M. Daniel Gremillet. Afin d’établir une réciprocité, cet amendement vise à imposer, pour toute nouvelle construction d’habitations, une distance d’éloignement des bâtiments d’élevage de cent mètres. Il importe que toute perspective d’évolution ne soit pas fermée aux exploitations agricoles parce que des habitations ou des immeubles s’édifient à moins de cent mètres de leurs bâtiments ou de leurs annexes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. La commission émet un avis favorable. À titre personnel, j’exprime même un avis très favorable ! Les exploitations agricoles doivent conserver la possibilité de se développer et de se moderniser. Gardons à l’esprit que, dans bien des communes, les exploitations agricoles se comptent aisément sur les doigts d’une seule main. Les préserver est donc une priorité !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le code rural et de la pêche maritime fixe des règles d’éloignement minimal des constructions des tiers par rapport aux bâtiments agricoles dont la taille ou l’impact justifie le maintien d’un tel éloignement, notamment des habitations.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement les élevages soumis à la législation relative aux installations classées au titre de la protection de l’environnement, les dispositions réglementaires en vigueur fixent, le plus souvent, cette distance minimale à cent mètres. Des distances plus faibles peuvent s’appliquer, mais cela conduit à des difficultés, en termes tant de nuisances subies par les tiers que de possibilités d’extension des élevages de montagne. Après l’installation des tiers, les élevages se trouvent privés de toute possibilité d’adaptation ou de diversification.
Cela étant, la modification du principe de réciprocité proposée par les auteurs de l’amendement pose problème, dans la mesure où on pourrait comprendre que la distance de minimale de cent mètres s’applique à la fois aux tiers et aux élevages. La mettre en œuvre serait source de complexité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 quinquies.
L'amendement n° 173 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Après l’article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations foncières pastorales, établissements publics créés par arrêté préfectoral pour la gestion pastorale du foncier public et privé de montagne peuvent faire l’objet d’une extension de leur périmètre après délibération favorable de leur assemblée générale, sous réserve que cette extension ne dépasse pas le quart de leur surface précédente et dès lors que tous les propriétaires concernés par l’extension aient donné leur accord écrit. »
II. – À la seconde phrase de l’article L. 135-5 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 135-6 du même code, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « troisième alinéa ».
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement tend à faciliter les possibilités d’extension volontaire pour les associations foncières pastorales, en prévoyant qu’une simple délibération du syndicat de l’AFP suffira. L’extension ne pourrait excéder 25 % de leur surface précédente, contre 7 % actuellement.
Actualisée par l’ordonnance de 2004 et le décret d’application de 2006, la loi pastorale de 1972 permet la création d’associations foncières pastorales sur les parcelles publiques et privées dans les zones naturelles et agricoles. Chaque propriétaire garde tous ses droits sur ses propriétés, en termes de cession ou de vente, mais il doit se conformer au projet de gestion pastorale.
La création d’une AFP intervient après enquête publique et par voie d’arrêté préfectoral. Elle prend la forme d’un établissement public géré par un syndicat élu par l’assemblée générale des propriétaires. Le périmètre de l’association foncière pastorale est celui qui a été soumis à l’enquête publique, et sa comptabilité répond aux règles de la comptabilité publique, qu’il s’agisse de son budget, des décisions modificatives, du compte administratif ou du compte de gestion du trésorier public.
Depuis quarante ans, plusieurs associations foncières pastorales se créent chaque année. Selon les départements, ces structures couvrent entre 20 % et 60 % des surfaces pastorales.
L’ordonnance du 1er juillet 2004 ouvre la possibilité d’étendre le périmètre de ces associations foncières pastorales, mais sous réserve de reprendre en totalité la procédure d’enquête publique au-delà de 7 % d’augmentation de surface. Le syndicat de l’AFP sollicité par des propriétaires pour élargir le périmètre est souvent dissuadé de permettre cette évolution positive par la lourdeur de la procédure.
M. Michel Bouvard. C’est vrai !
M. Loïc Hervé. En conséquence, nous proposons de rendre possible une telle extension par simple délibération de l’assemblée générale des propriétaires, sous réserve que l’extension n’excède pas 25 % de la surface précédente.
M. Michel Bouvard. Très bien ! C’est un amendement de bon sens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Le code rural et de la pêche maritime définit le statut des associations foncières pastorales, qui peuvent être des associations foncières autorisées, créées par arrêté préfectoral, ou des associations syndicales libres.
Dans le premier cas, elles ont la nature d’un établissement public et les propriétaires situés dans le périmètre retenu sont forcés d’y participer.
Le code rural et de la pêche maritime ne dit rien de l’extension du périmètre des associations foncières pastorales ou des modifications de statut. C’est l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 sur les associations syndicales de propriétaires qui en fixe le régime. Son article 37 prévoit qu’une enquête publique est réalisée dans ces situations, sauf pour les extensions modestes définies par décret et lorsque les propriétaires concernés ont donné leur accord écrit. Cette précaution paraît nécessaire pour protéger les propriétaires de l’atteinte à leurs droits que représente l’obligation de participer à une association foncière.
L’amendement tend à ce que les associations foncières puissent étendre leur périmètre jusqu’à concurrence de 25 % de la surface de départ sur simple décision de leur part, le plafond actuel de 7 % étant très peu élevé.
La commission a demandé que la rédaction de cet amendement soit modifiée afin de prévoir que chaque propriétaire concerné devra exprimer son accord exprès à l’entrée de ses terres dans le périmètre de l’AFP. Cette modification ayant été apportée, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable. Les élus des régions de montagne le savent bien, les associations foncières pastorales constituent un sujet compliqué, relevant d’équilibres subtils et mettant en jeu le droit de propriété. Nous ne devons donc le traiter qu’avec d’infinies précautions. On ne saurait modifier des règles reposant sur des équilibres fragiles sans avoir au moins procédé au préalable à une expertise sérieuse.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quinquies.
L’amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 6 du chapitre II du titre II du livre II de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complétée par un article L. 2222-24 ainsi rédigé :
« Art. L. 2222-24 – Les actes, contrats et conventions qui ont pour objet l’utilisation ou l’occupation par une station de ski des bois et des forêts de l’État ou sur lesquels l’État a des droits de propriété indivis ne peuvent prévoir le paiement d’une redevance supérieure à un pourcentage du chiffre d’affaires de cette station, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et du tourisme. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous souhaitons attirer l’attention sur les loyers parfois prohibitifs demandés par l’Office national des forêts, l’ONF, pour les stations de ski et de pleine nature situées en forêt domaniale.
On entend ici par « loyers » les redevances fixées par les actes, contrats et conventions d’occupation ou d’utilisation des bois et des forêts passés entre les collectivités territoriales et l’administration chargée des domaines, pour le compte de l’ONF.
Afin d’éviter que ces redevances ne soient fixées à un niveau prohibitif ou de manière hétérogène en fonction des circonstances locales, le présent amendement vise à encadrer par la loi leur montant, de manière qu’elles ne puissent dépasser un pourcentage du chiffre d’affaires de la station de ski, déterminé par un arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et du tourisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement en recoupe un autre, rejeté par la commission des affaires économiques, qui visait à exonérer de frais de garderie les activités d’exploitation du sol et du sous-sol menées en forêt publique soumise au régime forestier. Nous avions rejeté cet amendement, estimant qu’il pouvait constituer une menace pour l’équilibre économique de l’Office national des forêts.
Au travers de l’amendement n° 276 rectifié, est proposée une formule plus restreinte, sous la forme de l’ajout d’un article dans la partie concernant le domaine privé des personnes publiques. La redevance pour utilisation des bois et forêts par une station de ski serait plafonnée en fonction du chiffre d’affaires de la station, selon un pourcentage fixé par décret. Rappelons que, actuellement, en zone de montagne, l’ONF prélève 10 % des recettes engendrées par l’activité de ski, au titre des frais de garderie. La proposition paraissant raisonnable, l’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d’abord parce qu’il n’est pas souhaitable de toucher aux recettes de l’État… Au-delà de cette considération, un tel amendement relève du projet de loi de finances.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 276 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quinquies.
Article 16
I. – Le VI de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « au développement économique et au maintien de l’emploi dans les territoires de montagne, ainsi qu’ » ;
2° Après la première occurrence du mot : « pour », la fin de la dernière phrase est ainsi rédigée : « compenser les handicaps naturels, pour tenir compte des surcoûts inhérents à l’implantation en zone de montagne, pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral et pour préserver cette activité agricole des préjudices causés par les actes de prédation, qui doivent être régulés pour ne pas menacer l’existence de l’élevage sur ces territoires. » ;
3° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Aux fins de réaliser ce dernier objectif, les moyens de lutte contre les actes de prédation d’animaux d’élevage sont adaptés, dans le cadre d’une gestion différenciée, aux spécificités des territoires, notamment ceux de montagne. Ces moyens de lutte correspondent aussi bien aux moyens de protection des troupeaux, notamment les parcs et les chiens de protection, qu’aux tirs d’effarouchement, de défense, de défense renforcée et aux prélèvements. »
II. – (Non modifié) L’article L. 427-6 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, elles peuvent être adaptées aux spécificités des territoires de montagne, en particulier en matière de protection des prairies permanentes, dans le cadre et les limites fixés à l’échelon national. » ;
2° La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « et ouvre droit à indemnisation de l’éleveur ».
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, sur l’article.
M. Alain Duran. Sénateur de l’Ariège, je vis dans un département où la prédation, non pas des loups, mais de l’ours, cause d’importants dégâts à l’activité pastorale. Cet automne, 676 brebis sur 14 000 ne sont pas redescendues des estives.
Je tenais à prendre la parole pour exprimer mon soutien à cette rédaction de l’article 16, qui précise que les actes de prédation doivent être régulés pour ne pas menacer l’existence de l’élevage dans les territoires de montagne.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Duran. Je m’exprime ici en mon nom propre, car ma position n’est pas celle du groupe politique auquel j’appartiens.
M. Michel Bouvard. Eh bien, il a tort !
M. Alain Duran. Je sais cependant que nombre de mes collègues s’accordent avec moi pour constater que le mode actuel de prélèvement des grands prédateurs n’est plus adapté à certaines réalités. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Alain Marc. Très bien !
M. Michel Bouvard. Bravo !
M. Alain Duran. Que peuvent faire, par exemple, les éleveurs lorsque le plafond des trente-six prélèvements autorisés a été atteint en milieu d’année ? Doivent-ils attendre six mois, les bras croisés, que leur élevage soit décimé ?
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Duran. Il est indispensable que la régulation se fasse, de manière juste et proportionnée. Donnons-nous les moyens de recenser réellement les populations de prédateurs, afin que nous puissions prendre les mesures adaptées lorsqu’ils sont en situation de prolifération.
À défaut, nous prendrions le risque de décourager entièrement une profession et de mettre à mal non pas l’agriculture industrielle, mais l’agriculture de qualité. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je parle de l’agriculture paysanne, celle qui se nourrit du pastoralisme, dont il n’est plus nécessaire d’exposer les précieux apports économiques, environnementaux et culturels.
Au-delà de la disparition des animaux, il y a de la colère et, surtout, de la souffrance chez nos paysans. Je tenais à la faire entendre ce soir, au moment où nous abordons l’examen de l’article 16 ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.
M. Daniel Gremillet. Mon propos rejoindra celui de mon collègue Alain Duran.
Je regrette que l’article 40 de la Constitution ait été invoqué contre certains amendements. Nous avons débattu tout à l’heure de l’intérêt économique et de l’apport des prairies en termes de biodiversité. Or ceux-ci reposent sur la présence d’animaux. Ne pas gérer de manière globale les grands prédateurs sur l’ensemble de nos territoires et manquer de courage face à cette question expose les éleveurs, qui risquent au quotidien de voir leurs troupeaux décimés.
C’est une question de respect du travail des femmes et des hommes qui entretiennent nos territoires de montagne, ce qui permet de minimiser les risques d’incendie ou d’avalanche.
Nous devons absolument prendre cette dimension en considération au travers de ce texte. En particulier, les indemnisations doivent être à la hauteur des dégâts causés par les grands prédateurs dans les massifs.
M. le président. L’amendement n° 249, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux et M. Desessard, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
1° Supprimer les mots :
aussi bien
2° Après les mots :
les chiens de protection
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je crains que mes propos ne gâchent un peu l’ambiance… (Rires.)
Notre groupe est, lui aussi, partagé sur cette question.
M. Michel Bouvard. C’est un progrès !
M. Jean Desessard. La commission a jugé bon de définir les moyens de lutte contre les actes de prédation par le biais d’une énumération qui inclut les moyens de protection des troupeaux, ainsi que les tirs d’effarouchement, de défense, de défense renforcée et les prélèvements.
On peut tout d’abord s’interroger sur l’opportunité de viser les tirs et les prélèvements dans le texte de la loi, alors que les différents acteurs sont réunis autour d’une table pour élaborer une stratégie de lutte contre la prédation.
M. Jean-Claude Carle. Cela fait bien longtemps qu’ils le sont !
M. Jean Desessard. Cela apparaît comme un contresens : il importe d’attendre de connaître les résultats de ces négociations.
Ensuite, il s’agit ici de l’article L. 1 du code rural, c’est-à-dire des principes qui doivent guider l’action publique en la matière. Inscrire dans cet article une telle énumération revient à mettre les tirs sur le même plan que la protection, et donc à occulter le fait que celle-ci doit rester le principe, s’agissant, je le rappelle, d’espèces animales protégées.
Cette rédaction paraît ainsi encourager les tirs, alors que les méthodes de protection sont efficaces et peuvent s’insérer dans un dispositif d’ensemble, avec notamment des mécanismes lumineux ou sonores pour tenir les prédateurs à distance. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les tirs doivent rester un dernier recours, être autorisés sur dérogation, en cas d’échec ou d’insuffisance des mesures de protection et ne doivent pas devenir une modalité banale de lutte contre la prédation. C’est pourquoi ils n’ont pas vocation à figurer à l’article L. 1 du code rural.
La rédaction que nous proposons n’exclut donc pas la pratique de tirs, sur dérogation du préfet, au titre des articles L.411-1 et L.411-2 du code de l’environnement, mais c’est une solution subsidiaire et de dernier recours.
Les signataires de cet amendement comprennent naturellement les préoccupations des éleveurs confrontés au loup. Leur objectif n’est pas de bannir tout tir, mais d’empêcher une banalisation de cette pratique, en s’assurant que le recours à cette méthode reste l’exception.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’avis est défavorable. Nous avons adopté, en commission, un amendement de M. Savin et de plusieurs de ses collègues visant à préciser que la gestion différenciée en matière de lutte contre la prédation dans les zones de montagne prenait la forme de mesures pouvant reposer sur des parcs et des chiens de protection, mais aussi des dispositifs d’intervention sur les animaux comme les tirs d’effarouchement ou de défense et des prélèvements.
Cet amendement vise à supprimer la mention des tirs d’effarouchement et des prélèvements. Je n’en comprends pas la motivation. En effet, dans le droit actuel, les moyens de lutte incluent déjà de telles mesures. Il est indispensable de pouvoir graduer la réponse lorsque la situation l’exige.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Le texte a le mérite d’être arrivé à un point d’équilibre en visant la palette des actions nécessaires pour encadrer et limiter les actes de prédation. Si nous ne le maintenons pas, on ne pourra plus, dans certains endroits, pratiquer de tirs d’effarouchement en raison de l’existence de zones de silence, par exemple. On s’exposera à des recours devant les tribunaux.
Il me semble important que l’ensemble des mesures pouvant être mises en œuvre soit inscrit dans la loi. Nos collègues signataires de l’amendement comprennent peut-être les préoccupations des éleveurs ; je pense, quant à moi, que ceux-ci attendent des mesures concrètes. Le désespoir est profond dans le milieu du pastoralisme. J’ai rencontré cet été des jeunes femmes qui ont pris la suite de leurs parents éleveurs. Leur détresse était poignante. Elles s’accrochent encore à leur métier, parce qu’elles aiment leur terre, mais elles sont prêtes à renoncer devant des actes de prédation qui se multiplient, devant la lenteur et la complexité de mise en œuvre des dispositions. Nous devons envoyer aujourd’hui un signal fort !
Ce texte a le mérite d’énumérer les mesures nécessaires. Si nous ne le votions pas, nous ne serions pas à la hauteur des attentes, la déprise agricole et le départ des éleveurs des zones d’alpage s’accéléreraient. Or l’élevage est indispensable au maintien des espaces et à la lutte contre les phénomènes d’avalanche et contre l’érosion.
Cet amendement est regrettable, incompréhensible au regard de la situation sur le terrain ! Si nous étions complètement responsables, nous nous battrions pour définir des zones d’exclusion des prédateurs des secteurs de pastoralisme. Ce n’est pas possible en raison de la convention de Berne, mais c’est la seule position raisonnable si nous voulons sauver cette activité.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. J’ai interpellé à de nombreuses reprises les ministres de l’agriculture et de l’environnement sur les problèmes rencontrés par l’élevage et les dégâts qu’il subit.
Pourquoi nos collègues écologistes ne prennent-ils pas en considération les 10 000 moutons et agneaux qui meurent dans des conditions abominables, déchiquetés par des loups, et souffrent des nuits durant ?
M. Michel Bouvard. Et après, on va filmer dans les abattoirs ! C’est absurde !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Pourquoi ne pourrait-on pas tuer un loup, alors que l’on laisse 10 000 bêtes se faire tuer dans de telles conditions ? Qu’en est-il de tous ces animaux ? Vous n’en parlez jamais !
Par ailleurs, les loups s’attaquent également aux humains. Dans le Jura, on se souvient du petit Jupille, mordu par des loups et sauvé par le vaccin de Pasteur ! Avec 600 loups dans le pays, des drames surviendront un jour ou l’autre, parce que nous aurons laissé croître considérablement la population de loups ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Cet article a fait débat au sein du groupe écologiste. Il ne vous aura pas échappé que certains de ses membres, dont je suis, n’ont pas signé cet amendement.
Il me semble que la rédaction de cet article est intéressante en ce qu’elle fait référence à la gestion différenciée. Dans une première version, il n’y était question que de prédateurs.
La notion de « gestion différenciée » doit être bien comprise. Elle implique que le loup a toute sa place dans un parc national, alors que nous savons que certains d’entre eux sont devenus de grands parcs à moutons ces dernières années, du fait d’une conception très extensive de l’élevage. Un parc national sans grands prédateurs, cela fait rire la terre entière ! Les Russes vivent avec le tigre, dont la population augmente, les Tanzaniens avec le lion, et nous, nous ne serions pas capables de vivre avec le loup ou l’ours ? Nous sommes en complet décalage avec la modernité du monde.
Certaines évolutions très intéressantes se font toutefois jour. Ainsi, pour la première fois, en juillet, le comité de massif des Pyrénées n’a pas rejeté l’ours. Celui-ci a évidemment sa place dans les Pyrénées : il y va du respect de la convention sur la biodiversité qui vient d’être discutée à Cancún et des traités internationaux que nous avons signés.
Nous devons progresser vers la gestion différenciée, ce qui signifie aussi vivre avec les grands prédateurs sur un certain nombre de territoires, dans lesquels la question de l’élevage doit être posée. Sur d’autres, il faut maintenir l’élevage et savoir se défendre contre le loup.
Cet article, dans sa rédaction actuelle, me semble donc intéressant, mais j’ai encore entendu des propos caricaturaux, qui nous ramènent au XIXe siècle ! En tout état de cause, je n’ai pas signé l’amendement, au risque d’être brocardé dans d’autres enceintes.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Certains arguments avancés en défense de cet amendement m’apparaissent franchement incompréhensibles ! José Bové vit dans la circonscription du Massif central que je représente : il n’a absolument pas la même position que vous au sujet du loup !
M. Michel Bouvard. Depuis qu’il est arrivé dans le Larzac…
M. Alain Marc. Oui, il y a des loups sur le Larzac, mais aussi dans les autres territoires de l’Aveyron. Nous vivons avec le loup ; il n’est pas, pour nous, une réalité lointaine, abstraite !
Êtes-vous venus à la rencontre des éleveurs sur le terrain, pour parler ainsi des moyens de défense contre le loup ? Absolument pas ! Nous devons être pragmatiques, et cesser de multiplier les atermoiements avant d’en venir à autoriser quelques tirs d’effarouchement ! Des hommes et des femmes vivent aujourd’hui sur nos territoires dans des conditions suffisamment difficiles pour que l’on n’y ajoute pas le loup. Il y va de l’avenir du monde rural dans les zones de déprise. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)