Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. En commission, j’avais demandé quelques rectifications rédactionnelles, lesquelles ont été faites par les auteurs de l’amendement. Dans ces conditions, je suis favorable à son adoption.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Les auteurs de cet amendement proposent de préciser le nouveau régime de rémunération annuelle maintenue qui avait été créé par la loi du 8 août 2016. L’application de cette mesure a fait l’objet de multiples interrogations des praticiens depuis lors, car elle n’était pas d’une clarté juridique absolue.
Cet amendement est bienvenu, puisqu’il permet de déterminer les contours de la garantie et les modalités selon lesquelles celle-ci est assurée. Il va bien dans le sens d’une clarification et d’une précision du droit. Le Gouvernement y est donc favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 69 rectifié sexies, présenté par MM. Mouiller, Forissier, Morisset et Mandelli, Mmes Dumas et Gruny, M. Gremillet, Mme Imbert, M. Cuypers, Mme Morhet-Richaud, M. Bonne, Mmes Deseyne, Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, M. B. Fournier, Mme Puissat, MM. Pierre, Chatillon et Lefèvre, Mmes Micouleau, Lamure, Canayer et Deromedi, MM. Savary, Rapin, Vogel, Charon, Paccaud, Carle, Bazin et Daubresse, Mme Bories, M. Buffet, Mmes Procaccia et F. Gerbaud, MM. Dufaut et Paul, Mme Bonfanti-Dossat et M. Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article L. 1244-2-2 du code du travail, avant les mots : « Tout salarié », sont insérés les mots : « Dans les branches mentionnées à l’article L. 1244-2-1, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise ».
II. – Le troisième alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13 du code du travail est ainsi rédigé :
« Lorsque le contrat est conclu sur le fondement du 3° de l’article L. 1242-2, le salarié bénéficie de la protection lorsque l’employeur envisage soit de rompre le contrat de travail avant l’échéance du terme, soit de ne pas le renouveler en non-respect d’une clause de reconduction prévue dans le contrat de travail, accord d’entreprise ou accord de branche mentionné à l’article L. 1244-2-2 du code du travail. Les délais de protection sont prolongés d’une durée égale à la période habituelle d’interruption de l’activité du salarié. »
III. – L’article L. 2421-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, avant les mots : « l’arrivée », sont insérés les mots : « Pour l’application de la protection prévue au troisième alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13, » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « un mois » sont supprimés.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Le présent amendement tend à apporter trois modifications s’agissant des contrats saisonniers.
La première modification porte sur les garanties définies à l’article L. 1244-2-2 du code du travail en matière de droit à la reconduction du contrat saisonnier d’une saison sur l’autre qui ont été introduites par l’ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017.
Alors que la loi d’habilitation à l’origine de cette ordonnance prévoyait que ses dispositions ne s’appliqueraient qu’à défaut d’accord de branche ou d’entreprise, dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, l’ordonnance a introduit des modalités de reconduction de contrat de façon non supplétive.
Il est donc proposé de revenir à l’esprit et à la lettre de la loi d’habilitation en donnant la priorité au dialogue social pour fixer de telles règles de reconduction de contrat.
La deuxième modification précise la portée de la protection des salariés saisonniers détenteurs de mandat.
Selon les dispositions actuelles du code du travail, d’une manière générale, la rupture du contrat de travail à durée déterminée, avant l’échéance du terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
En application des articles L. 2412-2 à L. 2412-13 du code précité, cette protection est ouverte aux salariés exerçant les mandats visés par l’article L. 2412-1 dudit code. Il en est de même, selon ces dispositions, à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement.
Il est proposé de préciser que le salarié saisonnier détenteur de mandat bénéficie bien de la protection dans ces deux cas également : la rupture avant le terme du CDD ; le non-respect d’une clause de reconduction prévue par contrat ou accord collectif.
La troisième modification tire les conséquences de la deuxième modification en simplifiant les délais de la procédure administrative de saisine de l’inspecteur du travail pour mettre fin au contrat à durée déterminée d’un salarié détenteur d’un mandat conférant une protection.
Sans remettre en cause le principe de la protection d’origine constitutionnelle, elle supprime un délai impossible à respecter lorsque le CDD a une durée courte, en particulier lorsqu’il s’agit de CDD saisonniers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement a été rectifié postérieurement à son examen par la commission.
La première partie, nouvelle, prévoit que les règles actuelles relatives au droit à la reconduction des contrats saisonniers s’appliquent à titre supplétif, à défaut d’accord de branche ou d’entreprise, afin de donner la priorité au dialogue social.
La deuxième partie, nouvelle également, est une mesure de simplification et de bon sens. Aujourd’hui, quand un salarié protégé voit son CDD arrivé à son terme, l’employeur doit saisir l’inspection du travail pour vérifier que la fin du contrat n’est pas entachée de discrimination liée au mandat exercé. Cette règle est trop contraignante, car elle s’applique à toutes les fins naturelles de contrat. Le présent amendement vise donc à limiter le contrôle de l’inspection du travail aux salariés protégés dont le CDD a été rompu avant son terme initial et qui n’a pas été reconduit, en dépit d’une stipulation contractuelle ou conventionnelle.
La dernière partie reprend les dispositions qui étaient présentes dans l’amendement initial qu’a présenté M. Mouiller, et sur lesquelles la commission avait donné un avis favorable. Je rappelle qu’elles visent seulement à supprimer le délai d’un mois pour envoyer à l’inspection la demande d’autorisation de mettre un terme au CDD d’un salarié protégé lorsque le contrat arrive à son terme.
Des mesures de coordination juridique ont été ajoutées pour tenir compte des modifications apportées dans le deuxième volet de cet amendement. Donc, à titre personnel, et pas au nom de la commission – elle n’a pas examiné cet amendement, tel que modifié – je donne un avis favorable à l’adoption de cet amendement, sous réserve d’une toute petite modification rédactionnelle : au cinquième alinéa, première phrase, avant la première occurrence du mot « accord », il faudrait insérer les mots « ou par ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement est intéressant, parce qu’il permet de clarifier la portée opérationnelle de ces dispositions, qui posaient parfois problème, tout en faisant en sorte que la protection constitutionnelle des salariés détenteurs de mandat soit pleinement garantie. Le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
M. Philippe Mouiller. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 69 rectifié septies, présenté par MM. Mouiller, Forissier, Morisset et Mandelli, Mmes Dumas et Gruny, M. Gremillet, Mme Imbert, M. Cuypers, Mme Morhet-Richaud, M. Bonne, Mmes Deseyne, Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, M. B. Fournier, Mme Puissat, MM. Pierre, Chatillon et Lefèvre, Mmes Micouleau, Lamure, Canayer et Deromedi, MM. Savary, Rapin, Vogel, Charon, Paccaud, Carle, Bazin et Daubresse, Mme Bories, M. Buffet, Mmes Procaccia et F. Gerbaud, MM. Dufaut et Paul, Mme Bonfanti-Dossat et M. Le Gleut, et ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article L. 1244-2-2 du code du travail, avant les mots : « Tout salarié », sont insérés les mots : « Dans les branches mentionnées à l’article L. 1244-2-1, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise ».
II. – Le troisième alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13 du code du travail est ainsi rédigé :
« Lorsque le contrat est conclu sur le fondement du 3° de l’article L. 1242-2, le salarié bénéficie de la protection lorsque l’employeur envisage soit de rompre le contrat de travail avant l’échéance du terme, soit de ne pas le renouveler en non-respect d’une clause de reconduction prévue dans le contrat de travail, ou par accord d’entreprise ou accord de branche mentionné à l’article L. 1244-2-2 du code du travail. Les délais de protection sont prolongés d’une durée égale à la période habituelle d’interruption de l’activité du salarié. »
III. – L’article L. 2421-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, avant les mots : « l’arrivée », sont insérés les mots : « Pour l’application de la protection prévue au troisième alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13, » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « un mois » sont supprimés.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 195, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Le chapitre II du titre II du livre II est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Mobilité internationale et européenne des apprentis
« Art. L. 6222-42. – Le contrat d’apprentissage peut être exécuté en partie à l’étranger pour une durée déterminée et limitée à un an.
« Pendant la période de mobilité dans l’Union européenne, l’entreprise ou le centre de formation d’accueil est seul responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d’accueil, notamment ce qui a trait :
« 1° À la santé et à la sécurité au travail ;
« 2° À la rémunération ;
« 3° À la durée du travail ;
« 4° Au repos hebdomadaire et aux jours fériés.
« Pendant la période de mobilité dans l’Union européenne, l’apprenti relève de la sécurité sociale de l’État d’accueil, sauf lorsqu’il ne bénéficie pas du statut de salarié ou assimilé dans cet État. Dans ce cas, sa couverture sociale est régie par le code de la sécurité sociale pour ce qui concerne les risques maladie, vieillesse, accident du travail et maladie professionnelle et invalidité.
« Par dérogation à l’article L. 6221-1 et au second alinéa de l’article L. 6222-4, une convention peut être conclue entre l’apprenti, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger pour la mise en œuvre de cette mobilité dans l’Union européenne.
« Un arrêté du ministre chargé du travail détermine le modèle de cette convention.
« Art. L. 6222-43. – Les apprentis originaires de l’Union européenne effectuant une période de mobilité en France bénéficient des dispositions du présent livre. En raison du caractère temporaire de cette mobilité, les dispositions suivantes ne leur sont pas applicables :
« 1° L’article L. 6211-1, relatif à la finalité du contrat d’apprentissage ;
« 2° L’article L. 6222-7-1, relatif à la durée du contrat d’apprentissage ;
« 3° Le deuxième alinéa de l’article L. 6222-12, relatif aux conditions d’intégration d’une formation en apprentissage ;
« 4° L’article L. 6233-8, relatif à la durée de la formation en apprentissage. » ;
2° La section 7 du chapitre II du titre II du livre II, dans sa rédaction résultant du 1°, comprend l’article L. 6211-5 qui devient l’article L. 6222-44 ;
3° L’article L. 6231-1 est ainsi modifié :
a) Au 1° , après les mots : « contrat d’apprentissage », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France » ;
b) Au 8° , après les mots : « Union européenne », sont insérés les mots : « , du personnel dédié » ;
4° Au 4° de l’article L. 6332-16-1, après les mots : « tout ou partie », sont insérés les mots : « de la perte de ressources, ainsi que des coûts de toute nature, y compris ceux correspondant aux cotisations sociales, et le cas échéant » et la référence : « L. 6211-5 » est remplacée par la référence : « L. 6222-42 ».
II. – À l’article L. 337-4 du code de l’éducation, la référence : « L. 6211-5 » est remplacée par la référence : « L. 6222-44 ».
III. – Au troisième alinéa de l’article L. 811-2 et au quatrième alinéa de l’article L. 813-2 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 6211-5 » est remplacée par la référence : « L. 6222-44 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à favoriser la mobilité internationale et européenne des apprentis en s’inspirant des recommandations formulées par Jean Arthuis dans le rapport sur le développement d’Erasmus Pro, qu’il a remis à Mme la ministre du travail le 19 janvier dernier.
Durant ses travaux, Jean Arthuis a identifié de nombreux freins juridiques à la mobilité des apprentis hors du territoire national et à l’accueil d’apprentis étrangers en France, du point de vue tant des obligations pesant sur les entreprises que des contraintes pédagogiques trop strictes empêchant la réalisation de ces échanges.
En conséquence, il est proposé de définir un cadre incitant toutes les parties – apprentis, entreprises, centres de formation – à profiter des opportunités offertes au niveau européen par le programme Erasmus Pro.
Dans la limite d’une durée d’un an, un contrat d’apprentissage pourra ainsi être exécuté à l’étranger. L’apprenti sera alors placé sous la responsabilité de son employeur ou du centre de formation dans le pays d’accueil et soumis au droit qui y est applicable en matière de rémunération, de durée du travail, de santé et de sécurité au travail, et de repos hebdomadaire. Les modalités de réalisation de cette mobilité seront formalisées dans une convention conclue entre l’apprenti, ses employeurs en France et à l’étranger, et son centre de formation.
L’accueil d’apprentis étrangers en France sera facilité, puisque les dispositions du code du travail relatives à l’apprentissage leur seront applicables, à l’exception de plusieurs obligations qui font aujourd’hui obstacle à leur venue en France, comme celles qui fixent à douze mois la durée minimale d’un contrat d’apprentissage ou à 400 heures par an la durée minimale de la formation et les règles encadrant les dates d’entrée en apprentissage.
Il est également proposé d’élargir les possibilités de financement de la mobilité internationale des apprentis en permettant aux OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, de prendre en charge tout ou partie de ses coûts, notamment de vie sur place, ainsi que les cotisations sociales.
Enfin, cet amendement prévoit explicitement que les centres de formation d’apprentis, les CFA, peuvent accueillir des apprentis étrangers et qu’ils doivent encourager davantage la mobilité internationale de leurs apprentis, notamment en désignant des référents dédiés à cette mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis du Gouvernement est favorable, et je veux prendre quelques minutes pour en expliquer les raisons à la Haute Assemblée.
J’avais demandé à Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen et défenseur d’Erasmus Pro depuis longtemps, de me faire des propositions sur ce dispositif qui s’adresse aux apprentis. Pourquoi ?
Depuis la création d’Erasmus, dont tout le monde s’accorde à dire que c’est un immense succès, tant pour le sentiment d’appartenance à la citoyenneté européenne que pour le développement de nos jeunes, plus de 600 000 étudiants français en ont bénéficié, contre seulement 25 000 apprentis qui ont utilisé le dispositif Erasmus Pro. Chaque année, le flux est de 6 800 apprentis par an, quand plusieurs dizaines de milliers d’étudiants partent étudier à l’étranger.
Aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, il me semble que tous les jeunes aspirent à avoir une expérience européenne, à l’international.
L’apprentissage est souvent une voie de réussite, d’excellence, mais il permet aussi d’emprunter l’ascenseur social.
Je juge très important que les apprentis, eux aussi, puissent être exposés à une autre culture, à une autre manière de vivre et de travailler. J’ai rencontré beaucoup de ceux qui sont allés ainsi à l’étranger : l’expérience prouve qu’ils en ressortent grandis, structurés, pleins d’optimisme, d’enthousiasme et de confiance en eux. Ils ont vu autre chose et ont développé des compétences linguistiques. Les pionniers de ce programme, tels que les maisons familiales rurales ou les Compagnons du devoir, attestent de réussites assez éclatantes de jeunes qui, tout d’un coup, prennent une nouvelle confiance en eux.
Il se pose une question d’équité : pourquoi les apprentis ne pourraient-ils pas aller à l’étranger, alors que les étudiants le peuvent ? Notre initiative s’inscrit aussi, plus largement, dans une démarche de valorisation de l’apprentissage sur laquelle nous reviendrons ensemble.
Le rapport de Jean Arthuis a montré qu’il existe de nombreux freins de tous ordres, dans la reconnaissance des diplômes ou encore dans les tutorats croisés : je ne vous en fais pas la liste complète, car nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle.
En revanche, l’un de ces freins relevait du code du travail et de la sécurisation des parcours. Dès lors, même si le rapport n’a été publié que le 19 janvier dernier, j’ai estimé qu’il serait bon de régler le problème tout de suite. Aujourd’hui, si l’employeur d’un jeune en contrat d’apprentissage l’envoie à l’étranger, l’apprenti reste entièrement lié par ce contrat et demeure sous la responsabilité de l’employeur français, et vice-versa pour les jeunes qui viennent en France. C’est pourquoi les apprentis qui participent au programme Erasmus Pro non seulement ne sont pas nombreux, mais partent pour deux ou trois semaines seulement, comme en voyage d’études. Nous souhaitons plutôt qu’ils puissent aller passer un semestre dans un autre pays européen, comme les étudiants, et que nous puissions accueillir des apprentis étrangers dans les mêmes conditions.
Pour ce faire, il faut non pas suspendre complètement le contrat d’apprentissage pendant le séjour à l’étranger, mais en mettre en veille certains aspects. Ainsi, les accidents du travail doivent être pris en charge dans le pays d’accueil par l’entreprise d’accueil, dont ce sera la responsabilité, évidemment de manière contrôlée.
La rémunération doit, elle aussi, être prise en charge dans le pays d’accueil. Deux cas de figure existent. Dans certains pays, comme l’Allemagne ou la France, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail ; dans ce cas, le jeune devient pour ainsi dire apprenti dans l’autre pays pendant quelques mois, et y perçoit donc une rémunération. En revanche, dans d’autres pays, il s’agit d’un statut de stagiaire qui est plus ou moins rémunéré, voire pas du tout. Pour ces pays, nous avons prévu que, à travers un mécanisme de financement, le CFA puisse se substituer à l’entreprise d’accueil et verser sa rémunération au stagiaire.
Cette suspension de certains aspects du contrat permettra par ailleurs de résoudre des problèmes de sécurité sociale. De fait, elle lèvera un frein très important à ces échanges.
Aujourd’hui, de nombreux jeunes veulent partir dans ce cadre. La Commission européenne vient d’accepter d’augmenter le budget du programme Erasmus Pro. Il faut saisir cette opportunité pour accueillir plus de jeunes étrangers et pour qu’un plus grand nombre de nos jeunes apprentis puissent partir en apprentissage à l’étranger.
J’ai beaucoup d’enthousiasme sur ce sujet parce que je pense que nous envoyons ainsi un signal. D’ailleurs, au vu de l’écho qu’a eu le rapport de Jean Arthuis, nos jeunes ont sur ce point une forte aspiration. C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement pour nos jeunes apprentis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je tiens à remercier M. le président de la commission des affaires sociales de son amendement, qui est excellent : il n’y a là aucune flagornerie, je pense simplement que nous pouvons, en l’adoptant, lever des freins qui s’avéraient ingérables et permettre ainsi à des apprentis de faire des expériences à l’étranger.
Les employeurs d’apprentis sont souvent des artisans ou des PME qui ne peuvent pas se permettre de continuer à assurer la rémunération d’un apprenti qui part pour une longue période à l’étranger. La question de la responsabilité se posait elle aussi. Je suis donc vraiment très heureuse de cet amendement : c’est un très grand pas.
Madame la ministre, je suis aussi très heureuse – vous l’avez deviné – de votre enthousiasme pour l’apprentissage. Toutefois, permettez-moi une petite digression. Vous travaillez aujourd’hui, d’une manière extrêmement positive et convaincue, pour développer l’apprentissage. C’est une filière de réussite et de succès envers laquelle les familles comme les apprentis eux-mêmes doivent pouvoir retrouver de la fierté. En revanche, je crains que votre frilosité à l’égard de la capacité des régions à assumer l’apprentissage et à permettre des mutualisations entre des branches qui ont des moyens très différents ne soit un vrai risque pour l’apprentissage et pour la réussite du dispositif de ce très bel amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je veux saluer le travail important qui a été réalisé par Jean Arthuis sur ce sujet ; il est important parce que nous avons besoin de réhabiliter l’apprentissage, qui est trop souvent décrié dans notre pays. On sait bien, pourtant, que cette forme d’insertion professionnelle est particulièrement performante et permet aux jeunes, en tout cas, d’acquérir dans les meilleures conditions les compétences qui sont nécessaires aux entreprises.
Quelques minutes avant que nous reprenions la séance, je rencontrais le président et le directeur de l’Institut nautique de Bretagne, qui me rappelaient combien il était important que les jeunes qui effectuent une formation en alternance et, notamment, ceux qui ont un contrat d’apprentissage puissent suivre un cursus à l’étranger. En effet, les débouchés professionnels à l’étranger sont particulièrement importants dans les métiers du nautisme.
À l’évidence, les dispositions qui ont été présentées par le président Milon peuvent faire en sorte que l’apprentissage soit mieux valorisé et, surtout, permettront à nos jeunes qui suivent ces formations d’acquérir les compétences dont les entreprises ont besoin. Cela contribuera aussi, certainement, à permettre à la France de reconquérir des parts de marché à l’exportation. C’est en effet cela aussi qui est sous-tendu à travers les objectifs de formation de nos jeunes : en acquérant des compétences en langues étrangères, ils participent au développement économique de la France. Je soutiens donc complètement cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je salue le mérite des membres de la commission des affaires sociales qui se sont investis sur ce texte important et, en particulier, sur cet amendement de qualité. Il s’agit de faire évoluer le code du travail, dont on sait combien il est compliqué.
On parle beaucoup de l’apprentissage. Il est vrai que, dans chacun de nos départements, les formateurs font de leur mieux, ainsi que les chambres consulaires, telles les chambres de métiers. Tout le monde essaie de trouver et de former des jeunes, ce qui entretient un lien fort avec l’éducation nationale.
Comme l’a montré le travail réalisé par Jean Arthuis, la mobilité des apprentis à l’échelle de l’Union européenne est particulièrement importante. C’est pourquoi nous devons essayer d’assouplir les règles et d’ouvrir ainsi la formation sur l’extérieur, afin de pouvoir, à la fois, accueillir des apprentis de l’étranger et envoyer de jeunes Français dans d’autres pays pour qu’ils y vivent d’autres expériences.
C’est aussi important, naturellement, pour les métiers de demain, parce qu’il existe un savoir-faire dans nos entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, et dans les CFA. C’est selon moi indispensable pour faire évoluer la formation professionnelle.
Beaucoup de jeunes courageux veulent s’inscrire dans cette démarche d’apprentissage. Vous avez cité, madame la ministre, les Compagnons du devoir. De fait, l’apprentissage comprend des métiers manuels, dans l’artisanat, mais est aussi ouvert au monde industriel et à l’agriculture.
Pour toutes ces raisons, je soutiens cet amendement.