieur Savin. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Savin, l'amendement n° 23 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié sexies est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55, présenté par MM. D. Bailly, Marie, Lozach, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 224-… – Un conseil des supporters est constitué au sein des sociétés commerciales mentionnées à l’article L. 122-1.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de ce conseil. »
La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Cette proposition de loi vise à instaurer une représentation des supporters au niveau national. Comme je l’ai annoncé au cours de la discussion générale, je propose de faire un pas supplémentaire en mettant en place une telle représentation à l’échelon local, celui des sociétés exploitant les clubs professionnels. Les actionnaires eux-mêmes souhaitent pouvoir s’appuyer sur une représentation des supporters, qui incarnent l’histoire et l’esprit du club.
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Dantec, Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 122-11-… ainsi rédigé :
« Art. L. 122-11-… – Un conseil des supporters est constitué au sein des sociétés commerciales mentionnées à l’article L. 122-1 du présent code.
« Le conseil des supporters a pour objet d’assurer une expression collective des supporters permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion, à l’évolution économique et financière de la société commerciale ainsi qu’aux éléments identitaires du club exploité par la société commerciale. Il formule et examine toute proposition de nature à améliorer les conditions d’accueil des spectateurs et les tarifs qui leur sont applicables pour assister aux manifestations sportives. Il est informé des questions intéressant l’organisation et la marche générale de la société commerciale.
« Chaque année, le conseil des supporters est informé des orientations stratégiques de la société commerciale et il émet un avis sur ces orientations.
« Le conseil des supporters est composé de quinze représentants des supporters titulaires d’un abonnement pour la saison en cours au jour du scrutin permettant d’assister aux rencontres du club exploité par la société commerciale. Le mandat des représentants des supporters est de quatre ans renouvelables. Aucune indemnité ne peut être perçue au titre de la participation au conseil des supporters.
« Les réunions du conseil des supporters sont présidées par le représentant légal de la société. Ce dernier convoque le conseil des supporters au moins deux fois par an.
« Deux membres du conseil des supporters, délégués par le comité, assistent avec voix consultative, à toutes les assemblées générales ainsi qu’à la réunion de l’organe exécutif chargé d’arrêter les comptes annuels de la société commerciale.
« Les membres du conseil des supporters sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par le dirigeant de la société commerciale. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il convient de veiller à l’équilibre du texte. Une large part de nos discussions a été consacrée à l’aspect sécuritaire ; il me semble maintenant important d’adresser des signaux forts aux supporters quant à notre volonté de structurer différemment le dialogue avec eux. J’ai eu l’occasion d’animer des colloques dans cette perspective, parfois en présence de M. le secrétaire d’État. Il faut le dire, un certain nombre d’instances du monde du football traînent les pieds, ce qui impose aujourd'hui à la représentation nationale d’intervenir. Pour parvenir à instaurer un dialogue plus apaisé, il faut établir un cadre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Vous souhaitez, mes chers collègues, instaurer un conseil des supporters au sein des sociétés commerciales exploitant les clubs professionnels, sachant que le présent texte tend déjà à créer une instance nationale du supportérisme et des référents chargés des relations avec les supporters. Cela semble tout à fait suffisant à ce stade. En outre, créer un conseil des supporters au sein de chaque club nous paraît vraiment disproportionné, en particulier pour les très petits clubs.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Monsieur Dantec, si l’on vous avait annoncé, lors du colloque auquel vous avez fait allusion, que, quelques mois plus tard, nous nous retrouverions pour voter la création d’une instance nationale du supportérisme et de référents au sein de chaque club, vous auriez sans doute cru rêver ! Or, ce soir, le rêve est devenu réalité…
Votre intention me semble louable et je vous rejoins sur les objectifs, mais à chaque jour suffit sa peine ! Le texte a déjà été totalement rééquilibré, avec la mise en place de l’instance nationale du supportérisme et des référents locaux. Ultérieurement, quand le dispositif sera rodé, nous pourrons passer à l’étape suivante. Dans cette attente, monsieur Bailly, monsieur Dantec, j’ai tendance à considérer vos amendements comme des amendements d’appel, que je vous invite à retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur l'amendement n° 55.
M. Didier Marie. Vous aurez pu constater, monsieur le secrétaire d’État, que mon ami Dominique Bailly est gourmand, tout comme M. Dantec et moi-même…(Sourires.)
Certes, la création de l’instance nationale du supportérisme représente une avancée significative, mais, à tant faire, allons au bout de la démarche !
L’objectif est de reconnaître le rôle des supporters dans les pratiques de sport professionnel. L’amendement n° 55 vise à instaurer des instances de supportérisme au sein des sociétés commerciales. Seuls sont donc concernés, madame la rapporteur, les clubs professionnels ayant une assise significative, et non de petits clubs au statut amateur.
Une telle reconnaissance du rôle des supporters au sein même de ces clubs constituerait un progrès supplémentaire pour le fonctionnement de ces derniers, mais aussi en termes de marketing, d’image sociale ou commerciale. Bon nombre des actionnaires privés de ces sociétés commerciales, il faut le rappeler, sont favorables à la création de ces conseils de supporters.
Nous maintenons donc l’amendement n° 55.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il me semble que la situation est mûre pour que nous instaurions un dispositif complet ! Si nous n’avons qu’une instance nationale, entourée de quelques structures très motivées – je rends notamment hommage à l’association À la nantaise, qui a joué un rôle extrêmement important dans la réflexion –, sans échelon local susceptible de participer à la gestion des clubs, en tout cas d’émettre des avis, le système sera déséquilibré.
Les présents amendements visent donc à compléter le dispositif. Le premier pas a été fait à l’Assemblée nationale ; nous ferions le deuxième en les adoptant. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous les approuvez sur le fond. Je vous propose de prolonger le rêve, pour aboutir à un dispositif totalement opérationnel !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Revenons à la réalité, monsieur Dantec ! Nous venons de créer une instance nationale du supportérisme : c’est comme si, à la dixième étape du Tour de France, on se voyait déjà sur les Champs-Élysées, alors qu’il reste encore des montagnes à franchir ! Je pense vraiment qu’il aurait été sage de retirer ces amendements. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Dantec, l'amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Dantec, Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-5 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’association sportive peut offrir des titres financiers au public dans les conditions prévues aux articles L. 411-2 et L. 547-1 et suivants du code monétaire et financier. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Avec cet amendement, toujours en vue de mieux associer les supporters à la vie des clubs, nous proposons, plutôt que de créer des instances locales supplémentaires, d’ouvrir l’actionnariat des clubs au public, comme cela est autorisé par la loi et se pratique partout aujourd’hui en Europe. En Allemagne, l’actionnariat populaire est même une obligation réglementaire.
Cette pratique est d’ailleurs pleinement soutenue par les instances européennes ; nous avions évoqué cette question, monsieur le secrétaire d’État, lors du colloque que j’ai évoqué, où l’UEFA était représentée. Le Parlement européen lui-même s’est prononcé à une écrasante majorité en faveur d’amendements visant à ouvrir le capital des clubs au public. Il s’agit là encore de favoriser un dialogue apaisé entre les supporters et les propriétaires des clubs.
J’y insiste, nous sommes les seuls en Europe à ne pas pratiquer cet actionnariat populaire. La loi sur l’investissement participatif a inscrit dans le code monétaire et financier des dispositions ad hoc. Cet amendement vise simplement à préciser que les associations sportives peuvent y recourir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Monsieur Dantec, il serait préférable de réfléchir aux conditions dans lesquelles les sociétés sportives pourraient ouvrir leur capital. En effet, dans la plupart des grands clubs, l’association coexiste avec une société anonyme, mais c’est cette dernière qui dispose du budget, l’association ne s’occupant le plus souvent que de la pratique amateur.
Par ailleurs, les articles du code monétaire et financier visés ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce. C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. L’article L. 122-5 du code du sport se réfère à une société anonyme détentrice des titres, et non à une association sportive. La rédaction de l’amendement est donc contraire à cet article.
Cette question est néanmoins examinée dans le cadre de la Grande Conférence sur le sport professionnel que j’ai lancée en octobre et qui doit rendre ses préconisations vers le 19 avril. Dans cette attente, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Dantec., l'amendement n° 44 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 44 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article L. 131-3 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les représentants des supporters ; ».
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’objet de cet amendement est d’assurer une présence des associations de supporters au sein des fédérations sportives. Ces dernières, regroupant déjà des représentants des licenciés des clubs et des entreprises permettant la pratique ou le développement du sport, ne comptent à l’heure actuelle aucun représentant des supporters. Ceux-ci, qui apportent une contribution majeure au succès des événements sportifs, devraient pouvoir faire partie des instances dirigeantes.
Cet amendement vise les fédérations, et non les structures existant parfois à des échelons parallèles ou inférieurs, afin d’embrasser l’ensemble des disciplines sportives. Les fédérations, en tant qu’organes régulateurs de l’ensemble de la discipline, qu’il s’agisse de la pratique professionnelle ou du secteur amateur, doivent pouvoir s’appuyer sur des représentants des supporters.
Par ailleurs, cela participerait à la dynamique créée par l’article 5 instaurant une instance nationale du supportérisme, en vue d’une meilleure intégration des supporters dans la gestion et la gouvernance du sport et d’un meilleur dialogue entre instances et supporters.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Dantec, Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 56 est présenté par MM. D. Bailly, Marie, Lozach, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-3 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les représentants des supporters. »
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 45.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Dominique Bailly. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les fédérations sportives ont pour vocation de regrouper les associations, sociétés et organismes dont l’objet est la pratique du sport. Dès lors, rien ne justifie que les associations de supporters soient membres des fédérations sportives. Mes chers collègues, je vous signale d’ailleurs que ni les joueurs ni les entraîneurs ne sont membres des fédérations sportives.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Ces amendements sont contraires à l’article L. 131-3 du code du sport. Rien ne justifie que les supporters soient membres des fédérations sportives, seuls les licenciés l’étant.
Par ailleurs, existe la possibilité de désigner des personnalités qualifiées pour siéger au sein du conseil d’administration. Il incombe aux présidents de fédération de déterminer s’il convient d’admettre à ce titre au conseil d’administration un représentant des entraîneurs, un représentant des joueurs ou un représentant des supporters. Laissons-leur de la souplesse.
Je sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 45, monsieur Dantec ?
Mme la présidente. L’amendement n° 45 est retiré.
Monsieur Bailly, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L’amendement n° 56 est retiré.
Article 6
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 332-11 et à l’article L. 332-13 du code du sport, après le mot : « déroule », sont insérés les mots : « ou est retransmise en public ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 59 est présenté par Mme Benbassa.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Christine Prunaud. Nous proposons de supprimer l’article 6, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, si nous comprenons que la finalité du dispositif est de renforcer la sécurité des « fan zones », nous considérons que la mise en œuvre d’une telle mesure serait malvenue et constituerait une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation et de déplacement des citoyens.
Par ailleurs, sur le fond, il n’est pas interdit, que je sache, à une personne privée de permis de conduire de faire du karting. Pourquoi dès lors empêcher un supporter interdit de stade d’aller voir une retransmission du match sur la place de sa ville ?
En outre – cela a été souligné à l’Assemblée nationale –, la rédaction actuelle de l’article pourrait signifier une interdiction totale d’assister à une retransmission en public, y compris dans un bar ou un restaurant. La responsabilité de faire appliquer cette interdiction incomberait alors au patron de l’établissement. Une telle mesure, en plus d’être gravement préjudiciable aux professionnels concernés et aux personnes interdites de stade, serait totalement inapplicable. Va-t-on retenir au commissariat, chaque semaine, une personne interdite de stade pendant toute la durée du match ?
Enfin, on ne peut priver totalement de vie sociale les personnes interdites de stade, les diffusions publiques de matchs dans toutes sortes d’établissements de divertissement ou de restauration se multipliant.
Mme la présidente. L’amendement n° 59 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. L’extension aux « fan zones », c’est-à-dire à ces lieux où sont retransmis des matchs en public et en direct, existe déjà pour les interdictions administratives de stade. Il serait donc injustifié de ne pas la prévoir pour les interdictions judiciaires.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Il faut raison garder, et voter des dispositions qui puissent s’appliquer, plutôt que des textes de circonstance. L’Assemblée nationale a introduit l’article 6 en pensant uniquement à la « fan zone » de Paris, comme si celles de Saint-Étienne, de Lyon ou de Marseille n’étaient pas concernées.
Comment peut-on imaginer que les forces de l’ordre, déjà extrêmement sollicitées – permettez-moi, à cet instant, de leur rendre hommage –, seraient en mesure d’empêcher qu’une personne interdite de stade prenne un café dans un bar dans lequel serait retransmis un match ? Faut-il mettre un policier dans chaque lieu public équipé d’un écran ? C’est impossible !
On peut vouloir se faire plaisir et montrer ses muscles en votant des textes de circonstance, mais nos concitoyens attendent de nous l’adoption de dispositifs pouvant être mis en œuvre concrètement sur le terrain. À ces postures sécuritaires, je préfère la réponse du ministre de l’intérieur, qui a assuré que tout serait fait, avec le Club des villes hôtes de l'Euro 2016, présidé par Alain Juppé, et le comité d’organisation, pour garantir la sécurité lors de cette manifestation.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est supprimé et l’amendement n° 66 rectifié n’a plus d’objet.
Néanmoins, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes :
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Mandelli, Grand et Morisset, Mme Deromedi et MM. de Nicolaÿ, Trillard, Pellevat, Houel, Cambon et Chaize, était ainsi libellé :
Remplacer les mots :
en public
par les mots :
sur la voie publique dans un périmètre dont l’accès est contrôlé par un organisateur bénéficiant des autorisations nécessaires
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 332-11 du code du sport est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucun arrêté ne peut être pris en application de l’article L. 332-16 du code du sport à l’encontre d’une personne non poursuivie par le procureur après le dépôt d’une plainte ou non condamnée par le tribunal à l’issue de la plainte du procureur.
« La personne condamnée à la peine complémentaire prévue au premier alinéa du présent article ne peut pas faire l’objet d’un arrêté pris en application de l’article L. 332-16 du code du sport pour les mêmes faits. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les interdictions administratives de stade relèvent de la police administrative, c’est-à-dire préventive, et les interdictions judiciaires de stade sont des peines complémentaires.
Il n’est donc ni choquant ni contradictoire que les interdictions administratives de stade soient prises alors que des interdictions judiciaires n’ont pas été prononcées. Ces deux décisions n’interviennent pas sur le même plan. Les lier, comme le suggèrent les auteurs de cet amendement, pose question au regard du principe fondamental, reconnu par les lois de la République et par le Conseil constitutionnel au travers de sa décision du 23 janvier 1987, selon lequel le contentieux de l’annulation et de la réformation des décisions prises par les autorités administratives dans le cadre de prérogatives de puissance publique relève du juge administratif.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Prunaud, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme la présidente. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 332-11 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le procureur de la République a décidé de ne pas engager des poursuites ou que l’autorité judiciaire n’a pas condamné la personne concernée à la peine complémentaire prévue au deuxième alinéa, les effets d’un arrêté pris préalablement en application de l’article L. 332-16, pour les mêmes faits, sont suspendus. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. L’interdiction administrative de stade est une mesure préventive, ayant pour objet de faire la jointure avec la procédure judiciaire, et non de se substituer à elle. Or, à l’heure actuelle, une personne contre laquelle le procureur a jugé qu’aucune poursuite n’était justifiée ou qu’un tribunal correctionnel a relaxée peut, pour les mêmes faits, voir perdurer son interdiction administrative de stade.
Nous pensons que, en la matière, l’autorité judiciaire doit avoir la prééminence et qu’une décision administrative ne peut aller à l’encontre d’une décision de justice. N’oublions pas que, en France, le juge des libertés, c’est le juge judiciaire !
C’est pourquoi cet amendement prévoit que, en cas d’absence de poursuites judiciaires ou de relaxe, les effets d’une interdiction administrative de stade prise pour les mêmes faits – j’insiste sur ce point – soient suspendus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Cet amendement est très similaire au précédent. La commission émet donc un avis défavorable, pour les mêmes motifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Jouve, l’amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 224-3 du code du sport, dans sa rédaction issue de l’article 5 de la présente loi, entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Sénat a décidé que les clubs devaient recueillir l’avis des associations agréées avant de désigner les personnes référentes chargées des relations avec les supporters.
Si la loi était promulguée en l’état, les clubs pourraient rapidement désigner leur référent sans avoir à consulter les associations de supporters puisque, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, aucune ne dispose actuellement de l’agrément.
Aussi le présent amendement tend-il à instaurer un délai de trois mois après la promulgation de la loi pour l’entrée en vigueur de la disposition visée, afin que les associations puissent solliciter et obtenir leur agrément, ce qui permettra qu’elles soient consultées avant la désignation des référents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Cette disposition est tout à fait bienvenue. La commission n’a pu se prononcer sur cet amendement, mais, à titre personnel, j’émets un avis très favorable !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ce texte comprend deux parties : une première très sécuritaire, une seconde beaucoup plus marquée par une volonté de favoriser le dialogue avec les associations de supporters, ce dialogue étant une arme puissante pour lutter contre le hooliganisme ou d’autres dérives qui se font jour dans le domaine du sport.
Au titre de cette seconde partie, nous notons de nombreuses avancées, notamment la mise en place des personnes référentes. Nous avons accepté de retirer certains de nos amendements, monsieur le secrétaire d’État, dans l’attente du décret que vous avez annoncé.
Cela étant, vous connaissez notre opposition à la multiplication des fichiers, qui envahissent notre vie et semblent devenir le seul rempart contre tous les problèmes de sécurité que connaît notre pays. La teneur de l’article 1er nous amènera à voter contre la proposition de loi.
Au terme de ce débat, j’ai une pensée pour cet arbitre de Haute-Loire qui a été violemment molesté à l’issue d’un match amateur. Gardons à l’esprit que la lutte contre la violence dans le domaine sportif doit être menée à tous les niveaux, et pas seulement au sein du sport professionnel !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.
(La proposition de loi est adoptée.)
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 6 avril 2016 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 418, 2015-2016).
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (n° 446, 2015-2016), en examen conjoint avec la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions (n° 416, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 518, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 519, 2015-2016) ;
Avis de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 505, 2015-2016).
À vingt et une heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs ;
Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 487, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 488, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 6 avril 2016, à zéro heure cinquante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD