Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante non seulement représente un texte avec des avancées économiques, juridiques et sociales importantes pour les indépendants, mais il constitue surtout un texte prenant en compte les situations humaines complexes de personnes engagées, pour leur travail et pour leur entreprise, pour l’économie de notre pays et pour leur famille.
Près de 3 millions d’indépendants – artisans, commerçants et libéraux – attendaient depuis 1994 une évolution substantielle de leur statut.
À l’instar des rapporteurs des commissions des lois, des affaires économiques et des affaires sociales, dont je tiens à saluer le travail et la détermination, je me félicite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire. Les différences entre nos deux chambres ont permis d’enrichir le projet qui nous était soumis.
Le groupe Union Centriste soutient, comme en première lecture, les deux mesures phares de ce texte : la création d’un statut unique et l’évolution des allocations chômage des indépendants.
Le nouveau statut d’entrepreneur individuel permettra d’abord de séparer les patrimoines professionnel et personnel des indépendants, ce dernier devenant insaisissable. Cette séparation est primordiale pour limiter le risque personnel de celui qui souhaite créer son activité. Devenir entrepreneur, créer son emploi, c’est prendre des risques. Il devenait inconcevable que l’individu et sa famille soient personnellement exposés aux risques économiques de l’activité indépendante.
Nous devrons tout de même rester vigilants quant à l’attitude des banques lorsque celles-ci demanderont des garanties aux entrepreneurs, par exemple lors de l’octroi de prêts. Si l’entrepreneur individuel peut renoncer de son plein gré à cette séparation des patrimoines, il ne faut pas que cela devienne un moyen de pression à la disposition des banquiers.
En ce qui concerne les allocations chômage et l’évolution des conditions d’accès à l’ATI, le remplacement de l’obligation d’avoir subi un redressement ou une liquidation judiciaires par la déclaration de cessation totale et définitive de l’activité simplifie les démarches. Cela corrige l’un des défauts de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui était très restrictive et limitée dans ses montants.
Malgré tout, le texte proposé n’est pas encore parfait et peut avoir des effets de bord négatifs pour certains indépendants. En effet, alors que le montant de l’ATI était le même pour tous ceux qui pouvaient y prétendre, il pourra désormais être inférieur à 800 euros par mois pour les indépendants qui ne percevaient pas un revenu suffisant pendant leur activité. Monsieur le ministre, comment éviter cela et, surtout, avez-vous prévu des « lignes budgétaires » suffisantes pour cette nouvelle ATI ?
Nous constatons néanmoins que ce projet de loi recèle de vraies avancées. Il faudra accompagner les indépendants face à ces évolutions et, pour ce faire, au-delà des outils de communication que vous ne manquerez pas de produire, les réseaux consulaires des chambres de métiers et de l’artisanat et de celles de commerce et d’industrie seront, j’en suis convaincue, de bons interlocuteurs de proximité pour soutenir et développer l’activité indépendante des artisans et des commerçants,…
Mme Françoise Férat. … si importants pour la vitalité économique des territoires.
Pour finir, je souhaite profiter de cette séance pour vous interpeller, monsieur le ministre, sur l’augmentation des coûts des matières premières et sur l’explosion du prix de l’énergie. Ces variations affectent l’ensemble des citoyens et des entreprises, mais plus encore les indépendants, dont l’équilibre économique des entreprises est souvent fragile.
La moitié d’entre eux est au tarif réglementé et bénéficie du bouclier tarifaire. C’est une bonne chose, mais qu’en sera-t-il dans les mois à venir ? La situation est incertaine et les indépendants ont besoin de visibilité. Le Gouvernement doit donc se pencher sur des mesures plus structurelles.
Pouvez-vous également nous rassurer en nous garantissant qu’il n’y aura pas de rappel a posteriori des montants en jeu, car les entreprises qui sont en phase de remboursement de prêt et de report de charges ne pourraient y faire face ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutient l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’examen en procédure accélérée de ce projet de loi, en octobre 2021 au Sénat puis, le mois dernier, à l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire de la semaine dernière s’est avérée conclusive. Tous les textes ne connaissent pas une telle célérité ni un tel succès…
De l’avis général, cette réforme constitue une bonne initiative pour les professionnels concernés, dont nous avons pu étudier en détail, à cette occasion, les enjeux et les difficultés.
En définissant un statut du professionnel indépendant, ce projet de loi déroge à des règles traditionnelles de notre droit, comme celle de l’unicité patrimoniale. Cela explique sans doute en partie l’absence de définition générale jusqu’à ce jour.
Nous avons pu constater que, dans ce domaine comme dans d’autres, les difficultés résident dans les détails : le statut avec, comme je l’ai dit, ses implications en termes économiques et sociaux, mais également les modalités de transmission, de cessation ou de liquidation d’activité ou encore le paiement des dettes.
Changement notable : le projet de loi prévoit la mise en extinction du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), pourtant créé il y a seulement une dizaine d’années. Espérons que le nouveau régime connaisse davantage de succès…
À côté des modifications du droit civil et commercial, ce texte comporte des mesures institutionnelles, comme la fusion des fonds d’assurance de formation des artisans, la procédure disciplinaire des experts-comptables ou encore la gestion des chambres de commerce et d’industrie.
Il faut saluer certaines avancées sur l’artisanat, même si de nombreuses mesures sont renvoyées à une ordonnance, comme c’est aussi le cas pour les professions libérales, à l’exception des règles de la détention de parts sociales. Pour l’artisanat, le texte aurait pu aller plus loin, en particulier pour œuvrer à la préservation des spécificités et des savoir-faire des différents métiers, qui font la richesse de notre histoire, de notre économie et de nos territoires.
Bien que les amendements présentés en première lecture par le groupe RDSE n’aient pas rencontré le succès espéré, je tiens à saluer le travail conduit à cette occasion par notre collègue Henri Cabanel : les enjeux de la dématérialisation des procédures administratives des indépendants, depuis la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), et la garantie des cautions personnelles pour emprunt professionnel demeurent cruciaux.
Je me félicite de la suppression de l’article 9 bis du texte, qui aurait obligé des organismes comme Pôle emploi, les établissements de crédit, les chambres de commerce et de l’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat ou encore les experts-comptables à transmettre une information à caractère commercial sur les assurances complémentaires contre la perte d’emploi.
Mme Frédérique Puissat. Tout à fait !
M. Jean-Claude Requier. La protection du conjoint salarié devrait, elle aussi, être renforcée avec cette réforme.
Pour résumer, disons que les travailleurs indépendants connaissent des situations très contrastées, du point de vue tant du revenu que du domaine d’activité ; cette diversité n’a, au fond, rien à envier à celle du salariat.
Je regrette quelque peu que ces mesures, certes techniques, mais non anodines, arrivent en fin de législature. Aussi, je ne serais pas étonné que nous soyons appelés à y revenir, dans un avenir pas si lointain, à l’occasion d’un autre projet de loi…
Le statut de professionnel indépendant est à la fois protéiforme et de plus en plus répandu, ce qui pose des difficultés intrinsèques au législateur. Aussi, mettre en place une réglementation unifiée dans ce domaine représente un réel effort.
Le parti radical est un allié historique des petits indépendants, artisans, commerçants, de ceux qui s’appuient sur leurs ressources individuelles pour mener à bien leurs activités et les faire fructifier. Ce monde a souvent l’habitude de ne compter que sur lui-même et de ne pas attendre d’aides de l’État ni de quelque autorité que ce soit, hormis l’absence de contraintes et un traitement équitable des uns et des autres.
Gageons que ce projet de loi en faveur des professionnels indépendants apportera à ces derniers de la sécurité juridique et les moyens de mener à bien leurs projets, qui contribuent à la richesse de notre pays et de nos territoires.
Les membres du groupe RDSE voteront en faveur des conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 95 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 253 |
Pour l’adoption | 253 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Aménagement du Rhône
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’aménagement du Rhône (proposition n° 373, texte de la commission n° 439, rapport n° 438).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Texte élaboré par la commission
Mme la présidente. Je donne lecture du texte élaboré par la commission.
proposition de loi relative à l’aménagement du rhône
TITRE Ier
DATE D’ÉCHÉANCE DE LA CONCESSION GÉNÉRALE DU RHÔNE À LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE
Article 1er
Le dixième alinéa de l’article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes est ainsi rédigé :
« La concession unique prend fin le 31 décembre 2041. »
TITRE II
CAHIER DES CHARGES GÉNÉRAL DE LA CONCESSION GÉNÉRALE DU RHÔNE
Article 2 A (nouveau)
Après le 3° de l’article 1er de la loi du 27 mai 1921 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet aménagement veille à s’inscrire dans la réalisation des objectifs de la politique énergétique nationale, en vue d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et pris en application de l’article L. 100-1 A du même code. »
Article 2
Le quatrième alinéa de l’article 2 de la loi du 27 mai 1921 précitée est ainsi rédigé :
« Les statuts de la société unique ou des sociétés qui sont substituées au concessionnaire après autorisation sont approuvés par décret en Conseil d’État, sur proposition des ministres mentionnés au deuxième alinéa. Le cahier des charges est annexé à la loi n° … du … relative à l’aménagement du Rhône et fixe notamment : ».
Article 3
Après le neuvième alinéa de l’article 2 de la loi du 27 mai 1921 précitée, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 6° Un schéma directeur qui précise la nature et le contenu d’un ensemble d’actions et d’objectifs proposé par le concessionnaire à l’État et mis en œuvre au travers de programmes pluriannuels quinquennaux ou d’un programme de travaux supplémentaires. Ces programmes font l’objet d’une consultation du comité de suivi de l’exécution de la concession prévu à l’article L. 524-1 du code de l’énergie, associant l’ensemble des parties intéressées, dans les conditions prévues par le cahier des charges. Par dérogation au même article L. 524-1, les représentants de l’État dans les départements concernés peuvent organiser, par arrêté conjoint, le comité de suivi en trois commissions territoriales, dont chacune comporte des représentants des personnes mentionnées à la dernière phrase du I dudit article L. 524-1. La direction régionale chargée de l’agriculture et celle chargée de l’environnement sont représentées parmi les représentants de l’État. Les députés et les sénateurs des circonscriptions dont tout ou partie du périmètre géographique recoupe le périmètre géographique de la concession du Rhône peuvent faire partie du comité de suivi ou de ses commissions territoriales.
« En outre, ce schéma directeur définit et précise les missions d’intérêt général confiées au concessionnaire.
« Le cahier des charges, ainsi que le schéma directeur qui lui est annexé, de la concession unique mentionnée au deuxième alinéa du présent article peuvent faire l’objet de modifications approuvées par décret en Conseil d’État, après avis des conseils départementaux et des conseils régionaux concernés. Ces avis sont réputés favorables à l’issue d’un délai de quatre mois à compter de la transmission du projet de modification du cahier des charges ou du schéma directeur qui lui est annexé aux conseils départementaux et aux conseils régionaux intéressés. »
Article 4
Le cahier des charges général et le schéma directeur qui lui est annexé, tous deux annexés à la présente loi, sont, à compter de la promulgation de la présente loi, adoptés et substitués au cahier des charges général et au schéma directeur de la concession unique mentionnée au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 27 mai 1921 précitée, dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi.
TITRE III
ÉNERGIES RÉSERVÉES
Article 5
La loi du 27 mai 1921 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l’article 2, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – Par dérogation à l’article L. 522-2 du code de l’énergie, l’énergie réservée prévue aux dix-septième et avant-dernier alinéas de l’article 2 de la présente loi est rétrocédée par les représentants de l’État dans le département aux bénéficiaires d’une décision d’attribution, dont ceux prévus à l’article 3.
« Les modalités selon lesquelles cette réserve est tenue à la disposition du représentant de l’État dans le département et des ayants droit ainsi que les travaux qui peuvent être imposés au concessionnaire pour l’utilisation de ces réserves sont fixés par décret en Conseil d’État.
« La part non attribuée de cette énergie réservée peut faire l’objet d’une compensation financière par le concessionnaire, dont les modalités et les bénéficiaires sont fixés par décret en Conseil d’État. L’autorité concédante ne peut figurer parmi ces bénéficiaires.
« À compter du 1er janvier 2023, le représentant de l’État dans le département peut abroger les décisions d’attribution d’énergie réservée accordées par l’État avant cette date. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa de l’article 3, les mots : « décrets délibérés en conseil d’État et rendus sur la proposition du ministre des travaux publics, à l’accord avec le ministre de l’agriculture » sont remplacés par les mots : « voie réglementaire ».
TITRE IV
COMPTABILITÉ ET TITRES D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC
Article 6
La loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article 1er est supprimé ;
2° L’article 4 est ainsi rétabli :
« Art. 4. – La Compagnie nationale du Rhône applique les normes du plan comptable général conformément au code de commerce et au guide comptable des entreprises concessionnaires.
« Elle procède, s’agissant de la production d’électricité, à la séparation comptable prévue à la sous-section 1 de la section 6 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l’énergie.
« S’agissant de la concession générale mentionnée au premier alinéa de l’article 1er de la présente loi, elle produit un compte spécial de la concession et met en place une comptabilité analytique. » ;
3° Après le même article 4, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – La Compagnie nationale du Rhône peut délivrer, après accord du représentant de l’État dans le département et dans les conditions prévues par le cahier des charges général de la concession générale mentionnée au premier alinéa de l’article 1er, les titres d’occupation du domaine public concédé de l’État n’excédant pas le terme normal de la concession, en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-19 du code général de la propriété des personnes publiques. »
Article 7
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission pendant sept minutes et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous parlons aujourd’hui, dans cet hémicycle, de l’avenir : de l’avenir d’une concession historique, d’un fleuve national : le Rhône, ce « fleuve armé », d’après les mots de Paul Claudel, aux « sonnantes eaux […] qu’aucun rivage ne captive ».
Célèbre pour son impétuosité, le Rhône est avant tout un fleuve que nous avons dû dompter, canaliser, non seulement pour limiter ses crues, mais aussi pour exploiter au mieux ce qu’il peut nous offrir. Sans travaux d’aménagement du Rhône, l’urbanisation de l’agglomération lyonnaise n’aurait jamais été possible, qu’il s’agisse de voies de navigation ou de source d’énergie ou d’eau pour les villes et les champs.
Aujourd’hui, nous veillons davantage sur ce fleuve pour préserver sa biodiversité et ses paysages et faire en sorte qu’il continue à servir et développer durablement les territoires qu’il traverse de son cours puissant.
En somme, ce fleuve a évolué avec nous. Il s’agit d’une page importante de notre passé et, bien évidemment, de notre avenir. Cette page, nous l’écrivons ensemble aujourd’hui.
Je suis particulièrement heureuse d’être ici pour le vote de cette proposition de loi du président Mignola relative à l’aménagement du Rhône, qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et qui fait consensus dans cet hémicycle.
Je tiens tout d’abord à réaffirmer l’attachement profond du Gouvernement à la mission d’intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Cette dernière, conformément aux dispositions de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, s’est dotée en 2020 d’une raison d’être qui reflète bien son identité unique : « Le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires, les énergies renouvelables pour l’avenir. »
Cette concession centenaire est devenue un formidable outil de transition écologique, en partenariat resserré – et je sais que vous y êtes sensibles – avec les collectivités locales.
Si la Compagnie nationale du Rhône est tournée vers l’avenir, c’est d’abord grâce à la diversité de ses missions. Je pense bien évidemment à ses trois missions historiques : production d’énergie, navigation fluviale et irrigation agricole. Dans tous ces domaines, nous avons fait des pas de géant depuis le début de la concession.
Ainsi, 19 centrales hydroélectriques ont été construites, qui représentent aujourd’hui près du quart de notre production française d’hydroélectricité.
En ce qui concerne le transport fluvial, alternative moins carbonée au transport de marchandises par camions, 330 kilomètres de voies navigables ont été aménagés, reliant Lyon à la Méditerranée.
Au-delà de ses missions traditionnelles, la Compagnie nationale du Rhône a aussi élargi ses horizons. Elle est aujourd’hui le premier producteur en France d’énergies exclusivement renouvelables, avec un mix varié, qui tire parti de l’énergie de l’eau, du vent et du soleil.
Ce n’est pas tout : la Compagnie nationale du Rhône participe aussi à l’aménagement durable et au développement économique du territoire rhodanien tout en protégeant l’environnement et la biodiversité du fleuve.
Ainsi, la Compagnie est particulièrement investie dans la renaturation des berges du Rhône ou encore dans la réhabilitation et la protection des lônes, ces anciens lits du fleuve laissés à l’abandon.
L’engagement en faveur de l’environnement et de la biodiversité est aujourd’hui dans l’ADN de la Compagnie nationale du Rhône, au point qu’elle exporte cet engagement à l’international, notamment à travers le collectif Initiatives pour l’avenir des grands fleuves qu’elle a créé. Mais la CNR finance aussi diverses actions internationales, comme la récente campagne d’étude de la fondation Tara Océan sur la pollution plastique des fleuves.
À la veille du One Ocean Summit, qui s’ouvrira demain à Brest, je pense que nous sommes tous conscients que la pollution de nos eaux, qu’elles soient fluviales ou maritimes, n’est plus acceptable, a fortiori à l’heure où nous redoublons d’efforts pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre et mieux protéger nos écosystèmes.
C’est cet engagement complet qu’incarne avec brio la Compagnie nationale du Rhône en étant présente sur ces différents fronts, dans une démarche globale.
Enfin, la dernière spécificité de la CNR tient à son mode d’action, en partenariat avec les collectivités locales. Je sais à quel point vous y tenez, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez notamment pour mission de représenter les collectivités au sein du Parlement.
Oui, la Compagnie nationale du Rhône réalise ses missions via une collaboration vertueuse avec les collectivités territoriales : qu’il s’agisse de financer des projets, d’aménager le territoire rhodanien ou de mettre en œuvre des actions de protection de l’environnement, les collectivités locales sont des partenaires indispensables de la CNR. Cela se voit dans la composition même du capital de l’entreprise, dont 183 collectivités sont actionnaires, aux côtés de la Caisse des dépôts et d’Engie.
En somme, la Compagnie nationale du Rhône constitue un modèle pour une action publique efficace, concertée et adaptée, au plus près de nos territoires.
Dans ce contexte, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, qui arrive à un moment opportun et qui sera gage d’une prévisibilité profondément nécessaire.
Vous le savez, la concession doit expirer d’ici à la fin de l’année 2023. Pour anticiper cette échéance, l’État avait lancé des travaux, dès 2014, qui ont mené à des processus de concertation et de consultation du public de 2019 à 2021.
Dans la lignée de ce qui a été décidé de manière participative, inscrire 2041 comme terme de la concession dans une disposition législative ad hoc permet de pérenniser les missions essentielles de la Compagnie nationale du Rhône. Cette prévisibilité est nécessaire non seulement au territoire rhodanien, dont la CNR constitue un maillon décisif de l’action locale, mais aussi à l’entreprise et à ses 1 300 salariés, de même qu’aux collectivités locales actionnaires.
Garantir la stabilité de la concession était absolument vital pour assurer le succès de l’effort de transition écologique que nous entamons sur le plan national. J’ai eu l’occasion de mentionner la participation cruciale de la Compagnie nationale du Rhône à cet effort, notamment en matière de développement des énergies renouvelables.
Si nous voulons atteindre 40 % d’électricité renouvelable dans notre mix national d’ici à 2030, conformément aux dispositions de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il est indispensable de prévoir un pilotage de long terme de la concession.
Pour atteindre nos objectifs à dix, vingt et trente ans, nous devons pouvoir anticiper, prévoir, et maintenir le cap. C’est tout ce que nous apporte la pérennisation de la concession.
L’adoption de cette proposition de loi nous permettra également de renforcer et de consolider les actions de la Compagnie nationale du Rhône dans l’ensemble des champs de la concession en accentuant les exigences du cahier des charges.
Cette nouvelle rédaction permet tout d’abord de pérenniser la trajectoire d’investissements ambitieux de la CNR. Ainsi, depuis 2003, la Compagnie a financé, avec les collectivités locales, plus de 500 millions d’euros de projets territoriaux, notamment en faveur des énergies renouvelables, de la protection de la biodiversité, du tourisme ou de l’agriculture durable.
La prolongation renforce le « schéma directeur » de la concession et prévoit que 165 millions d’euros continueront d’être dédiés à ces missions, tous les cinq ans, par la CNR. Il s’agit d’un relèvement supplémentaire de nos exigences pour que le concessionnaire continue d’avancer avec ambition dans la voie qu’il a déjà commencé à emprunter.
De même, la proposition de loi prévoit des exigences fortes pour le développement de l’énergie hydraulique et de la navigation fluviale, deux leviers puissants pour décarboner notre mix énergétique et nos modes de transport des marchandises.
Le cahier des charges révisé prévoit ainsi un programme de travaux hydroélectriques et de navigation mobilisant un investissement total de 500 millions d’euros. Il s’agira d’un formidable coup d’accélérateur pour notre effort national de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À ce titre, nous avons notamment prévu, dans le programme de travaux, que le concessionnaire devra réaliser une étude préalable à l’installation d’un nouvel ouvrage hydroélectrique de 40 mégawatts dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas.
Nous avons débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale. Nous déciderons, dans les prochaines années, à l’issue de la réalisation de ces études et d’une concertation publique, de sa réalisation ou non en prenant en compte l’ensemble des enjeux, qu’ils soient énergétiques ou environnementaux. Toutefois, que nous décidions ou non de réaliser cet aménagement, l’équilibre économique sera maintenu à travers la redevance ou la réallocation de certains montants aux programmes pluriannuels quinquennaux.
Au-delà du développement de nos énergies renouvelables, les exigences de l’État sont également renforcées en matière de biodiversité.
Des travaux supplémentaires sont prévus, avec l’équipement de six barrages existants afin de compenser l’augmentation des débits réservés tout en continuant de contribuer à la continuité piscicole.
De même, l’axe du schéma directeur sur l’environnement a été renforcé. Il mentionne désormais explicitement la biodiversité.
Enfin, le rapporteur, Patrick Chauvet, a proposé des amendements que la commission a adoptés.