Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité de la proposition de loi de mon collègue Éric Gold adoptée par le Sénat le 21 novembre 2018, je commencerai par rappeler les problèmes de désertification bancaire que connaissent nombre de territoires ruraux, avec la fermeture des agences bancaires et la disparition des distributeurs de billets. Cette désertification contribue au sentiment d’abandon de nos concitoyens en zone rurale, qui se conjugue à une certaine forme de solitude ressentie par les élus locaux face à ce problème très concret.
Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il existe un réel problème de désertification bancaire en France. Qui, dans cet hémicycle, n’a pas sur son territoire l’exemple d’une agence ou d’un distributeur automatique de billets venant de fermer ou restant sous la menace d’une fermeture ?
En dix ans, le nombre d’agences bancaire a ainsi baissé de 10 % en France. En milieu rural, le phénomène de désertification est encore plus marqué et, bien entendu, ne concerne pas que l’accès aux distributeurs de billets : il manque aussi des médecins – nous en avons encore débattu récemment – et des transports collectifs ; la couverture numérique et téléphonique est défaillante, voire inexistante ; les commerces de proximité disparaissent…
Une partie de la population vit mal la disparition des services publics, mais aussi des services au public et des équipements utiles au quotidien. Ce ressenti, c’est aussi ce qui conduit à la colère et aux extrêmes.
Je veux donc rappeler qu’il n’y a pas de citoyens de seconde zone et qu’il n’y a pas de territoires de seconde zone.
D’une part, les populations les plus fragiles, vieillissantes et moins mobiles, sont parfois dépendantes des espèces pour le règlement de leurs achats, mais aussi de leur voiture pour tous leurs déplacements.
Devoir faire plusieurs kilomètres pour retirer de l’argent constitue donc une difficulté supplémentaire, notamment pour les personnes âgées qui ne peuvent plus conduire et les personnes à mobilité réduite, qui sont les premières victimes du désengagement des banques sur nos territoires.
D’autre part, il faut bien comprendre que nos aînés s’approprient moins les moyens de paiement modernes et sont moins bien dotés en outils numériques.
Il n’est pas question de nier l’émergence de nouvelles pratiques qui se portent davantage vers les outils et modes de paiement numériques. Mais considérer que la dématérialisation est aujourd’hui actée et bien vécue par l’ensemble de la population constitue une erreur fondamentale.
Enfin, nos territoires ne bénéficient pas tous de la couverture numérique indispensable à l’utilisation d’un terminal de paiement électronique. Dans certaines zones où l’accès à internet et même à la téléphonie fixe est entravé, le règlement par carte bancaire se révèle tout simplement impossible.
Tout comme la présente proposition de loi, celle que le RDSE a défendue en 2018 prévoyait, dans sa version initiale, la création d’un fonds destiné au maintien de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales.
La présente proposition de loi, au vu des amendements de la commission que nous allons examiner, ne va pas répondre à toutes les problématiques, mais ces dispositions me semblent aller dans le bon sens.
C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi, tout comme la majorité des membres du RDSE.
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Del Fabro. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Véronique Del Fabro. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est aujourd’hui quasiment impossible de vivre sans compte bancaire. En effet, bon nombre de transactions ne peuvent être effectuées que par chèque, virement ou paiement par carte. Posséder un compte est un droit ; ne pas en posséder aurait pour conséquence de désocialiser la personne.
Si seulement 1 % de la population n’est pas bancarisée, c’est parce qu’il existe des dispositifs comme le droit au compte et des formules qui permettent aux plus fragiles de bénéficier d’une offre bancaire adaptée à leur situation.
Certes, des carences peuvent être observées en matière d’information relative au droit au compte. Toutefois, l’information existe et est accessible ; j’en veux pour preuve que le taux de bancarisation de la population atteint 99 %. Il convient d’encourager le travail que mène actuellement la profession bancaire pour fluidifier ce dispositif.
Prenons garde : la notion de fragilité a de multiples facettes. En matière de comportement bancaire, on distingue la cigale et la fourmi. Si certains clients ont des difficultés financières à cause de petits revenus, d’autres ne savent pas gérer leur argent. Cessons de ne travailler que sur les conséquences de la fragilité ; affrontons-en aussi les causes !
Toute l’approche commerciale des banques doit reposer sur la connaissance que le conseiller bancaire a de son client. En privilégiant une approche client au détriment d’une approche produit, le conseiller peut personnaliser son offre, son accompagnement et aider son client à retrouver une santé financière, une dignité, afin qu’il sorte de ce dispositif.
Traiter la cause, c’est aussi travailler sur l’éducation financière, dans l’enseignement scolaire, mais aussi pour les adultes.
Je suis d’avis que l’introduction d’une autorisation de découvert sans frais proportionnelle aux revenus n’est pas une mesure adéquate. Elle pourrait faire courir le risque d’une spirale d’endettement et introduirait un droit au crédit qui n’existe pas en droit français. Laissons la main aux banques pour agir en fonction de la connaissance qu’elles ont de leurs clients.
Si, en 2021, 700 000 clients ont opté pour l’offre destinée aux clients fragiles, soit une hausse de 80 % par rapport à 2019, la proposition de cette offre dépend aussi des valeurs de l’entreprise bancaire. Certaines ne veulent pas gérer cette clientèle peu rentable quand d’autres mettent en place des dispositifs spécifiques, comme une plateforme dédiée à cette clientèle afin de les rencontrer, de les informer et de les accompagner. Cette offre est et doit rester une offre transitoire. Aidons donc les banques à développer ce système !
Nous sommes conscients que l’accès aux services bancaires est un élément fondamental pour la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est une question de justice sociale. Ces barrières peuvent être dues, comme on vient de le voir, aux difficultés financières, au manque de connaissances, mais aussi à la distance géographique.
Comme il a déjà été rappelé, chacun a accès à un distributeur de billets à moins de quinze minutes. Il est néanmoins nécessaire de travailler sur le maillage territorial. Surtout, il ne faudrait pas confondre le nombre de DAB implantés et le nombre de points d’espèces. Mieux vaut un seul DAB qui fonctionne plutôt que plusieurs qui ne sont pas utilisés et donc peu rentables. Ce maillage doit aussi être adapté à l’évolution des comportements des consommateurs, qui délaissent les centres-villes au profit des centres commerciaux.
En matière de maillage, des alternatives aux DAB existent ; ainsi, le cashback et le cash-in-shop sont déjà prévus par le code monétaire et financier. Certes, l’utilisation du cashback reste encore faible, mais celle du cash-in-shop se développe et devrait évoluer. Pour exemple, le Crédit Agricole, avec ses Relais CA, propose à ses clients, notamment dans les zones rurales, un service de retrait chez des commerçants – boulangeries, épiceries, boucheries… – là où il n’y a pas d’agences bancaires. Ce service pourrait être universalisé, de manière que les commerçants concernés puissent distribuer des espèces à d’autres clients que ceux des banques qui les ont mandatés. C’est le sens de la réflexion actuelle de certains groupes bancaires.
Enfin, le fonds de garantie de la présence bancaire, alimenté par une taxation sur les bénéfices des banques, sanctionnerait-il tous les établissements ? Qu’en est-il de la taxation des bénéfices des banques en ligne ?
Autre initiative locale, afin de conserver certains DAB, certains établissements se sont associés pour les gérer collectivement.
Si certaines mesures proposées dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, il est toutefois nécessaire d’apporter quelques ajustements pour les rendre plus efficaces et équilibrées, notamment pour les personnes fragiles.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains est favorable à ce texte tel que notre rapporteur, mon collègue Stéphane Sautarel, propose de l’amender. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les distributeurs de billets sont en voie de disparition » : cette crainte, nous l’entendons partout en France, en particulier dans nos campagnes. Dans les zones rurales, elle participe du cercle vicieux de la désertification : moins d’habitants, c’est moins de commerces, donc moins de transactions, moins de retraits, moins de distributeurs et, ainsi, moins de services.
Le rôle du Sénat, en tant que chambre des territoires, est d’apporter des solutions aux problèmes que nous constatons sur le terrain.
Les espèces restent le moyen de paiement privilégié des Français. En 2019, la Banque de France estimait que 59 % des paiements s’effectuaient de cette façon, contre 35 % par carte. Aussi comprend-on mieux pourquoi les Français s’inquiètent de voir disparaître les agences bancaires ou les distributeurs de billets.
Depuis lors, la pandémie a bousculé les habitudes. Autant les banques que les commerçants ont privilégié le paiement sans contact. Pourtant, comme je l’ai souligné, les paiements par espèces restent majoritaires. Des différences d’ordre générationnel ou géographique peuvent exister, mais les chiffres sont là.
Il ne s’agit pas de prendre parti pour les espèces ou pour la carte bancaire, bien que, soit dit en passant, la question soit intéressante, le Gouvernement ayant de bonnes raisons de se méfier des espèces, qui sont intrinsèquement plus difficiles à contrôler. La question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir s’il faut légiférer pour garantir un maillage de distributeurs dans les territoires.
L’article 2 de la proposition de loi fixe un objectif clair : garantir l’accès à un distributeur de billets en moins de quinze minutes, sur chaque point du territoire national. Le problème est que, dans les faits, cet objectif est déjà atteint. En effet, les données de la Banque de France que j’ai citées établissent que 99 % des Français ont bien accès à un distributeur de billets en moins de quinze minutes.
Aussi, l’intérêt de légiférer ne me paraît pas évident. En revanche, la taxe qui servirait à financer ce service public des distributeurs de billets, que nos collègues socialistes appellent de leurs vœux, serait, elle, bien réelle. Et elle finirait par renchérir le coût global des services bancaires.
Si la qualité de nos services publics était proportionnelle au nombre de taxes permettant de les financer, alors la France serait championne du monde ! Or tel n’est pas le cas. Nous vous proposons donc de supprimer cette taxe, qui nuira au pouvoir d’achat des Français.
En revanche, d’autres mesures de cette proposition de loi nous paraissent extrêmement pertinentes, en vue, notamment, de renforcer l’information des clients et les sanctions contre les banques ne respectant pas leurs obligations. Nous sommes favorables à ces mesures.
Nous n’améliorerons pas les services bancaires en ajoutant toujours plus de taxes et de contraintes. Pénaliser les banques, ce n’est pas favoriser leurs clients. Il en va de même pour l’accès au crédit, qui s’est durci du fait de la remontée des taux d’intérêt, alors qu’il faudrait le faciliter.
Ainsi, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, sous réserve de l’adoption de ses amendements en séance.
Mme le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, le développement économique des dernières décennies s’est accompagné d’une utilisation des services bancaires par une part croissante de la population et d’une dématérialisation des échanges financiers.
De ce fait, plus que jamais, l’accès à un compte et aux services bancaires est devenu une nécessaire condition d’inclusion à la vie économique et sociale de la France.
Or, à l’instar de ce qui a été constaté à la suite de la crise de 2008, les personnes privées d’un compte, notamment à la suite d’incidents de paiement, pourraient se multiplier en raison de la crise économique actuelle.
Dans le contexte de crise aiguë que nous connaissons depuis 2020, la proposition de loi que nous examinons a le grand mérite de porter au débat plusieurs outils visant à accentuer la vigilance que nous devons à nos concitoyens les plus fragiles. Les conséquences économiques et sociales pèsent déjà lourdement sur la situation financière de ces derniers.
Il est de notre devoir de veiller à ce que la tentation d’une renonciation aux espèces ne conduise pas à davantage de précarisation, contrevenant à terme à la liberté de choix des moyens de paiement. L’honneur exige que nous protégions les ménages les plus pauvres et les plus précaires.
Bien que 99 % de la population dispose aujourd’hui d’au moins un compte en banque, nous devons veiller à ce que les mécanismes d’accès aux services bancaires et aux moyens de paiements préviennent un basculement dans la fragilité financière et une entrée dans la spirale du surendettement – même si, depuis quelques années, les dispositifs d’accompagnement associant pouvoirs publics, banques et acteurs associatifs se sont développés.
De même, la question des frais bancaires doit être posée : actuellement, aucune sanction pénale n’est prévue dans le cas où la banque appliquerait des frais pour incidents supérieurs au plafond établi par la loi.
Ce système d’impunité repose sur une grande complexité et désarme totalement le citoyen face à ce qui lui est imposé. Or les frais bancaires pesant sur nos concitoyens constituent précisément l’un des obstacles à la réalisation de l’objectif d’inclusion bancaire qui a fait l’objet d’un large consensus en commission. S’il est normal que les banques facturent leurs prestations, il est inadmissible que ces frais soient complètement décorrélés du coût réel de celles-ci.
Aussi avons-nous, mon groupe et moi-même, déposé des amendements visant à limiter, à certaines conditions, le plafonnement de ces frais. Ce faisant, nous veillerions à protéger les publics les plus fragiles par un système de plafonds en fonction du niveau de ressources.
Par ailleurs, l’inclusion territoriale, corollaire de l’inclusion sociale, n’est pas moins essentielle ; il convient de nous concentrer sur cet aspect.
Si nous avons entendu, en commission, les positions du rapporteur sur le degré de couverture territoriale, les chiffres ne correspondent bien souvent pas à la réalité que nombre d’entre nous constatent dans les territoires.
Les agences bancaires et bureaux de poste présents sur le territoire ne se répartissent pas de manière uniforme. Ainsi, si une fermeture peut passer inaperçue en ville ou dans une commune périurbaine, elle peut être catastrophique dans les villages ruraux où les quinze minutes de trajet en voiture ne sont pas anodines, étant donné les conditions de circulation dans des départements comme le mien et bien d’autres.
La réalité des chiffres et des statistiques s’oppose parfois à celle du vécu ; c’est le cas pour ce qui concerne la réalité de la désertification bancaire dont pâtissent nos populations. La promesse de garantir un égal accès aux services bancaires sur tout le territoire n’est pas tenue !
En 2019, la Fédération bancaire française (FBF) a indiqué que les communes dépourvues d’un distributeur étaient majoritairement de petite taille et situées en zone rurale. En effet, quelque 97 % des 28 664 communes non équipées d’un distributeur comptaient moins de 2 000 habitants, et plus de 76 % des personnes résidant dans une commune sans distributeur vivaient en zone rurale.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Paul Toussaint Parigi. Voilà, mes chers collègues, les principaux points que nous souhaitions soulever, en dépit du rejet de ce texte en commission.
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires
Chapitre Ier
De l’accessibilité territoriale bancaire
Article 1er
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 518-25 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle veille également à assurer une couverture territoriale complète, tant en ce qui concerne les implantations que l’entretien et l’approvisionnement des distributeurs automatiques de billets. Elle dispose pour cela de l’appui du Fonds de garantie de la présence bancaire territoriale créé par la loi n° … du … visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires. »
II. – Au 4° du I de l’article 2 de loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste, après la référence : « L. 221-2 », est insérée la référence : « , L. 518-25 ».
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue moi aussi l’initiative de nos collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot, ainsi que du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. En effet, la discussion de leur proposition de loi a le mérite de poser la question de l’accessibilité bancaire et de mettre en avant le rôle indispensable de La Poste.
L’article 1er attribue à La Poste une mission de couverture territoriale complète en distributeurs automatiques de billets. Il nous amène ainsi à raisonner en termes d’aménagement du territoire, et je salue les nombreuses auditions qui ont été réalisées pour son élaboration.
Des chiffres intéressants figurent dans le rapport : « Au 31 décembre 2022, on comptait 17 013 points de contact en France, dont 7 001 bureaux de poste, 6 915 agences postales communales et intercommunales ».
Nous pouvons malheureusement regretter l’évolution à la baisse des moyens humains. L’objectif est que 99 % de la population se trouve à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB. Or certains départements font exception, en ce sens que moins de 90 % de leurs habitants se trouvent à cette portée. C’est le cas des Ardennes, que je représente. Il faut prendre ce fait en considération.
Toutefois, le rapporteur indique, faisant valoir divers arguments, que les nouvelles missions dédiées à La Poste impliqueraient une charge supplémentaire. Je me rallierai donc à sa position.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.
L’amendement n° 18 est présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
M. Dany Wattebled. Cet article crée une sorte de service public des distributeurs de billets, qui serait délégué à La Poste. La mise en œuvre de cette nouvelle mission serait réalisée par La Banque Postale, filiale de La Poste, ce qui poserait un problème de concurrence vis-à-vis des autres banques.
Ce nouveau service public aurait pour mission d’assurer une couverture territoriale complète. Or la France dispose déjà d’un très bon maillage territorial.
La création d’un nouveau service public, avec les contraintes législatives et les taxes supplémentaires qu’elle implique, ne paraît donc pas justifiée.
C’est pourquoi je propose de supprimer l’article 1er de cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 18.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er de la proposition de loi, qui confie à La Poste une mission de couverture territoriale complète, en ce qui concerne tant les implantations que l’entretien et l’approvisionnement des DAB.
Comme les auteurs de la proposition de loi, j’estime que, malgré le développement de moyens de paiement dématérialisés, l’accès aux espèces doit être garanti. Il importe en effet de laisser à chacun le choix de son moyen de paiement. Par ailleurs, les espèces constituent, pour les ménages les moins aisés, un outil indispensable à la gestion de leur budget.
Toutefois, cet article ne saurait être adopté, et cela pour trois raisons principales.
Tout d’abord, le dispositif proposé pourrait entraîner un désengagement territorial des banques, ce qui alourdirait la charge de La Poste. Le rapport sénatorial de mars 2021 sur l’avenir des missions de service public de La Poste avait ainsi expressément exclu la possibilité d’une nouvelle obligation légale de service public.
Ensuite, l’objectif d’accessibilité aux DAB qui est défini par cet article est largement satisfait, quelque 99,2 % de la population étant située à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB – évidemment, il s’agit d’une moyenne, et je sais, en tant qu’élu d’un département rural, qu’il convient de se méfier de cette notion. Au reste, la rédaction de l’article n’apporte pas de différenciation territoriale.
Enfin, le dispositif se concentre sur la question de la présence territoriale des DAB, alors que d’autres moyens d’accès aux espèces existent.
À cet égard, je sollicite l’avis du Gouvernement : la modification du droit européen permettrait-elle d’universaliser l’accès au cash-in-shop ? Ce moyen de retrait de liquide dans les commerces, contrairement au cashback, n’implique pas de mouvement commercial. L’universalité de l’offre permettrait d’en améliorer l’accès.
Pour toutes ces raisons, la commission propose, par cet amendement, de supprimer l’article 1er.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Pour ce qui concerne le cash-in-shop, des travaux sont bien engagés pour s’assurer de l’interopérabilité entre les banques, afin que cela fonctionne correctement.
J’émets donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je regrette les amendements de suppression de l’article 1er et de l’article 2 – les deux dispositions vont ensemble. J’entends bien que notre proposition, qui implique à la fois une réglementation et une taxe supplémentaires ne vous enchantent pas. Néanmoins, plusieurs collègues, et pas seulement sur les travées de la gauche, ont témoigné de la réalité de la désertification bancaire dans certains territoires ruraux.
Cette désertification est plus importante que les chiffres ne semblent l’indiquer ; au reste, ceux dont nous disposons sont très partiels. En outre, le risque existe que ce phénomène ne soit encore largement devant nous.
Peut-être notre proposition n’est-elle pas parfaite, mais elle a le mérite d’exister et de prévoir un financement. Nous souhaitons faire en sorte que, au bout du compte, ni La Poste ni le contribuable, par une dotation pour une nouvelle mission de service public, n’en soient pour leurs frais. Cette responsabilité collective doit être prise en charge par l’ensemble du secteur bancaire.
Au moins aurons-nous provoqué un débat sur cette question, dont je suis sûr qu’elle se reposera. Il nous faudra être vigilants et trouver des solutions face à cet enjeu, auquel le seul cash-in-shop ne peut répondre.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié et 18.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 275 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 238 |
Contre | 104 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2
I. – Il est créé un Fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, établissement public national à caractère administratif chargé de garantir l’accès à un distributeur automatique de billets en moins de quinze minutes sur chaque point du territoire national.
Il est géré par un conseil d’administration présidé par le ministre chargé de l’économie et des finances ou son représentant et comprenant des représentants de La Banque Postale, des organisations professionnelles bancaires, des associations de consommateurs et de personnalités qualifiées.
Un décret en Conseil d’État définit les règles d’organisation et de fonctionnement du fonds, dont la composition et les compétences de son conseil d’administration.
II. – Le fonds enregistre en recettes :
1° Une taxation assise sur les bénéfices des établissements bancaires ;
2° Une contribution, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État, versée par chaque établissement bancaire pour chaque fermeture de distributeur automatique de billets ;
3° Les contributions volontaires des collectivités territoriales dans le cadre d’une contractualisation.
III. – Le fonds enregistre en dépenses :
1° Ses frais de fonctionnement et de gestion ;
2° Le subventionnement de La Banque Postale pour le déploiement et l’entretien d’un réseau de proximité de distributeurs automatiques de billets ainsi que son approvisionnement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.
L’amendement n° 19 est présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
M. Dany Wattebled. L’article 2 crée un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, dont les recettes proviendraient d’une taxe sur les bénéfices des banques.
Ce fonds prendrait la forme d’un établissement public national à caractère administratif chargé de garantir l’accès à un distributeur automatique de billets en moins de quinze minutes sur chaque point du territoire.
Or l’accessibilité des services bancaires n’augmente pas à proportion des taxes imposées sur les banques. En outre, 99 % des Français ont déjà accès à un distributeur en moins de quinze minutes.
La création de ce fonds ne paraît donc pas justifiée. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’article 2.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 19.