M. le président. L’amendement n° 147, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
ou l’agent
par les mots :
ou sous le contrôle de ce dernier, l’agent
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Lors de ma présentation de l’amendement n° 143, je m’inspirais, madame la ministre, de ce que MM. Beaume et Natali avaient suggéré à l’occasion des chantiers de la justice. Nous n’avons pas été suivis, pas plus d’ailleurs que ces excellentes personnalités.
Nous proposons, avec cet amendement, de modifier l’alinéa 12, qui tend à confier à un agent de police judiciaire la compétence pour exercer seul, sans contrôle d’un officier de police judiciaire, l’émission de réquisitions. MM. Beaume et Natali considéraient, à juste titre, qu’il n’était pas envisageable d’étendre les pouvoirs d’enquête à des APJ sans procéder à une nette amélioration de leurs conditions de formation préalable, ce qui, à mon sens, n’est pas aujourd’hui acquis.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que cette compétence ne soit possible que sous le contrôle à tout le moins de l’officier de police judiciaire, lequel doit s’assurer que l’agent en question est suffisamment habile et formé pour faire de telles réquisitions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Le projet de loi étend les attributions des APJ dans certains domaines limitativement énumérés. Les auteurs de l’amendement estiment que cette extension supposerait, au préalable, d’améliorer le niveau de qualification des AJP.
La modification proposée nous semble suffisamment encadrée pour être acceptable en l’état.
D’abord, elle porte sur des sujets bien circonscrits : faire procéder à des prélèvements, recourir à une personne qualifiée pour des examens techniques ou scientifiques, requérir des informations auprès d’organismes publics.
Ensuite, ces actes sont effectués, dans le cadre de l’enquête préliminaire, sur autorisation du procureur de la République, ce qui constitue du point de vue de la commission une garantie importante.
C’est la raison pour laquelle elle souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le projet de loi prévoit en effet que, dans le cadre de l’enquête préliminaire, les réquisitions qui sont actuellement faites par les seuls OPJ pourront également être réalisées par les APJ. Le présent amendement tend à préciser que ces derniers agiront alors sous le contrôle des officiers de police judiciaire.
Cet amendement ne me paraît pas justifié pour deux raisons : d’abord, parce que, lors de l’enquête préliminaire, l’OPJ ou l’APJ pourront, en principe, effectuer des réquisitions uniquement sur autorisation du procureur de la République ; ensuite, parce que, même si le projet de loi rend possibles, à titre dérogatoire, certaines réquisitions sans autorisation du magistrat – celles qui sont adressées aux administrations publiques ou qui entraînent de faibles frais de justice –, l’article 20 du code de procédure pénale prévoit, en tout état de cause, que l’OPJ est le directeur d’enquête et que les APJ peuvent seulement le seconder.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Bigot, l’amendement n° 147 est-il maintenu ?
M. Jacques Bigot. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet, Imbert et de Cidrac, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa de l’article 78-6 du même code est complété par les mots : « mais également pour rédiger un rapport lors de la constatation d’une infraction pénale ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L’article 30 est adopté.)
Sous-section 3
Dispositions relatives à la garde à vue
Article 31
I. – Le II de l’article 63 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou de permettre, dans les cas où il n’existe pas dans le tribunal de locaux relevant de l’article 803-3, la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire » ;
2° et 3° (Supprimés)
II. – À l’article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, après le mot : « lieu », sont insérés les mots : « pour y être entendue, pour faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-3 ou pour qu’il soit procédé à de nouvelles constatations ou saisies liées aux nécessités de l’enquête ».
M. le président. L’amendement n° 234, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir les 2° et 3° dans la rédaction suivante :
2° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« Le procureur peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui » ;
3° La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement tend à rétablir les dispositions relatives à la garde à vue modifiées par la commission des lois. Il vise ainsi à rendre facultative la présentation de la personne devant le procureur de la République ou devant le juge d’instruction pour la première prolongation de vingt-quatre heures de sa garde à vue.
Ces dispositions constituent en effet une simplification de la procédure. En outre, elles ne remettent nullement en cause les garanties qui sont offertes dans ce domaine, en particulier le droit pour la personne gardée à vue de présenter des observations au procureur et l’obligation pour ce dernier de justifier de la nécessité de la prolongation de la garde à vue.
Je rappelle que la présentation obligatoire, sauf à titre exceptionnel en cas de décision du magistrat de prolonger sans présentation préalable, n’existe que depuis la loi relativement récente du 14 avril 2011. Cette loi a été adoptée pour mettre notre droit en conformité avec des exigences constitutionnelles et conventionnelles.
Dans la décision QPC du 30 juillet 2010 à l’origine de cette réforme, le Conseil constitutionnel n’avait absolument pas critiqué le droit existant pour ce qui concerne les modalités d’intervention du procureur en matière de prolongation de garde à vue.
Cette décision était extrêmement importante puisqu’elle était l’une des premières rendues sur une question prioritaire de constitutionnalité. Rappelons en cette occasion que l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet et que le déroulement de la garde à vue était placé sous le contrôle du procureur de la République pouvant décider, le cas échéant, de la prolongation de vingt-quatre heures. Le Conseil constitutionnel avait jugé que ces dispositions ne méconnaissaient en aucune manière l’article 66 de la Constitution.
Voilà la raison pour laquelle je souhaite rétablir les dispositions relatives à la garde à vue telles qu’elles figuraient dans le projet de loi initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable sur cet amendement qui remet en cause la position adoptée par la commission en matière de prolongation de la garde à vue.
Nous souhaitons que la présentation physique du prévenu devant le procureur de la République soit réelle et qu’elle ne se fasse pas simplement, pour être très schématique, à distance.
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – À l’article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, après le mot : « lieu », sont insérés les mots : « où elle doit être entendue ou faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61–3 ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement tend à rétablir les dispositions du projet de loi relatives à l’obligation pour les enquêteurs en cas de transport d’une personne gardée à vue d’en informer son avocat.
La loi prévoit actuellement que l’avocat doit être informé de tous les transports. Dans sa version initiale, le projet de loi limitait cette information aux cas dans lesquels il sera procédé sur les lieux du transport à des actes pour lesquels la personne peut être assistée par un avocat, c’est-à-dire les cas d’audition, de reconstitution ou de tapissage.
La commission des lois a ajouté l’hypothèse des transports pour procéder « à de nouvelles constatations ou saisies ». Cela ne me paraît pas justifié, car rien n’exige qu’un avocat soit présent lorsque les enquêteurs procèdent à des constatations ou à des saisies. Dans de tels cas, la personne suspecte est simplement présente, mais elle n’est pas interrogée.
Mon amendement résulte notamment de l’interprétation des exigences européennes, et plus particulièrement de la directive n° 2013/48/UE du 22 octobre 2013, laquelle ne prévoit l’assistance d’un avocat que dans les cas où la personne doit être entendue, ou participer à une opération de reconstitution ou à une séance d’identification.
Pour ne pas compliquer à l’excès la tâche des enquêteurs, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous conformer aux exigences du droit de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je veux préciser que nous avons adopté en commission une mesure déjà votée en 2016, sur l’initiative de notre collègue Esther Benbassa. Il s’agit, en cas de transport d’une personne gardée à vue, de prévoir l’information de l’avocat qui la conseille ; ce dernier pourra ainsi, s’il le souhaite – il n’est pas obligé de le faire –, rejoindre son client. Il ne s’agit ni plus ni moins que de cela.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement qui tend à revenir sur cette disposition.
M. le président. Je mets aux voix l’article 31.
(L’article 31 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 31
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié quater, présenté par MM. H. Leroy, Retailleau, Joyandet, Charon et Fouché, Mme Giudicelli, MM. Panunzi, Grosdidier et Meurant, Mme Vermeillet, MM. Paccaud et Reichardt, Mme Lherbier, MM. Laménie et Bonhomme, Mme M. Jourda, MM. Cardoux et Mandelli, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 10-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La victime est informée du droit d’être assistée par un avocat avant qu’il soit procédé à son audition. À l’issue de chaque audition de la victime, l’avocat peut poser des questions. Il peut également présenter des observations écrites. Celles-ci sont jointes à la procédure. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 15-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les victimes ont le droit d’être assistées d’un avocat qu’elles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à leur charge, sauf si elles bénéficient d’une assurance de protection juridique. » ;
3° L’article 61-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « victime est », sont insérés les mots : « auditionnée ou » ;
b) À la première phrase du second alinéa, après le mot : « procédé », sont insérés les mots : « à l’audition ou ».
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Cet amendement tend à tirer les conséquences de la réforme de la garde à vue qui a contribué à accorder de nouveaux droits à la défense au stade de l’enquête. Depuis cette réforme, la victime peut être assistée de son avocat lors de la confrontation avec l’auteur de l’infraction. Si cela constitue un progrès, il est nécessaire d’aller plus loin et de lui permettre d’être assistée par un avocat dès le dépôt de plainte et pour toutes les auditions qui suivront.
Cette réforme a même été une demande du principal syndicat de magistrats, l’Union syndicale des magistrats, ainsi que du Syndicat national des officiers de police, majoritaire chez ces derniers. Elle correspond à une réelle exigence de justice, tant l’assistance d’un avocat dès le dépôt de plainte et lors des auditions peut être utile à une victime. Car les dépositions de celle-ci peuvent être maladroites ou inexactes du fait de l’émotion ou du traumatisme vécu ; l’assistance d’un avocat peut donc être indispensable pour éviter une erreur judiciaire dans laquelle la véritable victime ne sera pas reconnue comme telle.
Il est par conséquent proposé de modifier le dispositif juridique de l’enquête de flagrance et de l’enquête préliminaire, d’une part, en informant obligatoirement la victime de son droit d’être assistée par un avocat dès le dépôt de plainte et lors de toute audition par les forces de l’ordre et, d’autre part, en prévoyant les modalités concrètes de la présence de l’avocat auprès de la victime – droit de poser des questions à la fin de l’audition et de présenter des observations écrites versées au dossier.
Les frais liés à l’assistance de l’avocat ne pourraient être pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Nous avions demandé la rectification de cet amendement lors de la réunion de la commission qui s’est tenue ce matin. Cela ayant été fait, l’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable sur cet amendement qui tend à inscrire dans le code de procédure pénale la règle selon laquelle la victime doit être informée de son droit d’être assistée par un avocat dès le dépôt de sa plainte et lors de toute audition au cours de l’enquête. L’amendement vise également à préciser que l’avocat pourra poser des questions à la fin de l’audition de la victime et présenter des observations écrites versées au dossier.
Il me semble que les modifications proposées sont satisfaites par le droit existant depuis la loi du 17 août 2015, qui a transposé la directive sur les droits des victimes du 25 octobre 2012. Le 8° de l’article 10-2 du code de procédure pénale prévoit, en effet, que les victimes sont informées de leur droit d’être accompagnées à tous les stades de la procédure par la personne majeure de son choix, ce qui inclut les avocats.
Par ailleurs, si la victime est accompagnée par un avocat lors de l’enquête, rien n’interdira à celui-ci de poser des questions et de remettre ses observations écrites.
Monsieur le sénateur, votre amendement étant satisfait par le droit existant, je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Leroy, l’amendement n° 102 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Henri Leroy. Madame la garde des sceaux, vous avez raison, mais ce n’est pas obligatoire !
C’est la raison pour laquelle l’amendement prévoit, d’une part, l’obligation d’informer la victime de ce droit et, d’autre part, les modalités concrètes de la présence de l’avocat, qui ne sont pas prévues actuellement.
Mon amendement a uniquement pour objet de préciser l’assistance de la victime par un avocat. Je ne le retire donc pas.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 31.
L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par Mme C. Fournier, MM. Bonnecarrère et Cadic, Mmes Billon et de la Provôté, M. Delahaye, Mmes Gatel et Guidez, M. Henno, Mme Létard, M. Laugier, Mme Loisier, MM. Longeot, Luche, Kern, Médevielle, Mizzon et Moga, Mme Sollogoub, M. Vanlerenberghe, Mmes Vullien, Vermeillet et Tetuanui, M. Laurey, Mme Morin-Desailly et M. Louault, est ainsi libellé :
Après l’article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 63-1 du code de procédure pénale, les mots : « dans une langue qu’elle comprend » sont remplacés par les mots : « dans la langue officielle de son pays d’origine ou toute autre langue officielle, dont il est raisonnable de penser qu’elle la comprend ».
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Le présent amendement a pour objet de modifier le code de procédure pénale, afin de permettre la poursuite des opérations policières et judiciaires dans une langue maîtrisée par l’individu, et non plus dans la langue qu’il déclare comprendre.
J’avais déjà alerté le ministre de l’intérieur, le 20 juin dernier, lors de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. En effet, actuellement, lors de l’interpellation d’un étranger déclarant comprendre uniquement une langue rare, il est légalement impossible d’accomplir les investigations, puisque les forces de l’ordre ne peuvent procéder ni à la notification des droits dans le cadre d’une garde à vue ou d’une audition libre ni à une audition dans la langue que la personne déclare comprendre.
Quand bien même cet étranger comprendrait manifestement une autre langue, la procédure judiciaire doit se poursuivre dans la langue initialement déclarée par ce dernier.
J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, en l’état actuel des textes, tant les forces de sécurité que les officiers de police judiciaire se heurtent à une carence importante en matière d’interprètes agréés, désignés d’ailleurs par des juridictions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement, et je vais m’en expliquer rapidement.
Cet amendement est contraire au droit européen applicable ; en effet, les dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale résultent de la transposition, par la loi du 27 mai 2014, des exigences de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.
De ce fait, il n’est pas possible, à cadre européen constant, de faire droit à cet amendement en autorisant l’emploi d’une langue que la personne comprend ou d’une langue officielle de son pays d’origine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La modification proposée au travers de cet amendement ne me paraît pas justifiée ; elle serait source de complications inutiles et, d’une certaine manière, elle consacrerait un recul de la garantie des droits.
En effet, contrairement à ce qui figure dans l’objet de l’amendement, la notification des droits peut déjà avoir lieu dans toute langue maîtrisée par la personne, et non seulement dans la langue qu’elle déclare comprendre. D’autre part, la notion de langue officielle de son pays d’origine ou de toute autre langue officielle ne correspond pas forcément à une langue que la personne comprend. Aussi, passer de la notion de langue qu’elle comprend à la notion de langue officielle du pays d’origine me semblerait constituer un recul des droits.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. J’entends bien ces avis.
Cela étant, nous sommes là, me semble-t-il, pour essayer de faire évoluer la législation.
En outre, sachez que, sur le continent africain, on parle quelque deux mille langues. Or, lors d’une interpellation, si l’on n’a pas d’interprète à disposition, la personne est relâchée et on lui demande de rester à la disposition des services de police. Ensuite, une autre étape permet de définir une langue qu’elle peut effectivement maîtriser. Il est inutile de vous dire que, dans le contexte des phénomènes de migration que nous pouvons connaître sur le territoire de Calais, la personne concernée ne se met sûrement pas à la disposition de la justice et on ne la retrouve pas.
Il s’agissait donc d’une forme d’alerte. Je comprends bien vos arguments, mais il me semble simplement que l’on doit s’adapter à la réalité des choses ; tel était l’objet de cet amendement. Vous parliez précédemment de simplification, madame la ministre ; pour moi, la simplification implique une meilleure efficacité et mon propos visait à rendre possible cette efficacité en nous adaptant à la réalité, du point de vue tant de la qualité que du nombre des interprètes disponibles.
Je retire donc mon amendement, qui constituait, je le répète, un signal d’alerte.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quater est retiré.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne voudrais pas prolonger la contradiction, madame la sénatrice, je souhaite au contraire vous indiquer que, si la rédaction de votre amendement me semble inconventionnelle, contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, je comprends en revanche parfaitement les questions pratiques que vous soulevez. Je suis allée dans le Calaisis et je sais très bien la difficulté à y trouver des traducteurs.
Aussi, le ministère de l’intérieur travaille à la mise en place de plateformes de traduction pour les langues peu usitées, ce qui, nous l’espérons, nous permettra d’avoir plus de souplesse sur ces questions.
Section 2
Dispositions propres à l’enquête
Sous-section 1
Dispositions étendant les pouvoirs des enquêteurs
Article 32
I. – L’article 53 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou, si la procédure porte sur un crime ou sur une infraction entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1, pendant une durée de seize jours » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne peuvent être différées, le procureur de la République peut, à l’issue du délai de huit jours prévu au deuxième alinéa, autoriser, par décision écrite et motivée, la prolongation de l’enquête, dans les mêmes conditions, pour une durée maximale de huit jours s’il s’agit d’un délit puni d’une peine supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement. »
I bis (nouveau). – L’article 56 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne chez qui l’officier de police judiciaire se transporte peut être assistée de son avocat. » ;
2° Au début du deuxième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L’officier de police judiciaire ».
II. – L’article 76 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) (nouveau). – Au troisième alinéa, les mots : « (premier alinéa) » sont supprimés.
b) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».
III. – (Supprimé)
IV. – Après le III de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Dans les mêmes conditions et pour les mêmes infractions que celles prévues au I, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21, peuvent accéder à bord et procéder à une visite des navires présents en mer territoriale, se dirigeant ou ayant déclaré leur intention de se diriger vers un port ou vers les eaux intérieures, ou présents en amont de la limite transversale de la mer, ainsi que des bateaux, engins flottants, établissements flottants et matériels flottants se trouvant dans la mer territoriale ou en amont de la limite transversale de la mer, ainsi que sur les lacs et plans d’eau.
« La visite se déroule en présence du capitaine ou de son représentant. Est considérée comme le capitaine la personne qui exerce, de droit ou de fait, le commandement, la conduite ou la garde du navire, du bateau, de l’engin flottant, de l’établissement flottant ou du matériel flottant lors de la visite.
« Elle comprend l’inspection des extérieurs ainsi que des cales, des soutes et des locaux.
« La visite des locaux spécialement aménagés à un usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires.
« Le navire, le bateau, l’engin flottant, l’établissement flottant ou le matériel flottant ne peut être immobilisé que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite, dans la limite de douze heures.
« Un procès-verbal de fouille est établi et contresigné par le capitaine ou son représentant, à qui une copie est immédiatement remise.
« L’officier de police judiciaire responsable de la visite rend compte du déroulement des opérations au procureur de la République et l’informe sans délai de toute infraction constatée. »
V. – Après l’article 802-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 802-2 ainsi rédigé :
« Art. 802-2. – Toute personne ayant fait l’objet d’une perquisition ou d’une visite domiciliaire en application des dispositions du présent code et qui n’a pas été poursuivie devant une juridiction d’instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l’accomplissement de cet acte peut, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de cette mesure, saisir le président de la chambre de l’instruction d’une demande tendant à son annulation.
« La requête est formée par déclaration au greffe de la juridiction où la procédure a été menée ou à défaut, de la juridiction dans le ressort de laquelle la mesure a été réalisée. Dans le second cas, elle est transmise sans délai à la juridiction ayant suivi la procédure. Elle n’a aucun effet suspensif sur les enquêtes ou instructions en cours.
« Le juge statue, dans le mois suivant la réception de la requête, après avoir recueilli les observations écrites du procureur de la République, du requérant et, le cas échéant, de son avocat. Si les nécessités de l’enquête le justifient, le procureur de la République peut, par réquisitions écrites, demander au président de la chambre de l’instruction de se prononcer dans un délai de huit jours. Le juge statue par une ordonnance motivée susceptible d’appel, dans un délai de dix jours à compter de sa notification, devant la chambre de l’instruction.
« Si la perquisition est intervenue à l’occasion d’une procédure pour laquelle des poursuites ont été engagées à l’encontre d’autres personnes que celle ayant formé la demande d’annulation, lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, la demande d’annulation est transmise au président de cette juridiction par le président de la chambre de l’instruction.
« Dans le cadre des recours examinés conformément aux troisième et avant-dernier alinéas, le requérant ne peut prétendre qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la perquisition qu’il conteste. »
VI (nouveau). – L’article 63 ter du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la visite concerne le domicile ou le cabinet d’un avocat, il est fait renvoi à l’article 56-1 du code de procédure pénale et le même article 56-1 est applicable. »