Mme Monique Lubin. Incroyable !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’essaie de comprendre. M. Retailleau vient d’expliquer qu’on pouvait sortir de l’École Polytechnique et bénéficier du système de carrière longue. Je ne pense pas que tout le monde ici ait fait Polytechnique pour comprendre le dispositif que notre collègue René-Paul Savary s’est évertué à nous décortiquer. (Sourires.)
Avouons que ce système n’est pas simple. Compte tenu de l’entrée en ligne de compte de plusieurs paramètres, j’ai bien compris qu’il s’agit de renvoyer à un futur décret le soin de réussir une mission presque impossible : maintenir dans ce dispositif une certaine équité.
Le groupe Union Centriste souhaite en lisser les bénéfices, même si je sais que cela peut avoir un coût. Ainsi, commencer à travailler à 14 ans ou avant entraînerait une ouverture des droits à 58 ans, après 44 années d’activité.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Actuellement, c’est 45.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En effet, monsieur le rapporteur, on peut donc parler de progrès. Commencer à travailler à 15 ans permettrait également de partir à la retraite à 58 ans, mais la durée de cotisation ne serait que de 43 ans. Commencer à 16 ans entraînerait un départ à 60 ans : la durée de cotisation pourrait donc être de 44 ans. Je peux continuer ainsi jusqu’à 21 ans. Le dispositif est sinusoïdal.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ou en marches d’escalier.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Appelez-le comme vous voulez. Quand l’entrée en activité a lieu entre 14 ans et 21 ans, les durées de cotisation serpentent de 43 à 44 ans.
Avouez-le, monsieur le ministre : ce n’est pas simple à comprendre. Si vous arrivez à convaincre cette assemblée, tant mieux, mais je doute, en tout cas, que nous puissions convaincre la population que ce dispositif est équitable et apporte un progrès social évident.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, mes chers collègues, heureusement que l’article 38 du règlement n’a pas été appliqué à l’explication apportée par M. le rapporteur : dix minutes n’ont pas suffi à nous faire comprendre le dispositif proposé. (Sourires sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.) Le comprendre est difficile, c’est vrai ; déjà hier, nous interrogions le rapporteur et le ministre à ce sujet.
Comme notre collègue vient de l’indiquer, nous ne comprenons pas pourquoi certains ayant commencé à travailler à 15 ans partiraient au même âge que ceux ayant commencé à 16 ans. Cela représente une année de cotisation supplémentaire pour les premiers. Le cas est le même pour les personnes ayant commencé à travailler à 17 ans et à 18 ans, et ainsi de suite.
L’effet de ciseaux montre que le dispositif ne fonctionne pas. L’équité et l’égalité sont mises en avant, mais celui ou celle qui a commencé à travailler à 15 ans devrait pouvoir partir avant celui ou celle qui a commencé à 16 ans ou à 17 ans. Cette logique nous semble implacable.
M. Retailleau est intervenu au sujet des carrières longues. Je pense que nous ne rencontrons pas les mêmes personnes : celles et ceux qui ont commencé à travailler à 15 ans ou 16 ans et avec lesquels mon groupe échange n’ont pas fait Polytechnique. En général, ils ont été en apprentissage, leur carrière est dure, le métier difficile. Évidemment, leur situation peut évoluer – heureusement ! –, mais souvent ils se retrouvent à la fin de leur carrière en incapacité ou, pour en revenir au constat précédent, en inactivité.
Cette réforme les pénalisera donc doublement : au début de leur carrière et à la fin. M. le ministre peut-il nous apporter des précisions sur l’effet de ciseaux ? Cette mesure sur les carrières longues est un statu quo déguisé en progrès social.
Mme Éliane Assassi. J’ai compris ce qu’il a dit !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je l’avoue très honnêtement : je n’ai pas fait Polytechnique. Dès lors, je ne comprends pas tout au dispositif. Je remercie le rapporteur de l’avoir tout de même éclairé et détaillé, malgré sa complexité : facteurs multiples, mesures d’âge… J’ai compris qu’en rester au texte dans son état actuel maintiendrait des inégalités, comme l’ont souligné nos discussions : certains doivent-ils vraiment travailler plus longtemps que d’autres ?
Au fond, comme je l’ai également compris, le rapporteur a concédé à une ou deux reprises que nos propositions seraient plus justes, mais qu’elles étaient trop chères. Être juste à condition de ne pas être trop cher,…
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Daniel Breuiller. … j’ai du mal avec cet argument, sans doute parce que je conteste cette loi…
J’avais pourtant cru comprendre que notre collègue Pradié à l’Assemblée nationale défendait, au nom de la justice, la même durée de cotisation pour tout le monde.
Je n’ai pas tout compris, je l’admets de nouveau, mais, comme l’a indiqué mon collègue Fabien Gay, comprenons que ceux qui commencent à travailler à 15 ans ou 16 ans sont rarement ceux qui ont fait Polytechnique. Un surdoué y ayant été admis à 16 ans se trouve peut-être dans le lot, mais cela doit être assez rare ! Il s’agit plutôt de jeunes entrés en apprentissage et dont le métier est difficile.
Pour ma part, je le reconnais, je préfère la justice à l’équilibre financier d’une loi injuste. Je voterai donc en faveur des amendements qui défendent l’application à tous des 43 années de cotisation. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’apporte quelques éléments pour – je l’espère – éclairer le débat.
D’abord, Mme Lubin déclarait qu’il était dommage que le véhicule législatif prenne la forme d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, car cela donnerait une connotation budgétaire aux débats. Je peux vous garantir, en souriant, que si nous avions choisi de passer par un projet de loi ordinaire, mon souci de l’équilibre budgétaire d’ici à 2030 aurait été le même. Si le système n’est pas rééquilibré, il ne tiendra pas. Choisir comme véhicule un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ou un projet de loi ordinaire ne change pas mon approche ni celle du Gouvernement.
Ensuite, pour répondre à MM. Gay et Breuiller sur les carrières longues, le système actuel, comme je l’ai indiqué au début de la séance en abordant l’article 8, retient seulement deux bornes d’âge : une à 16 ans et une à 20 ans. Il dépend surtout de trois critères cumulatifs : un assuré ayant cotisé cinq trimestres avant 20 ans pourrait partir à la retraite deux ans avant l’âge légal, soit à l’heure actuelle 60 ans, à condition, premièrement, d’avoir cotisé cinq trimestres avant cette borne, deuxièmement, d’avoir atteint ses 60 ans et, troisièmement, d’avoir réuni, pour l’instant, 42 annuités, soit 168 trimestres cotisés ; il s’agira de 172 trimestres à l’avenir.
M. le rapporteur a eu une remarque particulièrement juste. En effet, il a indiqué que celles et ceux qui bénéficient d’une retraite anticipée pour carrière longue prise le plus tôt possible sont celles et ceux qui ont une carrière particulièrement linéaire, sans exposition à des périodes de chômage ou d’arrêt maladie qui excéderaient quatre trimestres à l’échelle de leur carrière. Finalement, ceux qui ont les carrières les plus difficiles, marquées soit par la précarité soit, les deux pouvant être liés, par des problèmes de santé, sont écartés du bénéfice effectif de la retraite anticipée. Lorsque, actuellement, ils atteignent leurs 60 ans, ils ne sont pas en mesure de justifier de 158 trimestres pleinement cotisés. Il ne s’agit donc pas d’un effet ciseaux, mais d’un effet de perforateur et de mâchonnement,…
M. Fabien Gay. Il faut choisir entre les ciseaux et le perforateur !
M. Olivier Dussopt, ministre. … car la carrière se trouve perforée et donc la borne de départ mâchonnée tant cette dernière dépend de situations individuelles et tant il est impossible que les parcours suivent un tracé tout à fait rectiligne.
M. Vanlerenberghe l’évoquait également il y a un instant. Il déclarait que l’âge de départ à la retraite anticipée suivrait, en fonction de l’âge de début d’activité, une courbe sinusoïdale dès lors que les bornes d’âge seraient fixées de deux ans en deux ans, et non année par année.
Votre raisonnement, monsieur le sénateur, tiendrait parfaitement dans la seule hypothèse où les assurés commenceraient à travailler le jour de leur anniversaire. S’ils se mettaient à travailler trois, quatre ou cinq mois après, selon une rentrée scolaire ou l’obtention d’un diplôme, les bornes exploseraient, pour ainsi dire ! Certains assurés en arriveraient parfois à travailler 44 ans pour pouvoir prétendre à la retraite anticipée tandis que d’autres n’auraient besoin que de 43 ans tout juste ; de fait, la plupart des assurés devraient cotiser 43 ans et trois, quatre ou cinq mois, en fonction, simplement, de leur parcours de vie.
J’invite le Sénat à ne pas porter d’attention excessive à la borne d’âge fixée à 16 ans. Comme M. Vanlerenberghe l’a également souligné, ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans doivent pouvoir partir à la retraite beaucoup plus tôt, donc ne pas nécessairement attendre l’âge de 58 ans. Or ce cas de figure est devenu extrêmement rare. (Mme Monique Lubin proteste.) Le départ à la retraite anticipée en ayant validé cinq trimestres avant ses 16 ans concerne quelques dizaines de personnes par an tout au plus, un peu moins de 200 à l’heure actuelle.
La raison est évidente : l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans a été décidée en 1959. Ainsi, ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans en dérogeant à cette obligation sont soit des assurés dont la liquidation intervient après avoir commencé leur carrière avant 1959 – ce reliquat statistique est de plus en plus rare – soit des assurés bénéficiant d’un statut des plus exceptionnels. Actuellement, les personnes qui commencent leur vie active avant 16 ans le font généralement au travers de dispositifs de préparation à l’apprentissage, non assujettis à cotisations et n’entrant donc pas dans le cadre de la borne en question, puisque ces dispositifs sont assimilés à de la formation.
Voilà l’équation actuelle. Elle est compliquée et renvoie aux parcours de vie et de carrière de chacun, avec des conséquences financières non négligeables.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous avez compris nos préoccupations, monsieur le ministre. J’ajouterai une chose : si tout le monde était soumis aux 43 annuités, la notion de carrière longue n’aurait plus lieu d’être ; il s’agirait de carrières comme les autres. Il faudrait dès lors élaborer un dispositif pour prendre en compte les carrières précoces.
Plus la retraite est anticipée, plus longue sera la retraite : il ne faut donc pas rater la cible, c’est-à-dire concentrer la retraite anticipée sur les personnes dont le métier est pénible, qui ont commencé à travailler tôt. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Monique Lubin. Pour cela, rejetons la réforme !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ces personnes sont usées au bout d’un certain nombre d’années. Le système actuel est trop compliqué.
Le dispositif proposé actuellement, dont la philosophie reste la même, gomme certaines injustices, même s’il ne les gomme pas toutes. Je demandais pour cette raison à M. le ministre d’essayer d’en gommer encore plus en améliorant les dispositions.
Notre système de retraite par répartition est déjà en déséquilibre, ce qui conduira dans les prochaines décennies, si nous ne faisons rien,…
M. Fabien Gay. Ne faites rien !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … les pensions à poursuivre leur baisse relative par rapport au revenu moyen. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Partir du principe selon lequel les 43 annuités sont non pas un plancher, mais un plafond conduirait, pour équilibrer le système…
M. Fabien Gay. À d’autres sources de financement !
Mme Émilienne Poumirol. Trouvez d’autres recettes !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … sans même améliorer les pensions, à fixer la généralisation non à 43 mais à 45 annuités ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Laurence Cohen. Les Français ont compris !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Le système est certes complexe, mais faire des raccourcis ne permet pas forcément d’atteindre son objectif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, personnellement, voyez-vous, je vous admire. Tout à l’heure, vous nous avez fait un exposé d’à peu près quinze minutes sur les départs anticipés ; nous venons de passer de nouveau cinq minutes à essayer de comprendre la complexité du dispositif de carrière longue. Je peux vous assurer qu’il est totalement incompréhensible pour le citoyen lambda…
M. Jean-Luc Fichet. … qui voudrait savoir à quel moment il partira à la retraite. Pour ma part, je ne vois pas bien comment lui expliquer s’il relève ou non des carrières longues, s’il lui manque un trimestre ou semestre ou non, et donc s’il peut prétendre à un départ anticipé. Tout cela devient extrêmement compliqué. Je salue aussi le travail du rapporteur qui a démontré sur ce point sa compréhension assez parfaite des mécanismes.
Nous parlons souvent de la complexité de notre administration. Quand on veut la contacter pour obtenir des informations, il est difficile d’y accéder : il faut désormais prendre des rendez-vous et remplir des dossiers. Je souhaite vraiment bien du plaisir aux personnes qui seront concernées par les dispositifs de cette réforme.
Au sujet des départs anticipés, les personnes frappées d’un handicap ou en difficulté devront tout de même – je le rappelle – travailler deux années de plus, ce qui m’inquiète. Cette réforme des retraites sera marquée par ce dispositif de carrière longue en plus de l’être par l’article 7. Tout d’un coup, que le travail soit une source d’épanouissement ou un exercice difficile sur le plan physique ou mental, les personnes qui mériteraient une retraite à partir de 50 ans ou de 55 ans du fait de l’effort double demandé verront leur âge de départ non pas avancé mais, au contraire, reculé de deux ans. Une fois de plus, faire entendre cela à quelqu’un est bien difficile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur Dussopt, vous vouliez rassurer, comme vous le disiez, Mme Lubin en précisant que, projet de loi ordinaire ou projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, votre souci de l’équilibre reste le même. C’est là où le bât blesse.
En matière de budget, un équilibre s’établit en fonction, d’un côté, de recettes et, de l’autre, de dépenses. En ce qui vous concerne, la diminution des dépenses est privilégiée. Vous ne voulez pas entendre parler d’augmentation des recettes. Suivant le dogme du moins d’impôts et des exonérations, vous avez multiplié – je n’y reviendrai pas – les cadeaux faits aux plus riches. Puisque vous ne voulez pas entendre parler de recettes, vous avez refusé tous nos amendements.
Comme d’autres sur ces travées, je préfère la justice aux questions budgétaires. Tous ceux qui ont réuni 43 annuités avant l’âge de 64 ans devraient pouvoir partir à la retraite. C’est une question de justice !
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Le débat sur cet article souligne l’enjeu de clarté et d’intelligibilité de la loi pour nos concitoyens. Bien évidemment, la question de la justice est posée, et les exemples donnés par mes collègues montrent à quel point cette réforme, en particulier pour ce qui concerne les articles 7 et 8, est considérée comme injuste.
J’ai reçu aujourd’hui par mail, comme vous tous sans doute, parce que nous sommes suivis par nos concitoyens sur les réseaux, un témoignage, que je veux vous livrer : « Je vis dans un hameau près de Louhans et je vous contacte concernant la réforme des retraites, et plus exactement sur le début de son application pour les personnes nées après le 1er septembre 1961 – ce qui est mon cas – et qui auront trois mois de plus à faire. Je trouve plus logique et en cohérence avec l’ensemble de la démarche que le démarrage se fasse sur une année pleine. Pourriez-vous prendre en compte cette demande dans le cadre d’une éventuelle négociation ? Notre Première ministre, née en 1961, qui n’est pas concernée par la réforme, pourra peut-être être sensible à cette demande ? » Certes, il s’agit d’un exemple parmi d’autres !
Quoi qu’il en soit, les gens n’y comprennent rien !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Oui ! C’est le système français !
M. Jérôme Durain. La seule chose que les gens ont comprise, c’est que la réforme était injuste. S’il vous plaît, pouvons-nous répondre aux reproches d’injustice, d’inutile complexité et d’inintelligibilité émanant de ceux qui auront à vivre les effets de cette réforme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Très sincèrement, à ce point du débat, malgré les efforts des uns et des autres pour expliquer le dispositif – je salue à cet égard les explications de M. le rapporteur –, j’ai l’impression qu’on vote tout en aveugle. Qu’il s’agisse du coût des mesures, de leur équilibre ou de leur bilan, nous ne savons rien !
Ce qui me rassure, c’est que le rapporteur – je l’ai dit hier ou avant-hier – est honnête dans sa réflexion. Ainsi, quand il ne sait pas ou quand il pense qu’on pourrait faire mieux, il le dit, ce qui est une bonne chose.
Il ne s’agit pas de mathématiques claires et identifiées permettant de faire des sommations, mais tout de même !
Pour ce qui concerne les départs anticipés, quelles auraient pu être les différentes propositions ? Nous n’en savons rien ! Il y en a une sur la table, dont nous ne connaissons pas exactement le coût.
Pour les carrières longues, même combat ! On pourrait faire mieux. Ce n’est pas très bon, ce n’est pas très bien, c’est peut-être un peu moins coûteux que si c’était mieux. Soit !
Pour les contrats seniors, on nous parle de 800 millions d’euros ou de 1,2 milliard d’euros, on ne sait pas trop, la tête nous tourne.
Carrières progressives, le sujet viendra plus tard, mais la situation sera identique. On nous donnera un coût, mais saurons-nous s’il est exact ?
Bref, j’aurais aimé, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que nous disposions d’un petit tableau pour savoir ce que nous sommes en train de faire. Combien coûtent les opérations qu’on nous propose ? Si on faisait mieux, combien cela coûterait-il ? Certes, c’est un choix, mais le choix des sucres, nous sommes bien d’accord. Ce n’est pas le choix de la réforme, à laquelle nous nous opposons. Il s’agit des petits « susucres » pour faire passer la réforme, qui ont été négociés dans une salle noire. Ils apparaissent maintenant, mais sans les chiffrages. Veuillez m’excuser de vous le dire ainsi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.
M. Serge Mérillou. Depuis six jours, j’écoute attentivement tout ce qui se dit. Cela me fait penser à ce que disait François Mitterrand voilà quelques années : « Quand je ne serai plus là, il ne restera plus que des comptables et des financiers. » (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Monsieur le ministre, vous êtes un comptable et un financier, vous êtes chirurgical et sans état d’âme. Vous ne mesurez plus le coût humain de vos arbitrages. Vous êtes perdu dans vos arbitrages techniques, auxquels, personnellement, je ne comprends plus grand-chose, mais le côté humain, vous l’avez totalement oublié.
En fait, vous êtes un Robin des bois inversé : vous prenez aux pauvres pour donner aux riches. Je le reconnais, vous avez un certain talent dans ce domaine : vous êtes efficace et constant, ce que je regrette.
M. Olivier Paccaud. Quelle caricature !
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Encore une fois, on le voit bien, ces dispositifs sont là pour combler des difficultés. Bien évidemment, je n’ai pas compris tout ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Je pense d’ailleurs que nos concitoyens ne comprendront pas non plus.
Ce que je retiens, c’est que tout le monde devra travailler jusqu’à 64 ans, ou 63 ans pour certains, je n’ai pas bien compris à quelles conditions.
On vous a proposé quelque chose de bien plus simple : laissons la loi telle qu’elle est actuellement. Les gens travailleront jusqu’à 62 ans, comme ils le souhaitent. S’ils veulent continuer à travailler, qu’ils le fassent !
Laissons les dispositifs de carrières longues ou de départ anticipé tels qu’ils sont. C’est tout de même le plus simple !
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que cette réforme, même si elle n’avait pas figuré dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, vous auriez eu à cœur l’équilibre financier. Pourquoi n’avez-vous pas eu recours à un projet de loi ordinaire ? Cela nous aurait permis d’avoir un peu plus de temps.
Au bout du compte, on prend bien les raisons pour lesquelles vous avez agi de la sorte !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur Raynal, s’agissant des différents scénarios proposés dans ces amendements, j’en ai indiqué le coût. La parole qui est la mienne quand je suis devant vous, pour préciser le coût d’une mesure proposée par des parlementaires, s’appuie évidemment sur le travail de mes services. Toutefois, je n’ai pas la possibilité – c’est plutôt heureux – de modifier les tableaux d’équilibre et l’étude d’impact en même temps que j’annonce les coûts en jeu.
J’ai ainsi estimé le coût que représenterait l’adoption des deux derniers amendements présentés à 300 millions d’euros. J’essaie, chaque fois que c’est possible, en fonction des éléments dont je dispose, de préciser les coûts et d’être le plus clair possible dans mes explications.
Par ailleurs, permettez-moi de revenir sur le caractère complexe de la réforme. Un certain nombre d’entre vous ont déclaré ne pas comprendre la réforme, avoir peur de ne pas la comprendre ou ne rien comprendre du tout.
C’est vrai, c’est extrêmement compliqué. Dans la mesure où de nombreux sénateurs du groupe socialiste nous ont fait ce reproche de la complexité, je rappelle que le système des carrières longues a été créé en 2003. Comme vous, j’ai voté la loi Touraine et, alors, personne n’a proposé de modifier le système des carrières longues, ni de créer une borne à 18 ans ou à 21 ans, ni de modifier les critères d’éligibilité.
Mme Monique Lubin. Et le dispositif Hollande, juste avant ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il y avait certes une mesure de retour à l’âge de 60 ans pour les carrières longues, mais pas plus !
J’ai dit voilà quelques jours, sans doute après m’être quelque peu emporté, que j’ai parfois le sentiment qu’on nous reproche de nous attaquer à ce que d’autres n’ont jamais eu le courage d’ouvrir. C’est le cas pour ce qui concerne les carrières longues. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Enfin, monsieur Serge Mérillou, je vous ai bien entendu. Vous m’avez mis en cause à titre personnel. Selon moi, vos propos sont du même acabit que ceux de votre collègue Éric Kerrouche voilà quarante-huit heures. Cela me laisse penser que, comme beaucoup d’autres, la seule chose qui vous habite désormais est la radicalité et une mélenchonisation de l’esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Dans ce débat, le groupe communiste est très à l’aise. En effet, nous n’avons pas soutenu la réforme Touraine (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.), nous nous sommes battus bec et ongles contre cette réforme extrêmement mauvaise, qui a ouvert la porte aux suivantes. Nous nous étions également battus contre les mesures Fillon et nous luttons aujourd’hui contre votre réforme.
Selon moi, notre constance et notre combativité devraient être saluées et applaudies. Nous ne lâchons rien ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Tout cela est mauvais et continue d’être mauvais. Tout ce que vous nous dites depuis le début ne fait que conforter notre position. Majoritairement, les gens perdront deux ans de retraite. Vous restez fidèles à une même logique, en ne prenant pas l’argent là où il se trouve. Vous demandez les mêmes efforts aux plus petits et aux plus fragiles.
Mme Émilienne Poumirol. Oui, aux pauvres !
Mme Laurence Cohen. Concernant les carrières longues, qui font l’objet des amendements en discussion, l’Institut des politiques publiques affirme que le système dit des carrières longues, réservé aux personnes ayant commencé à travailler tôt, ne profite pas principalement à celles qui sont les moins qualifiées ou les plus abîmées par leur emploi…
M. Bruno Retailleau. Exact !
Mme Laurence Cohen. On voit là qu’il y a un vrai problème.
Toutefois, comme vous ne prenez pas l’argent, comme on vous l’a proposé, en créant des recettes nouvelles, vous prenez le problème à l’envers. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Rappel au règlement
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, je sais la charge de travail et l’investissement qui sont les vôtres. Quelles que soient nos opinions, nous ne pouvons que le constater, vous vous êtes dévoué à la cause. Pour autant, je crois que la fatigue et la lassitude vous éloignent de ce qu’a dit à l’instant notre collègue Serge Mérillou, qui n’est certes pas le plus agressif des socialistes ici présents ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quand on s’adresse à vous en évoquant la politique que vous conduisez, il convient de ne pas le prendre à titre personnel ! Il reste quelques jours de débats jusqu’à dimanche soir. Notre volonté n’est pas de mettre en cause personnellement tous ceux qui se trouvent dans cet hémicycle. Notre collègue Serge Mérillou a développé des arguments politiques auxquels notre groupe souscrit.
Article 8 (suite)