Mme Michelle Gréaume. Alors que l’injustice sociale et fiscale n’a jamais été aussi grande…
M. Roger Karoutchi. Ça commence bien…
Mme Michelle Gréaume. … et que la cohésion de la société est gravement fragilisée, les rémunérations et les retraites disproportionnées des dirigeants salariés des grands groupes du CAC 40 deviennent toujours plus intolérables.
Une ordonnance de juillet 2019 est venue encadrer à la marge les retraites chapeaux, en plafonnant leur montant à 3 % de la rémunération annuelle et leur cumul à 30 points du revenu annuel de référence, mais il n’en demeure pas moins curieux de voir détruire l’État-providence pour tous alors que, dans le même temps, l’entreprise se transforme en État-providence pour une poignée de privilégiés…
Les entreprises ont déjà mis des limites aux retraites chapeaux : en réalité, très peu d’entre elles excèdent 3 % de la rémunération annuelle. De grands dirigeants privilégiés recevront des rentes annuelles comprises entre 300 000 et 700 000 euros en moyenne, quel que soit l’état de santé de l’entreprise qu’ils quittent. Que l’on songe à Tom Enders, ex-patron d’Airbus : en sa faveur, cette entreprise a provisionné 26 millions d’euros, soit 900 000 euros de retraite par an !
Aussi, dans un souci de justice fiscale, alors que les ménages les plus modestes sont le plus affectés par les hausses de TVA récemment instaurées et la réforme des retraites qu’envisage le Gouvernement, nous souhaitons augmenter significativement la taxation des retraites chapeaux les plus considérables.
À l’heure actuelle, le taux de la contribution due par les bénéficiaires de rentes supérieures à 24 000 euros par mois est de 21 %. Cet amendement tend à augmenter ce taux de 13 points, pour le porter à 34 %. Ciblant les bénéficiaires des retraites chapeaux les plus importantes, un tel taux se veut dissuasif : il permettrait de faire contribuer les plus aisés à la mesure des moyens dont ils disposent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En combinant le taux proposé, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et les contributions sociales ordinaires, on dépasserait le taux d’imposition directe cumulée défini comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel. Nous émettons donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. J’émets le même avis que M. le rapporteur général, en rappelant que l’ordonnance du 3 juillet 2019 a précisément réformé le dispositif des retraites chapeaux.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement que je vote chaque année. Les retraites chapeaux posent problème notamment du fait de leur caractère exorbitant, même si elles ont été un peu encadrées, mais aussi parce qu’elles ne sont absolument pas liées à la performance du dirigeant. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer sous quel seuil il faut abaisser le taux d’imposition directe pour qu’il ne soit plus considéré comme confiscatoire ? Je suis prête à déposer un sous-amendement en conséquence !
Sur le principe, je suis tout à fait favorable à ce dispositif. Dans mon département, les dirigeants de Moulinex ont bénéficié de retraites chapeaux, de parachutes dorés, etc., tandis que des salariés victimes de l’amiante attendent encore que les prudhommes fixent leurs indemnités… Ce n’est pas acceptable !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat revient de manière assez régulière. On nous oppose qu’un tel prélèvement serait confiscatoire, mais le Gouvernement et la commission accueillent la proposition de Mme Goulet dans un silence absolu. On parle pourtant ici de millions d’euros ! Donnez-nous une réponse, madame la secrétaire d’État ! Va-t-on laisser perdurer la situation actuelle, qui est totalement amorale et injuste ? Nous sommes tout à fait prêts à voter un sous-amendement tel que celui évoqué par notre collègue ; nous en appelons à la justice, à l’égalité et aussi à la morale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Il faut distinguer retraites chapeaux et parachutes dorés. En outre, l’ordonnance adoptée en juillet dernier permettra d’éviter les abus liés aux retraites chapeaux.
Mme Laurence Cohen. Visiblement non ! Des abus, il y en a encore !
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié, présenté par Mme Imbert, M. Pellevat, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Puissat et Ramond, M. Vaspart, Mmes Bonfanti-Dossat et M. Mercier, M. Savary, Mme Bruguière, MM. D. Laurent et Morisset, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Brisson, de Nicolaÿ, Sol et Lefèvre, Mme Noël, MM. Rapin et Mandelli, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, Saury et Genest, Mme Lamure, MM. Bonne et Pointereau, Mme Deseyne, MM. Grosperrin, B. Fournier et Gilles, Mmes Lavarde et Berthet, MM. Danesi et Babary, Mme F. Gerbaud et MM. Husson, Fouché et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-22-1 … ainsi rédigé :
« Art. L. 161-22-1 …. – L’article L. 161-22 ne fait pas obstacle à l’exercice par un médecin retraité d’une activité de remplacement dans une zone définie sous-dense par l’agence régionale de santé pour une durée cumulée n’excédant pas vingt-quatre mois.
« Les revenus perçus par le médecin retraité au titre de son activité de remplacement sont exonérés de la totalité des cotisations sociales et de retraite dès lors qu’ils n’excèdent pas 90 000 € annuels. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Avec 20 % de la population française vivant dans un désert médical, le diagnostic des difficultés de la démographie médicale est connu de tous et l’attractivité de la médecine libérale est en berne. Or la santé de nos concitoyens ne saurait être bradée pour des raisons comptables. C’est pourquoi cet amendement tend à octroyer une exonération de cotisations sociales et de retraite aux médecins retraités, en doublant quasiment le plafond actuel. Le bénéfice de cette exonération est limité à une période cumulée de vingt-quatre mois. Il s’agit d’une mesure de bon sens, au coût contenu. Certes, elle ne permettra pas de résorber les déserts médicaux, mais elle apportera une première réponse d’urgence à la détresse de nos territoires.
Ce dispositif instaure une forme de compagnonnage entre un médecin à la retraite et un jeune praticien installé ou à la recherche d’une installation en exercice libéral. Notre objectif est double ; il se fonde à la fois sur la transmission du savoir entre un professionnel expérimenté et un jeune professionnel et sur l’intérêt que présente, pour les patients, une prise en charge continue et suivie entre le médecin et son successeur. D’une part, le jeune médecin aura la certitude d’être remplacé, lors de ses congés ou de ses absences, par ce médecin retraité. D’autre part, l’accompagnement du jeune médecin sera garanti, tant pour l’exercice médical que pour la gestion de son cabinet. Les étudiants en médecine regrettent ne pas bénéficier de cours de management et de gestion pendant leur cursus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
Mme Laurence Cohen. Mais c’est un miracle ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Chers collègues, cela arrive : nous avons même émis un nombre non négligeable d’avis favorables depuis le début de l’après-midi.
Le Sénat avait adopté l’année dernière un amendement similaire de M. Cardoux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Plusieurs dispositifs spécifiques favorisent déjà le cumul emploi-retraite des médecins : la cotisation au régime de prestations complémentaires de vieillesse (PCV) est proportionnelle, et non plus forfaitaire, pour les revenus d’activité n’excédant pas 50 000 euros ; en outre, les revenus tirés de la permanence des soins ne sont pas pris en compte pour apprécier le seuil du cumul emploi-retraite plafonné.
Afin de maintenir des médecins en activité dans les zones sous-denses et d’y favoriser l’installation de praticiens, le Gouvernement a déjà agi. Au titre du régime de PCV, le plafond pour les dispenses de cotisations a été relevé de 11 000 à 40 000 euros de revenu annuel en 2017 ; ce plafond sera une nouvelle fois rehaussé au 1er janvier prochain, pour atteindre 80 000 euros. En deux ans, il aura ainsi été multiplié par sept.
Enfin, les médecins ont de plus en plus fréquemment recours au dispositif de cumul : c’est le cas de près de 20 % des assurés de la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) âgés de 65 à 70 ans.
Pour ces raisons, nous demandons le retrait de cet amendement : il convient de commencer par évaluer le nouveau dispositif que je viens d’évoquer, puis d’envisager comment le faire évoluer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé que j’ai déjà défendu un tel amendement dans le passé et Mme Corinne Imbert d’avoir repris le flambeau. J’ai présenté cet amendement à quatre reprises, et il a été adopté à chaque fois par le Sénat. Présenté par une femme, peut-être aura-t-il plus de chances de prospérer ? (Sourires.)
J’ai déposé cet amendement pour la première fois à la suite des remarques de certains médecins qui ne souhaitaient pas être exonérés de cotisations de retraite après avoir repris une activité à temps partiel, mais qui critiquaient le fait de devoir cotiser sans pour autant bénéficier de points de retraite. Il n’était pas possible, techniquement, de leur accorder des points de retraite dans ces conditions. C’est pourquoi nous avions présenté cet amendement visant à les exonérer de charges sociales.
Par ailleurs, à l’époque où je siégeais au conseil général du Loiret, nous cherchions des médecins à temps partiel pour les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou l’évaluation des demandes de prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les départements manquent toujours de médecins pour accomplir ces tâches.
Or les médecins retraités conviennent bien pour pourvoir ce genre de postes. L’adoption de cet amendement permettrait très certainement aux départements d’en recruter et, du même coup, de libérer du temps pour les médecins libéraux en activité avec lesquels ils ont contractualisé.
Enfin, j’ai entendu dire en commission que 90 000 euros constituait un plafond très élevé, susceptible de susciter un effet d’aubaine : certains médecins pourraient être incités à prendre leur retraite avant de se réinstaller dans une zone sous-dense pour bénéficier de l’exonération de charges sociales. Il me semble que c’est une vue de l’esprit. J’ajoute que, si un médecin remplaçant intervenant en zone sous-dense parvenait à dégager 90 000 euros de résultat, c’est qu’il répondrait réellement à un besoin !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souscris à ce que vient de dire mon collègue Cardoux concernant l’impossibilité, pour les médecins retraités, d’acquérir davantage de points de retraite en travaillant.
L’amendement présenté par Corinne Imbert vise à assurer une forme de compensation à cet égard et son dispositif permettra en outre au jeune médecin d’être accompagné pendant un an par le praticien qu’il va remplacer. Ce dernier le présentera à sa patientèle et pourra le remplacer de temps en temps.
Il s’agit à mon sens d’un amendement pragmatique et efficace, que je voterai.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Cet amendement me semble plein de bon sens. Nous manquons cruellement de médecins un peu partout en France, et l’idée de favoriser la transmission entre un médecin installé et un jeune praticien est pertinente.
Aujourd’hui, nos médecins croulent sous la paperasserie. Il me semble de bon sens de permettre à nos jeunes praticiens d’être épaulés par des médecins expérimentés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement d’abord par cohérence, puisque je l’ai déjà voté l’année dernière.
Madame la secrétaire d’État, c’est très bien d’évaluer les dispositifs que le Sénat vote de façon itérative, mais, pendant ce temps, les départements ruraux comptent de moins en moins de médecins.
En outre, les dispositifs qui sont censés fonctionner ne reçoivent pas toujours de très bonnes évaluations et ne donnent pas beaucoup de résultats.
Beaucoup de choses ont été faites, c’est vrai, des mesures ont été mises en place, mais, dans les départements, nous demeurons très inquiets.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. On pourrait comprendre que l’avis défavorable émane de Bercy, mais qu’il soit exprimé par le ministère des affaires sociales est plus difficile à admettre ! Madame la secrétaire d’État, vous nous avez affirmé qu’il fallait essayer différentes mesures pour remédier à la désertification médicale. Vous nous en avez proposées, nous vous en proposons une à notre tour : écoutez le Sénat, il exprime le vécu des territoires !
J’ajoute que ma collègue Monique Lubin et moi-même avons fait un certain nombre de propositions sur l’emploi des seniors. Je vous invite à en prendre connaissance : il faut porter un regard nouveau sur cette question, a fortiori dans la perspective de la réforme des retraites. Il est déjà prévu de permettre de cumuler retraite et emploi, les cotisations sur les revenus tirés de celui-ci ouvrant droit à une amélioration du niveau de la pension, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
C’est l’affaire de quelques années. En attendant, il faut faire en sorte que les médecins seniors puissent avoir envie de continuer à exercer dans nos territoires, servir nos concitoyens et accompagner les jeunes praticiens. Dans cet esprit, vous devriez soutenir la proposition du Sénat, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. On l’a vu notamment lors de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous nous creusons continuellement la cervelle pour élaborer de nouvelles dispositions, souvent fort coûteuses, susceptibles d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans nos territoires, mais n’oublions pas le maillage de médecins déjà en place ! Je ne pense pas que le coût de la mesure ici proposée soit très lourd. Pensons à tous les médecins, pas seulement aux jeunes !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Au risque d’être taxé de corporatisme, le vieux médecin que je suis votera cet amendement ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Vous êtes tout jeune ! (Sourires.)
M. Michel Amiel. Merci, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
On a beaucoup de mal à inciter les jeunes médecins à s’installer, en dépit des mesures que nous avons votées l’année dernière. Certes, 90 000 euros par an, c’est un plafond qui peut sembler élevé, mais qu’est-ce au regard d’une retraite chapeau de 24 000 euros par mois ? Je voterai cet amendement sans aucune difficulté.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je souhaite témoigner d’une expérience qui a été menée dans la région Pays de la Loire.
À Laval, préfecture de la Mayenne, département d’Élisabeth Doineau, des médecins retraités effectuent régulièrement des vacations et accueillent des internes, ce qui démontre, d’ailleurs, que ce problème ne concerne pas seulement les zones rurales. Ce dispositif, mis en place avec la Mutualité française, fonctionne bien et l’on va le répliquer à Saumur. On voit que la désertification médicale ne touche pas que les zones rurales.
Je ne comprends absolument pas l’entêtement du Gouvernement à refuser ce type de mesures. Mme Touraine nous opposait la même réponse il y a quelques années, quand nous avons commencé à aborder le sujet.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens pleinement l’amendement de notre collègue Corinne Imbert, tant il est vrai que la démographie médicale constitue un réel problème, qui se pose malheureusement depuis de nombreuses années. Beaucoup de médecins, dans le monde rural, ne trouvent pas de successeur. Permettre à des médecins retraités d’accompagner l’installation de jeunes praticiens me semble une excellente idée.
Les agences régionales de santé (ARS) sont également là pour aider les jeunes médecins à s’installer. Le développement des maisons de santé a aussi permis d’enclencher une dynamique sur ce plan. Cela participe de l’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Mon groupe et moi-même sommes farouchement opposés aux exonérations de cotisations sociales ; nous l’avons exprimé et nous continuerons à le faire.
Néanmoins, en l’espèce, je voterai cet amendement (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. André Reichardt. L’exception confirme la règle !
M. Yves Daudigny. … parce que, dans des zones sous-denses telles que celle où je vis, prolonger l’activité de médecins arrivant à l’âge de la retraite n’est pas une mauvaise façon de lutter contre la désertification médicale, sachant que nous connaîtrons encore de grandes difficultés dans les cinq à sept années à venir.
Je voterai cet amendement dans la continuité de mon engagement passé en faveur de propositions analogues, rappelées avec précision tout à l’heure par notre collègue Jean-Noël Cardoux.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je voudrais remercier l’ensemble des collègues qui se sont exprimés pour soutenir l’amendement que j’ai déposé, particulièrement Jean-Noël Cardoux. Je rends à César ce qui lui appartient et salue la pugnacité avec laquelle M. Cardoux prône une telle mesure depuis plusieurs années.
Madame la secrétaire d’État, quand la maladie est grave, elle doit être combattue avec un arsenal thérapeutique. L’urgence est telle que l’on ne peut plus attendre les mesures du plan Ma santé 2022. Chaque jour, des médecins mettent un terme à leur activité, des patients se retrouvent sans médecin traitant. Faites confiance au Sénat, écoutez-le, et ajoutez le dispositif de cet amendement à votre arsenal !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 581, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2. – I. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont également constituées par des cotisations assises sur :
« 1° Les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires ;
« 2° Les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2 ;
« 3° Le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, prévue par l’article L. 245-13 ;
« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15.
« Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés.
« Les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et personnes assimilées ainsi que des titulaires des avantages de retraite et des allocations et revenus de remplacement mentionnés aux 1° et 2° du présent article.
« II. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par :
« 1° Une fraction égale à 38,81 % du droit de consommation prévu à l’article 575 du code général des impôts ;
« 2° Le remboursement par la caisse nationale des allocations familiales des indemnités versées en application des articles L. 331-8 et L. 722-8-3 du présent code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 587 et 588.
M. le président. J’appelle en discussion les amendements nos 587 et 588.
L’amendement n° 587, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2020, le taux des cotisations d’assurance maladie mentionné au premier alinéa est réduit de 4 points.
« Pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2021, le même taux est réduit de 2 points. »
II. – À compter du 1er janvier 2022, l’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
L’amendement n° 588, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :
« 1° Du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions ;
« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;
« 3° De la politique d’investissement de l’entreprise ;
« 4° De l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;
« 5° De la taille de l’entreprise ;
« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction du taux des cotisations d’assurance maladie. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Ces amendements sont issus de notre réflexion concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
L’amendement n° 581 vise à soumettre de nouveau les entreprises à contribution à la branche famille. En effet, la transformation du CICE en suppression pérenne des cotisations des entreprises représente pour celle-ci un manque à gagner de 20 milliards d’euros. Cette somme pourrait être utilisée, par exemple, pour supprimer la modulation des prestations familiales, verser la prime à la naissance avant l’accouchement ou allonger le congé maternité pris en charge intégralement à dix-huit semaines. Ce ne sont là que quelques idées !
L’amendement de repli n° 587 tend à prévoir l’extinction progressive sur deux ans de l’allégement de cotisations patronales d’assurance maladie. Nous pouvons comprendre que des employeurs qui n’acquittent plus depuis six ans de cotisations à la branche famille rencontrent des difficultés de trésorerie : c’est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer une période transitoire.
Enfin, l’amendement de repli n° 588 prévoit le maintien des exonérations de cotisations patronales en contrepartie de réelles embauches et d’une véritable progression des salaires et des investissements des entreprises.
Vous avez donc le choix, mes chers collègues, de voter le rétablissement des cotisations sociales pour les entreprises, avec ou sans période transitoire, ou le maintien des exonérations, mais assorti de réelles contreparties. Je vous invite à voter en priorité l’amendement n° 581, les deux autres n’étant que des amendements de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est très clair, madame Cohen, mais malheureusement,…
Mme Laurence Cohen. La clarté n’emporte pas l’adhésion ? (Sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, la clarté ne suffit pas à emporter l’adhésion de la commission !
L’amendement n° 581, dont le dispositif est assez complexe, vise à supprimer l’allégement de cotisations patronales à l’assurance maladie qui a remplacé le CICE.
D’une part, le débat a été tranché par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et ces dispositions sont désormais applicables. D’autre part, la substitution d’une baisse de cotisations au CICE n’a pas entraîné de pertes de recettes pour la sécurité sociale, puisque le manque à gagner pour celle-ci a été intégralement compensé par un apport de ressources issu de la TVA.
Enfin, je ne peux pas laisser dire qu’il n’y a plus de cotisations patronales d’assurance maladie, puisque celles-ci représentent encore 72 milliards d’euros en 2020 et constituent, de loin, la première recette du régime.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur les trois amendements.