Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’état d’urgence voté par le Parlement a entraîné une restriction jamais vue de nos libertés publiques et individuelles. Les Français ont accepté d’être mis en quarantaine, d’être « trackés » par une application gouvernementale, de voir leur entreprise couler, d’être mis au chômage, de porter partout et tout le temps un masque, pour la santé de tous.
L’état d’urgence est un droit d’exception. Votre régime transitoire est un état d’urgence déguisé. Personne n’est dupe ! Aussi, comme j’avais refusé la prolongation des restrictions de libertés jusqu’au 30 octobre, je la refuse encore plus fortement jusqu’au 1er avril prochain. Le coup de force doit cesser !
Pour la part qui m’incombe directement, je le dis solennellement ici : les hôpitaux à Marseille n’ont jamais été saturés. Pourtant, hier, sur vos instructions, monsieur le ministre, la préfecture des Bouches-du-Rhône a décidé de garder les bars fermés deux semaines de plus à Aix-en-Provence et à Marseille.
Depuis mars dernier, le ministre de la santé n’a rien fait pour les hôpitaux ni même pour les soignants. Des lits, des postes, du matériel ? Rien ! Aucun investissement immédiat, qui s’imposait pourtant, n’a été consenti. Aucun enseignement n’a été tiré de la première vague de covid de mars dernier.
Le ministre de « la santé » porte bien mal son nom : il est en réalité le ministre du confinement et de la restriction des libertés, de la fermeture des bars et des restaurants, de la destruction de la restauration et des centaines de milliers d’emplois de cette filière.
Monsieur le ministre, vous avez fait fermer les restaurants marseillais et aixois pour quinze jours, avant de les rouvrir sept jours plus tard. Peut-être que, demain, le Président de la République, davantage en père Fouettard qu’en père de la Nation, annoncera de nouvelles fermetures, de nouveaux interdits et de nouvelles restrictions de nos libertés.
Plus personne n’y comprend rien, plus personne ne croit en vous, ni même en votre capacité à décider. Vous imposez, vous décidez seul, enfermé dans votre tour d’ivoire, sans jamais consulter les élus locaux et les entrepreneurs. Ne vous étonnez pas, monsieur le ministre, que certains se rebellent contre vos décisions iniques !
Nous traversons une période historique, et vous allez marquer l’histoire : vous êtes sans doute le plus incohérent et irresponsable ministre de la santé de la Ve République. Pourtant, vous aviez de sérieux concurrents…
La relance économique passera non pas par les ordonnances et les interdits à tout-va, mais par le retour à l’état de droit et des résolutions garantissant les libertés individuelles et économiques. Pour qu’il y ait relance, il faut qu’il y ait de la confiance. Or, comme des millions de Français, je ne vous fais plus confiance, monsieur le ministre !
Mes chers collègues, puisque nous sommes la Haute Assemblée, soyons à la hauteur ! Nous devons être capables, ce soir, de marquer notre opposition à ce projet de loi. Ne dites pas oui à un gouvernement à la dérive et en pleine dérive autoritaire. Soyons une assemblée non pas bâillonnée, mais courageuse, responsable et garante de la liberté !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Alain Marc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant de nombreux mois, nous sommes confrontés à une situation inédite et anxiogène, à la fois parce que les informations sont souvent contradictoires et, surtout, parce que des dizaines de milliers de nos concitoyens ont été touchés ou le sont encore, tandis que plus de 32 000 personnes sont décédées.
Malheureusement, le virus est toujours présent, comme en témoignent les indicateurs de suivi épidémiologique, qui ne sont pas bons dans de nombreux territoires. Cette épidémie n’est pas derrière nous. Le virus circule toujours, parfois de manière très active. Entre le début du mois de juillet et la fin du mois d’août, le nombre des hospitalisations liées au coronavirus et le nombre des personnes en réanimation à cause de la covid ont plus que doublé.
La loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire a instauré un régime transitoire, applicable jusqu’au 30 octobre prochain. Ce changement de régime juridique a permis de poursuivre la reprise des activités et le rétablissement du droit commun, tout en conservant la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir et, le cas échéant, à maîtriser au mieux une dégradation de la situation sanitaire.
Néanmoins, la reprise généralisée des activités amplifie la recrudescence des cas d’infection au covid-19, et cela risque de se poursuivre dans les prochaines semaines.
Dans ces conditions, une interruption soudaine des mesures sanitaires au 30 octobre ferait courir le risque de laisser se reproduire la catastrophe sanitaire que nous avons connue en mars dernier et qui a contraint à instituer l’état d’urgence sanitaire.
Le Gouvernement estime indispensable de conserver, dans les prochains mois, des facultés d’intervention suffisantes pour assurer la continuité de la gestion de crise et prévenir une dégradation de la situation.
Dans son avis du 12 septembre dernier, et au regard de l’évolution actuelle et prévisible de l’épidémie au cours des prochains mois, le conseil scientifique a également jugé indispensable de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire pour une période de cinq mois.
À cette fin, le projet de loi initial prévoit de proroger la période de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021. Toutefois, je me félicite de ce que, lors de l’examen en commission, cette date ait été considérée trop lointaine et que la commission ait ramené la durée de prolongation de cinq à trois mois.
En effet, compte tenu tant de la nature et de l’intensité des mesures de restrictions susceptibles d’être prescrites que de l’évolution rapide de la situation sanitaire, l’intervention régulière du législateur s’impose, afin de lui permettre de s’assurer de la nécessité et de la proportionnalité des prérogatives confiées à l’exécutif. Prendre garde à trouver un juste équilibre entre restriction et protection de nos libertés, entre protection de nos concitoyens et protection de nos libertés publiques et de nos valeurs républicaines, apparaît primordial !
Avant de conclure, je voudrais à cette tribune avoir une pensée pour les nombreuses familles qui ont connu un deuil ou qui, en ce moment même, s’inquiètent pour l’un des leurs.
Je pense aussi à tous les soignants et aux personnels de toutes catégories qui sont en première, en deuxième ou en troisième ligne, qui l’ont été, qui le sont de nouveau et qui, hélas, le seront encore si nous ne faisons rien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, soucieux de concilier la nécessité de faire face à la pandémie qui nous frappe et le respect des libertés individuelles et publiques, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, modifié et enrichi en commission. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux ce soir par la discussion d’un projet de loi dont l’intitulé comprend des termes devenus éminemment et tristement familiers, y compris pour les nouveaux collègues qui nous ont rejoints il y a peu, et que je salue. En effet, il est question du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire et, par son biais, de la réponse publique à l’épidémie.
Ce régime transitoire, qui prenait la succession de la période si particulière de l’état d’urgence sanitaire, nous en avions discuté aux mois de juin et de juillet dernier. Nous n’avions à l’époque pas obtenu d’accord avec l’Assemblée nationale, alors que nous ne rejetions pas l’idée même d’un régime transitoire. En effet, il s’agit d’un dispositif dérogatoire du droit commun dans lequel le pouvoir exécutif conserve des prérogatives substantielles de nature à limiter certaines libertés.
Au regard de la situation sanitaire en juin et juillet derniers, alors en nette amélioration, l’ampleur des prérogatives dérogatoires ne nous avait pas semblé de nature à effectuer le bon arbitrage entre les exigences parfois contradictoires que sont l’impératif de protection de la santé publique et la garantie des libertés individuelles.
Cependant, nous avons malheureusement assisté depuis la fin de l’été à une dégradation plus ou moins continue de la situation sanitaire et à un rebond de l’épidémie de coronavirus. Signe de ce regain, 74 départements ont été placés sur la liste des zones de circulation active du virus.
C’est dans ces conditions que le Gouvernement a demandé à la représentation nationale de voter la prorogation jusqu’au 1er avril 2021 du régime transitoire, afin de pouvoir poursuivre la mise en œuvre des mesures et restrictions actuelles. Dans la foulée de cet allongement, l’exécutif a également sollicité une prolongation identique des dispositions créant le fameux système d’information dédié à la lutte contre le covid-19.
Notre commission s’est immédiatement saisie du sujet dès le commencement de ses travaux, et a reconnu les nécessités liées à l’évolution de la situation sanitaire.
Dans ces conditions, le régime transitoire semble plus à même de concilier les exigences de la santé publique et des libertés individuelles. Nous avons donc souscrit au principe de sa prorogation et de celle du système d’information, mais avec quelques ajustements.
Comme le rapporteur a pu le souligner, notre position a été différente sur la durée à donner de cette prorogation. Le Gouvernement suggérait que celle-ci aille jusqu’au 1er avril 2021, soit un allongement de près de cinq mois du dispositif. Cette mesure simplifierait certes la vie de l’exécutif, mais elle serait également de nature à limiter l’intervention régulière du législateur.
Or, quand il est question de libertés publiques, de données médicales et de la politique de la Nation face au péril de cette épidémie, nous considérons que faire l’économie de l’intervention de la représentation nationale n’est pas souhaitable. C’est donc à juste titre que notre rapporteur, le président Bas, a proposé de ramener à trois mois ce prolongement, qui durerait donc jusqu’au 31 janvier prochain. Cette position est d’ailleurs proche de celle exprimée par nos collègues députés du groupe Les Républicains.
En plus de ce choix raisonnable, le texte voté par la commission comprend aussi des aménagements et des améliorations des autres dispositions du projet de loi.
Ainsi, nous ne pouvons que nous montrer sensibles à la volonté de prolonger les dispositifs permettant d’adapter le fonctionnement des collectivités territoriales à cette période difficile.
Nos élus locaux ont montré tout au long de la crise leur réactivité, leur disponibilité et leur inventivité : il faut continuer à leur faire confiance. Faisons donc le pari de la souplesse à leur égard.
D’autres améliorations portent par exemple sur le système d’information, avec la sécurisation juridique de l’action des centres communaux d’action sociale, les CCAS, durant la période de l’épidémie, ou encore la reprise des préconisations de la CNIL concernant la fixation d’une liste limitative des types de données pouvant être collectées à des fins de recherche épidémiologique.
Enfin, le texte de la commission contient aussi un ajout significatif, qui reprend à l’identique une mesure déjà votée par le Sénat durant son examen de la loi du 9 juillet 2020.
Il s’agit de la clarification du régime de droit commun de la réponse aux situations sanitaires graves de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Ces dispositions demeurent trop vagues dans le texte actuel de la loi, ce qui requiert une consolidation, comme l’a d’ailleurs justement identifié le Conseil d’État. Nous espérons que la nouvelle rédaction pourra cette fois prospérer.
Face au rebond de l’épidémie, le texte ainsi amendé offre un équilibre plus satisfaisant, qui, je l’espère, pourra être conservé en commission mixte paritaire. Il est peut-être malheureux que le régime transitoire dure plus longtemps que l’état d’urgence sanitaire proprement dit, mais les outils qu’il offre, ainsi aménagés, semblent appropriés aux exigences de l’heure.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi dans sa version modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris note de l’ensemble des interventions de la discussion générale. Les débats vont maintenant pouvoir s’ouvrir sur les dispositions du texte.
Si j’ai bien compris, vous êtes partagés entre une majorité qui est prête à voter la prolongation des mesures – je l’en remercie –, tout en cherchant à en réduire la durée, et une minorité opposée au maintien des dispositifs en l’état.
Nous aurons l’occasion d’en discuter amendement par amendement, mais j’insiste sur l’importance de maintenir les dispositifs qui ont actuellement cours et sans lesquels nous serions bien désarmés dans la lutte contre le virus.
Ne pas voter la prorogation de ce texte, ce serait décider de ne pas prolonger des outils numériques indispensables : il n’y aurait plus de contact tracing ni de recherche épidémiologique dans notre pays… De très nombreux dispositifs s’arrêteraient. La prolongation de ces mesures est donc vitale dans la période que nous connaissons.
Madame de La Gontrie, vous m’avez interpellé sur mon intervention en ouverture de la discussion générale : j’ai pourtant anticipé le débat en évoquant l’amendement qui tend à proroger un certain nombre d’ordonnances.
J’ai indiqué qu’il s’agissait de répondre à la demande des sénateurs, qui avaient déposé plusieurs amendements en ce sens en commission. J’ai également annoncé que, après en avoir discuté avec le rapporteur, nous étions prêts à faire évoluer le texte. Je crois donc avoir consacré près de 20 % de mon intervention à cet amendement… Mais maintenant, place au débat sur les articles !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire
Article 1er
I. – Au premier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 31 janvier 2021 ».
II. – (Non modifié) Les dispositions du I du présent article s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.
M. Jérôme Bascher. Mes chers collègues, nous voilà face à un véritable dilemme cornélien !
Ce projet de loi est sans aucun doute une mauvaise répétition des textes précédents : on prolonge de trois mois en trois mois des dispositions suffisamment exceptionnelles pour que le Parlement ne vous autorise pas, monsieur le ministre, à disposer de davantage de temps pour prendre ces mesures qu’on peut qualifier de liberticides. Oui, elles sont liberticides, mais, en face, il y a la santé de nos concitoyens ! Nous sommes donc prêts à en payer le prix.
Alors que ces mesures sont exceptionnelles, le Gouvernement, lui, ne l’est pas. Il n’est pas à la hauteur de l’enjeu, alors que, pendant l’été, il avait largement le temps de préparer et d’expliquer de façon claire les mesures qui pourraient être prises en fonction du niveau d’alerte – préconfinements, fermetures, etc.
Nous voilà une fois encore suspendus – nous, parlementaires – aux dires du Président de la République, qui s’exprimera demain. Vous allez nous raconter ce soir une histoire que le Président de la République balaiera peut-être demain par ses annonces. Des élections seront-elles repoussées – après tout, il ne s’agit de rien de moins que de la démocratie… – ou, par fantaisie, Noël sera-t-il reporté à Pâques ? (M. le ministre s’exclame.)
Monsieur le ministre, nous sommes confrontés à un véritable dilemme. Ces mesures sont nécessaires, mais, depuis plusieurs mois, vous n’êtes pas à la hauteur de l’enjeu ! J’ai confiance dans ces mesures – elles ont montré leur efficacité pour ralentir la propagation de ce virus qui nous paralyse tous –, mais je n’ai confiance ni dans le Gouvernement ni dans le Président de la République pour endiguer cette épidémie.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 21 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Éliane Assassi. Je serai rapide, puisque je viens d’intervenir en discussion générale. Par cohérence avec mes propos, que je maintiens évidemment, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 21.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements, pour la simple raison qu’elle souhaite que le régime issu de la loi dite « de sortie de l’état d’urgence » soit prolongé, et ce pour trois mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 14 rectifié et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier 2021
par la date :
1er avril 2021
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. J’insiste sur un point : il serait logique et cohérent de ne pas mettre fin aux dispositifs actuels au 31 janvier prochain, puisque nous serons amenés, dans le même temps, à vous soumettre un texte inscrivant des mesures pérennes dans le dur de la loi, conformément à la demande des sénateurs.
Ainsi, au même moment, s’entrechoqueraient ou se croiseraient deux textes traitant du même sujet de deux manières différentes. Cela ne me semblerait pas être « à la hauteur » des enjeux, pour reprendre les mots agréables du sénateur Bascher, que je remercie de sa confiance ; je crois que nous en avons tous besoin en ce moment… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Les Français ne vous font pas confiance !
M. Olivier Véran, ministre. Par conséquent, je vous propose, au travers de cet amendement, de rétablir la date du 1er avril 2021 comme date de fin d’application de ces mesures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me permets de vous le signaler, monsieur le ministre, nous n’avons jamais demandé au Gouvernement de nous présenter un projet de loi pérennisant ces mesures…
M. Philippe Bas, rapporteur. Mais non ! Je sais tout de même ce que nous avons fait, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Nous avons fait exactement le contraire. La loi du 23 mars dernier visait, dans sa version initiale, à mettre en place un régime d’état d’urgence sanitaire conçu à partir du modèle de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, et, justement, nous nous y sommes opposés ! Nous voulions un système temporaire, et non ajouter un régime d’exception à ce qui existe déjà.
C’est la raison pour laquelle la loi sur l’état d’urgence sanitaire ne dure qu’un an. Par conséquent, nous sommes parfaitement cohérents avec nous-mêmes.
Cela ne signifie d’ailleurs nullement que nous n’examinerons pas avec beaucoup d’attention le texte en question, que vous n’avez pas encore préparé et dont nous ne connaissons pas le contenu ; je suppose du reste que vous ne le connaissez pas non plus, sans quoi vous nous en auriez parlé…
Si vous pensez que présenter un hypothétique projet de loi au mois de janvier prochain vous empêche simultanément de prolonger le régime actuel, c’est parce que, je crois, vous n’avez pas en mémoire tout ce que le Parlement peut faire pour être agréable au Gouvernement, quand il s’agit de l’intérêt national.
Lorsque nous discutons de réformes structurelles, il ne nous est pas interdit d’adopter des mesures conjoncturelles ; nous avons même l’habitude de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la première occurrence des mots : « ou » et : « interdire » est supprimée.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas en état d’urgence, donc la liberté doit être la règle et l’interdiction l’exception !
Par conséquent, nous souhaitons que soit supprimée la possibilité, pour le Premier ministre, d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, tout en conservant la possibilité d’une réglementation. C’est bien l’état d’esprit d’une sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous considérons que nous vivons une période qui pourrait justifier des mesures restreignant la liberté de circulation des personnes et allant même jusqu’à certaines interdictions.
Cela ne justifie toutefois pas toute mesure de la part des autorités sanitaires. Si des mesures prises étaient jugées disproportionnées par la juridiction administrative, elles seraient bien évidemment annulées.
Bien sûr, le Gouvernement aura, si cet amendement est rejeté, un certain nombre de pouvoirs exceptionnels, mais il ne pourra les utiliser que conformément à la légalité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est supprimé.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit là encore de limiter la possibilité, pour le Premier ministre, d’ordonner la fermeture d’un certain nombre de lieux accueillant du public.
Le dépôt de plusieurs amendements à ce sujet montre que le sujet est important. Interdire n’est pas justifié dans l’état dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui – ou alors passons directement à l’état d’urgence sanitaire.
Nous le voyons – ce sera très bien défendu, dans quelques instants, par les collègues auteurs des autres amendements en discussion commune –, nombre de gérants d’établissements souhaitent, et parfois obtiennent dans la difficulté, un accès réglementé, une fréquentation organisée.
Par conséquent, non à la fermeture, mais oui à la réglementation !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié quater est présenté par M. Babary, Mme Primas, MM. Bouloux, Saury et Daubresse, Mme Noël, MM. de Nicolaÿ, Mouiller, Sol et Paccaud, Mmes Thomas, Chain-Larché et Deromedi, MM. Perrin et Rietmann, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Boré, Savary, Piednoir et Mandelli, Mmes Gruny et Dumont, M. Lefèvre, Mme F. Gerbaud, MM. B. Fournier, Bouchet et Duplomb, Mme Belrhiti, MM. Laménie et Segouin, Mme Lherbier, M. Chaize, Mme Micouleau et M. Cuypers.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Brisson, Mmes Chauvin et Borchio Fontimp, MM. Daubresse, Sol et Meurant, Mmes Puissat et Noël, M. Grosperrin, Mme Gruny, M. Le Gleut, Mmes Lassarade et Joseph, MM. J.M. Boyer, Bonnus et Burgoa, Mme Dumont, MM. Lefèvre, Bouchet, D. Laurent, Courtial, Vogel, C. Vial, Bonhomme, Savary et J.B. Blanc, Mme Dumas, MM. Mouiller, Belin et Regnard, Mme Imbert, MM. Husson, Hugonet, de Nicolaÿ et Duplomb et Mme M. Jourda.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements fermés en application de l’alinéa précédent peuvent demander au représentant de l’État dans le département de rouvrir provisoirement suivant les dispositions générales communes et les dispositions particulières d’un établissement d’un autre type, sans que cette réouverture ne modifie leur classement initial. »
La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quater.
M. Serge Babary. Je veux évoquer la situation des établissements recevant du public, ou ERP, de type P, salles de danse et salles de jeux, fermés administrativement depuis le 14 mars dernier.
Ces établissements subissent une perte financière sèche exceptionnelle et certains d’entre eux ne seront pas en mesure de rouvrir. Bien qu’ils aient proposé un protocole sanitaire contraignant, ces établissements n’ont pas été autorisés à rouvrir. Il faut aujourd’hui leur permettre de reprendre une activité économique en toute sécurité.
Le présent amendement tend donc à proposer que les ERP faisant toujours l’objet d’une fermeture administrative en raison de leur catégorie, parce que leur activité ne pourrait « garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus », puissent, sur leur demande, y substituer d’autres activités, proposées par des catégories proches d’ERP et dans le respect d’un protocole sanitaire jugé suffisant par l’administration.
Dans une telle hypothèse, les gérants devraient demander au préfet de département l’autorisation de substituer provisoirement à leur activité initiale une activité relevant d’une autre catégorie d’ERP, sans perdre le bénéfice de leur autorisation initiale. Une salle de danse pourrait ainsi envisager de se reconvertir en bar, restaurant, location de salle ou encore salle d’exposition, le temps de sa fermeture administrative.
En l’absence de perspectives de réouverture, il s’agit ainsi d’être aujourd’hui force de proposition, afin de permettre à ces établissements de survivre à la crise sanitaire.