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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
lanceurs d'alerte
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'environnement, mais je me réjouis que Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité me réponde. Cette question concerne les lanceurs d’alerte, dont chacun mesure la nécessité en tous domaines.
Alors que des initiatives de protection sont en projet, alors que les « Panama papers » montrent les milliards volés, la loi de 2013 n’est pas appliquée – loi pourtant soutenue ici bien au-delà de la majorité gouvernementale !
Il faudra un jour un texte harmonisé, global et exigeant. En attendant, l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et la lutte contre les conflits d’intérêts, éléments décisifs de la démocratie, ne sont pas garanties. La transparence et la vigilance sur les panels des lieux de décision ne sont pas assurées, car la commission ad hoc, votée ici en 2013, n’est pas installée !
Nous savons comment l’écoute de salariés, d’usagers ou de riverains aurait pu permettre d’éviter hier des drames sanitaires et environnementaux : l’amiante, le Mediator, les prothèses PIP. Mais nous sommes privés des outils de recours et de contrôle !
Mesdames, messieurs les ministres, plusieurs d’entre vous sont concernés. Il s’agit de santé et d’environnement ! Il s’agit de démocratie ! Il s’agit de loyauté du Gouvernement vis-à-vis de la chose votée ! Pourquoi cette commission n’est-elle pas opérationnelle, alors que le Gouvernement affirme sa volonté sur le sujet ? Si des instances participantes n’ont pas désigné leur représentant, ne faut-il pas s’interroger sur leur peu d’appétit à voir fonctionner un outil de suivi de leurs bonnes ou mauvaises pratiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur l’avancement des actions prévues dans la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, issue d’une proposition de loi que vous avez déposée.
Ce texte, vous le savez, me tient particulièrement à cœur, car il donne le droit à toute personne de rendre publique une information en cas de risque grave sur la santé ou sur l’environnement. Il prévoit la possibilité d’exercer ce droit d’alerte au sein de l’entreprise, au profit de représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, mais aussi de tout salarié. Il crée également une commission nationale chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, ainsi qu’aux procédures d’enregistrement des alertes.
Cette loi doit être mise en œuvre. Pour cela, deux décrets ont été publiés le 26 décembre 2014 : le premier fixe la liste des établissements et organismes publics qui tiennent un registre des alertes en matière de santé publique et d’environnement ; le second est relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, celle-là même que vous mentionnez.
La composition de cette commission est aujourd’hui quasiment finalisée. Il ne manque plus que la désignation des représentants du Conseil d’État, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, du ministère de l’agriculture et du ministère de la recherche. La désignation de ces personnalités est imminente.
La commission nationale, qui est donc chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, pourra être nommée tout de suite après par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Elle pourra alors, sans attendre, démarrer ses travaux. (Applaudissements sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
moyens accordés à la justice
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le garde des sceaux, il semblerait que vous ayez découvert soudainement l’état calamiteux de la justice de notre pays. Après avoir été quatre ans président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, il n’est jamais trop tard… (Rires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.) Rappelons qu’à l’époque vous votiez sans sourciller les maigres budgets alloués à la justice.
À ce sujet, je tiens à saluer l’initiative du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France, qui mettent en scène des « tribunaux d’opinion » où le prévenu, l’État, est poursuivi pour « mise en danger de la justice » et « non-assistance à justice en danger ». Il y a effectivement urgence à lui donner les moyens de se redresser : il y va de la remise à flot du service public de la justice et de l’accès à un procès équitable pour tous. Mais, des moyens, pour quoi faire ? Du tout-carcéral ? Certainement pas pour nous, comme nous venons de le dénoncer lors du vote précédent.
Mon interpellation porte plus précisément sur la situation des personnels d’insertion et de probation fortement mobilisés depuis plusieurs semaines. Vous avez enfin reçu hier l’intersyndicale. Vous vous félicitez d’avoir déjà pu avancer sur certains points comme celui du dispositif de la « pré-affectation ». Pourtant, l’heure n’est pas aux félicitations. Il faut aujourd’hui des mesures urgentes pour mettre fin à l’indigence des ressources humaines qui paralyse l’action même de ces agents favorables à une politique pénale progressiste et humaniste, les seuls agents de la pénitentiaire exclus de toute revalorisation. Le plan triennal d’ouverture des postes doit se prolonger, pour assurer la réinsertion en milieu ouvert comme fermé, garantie indispensable contre la récidive.
Monsieur le garde des sceaux, ma question porte sur la situation de ces personnels mobilisés. Comme tous les agents de la pénitentiaire, ils n’ont pas le droit de grève et expriment leur colère et leur revendication par d’autres biais : des « jeudis morts » du SPIP à une grande manifestation nationale le 10 mai prochain. Or certains reçoivent aujourd’hui des menaces de leur administration, sur leurs évolutions de carrière ou leur salaire. Que comptez-vous faire pour leur garantir, comme à tout citoyen, la possibilité de s’exprimer librement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Billout. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de dire toute ma considération pour les personnels d’insertion et de probation. Sachez que je ne les ai pas « enfin » reçus ; je les ai reçus hier comme nous en étions convenus avec les trois organisations composant l’intersyndicale. Je les reverrai d’ailleurs dans huit jours, parce que je veux avancer avec eux sur un diagnostic partagé.
Vous l’avez évoqué, 1 000 créations de postes ont été décidées pour la période 2014-2017, dont 640 conseillers d’insertion et de probation. Il existe un désaccord entre l’administration et les syndicats sur l’état des lieux – j’ai besoin que l’administration confirme les chiffres qu’elle m’a donnés –, mais les engagements pris par Christiane Taubira concernant les créations de postes, y compris les 70 directeurs d’insertion et de probation, seront tenus.
Je ne découvre pas la situation ; je l’ai d’ailleurs dit au Sénat dès mes premières réponses aux questions d’actualité. J’ai simplement souhaité donner l’alerte sur la gravité de la situation.
Le budget de la justice, qui est le huitième de l’État en importance, s’élève à 8 milliards d’euros. Cela montre l’effort considérable qui a été fait depuis 2012. J’imagine que, lors de chaque discussion budgétaire, vous avez apprécié les progressions enregistrées, notamment en termes de postes – si nous pouvons créer 1 000 postes, c’est justement grâce aux efforts qui ont été réalisés. Reste que nous sommes dans une situation d’urgence. Je l’ai dit pour que nous puissions, là aussi, partager ce diagnostic et pour que nous puissions, ensemble, dans la logique et la solidarité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement, décider des mesures utiles à une bonne administration de la justice, à laquelle font appel chaque année 4 millions de Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
« panama papers »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État Eckert, vous le savez, les parlementaires ne sont ni juges ni policiers. En revanche, ils exercent leur vigilance – c’est particulièrement la tradition du Sénat grâce à sa commission des finances – sur tout ce qui a trait à l’évasion et à la fraude fiscales.
Ainsi, lors du précédent quinquennat, le Sénat avait refusé de ratifier la convention fiscale entre la France et le Panama (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.), car, à l’époque, le Panama ne satisfaisait pas aux critères internationaux, notamment en matière de transparence. Je rappelle que, le 21 décembre dernier, le ministre Sapin a émis des doutes sur la capacité de ce pays à répondre aux demandes de renseignement de la France.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Cahuzac !
M. Jean-Louis Carrère. Aboyeurs !
Mme Nicole Bricq. Néanmoins, à la suite de la signature de cette convention, qui avait été ratifiée par l’Assemblée nationale, celle-ci ayant eu le dernier mot, le Panama avait été sorti de la liste noire française le 4 avril 2012 – j’ai vérifié la date – par arrêté gouvernemental.
Votre collègue Sapin, répondant à l’un de nos collègues députés à l’Assemblée nationale, vient de déclarer…
M. Albéric de Montgolfier. Les yeux dans les yeux !
Mme Nicole Bricq. … qu’il avait décidé de réinscrire le Panama sur la liste noire à la suite du scandale qui vient d’éclater. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le secrétaire d’État, il suffit d’un simple arrêté ministériel. Ma question est donc simple : quand le prendrez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, vous m’interrogez opportunément sur le Panama. Il y aurait beaucoup à dire, mais votre question est précise.
Vous avez, là aussi opportunément, rappelé les raisons pour lesquelles le Panama a été sorti de la liste noire et à quelle date. Ce pays a été sorti de cette liste, parce qu’il avait signé une convention. Or nous avons constaté que cette convention n’était pas respectée. C’est pour cette raison que, dès la fin de l’année dernière, le ministre Sapin, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, celui-ci étant retenu à l’Élysée (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) – ça arrive… (Sourires.) –, avait déclaré que, si le Panama ne fournissait pas les renseignements d’ordre fiscal que nous lui demandions, le Gouvernement envisagerait de le réinscrire sur la liste noire.
L’arrêté qui réintroduira le Panama sur la liste des États et territoires non coopératifs – c’est une décision extrêmement lourde de conséquences, car les retenues à la source lors des transactions s’élèvent systématiquement à 75 % des montants – sera pris par le ministre des finances dans les jours qui viennent.
J’ajoute, puisque des interrogations se posent sur les banques – vous verrez ce soir à l’occasion d’une émission de télévision un certain nombre de choses sur une grande banque française –, que les dirigeants de cette grande banque française seront reçus dans les heures qui viennent par le ministre des finances en vue d’éclaircir la situation. Comme vous le voyez, nous agissons, même s’il reste encore beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
lutte contre le diabète
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Dans deux jours aura lieu la Journée mondiale de la santé, qui sera consacrée cette année au diabète. Cette maladie chronique touche 3 millions de personnes en France et 350 millions dans le monde. Il est difficile d’imaginer les contraintes qui pèsent non seulement sur les patients atteints de cette maladie, mais aussi sur leurs enfants ou sur leurs parents, qui, à leur chevet, surveillent la bonne prise d’insuline à la suite de la mesure de la glycémie.
Je voudrais insister aujourd’hui sur la chaîne des procédures. De la recherche à l’innovation, de l’autorisation au remboursement, je demande que tout soit mis en œuvre pour réduire les délais, favoriser la recherche grâce à des financements et permettre la mise sur le marché de nouveaux produits, sans pour autant négliger le rapport bénéfices-risques. Or le Comité économique des produits de santé, qui décide si un dispositif est remboursable par l’assurance maladie, semble accuser un retard d’un an dans l’instruction des dossiers. Je souhaiterais que nous adoptions un système aujourd’hui proposé à certains patients, mais dont tous ne peuvent pas bénéficier, car il n’est pas remboursé par l’assurance maladie : la mesure du glucose en continu.
En attendant le pancréas artificiel, tout juste à l’essai, et les capteurs de technologie Flash, ne pourrait-on pas avancer sur ces systèmes de mesure du glucose en continu, qui apportent beaucoup de satisfaction à ceux qui l’utilisent quand ils peuvent se l’offrir ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Lasserre. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, vous l’avez souligné, la Journée mondiale de la santé, organisée par l’Organisation mondiale de la santé chaque 7 avril, sera cette année consacrée à la lutte contre le diabète, afin de sensibiliser aux conséquences de cette maladie.
Aujourd’hui, dans le monde, le nombre des personnes atteintes de diabète augmente chaque année de 5 % à 6 %. En France, comme l’avez indiqué, plus de 3 millions de personnes sont concernées.
Les facteurs de croissance de cette maladie, nous les connaissons bien : l’obésité, le surpoids, l’absence d’exercice physique… C’est pourquoi nous devons répéter des messages de prévention. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont vous étiez corapporteur, ont d’ailleurs été votées des dispositions permettant d’améliorer la prévention comme l’étiquetage nutritionnel, la mise en place d’un parcours éducatif en santé ou l’interdiction des fontaines à soda.
Pour mesurer la glycémie, les personnes malades doivent se faire une piqûre plusieurs fois par jour, ce qui est à la fois désagréable et contraignant. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les dispositifs médicaux de mesure du glucose en continu que vous avez évoqués puissent être admis au remboursement. Pour ce faire, les discussions actuellement menées par le Comité économique des produits de santé doivent aboutir le plus rapidement possible à un accord avec les industriels. Ainsi, la vie quotidienne de ces patients, notamment des plus jeunes, pourra être améliorée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.
Mme Élisabeth Doineau. Ce n’est pas tant une question que je voulais poser qu’un cri que je souhaitais pousser pour l’ensemble des patients souffrant de diabète. Ils attendent avec impatience de pouvoir utiliser ces nouveaux dispositifs, qui représentent une réelle avancée comme en témoignent tous les patients qui en ont bénéficié. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
moyens accordés à la justice
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Les magistrats français sont confrontés à toujours plus de missions avec toujours moins de moyens. L’insécurité croissante dans laquelle le pays est plongé aggrave la situation des tribunaux.
Devant le nombre d’affaires à traiter, la Conférence nationale des procureurs de la République a annoncé le désengagement du parquet dans des procédures jugées « non prioritaires ». Voilà qui ouvre encore plus largement la voie à l’impunité !
On observe une grande disparité de délais de jugement sur le territoire. La justice n’est plus la même pour tous sur l’ensemble du territoire français. Dans les Hautes-Alpes, on compte en théorie trois magistrats – un procureur et deux substituts –, puisque le vice-procureur exerce à temps partiel. C’est pourtant cette même équipe, amputée de 20 % de ses effectifs, qui doit assumer toutes les audiences, l’ensemble des permanences, les réunions à l’extérieur et, bien sûr, les déplacements dans un département qui n’a pas été épargné, avec 45 personnes décédées en montagne au cours de l’année 2015.
Alors que notre société se judiciarise, que la délinquance augmente, le ministère public est happé par la lutte contre la radicalisation, sans aucun moyen supplémentaire. Certaines juridictions sont asphyxiées.
Nous l’avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, vous estimez que la justice est à bout de souffle. Vous venez de faire un terrible héritage. Or quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour que l’institution judiciaire reprenne une activité normale, pas seulement à Bobigny où vous avez fait des annonces, mais dans tout l’Hexagone ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne vais pas faire de polémique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais, mais j’ai choisi de considérer la justice comme un élément de rassemblement.
Aujourd’hui, 480 postes de magistrat ne sont pas pourvus. La raison en est simple : en 2008, en 2009, en 2010 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)…
Ce n’est pas de la polémique, ce sont les faits. Je ne cherche pas à faire des effets, mais simplement à ce que chacun comprenne. (Mêmes mouvements.)
En trois ans, 105 postes ont été ouverts au concours, contre 368 cette année.
Mme Sophie Primas. Ça fait quatre ans que vous êtes là !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ces années-là, moins de 200 greffiers ont été recrutés.
Quand un ministre de la justice ouvre 105 postes en trois ans, alors que tout le monde sait que 1 400 personnes vont partir à la retraite dans les quatre ans à venir, on construit la paupérisation de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous me forcez à dire la vérité, je vous la dis ; vous voulez des chiffres, je vous les cite !
Mme Sophie Primas. Quatre ans !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre juridiction est préservée : les trois postes au parquet sont occupés, de même que les neuf postes au siège. Il manque deux fonctionnaires, des adjoints administratifs ; leur absence sera comblée au mois de septembre. À Gap, pas un effectif ne manquera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Malheureusement, toutes les juridictions ne peuvent pas en dire autant, car les efforts que nous réalisons mettront du temps à se concrétiser.
En attendant, je vous invite à vous rendre avec moi à l’École nationale de la magistrature et à l’École nationale des greffes et à saluer les 368 fonctionnaires et les 761 greffiers que nous allons embaucher ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le garde des sceaux, voilà quatre ans que votre majorité gouverne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le budget de la justice, par habitant, classe désormais la France au trente-septième rang en Europe, juste derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il y a donc urgence à se consacrer aux vrais problèmes des Français, aux vrais problèmes de la justice. Il n’y a pas de temps à perdre dans d’hypothétiques réformes constitutionnelles.
Soyez concret : sans réorganisation, sans moyens, sans révision des règles qui régissent la procédure pénale, nous nous éloignerons d’une justice sereine et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
arménie – azerbaïdjan : situation du haut-karabagh
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe du RDSE.
M. Michel Amiel. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la crise qui frappe le Haut-Karabagh. Cette crise réveille les blessures d’un conflit qui, dans les années quatre-vingt-dix, avait fait pas moins de 30 000 morts.
Les affrontements qui ont débuté dans la nuit du vendredi 1er avril opposent les forces azerbaïdjanaises et arméniennes. Les premiers bilans humains laissent craindre une reprise durable du conflit pour le contrôle de cette partie montagneuse du Caucase, à fort enjeu politique, stratégique pour l’acheminement des hydrocarbures, et peuplée par 150 000 personnes environ, majoritairement des Arméniens. L’escalade militaire dans cette région intervient à un moment où la Russie et la Turquie sont en pleine crise diplomatique.
Cela fait près de vingt-deux ans maintenant que, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, vingt-deux pays au sein du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, cherchent une issue à ce conflit.
Alors même que sont réunis aujourd’hui à Vienne des médiateurs pour essayer d’arriver à une solution et qu’un cessez-le-feu aurait été trouvé en ce début d’après-midi, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre.
Le représentant du Haut-Karabagh en France a déclaré : « Aujourd’hui, nous sommes à une telle escalade qu’il ne suffit plus de se contenter d’appels pour revenir au calme. Il faut absolument prendre des mesures sérieuses et concrètes, pour contraindre le pouvoir du régime azerbaïdjanais à cesser cette attaque, cette offensive et surtout ces bombardements sur les villes. »
Dois-je rappeler le triste bilan de l’Azerbaïdjan dans nos efforts de rapprochement : suspension des négociations pour un accord d’association avec l’Union européenne en 2014, fermeture du bureau de l’OSCE à Bakou en 2015 ?
Ainsi, monsieur le ministre, je me dois de vous demander quelle est, au-delà de la posture convenue d’appel à un cessez-le-feu, la position de la France dans ce conflit. Quelles initiatives concrètes le gouvernement français compte-t-il prendre à travers le groupe de Minsk ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison de souligner le caractère extrêmement grave des affrontements qui ont repris vendredi soir au Haut-Karabagh.
La France, vous l’avez rappelé, joue un rôle particulier dans ce conflit. En tant que coprésidente du groupe de Minsk de l’OSCE, aux côtés de la Russie et des États-Unis, elle a en charge la tentative d’une solution de paix entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh. Elle suit donc avec une très grande attention l’évolution de la situation.
Toutes les autorités de l’État sont mobilisées. Dès samedi, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu. Jean-Marc Ayrault s’est également entretenu samedi avec son homologue arménien, puis avec son homologue azerbaïdjanais. Il a insisté sur le fait que ce conflit ne pouvait être résolu par la force et qu’un retour rapide à la table des négociations était indispensable.
M. Alain Néri. Et urgent !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Ces démarches ont déjà produit leurs premiers effets. Il était bel et bien urgent que cessent des affrontements meurtriers.
Un cessez-le-feu a été annoncé. La France demande à ce qu’il soit entièrement, intégralement respecté.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Les parties au conflit ont accepté de recevoir les médiateurs du groupe de Minsk, qui se rendent sur place aujourd’hui même. Ils seront à Bakou ce soir, puis ils iront à Stepanakert et à Erevan.
Parallèlement, l’OSCE est saisie à Vienne. Nous sommes en contact étroit avec l’Allemagne, qui préside actuellement cette organisation. Jean-Marc Ayrault s’entretient du reste en ce moment même avec son homologue allemand, qui est en visite à Paris.
Notre mobilisation est la hauteur de la gravité de l’enjeu.
Le Président de la République ne ménagera aucun effort. Il a déjà accueilli le président azerbaïdjanais Aliyev et le président arménien Sarkissian à Paris, et il a indiqué qu’il était disposé à les recevoir de nouveau.
M. Jean-François Husson. Il est sur tous les fronts !