Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement tend à rétablir la possibilité pour les enquêteurs de pénétrer au domicile d’un suspect afin de l’interpeller dans le cadre d’un ordre à comparaître délivré par le parquet.
Cette possibilité a été supprimée par la commission des lois au motif que les enquêteurs peuvent pénétrer au domicile d’un suspect dans le cadre d’un mandat de recherche délivré par le parquet.
Ce raisonnement, même si je peux l’entendre, ne me semble pas satisfaisant. Je rappelle que la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, adoptée par le Sénat, a permis au procureur d’autoriser les enquêteurs à faire comparaître un témoin ou un suspect par la force publique.
Ce texte a pendant longtemps été interprété comme permettant aux officiers de police judiciaire de se rendre au domicile de la personne concernée…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ou d’un tiers !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … et de la ramener de force, si nécessaire en fracturant la porte dudit domicile dans lequel elle se serait enfermée.
La loi du 9 mars 2004, également adoptée par le Sénat, a complété ce dispositif en créant le mandat de recherche qui peut être délivré lorsque le suspect est en fuite ou que son adresse est inconnue.
Ce mandat, délivré par le procureur, est inscrit au fichier des personnes recherchées. Dès lors, tout enquêteur découvrant le suspect peut l’arrêter. La loi précise encore qu’il est possible, pour exécuter ce mandat, de pénétrer de jour dans le domicile de la personne.
Or, le 22 février 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, constatant que la loi ne le permettait pas expressément, dans le cadre de la comparution forcée, que l’introduction au domicile n’était pas possible.
Le projet de loi vient donc combler cette lacune en permettant une telle introduction au domicile des suspects lorsque la peine encourue est d’au moins trois ans.
En refusant cette simplification, votre commission complique inutilement la tâche des magistrats et des enquêteurs. En effet, dans un tel cas, soit les parquets délivreront systématiquement des mandats de recherche, même lorsque le domicile du suspect est connu – ce qui, avouons-le, est quelque peu curieux –, soit ils ne le feront pas. Dans cette dernière hypothèse, lorsque le suspect refusera d’ouvrir sa porte, l’officier de police judiciaire devra recontacter le procureur pour lui demander de remplacer son ordre de comparaître par un mandat de recherche.
Il me semble qu’il serait plus sage que le Sénat, dans la continuité des textes adoptés en 1993 et en 2004, accepte cette simplification de bon sens.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très belle argumentation !
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet, Imbert et de Cidrac, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Aux premiers alinéas des I, II et III de l’article 78-2-2, au premier alinéa de l’article 78-2-3 et au premier alinéa du I de l’article 78-2-4 du code de procédure pénale, la référence : « et 1° ter » est remplacée par les références : « , 1° ter et 2° ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Troisième force de sécurité de notre pays, les policiers municipaux sont de plus en plus sollicités pour renforcer la sécurité aux côtés des policiers nationaux et des gendarmes.
Dans le cadre de contrôles et de vérifications, certains agents de police judiciaire adjoints, ou APJA, sont déjà autorisés à assister les officiers de police judiciaire pour diverses opérations – contrôle d’identité, visite de véhicule ou fouille de bagages. Il s’agit des adjoints de sécurité, ou ADS, de la police nationale et des gendarmes adjoints volontaires, ou GAV.
Afin d’optimiser la qualité des services rendus par les policiers municipaux, nous proposons d’autoriser également ces derniers à effectuer ces différents contrôles sous l’autorité d’un OPJ et sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans des lieux et pour une période de temps déterminés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 237 du Gouvernement.
Alors que l’objectif affiché des dispositions de l’article 32 est la simplification des régimes, nous nous sommes interrogés sur la pertinence de créer un nouveau régime ad hoc permettant de forcer un domicile dès lors que l’article 77-4 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité de pénétrer pendant la même plage horaire dans un domicile pour exécuter un mandat de recherche délivré par le procureur de la République « contre toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre » un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement.
L’étude d’impact souligne d’ailleurs que les conditions de recours à cette procédure sont identiques à celles du mandat de recherche : une peine encourue d’au moins trois ans d’emprisonnement et une décision préalable d’autorisation par le procureur de la République écrite et motivée.
La création de ce régime nouveau s’ajoute donc au panel des possibilités, alors que la délivrance d’un mandat de recherche est déjà possible, même lorsque le domicile de la personne convoquée est connu.
La mesure prévue par le projet de loi paraît par conséquent redondante, raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 82 rectifié bis qui vise à étendre de manière très importante les pouvoirs des policiers municipaux ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
Des dispositions identiques ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel : les contrôles d’identité, les fouilles de véhicules systématiques sont des actes attentatoires à la liberté individuelle qui doivent être placés sous l’autorité exclusive, directe et effective de l’autorité judiciaire, ce qui n’est pas le cas des policiers municipaux.
Même dans un cadre purement administratif, le Conseil constitutionnel a souligné, dans une décision du 29 mars 2018, que la participation des agents municipaux à un dispositif administratif de prévention des troubles à l’ordre public obligeait à ce que les officiers de police judiciaire assurent un contrôle effectif et continu sur ces personnes, ce qui exclut toute action autonome de leur part et donc limite la portée d’une telle disposition. Ces propos prennent un sens tout particulier dans la période que nous traversons.
En l’état de l’organisation de l’autorité judiciaire, de la formation inégale des policiers municipaux et des articulations disparates entre les dispositifs de la police nationale et de la police municipale, il paraît prématuré de proposer que des policiers municipaux puissent effectuer des contrôles d’identité.
Par ailleurs, les dispositions des articles 78-2-3 et 78-2-4 du code de procédure pénale donnent des pouvoirs autonomes à l’officier de police judiciaire qui agit d’initiative, et non pas en exécution de réquisitions du procureur de la République. Il ne semble pas possible de confier à des policiers municipaux un pouvoir d’initiative en matière de contrôles d’identité ou de fouille de bagages.
Je tenais à être précis sur ce sujet extrêmement important.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 82 rectifié bis ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux tout d’abord préciser à M. Buffet que je comprends parfaitement le raisonnement qui lui fait dire que les dispositions existent déjà en droit positif, notamment par le biais du mandat de recherche.
Mais un mandat de recherche, monsieur le rapporteur, c’est très long à établir. D’autres mesures, notamment l’ordre de comparaître, sont beaucoup plus rapides à mettre en œuvre. Ce sont les praticiens qui nous ont fait ces suggestions. La vision théorique ne recouvre pas toujours la réalité de la pratique, raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 237.
Cela dit, le Gouvernement partage le raisonnement de la commission et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 82 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mon groupe suivra l’avis du rapporteur et ne votera pas l’amendement du Gouvernement.
J’ajoute, madame la garde des sceaux, que vous n’avez pas précisé que cette procédure quelque peu particulière s’appliquait non seulement au domicile de la personne qu’il convient de faire comparaître, mais également à tous les lieux où elle est susceptible de se trouver.
En clair, il peut s’agit de forcer les domiciles de tiers qui n’ont rien à voir avec la procédure visée pour trouver, ou ne pas trouver, une personne qui n’a d’autre statut, à ce stade, que d’être citée à comparaître et qui n’a même pas encore été placée en garde à vue.
J’entends votre argument selon lequel il est nécessaire de simplifier. C’est malheureusement celui que l’on entend souvent du côté du ministère de l’intérieur. Vous nous précisez toutefois, ce dont nous nous réjouissons, que vous avez élaboré ce projet de loi de manière tout à fait autonome…
Encore une fois, je tiens à rappeler qu’il s’agit, contrairement à ce que vous indiquez, non pas seulement du domicile de la personne concernée, mais du domicile où elle peut se trouver, c’est-à-dire chez n’importe qui.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 82 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 343, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 20
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 97 du code de procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au troisième alinéa du b) du 2 de l’article 64 du code des douanes, au troisième alinéa du b) du 2 de l’article 41 du code des douanes de Mayotte, à la première phrase du dixième alinéa de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, au dernier alinéa du III de l’article L. 16 B et au dernier alinéa du 3 de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « quatrième alinéa ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour satisfaire M. le sénateur Sueur, j’émets un avis favorable sur cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 32, modifié.
(L’article 32 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 32
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 76 du code de procédure pénale est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , ni sans la présence de son avocat. Au cours de la perquisition, les frais d’avocat ne sont pas pris en charge par l’aide juridictionnelle d’État. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à ajouter dans le projet de loi un article permettant la présence de l’avocat lors de la perquisition.
Alors que cette présence est prévue dans le code de procédure pénale pour les visites domiciliaires, un vide juridique subsiste quant à la possibilité pour celui-ci d’être présent lors de la perquisition pénale.
Nous proposons ainsi de mettre fin à cette absence et aux incertitudes qui en résultent, notamment au regard de la législation européenne.
En effet, la directive 2013/48 de l’Union européenne relative aux droits du justiciable énonce qu’avant qu’ils soient interrogés par la police, ou par une autre autorité répressive ou judiciaire, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu.
Au-delà de la mise en conformité avec le droit communautaire, la présence de l’avocat, auxiliaire de justice, est une mesure de bon sens contribuant à la transparence et au bon déroulement de la perquisition – elle ne saurait, de ce fait, être perçue comme une obstruction à la procédure pénale et judiciaire – et permettant de prévenir toute dérive au cours des perquisitions. Cette présence nous semble pertinente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, satisfait par notre vote sur l’article 32.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par cohérence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 31 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 110 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mme Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 20° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Délits de contrebande de tabac commis en bande organisée prévus à l’article 414 du code des douanes. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Le commerce illicite de tabac représente un manque à gagner considérable pour les recettes de l’État puisque les produits concernés échappent aux taxes et alimentent l’économie grise.
Avec le paquet neutre et la hausse du prix du tabac, de plus en plus de Français s’approvisionnent à l’étranger ou sur le marché parallèle au détriment des buralistes, très fortement affectés.
L’Office européen de lutte antifraude, ou OLAF, précise que la contrebande de tabac entraîne chaque année des pertes importantes pour les budgets des États membres et de l’Union européenne, sous la forme de droits de douane et de taxes éludés.
Les ventes de tabac de contrebande ne respectent aucune règle et représentent un risque considérable pour les consommateurs et les entreprises. Elles nuisent aux campagnes de santé publique et de lutte contre le tabagisme et enfreignent les règles strictes que l’Union européenne et les États membres ont fixées concernant la fabrication, la distribution et la vente.
Ainsi, la contrebande de cigarettes et des autres produits du tabac est un phénomène mondial qui, au sein de l’Union européenne seule, entraîne une perte annuelle de plus de 10 milliards d’euros de recettes fiscales.
Très rentable, facile à mettre en œuvre et peu risqué, le commerce illicite de tabac de contrebande s’accroît. Il constitue un terreau propice à la marginalisation sociale et à la délinquance, mais surtout alimente considérablement le terrorisme et le crime organisé.
Selon le rapport du 30 mars 2015 du Centre d’analyse du terrorisme, « la contrebande et le trafic de cigarettes représentent plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes », un phénomène qui prend de l’ampleur depuis l’an 2000.
Nous proposons donc d’autoriser le recours à la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées dans les cas de contrebande de tabac en bande organisée, ce qui permettrait d’augmenter les moyens d’investigation des forces de l’ordre.
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mme Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Dallier et H. Leroy, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-73-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Délits de contrebande de tabac commis en bande organisée prévus à l’article 414 du code des douanes. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements qui visent à appliquer les nouvelles techniques d’enquête en matière de terrorisme ou de criminalité organisée à la contrebande de tabac, ce qui ne lui a pas semblé utile.
En revanche, ces amendements amorcent un débat que nous devrons avoir un jour, celui de la refonte de l’échelle des peines qu’il faudra adapter aux luttes que nous devons mener.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
M. François Bonhomme. Dans ces conditions, je retire ces amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 110 rectifié bis et 111 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 12 rectifié quater, présenté par MM. Grosdidier, H. Leroy et Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bouchet, Boutant, Brisson et Chaize, Mmes N. Delattre, Deromedi et Deroche, MM. Huré et Joyandet, Mme Kauffmann, MM. Kern et Guerriau, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Karoutchi, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Moga, Mme Micouleau, MM. Mayet, Mouiller, Perrin, Mandelli, Raison, Savary, Sol, Pellevat et Wattebled, Mme Vermeillet, MM. Pemezec et Longeot, Mme Thomas, M. Decool, Mmes Gruny, Noël, Puissat et de Cidrac, MM. Vogel et Savin, Mme M. Mercier, M. Mizzon, Mmes Lherbier et Billon, MM. Laménie et Daubresse et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 130-9 du code de la route, il est inséré un article L. 130-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 130-9-… – À titre expérimental, les constatations relatives aux infractions mentionnées aux chapitres 4, 5 et 6 du titre 3 du livre 2 peuvent faire l’objet d’un procès-verbal dématérialisé prenant la forme d’un enregistrement audio, accompagné d’une synthèse écrite.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d’État. »
II. – L’expérimentation prévue au I s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au second alinéa du même I, et au plus tard six mois après la date de promulgation de la présente loi.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Cet amendement reprend l’une des propositions formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, remis au Sénat en juillet dernier.
Certaines des pistes de réforme de la procédure pénale, remontées par les agents des forces de sécurité intérieure, paraissent mériter une attention particulière.
Il en est ainsi notamment de l’oralisation de certaines procédures. Les personnels de la police et de la gendarmerie souhaiteraient qu’une expérimentation soit menée sur ce sujet.
L’oralisation consisterait à faire de certains enregistrements audio des pièces de procédure à part entière qui seraient versées au dossier, au même titre qu’une pièce écrite, éventuellement accompagnées d’un procès-verbal de synthèse.
Rien ne permet en effet de postuler que seule la forme écrite garantit le formalisme de la procédure, dont le respect peut être aussi garanti par un enregistrement sécurisé.
Si une oralisation totale des procédures paraît exclue à ce stade, l’oralisation de certains actes de procédure, dans le cadre de procédures simples, comme le proposait d’ailleurs Jacques Beaume en 2014, mériterait néanmoins d’être mise en œuvre, à titre expérimental.
Il s’agit d’une attente forte que les forces de sécurité ont clairement exprimée lors des auditions menées par la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité.
Voilà, madame le garde des sceaux, une proposition concrète d’allégement du fardeau procédural des forces de sécurité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’oralisation des procès-verbaux est déjà expérimentée dans certains territoires et pour certains faits.
Cette méthode demande des investissements, mais elle peut faire gagner du temps aux enquêteurs si elle est réalisée en bonne intelligence sur le territoire. Comme l’a souligné M. Leroy, le rapport de la commission d’enquête relève l’intérêt de l’oralisation.
Pour ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je comprends parfaitement cet amendement pour avoir entendu cette demande de très nombreuses fois.
De prime abord, l’oralisation des procédures peut paraître extrêmement séduisante pour simplifier le travail des enquêteurs et leur permettre de se recentrer sur le cœur même de leurs tâches.
Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, le rapport Beaume et Natali reprend cette idée de l’expérimentation de l’oralisation pour les procédures simples.
Pour autant, il ressort de toutes les consultations que j’ai pu conduire que cette oralisation ne fait pas du tout l’unanimité au sein des services de la police et de la gendarmerie. Elle est aussi vivement critiquée par les magistrats et les avocats.
En effet, si le fait de procéder à un enregistrement audio accompagné d’une synthèse écrite, au lieu de rédiger un procès-verbal complet, semble, a priori, procurer un gain de temps, la réalité est bien différente : écouter les enregistrements, aller rechercher la pièce ou le morceau de phrase dont on aura besoin peut faire perdre un temps tout à fait considérable. Cela peut également entraîner des difficultés pour vérifier les constatations réalisées et examiner leur régularité.
Cette perte de temps sera préjudiciable non seulement aux magistrats et aux avocats, mais aussi aux enquêteurs, policiers ou gendarmes, sachant que ceux qui poursuivent l’enquête ne sont pas forcément ceux qui ont réalisé les constatations initiales.
Nous avons mis en place, avec le ministère de l’intérieur, un groupe de travail sur la simplification des tâches des enquêteurs qui a rendu ses conclusions voilà quelques jours, à Lille, devant Gérard Collomb, Gérald Darmanin – le régional de l’étape (Sourires.) – et moi-même.
M. Jean-Pierre Sueur. C’était une fête ! (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non, monsieur Sueur. Il ne s’agit pas non plus d’une quelconque annonce… (Nouveaux sourires.)
De nombreux éléments sont apparus pour réellement mettre en place des procédures simplifiées. Je pense, par exemple, au procès-verbal unique, qui existe déjà, mais qui n’est pas toujours utilisé par les services enquêteurs. Nous avons donc décidé, avec le directeur des affaires criminelles et des grâces et avec les services du ministère de l’intérieur, de créer des fiches pratiques que nous allons diffuser à l’ensemble des enquêteurs et qui, je l’espère, nous permettront de mettre en place des méthodes de travail simplifiées.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.
M. Henri Leroy. Il s’agit seulement, madame la ministre, de mener une expérimentation.
Et même si vous nous dites que l’oralisation ne fait pas l’unanimité, le lancement de cette expérimentation permettrait de satisfaire tous ceux qui se sont exprimés devant la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure et qui l’ont réclamée à plusieurs reprises.
Nous étions vingt et un sénateurs membres de cette commission, et je peux affirmer que la majorité des praticiens, et non des théoriciens, ont demandé de lancer cette expérimentation, ce qui me paraît nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je viens conforter les propos de M. Leroy : il s’agit seulement de mener une expérimentation.
Cette commission d’enquête, dont j’ai fait partie, a été unanimement d’accord pour préconiser cette expérimentation dans notre rapport. Il s’agit d’une demande qui remonte du terrain.
Par ailleurs, un rapport sera remis au terme des cinq années d’expérimentation. Il serait dommage de s’en priver, alors que nous devons renouer le lien avec nos forces de sécurité, mises à mal et très inquiètes quant à l’exercice de leurs fonctions et de leurs missions.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 32.
L’amendement n° 166 rectifié ter, présenté par M. Wattebled, Mme Mélot et MM. Guerriau, Houpert, Paccaud, Lefèvre, Moga, Henno, Decool, Huré, Laménie, Joyandet, Bonhomme, Bignon, Capus, Chasseing, Lagourgue, A. Marc, H. Leroy et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le recours aux données issues des objets connectés dans le cadre du traitement juridique d’une affaire.
La parole est à M. Dany Wattebled.