M. Jérôme Durain. L’article 9 s’inscrit dans le chapitre Ier, intitulé « Renforcer la filière investigation ». Le mot « renforcer » nous inquiète…
Déposer cet amendement de suppression est certes quelque peu radical, mais cela traduit une très profonde inquiétude, que nous ne sommes pas les seuls à manifester. Il nous semble en effet que le fait de procéder aux actes de police judiciaire nécessaires au bon déroulement et à la qualité des enquêtes est essentiel.
Vous souhaitez, au travers de cet article 9, tirer les conséquences de la réforme de la formation d’OPJ en intégrant, dans la formation initiale des gendarmes et des gardiens de la paix, la suppression de la carence de trois années. Vous vous êtes exprimé très longuement, monsieur le ministre, sur la nécessité de nourrir les filières investigation. Or, selon nous, une telle mesure n’est pas forcément de nature à renforcer ces filières.
En réduisant les exigences de pratique et d’expérience requises pour devenir OPJ, on risque réellement d’affecter, à terme, la qualité des actes de police judiciaire, de fragiliser les enquêtes, et de pénaliser ainsi la manifestation de la vérité et la protection des victimes. Cette accélération de l’entrée dans le métier d’OPJ est peut-être de nature à affaiblir la fonction.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 57.
M. Guy Benarroche. Je vais compléter les propos de Jérôme Durain, que je partage totalement.
Au travers du présent amendement, nous nous opposons à la suppression de la durée minimale de trois années d’expérience des gendarmes et des policiers, condition pour être habilité en qualité d’OPJ. Nous pensons que cette mesure reviendra à supprimer de l’expérience en service, de l’expérience sur le terrain, et à réduire considérablement l’expérience en qualité d’APJ des jeunes recrues.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire ; d’autres, vous le savez, parmi les policiers et les avocats, ont exprimé des inquiétudes quant à l’amoindrissement inéluctable des compétences et de la qualité des futurs OPJ du fait d’une telle réforme de leur formation.
Les OPJ ont un certain nombre de pouvoirs coercitifs – placements en garde à vue, demandes de réquisition et de perquisition, visites domiciliaires –, ce qui suppose de leur dispenser une formation de la meilleure qualité possible. La condition d’ancienneté de trois années en tant qu’APJ nous apparaît également primordiale et nécessaire pour acquérir l’expérience et la maturité exigées pour ce type de poste.
Selon nous, cette réforme consiste en quelque sorte à baisser le niveau d’exigence dans la formation des OPJ, ce qui, à terme, ne peut que porter atteinte à la qualité des enquêtes. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié bis.
M. Gilbert Favreau. Les arguments développés par nos deux collègues sont parfaitement pertinents.
Cette réforme tend à s’inscrire dans une vague de déclassement d’un certain nombre de professions aujourd’hui, en France. Je ne citerai pas l’ensemble des domaines pour lesquels on peut quelquefois se poser des questions, mais j’évoquerai l’éducation et le monde de la santé.
Il faut, dans ce domaine d’une particulière importance, que les OPJ gardent les compétences qui sont les leurs actuellement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 192.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement identique, nous nous opposons à la suppression de la durée minimale d’expérience de trois ans des gendarmes et des policiers, exigée pour l’habilitation en qualité d’OPJ.
Mon groupe a auditionné très longuement des magistrats, des avocats et des policiers. Tous se disent opposés à l’article 9. Je rejoins donc les arguments développés par mes trois collègues, et je confirme notre volonté de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La possibilité pour les policiers et les gendarmes de passer l’examen d’OPJ à l’issue de leur formation initiale se traduit surtout par un enrichissement de cette formation. Comme l’ont indiqué le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, le niveau de l’examen ne changera pas, et si les élèves n’ont pas le niveau, ils ne réussiront pas aux épreuves.
Par ailleurs, ces gardiens de la paix ne pourront obtenir la qualité d’OPJ qu’au bout de trente mois de service, dont au moins six en tant qu’APJ.
Il paraît, dès lors, utile de laisser sa chance à cette réforme, qui peut être positive pour toutes les nouvelles recrues, mieux formées à la procédure pénale, et pour la police judiciaire.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je vais prendre un peu de temps, madame la présidente.
Je ne comprends pas les propos de M. Durain, et ce d’autant moins qu’il a participé au Beauvau de la sécurité. Mais je ne voudrais pas vous compromettre, monsieur le sénateur… (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Tout d’abord, messieurs Durain, Benarroche, Favreau, et madame Assassi, il ne s’agit en aucun cas, au travers de cet article, parce que nous avons tous des difficultés à trouver des OPJ pour faire en sorte que le code de procédure pénale s’applique à tous – et c’est heureux –, de dégrader la formation d’OPJ ; grosso modo, si je vous entends bien, on dégraderait la qualité pour avoir la quantité, ou l’on baisserait le taux pour augmenter la base, pour parler comme un ancien ministre des comptes publics… (Sourires.)
Ce n’est pas du tout l’objet de cet article !
Je le dis à M. Benarroche, qui vient de défendre à peu près l’idée que je viens de résumer : nous ne touchons ni au concours, ni à ses modalités, ni au contenu des épreuves, ni au jury, qui est composé de magistrats.
L’objet de l’article est de permettre à des gardiens de la paix et à des gendarmes sortant d’école et ayant achevé leurs stages de passer les épreuves du concours d’OPJ, sans attendre les trois années d’exercice en tant qu’APJ prévues actuellement.
Ces trois années d’exercice en tant qu’APJ suffisent-elles pour garantir une certaine expérience ? Si l’on est assez honnête pour admettre que les épreuves du concours ne seront pas allégées, je dirai, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’« aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». On peut avoir dix ans d’expérience dans la police et être un mauvais procédurier…
J’ai déjà pris l’exemple de personnes titulaires d’une licence ou d’un master de droit – il y a même des avocats – qui ont passé le concours de la police nationale : après douze mois d’école – au lieu de huit auparavant, soit dit en passant –, elles doivent attendre trois ans pour pouvoir passer le concours d’OPJ !
L’âge ne fait rien à l’affaire, comme disait Georges Brassens : quand on n’est pas bon OPJ, on n’est pas bon OPJ ! (Sourires.)
Il faut rester raisonnable ! Nombre de gens aimeraient passer les concours de la police et de la gendarmerie. Notre objectif – et peut-être est-ce aussi ce que vous souhaitez – est de diversifier les profils. Certains candidats à ces métiers souhaitent non pas s’occuper de sécurité publique, mais réfléchir à la procédure ; or, en défendant votre position, vous les empêchez de le faire !
Imaginons la situation suivante : je décide, demain, de passer un concours de la police nationale. Cela peut arriver à chacune et à chacun, d’autant plus que j’ai fait sauter les limites d’âge et que l’on peut donc désormais passer ces épreuves à n’importe quel âge.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous feriez un très bon policier ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Peut-être… (Mêmes mouvements.)
Donc, imaginons que je réussisse au concours. J’ai une – petite – expérience de la vie professionnelle, j’ai notamment été maire de ma commune – d’où ma connaissance de la police judiciaire – et je suis titulaire d’un diplôme de droit. Une fois ma formation achevée, il me faudra attendre trois ans dans un commissariat en tant qu’APJ pour pouvoir éventuellement passer le concours ! J’ai actuellement 40 ans ; une fois passés le concours et les douze mois de formation, j’en aurai 42, et je vais dire à ma femme que je passerai le concours d’OPJ dans trois ans et suspendrai, pour ce faire, ma vie professionnelle…
Mme Laurence Rossignol. Il peut aussi s’agir d’une femme !
M. Gérald Darmanin, ministre. En l’occurrence, madame Rossignol, je suis un homme ; je peux faire beaucoup de choses pour vous plaire, mais, à ce point de notre discussion, je vais rester dans mon genre… (Sourires.)
Si j’étais dans cette situation, je ne passerais pas ce concours, car je ne prendrais pas le risque professionnel de changer de voie dans ces conditions, considérant que l’on ne me fait pas confiance. En effet, pour présenter ces épreuves, je devrais suspendre de nouveau ma vie professionnelle, et donc ma rémunération… Tout cela me paraît donc hasardeux.
Avec le garde des sceaux, car c’est avec lui que nous avons élaboré ce texte, nous avons trouvé un moyen d’atterrissage : la qualité d’OPJ ne sera pas accordée immédiatement après la sortie de l’école.
En écho à notre discussion de l’année dernière sur l’allongement de la formation des policiers et des gendarmes, je veux rappeler que le concours se passe en deux temps.
La première partie des épreuves se déroule durant la formation au sein de l’école de police ; certains réussissent, d’autres non. Ceux qui échouent restent des gardiens de la paix classiques. Mais ceux qui réussissent ne sont pas pour autant des OPJ : ils peuvent passer, juste après la formation initiale qui prévoit déjà un long stage, la deuxième partie des épreuves. Et ils doivent patienter encore trente mois – on n’est pas si loin des trois ans prévus actuellement ! –, durant lesquels on les teste et on vérifie s’ils feront de bons OPJ adjoints ou stagiaires avant d’obtenir définitivement la qualité d’OPJ.
C’est méconnaître le texte que je vous propose que de dire, comme je l’ai entendu à l’instant, que l’on veut nommer les élèves directement OPJ à leur sortie de l’école. Ils doivent patienter trente mois ! Dans quelle autre activité, relevant notamment du statut de la fonction publique, demande-t-on d’acquérir pendant trente mois une expérience professionnelle ?
Vous avez dit, monsieur Benarroche, que les OPJ avaient plein de pouvoirs. C’est à la fois juste et faux. Car ces pouvoirs, ils les exercent toujours sous l’autorité du procureur de la République.
Il arrive tous les jours, monsieur le sénateur, qu’un procureur convoque un OPJ pour lui reprocher d’avoir fait des bêtises et le menacer de lui retirer son titre d’OPJ ! Les policiers et les gendarmes ne disposent donc jamais d’un pouvoir absolu.
Ces agents doivent justifier de leurs actes. D’ailleurs, dans le cas où ils ne seraient pas dignes de cette qualité, ou si l’autorité judiciaire dont ils relèvent n’avait plus confiance en eux, la qualité d’OPJ pourrait leur être retirée sans que la police ou la gendarmerie puisse y redire quoi que ce soit.
Dans la vie politique, il faut être cohérent. Vous ne pouvez pas, à la fois, constater tous autant que vous êtes qu’il manque à peu près 5 000 OPJ en France, dénoncer la lenteur des procédures en matière de violences intrafamiliales, que la justice manque de moyens et n’est pas suffisamment à l’écoute de gens, m’écrire pour obtenir la nomination d’OPJ dans vos départements, et, lorsque je vous propose une solution structurelle qui a été discutée avec tous les syndicats de police, l’ensemble des représentants de la magistrature, qu’a rencontrés le garde des sceaux, et qui est le résultat du compromis qui a été trouvé, me dire que, finalement, les policiers étant des gens un peu limités, il faut bien vérifier s’ils ont trois ans d’expérience professionnelle et s’ils ne sont pas totalement dingues !
Ce procès, vous ne le faites pas aux magistrats !
Lorsque j’avais 22 ou 23 ans, j’aurais pu passer le concours de commissaire de police, ou celui de gardien de la paix, ou encore celui de l’École nationale de magistrature. Si j’avais réussi aux épreuves de la magistrature, après un temps de formation à peu près similaire à celui au sein de l’école de police – Marc-Philippe Daubresse l’a très bien dit hier –, j’aurais pu être nommé immédiatement substitut du procureur. Or le substitut du procureur de permanence a des pouvoirs beaucoup plus importants en matière de droits et de libertés qu’un simple OPJ ! Il n’est pourtant pas prévu dans le code de procédure pénale que les magistrats justifient de trois ans d’expérience professionnelle. En fait, si l’on suit cette démonstration, on devrait considérer que les policiers sont un peu plus « concons » que les autres… Pour ma part, je me refuse à penser cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne vais pas défendre une nouvelle fois ces amendements sur le fond.
Monsieur le ministre, plutôt que de faire une loi d’exception qui vous permettrait de devenir OPJ, si vous en aviez la velléité, je pense que vous feriez un très bon conteur d’histoires ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme Esther Benbassa. Cela dépend dans quel sens !
M. Guy Benarroche. Ne voyez aucune velléité de polémique dans mon propos, mais je dois dire que c’est extraordinaire : après que nous avons développé nos arguments – et ce n’est pas la première fois sur ce texte ; MM. Bazin et Durain, ainsi que Mme Rossignol et d’autres, l’ont fait aussi –, vous répondez, parfaitement bien, à d’autres arguments que les nôtres ! Vous bâtissez une histoire à partir de conclusions que vous tirez de nos arguments.
Nous n’avons jamais dit que les policiers étaient plus « concons » que les autres… C’est vous qui le dites, pas moi !
M. Guy Benarroche. C’est votre expression !
Vous dites que nous n’avons pas de ligne politique cohérente. Nous pensons, quant à nous, que notre ligne politique est aussi cohérente que la vôtre, que je ne critique d’ailleurs pas ; puissiez-vous faire de même !
Je pourrais citer d’autres formules que vous avez utilisées ; j’ai pris des notes ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 57, 168 rectifié bis et 192.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 15 est ainsi modifié :
a) Le 3° devient le 4° ;
b) Le 3° est ainsi rétabli :
« 3° Les assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale ; »
2° La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier devient une section 5, et la section 4 est ainsi rétablie :
« Section 4
« Des assistants d’enquête
« Art. 21-3. – Les assistants d’enquête sont recrutés parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale et les personnels administratifs de catégorie B de la police et de la gendarmerie nationales, ayant satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions que la loi leur confie.
« Les assistants d’enquête ont pour mission de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers et agents de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales, aux seules fins d’effectuer, à la demande expresse et sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ou, lorsqu’il est compétent, de l’agent de police judiciaire, les actes suivants et d’en établir les procès-verbaux :
« 1° Procéder à la convocation de toute personne devant être entendue par un officier ou agent de police judiciaire, et contacter le cas échéant l’interprète nécessaire à ces auditions ;
« 2° Procéder à la notification de leurs droits aux victimes en application de l’article 10-2 ;
« 3° Procéder, avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention lorsque celle-ci est prévue, aux réquisitions prévues aux articles 60, 60-3, 77-1, 99-5, et celles prévues aux articles 60-1 et 77-1-1 lorsqu’elles concernent des enregistrements issus de systèmes de vidéoprotection ;
« 4° Informer par téléphone de la garde à vue les personnes mentionnées à l’article 63-2 ;
« 5° Procéder aux diligences prévues à l’article 63-3 ;
« 6° Informer l’avocat désigné ou commis d’office de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête en application de l’article 63-3-1 ;
« 7° Procéder aux convocations prévues à l’article 390-1 ;
« 8° Procéder aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18 préalablement identifiés comme nécessaires à la manifestation de la vérité par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire.
« En cas de difficulté rencontrée dans l’exécution de ces missions et notamment d’impossibilité de prévenir ou de contacter les personnes mentionnées aux 1° et 4° à 6° du présent article, l’officier ou l’agent de police judiciaire en est immédiatement avisé.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de l’affectation des assistants d’enquête, celles selon lesquelles ils prêtent serment à l’occasion de cette affectation, ainsi que celles selon lesquelles ils procèdent aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 10-2, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;
4° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est ainsi modifié :
a) Aux premier et dernier alinéas de l’article 60, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;
b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 60-1, après les mots : « agent de police judiciaire, », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3, l’assistant d’enquête » ;
c) À la première phrase de l’article 60-3, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;
d) Au deuxième alinéa du I de l’article 63-2, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;
e) À l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article 63-3, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;
f) Au quatrième alinéa de l’article 63-3-1, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou un assistant d’enquête » ;
5° Le chapitre II du même titre II est ainsi modifié :
a) L’article 77-1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;
– à la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;
b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 77-1-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3 et sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;
6° La section 3 du chapitre Ier du titre III du même livre Ier est ainsi modifiée :
a) À l’article 99-5, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête » ;
b) La première phrase de l’article 100-5 est ainsi rédigée : « Le juge d’instruction, l’officier de police judiciaire commis par lui ou l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de cet officier, transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. » ;
7° À l’article 230, après le mot : « adjoints », sont insérés les mots : « , aux assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale » ;
8° Au premier alinéa de l’article 390-1, après le mot : « judiciaire, », sont insérés les mots : « un assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier ou de l’agent de police judiciaire, » ;
9° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 706-95-18, après les mots : « agissant sous sa responsabilité », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ».
II (nouveau). – Dans les trois ans à compter de la publication de la présente loi, il est procédé à une évaluation de la mise en œuvre du présent article portant notamment sur le recrutement et la formation des assistants d’enquête et l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins des services d’enquête et au respect des droits de la défense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. J’ai été très satisfaite de découvrir que ce projet de loi instituait des assistants d’enquête aux côtés de nos fonctionnaires de police, qui sont souvent submergés de travail, notamment administratif.
Toutefois, en interrogeant des membres tant du parquet que de la police, j’ai ressenti une certaine réserve chez ces professionnels : qui seront ces personnes ? Quel sera leur niveau professionnel et d’expertise ? Il y en a même un qui m’a dit, en forme de boutade, qu’il espérait qu’il ne s’agirait pas de petits stagiaires chargés de faire des photocopies et du café…
J’aimerais donc que vous puissiez me rassurer, monsieur le ministre, sur cette fonction d’assistant d’enquête, qui me semble, a priori, constituer une bonne idée. En d’autres temps, en tant que maire adjoint chargé de la sécurité, j’ai eu l’occasion de fréquenter à de nombreuses reprises les commissariats et j’ai pu constater à quel point ces professionnels étaient submergés de travail, d’intendance ; ils devaient courir partout, recueillir des preuves, faire des copies, téléphoner…
Si quelqu’un peut les aider, cela me semble une bonne idée de le permettre, mais pouvez-vous nous rassurer sur le niveau d’expertise et de qualification de ces assistants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Oui, la procédure pénale est très complexe dans notre pays ; oui, l’accomplissement des tâches qui en découlent est fastidieux ; oui, la formalité de certaines d’entre elles peut pousser à l’exaspération ; oui, la procédure pénale est, par conséquent, chronophage pour les officiers de police judiciaire.
Néanmoins, non, l’intention des réformes successives ne fut pas de rendre leur travail plus dur ; non, la mission de ces officiers ne se cantonne pas à l’exécution de démarches formelles ; et, non, l’investigation ne doit pas souffrir d’un manque de temps.
L’efficacité d’une enquête ne peut être mesurée à l’aune du seul décompte du nombre d’heures passées sur une opération, que cela concerne le fond ou la forme. Or c’est l’intention qui sous-tend cet article.
En effet, vous proposez, monsieur le ministre, de décharger les officiers de police judiciaire d’une partie de leurs missions au profit d’assistants d’enquête, mais certaines de ces missions nécessitent une appréciation particulière. C’est le cas par exemple de l’interception de la correspondance, qui exige, comme le remarque le Conseil d’État, que seuls soient retranscrits les éléments utiles à la manifestation de la vérité. Les officiers de police judiciaire ont une fonction importante dans cette procédure et nous ne devrions pas la déléguer à des assistants, qui n’ont pas la même formation.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 59 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 169 rectifié est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec, Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.
L’amendement n° 193 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 59.
M. Guy Benarroche. Le présent amendement a pour objet de supprimer la nouvelle fonction d’assistant d’enquête de la police judiciaire ; il risque, lui aussi, de ne pas rencontrer le succès…
Techniquement, cette nouvelle fonction implique le déploiement d’agents juridiquement formés, mais elle suscite des questions sur leur rôle ainsi que sur la nature et l’ampleur du contrôle qui s’exercera sur leur activité. Telle est notre interrogation.
Le professeur de droit Olivier Cahn a exprimé des inquiétudes – il n’est pas le seul ! – quant à la création de cette nouvelle fonction : « Le risque est que ce “greffier” de police se transforme en “régularisateur” a posteriori des procédures menées sur le terrain par les agents. Il y a un risque que la sincérité » – je ne parle pas ici de volonté délibérée – « des procès-verbaux de police diminue. Quels seront les moyens octroyés aux juridictions et à la défense pour s’assurer que tel n’est pas le cas ? Qui habilitera les greffiers et à quelle autorité seront-ils soumis ? Quelle sera la responsabilité des greffiers à raison de leurs actes ? »
La régularité des actes de procédure de ces agents soulève également des interrogations du Conseil national des barreaux, qui craint une forte augmentation des procédures en nullité des actes d’enquêtes réalisés par ces nouveaux assistants, ce qui irait serait l’inverse de l’objectif.
La création d’un poste nouveau, occupé par des personnes moins rémunérées, ayant un statut inférieur à celui des agents des forces de l’ordre, mais devant fournir un travail tout aussi exigeant que celui des OPJ et des APJ, ne nous paraît pas constituer la solution adéquate pour remédier au manque d’effectifs au sein de la police judiciaire.
Enfin, cette nouvelle fonction, au statut flou, ne nous semble pas offrir toutes les garanties de conscience et d’explication de la procédure qui semblent nécessaires lorsqu’il s’agit de convoquer une personne à un entretien en vue d’une audition. La sous-traitance de missions et d’actes essentiels au bon déroulement de la procédure d’enquête n’est pas acceptable.
En l’absence de précisions et d’expérimentation de ces assistants d’enquête, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cette mesure.