PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Mon rappel au règlement concerne le déroulement des réunions en commission.
Il arrive que les délais prévus pour débattre au sein des commissions ne soient pas suffisants. Ainsi m’a-t-on dit ce matin lors d’une de ces réunions – ce n’est pas la première fois que ça arrive, raison pour laquelle je soulève le problème – que, l’ordre du jour étant très long, ce n’était pas la peine que je défende des amendements, car je pourrai le faire lors de la séance publique.
Si des réunions en commission sont prévues, c’est bien pour qu’on puisse y défendre des amendements, et non pour qu’on nous dise de le faire en séance ! J’ai quitté cette réunion de la commission des lois, considérant que ce n’était pas correct.
Je voudrais qu’on veille à ce que, comme le règlement du Sénat nous y oblige, les dossiers à l’ordre du jour soient traités complètement lors des réunions en commission et que nous ne soyons pas tributaires de telle ou telle contrainte liée à l’ordre du jour ou aux délais de discussion !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Masson.
4
Candidatures à une commission spéciale
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.
En application de l’article 8 bis, alinéa 3, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Création du Centre national de la musique
Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique (texte de la commission n° 725 [2018-2019], rapport n° 724 [2018-2019]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour donner la touche finale à la proposition de loi créant le Centre national de la musique, qui, plus qu’attendu, était espéré par toute la profession depuis 2011, date à laquelle un certain député Franck Riester l’avait évoqué pour la première fois dans un rapport. Il aura fallu attendre que ce député accède à la fonction de ministre de la culture pour que ce véritable serpent de mer englué dans les sables politiques et administratifs voie enfin le jour. Comme quoi, la persévérance et la continuité paient !
Il a cependant été nécessaire – je tiens à le rappeler – de joindre à vos efforts, monsieur le ministre, ceux de l’Assemblée nationale. La proposition de loi déposée par Pascal Bois et plusieurs députés, elle-même précédée d’un important travail d’analyse mené avec Émilie Cariou, à laquelle je voudrais également rendre hommage, a permis à ce projet de trouver enfin une forme concrète, précise, et de vaincre les scepticismes et les oppositions, et ils furent nombreux.
Le Sénat, qui a toujours soutenu la filière musicale et les artistes, notamment du côté de sa commission de la culture, a bien volontiers choisi de jouer le jeu. C’est donc très naturellement que notre commission a travaillé, consciente de la fragilité des équilibres atteints avec la profession, mais déterminée à faire progresser les thèmes qui lui sont chers.
Je veux citer comme étant des apports fondamentaux de notre assemblée : l’inscription des notions d’égale dignité des répertoires ainsi que celle, si importante pour nous et notre présidente Catherine Morin-Desailly, de droits culturels au sein même du corpus de règles qui doivent présider au fonctionnement du CNM ; le renforcement de la mission transversale de développement territorial, en octroyant au CNM la possibilité de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec les collectivités territoriales et les acteurs de la filière musicale ; l’élargissement de la composition du conseil professionnel à l’ensemble des organisations concernées par l’action du CNM, afin de permettre aux collectivités territoriales et aux structures publiques de la musique en régions d’y siéger.
Le très large accord recueilli en commission, puis en séance publique au Sénat, sur la proposition de loi permettait d’espérer une commission mixte paritaire conclusive. Celle-ci s’est réunie le 17 septembre dernier, et je suis heureux de dire qu’elle s’est achevée assez rapidement par un accord qui conserve l’intégralité des apports du Sénat. Il semble d’ailleurs, depuis quelque temps, régner en matière culturelle une heureuse convergence de vue entre les deux assemblées. Cela marque, j’en suis intimement persuadé, que, en matière de création et de soutien aux artistes, les députés et les sénateurs sont liés par une vision commune et, surtout, partagée de l’intérêt général. Je suis d’ailleurs heureux de pouvoir souligner la qualité de nos échanges avec Pascal Bois, auteur de la proposition de loi et rapporteur, ainsi qu’avec vous-même et vos services, monsieur le ministre : vous avez contribué à faire de cette proposition de loi de l’Assemblée nationale un texte qui nous rassemble.
Maintenant, nous n’allons pas nous contenter d’avoir adopté une belle loi bien écrite. Derrière le texte, il y a la réalité de cette structure à créer et à faire vivre au service de la musique. Il reste encore quelques écueils sur le chemin, et pas des moindres.
Premier écueil : la question des moyens, et tout d’abord ceux attribués par l’État.
Le projet de loi de finances pour 2020 a levé une partie des doutes, en affectant 7,5 millions d’euros au CNM, auxquels il faut ajouter un demi-million d’euros en provenance du CNV.
Sans déflorer un débat budgétaire que nous aurons dans quelques semaines, et qui sera mené par notre rapporteure Françoise Laborde, je tiens, à titre personnel, à exprimer ma satisfaction quant à ce montant, qui correspond à environ un tiers de l’objectif cible de 20 millions d’euros. Cette somme devrait permettre au CNM d’amorcer ses travaux lors de sa première année de fonctionnement. Ainsi, le CNM ne devrait pas passer du statut peu enviable de serpent de mer à celui, encore moins enviable, de coquille vide !
Ma satisfaction est toutefois tempérée, car je ne trouve nulle trace d’un quelconque engagement pour les années à venir. Et si les mots ont un sens, leur absence est parfois tout aussi éloquente…
Sachez donc, monsieur le ministre, que nous serons vigilants à ce que l’État assume bien sa part au long cours et dans des proportions propres à susciter l’enthousiasme et joue un rôle incitatif à l’égard des financeurs privés.
Parlons-en, justement, des opérateurs privés.
Certaines craintes ont été émises sur la capacité et la volonté des organismes de gestion collective à abonder le CNM. Le conflit, maintenant porté devant les tribunaux, qui oppose deux d’entre eux – et pas des moindres – pourrait menacer a minima les premiers pas du Centre.
Je regrette personnellement ce conflit qui oppose, pour schématiser, « petits producteurs » et « majors », au moment même où la maison commune qu’est le CNM se constitue. Sur cette affaire, monsieur le ministre, je serai heureux d’avoir votre sentiment.
Après la question des moyens, le second écueil est la participation des professionnels.
Nous le savons, tout n’est pas dans la loi. Tout le monde attend avec intérêt – avec angoisse, devrais-je dire – la parution du fameux décret prévu à l’article 2 sur la composition du conseil d’administration et du conseil professionnel. Je sais que les concertations ont d’ores et déjà été lancées, mais il ne faut pas que le délai entre l’accord en CMP et l’adoption définitive du texte accentue la méfiance. En la matière, il vous faudra aller vite au risque de peiner certains, pour ne pas lester de rancœur la création du CNM.
Cette question est d’autant plus sensible que, je le rappelle, les acteurs de la filière musicale sont aujourd’hui globalement majoritaires dans la composition des conseils d’administration des cinq organismes qui devraient disparaître au profit du CNM. Il est absolument essentiel que les différents acteurs de la filière musicale n’aient pas le sentiment d’un marché de dupes en intégrant cette maison commune, faute de quoi le risque serait que certaines des associations de droit privé refusent in fine de rejoindre le CNM, ce qui ferait perdre beaucoup de son intérêt au projet.
De même, je vous invite à prendre tout particulièrement en considération la place éminente des collectivités territoriales, qui sont directement intéressées par l’action du Centre.
Les défis sont donc nombreux !
Le futur CNM pourra cependant s’appuyer sur la mission confiée à Catherine Ruggeri, qui me paraît tout à fait en ligne avec les ambitions élevées que nous nourrissons, que vous nourrissez, monsieur le ministre, pour le Centre. Catherine Ruggeri effectue un travail remarquable de rassemblement de tous. Je tiens à saluer ici son engagement et à souhaiter que ses compétences ainsi que ses qualités de diplomatie et d’indépendance puissent continuer à bénéficier au secteur.
Pour conclure, je voudrais donner les trois orientations qui, selon moi, devraient présider à la naissance du CNM.
Première orientation : l’unité. Cette maison doit être celle de toutes les musiques, de tous les musiciens, et ne pas hésiter au passage à aller vers un monde amateur si riche et vivant.
M. Julien Bargeton. Absolument !
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Or, comme nous le savons, l’unité est un combat qui suppose, pour être remporté, de l’écoute – d’autant plus en matière musicale – et le respect des autres. J’adresse donc solennellement aux futurs responsables du CNM et à ses grands acteurs un avertissement : le succès sera celui de tous ! Si échec il y a, il sera lourd de conséquences pour tous, car l’effort que fait aujourd’hui l’État pourrait ne pas se retrouver avant plusieurs longues années.
Deuxième orientation : la conscience des défis à venir. Le CNM devra rapidement se saisir des lourds dossiers qui préoccupent la filière musicale. Je veux en citer trois qui me paraissent particulièrement d’actualité.
Il s’agit, tout d’abord, de la défense de la conception européenne du droit d’auteur, régulièrement attaquée, pour lui substituer la notion anglo-saxonne de copyright et le partage de la valeur entre les différents intervenants. Le futur projet de loi audiovisuel sera, je pense, l’occasion pour nous de réaffirmer notre vision et, pour le Centre, d’élaborer avec la profession une position commune.
Vient, ensuite, la concentration dans le secteur de la musique. Sur ce point, qui relève aujourd’hui davantage de l’intuition, nous avons cruellement besoin de données. C’est l’une des raisons pour lesquelles la création du CNM était si importante, car elle devrait enfin permettre le lancement de l’observatoire de l’économie de la musique, prévu par la loi LCAP, mais jamais mis en place depuis. Cet observatoire permettra enfin d’avoir une meilleure connaissance du secteur, une connaissance que je juge indispensable pour définir des politiques publiques plus adaptées, comme le souhaite l’ensemble des acteurs de la filière musicale.
N’oublions pas que les questions de concentration agitent aujourd’hui particulièrement le secteur des festivals musicaux. C’est une question urgente si nous voulons préserver le dynamisme de nos festivals, déjà mis à mal par la hausse des coûts de sécurité et des normes en la matière de plus en plus élevées.
Enfin, le dernier dossier de cette liste, bien entendu non exhaustive, est l’impact sur la diversité culturelle des algorithmes mis en œuvre par les services de streaming.
Ce dernier point, et le nécessaire dialogue qui devra se nouer avec les plateformes, nécessitera la capacité d’expertise du Centre et son rôle de relais des positions de la filière.
Troisième orientation : l’enthousiasme. Au-delà de ce qui vient d’être évoqué, des écueils, des craintes, nous devrions tous nous réjouir sincèrement d’assister à la naissance de ce « CNM à la française », promis à un grand avenir. Cet enthousiasme doit infuser dans le milieu professionnel, qui ne pourra pas dire que l’État, gouvernement et parlement réunis, a été sourd à leurs demandes.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis déjà dans « l’après » et dans ces beaux défis que nous abordons avec bonheur, lucidité et détermination. En attendant, je vous propose d’adopter ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Longue vie au Centre national de la musique ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly, monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet, mesdames, messieurs les sénateurs, rassurez-vous, il n’y a pas eu de remaniement ministériel dans la nuit, pas plus que d’initiative quasiment gaulliste visant à me nommer ministre en charge du Sénat, comme cela s’était produit au début de la Ve République. Je représente simplement mon collègue et ami Franck Riester, qui est actuellement en déplacement avec le Président de la République dans le cadre du conseil des ministres franco-allemand, qui se tient en ce moment même à Toulouse. J’ai bien sûr accepté, étant depuis une semaine en résidence avec vous,…
M. André Gattolin. En résidence d’artistes !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … d’assurer la présence du Gouvernement lors du débat consacré aux conclusions de cette commission mixte paritaire attendue et, si j’ai bien compris, conclusive.
Conformément à l’article 45 de la Constitution, le Gouvernement soumet à votre approbation la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique. Je me réjouis, au nom du Gouvernement, de l’obtention de cet accord trouvé par les députés et les sénateurs.
Les membres de la commission mixte paritaire ont apporté deux clarifications qui assurent une meilleure intelligibilité de la loi.
En premier lieu, la disposition qui prévoit un conseil professionnel adjoint au conseil d’administration a été modifiée afin d’éviter une confusion possible avec la notion d’instance représentative du personnel, reconnue en tant que telle par le code du travail. Or, au cas d’espèce, il s’agit bien de faire du conseil professionnel une instance réunissant des représentants des organisations concernées par l’action de l’établissement.
En second lieu, il est apparu plus pertinent de mentionner les « données », plutôt que la « donnée », en ce qui concerne l’observatoire du Centre national de la musique. Vous savez combien l’enjeu de la connaissance et de la transparence du secteur est primordial, que ce soit pour mieux comprendre les mutations à l’œuvre ou bien pour améliorer les dispositifs de soutien ou la régulation du secteur.
Le Gouvernement soutient ces modifications.
Cet accord témoigne des attentes extrêmement fortes concernant la création d’un établissement public dont la mission principale est de soutenir le secteur de la musique.
Le ministre de la culture l’a rappelé ici même devant vous, durant l’examen du texte en première lecture, la création du CNM intervient à un moment crucial pour le secteur de la musique : après la « crise » des années 2000, le retour de la croissance et notamment ses effets pour les créateurs et les entreprises en France ne sont pas acquis de manière définitive. En effet, le marché est mondial, très compétitif et marqué par les rapidités de l’innovation, en particulier la transition numérique.
Or la musique est un écosystème fragile en perpétuelle mutation, qui se heurte à certains phénomènes de concentration préoccupants. Le soutien et l’accompagnement de ce secteur par la puissance publique sont donc fondamentaux.
Le CNM doit par conséquent contribuer à améliorer et adapter l’action publique en faveur de la musique.
La musique est la première pratique culturelle des Françaises et des Français, la deuxième industrie culturelle du pays. L’absence d’un opérateur unique capable de fédérer les acteurs de la musique, d’accompagner et de soutenir les professionnels, d’encourager la création relevait de l’étrangeté. Le texte qui est soumis à votre approbation y remédie. C’est pourquoi la première de ces adaptations est la création du CNM.
Un tel accord a été rendu possible par le dialogue nourri et fécond auquel le texte a donné lieu, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le Gouvernement se félicite de l’enrichissement du texte, qui a été substantiellement modifié lors de son examen par le Parlement. Outre de nombreuses évolutions rédactionnelles, celui-ci a renforcé les missions et le rôle du CNM, ce qui traduit un sens du dialogue et de l’écoute qu’il convient de souligner. J’en suis témoin sur un autre texte, en cours d’examen…
La responsabilité sociale de l’établissement a été renforcée, que ce soit en faveur de l’environnement et du développement durable, ou encore de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le CNM a ainsi désormais pour mission de favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales. En outre, la parité au sein de ses instances de gouvernance est pleinement consacrée. On ne peut que s’en réjouir collectivement.
Par ailleurs, les missions du CNM ont été élargies. Je pense à l’ajout explicite de la création musicale, en faisant référence à la composition, l’interprétation et la production, qui est pleinement conforme à la volonté du ministre de la culture de placer les artistes au cœur du projet du CNM et, plus largement, de l’action gouvernementale en matière de culture.
Ce centre devra être consacré au service de l’ensemble de la filière musicale dans toutes ses nuances et tourné vers les créateurs. Les soutiens économiques qu’il mettra en œuvre seront conçus de manière à promouvoir la diversité culturelle et à favoriser l’innovation. Il placera la dimension territoriale au cœur de son action.
Je pense également à la mission de valorisation du patrimoine musical dont les Français sont fiers. Il s’agit là d’un aspect important de la politique culturelle en faveur de la musique, en lien avec les missions de rayonnement et de transmission.
Concernant l’enjeu essentiel de la connaissance du secteur et de ses mutations, des avancées notables ont été acquises. On peut ainsi saluer le renforcement des missions d’observation du CNM, que ce soit en matière de recueil des informations utiles – notamment commerciales et financières – et de diffusion de l’information économique et statistique.
Enfin, le CNM a été inscrit dans une démarche de concertation permanente, notamment en prévoyant la création d’un conseil professionnel auprès du conseil d’administration. Cette instance de gouvernance est de nature à favoriser le rassemblement, le dialogue et la concertation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant la proposition de loi qui est soumise à votre vote aujourd’hui, vous permettez la création du Centre national de la musique et, avec lui, la mise en œuvre d’une politique ambitieuse en faveur de la musique. Je n’ignore pas que ce travail de réflexion et de documentation est le fruit d’une concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière.
Parallèlement à la future loi, une mission de préfiguration travaille activement, en lien avec les structures qui doivent rejoindre le CNM, leurs salariés et les professionnels du secteur – entreprises, organismes de gestion collective, associations, syndicats –, en vue de faire aboutir les chantiers qui assureront le bon fonctionnement de l’établissement. Cette méthode et le calendrier qui lui est associé vous ont été présentés, je crois, par le ministre de la culture.
Afin de concrétiser les ambitions portées par le Gouvernement, le budget du ministère de la culture, qui sera prochainement soumis au Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, comprend 7,5 millions d’euros de moyens nouveaux pour lancer le Centre en 2020. Il affecte également au CNM les ressources autrefois dédiées au CNV et aux autres organismes et dispositifs qui ont vocation à rejoindre le nouvel établissement, dont les recettes de la taxe sur les spectacles de variétés, portant le total des ressources publiques mises à la disposition du CNM à 50 millions d’euros.
Telles sont les informations que le Gouvernement souhaitait porter à votre attention. (Mme la présidente de la commission et M. André Gattolin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au bout d’un long cheminement.
Edvard Grieg, compositeur et pianiste norvégien, disait que, si les mots ont parfois besoin de musique, la musique, elle, n’a besoin de rien. Nous ferons tout de même œuvre utile en créant, enfin, une maison commune à la filière musicale, dont le chiffre d’affaires global est supérieur dans notre pays à celui de la filière cinématographique.
Le secteur musical, animé par une multitude de chapelles, est aujourd’hui encore profondément éclaté. Dans sa grande sagesse, la Haute Assemblée s’évertue généralement à reconnaître les mérites de chacun. Il convient donc de rendre un légitime hommage à l’implication constante et profonde de M. le ministre de la culture, tout d’abord comme législateur, puis désormais comme membre de l’exécutif, dans l’aboutissement de ce projet.
Nous ne doutons pas que ce dévouement indéfectible à la cause du CNM continuera de l’animer dans les prochaines semaines, lorsque les deux grands « silences » de cette proposition de loi devront faire l’objet de réponses.
Comme l’a rappelé en première lecture ma collègue Françoise Laborde, qui est aujourd’hui à Toulouse avec M. le ministre de la culture, la présente proposition de loi, même si elle a été enrichie dans le cadre de la navette parlementaire, comporte tout de même des zones d’ombre significatives sur le fonctionnement du futur établissement public : tout d’abord, en termes de gouvernance ; ensuite, en termes de financement disponible et d’un éventuel abondement de l’État. De ces deux points dépendent très largement la présence et l’engagement des acteurs concernés au sein de la future structure et la réussite du projet.
Sans revendiquer l’ambition budgétaire de 100 millions d’euros du premier projet bâti en 2011, dont on connaît le sort funeste, nous souhaitons voir mobilisées des ressources « modernes ». Le CNM peut en effet légitimement s’appuyer sur des modes de financement innovants, notamment issus du numérique, comme la taxe YouTube ou la taxe Copé.
Constitué à partir du futur ex-CNV le 1er janvier prochain, le CNM se verra ensuite consolidé par sa fusion avec l’IRMA – le Centre d’information et de ressources sur les musiques actuelles –, le Bureau export de la musique française, le Fonds pour la création musicale et le Calif, le Club action des labels et des disquaires indépendants français.
Même si les cellules constitutives du Centre national de la musique sont plutôt issues du monde des musiques actuelles, le CNM devra être la maison commune de toutes les musiques. Cette structure ne saurait limiter son intérêt aux secteurs marchands les plus pertinents. Il ne s’agit pas d’arroser là où il pleut déjà !
Profondément affectée par la révolution numérique – la musique enregistrée a vu son chiffre d’affaires divisé par trois entre 2002 et 2015 –, la filière a su se réinventer. Le CNM devra participer de la consolidation de ce nouveau modèle, qu’il soit économique ou productif.
Mes chers collègues, attaché à la création d’une maison commune et à la structuration de la filière musicale en France, le groupe du RDSE soutiendra le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à célébrer en fanfare, si j’ose dire, les soixante ans d’existence du ministère de la culture, l’approbation après la commission mixte paritaire conclusive du 17 septembre dernier de cette proposition de loi ouvrant création du Centre national de la musique est particulièrement bienvenue. Je pourrais dire qu’elle tombe à point s’il n’avait fallu attendre pas moins de huit années pour que ce projet puisse enfin prendre forme. Il faut saluer ici l’opiniâtreté du Gouvernement, en particulier de l’actuel ministre de la culture, Franck Riester, qui a finalement porté sur les fonts baptismaux ce que d’autres, avant, avaient promis, mais n’avaient pu ou su mettre en œuvre…
Le Centre national de la musique verra donc le jour le 1er janvier prochain, et ceux qui, il y a encore quelques semaines, émettaient des réserves quant à la volonté de l’État d’y mettre les moyens verront – je l’espère – leur scepticisme viscéral, surtout lorsqu’ils sont dans l’opposition, apaisé par les annonces budgétaires très concrètes contenues dans le projet de loi de finances que nous étudierons très prochainement.
Nous réparons, par cet acte, par cette création, une anomalie qui sévissait jusque-là parmi nos instruments, pourtant nombreux, de la politique culturelle de l’État. La musique est en effet de tous les arts notre première muse, notre muse quotidienne ; celle qui fait, comme le chantait Charles Trenet, que « longtemps après que les poètes ont disparu leurs chansons courent encore dans les rues »…
On l’oublie souvent, mais c’est la musique qui fut historiquement la première pierre de l’édifice de toutes les politiques publiques de la culture mises en œuvre dans notre pays. C’est en effet Louis XIV, « patron des arts », qui, tout juste après l’avoir fait naturaliser, nomma le jeune et brillant musicien florentin Jean-Baptiste Lully, en 1661, au titre très exceptionnel de surintendant de la musique du roi. Un véritable ministère de la culture musicale avant l’heure… Par la volonté du Roi-Soleil, la musique devenait ainsi plus qu’un simple divertissement privé au service du roi ; elle était désormais élevée au rang d’instrument public de diffusion de la splendeur de son règne, et accessoirement de la France, par l’entremise de la Cour, sur tout le territoire français de l’époque.
Pourtant, au fil des siècles, l’État, en France, contrairement à nombre de nos pays voisins, s’est trop peu préoccupé de politique publique en matière de musique. Là où les Allemands, les habitants des ex-pays de l’Est et ceux des pays scandinaves encensent leurs grands compositeurs et favorisent sans limites la pratique amateur de la musique, notre pays a toujours donné la priorité à ses écrivains et à la lecture publique, à ses cinéastes et à la fréquentation des salles. Les politiques en faveur de la musique ont surtout été le fruit de l’attention toute particulière – ce n’est pas le ministre chargé des collectivités territoriales qui me contredira –…
M. André Gattolin. … portée par nos villes et nos collectivités locales.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Exactement !