Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
légales
insérer les mots :
ou une incapacité définitive
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. En poursuivant ce travail de cohérence, je me suis rendu compte que nous avions omis une hypothèse importante dans le cas des membres des autorités administratives indépendantes qui sont irrévocables. Il convient de prévoir, en effet, que le collège peut constater l’incapacité définitive de l’un de ses membres.
Nous savons que, dans d’autres institutions, lorsque l’un des membres n’est plus en état d’exercer ses fonctions, le constat de son incapacité permet de « libérer » son poste.
Je ne suis pas tout à fait satisfait par la rédaction de cet amendement, parce qu’il tend à insérer la disposition relative à l’incapacité définitive après le constat d’un manquement à la déontologie. Je suggère donc que, dans le cadre de la navette, une amélioration puisse être apportée.
Quoi qu’il en soit, il me semblait important de laisser un marqueur, en prévoyant que le collège puisse constater l’empêchement physique de l’un de ses membres, puisque ce constat ne peut émaner d’une autorité tierce.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cet amendement, incontestablement judicieux, améliore le texte.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
avoir demandé à l’intéressé
par les mots :
que l’intéressé a été en mesure
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Pour montrer la bonne volonté du Gouvernement, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante n’est pas renouvelable.
Un membre nommé en remplacement d’un membre ayant cessé son mandat avant son terme normal est désigné pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.
Mme la présidente. L’amendement n° 55, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
Le mandat de membre
par les mots :
La fonction de président
II. – Alinéa 2
1° Première phrase
Remplacer (deux fois) le mot :
membre
par le mot :
président
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
le mandat du nouveau membre
par les mots :
la fonction du nouveau président
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Un membre nommé en remplacement d’un membre ayant cessé son mandat avant son terme normal est désigné pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, ce mandat n’est pas pris en compte pour l’application des règles propres à chaque autorité en matière de limitation du nombre de mandat de ses membres.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Dans un souci de conciliation sur la question du renouvellement du mandat des membres des collèges, cet amendement tend à aménager la rédaction de l’article 8 adoptée par la commission des lois du Sénat, afin de la faire converger avec celle de l’Assemblée nationale.
Cet amendement vise à prévoir que la règle de non-renouvellement ne s’appliquerait qu’à la fonction de président, et non à tous les mandats des membres des collèges.
Pour les autorités où le renouvellement du mandat est possible, cette règle favoriserait l’accession à la présidence d’un membre qui a déjà exercé un mandat, ce qui est de nature à lever l’objection des députés sur la perte de compétences liée au non-renouvellement du mandat. En effet, selon les députés, si l’on empêche tout renouvellement de mandat, on se prive des compétences qui ont pu se constituer lors de l’exercice d’un premier mandat.
En revanche, la règle de non-renouvellement applicable à l’ensemble du collège serait maintenue lorsqu’elle existe. Pour les mandats renouvelables, ce renouvellement ne pourrait intervenir qu’une fois, y compris pour les autorités qui ne connaissent actuellement aucune limitation. Ces modifications seraient apportées directement au sein des statuts propres à chaque autorité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Les positions se rapprochent peu à peu, mais nous ne sommes pas encore sur la même ligne !
L’avis du Gouvernement est donc défavorable, puisque cette rédaction pose problème pour l’élection des présidents des collèges.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
n’est pas renouvelable
par les mots :
est renouvelable une fois
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous souhaitons que le mandat des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes puisse être renouvelé une fois. Cette solution permet de tenir compte de la diversité des situations existantes, en évitant de s’en tenir à un régime strict de non-renouvellement.
Je sais que la position de M. le rapporteur pourrait encore évoluer, mais la possibilité de conserver un seul renouvellement de mandat me paraît excellente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, cet amendement n’étant pas compatible avec celui que nous venons d’adopter, conformément au vote de la commission des lois.
La question du non-renouvellement du mandat est importante, parce que la possibilité d’un renouvellement réduit l’indépendance des membres de l’autorité. C’est notre position depuis le début de la discussion de ce texte.
Cela dit, nous ne voulons pas provoquer de blocage. Nous essayons de trouver un compromis, afin de permettre une issue acceptable pour tous. Il n’en reste pas moins évident que, si l’on accepte la possibilité d’un renouvellement du mandat du président ou des membres des autorités administratives indépendantes, surtout lorsque l’on connaît les modalités de leur nomination, on peut se poser des questions sur leur indépendance…
Nous essaierons encore d’améliorer ces dispositions, en concertation avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement. En attendant, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’invite le Gouvernement à poursuivre le mûrissement de sa réflexion.
Les deux assemblées ont eu la sagesse de ne pas vouloir uniformiser les conditions de nomination : différentes procédures existent donc. Cependant, dans leur grande majorité, les membres des autorités administratives indépendantes sont nommés directement par le Gouvernement. Leur indépendance ne pose pas de problème si, une fois nommés par le Gouvernement, ils ne dépendent plus en rien de lui par la suite.
J’observe, d’ailleurs, que c’est la raison pour laquelle le rapporteur et la commission des lois sont plutôt favorables à des mandats de six ans, puisqu’il est tout à fait concevable que l’on nomme des personnes qui ne soient pas familières du domaine d’intervention de l’AAI : il n’est pas nécessaire d’être ingénieur des mines pour être nommé à la Commission de régulation de l’énergie, et un mandat de six ans permet d’acquérir une expérience solide.
En revanche, si les membres de l’autorité, au terme des six ans, doivent justifier de la manière dont ils ont exercé leur mandat pour avoir une chance que ce dernier soit renouvelé par le Gouvernement, c’est la notion même d’indépendance qui se trouve sapée.
Après réflexion, j’estime donc que le Gouvernement ne devrait pas persévérer dans cette voie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
Nul ne peut être membre de plusieurs autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes. Toutefois, lorsque la loi prévoit qu’une de ces autorités est représentée au sein d’une autre de ces autorités, elle peut désigner ce représentant parmi ses membres.
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec les fonctions au sein des services d’une de ces autorités.
Au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, le mandat de membre du collège est incompatible avec celui de membre d’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions.
Au sein du collège d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, certains membres peuvent faire partie d’une formation restreinte, compétente pour prononcer des sanctions. Dans ce cas, ils ne peuvent pas participer aux délibérations du collège qui engagent les poursuites.
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Nul ne peut être membre de plus de deux autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à permettre que, lorsque la situation le justifie, une même personne puisse être membre de deux autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes. Limiter la possibilité de siéger au sein de deux autorités aux seuls cas où la loi prévoit expressément que le membre d’une autorité siégera au sein d’une autre autorité ne couvre pas l’ensemble des hypothèses.
Cet amendement tend à prendre en compte ce qui était d’ores et déjà prévu par la loi. La limitation des possibilités de cumul à deux mandats a été imposée par la loi aux élus, comme l’a souligné tout à l’heure M. le rapporteur : je vous demande donc d’accorder la même liberté aux membres des autorités administratives indépendantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je suis désolé, monsieur le secrétaire d’État, mais je vais devoir encore émettre un avis défavorable sur cet amendement du Gouvernement !
En effet, cet amendement tend à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en permettant le cumul de deux mandats de membre d’autorité administrative indépendante. En première lecture, nos collègues députés ont retenu cette rédaction pour permettre à une autorité de désigner un représentant au sein d’une autre autorité administrative indépendante, lorsque des dispositions législatives le prévoient ou l’imposent.
En deuxième lecture, nous avons rétabli la limitation à un mandat exercé par une même personne à un instant donné, en prévoyant une exception pour répondre à l’objection légitime de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Ainsi, le premier alinéa de l’article 9 dispose désormais que, « lorsque la loi prévoit qu’une de ces autorités est représentée au sein d’une autre de ces autorités, elle peut désigner ce représentant parmi ses membres ».
Monsieur le secrétaire d’État, j’appelle le Gouvernement à lutter contre le cumul, surtout lorsqu’il s’agit de la haute fonction publique. Il faut une cohérence globale dans l’organisation de notre République !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes bien d’accord !
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 9 bis A
(Supprimé)
Article 9 bis
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les membres des autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes peuvent percevoir une indemnité ou une rémunération, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Je vais retirer cet amendement.
Ma préoccupation est de permettre une visibilité des conditions d’indemnisation et de rémunération des membres et des présidents d’AAI.
L’idée d’un barème général se heurte à un risque – celui-ci s’est déjà réalisé, en réalité – d’alignement vers le haut, comme j’ai pu en faire l’expérience à divers moments de ma vie administrative. Je puis assez facilement concevoir, par exemple, que le président de l’Agence française de lutte contre le dopage n’exerce pas des responsabilités financières aussi étendues que celles qui sont assumées par le président de l’Autorité des marchés financiers, encore que l’évolution économique du sport laisse planer un doute sur cette dernière observation, émise par quelqu’un qui n’y connaît rien… (Sourires.)
L’idée d’un barème général ne me paraît donc pas bonne, et c’est la raison pour laquelle je ne persiste pas dans ce projet. En revanche, je recommande au Gouvernement de réfléchir à d’autres formes de publication de ces rémunérations.
En attendant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 est retiré.
En conséquence, l’article 9 bis demeure supprimé.
TITRE II
DÉONTOLOGIE AU SEIN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Chapitre Ier
Déontologie des membres
Article 10
(Non modifié)
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts, au sens de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Dans l’exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent ni ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité.
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l’autorité à laquelle ils appartiennent.
Les membres et anciens membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes sont tenus de respecter le secret des délibérations. Ils sont soumis au secret professionnel, dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Ils font preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont ou ont eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. – (Adopté.)
Article 11
À l’exception des députés et sénateurs, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec :
1° La fonction de maire ;
2° La fonction de président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
3° La fonction de président de conseil départemental ;
3° bis La fonction de président de la métropole de Lyon ;
4° La fonction de président de conseil régional ;
5° La fonction de président d’un syndicat mixte ;
6° Les fonctions de président du conseil exécutif de Corse et de président de l’Assemblée de Corse ;
7° Les fonctions de président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique et de président du conseil exécutif de Martinique ;
8° La fonction de président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
9° La fonction de président de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Sans préjudice d’incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle.
La fonction de président ou, lorsqu’il est exercé à temps plein, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un emploi public. Le président ou le membre de l’autorité peut toutefois se livrer à l’exercice de travaux scientifiques, littéraires, artistiques ou d’enseignement.
Sauf s’il y est désigné en cette qualité, l’exercice des fonctions de membre du Conseil d’État, de membre de la Cour des comptes, de membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et de membre du corps des magistrats des chambres régionales des comptes est incompatible avec un mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La fonction de président d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est également incompatible avec :
1° La fonction de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;
2° La fonction de vice-président de l’organe délibérant ou de membre de l’organe exécutif d’une collectivité territoriale mentionnée au I ;
3° La fonction de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte ;
4° La fonction de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Cet amendement vise à établir une forme de cohérence. Malheureusement, en raison de la conjonction d’autres activités cette semaine, je n’ai pas pu le défendre devant la commission.
Il nous semble qu’il faut distinguer deux niveaux d’incompatibilité entre le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante et l’exercice de fonctions électives.
Les membres des collèges qui ne sont pas occupés à temps plein – c’est le cas de la majorité d’entre eux, qui exercent d’autres activités – pourraient être des élus exerçant des fonctions exécutives locales. L’Assemblée nationale a ainsi établi une incompatibilité avec l’exercice des fonctions de chef d’exécutif local.
En revanche, il me semble que nous n’avons pas complètement statué sur le cas des présidents d’autorité administrative indépendante ou des autres membres à temps plein de ces autorités.
En cohérence avec ce qui a été voté – je ne voudrais pas entrer en conflit avec le rapporteur, dont l’indépendance d’esprit sur ces questions le conduit à prendre des positions différentes des miennes –, il me semble nécessaire que le niveau des incompatibilités soit plus élevé pour les membres à temps plein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens. Cette rédaction permet un bon compromis avec la position adoptée par l’Assemblée nationale et nous paraît particulièrement utile.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Il s’agit de supprimer l’alinéa 12, qui pose la règle générale selon laquelle un mandat est incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
… – Pendant la durée de son mandat, le membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante ne peut exercer de nouvelles fonctions de chef d’entreprise, de gérant de société, de président et membre d’un organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance au sein d’une entreprise distincte ou une nouvelle activité professionnelle, en lien direct avec le secteur dont l’autorité dont il est membre assure le contrôle.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 26.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Là encore, il s’agit de trouver une solution de compromis avec l’Assemblée nationale. Nous proposons donc une solution de rechange à celle qui a été adoptée par la commission des lois à l’article 11, c’est-à-dire l’incompatibilité s’agissant de la détention directe ou indirecte d’intérêts en lien avec le secteur régulé.
Cette incompatibilité générale se heurte à la composition de certaines autorités, qui ont été conçues comme des régulateurs comprenant en leur sein des représentants issus du secteur régulé, choisis en raison de leur bonne connaissance du milieu économique. Quelle que soit l’appréciation portée sur ce choix, il se traduit dans la composition du collège de ces autorités : il est donc contradictoire, dans son principe, avec l’incompatibilité envisagée.
Notre amendement vise le même objectif de prévention des conflits d'intérêts en retenant une approche différente.
Le choix, imposé par la loi, de nommer au sein du collège une personnalité issue du milieu économique, s'effectue en toute connaissance de l'activité exercée par l'intéressé. En outre, le nouveau membre sera soumis aux mécanismes déontologiques prévus : obligations déclaratives, obligations de déport.
Il importe néanmoins qu'il ne puisse accéder, au cours de l'exercice de son mandat, à de nouvelles fonctions de dirigeant d'entreprise – mandataire social, chef d'entreprise, gérant – ou à une nouvelle activité professionnelle dans le secteur qu'il contrôle en tant que membre de l'autorité. En effet, dans pareil cas les conditions initiales qui avaient pu motiver sa désignation seraient profondément modifiées.
En outre, une « promotion » dans un nouveau secteur économique pourrait jeter le trouble concernant les contreparties obtenues auprès du membre.
Cette règle s’assortit de plusieurs précautions, afin de ne pas imposer d'entraves excessives à la carrière d'un membre de l'autorité issu du secteur privé.
D'une part, l’interdiction ne s'oppose pas à l'évolution de sa carrière dans une même entreprise ou groupe ou à l'évolution de la gouvernance au sein des organes dirigeants de cette entreprise, mais uniquement à l’exercice de nouvelles activités ou fonctions au sein de nouvelles entreprises.
D’autre part, elle ne porte pas atteinte au droit de propriété, car aucune restriction n’est apportée à la détention de capital au sein de différentes sociétés.
Enfin, ne sont visés, sous une forme cumulative, que le secteur contrôlé par l'autorité et les fonctions ou activités entretenant un lien direct avec ce secteur.
J’attire l’attention de notre assemblée sur l’importance de cet amendement. Nous avons, récemment encore, connu des cas où une personnalité nommée membre du collège d’une autorité administrative indépendante disposant de grands pouvoirs s’est trouvée, quelques mois plus tard, nommée au conseil d’administration d’une grande entreprise de travaux publics. Ce n’est pas bien !
Il ne s’agit pas d’interdire l’entrée dans les collèges de personnes compétentes, mais d’empêcher que les membres des collèges ne profitent de leur position pour aller occuper de nouvelles fonctions dans une entreprise privée. Il s’agit d’une solution de compromis, utile, réaliste. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il me semblerait extrêmement pertinent d’appliquer cette solution aux cas de certains hauts responsables du Trésor ou d’autres administrations…
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 26, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 56 ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. La rédaction cet amendement va dans le même sens que celle de l’amendement présenté par le Gouvernement, mais nous la trouvons trop stricte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la difficulté de concilier ces deux positions.
La position du Gouvernement, qui est une position de permissivité complète, consiste à ne pas imposer d’incompatibilité professionnelle ou financière aux membres des collèges ; elle ne me paraît pas suffisamment prudente. Elle est en effet susceptible de porter atteinte, précisément, à l’autorité de ces autorités indépendantes, en laissant libre cours à des situations qui pourraient être perçues, de l’extérieur – c’est de cela qu’il s’agit : d’image publique ! –, comme des situations de confusion des rôles.
En revanche, je soutiens l’amendement de la commission. Monsieur le rapporteur, nous avons eu un débat, désormais tranché, sur la possibilité ou non de déroger, par des lois spéciales, à la règle que vous proposez. Il va de soi, même si nous ne l’écrivons pas dans la présente proposition de loi, que les dispositions institutionnelles relatives aux AAI constituent un statut général, mais que des règles particulières peuvent y déroger.
Il me semble que le schéma proposé par notre rapporteur est satisfaisant pour toutes les autorités administratives indépendantes à caractère économique, sauf une, à savoir l’Autorité des marchés financiers, l’AMF : vu l’étendue du champ de ses responsabilités et la variété des types d’entreprises à propos desquels elle peut prendre des décisions de régulation, empêcher les membres du collège de l’AMF, pendant les six années de leur mandat, de connaître une évolution de carrière ou d’acquérir de nouveaux mandats sociaux, y compris par simple restructuration de leur groupe, risquerait de limiter la composition dudit collège à des professionnels en fin de carrière ou à des retraités.
Je pense donc qu’il faut soutenir votre proposition, monsieur le rapporteur – c’est le bon équilibre ! – tout en reconnaissant la nécessité d’imaginer, pour le cas de l’Autorité des marchés financiers, une disposition dérogatoire.