Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je comprends tout à fait vos préoccupations concernant les chercheurs en sciences humaines et sociales, mon cher collègue. Pour autant, je vous rappelle que le code de la recherche dispose que « les activités de recherche financées en tout ou partie sur fonds publics, réalisées par des opérateurs publics ou privés, sont évaluées sur la base de critères objectifs adaptés à chacune d’entre elles et s’inspirant des meilleures pratiques internationales. »
Il est donc déjà précisé dans la loi que les critères d’évaluation sont adaptés en fonction des disciplines.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Vous voyez bien que nous sommes en porte-à-faux. La discussion que nous avons mériterait d’être menée dans le cadre qu’a offert le Premier ministre aux chercheurs. Comme vous le dites très justement, madame la rapporteur, aujourd’hui, l’évaluation de chercheurs se fait en fonction de codes internationaux, mais qui ne sont pas du tout ceux que vous réclamez. Ils prennent en compte la bibliométrie, c’est-à-dire le rang des revues, qui est un critère politiquement tout à fait condamnable si l’on se soucie d’intérêt général.
Il faudrait remettre à plat avec les chercheurs, les scientifiques, tout le système d’évaluation. On pourrait notamment réfléchir à l’implication des chercheurs non seulement dans l’activité parlementaire, mais aussi dans les entreprises et les établissements privés.
Encore une fois, monsieur le ministre, notre discussion est malheureusement faible et trop ponctuelle. L’idéal serait d’arrêter l’examen de cet article pour reporter la totalité du débat sur ces points fondamentaux au grand débat que le Premier ministre va engager et qui est prévu pour durer six mois.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 41, modifié.
(L’article 41 est adopté.)
Article 41 bis
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 431-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-4. – Dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du présent code, un accord d’entreprise fixe les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération. Un décret fixe la liste des établissements et fondations concernés.
« Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.
« L’accord d’entreprise précise :
« 1° Les activités concernées ;
« 2° Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
« 3° Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
« 4° Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
« 5° Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.
« La rupture du contrat de chantier ou d’opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse. Cette rupture est soumise aux dispositions des articles L. 1232-2 à L. 1232-6 ainsi que du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du livre II de la première partie du code du travail.
« Si l’accord d’entreprise le prévoit, le salarié licencié à l’issue d’un contrat de chantier ou d’opération peut bénéficier d’une priorité de réembauche en contrat à durée indéterminée dans le délai et selon les modalités fixés par l’accord. »
Mme la présidente. L’amendement n° 646, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. C’est le dernier. De toute façon, il n’y a pas de débat. J’aurais souhaité une vraie discussion sur la forme, sur l’interaction entre ce que nous faisons maintenant et ce que le Premier ministre a proposé aux chercheurs, mais vous refusez ce dialogue. À mon sens, il serait plus correct à l’égard des chercheurs de leur dire qu’à l’orée de ce débat prévu pour durer six mois vous avez déjà pris des décisions sur lesquelles vous ne reviendrez pas, donc qui sont fermées à la discussion. C’est le cas pour l’innovation, comme on va le voir.
Avec cet amendement, on aborde le problème des statuts, pour lesquels vous proposez un nouveau système. Monsieur le ministre, aujourd’hui, mes collègues chercheurs sont soucieux d’une chose : la baisse drastique des recrutements au CNRS sur des emplois fixes. Il faut que nous ayons une discussion claire devant le pays à partir de la question suivante : est-il encore utile d’embaucher des chercheurs sur la longue durée ? Je vais vous dire ce que j’ai compris du discours du Premier ministre : effectivement, je le cite énormément, car son intervention de vendredi dernier m’a emporté… (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Roger Karoutchi. Revenez ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. J’ai pleinement adhéré à ce qu’il nous a proposé. (Exclamations.) Il a fait une apologie de la longue durée, ce qui me semble primordial. Il nous a dit que la science ne pouvait pas être dans l’événementiel, dans la réaction à chaud sur tous les événements. Bref, il a plaidé pour la durée.
Mme Sophie Primas. Comme en politique !
M. Pierre Ouzoulias. Moi, j’y ai vu une ouverture vers des carrières longues de chercheur. C’est un point sur lequel on doit discuter. Il ne faut pas le retirer du débat que va ouvrir Mme Frédérique Vidal. En toute honnêteté, elle devra dire à la science française sur quoi les discussions vont porter. Malheureusement, j’ai compris qu’un certain nombre de points en étaient retranchés. Monsieur le ministre, le Gouvernement doit cette explication aux chercheurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’article 41 bis, que nos collègues proposent de supprimer, a pour objet de permettre aux établissements de recherche de signer des contrats de chantier.
Quel est leur avantage ? Contrairement à ce que disent les auteurs de l’amendement, ils autorisent des durées de recrutement plus longues et plus protectrices pour les salariés. Ils offrent en outre des garanties en matière de formation pour ces mêmes salariés. Par ailleurs, afin de prévenir les abus, il est prévu que la rupture du contrat de chantier ou d’opération qui intervient à la fin du chantier, ou une fois l’opération réalisée, repose sur une cause réelle et sérieuse.
Pour conclure, je dirai que ces contrats offrent de nombreuses garanties aux salariés, tout en permettant de maîtriser la gestion du risque économique que font peser une activité et des financements par nature non pérennes dans le temps.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer. Je ne reprends pas les arguments de Mme la rapporteur, que je partage totalement, mais, j’y insiste, la proposition que nous faisons sécurise les chercheurs par rapport à l’état du droit existant.
Un autre moment politique va s’ouvrir pour débattre sur la recherche. Je me réjouis que vous souteniez avec autant de ferveur le Premier ministre. Cela me fait plaisir ! Cela illumine mon mardi ! (Exclamations amusées.)
Par ailleurs, ayant moi-même commencé ma carrière professionnelle comme chercheur, attaché à la longue durée puisque je travaillais sur Marcel Proust (Rires.), je reconnais bien volontiers la nécessité d’offrir du temps long aux chercheurs. Cependant, comme ministre de l’économie, je pense aussi que les Français sont impatients d’avoir des résultats dans le temps court. (Nouvelles exclamations amusées.)
Ce projet de loi PACTE vise justement à concilier les deux : vous aurez le temps long pour le débat sur la recherche avec le Premier ministre, notamment sur cet établissement prestigieux, et qui fonctionne remarquablement bien, qu’est le CNRS ; pour ce qui est du temps court, je vous recommande de soutenir tout ce qui vise à faire tomber les murs entre la recherche et l’entreprise, ce qui nous permettra de créer des emplois tout de suite. Je pense que les Français sont impatients de les voir maintenant.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous me tendez une perche : vous nous proposez donc la recherche du temps perdu ! (Rires.)
Il y a un télescopage entre le temps long et le temps court. L’archéologue que je suis connaît cela parfaitement : il y a les événements, puis le temps long de la recherche. Les chercheurs souhaitent vraiment que le dialogue qui commence avec eux soit sincère. Ils attendent qu’on leur dise exactement sur quoi il va porter. Je regrette vivement que l’on aborde déjà ici, à la sauvette, des questions de statut, de cadre d’emploi, alors qu’une réflexion générale s’impose. Monsieur le ministre, retournez vers eux et expliquez vraiment votre démarche. Je suis désolé, mais, aujourd’hui, je ne l’ai pas comprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela fait des années que l’on entend ce discours sur la nécessité d’avoir des contrats courts, adossés à l’entreprise. À mon sens, ce qui fait le lien entre la recherche et l’entreprise, ce n’est ni cela ni le statut rendu de plus en plus précaire des chercheurs, c’est plutôt le développement de stratégies industrielles autour d’un axe commun, pour relier l’évolution de nos productions, celle de nos sociétés et la recherche.
À ce sujet, je vous suggère de relire ce qu’ont dit tous les prix Nobel français en matière scientifique : dans leurs premières déclarations, ils rappellent toujours que, s’ils ont l’honneur de recevoir ce prix, c’est justement parce qu’ils ont eu la chance de travailler dans des structures de très long terme, où on ne leur imposait pas de canaliser leurs recherches vers une finalité immédiate.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas favoriser les recherches qui laissent entrevoir des débouchés industriels et technologiques immédiats. Pour autant, je le répète, tous nos prix Nobel récents en matière scientifique ont pu être distingués, car ils ont bénéficié de la garantie de durée offerte par leur statut. (Mmes Angèle Préville et Sophie Taillé-Polian applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 41 bis.
(L’article 41 bis est adopté.)
Article 42
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour :
1° Créer un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle afin de permettre aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d’un brevet, tout en veillant à prévenir les procédures d’opposition abusives ;
2° Prévoir les règles de recours applicables aux décisions naissant de l’exercice de ce droit ;
3° Permettre, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, d’autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des mesures prévues au 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous allons aborder des articles qui modernisent et renforcent le système de protection des titres de propriété, condition sine qua non tant pour encourager nos entreprises à innover que pour valoriser leur capital immatériel.
Les dispositions qui nous sont proposées obéissent à trois objectifs : adapter le niveau de protection ; renforcer la qualité des titres de propriété ; faciliter, notamment pour les PME, la défense de leurs titres de propriété en instaurant une procédure administrative d’opposition.
Ces dispositions sont indispensables pour la compétitivité de nos entreprises.
Or nous avons été nombreux à être interpellés avec insistance pour nous inviter à rejeter le dispositif proposé dans ce texte.
C’est pourquoi, je souhaiterais revenir sur les arguments avancés par les opposants à cette réforme et mettre un terme à certaines contrevérités.
On nous assure que le brevet français n’est pas si faible, puisque le taux d’annulation des brevets français serait inférieur à celui des brevets européens. C’est faux ! Depuis 2000, monsieur Yung, ce sont 41 % des brevets français qui sont annulés, contre seulement 23 % des brevets européens. Cela démontre donc qu’il y a un problème, lié à l’absence d’examen au fond des conditions de brevetabilité de l’invention par l’INPI.
De même, on veut vous faire croire que ce fameux examen au fond découragera les entreprises françaises de se tourner vers le brevet national au profit du brevet européen, en raison de l’augmentation des délais et des coûts. Là encore, c’est faux ! Actuellement, le coût de la procédure devant l’Office européen des brevets, l’OEB, est de près de 5 000 euros, contre 636 euros devant l’INPI pour les grandes entreprises, et 318 euros pour les plus petites. Les taxes de maintien en vigueur sont de plus de 1 000 euros par an auprès de l’OEB, contre 57 euros à 114 euros devant l’INPI.
Enfin, la durée moyenne d’instruction des demandes de brevet devrait, certes, légèrement augmenter, mais les délais de délivrance de brevets devraient être maîtrisés pour toutes les entreprises qui jouent le jeu, c’est-à-dire celles qui déposent un brevet dont l’objectif est de défendre une innovation.
En réalité, pourquoi certains s’opposent à ce que les pouvoirs publics renforcent la qualité des brevets français ? Certaines entreprises, souvent les plus grosses, utilisent ce système des brevets faibles et pas chers pour déposer beaucoup de brevets, souvent sans grande valeur, mais qui permettent de bloquer l’arrivée de concurrents. En effet, la PME concernée n’osera pas intenter des recours devant la justice en raison des coûts.
Ainsi, faire la promotion d’un brevet faible et pas cher, c’est pénaliser les PME et les start-up en maintenant un rapport de forces qui leur est défavorable. Finalement, elles ne sont pas incitées à innover. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 447 rectifié bis, présenté par M. Segouin, Mme de Cidrac, MM. Panunzi, Brisson, Pointereau, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Vaspart et Laménie, Mme Ramond, M. Pellevat, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Lefèvre, Daubresse, Rapin et Poniatowski, Mme Bories et MM. B. Fournier, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. L’article 42 a pour objet la création d’un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, ouvert aux tiers, et dont les modalités seront précisées par ordonnance. Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré.
Une telle disposition législative fragiliserait fortement le système de brevet français, dès lors qu’un risque d’opposition systématique et sans filtre serait théoriquement envisageable.
Si le renforcement de la sécurité et de la protection des brevets français est une nécessité pour les PME, ce droit d’opposition engendrerait pour les déposants des coûts administratifs importants, entre les taxes de dépôt, d’enregistrement, d’examen, etc.
Un tel dispositif constituerait un frein potentiel à la dynamique de recherche et à la valorisation des innovations françaises, dès lors que les nouveaux coûts induits par cette procédure d’opposition décourageraient les entreprises françaises de protéger leurs innovations sur leur propre marché.
Le système de brevet français est aujourd’hui simple et attractif du point de vue financier. Cette modification pourrait conduire certaines entreprises à abuser de ce système d’opposition. Par ailleurs, il faut savoir qu’un droit d’opposition judiciaire existe déjà en France. Le risque de cette nouvelle procédure, je le répète, serait de dissuader les entreprises de déposer des brevets dans notre pays.
Ce dispositif est en contradiction avec les démarches de simplification que nous avons entreprises depuis le début de l’examen du projet de loi PACTE. Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Mon cher collègue, je reste un peu perplexe devant l’exposé des motifs de votre amendement, qui me paraît contradictoire. En effet, vous craignez un risque d’opposition systématique tout en redoutant que les coûts induits par cette procédure ne découragent les entreprises de protéger leurs innovations.
En ce qui me concerne, je constate qu’il n’existe à l’heure actuelle qu’une seule procédure devant le juge. Elle effraie les PME et les empêche de se défendre, non pas seulement face à leurs concurrentes également PME, mais aussi face à des grands groupes, qui profitent de cette inégalité des entreprises devant la justice selon leur taille.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je rejoins totalement l’argumentaire de Mme la rapporteur et je veux insister sur l’importance de ce dispositif.
L’obligation de passer devant la justice pour annuler un brevet constitue un frein à l’innovation. Le fait qu’une entreprise puisse déposer un brevet déjà existant ou dépourvu de toute valeur oblige les PME qui utilisent ces dispositifs à payer des redevances, donc, à abandonner cette innovation.
En imposant d’attendre la décision de justice, on crée un frein considérable à l’innovation dans notre pays. Notre texte, qui donne la possibilité d’obtenir plus rapidement une annulation, permet de déblayer l’économie française des brevets infondés, facilitant ainsi la valorisation de la vraie innovation. Il est particulièrement intéressant pour les PME, qui pourront surmonter la barrière à l’innovation contenue dans cette procédure judiciaire.
J’insiste vraiment sur ce dispositif parce qu’il est très important. En vigueur dans la plupart des pays européens, il donne l’opportunité de nettoyer l’économie française des brevets qui ne seraient pas justifiés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, l’expérience le prouve, donner délégation au Gouvernement pour prendre des décisions par ordonnances nous expose au risque de voir ces ordonnances contenir des choses totalement inattendues !
Par principe, je suis contre les ordonnances. Je considère que, s’il y a lieu de modifier la loi, eh bien, il faut emprunter non la voie des ordonnances mais la procédure normale, c’est-à-dire passer par le Parlement. En effet, nous le savons, chaque fois que le Parlement délègue au Gouvernement le pouvoir d’agir par ordonnances, il laisse, quel que soit le domaine, le champ libre à l’administration. Et elle se livre à des choses absolument extravagantes, que nous n’aurions jamais laissé passer au sein de l’hémicycle !
Pour cette raison de forme, à laquelle je suis très attaché, je voterai contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Dans le système français actuel, il est très lourd et très compliqué de contester la validité d’un brevet délivré par l’INPI. Il faut aller devant le tribunal de grande instance et prendre un avocat, un conseil en brevet.
En ce sens, la proposition contenue par le texte me paraît positive. De plus, elle permettra de se prononcer sur la validité du brevet et sur ce qu’on appelle les « revendications », c’est-à-dire les différentes parties constitutives du brevet sur lequel le titulaire demande une protection.
Au-delà de cet aspect positif, nous sommes évidemment exposés à deux risques : premier risque, l’abus des oppositions, un domaine dans lequel, on le sait, les entreprises américaines sont particulièrement actives, cherchant à déposer des oppositions partout où elles le peuvent pour gêner la procédure et pratiquer ce qu’on appelle « la chasse au troll » ; second risque, une probable augmentation de coût provoquée par la création nécessaire de chambres d’opposition composées de quatre ou cinq ingénieurs, qu’il faudra payer.
Globalement, la proposition me paraît tout de même positive.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 447 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42.
(L’article 42 est adopté.)
Article 42 bis A (nouveau)
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 411-4, après le mot : « industrielle, », sont insérés les mots : « des demandes en nullité de dessins et modèles » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 512-4 est complété par les mots : « ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle » ;
3° À l’article L. 512-6, le mot : « judiciaire » est supprimé ;
4° Après l’article L. 512-6, il est inséré un article L. 512-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-7. – Les recours contre les décisions rendues à l’occasion des demandes en nullité de dessins et modèles sont des recours en réformation assortis d’un effet suspensif. » ;
5° Après le premier alinéa de l’article L. 521-3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les demandes en nullité peuvent également être introduites et instruites devant l’Institut national de la propriété industrielle dans les formes et conditions définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 824, présenté par MM. Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit, dans le prolongement de la discussion précédente, de supprimer la disposition créant une procédure d’opposition, qui n’existe pas en droit français, sur ce que l’on appelle les dessins et modèles, à savoir des titres de propriété industrielle couvrant des inventions de forme et, en général, d’une durée de vie relativement brève, de un à deux ans. Cela peut concerner, par exemple, dans le domaine de la mode, différents types de dessins, de tissus, d’articles, etc.
Cet article tend à mettre en place un système d’opposition permettant d’obtenir, devant une chambre d’opposition de l’INPI, l’annulation d’un dessin et modèle.
La proposition me semble prématurée pour deux raisons. D’abord, il faut avoir les moyens d’effectuer une recherche de nouveauté, pouvoir regarder, parmi tout ce qui existe, s’il y a déjà eu un dessin et modèle du même genre, ce qui est assez lourd et compliqué car cela suppose d’élaborer des bases de données. Ensuite, nous n’avons pas encore les conclusions de l’étude menée par la Commission européenne sur les différents types de protection de dessins et modèles à l’intérieur de l’Union européenne.
Pour l’ensemble de ces raisons, il me paraît préférable d’attendre et de surseoir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. En effet, cet article 42 bis A complète le dispositif en étendant aux dessins et aux modèles ce que l’actuel projet de loi instaure pour les marques et les brevets et auquel nous ne sommes pas, les uns et les autres, opposés.
Mon cher collègue, vous vous inquiétez de la capacité de l’INPI à gérer ces nouvelles missions. Je vous rappelle qu’un délai de deux ans après la promulgation de la loi a été prévu pour l’entrée en vigueur de cette disposition, afin de laisser aux équipes de cet organisme le temps de monter en compétences.
Vous évoquez une éventuelle réforme de la directive sur la protection juridique des dessins et modèles de 1998. Or la Commission n’a même pas encore publié le Livre vert à ce sujet. Il me paraît opportun que la France anticipe les évolutions législatives et renforce la qualité des titres de propriété délivrés sur son territoire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Une fois n’est pas coutume, je vais avoir un avis différent de celui de Mme la rapporteur. Je suis en effet assez sensible aux arguments développés par le sénateur Yung, soulignant qu’une procédure est en cours au sein de l’Union européenne et qu’il vaut mieux attendre son aboutissement.
J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42 bis A.
(L’article 42 bis A est adopté.)
Article 42 bis
I. – L’article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au 4°, le mot : « manifestement » est supprimé ;
1° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Dont l’objet n’est pas susceptible d’application industrielle au sens du 1 de l’article L. 611-10 et de l’article L. 611-15, ou ne peut pas être considéré comme une invention au sens du 2 de l’article L. 611-10 ; »
2° Après le mot : « alors », la fin du 7° est ainsi rédigée : « qu’il résulte du rapport de recherche que l’invention n’est pas nouvelle ou n’implique pas d’activité inventive ; ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux demandes de brevet dont le rapport de recherche a été notifié au déposant à compter de la date d’entrée en vigueur du I.