M. Rémi Féraud. Dans la suite du débat que nous venons d’avoir, je ne sais si ces questions ont un rapport avec le séparatisme, mais – M. le rapporteur pour avis le confirmait – elles sont très importantes dans un pays où la vie associative joue un rôle majeur et où la question des dons et des réductions fiscales y afférentes est elle aussi cruciale, dans la mesure où ils concourent à l’intérêt général.
Par cet amendement, nous demandons un rapport. Je sais que ce n’est pas dans l’usage du Sénat, qui n’apprécie pas toujours de telles demandes, mais il nous a semblé important de déposer un amendement en ce sens.
En effet, d’une part, comme l’expliquait Nathalie Goulet, l’article 10 peut très vite devenir un vœu pieux si l’administration fiscale n’a pas les moyens de le mettre en œuvre. Je tiens à ce propos à noter que, si Mme la ministre nous a expliqué que des garanties seraient données après la promulgation de ce texte pour sa mise en œuvre, la réalité est tout de même que, depuis 2017, l’administration fiscale est l’une de celles qui ont connu le plus de réductions de postes.
D’autre part, nous avons également besoin qu’on nous garantisse véritablement que l’article 10 ne sera pas détourné de son objet pour affaiblir la vie associative ou supprimer des réductions fiscales qui paraissent tout à fait légitimes et importantes pour l’intérêt général.
Tel est le sens de cette demande de rapport au Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 469.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est défavorable, monsieur le président. Cet avis ne se justifie pas seulement par l’hostilité du Sénat envers les demandes de rapport, mais aussi par le fait que la DGFiP publie déjà chaque année un rapport contenant des statistiques détaillées sur le nombre de contrôles et leurs résultats. Les données que vous demandez, mes chers collègues, devraient plutôt figurer dans ce rapport annuel. Celui-ci mériterait peut-être d’être un peu plus détaillé, mais un rapport supplémentaire ne serait pas pertinent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai d’autant plus volontiers ces amendements que j’en ai déposé un à l’article 31 dont l’objet est absolument identique. Je l’ai fait pour une raison très simple : les services du ministère de l’économie et des finances nous ont indiqué dans l’oreillette qu’ils n’avaient aucun moyen !
La meilleure façon de constater qu’on est en train d’installer une usine à gaz est de reconnaître que ces services sont déjà absolument incapables de procéder à des contrôles suivant les modalités existantes. Entre les contrôles généraux accomplis envers tout un ensemble d’acteurs et l’application exacte de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales, il y a une énorme différence. Nous traitons ici d’un problème bien précis.
Je comprends bien, madame la ministre, que vous ne vouliez pas de ce rapport, mais il faudra tout de même avoir que nous ayons un chiffre d’ici à l’examen du prochain projet de loi de finances, parce que c’est un sujet qui compte. À un moment ou à un autre dans la suite de nos débats, il faudra s’en assurer, qu’on le mette dans le « jaune budgétaire » ou qu’on accède à une demande que je présenterai un peu plus tard, en publiant un « orange budgétaire » qui nous permettrait de disposer d’un document de politique transversale sur tout ce qui concerne les associations ; dans tous les cas, il faut que l’on dispose, d’une façon ou d’une autre, du nombre exact de contrôles accomplis, par exemple, ces quatre dernières années sur ce point bien précis, de façon à pouvoir évaluer la charge de travail supplémentaire qu’engendreront les articles sur lesquels nous nous prononçons maintenant. Quand on déplume des services, on a forcément moins de possibilités de contrôle !
Je voterai donc ces amendements, pour la simple et bonne raison que j’en ai déposé un qui a exactement le même objet.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Mon explication de vote vaudra également défense de l’amendement n° 470.
La vraie question consiste à déterminer comment rendre ces mesures opérationnelles et comment faire en sorte de ne pas alourdir la vie des associations, dont on a déjà rappelé l’importance ; on a d’ailleurs aussi reconnu que l’on arrosait très large pour chercher quelques associations aux agissements contraires aux lois de la République.
Il se pose un autre problème de faisabilité : si ces associations sont contrôlées, en nombre ou non, il y aura alors forcément, par ricochet, moins de contrôles ailleurs. Or on observe déjà une diminution des moyens de contrôle sur le terrain, dans les départements. Dans la situation actuelle, le contrôle fiscal est déjà en difficulté. On nous a parlé de data mining et de bien d’autres choses ; il n’empêche que, quand on discute avec des agents de la DGFiP, on apprend que bien des personnes qui, il y a quelques années encore, étaient contrôlées de temps en temps ne le sont plus du tout. Cela pose une réelle difficulté, auquel ce projet de loi doit répondre, puisqu’on a choisi d’y poser ce problème.
Il faut aussi entendre que, si l’on veut que les dispositifs mis en place soient efficaces, il faut y mettre les moyens correspondants, surtout si l’on ne veut pas déplumer des services qui sont déjà en difficulté ; on sait combien d’heures de débat nous avons déjà eues ici sur les problématiques de la lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Le contrôle fiscal a effectivement beaucoup changé. Il n’est plus systématique, et bien heureusement ! Ce pays manque-t-il de contrôleurs ? Je n’en suis pas sûr.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il n’en manque pas à la Caisse d’allocations familiales !
M. Jérôme Bascher. Il manque peut-être de contrôleurs fiscaux, mais assurément pas de contrôleurs en général. L’administration passe aujourd’hui son temps à édicter des normes pour se donner du travail et pouvoir les contrôler derrière. On ne manque pas de contrôles et de normes : ce pays en souffre !
En vérité, il ne s’agit pas ici de cela, mais de pouvoir contrôler proprement les associations de caractère séparatiste, examiner ce qui s’y passe aussi du point de vue fiscal. Ce projet de loi n’a pas pour but de révolutionner le contrôle fiscal ; ce serait s’éloigner de son objet de manière quelque peu extraordinaire !
Ces amendements ne me paraissent donc pas totalement opportuns, puisqu’il n’est question que d’une possibilité. Quant aux moyens, on en discutera à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 469.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 470, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet d’évaluer les besoins de la direction générale des finances publiques et de préciser les moyens nécessaires à la réalisation des contrôles qu’elle effectue.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit d’un amendement d’appel ; l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 470.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 222, il est inséré un article 222 bis ainsi rédigé :
« Art. 222 bis. – À l’exception de ceux mentionnés au 3 de l’article 200, les organismes qui délivrent des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels ils indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt prévues aux articles 200, 238 bis et 978 sont tenus de déclarer chaque année à l’administration fiscale, dans les délais prévus à l’article 223, le montant global des dons et versements mentionnés sur ces documents et perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile ainsi que le nombre de documents délivrés au cours de cette période ou de cet exercice.
« Le modèle de cette déclaration est fixé par l’administration. » ;
2° Après le 5 de l’article 238 bis, il est inséré un 5 bis ainsi rédigé :
« 5 bis. Le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives, répondant à un modèle fixé par l’administration, attestant la réalité des dons et versements. » ;
3° Le second alinéa du 1 de l’article 1729 B est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également portée à 1 500 € en cas d’infraction pour la deuxième année consécutive à l’obligation de dépôt de la déclaration prévue à l’article 222 bis. »
II. – A. – L’article 222 bis du code général des impôts est applicable aux documents délivrés relatifs aux dons et versements reçus à compter du 1er janvier 2022 ou au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.
B. – Le 5 bis de l’article 238 bis du même code est applicable aux dons et versements effectués à compter du 1er janvier 2022.
M. le président. L’amendement n° 351, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. J’ai déposé cet amendement à la suite de l’avis du Haut Conseil à la vie associative, qui est opposé à cet article, sauf éclairage que Mme la rapporteure pourrait m’apporter. Il considère en effet que ces dispositions sont superflues et vont pénaliser, une fois de plus, les plus petites associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est défavorable, car cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui instaure la déclaration annuelle des organismes délivrant des reçus fiscaux.
Il nous semble important, si l’on veut déterminer qui délivre de tels reçus, que ces déclarations puissent être faites. Cela permettra justement à l’administration fiscale de cibler plus précisément les organismes devant faire l’objet de contrôles.
En revanche, pour faciliter la vie des associations, la commission a adopté un amendement de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances visant à décaler d’un an l’entrée en vigueur de cette obligation déclarative, de manière à s’assurer que les associations bénéficieront d’un portail de déclaration par internet qui soit facile d’emploi.
Je rappellerai enfin que ces déclarations porteront simplement sur le nombre de reçus émis et le montant global des dons reçus ; on n’impose donc pas un travail administratif détaillé reçu par reçu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Meurant. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 351 est retiré.
L’amendement n° 352, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
À l’exception de ceux mentionnés au 3 de l’article 200,
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Afin de garantir le respect des principes de la République, les associations de financement électorales ou mandataires financiers doivent répondre aux mêmes conditions que les autres associations délivrant des reçus fiscaux. Cela permettrait un axe de contrôle de toute volonté de politique électoraliste séparatiste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les mandataires financiers des partis ou groupements politiques sont déjà soumis à un contrôle financier distinct qui dépend, non de l’administration fiscale, mais de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). À ce titre, ils sont déjà soumis, en application de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, à l’obligation de communiquer chaque année à la CNCCFP la liste des personnes ayant consenti à leur verser un ou plusieurs dons ou cotisations, ainsi que le montant de ceux-ci. Ce contrôle est donc bien plus drastique que ce qui est demandé aux associations dans ce texte.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Meurant. Je retire également celui-ci, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 352 est retiré.
L’amendement n° 99, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le représentant de l’État dans le département peut interdire à une association soumise aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ou mentionnée au deuxième alinéa de l’article 4 de loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes de délivrer, pendant une durée maximale de deux ans, les documents mentionnés au premier alinéa de l’article 222 bis du code général des impôts, en cas de manquement à une ou plusieurs des obligations prévues au même alinéa ainsi qu’au troisième alinéa de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et les premier et quatrième alinéas de l’article 21 de la même loi du 9 décembre 1905.
Cette interdiction peut être prononcée après une mise en demeure de se conformer à la ou aux obligations concernées restée sans effet à l’issue d’un délai d’un mois.
Cette interdiction peut également être prononcée lorsqu’une association mentionnée au premier alinéa n’a pas procédé à la présentation des documents prévue par le troisième alinéa de l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 précitée dans les trente jours suivant la demande qui lui en a été faite par le représentant de l’État dans le département.
Le représentant de l’État qui envisage de prononcer une interdiction en application du présent paragraphe invite au préalable l’association à lui présenter ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures.
Le fait, pour le dirigeant ou l’administrateur d’une association, de procéder ou faire procéder à la délivrance de documents mentionnés au premier alinéa de l’article 222 bis du code général des impôts malgré une interdiction prononcée en application du présent paragraphe est passible de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, les peines encourues sont portées à trois mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. En dépit de l’heure tardive, je voudrais prendre une minute pour présenter cet amendement, quoique je n’aie pas le moindre doute quant au fait qu’il sera retoqué…
On fait face à un problème extrêmement important : on n’effectue jamais de contrôle a priori des documents émis par les associations cultuelles pour faire bénéficier leurs donateurs de déductions d’impôt.
Je voudrais citer à ce propos un cas que j’évoque régulièrement, tellement il est emblématique. Une association cultuelle de Seine-Saint-Denis y a organisé un dîner caritatif, indiquant dans un document que les dons faits pour ce dîner seront évidemment déductibles d’impôt. Seulement, ces dons ont en réalité pour destination une école coranique de Mauritanie ! Des dons déductibles d’impôt vont donc aller à une école coranique de Mauritanie, sans qu’il y ait aucun contrôle a priori ni que le préfet puisse empêcher cette association de publier ce type de documents.
Le présent amendement vise donc à permettre au représentant de l’État dans le département de mener une action contre ce type de documents. Certes, il y a beaucoup d’associations cultuelles et c’est compliqué, mais il s’agit là d’une opération absolument pratique : des associations cultuelles émettent des documents alléchants, promettant une déduction d’impôt, pour des objets absolument contraires à l’ordre public français.
Le ministère de l’économie et des finances nous a expliqué qu’il n’avait pas les moyens de suivre de tels dossiers et qu’il revenait au ministère de l’intérieur, chargé des cultes, de faire diligence ; c’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement. Dans tous les cas, madame la ministre, un problème pratique se pose.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Comme vous le supposiez, madame Goulet, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable, et ce pour plusieurs raisons.
Les premières sont purement techniques : d’une part, votre amendement ne tend pas à modifier certaines dispositions de la loi de 1905 avec lesquelles son dispositif est incompatible ; d’autre part, les peines prévues sont disproportionnées.
Par ailleurs, vous souhaitez transférer ce contrôle au préfet, arguant que l’administration fiscale aura du mal à le faire. Nous avons déjà eu ce débat. Cependant, je ne peux en vérité que m’associer à vos interrogations sur les moyens donnés à l’administration, d’autant que l’on s’apprête à demander aux associations cultuelles de se déclarer auprès des préfets : de quels moyens disposeront-ils pour vérifier ces déclarations ? On s’interroge sur les moyens de façon générale.
Je comprends donc le principe qui vous anime, ma chère collègue, mais je considérerai, si vous le voulez bien, que vous avez présenté là un amendement d’appel. La commission ne peut de toute manière que lui être défavorable pour les raisons techniques que j’ai exposées.
En revanche, je tiens à interpeller le Gouvernement sur les moyens qui seront mis en œuvre pour l’application de ces dispositions et notamment – nous y reviendrons à l’article 27 – pour le contrôle des associations cultuelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Une vraie question est posée : celle de l’application de loi, qui est extrêmement intéressante. Cela dit, il n’appartient pas au préfet de prononcer des sanctions fiscales ; on ne peut pas, simplement parce qu’une administration affirme qu’elle n’a pas les moyens de faire quelque chose, le demander derechef à une autre administration. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
Cette question fondamentale pourra faire l’objet d’un débat à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances ; il me semble que ce serait le bon vecteur. Pour autant, je partage l’avis de chacune et chacun sur ces travées quant à la nécessité d’appliquer la loi et d’en donner les moyens à l’administration.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet article, à son tour, va très au-delà de l’objet principal de ce projet de loi, qui porte essentiellement sur les cultes. En effet, il vise l’ensemble du secteur associatif et des organismes sans but lucratif.
La commission des finances s’est saisie pour avis de cet article. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, elle a proposé d’en reporter l’application. En effet, il existe en France – je le répète ! – 1,5 million d’associations. Certaines ont des services juridiques et des conseils, mais d’autres sont de toutes petites associations animées par quelques bénévoles. Or voici qu’on leur impose une nouvelle obligation ! Certes, elle est relativement légère – indiquer le montant annuel des dons reçus ainsi que le nombre de donateurs –, mais il leur faut un temps d’adaptation.
Ce temps d’adaptation est tout aussi nécessaire pour l’administration fiscale. À ce propos, madame la ministre, je suis un peu inquiet de l’audition préalable que nous avons eue sur l’article 10 de ce texte : on nous y a déclaré que l’administration mettrait « progressivement » en place un portail internet. On impose une nouvelle obligation à des associations qui sont parfois toutes petites et animées seulement par des bénévoles, sans garantir que l’administration se donne les moyens d’offrir un portail internet permettant de faire cette déclaration de manière simple. Va-t-on encore imposer aux associations de la paperasse ?
Alors, accordons-nous un petit délai, pour que cette nouvelle obligation soit remplie de la manière la plus simple possible. Encore une fois, ce ne sont pas simplement quelques associations cultuelles ou quelques gros organismes que l’on vise, mais bien l’ensemble de ce secteur sans but lucratif, qui est si important en France.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 550 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le e du 1 de l’article 200 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous demandons la suppression de la déduction d’impôt pour les dons aux associations cultuelles.
En effet, l’article 2 de la loi de 1905 dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. » Or la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat a véritablement atténué la portée de ce principe fondamental de notre République.
Comme le souligne le juriste Jean Rivero, « Les textes législatifs, les rapports parlementaires qui les commentent, les circulaires qui ont accompagné leur mise en application ont toujours entendu la laïcité en un seul et même sens, celui de la neutralité religieuse de l’État. »
Fabrice Bin, auteur d’une thèse de doctorat sur la pensée religieuse et l’impôt, affirme sans ambiguïté que, du point de vue fiscal, « cette neutralité présente la forme de l’absence de prise en compte de la confession du contribuable dans le traitement de ses dettes fiscales ».
Il est impératif de renouer avec la laïcité fiscale, en mettant fin au financement indirect des cultes, car la réduction d’impôt pour les dons s’apparente bien à une prise en charge par l’État de la dépense du contribuable.
Pour prendre un exemple concret, quand un ou une fidèle souhaite donner 100 euros à un culte, il fait assumer un coût de 66 euros à l’ensemble de la collectivité. L’instauration d’un plafond de revenu imposable concerne l’ensemble des dons relevant de l’article 200 du code général des impôts et constitue donc une mise en concurrence entre les différentes causes bénéficiant d’une réduction fiscale.
Ainsi, comme le souligne l’auteur précité, les contribuables peuvent arbitrer entre plusieurs affectations, les unes relevant de l’intérêt général – les organismes ayant un caractère éducatif, social, humanitaire ou encore sportif – et les associations cultuelles, c’est-à-dire privées, car les activités religieuses sont considérées comme relevant de la sphère privée.
Enfin, on peut souligner le caractère doublement inégalitaire de la fiscalité des dons aux associations cultuelles. D’une part, celle-ci ne concerne que les contribuables imposables au titre de l’impôt sur le revenu, les croyants qui font partie de la moitié la plus pauvre de la population étant priés de payer leurs dons eux-mêmes ; d’autre part, la subvention publique est d’autant plus élevée que le croyant a les moyens de faire un don important, jusqu’à 20 % de son revenu.
Il convient donc de faire cesser immédiatement cette interposition de l’État entre un culte et ses fidèles.
M. le président. L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sauf accord préalable de l’administration fiscale, les dispositions de l’article 200 du code général des impôts ne s’appliquent pas si les œuvres ou organismes bénéficiaires de versements prévus au premier alinéa du même article 200 ont pour objet l’exercice public d’un culte.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un peu moins radical que celui qui vient de vous être présenté. Il vise à imposer un accord préalable de l’administration fiscale avant l’application de l’article 200 du code général des impôts.
La réalité, c’est que cette disposition donne lieu à beaucoup d’abus ; je pourrais en citer, mais il est fort tard.
Cet amendement avait été déposé à l’occasion du dernier projet de loi de finances, mais votre collègue Olivier Dussopt m’avait opposé qu’il ne s’agissait alors ni du bon texte, ni du bon jour, ni de la bonne heure (Sourires.), et m’avait indiqué que le texte sur le séparatisme – tel était son intitulé à l’époque – allait arriver en discussion et que j’aurais le loisir de défendre cet amendement à cette occasion.
C’est ce que je fais aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 550 rectifié bis tend à revenir sur la réduction d’impôt attachée aux dons faits aux associations cultuelles. À notre sens, ce serait revenir sur l’équilibre qui a été trouvé. En outre, supprimer ces avantages fiscaux à un moment où l’on souhaite que les associations cultuelles n’aillent pas chercher leur financement ailleurs qu’en France parmi leurs fidèles serait contre-productif.
L’avis est donc défavorable.
Avec l’amendement n° 215 rectifié bis, on en revient à la discussion précédente. La mesure proposée, un contrôle a priori, me semble de bon sens, mais disproportionnée et difficile à obtenir. Demandons déjà que le contrôle a posteriori soit effectué sur certaines associations ciblées à partir des déclarations faites.
Avis défavorable.