compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Guy-Dominique Kennel,
M. Victorin Lurel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 15 février 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
M. Philippe Dallier. Très bien !
3
Accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (projet n° 152, texte de la commission n° 288, rapport n° 287).
Mes chers collègues, à l’approche du rendez-vous référendaire, nous avons, vis-à-vis de nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, mais aussi par respect pour ceux qui, dans leur diversité, ont scellé avec courage et lucidité les accords de Matignon-Oudinot, puis négocié et signé l’accord de Nouméa, l’ardente obligation de tout mettre en œuvre pour que le résultat de cette consultation, terme du processus institutionnel qu’ils ont engagé, soit incontestable.
Nous avons en effet vis-à-vis de cette génération d’hommes et de femmes – j’ai en particulier le souvenir d’un homme dans cet hémicycle –, qui, au-delà des blessures de l’Histoire, ont permis à la Nouvelle-Calédonie d’accomplir, dans le respect de leur diversité et des valeurs de la République, et dans le dialogue, un immense chemin vers un destin commun. Nous avons donc le devoir de garantir la légitimité du scrutin.
L’unanimité rencontrée dans cet hémicycle lors de l’examen des articles montre, et je ne puis que m’en réjouir, la volonté de la Haute Assemblée de garantir cette légitimité, qui est la marque des principes que nous défendons ensemble et de l’attachement particulier du Sénat au devenir de la Nouvelle-Calédonie.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis fait l’unanimité en Nouvelle-Calédonie. On ne peut donc manifestement pas s’y opposer ; il n’est pas logique d’être contre…
Cependant, je voudrais tout de même formuler un certain nombre de réserves, en particulier s’agissant du corps électoral. Dans l’histoire de France, un Français a toujours pu voter partout où il était. Il se trouve que l’un des grands principes de la démocratie, c’est : « Un homme, une voix. » C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu la Cour européenne des droits de l’homme. Or on fait exactement le contraire !
Actuellement, des Français nés en France et habitant depuis plusieurs années en Nouvelle-Calédonie sont privés du droit de vote. Cela me paraît inacceptable ! Quand on est français, on doit pouvoir participer, quelles que soient les circonstances, aux scrutins qui sont organisés sur le territoire français.
Imaginez que, demain, on décide d’exclure du droit de vote, lors d’un référendum organisé en France, des personnes nées à l’étranger, dans tel ou tel pays voisin ou situé de l’autre côté de la Méditerranée. Que n’entendrait-on pas dans la Haute Assemblée ou à l’Assemblée nationale ! Tous les bien-pensants s’insurgeraient en disant que c’est une honte de créer une ségrégation et de ne pas respecter le principe de nationalité. Et là, tout le monde trouve normal de continuer à créer des différences…
Je ne voterai pas contre ce texte, mais je crois qu’il y a là un véritable problème.
Le plus regrettable dans l’histoire, c’est que l’on ne dit jamais qu’il s’agit d’une exception et que l’on ne le refera pas. Certes, on nous dit qu’il ne faut pas s’en faire. Mais si tout était clair, s’il n’y avait aucun problème, on le dirait ! Tout le monde a des arrière-pensées ; tout le monde reporte le problème.
Je ne voudrais pas que la Nouvelle-Calédonie devienne une sorte de zone de non-droit dans laquelle les principes réclamés à cor et à cri par tous les chantres de la démocratie seraient complètement bafoués… avec la bénédiction de ces derniers !
À ce moment-là, pourquoi n’accepterait-on pas la revendication de certains Corses d’exclure du droit de vote les Français nés en France sur le continent ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Vous le savez très bien : en Corse, il y a des gens qui voudraient que les Français nés sur le continent ne puissent pas voter !
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean Louis Masson. Ça, c’est inadmissible. C’est la raison pour laquelle, pour ma part, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, prévue par l’accord de Nouméa de 1998, la mise en œuvre de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie nécessite de transcrire dans la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie le résultat de l’accord politique obtenu au sein du comité des signataires de l’accord de Nouméa, tenu le 2 novembre 2017.
Le dépôt tardif du texte sur le bureau du Sénat a introduit une importante contrainte temporelle, avec laquelle nous devons composer compte tenu du nombre important de mesures réglementaires à publier et des délais de recours à respecter avant l’expiration du délai prévu par l’accord, au mois de novembre 2018. Dans son avis du 30 novembre 2017, le Conseil d’État n’a pas manqué de souligner un calendrier particulièrement serré.
Depuis 1998, les tensions se cristallisent essentiellement autour de la composition de la liste électorale spéciale rassemblant les électeurs habilités à prendre part à la consultation sur la pleine souveraineté, ses partisans dénonçant l’exclusion de près de 23 000 Kanaks sur 90 000 en âge de voter, soit une part non négligeable du corps électoral total, qui est de 160 000 personnes.
C’est pourquoi nos collègues Gérard Poadja et Pierre Frogier, ainsi que les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, plaident auprès des partenaires politiques locaux et de l’État la nécessité de procéder à l’inscription d’office de ces quelque 11 000 natifs du pays sur les listes électorales.
La conciliation entre une telle préoccupation et la nécessité de permettre aux nouveaux résidents français de prendre part à la vie démocratique explique la coexistence de trois listes électorales distinctes en Nouvelle-Calédonie.
Conformément à la volonté exprimée lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, le projet de loi organique soumis à notre examen comprend diverses mesures pour garantir la légitimité du scrutin et favoriser la plus large participation des « populations intéressées » à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, assurant ainsi la sincérité de la consultation à venir.
Le projet de loi organique traduit fidèlement la volonté commune des signataires de l’accord de Nouméa, des représentants des institutions calédoniennes et des formations politiques locales. La commission des lois a approuvé ce texte, moyennant quelques améliorations, auxquelles le groupe du RDSE a souscrit en commission.
Lors de l’examen du texte la semaine dernière, j’ai défendu deux amendements émanant du président du groupe du RDSE, Jean-Claude Requier.
Le premier visait l’information des électeurs que nous considérions comme nécessaire sur les modalités d’exercice du droit d’option, afin de garantir la sincérité du scrutin.
Le second avait pour objet les meilleures conditions d’information des électeurs concernant les modalités d’exercice du droit de vote par procuration. Sur ce point, dans son avis du 23 novembre 2017, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis le souhait de voir précisé le vote par procuration. Je rappellerai que l’avis du Conseil d’État souligne une fois encore les lacunes de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement s’agissant des mesures relatives au régime des procurations.
L’objectif de notre groupe était d’attirer l’attention de tous les acteurs sur la question des procurations. Mme la ministre de l’outre-mer, que je tiens à remercier, nous a apporté les éléments nécessaires pour nous rassurer sur les modalités pratiques d’information. C’est donc en toute logique que nous avons décidé de retirer ces deux amendements.
Sur le plan strictement législatif, le projet de loi organique entre dans le cadre en vigueur. Pourtant, notre groupe attire l’attention du Gouvernement sur l’organisation même de la consultation.
Le président de la commission des lois, dont j’ai salué l’engagement dans ce dossier, s’est rendu personnellement en Nouvelle-Calédonie au début du mois de janvier, pour s’assurer que le dispositif prévu correspondait bien à la volonté de toutes les forces en présence. Il a souligné en commission des lois, le 7 février dernier, que cette consultation comportait des risques pour la concorde civile en Nouvelle-Calédonie.
Notre collègue Gérard Poadja indiquait également qu’une consultation mal préparée pourrait provoquer des tensions ethniques et politiques. Ainsi, en contribuant à rendre le résultat incontestable, les dispositions de ce projet de loi organique sont de nature à favoriser une consultation référendaire apaisée.
Toutefois, j’aimerais y ajouter une autre préconisation, qui concerne le texte même de la question posée.
Notre groupe insiste sur l’impérieuse nécessité que la question posée pour la Nouvelle-Calédonie soit claire et sans ambiguïté. Les seules réponses possibles doivent être le « oui » ou le « non ».
La formulation de la question ne doit pas être l’occasion d’ouvrir un autre débat. Sinon, les efforts déployés pour rendre incontestable cette consultation voleraient en éclat, et nous risquerions d’ouvrir une crise politique majeure, que ce territoire n’a pas le luxe de s’offrir aujourd’hui. Madame la ministre, j’ai noté la semaine dernière votre détermination à faire en sorte que cette question posée soit d’une « indispensable clarté », pour reprendre vos propos. Le groupe du RDSE salue cette prise de position du Gouvernement.
Toutefois, ne nous y trompons pas : cette consultation ne réglera pas le sujet institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ne se résume pas à savoir si le territoire doit ou non devenir un État souverain. La réalité est beaucoup plus complexe.
Au-delà de l’aspect strictement législatif et institutionnel, j’aimerais insister sur le fait que tout doit être fait pour que cette consultation ne crée pas une fracture au sein de la population.
En réalité, ce qui se joue depuis quelques décennies en Nouvelle-Calédonie, c’est un « mieux vivre ensemble », que j’associe au troisième pilier de notre devise républicaine : la fraternité.
Dans un contexte que nos collègues calédoniens ont très bien décrit, cette consultation risque de créer une nouvelle fracture entre des populations qui cherchent une nouvelle voie pour mieux vivre ensemble.
Au-delà de la loi, se joue là le destin de populations qui souhaitent avant tout trouver un juste équilibre dans le respect de leurs réalités respectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution. Je crois que, sur ce sujet, il appartient aux Calédoniens eux-mêmes de construire cette troisième voie du « mieux vivre ensemble ». Celle-ci ne passe pas seulement par la loi.
Mes chers collègues, vous aurez remarqué que nous avons parlé de « population calédonienne », et non de « peuple calédonien ». Cette dernière notion renvoie du point de vue constitutionnel à une souveraineté qui n’existe pas encore à cette heure. C’est ce que le rapporteur Philippe Bas a précisé à la fin de nos échanges la semaine dernière en se plaçant sur plan strictement juridique.
Il n’y a donc aujourd’hui ni souveraineté actée ni, par conséquent, peuple calédonien. Nous ne saurions qu’inviter les responsables politiques à ne pas entretenir de doute sur ce sujet en employant parfois des termes juridiques inappropriés.
L’allocution de Gérard Poadja la semaine dernière m’a beaucoup touché. Notre collègue disait être kanak, calédonien et français. Faisons simplement en sorte que cette triple appartenance puisse vivre en sérénité dans la République.
Le groupe du RDSE votera le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer nos deux collègues sénateurs de Nouvelle-Calédonie, et tout particulièrement Pierre Frogier, qui s’est exprimé pour notre groupe la semaine dernière. Pierre Frogier était signataire non seulement des accords de Matignon, mais aussi de l’accord de Nouméa.
Avec Pierre Frogier, nous ne venons pas du même point du globe ; lui est tout autant un homme du Pacifique que je suis un homme de l’Atlantique. Mais, ensemble, nous partageons les mêmes convictions, le même patriotisme et le même point de vue. Sur un sujet aussi déterminant que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi de la France, tout est affaire de point de vue ; et d’abord, cher Philippe Bas, de point de vue législatif.
Oui, résolument, nous allons voter ce texte, bien préparé par son rapporteur, qui s’est déplacé en Nouvelle-Calédonie. Nous le voterons parce qu’il est la traduction législative et juridique d’un compromis politique sur le corps électoral. Il donnera une force incontestable au résultat référendaire dans quelques mois.
Toutefois, mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous contenter de ce point de vue juridique, législatif. Il faut absolument que nous relevions l’horizon, que nous passions du point de vue juridique à un point de vue politique.
En effet, dans cette affaire si déterminante, la question n’est pas seulement celle de la légitimité d’une consultation référendaire. C’est celle, finalement beaucoup plus importante, d’un accord fondamental ; c’est celle du devenir de la Nouvelle-Calédonie et de la France ; c’est celle d’une association tellement importante pour ce territoire et pour notre pays ! Il s’agit évidemment d’un destin commun entre la Nouvelle-Calédonie et la France.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. À cet égard, madame la ministre, je suis frappé, et même parfois désolé par ce que je constate. Nous connaissons les points de vue de tous les acteurs : adversaires comme partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Mais, comme le soulignait Pierre Frogier mardi dernier, le seul dont on ne connaît pas le point de vue, le seul qui refuse obstinément de s’engager, c’est l’État ; c’est le Gouvernement ! Vous avez déclaré voilà quelques jours que l’État devait être un partenaire et un acteur de la discussion. Très bien !
Néanmoins, sur ce sujet fondamental, je pense que l’État doit être beaucoup plus. Certes, il doit être le garant neutre du dialogue, mais il doit aussi défendre ce qu’il incarne. Or qu’est-ce que l’État incarne ? Une unité, une souveraineté, une solidarité entre la France de métropole et la France de l’outre-mer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, on peut parfaitement respecter la neutralité d’un point de vue technique, électoral, tout en exprimant du fond du cœur politiquement l’attachement que nous avons, que vous devez avoir pour la Nouvelle-Calédonie ! Sinon, vous allez prendre trois risques.
Le premier risque, c’est celui de l’imprévoyance. En effet, cette consultation référendaire est un point d’étape dans ce dialogue construit avec difficulté, parfois dans la tension. Ce n’est certainement pas un point d’arrivée. Après le référendum, les problèmes subsisteront ; ils seront peut-être même accentués par une campagne qui risque d’exacerber les antagonismes.
Votre rôle, le rôle de l’État, est de préparer dès à présent le jour d’après, qui sera vraisemblablement celui de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Le deuxième risque – l’orateur précédent y a fait allusion – est celui de l’ambiguïté. Je parle d’une ambiguïté terrible, pas seulement constitutionnelle, mais républicaine, née des propos du Premier ministre sur le sol calédonien !
Quand le Premier ministre dit qu’il y a un « peuple calédonien » amené à s’exprimer « souverainement », cela signifie qu’il existerait un peuple calédonien distinct du peuple français ! Mais au nom de quoi ? Au nom de quelle réalité ? Parce que la Nouvelle-Calédonie se trouve aux antipodes ? Parce qu’une partie de la population a la peau sans doute un peu plus foncée que la nôtre en métropole ? Non, bien sûr ! C’est ignorer ce qu’est la France. La France, c’est cet effort multiséculaire pour conjuguer ce qu’il y a de particulier dans chaque homme et ce qu’il y a de plus universel dans tous les hommes !
Ne tombez pas dans le piège qu’un autre sénateur, Dick Ukeiwé, avait dénoncé à cette tribune, le 24 janvier 1985 : celui de l’ambiguïté. D’ailleurs, pour lever toute ambiguïté, il faudra formuler la bonne question, celle qui n’appellera aucun risque sur l’interprétation du résultat de la consultation référendaire.
Le troisième risque est celui de la distanciation. N’ajoutons pas à la distance géographique avec la Nouvelle-Calédonie une autre distance, plus grave celle-ci : une distance civique.
Au fond, votre attitude de neutralité, d’extériorité, fait courir un risque. Elle interroge. La République est-elle une république extérieure, distante par rapport à la Nouvelle-Calédonie ? Ou peut-elle encore assumer les mots du général de Gaulle, pour qui les Calédoniens sont « un morceau de la France », sont la France australe et ont un rôle français à jouer dans cette partie du monde ?
Madame la ministre, aujourd’hui, ce que votre gouvernement a tant de mal à dire, nous le disons ; je le dis ici, au nom de mon groupe : nous voulons – oui, nous voulons ! – une Nouvelle-Calédonie forte et fière ! Forte de ses atouts, qu’il faudra développer. Fière aussi de ses visages, de tous ses héritages, qu’il faudra continuer à exprimer.
Nous la voulons bien sûr à nos côtés ! En effet, nous ne croyons pas dans la France en Nouvelle-Calédonie ni dans la Nouvelle-Calédonie dans la France ; nous voulons et nous croyons dans une nouvelle Calédonie française !
Nous y croyons au nom du principe non pas d’uniformité, mais de diversité. Nous croyons à cette « composition française » dont Mona Ozouf parlait un jour,…
M. Ronan Dantec. À propos des Bretons ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. … celle qui fait que la République peut intégrer dans son destin toutes les petites patries charnelles pour composer la grande patrie française ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons tout à l’heure voter sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.
Tout a déjà été dit mardi dernier sur ce texte décisif pour la Nouvelle-Calédonie. J’aimerais revenir sur les inquiétudes exprimées par certains d’entre nous, sur toutes les travées, concernant l’organisation du référendum ; elles ont consisté à dire que celui-ci risquait finalement de réduire les Calédoniens à ce qui les oppose au lieu de rechercher ce qui les unit. Je les comprends parfaitement.
Néanmoins, l’organisation de ce référendum est un engagement de l’État. Dans notre démocratie, nous ne pouvons que nous enorgueillir de voir l’État respecter ainsi ses engagements. Ces derniers ont été pris à l’issue des événements dramatiques, que nous avons tous en mémoire, de la grotte d’Ouvéa.
L’organisation de ce référendum a été précédée par une dernière réunion du comité des signataires, qui est parvenu à un large consensus.
Par ailleurs, je ne puis m’empêcher d’établir un parallèle avec mon département, celui de Mayotte, même si les élus ultramarins sont les premiers à reconnaître que comparaison n’est pas raison, car les collectivités d’outre-mer ont chacune leurs spécificités. Hormis leur éloignement de l’Hexagone et leur caractère souvent insulaire, chaque collectivité d’outre-mer a sa particularité : les comparaisons ont donc leur limite.
Quoi qu’il en soit, pour en revenir au parallèle avec Mayotte, les Mahorais n’auraient pas compris que l’on ne leur laisse pas la possibilité de s’exprimer. Là aussi, il s’agissait d’un engagement de l’État français. C’est une raison supplémentaire de souligner que l’organisation de ce référendum est un moment très important.
La décision appartient et appartiendra aux Calédoniens, et personne d’autre ne peut décider de l’avenir de leur territoire. Cela étant, à titre personnel, je souhaite que la Nouvelle-Calédonie continue à enrichir le paysage des outre-mer français et à défendre, avec l’ensemble des territoires ultramarins, notre cause dans la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
C’est finalement au sein de la République française que nous avons cette formidable occasion de soutenir notre cause, celle des territoires d’outre-mer. Ce n’est pas facile tous les jours ! (Sourires.)
Tout à l’heure, nous allons tous, ou presque, voter en faveur de ce texte. Mon souhait le plus vif est de voir le même consensus prévaloir lorsqu’il s’agira de voter des textes relatifs aux outre-mer.
En effet, l’enjeu est bien le développement de ces territoires, disséminés sur toutes les mers du globe. La France a cette formidable chance d’être d’ores et déjà présente dans tous les bassins océaniques, sur tous les continents, quand d’autres puissances en sont réduites à se livrer à des manœuvres pour gagner de l’influence sur ces mêmes zones. Profitons de la chance qui est la nôtre !
Je lance donc un message aux Calédoniens : restez avec nous, car c’est tous ensemble que nous pourrons continuer à défendre la cause des outre-mer dans la France ! (Applaudissements sur la quasi-totalité des travées.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte pour lequel nous nous apprêtons à voter est très important. À l’évidence, il va recueillir l’assentiment de notre assemblée.
Cependant, revenons sur le sujet de ce projet de loi organique. Il s’agit aujourd’hui non pas de modifier le corps électoral pour le futur référendum en Nouvelle-Calédonie, corps électoral, dont la composition répond à des critères fixés en 1998, mais bien de traiter de la question de l’inscription d’office d’électeurs pour participer au scrutin, afin que celui-ci comptabilise un maximum d’électeurs potentiels.
Je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des remarques et des mises en garde que j’ai formulées la semaine dernière ; je me limiterai simplement à quelques observations sur les modifications apportées par notre chambre haute.
Au préalable, je formule de nouveau le vœu et l’exigence, à laquelle je souscris avec l’ensemble de mon groupe, que toutes les parties soient respectées et représentées.
Aussi, au sujet des dispositions ajoutées à ce texte par le Sénat, je m’interroge tout de même sur l’intention, semble-t-il tacite, de la disposition prévue à l’article 3 bis, qui, « dans le but d’éviter les dysfonctionnements liés à l’usage très répandu du vote par procuration » tend à encadrer le recours à cette modalité de vote lors de la consultation d’autodétermination.
Quels sont les dysfonctionnements visés ? Il aurait été intéressant de les étayer. En effet, cela nous laisse une impression désagréable de tromperie – mais de qui et pourquoi ? Quoi qu’il en soit, les justificatifs nécessaires qui seront requis pour participer au scrutin par procuration et qui seront définis par décret en Conseil d’État après consultation du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne devront pas nuire à la participation la plus large de la population sur place.
Certes, des bureaux de vote seront délocalisés à Nouméa pour faciliter le droit de vote des habitants des communes insulaires, mais aucune sorte de « contrepartie » n’aurait dû être exigée.
Mes chers collègues, vous conviendrez qu’il est dans l’intérêt de toutes les parties que le taux de participation à ce scrutin soit le plus élevé possible, pour une issue la plus démocratique qui soit. Aussi, ce genre de disposition visant à complexifier le droit de procuration aurait-il pu être évité. En ce sens, nous serons attentifs au décret d’application.
Ma seconde remarque porte sur le décret en Conseil des ministres qui fixera le texte de la question posée aux électrices et aux électeurs lors de la consultation. Nous nous félicitons de l’amendement adopté visant à consulter le Congrès de Nouvelle-Calédonie sur le décret en question.
Nous porterons donc une attention toute particulière à la teneur de la question qui sera posée. En effet, nous savons bien, mes chers collègues, que dans ce genre de consultation chaque mot revêt son importance. Il s’agira, là encore, d’être le plus objectif possible et de retranscrire l’esprit de l’accord de Nouméa, porteur de paix entre les parties représentées.
Il devra en être de même quant aux règles propres à la campagne audiovisuelle qui régiront le temps d’antenne de chacun, et plus largement sur les conditions dans lesquelles va se dérouler la campagne électorale. Il est en effet essentiel qu’elle soit en phase avec la législation existante, mais aussi la plus équitable, la plus citoyenne et la plus démocratique possible.
Encore une fois, je le répète, l’équilibre entre indépendantistes et loyalistes, bien que consolidé par trois décennies de paix, reste fragile de plus d’un siècle d’histoire douloureuse.
Quelle que soit l’issue du scrutin, et nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir dans cet hémicycle, l’État français aura la responsabilité et le devoir d’accompagner les Calédoniennes et les Calédoniens, dans leur diversité, vers le choix d’avenir qu’ils auront fait.
Pour l’heure, gageons que l’organisation de cette consultation sera une réussite, en apportant avec notre vote unanime notre pierre à l’édifice de ce long processus institutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)