M. Alain Joyandet. Ah bon ? Pour quelle raison ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. On ne peut pas justifier que le prix et la qualité de l’eau varient d’un village à l’autre !
M. Alain Joyandet. Et les impôts locaux ? Et les services publics ?
M. Alain Joyandet. Bien sûr que si !
Mme Éliane Assassi. Mais non !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’eau est un service de première nécessité !
J’ai coutume de dire qu’il existe plusieurs temps dans l’action publique. Au temps du débat et de la discussion succède celui de la décision. Vient ensuite l’étape de la mise en œuvre. Les sénateurs ont fait le choix d’adopter la loi NOTRe après une double lecture et la convocation d’une commission mixte paritaire.
Mme Marie-France Beaufils. Pas nous !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est regrettable de vouloir remettre en cause une disposition majeure de ce texte, particulièrement dans le calendrier proposé. Le 16 juillet 2015, en effet, le projet de loi était adopté par le Sénat…
M. Pierre-Yves Collombat. Pas par le RDSE !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Certains membres du RDSE ont voté pour !
Le projet de loi était donc adopté par le Sénat avec 259 votes pour, dont la totalité des suffrages du groupe socialiste et républicain, et seulement 49 contre. Je note également que les quatre premiers signataires de la proposition de loi avaient l’avaient tous voté. (Non ! sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Nous avons déjà eu ce débat il y a quelques semaines. À vous entendre, personne n’aurait voté cette loi ! Mais j’ai vérifié qui l’avait votée ou pas ! (MM. Jean-Jacques Filleul et Philippe Bonnecarrère applaudissent.) Contrairement à ce que vous affirmez, M. Collombat, certains membres du RDSE ont voté pour !
Je m’étonne toujours de constater, plus d’un an après mon arrivée au ministère, la volonté de nombreux parlementaires de remettre en cause les dispositions fondamentales d’une loi votée il y a seulement dix-huit mois à une très large majorité, voire, pour certains groupes, comme le groupe socialiste et républicain, à l’unanimité !
Nous savons tous que ce texte ne prospérera pas, en raison de la fin de la session parlementaire. Pourquoi avoir déposé une telle proposition de loi aussi tardivement ?
M. Jean Desessard. Voilà ! Très bonne question !
M. Jean Louis Masson. Très juste !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … ou à une volonté de se conduire de façon originale, comme votre assemblée semble parfois s’y plaire depuis quelque temps, bien que cela ne corresponde pas à sa tradition. (M. le rapporteur proteste.)
M. Jean Bizet. Le Sénat prévoit l’avenir !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le transfert aux communautés de communes des compétences « eau potable » et « assainissement » est parfaitement cohérent. Il répond à un enjeu essentiel : assurer un service public de qualité, sur le long terme, à l’ensemble de nos concitoyens, et aller vers davantage d’équité et de justice.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean Desessard et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
M. Jean Bizet. C’est bien dommage !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le président, monsieur le ministre, chers collègues, la loi NOTRe et tous les autres textes qui l’ont précédée ont pour seul objet, ne nous voilons pas la face, de faire disparaître les communes et les départements, au profit de grandes régions et de grandes intercommunalités.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, vous avez tout de même dit quelques vérités, notamment lorsque vous avez affirmé que nous n’avions été que quarante-neuf à voter contre la loi NOTRe. J’étais de ce nombre. Tout comme vous, monsieur le ministre, je trouve un peu curieux que ceux qui ont voté cette loi défendent aujourd'hui, en toute fin de session, une telle proposition de loi, tendant à revenir sur ses dispositions !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Sur un aspect de la loi NOTRe !
M. Jean Louis Masson. Nous avons débattu de la loi NOTRe durant plusieurs mois : que ceux qui ont voté en faveur de son adoption en assument la responsabilité et ne viennent pas nous dire aujourd’hui que, tout compte fait, elle n’est pas satisfaisante !
M. Bruno Sido. On a le droit de se tromper !
M. Rémy Pointereau. On a le droit de la modifier !
M. Jean Louis Masson. Cette proposition de loi n’est qu’un texte à visée purement électorale ! Il s’agit de faire croire aux maires et aux communes que le Sénat se soucie d’eux !
M. Bruno Sido. Absolument pas !
M. Jean Louis Masson. C’est quand vous avez voté la loi NOTRe qu’il fallait réfléchir à tout cela ! Cette discussion est une mascarade ! Vous avez déposé cette proposition de loi en sachant très bien qu’elle ne serait pas adoptée. (M. Bruno Sido proteste.) Il ne faut pas se moquer pas du monde ! Dans certains départements, comme le mien, vous ne serez pas déçus du résultat des élections, je vous le garantis ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités ont besoin de stabilité pour mettre en œuvre les politiques publiques dont elles ont la charge. Nous partageons ainsi la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi de ne pas les contraindre inutilement en rendant obligatoires des transferts de compétences, en l’occurrence les compétences « eau » et « assainissement ».
Cette proposition de loi est donc intéressante eu égard à la souplesse qu’elle vise à redonner aux communes dans le cadre de la construction intercommunale.
M. Daniel Laurent. Exact !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bernard Vera. Pour autant, il faut souligner son caractère d’affichage. Il est ainsi aujourd’hui de bon ton, pour le groupe Les Républicains, de se poser comme le défenseur des libertés locales.
Certes, lors de l’examen de la loi NOTRe, le Sénat a fait bloc, toutes tendances politiques confondues, pour refuser le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement ».
Pour autant, il faut tout de même rappeler que la logique de dévitalisation des communes et de leur asphyxie financière a été amorcée en 2010, lorsque l’actuel candidat à l’élection présidentielle François Fillon était Premier ministre.
En effet, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a ouvert la voie au big bang territorial que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agissait, à l’époque, de prévoir le rattachement à une intercommunalité des dernières communes isolées, la suppression des syndicats intercommunaux prétendument obsolètes et la rationalisation du périmètre des EPCI.
Pour ce faire, des pouvoirs importants étaient donnés aux préfets, au rebours de l’esprit même de la décentralisation.
Ensuite, alors que ce quinquennat devait marquer une rupture, les lois MAPTAM et NOTRe sont venues amplifier ce mouvement de dévitalisation de l’échelon communal, en vue de parvenir à l’effacement et à la disparition des communes.
Notre groupe est le seul groupe parlementaire à avoir conservé une position cohérente de défense des communes comme lieux vivants de la démocratie, en se prononçant pour des EPCI librement choisis, fondés sur des projets communs et partagés.
Ainsi, alors que, pour notre part, nous avons combattu toutes ces lois, le groupe Les Républicains a voté la loi MAPTAM, la loi NOTRe et, bien entendu, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui visaient clairement la réduction de la dépense publique et le transfert des services publics au secteur privé. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Le programme de François Fillon témoigne de cette logique libérale, puisqu’il promet une baisse de la dépense publique de l’ordre de 100 milliards d’euros, dont la moitié serait supportée par l’État et les collectivités territoriales.
M. Bruno Sido. En cinq ans !
M. Bernard Vera. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un champ d’application bien réduit. Elle ne concerne que les communautés de communes, ignorant les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles. Elle ne s’adresse ainsi qu’aux territoires ruraux, alors que la problématique est identique en milieu urbain.
Le positionnement adopté aujourd'hui par le groupe Les Républicains indique clairement que nous sommes entrés en campagne pour les élections sénatoriales. Redonner du pouvoir aux collectivités locales exige en premier lieu de leur donner les moyens d’assumer leurs compétences dans de bonnes conditions. Or la baisse généralisée des dotations a rendu la tâche particulièrement ardue pour les communes. Pour notre part, nous proposons de mettre fin à cette asphyxie financière.
Sur le fond, nous partageons la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi. La commune doit rester compétente en matière d’eau et d’assainissement, charge à elle de déléguer cette compétence si elle le souhaite, par une démarche librement consentie.
Nous voyons en outre dans la marche forcée vers des intercommunalités de taille géante, absorbant l’ensemble des compétences communales, une démarche antidémocratique et contre-productive, puisqu’elle éloigne les lieux de pouvoir de nos concitoyens. Or le contrôle de la qualité du service public de l’eau et de l’assainissement doit pouvoir être exercé par nos concitoyens, au plus proche des réalités.
Nous voyons également dans ce transfert obligatoire un manque d’efficacité évident. Il faut laisser aux communes la souplesse de pouvoir s’associer librement au niveau du bassin hydrique, sans multiplier les transferts de compétences en cascade, qui, de plus, rendent totalement illisible l’action publique.
Par ailleurs, nous craignons que ces regroupements engagent un accroissement des délégations de service public, alors même que nous observons un important mouvement en faveur d’un retour à une maîtrise publique des services de l’eau et de l’assainissement.
Les régies publiques disposent d’un incontestable savoir-faire dans la défense de l’intérêt public et pour garantir aux usagers des prix accessibles pour tous, la plupart d’entre elles appliquant une tarification graduée.
Tout bouleversement institutionnel autoritaire aiguisera les velléités du secteur privé de reprendre des marchés, avec les risques d’augmentation du prix de l’eau que cela induirait. Il ne s’agit pas d’un enjeu mineur, car le budget cumulé des syndicats de l’eau atteindrait près de 18 milliards d’euros.
Ces transferts de compétences obligatoires rebattent donc les cartes au détriment de l’intérêt public et des usagers.
Pour notre part, nous considérons qu’il convient de faire confiance aux élus locaux pour atteindre une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont la charge.
Les communes doivent conserver leur liberté d’appréciation en matière de transferts de leurs compétences et de regroupements, ceux-ci devant être fondés sur des projets partagés. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. « Nous n’avons pas été bons sur la réforme territoriale » : madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun ici se rappelle cette déclaration de Marylise Lebranchu ! (Mme Sophie Joissains applaudit.)
Monsieur le ministre, vous n’avez d’ailleurs pas voté la loi NOTRe. Le présent texte est la preuve que vous avez eu raison de ne pas le faire. Il s’ajoute à la liste des rustines – il doit bien s’agir de la septième ou de la huitième ! – que le Sénat a tenté de coller, parfois avec succès, sur cette fameuse loi NOTRe.
Cette proposition de loi devait être suivi d’une autre portant sur la territorialisation des compétences des intercommunalités, suscitée par l’émergence inattendue d’intercommunalités rurales « XXL », qui a posé des problèmes tels qu’il m’étonnerait que l’on puisse les régler par quelques ajustements, d’où peut-être le retrait de notre ordre du jour du texte en question…
Quoi qu’il en soit, le problème de fond demeure, et j’imagine mal comment le prochain gouvernement, quel qu’il soit, pourra faire semblant de ne pas le voir. Que faut-il faire de la loi NOTRe et, accessoirement, de la loi MATPAM, au regard de leurs résultats sur le terrain, et plus encore peut-être de ceux à venir ? Faut-il remettre tout à plat,…
Mme Colette Mélot. Certainement pas !
M. Pierre-Yves Collombat. … au risque d’ajouter encore à la confusion et de retarder un peu plus encore la remise en route administrative du pays, ce qui ne semble pas être la position dominante ? Faut-il, au contraire, continuer à composer, au risque de perpétuer ce tombeau bureaucratique de la démocratie locale ?
Ma conviction est que l’on ne pourra faire l’économie d’un réexamen de textes dont on n’a pas encore pu mesurer la dangerosité, parce qu’ils sont trop récents pour avoir été suffisamment mis en pratique.
Ainsi, pour moi, il est impératif d’arrêter la prolifération des métropoles et le processus de leur transformation en communes dès lors que les conseillers métropolitains seront élus directement par la population.
Il est également impératif d’arrêter la vampirisation des départements par les métropoles, ce qui pose la question du mode d’exercice des compétences départementales par ces dernières : délégation ou transfert définitif ?
Il est impératif aussi, si l’on entend redynamiser les communes rurales, les villes petites et moyennes, de redonner aux départements les moyens légaux et financiers d’assumer la « solidarité territoriale » dont ils ont déjà en principe la charge.
Quant aux intercommunalités issues de la loi NOTRe, il faudrait au minimum continuer à prévoir des assouplissements en termes de compétences obligatoirement transférées et de représentation des communes. Il faudrait aussi, pour redonner sa place à la négociation locale, améliorer l’articulation entre communautés et syndicats, ce qui suppose que l’on renonce à l’objectif d’une réduction massive a priori du nombre de ces syndicats.
Enfin, s’agissant des intercommunalités « XXL », il paraît difficile d’échapper à une remise à plat de leur mode de constitution et de leur fonctionnement. On risquerait autrement de voir émerger des formes d’organisation n’ayant plus grand-chose à voir avec la démocratie. Je pense à ce qu’il restera de celle-ci avec des conseils pléthoriques et la délégation systématique des choix réels à des cénacles choisis, quand ce n’est pas à la bureaucratie communautaire !
S’agissant du présent texte, il est bien évident que le RDSE le votera, parce qu’il correspond à sa philosophie de l’intercommunalité, qui doit être essentiellement assise sur le volontariat, parce qu’il permettra de mieux coller au terrain.
S’il existe des intercommunalités, communautés de communes et aussi communautés d’agglomération, dont la ressource en eau et son traitement dépendent obligatoirement d’actions coordonnées et de financements collectifs, il en est d’autres, probablement encore plus nombreuses depuis la mise en application de la loi NOTRe, pour lesquels ce n’est absolument pas le cas. Des solutions y ont été trouvées depuis longtemps, au niveau local – communal ou syndical –, pour un coût qui n’est pas supérieur, loin de là, à celui que l’on constate pour des structures beaucoup plus grosses et où la gestion est souvent concédée.
Pourquoi mettre à mal un mode de gestion qui donne satisfaction ? Parce que l’avenir est aux grandes organisations, nous susurrent les zélotes de la modernisation libérale… Ils se trompent : l’avenir est à la coopération volontaire, seule capable de mobiliser initiatives et volontés, et de permettre l’émergence d’un idéal civique, cet idéal civique perdu dans le sable des modernisations ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Sophie Joissains. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier François Zocchetto d’avoir été, avec Bruno Retailleau, à l’origine de ce texte. On a le sentiment que la voix des communes a été entendue.
Jusqu’à présent, les communes membres d’une communauté de communes pouvaient ou non choisir d’opérer ce transfert de compétences selon un critère totalement ignoré par les lois NOTRe et MAPTAM : le critère optionnel, le critère du choix, choix bien évidemment sous-tendu par l’intérêt général des habitants.
Sur le plan constitutionnel, ce critère trouve sa traduction, à l’article 72, alinéa 2, de notre loi fondamentale, sous le terme de principe de subsidiarité. Là encore, il a été superbement ignoré par les lois précitées.
Bon sens, pragmatisme, arguments d’essence girondine battus en brèche par l’esprit aveugle et monolithique d’une rationalisation jacobine. Il y aurait beaucoup à dire, mais je ne dispose que de trois minutes…
Dans le cas qui nous occupe, celui des communautés de communes, les compétences « eau » et « assainissement » s’exercent le plus souvent au sein de zones rurales au peuplement irrégulier, où les communes ont organisé ces services à faible coût.
L’augmentation du prix de l’eau dans les communes qui ont privatisé ces services est impressionnante. Il a parfois doublé ou triplé. Les premiers bénéficiaires de ces hausses sont souvent les prestataires.
Ces communes, souvent peuplées d’agriculteurs dont nous connaissons les graves difficultés, sont pauvres pour la plupart d’entre elles. Les obliger à opérer ce transfert de compétences serait les contraindre de manière inacceptable. Les transferts autoritaires des compétences communales prévus par les lois NOTRe et MAPTAM n’ont tenu compte ni de l’existant ni de l’opinion des maires et des élus communaux. Pourquoi détruire ce qui fonctionne pour construire de l’aléatoire ?
Les maires et les élus communaux, parfois les élus départementaux, sont pourtant les plus à même de connaître intimement et profondément les besoins et les problèmes de leur population. Quand ils s’opposent à des dispositions, comme c’est ici le cas, ils anticipent les risques à venir. Les écouter et leur laisser le choix est une nécessité de territoire.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent, disent-ils, conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale. Le citoyen doit être entendu. C’est par le maire et les élus municipaux qu’il l’est le mieux. C’est dans une politique municipale qu’il s’investit. Peu de citoyens connaissent les élus des autres institutions ou collectivités. Ne parlons pas des élus communautaires ou, pire, métropolitains.
Comme le soulignait Bruno Retailleau, la confrontation dans les politiques locales est essentielle. Selon lui, « l’élu doit être à portée d’engueulade » !
C’est pourquoi j’aurais souhaité que le champ d’application de cette proposition de loi soit plus large et touche l’ensemble des communes, qu’elles soient membres d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine, voire d’une métropole.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
Mme Sophie Joissains. Nous voyons ce qu’il se passe avec les métropoles de Paris et de Marseille : l’une est au point mort, l’autre connaît de graves difficultés budgétaires !
Pour l’heure, il s’agit d’aider des communes mises en très grande difficulté par la rigidité de la loi NOTRe. Je voterai évidemment en faveur de cette proposition de loi, tout comme la majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – M. Bernard Vera applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, quand le groupe écologiste inscrit à notre ordre du jour une proposition de loi dont l’objet est l’effectivité du droit à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, il est accusé par la droite sénatoriale de manœuvre électorale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Eu égard au procès d’intention qui nous a été fait hier, que rétorquer aujourd’hui à cette même droite sénatoriale lorsqu’elle propose un texte d’affichage sur le thème de l’eau ? Il est évident que la présente proposition de loi envoie un message clair aux élus locaux, autrement dit aux grands électeurs, à l’approche du renouvellement partiel de notre assemblée, au mois de septembre prochain…
En effet, avec cette proposition de loi, vous vous targuez, mes chers collègues, de revenir sur la réforme du bloc communal, en écartant le caractère obligatoire du transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement des communes aux communautés de communes dont elles sont membres. C’est d’autant plus étonnant que, en décembre, un orateur de la droite sénatoriale a motivé son refus de voter en faveur de notre proposition de résolution sur l’eau au nom précisément de la gestion par l’intercommunalité ! Que faut-il comprendre ?…
Vous entendez aujourd'hui remettre en cause une partie de la loi NOTRe du 7 août 2015, autrement dit vous souhaitez « détricoter » la nouvelle organisation territoriale de notre République. Cela revient à renier un an de débats parlementaires, répartis en deux lectures, à renier le compromis trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Il n’était pas évident de parvenir à un tel compromis. En ce sens, l’exemple de la compétence « eau » est particulièrement édifiant. En effet, le régime juridique est issu d’un accord entre le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Olivier Dussopt, du groupe socialiste, et le rapporteur du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, du groupe Les Républicains. Le remettre ainsi en cause n’a de sens ni du point de vue politique ni du point de vue de la légitimité du travail parlementaire.
Sur le fond, votre proposition de loi tend à écarter le caractère obligatoire, à compter du 1er janvier 2020, du transfert des compétences des communes en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes dont elles sont membres. Nous comprenons que cette modification des compétences communales interpelle les élus locaux. Toutefois, n’oublions pas qu’il faut parfois forcer le destin pour obtenir des évolutions souhaitables de notre droit positif.
En effet, rétablir la liberté, pour les communes, de transférer ou non certaines de leurs compétences ne nous paraît pas opportun. D’une part, cela induirait un manque de cohérence juridique d’un territoire à l’autre. D’autre part, le niveau de l’intercommunalité nous paraît le plus adapté pour gérer les compétences « eau » et « assainissement », et ce à plusieurs égards.
Tout d’abord, mutualiser la gestion de ces deux compétences au niveau des communautés de communes permet, par définition, de réaliser des économies d’échelle. Ces dernières sont bienvenues quand on sait les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales – il en a longuement été question hier –, du fait en particulier de la baisse constante des dotations de l’État.
Pragmatiquement, cela permet aussi une simplification dans la gestion ; pragmatisme et simplification, notions que vous avez ardemment défendues au sein de cet hémicycle pas plus tard que mardi dernier.
Dans le même ordre d’idées, il ne faut pas oublier que l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » coûte cher et peut constituer un véritable poids pour les petites communes. Ces dernières ne sont alors pas en mesure de gérer directement en régie ces services publics et sont souvent contraintes de les déléguer à des entreprises privées. Celles-ci, très souvent guidées par un objectif de rentabilité, ne sont pas les acteurs les plus à même, selon nous, d’assurer une mission d’intérêt général.
Surtout, la conséquence de la délégation de service public, pour les collectivités, est double : premièrement, le recours au privé coûte cher aux communes et aux habitants, qui voient leurs factures augmenter ; deuxièmement, on dépossède les élus locaux de leur capacité de mise en œuvre et de gestion d’un service public fondamental. Ainsi, la mutualisation à l’échelle intercommunale permettrait de pallier ces difficultés.
Enfin, retenir le niveau de l’intercommunalité est également avantageux du point de vue de l’usager. En effet, comme l’a souligné M. le ministre, le prix de l’eau varie d’une commune à une autre. La mutualisation à l’échelle intercommunale, en plus de diminuer les coûts de gestion, entraînera un rééquilibrage des tarifications, et donc des factures d’eau.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. En augmentation !
M. Jean Desessard. Pour le groupe écologiste, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes est le fruit d’un compromis politique auquel la droite sénatoriale a contribué et qui présente à terme des avantages pour les communes et leurs gestionnaires comme pour les usagers de ces services publics. C’est pourquoi nous ne soutenons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut être clair : la loi NOTRe a été adoptée par la majorité du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je l’ai moi-même votée et j’y suis très attaché.
Cette loi, bien sûr, a donné lieu à des critiques, mais elle comporte des avancées très importantes.
Vous voyant parmi nous, monsieur le ministre, je me remémore la loi relative à l’administration territoriale de la République, dite ATR, que nous avions, voilà quelque temps, défendue ensemble.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a rien à voir ; elle était bien, celle-là !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me souviens aussi, cher Pierre-Yves Collombat, que nous avions défendu, au Sénat, les communautés de communes face aux nombreuses critiques d’élus et de parlementaires nous disant que nous allions détruire les communes…
M. Pierre-Yves Collombat. On ne parle pas de la même chose ! Cette intercommunalité était volontaire !
M. Jean-Pierre Sueur. … et que le nouveau dispositif serait imposé. Or tout le monde le voit bien, ici, l’intercommunalité était et reste une nécessité, à condition qu’elle soit au service des communes et indissociable de celles-ci,…
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur. … ces communes auxquelles nous tenons, monsieur Joyandet !
Cela est clair, et je suis tout à fait en accord avec l’une des idées principales contenues dans la loi NOTRe : organiser le territoire au moyen de structures qui soient à la hauteur des enjeux.
Il est vrai que les métropoles – nous avons eu ce débat, n’y revenons pas ! – doivent donner à un certain nombre de sites urbains la capacité et la force nécessaire pour répondre aux enjeux.
Dans le monde rural et dans celui des petites et moyennes communes, nous devons aussi avoir, par exemple dans le domaine économique, des structures à la hauteur des enjeux. Parce que les agglomérations s’organisent, il faut également que le monde rural et celui des petites et moyennes communes fassent de même. Cela crée des difficultés ; j’en discutais justement aujourd’hui avec des élus de mon département venus nous rendre visite au Sénat.
Il est vrai que cela n’est pas facile. Mais nous avons eu raison, cher Jean-Michel Baylet, de défendre les communautés de communes. Je crois que nous avons raison, aussi, de défendre cette nouvelle organisation du territoire, que l’on jugera dans cinq, dix ou quinze ans, mais que l’on ne peut pas juger dès à présent.
Cela étant dit, mes chers collègues, je veux en revenir aux conditions dans lesquelles s’est déroulée la commission mixte paritaire sur la loi NOTRe, à laquelle j’ai participé aux côtés de plusieurs d’entre vous.
Il est clair qu’un compromis a été conclu, ce dont je suis très satisfait. Si celui-ci n’avait pas eu lieu, la loi NOTRe serait en effet rédigée dans la version de l’Assemblée nationale, avec les conséquences y afférentes dans tout le pays.