Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le Gouvernement fait valoir que l’amendement est satisfait dès lors que le bénéfice de l’AES a déjà été ouvert à ces publics en 2020. Il ne serait donc plus nécessaire de financer cette prestation sur le budget 2021. L’argument est clair.
Pour notre part, nous considérons qu’une nouvelle aide exceptionnelle de solidarité sera très probablement nécessaire en 2021. Nous préférons donc laisser au Gouvernement de quoi financer cette aide pour les bénéficiaires de l’AFIS, en attendant qu’il revienne nous demander d’ouvrir 2 milliards d’euros supplémentaires pour tous les autres, conformément à ce que nous avons dit dans le cadre de nos interventions liminaires.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. Philippe Mouiller. Très bien !
Mme le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme le président. J’appelle en discussion les articles 68 et 69, ainsi que l’amendement portant article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
Article 68 (nouveau)
I. – Après le deuxième alinéa de l’article 35 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’allocation pour adulte handicapé est également versée à toute personne qui remplit l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa du présent article, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ;
« 2° La commission mentionnée à l’article 39 lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, précisée par décret.
« Le versement de l’allocation pour adulte handicapé, tel que prévu aux troisième à cinquième alinéas, prend fin à l’âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues à l’article 10. »
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er octobre 2021.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 68.
(L’article 68 est adopté.)
Article 69 (nouveau)
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, au plus tard le 1er juin 2021, sur les actions menées à destination des mineurs non accompagnés accueillis par la France dans le cadre du programme 304 et notamment l’action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » recueillant leur nombre, leur âge, la charge assumée par l’État et par les collectivités territoriales ainsi que la prise en charge dont ils bénéficient. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 69
Mme le président. L’amendement n° II-885, présenté par Mmes Le Houerou, Rossignol et Lubin, MM. Féraud et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier et Mmes Meunier et Poumirol, est ainsi libellé :
Après l’article 69
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’avenir du 3919, la ligne d’écoute nationale Violences Femmes Info, et le niveau de subventions publiques nécessaires pour financer l’extension des horaires d’écoute via un nouveau contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement rejoint l’amendement précédent.
Si j’ai bien entendu ce que vous avez dit, madame la ministre, il paraît difficile de comprendre que ce service soit ouvert à la concurrence, alors même que le numéro 3919 est la propriété de la Fédération nationale Solidarité Femmes.
Certes, vous l’avez dit, vous veillerez à prendre en compte l’expertise des personnes, souvent bénévoles, qui interviennent sur cette plateforme. Il s’agit d’une fédération d’associations, dont le réseau, qui s’étend sur l’ensemble du territoire national, est très efficace et répond bien à la demande des personnes victimes de violences conjugales.
Pour autant, nous maintenons notre amendement, qui vise à ce qu’un rapport sur l’avenir du 3919 soit remis au Parlement ; ce sujet reste d’actualité. Nous demandons également que la procédure de marché public soit interrompue au profit d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens passé avec la Fédération nationale Solidarité Femmes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable, pour les raisons que j’ai expliquées à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’ai précédemment présenté la démarche suivie par le Gouvernement pour renforcer les services d’écoute des femmes victimes de violences, concernant tant nos objectifs que les moyens que nous mettons en œuvre pour y parvenir. Dans ces conditions, le rapport que vous demandez me semble sans objet.
Pour ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme le président. Madame Le Houerou, l’amendement n° II-885 est-il maintenu ?
Mme Annie Le Houerou. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Culture
Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes deux rapporteurs spéciaux sur cette mission ; pour ce qui me concerne, je concentrerai mon intervention sur les programmes 175, dédié à la protection des patrimoines, et 131, dédié à la création.
Le programme 175, « Patrimoines », devrait être doté, en 2021, de 1,016 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 44,3 millions d’euros, ou 4,6 %, par rapport à la loi de finances pour 2020. Le plan de relance vient compléter ces crédits, puisqu’il comprend un plan d’investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l’emploi, appelé à être doté de 344,7 millions d’euros en crédits de paiement en 2021. Cette dotation complémentaire représente près de 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.
Les deux tiers restants des crédits de paiement du plan d’investissement, 231,7 millions d’euros, sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux, afin de relancer leur activité, qui a bien entendu été fragilisée par la crise. Cette aide répond à une double logique : renflouer les opérateurs en effaçant leurs pertes et permettre un rebond de leurs investissements, générant ainsi de l’activité chez leurs prestataires.
Une première estimation, réalisée en mai 2020 à notre demande, faisait état d’une perte cumulée pour ces établissements de 251,94 millions d’euros. Ce chiffre est aujourd’hui à réévaluer, compte tenu des incidences des mesures de contrainte sanitaire mises en œuvre lors du premier déconfinement, puis des mesures de couvre-feu, puis des mesures du deuxième confinement.
De fait, la crise remet en cause le choix opéré par le ministère de la culture ces dernières années de diminuer les subventions de certains opérateurs pour les inciter à développer leurs ressources propres. Parmi celles-ci, les recettes tirées du mécénat suscitent bien sûr une inquiétude au regard des baisses attendues des budgets dédiés au sein des grandes entreprises et d’une possible réorientation des dons vers des causes sanitaires et sociales.
Si l’initiative du Gouvernement peut être saluée, elle pourrait s’avérer insuffisante pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d’avant-crise. La direction générale des patrimoines table aujourd’hui sur un retour à la normale en 2023, et nous devons maintenir une certaine vigilance quant à la situation de certains opérateurs – nous en avons auditionné beaucoup : le musée du Louvre, par exemple, craint ainsi une cessation de paiement au cours de l’exercice 2022.
Pour ce qui est des autres édifices patrimoniaux, le projet de loi de finances témoigne d’un réel soutien aux collectivités territoriales. Les crédits affectés à l’entretien et à la restauration des monuments n’appartenant pas à l’État – collectivités territoriales et propriétaires privés – devraient progresser de 5 millions d’euros. Les musées territoriaux devraient bénéficier d’une augmentation de leur dotation de 10 millions d’euros et les archives territoriales d’une majoration de crédits de 3 millions d’euros.
Si ce soutien réaffirmé peut être mentionné, il aurait dû, de notre point de vue, être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés, dont la contribution essentielle à la préservation du patrimoine est fragilisée par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 et par l’absence de révision du dispositif dit « Malraux » en faveur des centres-villes.
Nous saluons la montée en puissance du plan Cathédrales. Mais elle ne saurait occulter l’absence de financement public pour les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Nonobstant la légère majoration de la dépense fiscale liée à certains de ces dons, les donateurs privés contribuent aujourd’hui seuls au financement de l’établissement public chargé des travaux et du chantier,…
M. Pierre Ouzoulias. Tels n’étaient pas les engagements pris !
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. … ce qui peut apparaître en contradiction avec les engagements ici exprimés et avec la loi du 29 juillet 2019, et semble trahir l’intention des donateurs.
La mission « Culture » et la mission « Plan de relance » retracent également une accélération des grands chantiers culturels, avec 120 millions d’euros de nouveaux crédits dégagés. Cette ambition louable appelle dans le même temps à une grande vigilance quant à l’exécution des dépenses.
La mission « Culture » connaît depuis 2016 une progression des restes à payer considérable – elle est de 41 %, soit 286 millions d’euros – alors que le contexte de la crise sanitaire s’avère propice à un allongement de la durée des chantiers.
Quant au programme « Création », ses crédits progressent également, de 4,5 %, pour atteindre 862,3 millions d’euros. Les crédits du programme sont par ailleurs largement complétés, là encore, par ceux du plan de relance : 177,9 millions d’euros sont ainsi prévus en faveur de la création. Mais, bien entendu, une large partie de cette somme sera consacrée au renflouement des opérateurs du programme « Création » – 81,9 millions d’euros –, avec, là encore, le risque qu’elle soit insuffisante au regard des incertitudes entourant la reprise de la saison culturelle, dans un contexte marqué par la mise en œuvre d’un couvre-feu durable, qui est d’ailleurs contesté, en particulier dans ses modalités horaires, comme vous le savez, madame la ministre.
La progression de la dotation du programme 131 doit également permettre de mieux soutenir les résidences et les structures labellisées dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels, ces aides étant là encore complétées par le plan de relance. L’ensemble est détaillé dans notre rapport écrit – le temps me manque pour vous le présenter exhaustivement.
Le soutien à l’emploi, en cette période de crise, est réaffirmé via une majoration du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et la mise en place d’un plan en faveur des artistes-auteurs destiné à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs droits sociaux. Compte tenu de la crise sanitaire, ce plan a été réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances, dans sa majorité, a décidé de vous proposer d’adopter les crédits de la mission « Culture ».
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés au titre de la mission « Culture » du présent projet de loi de finances s’élève à 3,236 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,209 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l’écart entre les deux textes étant de 8,38 % en crédits de paiement. Corrigée des mesures de périmètre, cette progression atteint 4,65 %.
La mission « Culture » ne résume pas, pour autant, le financement public de la culture et de la communication. Le total agrégé des crédits budgétaires et des dépenses fiscales destinés directement et indirectement à la culture et à la communication devrait ainsi atteindre 14,6 milliards d’euros en 2021. Ce montant n’intègre pas les crédits dédiés au sein de la mission « Plan de relance », soit 1,094 milliard d’euros.
La maquette budgétaire a évolué cette année, avec la création du programme 361. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une délégation générale à la transmission et à l’éducation artistiques et culturelles. Les crédits couverts par ce nouveau programme étaient jusqu’alors affectés au programme 224. Le nouveau programme reprend également les crédits affectés jusqu’alors au programme 186, « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Nous saluons la création de cette délégation, effective au 1er janvier prochain, et d’un nouveau programme qui permet de scinder distinctement ce qui relève de politiques publiques – enseignement, transmission, promotion de la langue – de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu’alors fondus au sein du même programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique.
Ainsi, chaque année, 12 millions d’euros étaient transférés de l’action n° 02 vers l’action n° 07 aux fins de financement des fonctions de soutien du ministère, sans que ce mouvement soit autorisé par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va donc, dans ces conditions, dans le bon sens et respecte de façon plus affirmée le principe de sincérité budgétaire.
Le programme 361 couvre les crédits dédiés aux établissements d’enseignement supérieur culturel et à l’insertion professionnelle. Ceux-ci devraient progresser de 3,56 % en 2021. Ils seront complétés par le plan de relance qui prévoit, pour 2021, 50 millions d’euros en crédits de paiement pour la rénovation du réseau des écoles d’architecture et de création et la modernisation de leurs outils informatiques.
L’insertion des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur culturel est érigée au rang de priorité par le ministère. Nous serons particulièrement vigilants sur la situation des diplômés des écoles d’arts plastiques, la cible retenue pour 2019 n’ayant pas été atteinte. La crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l’année à venir, le ralentissement de l’activité culturelle fragilisant l’entrée sur le marché du travail.
Le programme 361 vise également les crédits affectés au pass culture, expérimenté depuis juin 2019 dans quatorze départements. Ce pass consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. Chaque jeune de dix-huit ans résidant dans ces territoires peut demander l’octroi d’une enveloppe de 500 euros à dépenser, durant vingt-quatre mois, sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques, etc. Au 10 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts, sur 135 000 personnes éligibles environ. L’ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l’horizon 2022.
Le projet de loi de finances pour 2021 table sur une majoration des crédits dédiés au pass de 20 millions d’euros, pour atteindre 59 millions d’euros. Sans remettre en cause, bien au contraire, l’utilité du dispositif, qui peut s’avérer un véritable outil d’émancipation culturelle et aussi de décloisonnement des pratiques culturelles, il convient de s’interroger sur l’augmentation importante des crédits dédiés depuis la loi de finances pour 2019, alors même que les crédits ont été sous-exécutés d’année en année.
Afin de répondre au défi de la sous-consommation, il nous semble nécessaire d’accélérer le déploiement de l’application sur tout le territoire dès 2021. Le pass est pour l’heure peut-être mal connu, principalement en raison d’une expérimentation limitée. Il conviendra, dans un second temps, de procéder à une évaluation qualitative de l’application, tant du point de vue des jeunes que de celui des offreurs.
Compte tenu de la création du programme 361, le programme 224 recense désormais les crédits affectés aux fonctions de soutien et à l’action culturelle internationale. Il devrait être doté de 752,4 millions d’euros en crédits de paiement en 2021 ; 99 % des crédits sont fléchés vers les fonctions de soutien.
Par ailleurs, 7 millions d’euros de crédits supplémentaires devraient être dédiés à la mise en œuvre du plan pluriannuel de transformation numérique du ministère, qui a débuté en 2019 et devrait se terminer en 2022. Cette majoration des crédits permet de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire, mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l’écart observé avec d’autres administrations.
En dépit d’une diminution du nombre d’agents, la masse salariale devrait croître de 3 % en 2021, pour atteindre 479 millions d’euros ; 8 millions d’euros devraient être fléchés vers le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel destiné à combler le retard indemnitaire des agents du ministère sur leurs homologues des autres administrations. Cette revalorisation de la grille apparaît essentielle si l’on souhaite maintenir l’attractivité du ministère et éviter des vacances de postes prolongées. Le ministère fait des économies par ailleurs, comme en témoigne son projet immobilier Camus.
La commission des finances, comme l’a dit mon collègue Vincent Éblé, vous invite à adopter les crédits de cette mission.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Pierre Monier et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il m’appartient, pendant trois minutes, ce qui est peu – mais je me contenterai de quelques remarques, ce qui donnera un caractère impressionniste, voire tachiste, au rapport que je présenterai devant vous ! –, de présenter la mission « Patrimoines », qui englobe le patrimoine au sens strict et les musées.
Le budget que l’État consacrera l’année prochaine à cette mission dépasse la barre symbolique du milliard d’euros, et je ne peux que m’en réjouir, car c’est la première fois que ce montant est atteint, sachant que je n’inclus pas, dans ce milliard d’euros, le plan de relance – il ne s’agit strictement que des crédits budgétaires du ministère.
Il faut dire aussi que la crise que vient de traverser le secteur du patrimoine et des musées est exceptionnelle. L’année 2020 sera une année noire pour l’ensemble du patrimoine. La fréquentation des musées et des sites a été « plombée », pour parler familièrement, par l’absence de visiteurs étrangers. Deux chiffres : moins 82 % de visiteurs pour Versailles ; moins 71 % de visiteurs pour le Louvre.
Le faible nombre d’appels d’offres lancés par les opérateurs a eu des conséquences également très négatives – tout cela est cumulatif – sur les entreprises spécialisées dans les monuments historiques. Quant aux recettes du mécénat, qui sont essentielles dans ce domaine, elles se sont raréfiées cette année, pour un certain nombre de raisons.
L’État a fait face, et je tiens à me réjouir de l’importance tant des crédits budgétaires que des crédits du plan de relance. Une bonne moitié – un peu plus – des crédits du plan de relance, notamment, permettront d’accompagner les grands opérateurs de l’État tels le Louvre, le musée du quai Branly, le Centre des monuments nationaux, qui gère un nombre très important de sites, ou Versailles.
L’effort est important ; il était justifié par le rôle économique, touristique et culturel de ces institutions. Et il était normal que l’État les soutienne davantage, dans la mesure où, depuis quelques années, il leur avait imposé d’accroître leurs ressources propres.
Les autres crédits du plan de relance ont pour objet la restauration du patrimoine. C’est très important : il y va de l’avenir des entreprises spécialisées. Or, quand elles sont en difficulté, elles perdent des savoir-faire que l’on a beaucoup de mal, ensuite, à récupérer.
Je n’aurai qu’un regret à formuler : que les monuments historiques appartenant aux particuliers et aux collectivités territoriales ne bénéficient pas autant qu’ils l’auraient souhaité du plan de relance. La raison en est simple : les dépenses prévues au titre du plan de relance sont engagées sur deux ans ; pour beaucoup de collectivités, surtout les plus modestes, et pour beaucoup de propriétaires, c’est trop peu pour établir un programme et pour faire une demande.
C’est pourquoi il sera sans doute essentiel que le ministère prévoie d’autres manières de soutenir les propriétaires privés et les collectivités locales en augmentant le taux de subvention, en encourageant les travaux d’entretien et en améliorant l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, qui est souvent essentielle.
Sous bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Sonia de La Provôté et Véronique Guillotin applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a révélé la grande fragilité des acteurs culturels. Elle a particulièrement affecté le secteur de la création artistique et culturelle, très dépendant du public. Il traverse aujourd’hui une crise d’une gravité sans précédent, à la fois par son ampleur, par son intensité et par sa durée.
La commission de la culture tient à saluer la réactivité de l’État et des collectivités territoriales, qui ont rapidement mis en place des mesures de soutien aux acteurs culturels.
Ces mesures n’ont pas pour autant totalement dissipé les inquiétudes des artistes et des structures culturelles, qui se sentent toujours menacés. À travers eux, c’est la création qui est fragilisée et, par ricochet, l’accès à la culture et une part importante du dynamisme de nos territoires, sans oublier la diversité artistique, qui pourrait être mise en danger si la crise sanitaire venait encore accélérer les phénomènes de concentration.
Il existe de nombreuses incertitudes, qui ont trait tant à la durée de la crise qu’à la capacité des collectivités territoriales à maintenir le niveau de leur soutien.
Outre l’annonce de la possibilité d’une reprise des activités à compter du 15 décembre, le montant important des crédits mobilisés par l’État en 2021 en faveur de la création est, dans ce contexte, particulièrement bienvenu. J’espère que les moyens alloués à la culture dans le plan de relance ne seront pas remis en cause. La commission de la culture sollicite votre vigilance, madame la ministre, pour faire en sorte que ces moyens se traduisent de manière concrète et effective sur le terrain, en étant attentive au sort des artistes et des équipes artistiques et indépendantes ; en réalisant rapidement une évaluation des budgets des lieux labellisés, tant beaucoup de ceux qui sont exclus du bénéfice de l’activité partielle se retrouvent en difficulté ; en ne négligeant pas le rôle joué par toutes les associations culturelles et par les tiers lieux dans la diffusion et la transmission de la culture au niveau local ; en aidant la filière des arts visuels à se structurer ; et en mettant en place une organisation territoriale opérationnelle permettant d’associer les collectivités territoriales et les directions régionales des affaires culturelles (Drac) à la relance.
Je ne veux pas oublier les questions de transmission des savoirs et de démocratisation de la culture, qui sont particulièrement importantes, dans le contexte de cette crise, si nous voulons faire en sorte que la culture irrigue notre société bien plus encore qu’elle ne le fait déjà.
Nous saluons les efforts considérables accomplis en matière d’investissement en faveur des écoles de l’enseignement supérieur Culture. Mais nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles les crédits de recherche stagnent, alors qu’il s’agit d’un enjeu important. Il est indispensable – vous le savez – de donner aux écoles nationales supérieures d’architecture les moyens de mettre en œuvre la réforme de 2018. Sachez, madame la ministre, que ce matin, avec le soutien de la commission de la culture, le Sénat a voté la création de quinze postes sur le budget du Mesri, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Faites en sorte que la navette les maintienne ; c’est très important pour la collaboration entre le ministère de la culture et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il faut également avancer sur le statut des enseignants des écoles d’art territoriales.
Quant aux crédits du pass culture, ils sont ceux qui devraient enregistrer, l’an prochain, la plus forte progression. Mais nous demandons une évaluation. Le pass culture ne saurait en effet résumer la politique d’éducation artistique et culturelle (EAC), et on sait qu’il ne reste plus que deux ans pour atteindre l’objectif du 100 % EAC. C’est pourquoi la commission sera pleinement mobilisée pour faire vivre pleinement ladite éducation artistique et culturelle.
En vertu de toutes ces remarques, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits.