M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, je retiens votre dernière formule. Même si le mieux est l’ennemi du bien, je ne peux que vous inciter, même si vous avez bien conscience du problème, à continuer ce travail de décorsetage et de « facilitation » à l’échelon tant franco-français qu’européen. Ce dernier échelon n’est jamais qu’une part de nous-mêmes, puisque, en cette matière, notre pays est tout à fait codécideur.
Je vous remercie de votre action de simplification et d’amélioration pour nos agriculteurs.
programme leader 2014-2020
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, auteur de la question n° 638, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le ministre, un grand quotidien national titrait en première page le 19 mars dernier : « Aides européennes, un fiasco français ». Vous l’avez compris, je souhaite évoquer la situation du programme européen de liaison entre actions de développement de l’économie rurale, ou programme Leader.
Au mois de septembre 2016, deux ans après le début de la période de programmation, l’association Leader France nous alertait. Deux tiers des conventions n’avaient pas été signés. La désorganisation des régions était principalement pointée du doigt à la suite de leur mouvement de fusion et de réorganisation.
En 2018, la même association appelait à un plan de sauvetage face au retard accumulé dans l’engagement et le paiement des projets. Les régions, devenues autorités de gestion sans toutefois en maîtriser ni l’instruction ni le paiement, espéraient alors pouvoir résorber le retard.
Alors que près de 700 millions d’euros de fonds européens ont été accordés à la France, seuls 13,5 % des fonds ont été programmés à ce jour et 5 % ont été payés en France. Dans le plus récent classement européen, la France se situe en avant-dernière position devant la Slovaquie en matière de consommation des fonds.
Dans mon territoire, en particulier pour le Leader du pays de Gâtine, depuis le 29 février 2016, 80 porteurs de projets ont été accompagnés : 67 ont déposé des dossiers, 12 comités de programmation ont été tenus, 36 dossiers ont été validés, mais seulement 14 demandes de paiement ont pu être envoyées en instruction et, à ce jour, 1 seul dossier a été payé… Alors que 1 614 745 euros ont été alloués au pays de Gâtine, combien pourra-t-il en consommer ?
Symboliquement, c’est l’idée européenne qui pâtit de notre incapacité à nous organiser et à bâtir un système efficient aux dépens d’un système administré et nébuleux.
On nous dit qu’une année pourrait être accordée en plus pour récupérer ce retard. Quant à la renégociation des nouveaux dispositifs, la France sera-t-elle en mesure de demander de nouvelles enveloppes significatives ?
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas responsable du circuit de gestion français du programme Leader, mais que comptez-vous faire avec les régions pour sauver durablement le bateau Leader avant qu’il ne finisse par s’échouer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Morisset, que voulez-vous que je vous dise ? Vous avez raison ! La situation est incroyable, inacceptable : si, à un mois des élections, la France perdait 700 millions d’euros et devait les rendre à l’Union européenne, nous aurions bien du mal, vous et moi, à convaincre nos concitoyens d’aller voter pour cette belle idée qu’est l’Europe – parce que c’est une belle idée.
Sur ce dossier, la complexité est réelle. Cela montre combien la future PAC devra être beaucoup plus simple d’utilisation, beaucoup plus simple dans les relations entre l’État et les régions afin que l’on ne se retrouve plus dans cette situation.
Nous parlons de 700 millions d’euros pour la PAC 2014-2020 destinés à des projets en milieu rural. Je partage votre avis, monsieur le sénateur, nous connaissons la situation de nos territoires.
Cette enveloppe – et c’est pour cela qu’on ne pourra pas continuer ainsi dans la prochaine PAC – a la particularité d’être mise en œuvre par les groupes d’action locale sous la responsabilité des conseils régionaux : cela fait déjà trois structures ! Depuis 2014, cela relève de la responsabilité des conseils régionaux, qui ont sélectionné 340 groupes d’action locale et qui ont en charge la sélection et l’instruction des projets.
L’État est lui chargé de la production des outils informatiques nécessaires à l’instruction et au paiement.
Depuis le mois de mars 2018, le Gouvernement a renforcé sa mobilisation en tant que facilitateur pour appuyer l’action des régions, dans le cadre d’un plan de sauvetage de Leader. C’est en effet un plan de cette nature qu’il faut mettre en œuvre.
Le premier point a été de livrer les outils informatiques nécessaires à l’instruction des dossiers.
Le Gouvernement a aussi mis en place un groupe d’échange entre les régions et l’Agence de services et de paiement pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques des régions les plus en avance ; il y en a pour lesquelles cela marche plutôt bien et sur lesquelles je veux m’appuyer.
Enfin, au mois d’avril 2018, l’État a déployé un programme de formation et d’accompagnement des personnels des régions chargés de l’instruction. Je regrette néanmoins que toutes les régions n’aient pas souhaité y participer.
Aujourd’hui, le rattrapage du retard accumulé relève de la compétence des conseils régionaux. Cette situation illustre bien la nécessaire simplification des responsabilités pour la future PAC. Les services du ministère, que j’appuie, mettent tout en œuvre avec les régions pour y arriver.
Il serait absolument inacceptable de perdre cet argent. J’ai évidemment commencé à discuter et à négocier à l’échelon européen, afin que, pour le cas où nous n’arriverions pas à rattraper l’ensemble du retard, nous puissions reporter l’enveloppe.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour la réplique.
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le ministre, il faut se rappeler que, en 2013, la France a restitué 1,2 milliard d’euros d’aides européennes qu’elle n’avait pas utilisées.
M. Jean-Marie Morisset. Il faut éviter que cela ne se reproduise. Vous m’en avez donné l’assurance.
Il est vrai que les régions sont totalement mobilisées pour sauver le programme Leader. Elles ont mis en place des plans de sauvetage des porteurs de projet. Elles déploient des moyens considérables en termes de personnels. Certaines financent même des avances de trésorerie. D’autres ont fait le choix de financer directement sur leurs crédits propres les projets urgents.
Tout cela sera-t-il suffisant ? Il est à craindre que de nombreux projets ne restent dans les cartons et que des porteurs de projets ne se trouvent en difficultés. En effet, les règles se sont tellement complexifiées depuis le dépôt de leur dossier…
M. Jean-Marie Morisset. … qu’ils risquent de ne pas retrouver l’aide demandée au moment du règlement final.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation de trois parlementaires de l’Assemblée nationale du Koweït, conduite par M. Abdulkarim Al Kandari, président de la commission des affaires étrangères. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, se lèvent.)
La délégation est accueillie au Sénat par les membres du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, présidé par notre collègue Jean-Marie Bockel. Elle se trouve en France dans le cadre d’une visite d’étude consacrée au renforcement des liens entre l’Assemblée nationale du Koweït et le Parlement français.
Après une réunion de travail avec nos collègues du groupe d’amitié, la délégation sera notamment reçue par le président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, notre collègue Christian Cambon.
Cette visite fait suite à la mission menée au Koweït par une délégation du groupe d’amitié du Sénat en décembre dernier, qui a permis de souligner l’importance et l’intérêt des échanges entre nos parlements, ainsi qu’à une précédente mission koweïtienne, organisée en juin 2018.
Le dynamisme de notre relation interparlementaire souligne aussi le rôle institutionnel du Parlement au Koweït. Il pourrait trouver une nouvelle expression dans des contacts prochains au niveau des présidents de nos deux assemblées, au Koweït ou en France.
Mes chers collègues, permettez-moi, en votre nom à tous, de souhaiter à nos homologues de l’Assemblée nationale du Koweït une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État, applaudissent longuement.)
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Croissance et transformation des entreprises
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte n° 382, résultat des travaux de la commission n° 416, rapport n° 415).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, ou Pacte, un texte dont vous savez à quel point il est attendu par notre économie.
Nous avons eu de longs débats, en commission spéciale puis en séance publique. Nous avons amélioré le texte ensemble, parce que, en tant que représentants des territoires, vous connaissez mieux que quiconque les besoins des entreprises. Vous savez qu’une entreprise ne se définit pas en premier lieu par sa taille ou son activité, mais par son territoire. Grâce à cette expertise, nous avons pu affiner le texte.
Vous savez que Pacte est attendu par les salariés, impatients de bénéficier, notamment, des nouveaux dispositifs d’intéressement et de participation et d’être mieux associés à la gouvernance de leur entreprise.
Attendu, Pacte l’est aussi par les chefs d’entreprise, impatients de voir mises en œuvre les simplifications importantes prévues en matière de création d’entreprise, d’embauche et de rebond. Ils attendent la simplification des registres, des déclarations administratives et de la transmission des entreprises. Ils attendent aussi la simplification des seuils sociaux.
Attendu, Pacte l’est en outre par les épargnants, auxquels la réforme de l’épargne retraite garantira plus de flexibilité, de liberté et de transparence.
Attendu, Pacte l’est encore par les jeunes générations, car nous redéfinissons le rôle de l’entreprise dans la société en lui donnant la possibilité de se doter d’une raison d’être. Les jeunes générations attendent des entreprises qu’elles donnent un sens à l’économie, qu’elles se battent pour l’inclusion et pour une croissance durable : c’est ce que nous avons voulu affirmer en modifiant le code civil.
Enfin, Pacte est attendu par notre industrie, car toutes ces mesures vont permettre de lever les blocages qui limitent la réindustrialisation de tous les territoires de France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en ai la conviction : la France fait face à des défis historiques, sûrement les plus brutaux et les plus décisifs des dernières décennies. En effet, les révolutions technologiques menacent de reléguer notre économie dans les dix prochaines années, non pas à la septième ou à la huitième place dans l’ordre des économies mondiales, mais à la dixième, voire à la quinzième, derrière le Mexique, le Brésil ou l’Indonésie.
Dans ce contexte, nous devons changer de modèle de croissance et de consommation, pour le rendre plus durable. Dans le même temps, nous devons répondre à la hausse des inégalités depuis une décennie.
Le projet de loi Pacte répond à ces défis. Le rejeter, ce serait se résigner à ne pas les relever ; ce serait préférer abandonner notre souveraineté technologique, le combat pour une croissance durable et pour un capitalisme plus respectueux, plus égalitaire et plus conforme à notre tradition européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous aurions souhaité que la commission mixte paritaire soit abordée de façon beaucoup plus positive et soit conclusive. Tel n’a, hélas, pas été le cas.
Nous le déplorons d’autant plus que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Peut-être pourrons-nous nous consoler en considérant que, sur les 225 articles du texte, 114, soit un peu plus de la moitié, ont été votés conformes. Il n’en demeure pas moins que, sur un certain nombre de sujets extrêmement importants, un accord n’a pas pu être trouvé entre les deux chambres, ce qui est tout à fait regrettable.
Ce matin, madame la secrétaire d’État, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, a évoqué de façon plutôt positive les réformes menées en France pour favoriser la croissance.
M. Richard Yung. C’est vrai !
M. Michel Canevet, rapporteur. Il faut poursuivre dans cette direction.
Pour cela, nous avons, au Sénat, la conviction qu’il faut continuer à simplifier la vie des entreprises. Malheureusement, sur un certain nombre de points, nos propositions pour aller un peu plus loin en ce sens n’ont pas été retenues.
S’agissant des commissaires aux comptes, ils auraient accepté la version évolutive proposée par le Sénat – ma collègue Élisabeth Lamure y reviendra.
Des dispositions importantes touchent à l’orientation de l’épargne vers l’économie. Il est essentiel que des moyens financiers soient alloués à nos acteurs économiques pour leur permettre de se développer en France. Or, dans mon département, Finistère Angels, qui participe au capital de petites entreprises, a investi 148 000 euros en 2018, contre 1,4 million d’euros l’année précédente, et la tendance est la même dans les autres départements bretons : preuve qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire dans ce domaine.
Nos regrets concernent notamment les taux dérogatoires pour le forfait social, qui n’ont pas pu être unifiés à hauteur de 10 % – un objectif vers lequel il faudrait tendre aussi pour la fiscalisation de l’intéressement et de la participation, des dispositifs de la plus haute importance pour favoriser l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise.
Nous aurions souhaité aussi que le salarié ait une liberté de choix plus grande pour l’affectation de son épargne, entre placements longs, notamment pour la retraite, et perception immédiate.
En ce qui concerne l’accord d’intéressement, nous aurions voulu qu’il soit un peu simplifié : lors des récentes rencontres salariales de l’épargne organisées par l’association Fondact, auxquelles, madame la secrétaire d’État, vous avez également assisté, j’ai entendu des chefs d’entreprise expliquer qu’il faudrait pouvoir conclure des accords à tout moment de l’année. Cela nous semble tout à fait logique : pourquoi attendre, parfois longtemps, quand on s’est mis d’accord ?
J’appelle aussi l’attention du Gouvernement sur les risques très élevés de contentieux liés à la modification du code civil opérée par l’Assemblée nationale. Il me semblait que la formulation adoptée par le Sénat réduisait ces risques. Je regrette qu’elle n’ait pas été retenue.
Les sociétés à mission prévues à l’article 61 septies sont un concept intéressant, mais il eût fallu que les entreprises puissent librement s’organiser. Au lieu de quoi l’Assemblée nationale a fixé un cadre à notre sens trop contraignant.
L’article 62 quinquies, qui prévoit la nullité des délibérations si la parité n’est pas respectée, présente aussi des risques juridiques extrêmement forts. Il faut être vigilant à cet égard.
Par ailleurs, nous devrions éviter de nous trouver en situation de sur-transposition, ce qui est le cas en matière de transparence des rémunérations comme de responsabilité de plein droit des agences de voyages.
S’agissant enfin du recours aux ordonnances, si nous nous félicitons d’avoir pu introduire des évolutions en ce qui concerne le gaz et la dématérialisation des factures, cela n’a pas été possible pour l’électricité, alors que nous avions accompli un travail important sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au début de ces débats, je veux vous faire part du sentiment de déception partagé par les trois rapporteurs : le projet de loi Pacte a été dévoyé par les privatisations, qui auraient dû faire l’objet d’un projet de loi distinct. De fait, cette question, qui ne concerne nullement les entreprises, a masqué tout le reste, y compris dans les médias, au détriment même de la communication du Gouvernement envers les entreprises.
En dehors des privatisations, ce texte aurait pu, et même aurait dû recueillir une large majorité dans les deux assemblées, autour de mesures utiles, à défaut d’être toujours ambitieuses ou novatrices.
Des ouvertures étaient possibles sur de nombreuses dispositions, comme nous l’avons constaté en première lecture, mais peu ont été suivies d’effet, même si un certain nombre d’apports du Sénat – pas les plus importants – ont été conservés par l’Assemblée nationale. Nous avons le sentiment que ces ouvertures ont été victimes des privatisations, alors qu’elles prolongeaient la logique initiale du projet de loi, au service des entreprises.
Sur la question des seuils d’effectifs, par exemple, nous avons relevé à cent l’ensemble des seuils aujourd’hui fixés à cinquante salariés dans le code du travail, un niveau qui constitue un réel frein à la création d’emplois et à la croissance des entreprises. Nous étions prêts à trouver un compromis autour de soixante-dix, un seuil qui a du sens du point de vue économique, tout en excluant du dispositif les institutions représentatives du personnel. Nos collègues députés n’ont pas saisi cette occasion.
S’agissant de la réforme du contrôle légal des comptes, je rappelle que nous en avons accepté l’économie générale, alors même que nous avions de sérieuses réserves quant à son incidence sur la sécurité financière des sociétés, sur la profession et sur le maillage territorial des petits cabinets.
Outre des modalités de contrôle renforcées dans les groupes, nous avons proposé un report de l’entrée en vigueur de la réforme à 2021, pour permettre à la profession de s’adapter à ce changement brutal et de développer de nouveaux services. Sauf pour l’outre-mer, ces ajustements n’ont pas non plus été pris en compte, et la réforme s’appliquera dès le 1er septembre 2019.
L’Assemblée nationale n’a pas davantage conservé le droit pour les actionnaires minoritaires d’obtenir la désignation d’un commissaire aux comptes, même si elle a réintroduit cette faculté, sous une autre forme, me semble-t-il, dans la proposition de loi sénatoriale de simplification du droit des sociétés, examinée à la fin du mois de mars dernier et qui devrait revenir prochainement devant notre assemblée.
En ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires, si les députés ont conservé l’essentiel des dispositions adoptées par le Sénat, ils sont néanmoins revenus sur plusieurs points. Ils ont ainsi rétabli l’obligation pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat au niveau régional d’adopter après chaque renouvellement un plan de mutualisation des actions. Ils ont réintroduit le dispositif, que le Sénat avait jugé inutile, visant à limiter le nombre de mandats d’un président de chambre de commerce et d’industrie.
L’Assemblée nationale a également rétabli son dispositif de première lecture tendant à confier à CCI France le monopole de la représentation des intérêts nationaux des chambres de commerce et d’industrie et à lui permettre de fixer des règles de recrutement des directeurs généraux de chambre. Elle a rétabli l’obligation de conclure des conventions avec les régions pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
S’agissant du stage préalable à l’installation pour les artisans, l’Assemblée nationale a supprimé de nouveau purement et simplement toute obligation, alors que le Sénat avait proposé, dans une démarche de compromis, d’assouplir les modalités actuelles du stage, tout en lui conservant un caractère obligatoire.
À l’instar de notre commission spéciale, qui n’a pas été suivie en séance publique, l’Assemblée nationale a aussi fait le choix de maintenir la faculté pour l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvu d’activité inventive ou d’application industrielle. Il faudra veiller, madame la secrétaire d’État, aux moyens humains de l’INPI, pour que celui-ci puisse assurer de manière effective cette nouvelle mission.
Pour ce qui est de l’interdiction des produits en plastique à usage unique et des produits phytopharmaceutiques, l’intervention du Sénat a été utile, en permettant de revenir sur les excès de textes récents. Nos collègues députés ont globalement suivi nos propositions sur le fond, ce dont il faut se féliciter.
Enfin, l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a renoncé à la création d’une nouvelle délégation parlementaire à la sécurité économique, votée en première lecture sans aucune concertation avec le Sénat. Sur ce point, le dialogue bicaméral a permis de revenir à la raison.
Mes chers collègues, nous nous sommes efforcés, tout au long du parcours parlementaire de ce texte, de mieux accompagner la croissance et la transformation des entreprises. Force est de constater que l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne nous a pas suffisamment suivis.
C’est notamment pour cela que la commission spéciale a fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi, motion qui sera défendue par Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot. (MM. Laurent Duplomb et Didier Mandelli applaudissent.)
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n’aime pas les questions préalables, par principe, parce qu’elles nient le rôle d’une assemblée parlementaire, qui est d’améliorer les textes. Elles traduisent une incapacité à apporter un mieux à la loi.
M. Richard Yung. Très juste !
M. Philippe Adnot. Je ferai pourtant une exception cet après-midi… (Exclamations amusées.)
M. Roger Karoutchi. À la bonne heure !
M. Philippe Adnot. Je pense en effet que ce projet de loi aurait mérité d’être divisé en plusieurs textes : en mélangeant tous les sujets, on a fermé la discussion, alors même que l’ambiance générale actuelle, qui pousse au dialogue et à l’échange, plaidait pour le contraire.
J’ai d’autant plus de regrets que ce texte, au départ, nous laissait quelque espoir de redynamiser l’économie. Certes, on y trouve des dispositions utiles, mais il y a aussi de nombreux rendez-vous manqués. Je pense en particulier aux seuils sociaux : attendu et espéré, ce texte aurait pu être efficace pour l’emploi ; en définitive, il sera compliqué, illisible, ne satisfera personne et desservira l’emploi – personne n’y comprendra rien, et les entreprises ne s’engageront pas pleinement.
Heureusement, il y a quelques motifs de satisfaction. Chacun trouvera le sien. Pour ma part, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait conservé la disposition que nous avons été plusieurs à proposer permettant aux chercheurs d’accroître de 20 % à 32 % leur participation au capital et leurs droits de vote. Reste que cela fait une maigre récolte…
Je n’aime pas les maigres récoltes : je voterai donc la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (M. Alain Marc applaudit.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Comme, manifestement, c’est la dernière fois, je tiens, au nom du groupe Les Indépendants, à saluer de nouveau le travail de la commission spéciale et de ses trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Michel Canevet et Jean-François Husson, sous la présidence de Catherine Fournier. Notre commission a apporté de nombreuses modifications au texte, dans un esprit à la fois constructif et exigeant ; un certain nombre d’entre elles est resté.
La commission spéciale a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.
Par principe, comme l’orateur précédent, je le regrette, parce que je pense que le débat est toujours utile en soi, même quand on craint de ne pas avoir le dernier mot. Par principe, je ne ferai pas d’exception : je ne voterai donc pas la motion. En effet, notre rôle, en tant que sénateurs, est de porter la voix des territoires dans le débat public.
M. Richard Yung. Très bien !