M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement tend à permettre au président du tribunal de commerce d’enjoindre, sous astreinte, à une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires de déposer ses comptes auprès du greffe. Le montant de cette astreinte irait jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires journalier réalisé en France.
L’amendement reprend le dispositif de la loi de décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, mais, là où cette loi permettait au président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de saisir le président du tribunal de commerce, le dispositif envisagé permet à ce dernier de se saisir lui-même.
Cet amendement, vous le savez tous, fait écho à l’actualité récente d’une entreprise française, dont l’activité ressortit à l’agroalimentaire. Lors de l’audition de l’entreprise Lactalis par nos collègues de la commission des affaires économiques – un certain nombre d’entre vous y participait –, la question de l’absence de dépôt des comptes au greffe a été soulevée à plusieurs reprises. Je m’interroge néanmoins, à un double titre, sur la pertinence de cet amendement.
Premièrement, je suis réservé sur le fait de réagir à chaud à l’actualité, sans réflexion globale sur une refonte du dispositif de la loi de 2016. Celui-ci commence d’ailleurs à produire ses effets, puisqu’un tribunal de commerce a été saisi, et l’entreprise Lactalis, pour le pas la nommer, a récemment commencé à déposer certains de ses comptes.
Deuxièmement, cet amendement tend à introduire, dans un chapitre du code de commerce relatif à l’ensemble des sociétés commerciales, une disposition spécifique à celles qui transforment des produits agricoles ou commercialisent des produits alimentaires.
C’est pourquoi la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne vais pas vous demander de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, puisque vous avez déjà répondu à cette demande. Je ne vais pas non plus vous renvoyer au texte qui sera issu des états généraux de l’alimentation. Je vous indique simplement les difficultés que nous pose votre amendement, ou, en tout cas, son intégration dans le présent texte.
Le président du tribunal de commerce dispose déjà, en cas de non-dépôt des comptes annuels, d’un pouvoir général d’injonction applicable quel que soit le secteur d’activité. Il peut d’abord viser un objectif de sanction, en application de l’article L. 123-5-1 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président est saisi par tout intéressé ou par le ministère public. Il peut ensuite viser un objectif de prévention, en application de l’article L. 611-2 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président se saisit d’office.
Un dispositif destiné à contraindre les grands groupes du secteur agroalimentaire à publier leurs comptes annuels ne nous paraît pas avoir sa place, le rapporteur l’a évoqué, dans un chapitre du code de commerce relatif à la prévention des difficultés des entreprises.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a relevé que, en instituant cette faculté de saisine d’office, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général de détection et prévention des difficultés des entreprises – je renvoie à la QPC du 1er juillet 2016 –, ce qui rend difficilement opérante l’intégration de cette disposition dans cet article. En effet, il est évident que ce n’est pas en raison de leurs difficultés financières que les entreprises que vous visez refusent de déposer leurs comptes.
Enfin, un risque d’inconstitutionnalité est à craindre, sur le fondement de la rupture de l’égalité devant la loi, puisque votre amendement tend à créer pour les seules sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits une obligation plus rigoureuse que pour les autres sociétés commerciales soumises à l’obligation de dépôt de comptes en application des articles L. 232-31 à L. 232-33 du code de commerce.
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ? C’est la loi Sapin, ça !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est donc en raison de ces difficultés que je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement.
Vous voyez que, au sujet de l’intégration de telles dispositions dans l’article du code de commerce que vous citez, nous avons encore du travail pour donner, à l’occasion d’un autre véhicule législatif – peut-être celui qui sera issu des états généraux de l’alimentation –, satisfaction à vos demandes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 31
I. – À titre expérimental, l’illégalité d’une décision administrative non réglementaire prise sur le fondement des articles L. 121-1 à L. 122-7 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ou des articles L. 1331-22 à L. 1331-29 du code de la santé publique, pour vice de forme, vice de procédure ou incompétence de l’auteur de l’acte, ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la publication ou de la notification de la décision en cause.
II. – Un décret en Conseil d’État détermine :
1° La durée pendant laquelle cette expérimentation est menée, qui ne peut excéder trois ans ;
2° Les conditions d’évaluation de l’expérimentation.
III. – Le présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au II. – (Adopté.)
Article 32
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global et à prévoir les mesures de coordination et d’adaptation découlant de ces modifications en vue :
a) D’une part, excepté dans le cas des contrats de crédit à taux fixe, de supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats ;
b) D’autre part, de clarifier et d’harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées par la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil et par la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs ;
2° (Supprimé)
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
I bis. – (Non modifié) Le chapitre IV du titre IV du livre V du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, les mots : « d’analyse financière ou de notation de crédit » sont remplacés par les mots : « ou d’analyse financière » ;
2° La division et l’intitulé de la section 1 sont supprimés ;
3° La section 2 est abrogée.
I ter . – À la fin de la seconde phrase du I de l’article L. 613-52-6 du code monétaire et financier, les mots : « mentionnée à l’article L. 544-4 » sont supprimés.
II. – (Non modifié) Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 225-100-1 est supprimé ;
2° À la première phrase du IV de l’article L. 232-1, les mots : « à responsabilité limitée et les sociétés par actions simplifiées dont l’associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance ou la présidence, et » sont remplacés par le mot : « commerciales » ;
3° Le V du même article L. 232-1 est abrogé ;
4° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est ainsi modifié :
a) Au cinquième alinéa, la référence : « L. 225-100-1, » est supprimée et les références : « , L. 226-10-1 et L. 232-1 » sont remplacées par la référence : « et L. 226-10-1 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 225-100-1 et L. 232-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance ; ».
III. – (Non modifié) Le II s’applique aux rapports afférents aux exercices clos à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 159, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Premier point, cet article m’a rappelé un certain nombre de souvenirs : les tribulations de Dexia avec les prêts toxiques. On en a déjà discuté, et, si la question est posée – on l’a réglée, ou plutôt, on a botté en touche une première fois pour Dexia –, c’est précisément parce qu’un certain nombre de collectivités ont obtenu gain de cause devant le tribunal de Nanterre, les contrats relatifs à ces fameux prêts toxiques ne comportant pas de mention du taux effectif global, ou TEG.
Je ne me rappelle plus le détail, mais il y a eu une entourloupe, et, finalement, ce sont à la fois l’État et les collectivités, mais pas Dexia, qui a été récupérée par l’État, qui ont fait les frais de cette opération. Je ne peux donc pas ne pas me dire que cet article sera accueilli très favorablement par les banques… Comme ce n’est pas mon objectif premier, je préfère garder la législation telle qu’elle existe.
Second point, que développeront les collègues présentant l’amendement n° 93, il y a aussi une certaine forme d’atténuation des exigences en matière de notation. Or le droit français est tout de même plus sérieux, plus strict que ce que l’on nous propose de mettre en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, tend à supprimer l’ensemble de l’article 32, alors que son objet évoque seulement la question du taux effectif global, le TEG.
Il me semble que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est le bon : le TEG sera bien conservé sur tous les prêts à taux fixe, qui constituent la quasi-totalité des prêts aux PME. Les banques, comme les représentants des PME que nous avons rencontrés, sont favorables à cette solution.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme c’est étonnant…
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’appréciation de la commission sur cet amendement et sur l’article en général. Son avis est donc tout aussi défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, ce ne sont pas les prêts à taux fixe, ce sont les prêts tordus, les produits dérivés, les prêts dont, finalement, on ne connaît pas véritablement le résultat, puisqu’ils comportent un système de bascule, à partir du moment où l’on dépasse un certain indice. C’est là qu’est le problème, pas avec les prêts à taux fixe !
Je ne comprends donc pas ; ou plutôt, si, je comprends très bien que les banquiers soient ravis du cadeau que vous leur faites !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Cet article comporte tout de même aussi l’idée que le droit français a surtransposé les directives européennes. On rappelle assez régulièrement dans cette instance, ici, au Sénat, pour s’en émouvoir, cette manie d’aller au-delà des directives. Cette partie est donc intéressante.
J’ajoute que cela s’inscrit tout de même dans le cadre de l’attractivité de la place de Paris.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça !
M. Julien Bargeton. Dans le cadre du Brexit, je pense que nous sommes tous attachés au renforcement de l’attractivité de la place parisienne.
M. Pierre-Yves Collombat. Et la sécurité des emprunteurs, ça n’existe pas ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je veux juste signaler à notre collègue Julien Bargeton qu’il s’agit ici du TEG et non des agences de notation, qui feront l’objet de l’amendement suivant.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’une des raisons sous-tendant cet amendement de suppression totale de l’article !
M. Julien Bargeton. Mon intervention couvrait les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je veux prendre un exemple concret, qui montre qu’on a su se rassembler à d’autres moments sur le sujet que Pierre-Yves Collombat a développé – vous verrez que vous êtes personnellement concerné, monsieur le président.
Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avons eu un débat sur le TEG et sur les crédits aux particuliers. Nous avions mis en évidence le problème des contrats de prêt immobilier et des contrats d’assurance sur ces prêts. Il s’agissait tout de même – qu’on ne prenne pas à la légère ce que dit mon collègue et ami Pierre-Yves Collombat – d’un petit pactole de 6 milliards d’euros ! Or, si j’ai bonne mémoire, nous nous y sommes attaqués, avec vous, monsieur le président Dallier, et avec M. Bourquin, pour ne citer que deux noms parmi d’autres.
Cette question ne relève donc pas seulement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je rejoins ce qui a été dit.
L’amendement n° 93 concerne uniquement la question des agences de notation. Le débat sur le TEG ayant déjà eu longuement lieu à l’Assemblée nationale, on n’a donc pas voulu l’avoir de nouveau, mais nous partageons l’analyse de nos collègues. Donc, nous soutiendrons cet amendement de suppression.
M. Pierre-Yves Collombat. Merci !
Mme Sophie Taillé-Polian. En guise de repli, nous présenterons l’amendement relatif aux agences de notation.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Les dispositions de l’article 32 relatives aux agences de notation ont pour but d’aligner le droit français sur le droit de l’Union européenne, alors que ce dernier est moins complet.
Quant à la méthode, nous saluons le travail réalisé, lors de l’examen de ce texte, par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, car celle-ci a supprimé la mesure initiale consistant à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance – encore une ! – toute mesure en vue de simplifier le régime de responsabilité des agences de notation.
Ainsi, pas d’habilitation à légiférer par ordonnance ; en revanche, l’Assemblée nationale a souhaité la suppression franche et directe d’un certain nombre d’articles du code monétaire et financier. Notre amendement tend à revenir sur le fond de cette décision.
Le droit français impose aux agences de notation de crédit un engagement de leur responsabilité civile plus extensif que celui du règlement européen dit « CRA3 », notamment sur la nature de la responsabilité engagée. Le requérant peut ainsi choisir d’avoir recours à la responsabilité délictuelle de l’agence malgré l’existence d’un contrat. En outre, la loi française n’implique pas la nécessité pour le requérant d’apporter la preuve de l’impact de la notation.
Le droit français va plus loin que le droit européen, puisque le régime français ouvre une responsabilité large qui sera qualifiée par le juge saisi de la question alors que le droit européen se base sur une approche au cas par cas. Par conséquent, si l’article 32 était adopté en l’état, la spécificité du droit français en la matière disparaîtrait, entraînant alors une moindre responsabilisation des agences de notation et l’application d’un droit moins-disant.
Nous refusons cette logique, considérant que le droit français en matière de responsabilité des agences de notation n’est pas contraire au droit européen mais lui est complémentaire, et qu’il n’y a pas de conflit d’interprétation possible. En conséquence, nous proposons de maintenir tel qu’il existe le régime français de responsabilité des agences de notation, en supprimant les alinéas 7 à 11.
Quand on sait les problèmes qui ont eu lieu en raison de certaines divagations d’agences de notation, on voit bien l’intérêt qu’il y a à les responsabiliser au maximum.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur la suppression des dispositions du code monétaire et financier prévoyant un régime de responsabilité délictuelle pour les agences de notation, assorti d’un large pouvoir d’appréciation du juge.
Ce régime national de responsabilité, résultant de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, diffère du régime européen harmonisé, intervenu ensuite par l’intermédiaire du règlement sur les agences de notation dit « CRA3 » du 21 mai 2013.
Je suis défavorable à cet amendement, car les spécificités du régime français de responsabilité des agences de notation ne sont plus ni justifiées, dès lors que le régime est harmonisé au niveau européen et que la supervision des agences de notation est assurée, depuis le 1er juillet 2011, par l’Autorité européenne des marchés financiers, ni pertinentes, dès lors qu’elles sont susceptibles de réduire l’attractivité de la France, dans un contexte où le Brexit appelle à une reconfiguration des places financières continentales.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage les arguments de Mme la rapporteur. J’ajoute simplement que nous considérons qu’il s’agit, en l’espèce, d’une surtransposition de la directive.
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je serai très rapide, mais notre collègue Sophie Taillé-Polian a tout à fait raison. La loi française s’avère nettement plus protectrice des intérêts des débiteurs que le texte européen.
D’ailleurs, on nous trompe parfois un peu sur la marchandise ; on peut utiliser des vocables différents, faire de la sémantique, mais je considère qu’on ne doit pas se laisser avoir par un abus de langage. Il ne faut pas laisser croire que le droit communautaire est en général un plafond législatif et que nous serions dépassés ; il est en réalité un plancher.
M. Pierre-Yves Collombat. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. Aussi, nous, sénateurs, nous, parlementaires, faisons notre travail. Il ne faut pas confondre le plancher et le plafond. C’est un socle minimal, et nous avons le devoir, si nous considérons que c’est juste, d’améliorer ce socle minimal.
Aussi, veuillez m’excuser, madame la rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, mais votre argumentation est à mon sens irrecevable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Quelle que soit son importance, on ne peut systématiquement arguer du Brexit et de la nécessité de promouvoir la place de Paris pour reculer sur la régulation de la finance ou sur la question des agences de notation. Cette logique du moins-disant n’a rien de vertueux ! Je ne pense pas que notre pays doive l’adopter au nom de l’attractivité.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. La France n’est pas toute seule ! (Marques d’assentiment sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Nous légiférons dans un cadre européen. Derrière ces sujets, il y a des emplois : nous y sommes tous sensibles. Il est important de défendre la place de Paris, notamment dans la perspective du Brexit.
Vous appelez à aller plus loin en matière de régulation. En ce cas, il faut modifier la directive européenne ! S’il le veut, le Parlement européen peut porter la réglementation européenne au niveau de ce que vous proposez pour la France. On aura ainsi un cadre commun. À vous écouter, on a toujours l’impression que nous serions tout seuls. Ne surtransposons pas et tenons compte des réalités : c’est le bon sens.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous sommes seuls face au dumping fiscal !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas sûr que l’on appréhende bien la réalité de la situation.
On semble croire que la crise est derrière nous et que tout va bien, alors que le système financier est toujours aussi volcanique. Il l’est même peut-être plus encore qu’en 2007 ! La spéculation est repartie de plus belle. Or, ce que le Gouvernement nous propose, c’est, comme en 2007, de suivre le mouvement, pour que les autres ne nous prennent pas de parts de marché.
L’avenir, ce n’est pas cela ! Le système est toujours aussi dangereux. Un beau matin, une crise surviendra quelque part, qui déclenchera une crise systémique, et alors, comme en 2009, en 2010, en 2011, on nous dira qu’il faut réformer, réguler… Or, depuis deux ans, on ne fait que déréguler partout dans le monde !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Est-il bien sérieux de vouloir récupérer les spéculateurs de la place de Londres ? À court terme, c’est sûr, il y a de l’argent à se faire ; mais au-delà ?
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. Inscrire des dispositions de cet ordre dans un tel texte, cela relève de l’escroquerie ! Quel est le rapport avec la société de confiance ? En l’occurrence, c’est plutôt la société de dissimulation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Esther Benbassa. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 32.
(L’article 32 est adopté.)
Article 33
I. – (Supprimé)
II . – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, un rapport dressant un bilan de l’application de cette ordonnance. Ce rapport doit notamment évaluer le recours des porteurs de projets aux procédures de participation du public organisées en amont et en aval, leur coût, l’effectivité de la participation du public et les délais de réalisation des projets faisant l’objet de telles procédures, et proposer d’éventuelles mesures correctives.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le I de la rédaction initiale de l’article 33 prévoyait l’expérimentation, pour une durée de trois ans, d’une procédure simplifiée de consultation du public pour la réalisation de certains projets nécessaires à une activité agricole. Je me félicite que la commission spéciale l’ait supprimé. De fait, la suppression de l’enquête publique excluait les citoyens du débat, à commencer par ceux que j’appellerai les vulnérables numériques. Paradoxalement, il s’agissait, pour des projets à vocation agricole, de recourir à une consultation par voie numérique.
Au reste, l’amendement déposé par le Gouvernement m’inspire de l’inquiétude, car il ne tient pas compte de la sagesse de la chambre haute. Comment éviter l’exclusion de certaines populations, le plus souvent rurales, qui ne peuvent participer aux consultations électroniques ? Comment remplacer une enquête publique classique, qui permet à nos concitoyens d’obtenir des informations directement, notamment auprès des commissaires enquêteurs, de débattre et d’entendre des points de vue contradictoires, de nature à les aider à se forger une opinion ?
La proposition de repli du Gouvernement consistant à prévoir une mise à disposition pour consultation sur support papier dans les préfectures et sous-préfectures ignore totalement la réalité de l’état des routes et des distances à parcourir pour rejoindre la préfecture dans un territoire comme le mien. Depuis le nord du département du Lot, où je réside, il faut ainsi trois quarts d’heure pour se rendre à la sous-préfecture de Figeac, et une heure et quart pour rejoindre Cahors, siège de la préfecture…
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – À titre expérimental, dans un nombre limité de régions désignées par décret et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale instituée par le titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, lorsque le projet a donné lieu à une concertation préalable prévue à l’article L. 121-15-1 du même code sous l’égide d’un garant dans les conditions prévues par son article L. 121-16-1, fait l’objet des adaptations procédurales suivantes :
1° Par dérogation aux articles L. 181-9 à L. 181-11 du code de l’environnement, l’enquête publique prévue au I de l’article L. 123-2 est remplacée par une participation du public par voie électronique dans les formes prévues à l’article L. 123-19 ;
2° L’affichage de l’avis d’ouverture est effectué dans les mêmes communes que celles dans lesquelles aurait été affiché l’avis d’enquête publique en l’absence d’expérimentation ;
3° Cet avis mentionne l’adresse à laquelle des observations peuvent être transmises par voie postale ;
Le second alinéa de l’article L. 123-16 du même code est applicable.
Le présent I n’est applicable ni pour les projets conduisant à expropriation pour cause d’utilité publique ni lorsqu’il est fait application des deux premiers alinéas du I de l’article L. 123-6 du code de l’environnement.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
La parole est à M. le secrétaire d’État.