M. Alain Duffourg. Cet amendement va dans le sens du précédent : il s’agit de prévoir la possibilité, pour chaque partie, de disposer d’une copie du procès-verbal des interrogatoires, confrontations et reconstitutions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements sont inspirés par une proposition de loi de Mme Herzog, déposée en juillet dernier.

L’amendement n° 15 rectifié ter tend à donner à toute personne entendue par la police ou soumise à confrontation le droit d’obtenir copie de son procès-verbal.

Cela ne soulève pas de difficulté technique, mais cela risque de compromettre la préservation du secret de l’enquête et de conduire à la divulgation de certains éléments de l’audition.

Il en est de même avec l’amendement n° 16 rectifié ter, qui porte à peu près sur le même sujet.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 3 - Amendements n° 15 rectifié ter et n° 16 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel avant l'article 3 - Amendement n° 267 (interruption de la discussion)

M. le président. L’amendement n° 267, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 230-8 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Aux première, sixième, huitième, neuvième et dixième phrases du premier alinéa, après chaque occurrence du mot : « mention », sont insérés les mots : « interdisant l’accès dans le cadre d’une enquête administrative » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« S’agissant des décisions rendues par une cour d’appel, le procureur général territorialement compétent dispose des mêmes prérogatives que le procureur de la République. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le fichier de traitement d’antécédents judiciaires est essentiel au bon fonctionnement de la justice et aux échanges entre les services d’enquête et l’autorité judiciaire. Le présent amendement vise à en améliorer la gestion.

D’une part, il tend à prévoir la possibilité, pour les procureurs généraux, de modifier le fichier à la place des procureurs de la République pour ce qui a trait aux décisions prises par les cours d’appel, afin de privilégier l’échelon le plus proche de la décision.

D’autre part, il vise à clarifier la notion de « mention » figurant à l’article 230-8 du code de procédure pénale. Ce terme est peu lisible, parce que l’article peut viser à la fois les mentions du casier judiciaire et les mentions de restriction d’accès à certaines données dans le fichier de traitement d’antécédents judiciaires. Il s’agit ainsi de préciser que la mention inscrite dans le traitement d’antécédents judiciaires porte sur l’accessibilité des données, qui reste possible pour l’autorité judiciaire, mais qui n’est pas possible dans un cadre administratif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Voilà un bel exemple de clarification complexe du code de procédure pénale… (Sourires.)

Je l’avoue, je n’ai pas tout compris, mais je ne peux que soutenir cette volonté de clarification du code de procédure pénale ; cela montre l’ampleur de la tâche qui vous incombe, monsieur le garde des sceaux…

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 3.

Mes chers collègues, nous avons examiné 41 amendements au cours de la journée ; il en reste 215.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

L’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel avant l'article 3 - Amendement n° 267 (début)
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Discussion générale

5

Politique étrangère de la France en Afrique

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique étrangère de la France en Afrique.

La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous le savons tous : l’Afrique est une région « où se joue une partie de notre avenir commun ». Ce constat qu’avait fait le Président de la République, en 2017, devant les étudiants de l’université de Ouagadougou demeure résolument actuel.

Nous partons d’une réalité : l’Afrique subsaharienne compte aujourd’hui 1,1 milliard d’habitants et, selon les Nations unies, sa population devrait doubler d’ici à 2050.

L’Afrique, c’est donc un dynamisme réel dans notre voisinage immédiat, avec ce que cela implique en termes tant de défis que d’opportunités.

Pour ce qui est des opportunités, je citerai les perspectives de développement, c’est-à-dire, au travers d’une participation toujours plus importante du continent dans l’économie mondiale, des marchés à consolider ou à investir pour nos entreprises. Il faut aussi compter avec une jeunesse dynamique, entreprenante, créative.

Du côté des défis, il faut évoquer tous les risques induits précisément par cette forte croissance démographique, dans un espace très exposé par ailleurs au changement climatique et à ses multiples et terribles conséquences.

Ce constat étant posé, nous devons faire face à des enjeux immenses qui concernent le développement, la transition climatique, le partage de la richesse, l’éducation ou encore la santé, lesquels entraînent de nombreuses conséquences sur les plans sécuritaire, sanitaire et migratoire.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu de toutes ces réalités, nous avons bel et bien « un destin lié avec le continent africain », selon la formule employée le 27 février dernier par le Président de la République, qui disait aussi dans cette intervention : « Ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, c’est un fait. Et tout dépendra de ce que nous en faisons. »

On a trop souvent considéré, de ce côté-ci de la Méditerranée, que les relations entre la France et l’Afrique étaient un peu à l’image de celles de Montaigne et La Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

Nous avons trop longtemps pensé que nos relations allaient de soi, faisant comme si les Africains allaient toujours nous donner la préférence, dans une logique de réflexe immuable. Or rien n’est plus faux. Dans un monde sans cesse plus concurrentiel, cette attitude conduirait inévitablement à perdre en crédibilité, au moment précis où notre coopération commune n’a jamais été aussi souhaitable.

L’époque où certains considéraient l’Afrique comme le terrain d’une rivalité à somme nulle entre puissances est, en outre, totalement dépassée. Les pays africains ont depuis bien longtemps diversifié leurs partenaires, comme nous l’avons tous fait.

En somme, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la politique étrangère de la France en Afrique consiste à mettre fin définitivement à cette logique, à cette mentalité de l’évidence, pour mieux avancer ensemble main dans la main, en véritables partenaires. Nous avons pour cela de nombreux atouts qu’il nous faut faire valoir.

Il s’agit, tout d’abord, de l’intensité de nos liens humains, de cette langue française que nous partageons avec l’Afrique francophone, de ce million de Français de La Réunion et de Mayotte qui vivent en Afrique et dont nous voulons renforcer l’intégration régionale.

Ce sont, ensuite, nos diasporas, aussi bien les Français qui vivent en Afrique que les Africains qui vivent en France ; sans oublier, bien sûr, ces millions de nos compatriotes qui sont liés à ce continent.

Il y a, enfin, l’ambition de la France, laquelle entend donner la pleine mesure de ses moyens à son action.

Cette ambition se retrouve dans notre aide publique au développement (APD) qui est passée, entre 2017 et 2022 – je le rappelle – de 10 à 15 milliards d’euros par an. La France est ainsi devenue l’an dernier le quatrième bailleur mondial et le seul à avoir accru ses financements sur le continent africain, avec 5,2 milliards d’euros de financements bilatéraux et multilatéraux destinés à l’Afrique. À Bruxelles, également, nous défendons la place de l’Afrique comme première région de la solidarité européenne.

À une échelle plus globale, le Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial des 22 et 23 juin prochain visera également à conjurer un risque de fracture grandissante entre le Nord et le Sud, en répondant aux besoins des pays en développement pour financer la transition écologique et la sortie de pauvreté.

Notre ambition est aussi celle que nous manifestons en soutenant les attentes de l’Afrique d’être mieux intégrée à la gouvernance mondiale. Nous sommes résolument favorables à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, avec l’attribution d’un siège de membre permanent à un pays africain ainsi qu’une participation pleine et entière de l’Union africaine (UA) au G20.

Nous déployons notre ambition, par ailleurs, au travers de notre réseau culturel, grâce aux 28 Instituts français et 109 Alliances françaises présents dans la seule Afrique subsaharienne. Les 108 établissements scolaires affiliés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) installés sur le continent africain sont un autre outil de rayonnement auprès des générations futures.

En France, nos universités accueillent un nombre toujours croissant d’étudiants africains. Ils étaient 150 000 en 2021, en augmentation de 40 % depuis 2017.

Notre ambition se déploie également sur le terrain économique.

À cet égard, il faut se méfier de certains faux-semblants. Les économies africaines s’étant largement mondialisées, nos parts de marché ont pu marquer le pas. Mais la croissance africaine a été telle que notre présence économique a augmenté en volume, de plus en plus de PME françaises se tournant vers le continent. En quinze ans, le nombre des filiales d’entreprises françaises en Afrique a doublé, de même que nos investissements. La France est aujourd’hui le deuxième investisseur étranger sur le continent.

Ces points sont trop peu souvent rappelés.

Notre réseau diplomatique est pleinement mobilisé pour soutenir cette dynamique, tout en défendant nos intérêts.

Enfin, notre ambition se déploie dans un dialogue continu et approfondi avec nos partenaires africains sur tous nos sujets d’intérêt commun, qui sont nombreux.

Au premier rang de ceux-ci figure, bien sûr, la lutte contre le changement climatique. En 2021, à la COP26 de Glasgow, nous avons été précurseurs en nous engageant dans le partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) pour l’Afrique du Sud afin de faire sortir progressivement ce pays, dans lequel je me rendrai dans deux semaines, de sa dépendance au charbon.

Dès le début de la guerre russe en Ukraine, qui a très sévèrement aggravé l’insécurité alimentaire, nous nous sommes mobilisés pour soutenir les pays les plus vulnérables, notamment africains. Nous avons ainsi financé et facilité l’envoi de céréales et amélioré la sécurité alimentaire, en particulier via le transport récent de 20 000 tonnes d’engrais vers le Malawi. En Éthiopie, où je me suis également rendue, nous avons acheminé, avec l’aide de l’Allemagne, 26 000 tonnes de céréales destinées au Programme alimentaire mondial (PAM). Nous avons d’ailleurs doublé notre contribution à ce programme et travaillons au renforcement des systèmes alimentaires en Afrique.

La Russie, quant à elle, exerce un chantage constant sur la reconduction de l’initiative céréalière pour l’exportation via la mer Noire des céréales ukrainiennes.

Vous vous en doutez, la guerre en Ukraine est au cœur des discussions avec nos partenaires africains, pour en limiter les conséquences néfastes sur eux, mais aussi en soi. En effet, l’agression d’un pays souverain par son voisin est aussi une agression contre les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, notamment l’égalité souveraine et le respect de l’intégrité territoriale des États : sans le respect de ces principes, les États ne peuvent connaître ni paix ni stabilité. Nous faisons valoir cette position dans le monde entier, en particulier auprès de nos partenaires africains qui ne perçoivent pas suffisamment ce point de vue et considèrent que l’Europe est trop loin.

Dans notre dialogue avec ces partenaires, nous défendons sans relâche la nécessité de maintenir et d’accroître la pression sur la Russie pour faire en sorte que son agression échoue. En effet, l’avenir et la sécurité de toutes les nations souveraines sont bel et bien en jeu. Une agression qui serait récompensée ouvrirait la voie à d’autres, là ou ailleurs. Tous doivent en être conscients, car tous sont concernés.

Ce rappel est d’autant plus indispensable au moment où six chefs d’État du continent s’apprêtent à se rendre à Kiev et à Moscou, dans le cadre d’une initiative de paix dont les contours restent à dessiner. Rappelons-le, toute initiative doit s’appuyer sur le plein respect des principes fondamentaux de la Charte.

Plus généralement, et partout sur le continent, la France met sa diplomatie au service de la paix. C’est notamment le cas en Afrique de l’Ouest, où les pays du Sahel et du golfe de Guinée font toujours face à une importante menace terroriste. Je laisserai le soin au ministre des armées de revenir plus en détail sur les aspects militaires de notre action.

Au Soudan, nous sommes en contact avec les deux parties au conflit, ce qui nous a permis en avril dernier d’évacuer les Français désireux de quitter Khartoum ainsi que de très nombreux ressortissants étrangers. Nous devons aussi convaincre les belligérants de renouveler la trêve, de la rendre effective, et de rechercher une nécessaire solution politique.

Dans la région des Grands Lacs, notre diplomatie est aussi à la manœuvre pour soutenir le processus de paix.

Enfin, nous dialoguons en permanence sur les questions liées à l’État de droit – démocratie, lutte contre la peine de mort, égalité entre les femmes et les hommes, droits des personnes LGBT+, liberté d’expression – et, plus généralement, de l’ensemble des sujets sur lesquels la France a des positions à tenir. C’est ce que nous faisons partout dans le monde, que notre interlocuteur soit africain ou non.

L’autre grande clé de compréhension de notre politique étrangère en Afrique est à trouver dans cette volonté, clairement exprimée, « de bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable », pour reprendre les mots du Président de la République. Nous entretenons des liens de ce type avec chacun des 54 pays du continent, dans le cadre de 54 relations bilatérales. Il y a non pas une, mais de nombreuses Afriques, un continent dans lequel nous avons 54 partenaires.

Tous ces pays ont leurs spécificités ; c’est la raison pour laquelle il ne faut pas réduire les relations franco-africaines à une seule situation, au prix de raccourcis et de simplifications – on en connaît beaucoup.

Se laisser prendre au piège de fausses paniques déclinistes ou s’enfermer dans des complexes qui n’ont pas lieu d’être, c’est ne pas être à la hauteur de ce qui se passe réellement et concrètement – soit, dans l’écrasante majorité des cas, des relations qui fonctionnent bien et portent leurs fruits.

Pour autant, et face à certains vents contraires, nous sommes déterminés.

Je pense en particulier à la diffusion de discours anti-français dans certains pays d’Afrique francophone. Ces discours, dont nous devons comprendre l’origine, sont pour partie liés à l’héritage de l’Histoire, pour partie aux frustrations de la jeunesse, mais pour partie aussi à des entreprises hostiles et plus ou moins souterraines, en particulier venant de la Russie.

Face à chacune de ces causes, nous agissons résolument. C’est notamment le sens de notre présence sécuritaire en Afrique, dans une dynamique nettement plus partenariale – moins visible aussi. Je laisserai le ministre des armées détailler notre nouvelle posture.

C’est aussi le sens de la démarche entreprise auprès de certains pays où notre relation commune doit faire face à une mémoire troublée, à un « passé qui ne passe pas », parce que nous n’avons pas fourni assez tôt et assez résolument les efforts nécessaires attendus par nos partenaires africains.

Ce qui a été fait au Rwanda doit nous montrer la voie : les travaux menés par des historiens de nos deux pays ont permis à la France de regarder son Histoire en face, pour mieux construire une relation de confiance.

C’est également la voie que nous prenons au Cameroun depuis l’été dernier, avec l’installation récente d’une commission d’historiens et d’artistes français et camerounais.

Plus globalement, nous donnons un nouveau tournant à notre communication en l’orientant davantage vers la jeunesse, à laquelle nous voulons montrer la réalité concrète de notre coopération, parfois occultée par des déclarations inexactes.

J’ai aussi redonné à nos ambassades en Afrique les moyens de mener elles-mêmes, directement, de petits projets visibles et rapides au plus proche du terrain et des bénéficiaires. Il y va de notre influence. Je viens ainsi de lancer un fonds Équipe France doté de 40 millions d’euros – ce montant peut paraître faible, mais pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, c’est beaucoup !

M. Christian Cambon. C’est un bon début !

Mme Catherine Colonna, ministre. Son objet est de permettre à nos ambassades de monter des projets à haute valeur politique.

J’ai également lancé en début d’année un fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, de 20 millions d’euros, afin que nos ambassades en Afrique puissent soutenir directement les acteurs des industries culturelles et créatives, avec lesquels nous avons tant à faire et qui ont tant à nous apprendre.

Ces deux fonds sont complémentaires avec l’action plus structurante et de long terme que mène l’Agence française de développement (AFD).

Sur le plan culturel, après la saison Africa 2020, nous inaugurerons bientôt à Paris une Maison des mondes africains, afin de faire rayonner les cultures et les créations africaines en France, de mettre en valeur nos diasporas et de faire la démonstration que la France et ses partenaires africains sont plus forts et plus influents lorsqu’ils s’unissent. Cette intimité culturelle entre la France et l’Afrique nous permet aussi de rayonner dans le monde entier. Partout dans le monde, nos Instituts programment des artistes africains ou des créations franco-africaines, souvent avec un très grand succès.

Plus que jamais, nous travaillons avec les acteurs de la société civile, les artistes, les entrepreneurs et les intellectuels du continent. La Fondation de l’innovation pour la démocratie, lancée en octobre dernier avec Achille Mbembe, que je rencontrerai bientôt en Afrique du Sud, entend ainsi mettre en réseau celles et ceux qui inventent chaque jour les nouvelles formes de vie démocratique sur le continent, et tout cela sans donner de leçons, avec humilité et conviction. Nous devons les aider et nous appuyer sur eux.

Enfin, face au défi des manipulations de l’information par des puissances déstabilisatrices – j’en ai déjà cité une –, nous nous dotons des moyens d’agir.

J’ai augmenté les moyens du ministère en matière de communication et de rayonnement, et ce mouvement a vocation à se poursuivre. Nous avons ainsi mis en place des dispositifs de veille, de détection des manœuvres hostiles et de riposte, en particulier sur les réseaux sociaux. Nous soutenons en parallèle les fact checkers – pardon pour ce franglais ! – et les écosystèmes médiatiques africains afin qu’existe sur le continent une presse de qualité et professionnelle.

J’ai demandé à nos ambassadeurs d’adopter une communication plus visible et plus offensive. Nous avons également mené un travail de refonte de la communication de tous nos opérateurs pour qu’il n’y ait, sur le terrain, qu’un seul drapeau et qu’une seule équipe France.

Avant de passer la parole au ministre des armées, je veux clore mon propos en insistant une dernière fois sur l’un des principaux atouts du continent : sa jeunesse.

Cette jeunesse exigeante, entreprenante, fière et totalement ouverte sur le monde ne veut pas qu’on lui dise ce qui est bon, ou non, pour elle. Elle souhaite non pas que l’on agisse à sa place, mais simplement que l’on investisse dans ses projets dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant.

Cette jeunesse, qui ressemble tellement à la nôtre, nous lance un défi : celui de nous renouveler et de changer notre manière de faire. Nous entendons cette demande. Je puis vous assurer que tous nos diplomates en Afrique font vivre, avec conviction et enthousiasme, le programme de transformation que nous avons lancé. C’est ainsi que la France restera un partenaire proche, pertinent et fiable de ce continent appelé à occuper une position centrale dans les équilibres du monde de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviendrai plus précisément sur la situation sécuritaire et, par là même, sur la question de la présence militaire française sur le continent africain.

Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a dit, l’Afrique étant un continent, les situations sécuritaires et d’organisation de nos forces armées sont aussi diverses que nous y avons de partenaires.

Je commencerai par évoquer cinq points, avant de laisser la place au débat puis de répondre à vos interrogations, commentaires et réflexions.

Premier point : en étant quelque peu schématique, voire caricatural, on peut au fond distinguer deux grandes périodes depuis le début des années 2000.

Tout d’abord, de 2000 à 2010, de nombreuses interventions françaises ont été menées sur fond de culture d’interposition, ou de missions de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies. La plus connue est l’opération Licorne de participation des forces armées françaises au maintien de la paix en Côte d’Ivoire. Pour le dire vite, il y en a eu d’autres…

Ensuite, la période de 2010 à 2020 a été marquée par la lutte contre les groupes armés terroristes au travers des opérations Serval puis Barkhane au Sahel, décidées par le Président de la République François Hollande, notamment à la demande de notre partenaire malien. Les groupes ciblés, qui pouvaient avoir des ramifications sur le sol européen, faisaient aussi peser des menaces plus endogènes – j’y reviendrai.

Je tiens à dire que les missions Serval et Barkhane sont des succès militaires, contrairement à ce que j’entends dire ici ou là. Ces interventions des armées françaises ont certes pu avoir des limites politiques, mais, sur le terrain tactique et militaire, elles ont été marquées du sceau du succès. Que celles et ceux qui disent le contraire démontrent la véracité de leurs propos ! Leur narratif me semble d’ailleurs en contradiction avec le sacrifice de nos cinquante-trois soldats qui sont tombés au Sahel – neuf lors de l’opération Serval ; un soldat lors de l’opération Épervier, ce que l’on oublie trop souvent ; quarante-trois durant Barkhane.

Permettez-moi, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir une pensée particulière pour ces soldats, leurs familles et l’ensemble de ceux qui ont été blessés dans le cadre de ces opérations. L’armée française est une armée d’emploi qui prend sa part de risques, c’est le moins que l’on puisse dire. En l’occurrence, ces missions se sont soldées par un succès, même si elles furent douloureuses.

Au fil du temps, nous avons fini par nous substituer aux différents pays qui nous avaient demandé, pour certains, d’intervenir. J’y reviendrai, pour en tirer un certain nombre de conclusions.

Deuxième point : les menaces évoluent, changent. Cela, Paris doit le comprendre.

Je suis frappé de constater à la lecture de nombreux commentaires, y compris dans la presse, à quel point la menace terroriste a fondamentalement évolué. Parfois plus fragmentée, elle n’en est pas moins dangereuse dans la mesure où elle se balkanise et devient plus diffuse sur l’ensemble de la zone. Elle est aussi plus endogène, plus tribale et plus compliquée à détecter et à renseigner.

Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a dit très justement que le continent africain s’était ouvert, pour le meilleur comme pour le pire. Il s’est ouvert à un certain nombre de diversifications, et donc à des influences légitimes. En tant qu’États souverains, ces pays ont choisi de diversifier leurs partenariats et de faire jouer une forme de mise en concurrence sur les questions économiques, mais aussi, parfois, sur les sujets sécuritaires, et notamment de développement capacitaire en matière d’équipements militaires.

La France doit donc relever le défi suivant : être davantage attractive pour ces partenaires anciens avec lesquels elle entretient une relation que l’on pourrait qualifier d’affective. Pour autant, notre manière d’interagir avec d’autres compétiteurs a parfois été très déceptive.

D’autres influences sont plus malvenues, sur fond de compétition économique et d’initiatives sécuritaires ou informationnelles. On ne peut pas ne pas citer, à cet égard, le compétiteur stratégique russe et le groupe Wagner.

Le troisième point que j’évoquerai ne fait jamais l’objet, à Paris, d’une réflexion, pas plus dans les cercles politiques et intellectuels que dans les think tank diplomatiques ou institutionnels : le continent africain est soumis à la tension entre les modèles dits autoritaires, d’un côté, et de démocratie libérale, de l’autre. Tel était le cas au Mali.

Cette question se pose lorsqu’il y a des juntes militaires : on reproche presque à Paris leur arrivée dans un pays, et lorsque la France essaie d’intervenir, on lui reproche une forme d’ingérence ou une manière de faire en Afrique de la politique « à l’ancienne », c’est-à-dire en intervenant dans les processus démocratiques ou non démocratiques.

Je soumets à la Haute Assemblée cet élément de réflexion qui concerne les forces armées et d’autres services relevant de ma tutelle : il faut certes renseigner et détecter – j’ai répondu à plusieurs questions sur ces sujets dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) –, mais, au-delà du domaine militaire et de celui du renseignement, il convient aussi de mener un combat politique pour défendre les valeurs de la démocratie.

Pour citer Tocqueville et les grandes valeurs liées à la liberté, il faut se demander si un modèle convient ou ne convient pas. Plusieurs continents sont confrontés à cette question et l’Afrique n’y fait pas exception.

J’en viens à un autre aspect important : qu’en est-il de notre présence militaire ? Là encore, un certain nombre de commentaires que l’on peut lire dans la presse ne sont pas d’une grande exactitude.

Il existe trois familles de bases militaires, qui correspondent à différentes missions.

La première famille est située dans le « duo » Sénégal-Gabon. Il s’agit de bases ayant des éléments prépositionnés depuis l’indépendance de ces pays et la conclusion des premiers traités de défense. Ces pôles de coopération permettent l’accès à des infrastructures – souvent civiles, rarement militaires – qui peuvent être utilisées à des fins militaires, et proposent de nombreuses formations à ces partenaires ainsi qu’à d’autres pays situés à proximité.

C’est encore plus vrai, d’ailleurs, pour les éléments français positionnés au Gabon : huit ou neuf pays voisins peuvent profiter des offres de formation que nous organisons là-bas.

Ce sont plutôt de longs séjours. Dans ces bases, il n’y a pratiquement aucun armement, si ce n’est pour organiser la formation. Au Sénégal, au Gabon, il doit y avoir un ou deux véhicules de l’avant blindés au maximum.

La deuxième famille est constituée par les bases opérationnelles. Je pense aux forces prépositionnées en Côte d’Ivoire, à Abidjan et Port-Bouët, et bien évidemment à la base de Djibouti.

Port-Bouët regroupe 950 personnes et Djibouti, 1700 personnes. Djibouti est une base pour l’Afrique de l’Est, comme on l’a vu avec l’opération Sagittaire et l’évacuation de nos ressortissants à Khartoum. C’est aussi une base de sécurité pour le partenaire djiboutien, avec des accords de défense et des clauses de sécurité. C’est enfin une base très largement ouverte sur l’Indopacifique, avec sa dimension navale et les enjeux de sécurité à Ormuz, Bab el-Mandeb et dans l’ensemble de l’océan Indien. De ce point de vue, elle est connectée à nos éléments positionnés aux Émirats arabes unis et aux forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) à Mayotte et à La Réunion. Djibouti est donc à la fois tournée vers l’Afrique et vers l’ensemble de la zone Indopacifique.

Ces deux bases opérationnelles sont importantes non seulement par leur empreinte, mais aussi par le fait qu’elles sont de véritables points d’appui au combat.

À la différence des forces positionnées au Gabon et au Sénégal, les forces présentes sur ces bases peuvent être engagées à la demande du Président de la République, en fonction des accords de défense signés avec les différents pays et des nécessités de la lutte contre le terrorisme.

La troisième famille de bases regroupe des positionnements organisés sur le régime des opérations extérieures, aux côtés des forces locales. Elles sont situées dans deux immenses pays, dont la sécurité et la stabilité nous importent : le Tchad et le Niger.

Ceux des sénateurs qui se sont rendus récemment au Niger ont pu y observer au mieux l’offre française rénovée en matière d’appui au combat. Nous soutenons le partenaire nigérien, sans nous substituer à celui-ci. Nous n’engageons un certain nombre de missions qu’à la demande des autorités nigériennes, dans un dialogue sécuritaire, militaire, politique et diplomatique, et nous commençons à voir des résultats probants sur le terrain.

Dans la région de Tillabéri, par exemple, seuls 33 % de la surface agricole étaient exploitables en raison de la présence de groupes terroristes armés. Après plusieurs mois d’opérations des forces militaires françaises et nigériennes, ce taux est passé à 65 %. Cela démontre l’efficacité des missions menées, qui souffrent d’une certaine forme d’indifférence à Paris.

Le Niger est pourtant engagé dans un combat très courageux contre les groupes armés terroristes. C’est aussi grâce à ce pays que nous avons réussi le redéploiement des éléments de Barkhane, voilà un an. Ce pays joue plus globalement un rôle très important dans la stabilité de l’ensemble de la zone sahélo-saharienne. Il faut donc parler du Niger en saluant les efforts du président Bazoum et de son armée.

Cinquième point : la mise à jour de la présence militaire française, annoncée par le Président de la République voilà plusieurs mois, se fera selon certains éléments de doctrine que je souhaite clarifier devant la Haute Assemblée.

Face à la guerre informationnelle menée par certains de nos concurrents, une des conditions de notre succès sera d’apprendre de nos échecs et d’en tirer des leçons, sans se comporter en inspecteurs des travaux finis, mais en regardant lucidement ce qu’a été la fin de Barkhane. Nous ne devons plus nous substituer aux États souverains africains dans la lutte contre le terrorisme. Notre présence doit répondre à une demande d’aide ; nous pouvons offrir un soutien, mais nous ne devons pas agir à la place de ces États. À défaut, cette situation nous expose et ne donne pas satisfaction à l’issue de la mission, tant sur le plan militaire, diplomatique que politique.

Cela signifie également que le besoin de France sur le terrain militaire doit être exprimé de manière claire, comme pour tout autre État souverain, et dans le respect de cette souveraineté. Il est important de demander aux pays partenaires ce qu’ils veulent et d’expliciter ce que nous sommes prêts à faire. Si cela fonctionne au Niger ou à Djibouti, c’est parce qu’il y a beaucoup d’écoute et d’attention accordées à l’expression des besoins de ces partenaires. C’est un chemin que nous devons également emprunter dans les autres pays où nous avons des forces ; ce travail est en cours, que ce soit au Sénégal, au Gabon ou en République centrafricaine.

Nous devons aussi réfléchir à la taille de nos empreintes militaires. Le temps est révolu où nous pouvions accepter des situations peu efficaces. Au Sénégal, par exemple, nous n’avons pas une seule base, mais sept ou huit empreintes militaires françaises dans l’agglomération de Dakar, ce qui n’est pas satisfaisant pour nos forces armées.

Les installations militaires françaises sont ouvertes à notre partenaire sénégalais pour des formations. Il serait donc judicieux de passer à une forme de cogestion, pas pour l’intégralité de la base française, mais pour certains éléments. Lorsque vous êtes engagé dans un partenariat de formation, vous développez déjà une forte intimité stratégique et vous établissez une relation de confiance très avancée avec le partenaire. Nous devons donc nous efforcer de moderniser la gestion de nos empreintes militaires, sans hésiter à innover.

C’est un point clé, sur lequel des progrès sont réalisés. Si l’on examine de près l’ensemble des empreintes, on constate qu’elles ne sont pas comparables les unes aux autres : les éléments français au Gabon ou au Sénégal sont déjà très ouverts sur la ville, avec des associations, des crèches et des écoles parfois situées en plein milieu des camps militaires ; par contraste, le camp de Port-Bouët à Abidjan est une grande caserne située à l’extérieur de la ville, donnant l’impression d’être très déconnectée de la vie quotidienne ivoirienne.

Les maires ou les élus municipaux ici présents savent que l’on ne peut plus dissocier une emprise militaire de son environnement civil. C’est l’une des principales conclusions que nous avons tirées de ce qui se passe actuellement en Afrique. D’autres partenaires et alliés l’ont déjà compris, il n’y a aucune raison pour que nous prenions du retard sur cette question.

Il est désormais nécessaire de proposer un catalogue de formations à jour. Nous nous sommes parfois trop satisfaits de nous-mêmes et de l’offre de formation que nous avions produite. Ce que nous faisions était de qualité, mais avait tendance à mal vieillir : alors que nous offrions des formations classiques, robustes et efficaces, d’autres partenaires ou pays, tels que la Turquie, Israël et parfois l’Algérie, ont commencé à proposer des formations sur de nouveaux segments, comme la lutte anti-drones, la maîtrise des drones, l’initiation à la cyberguerre ou à la guerre électronique. C’est l’un des éléments qui me conduira à prendre des décisions organisationnelles différentes pour nos forces prépositionnées.

Plutôt que de longs séjours, avec des métiers fixes ou statiques, nous devrions opter pour des séjours plus courts de compagnies ou de bataillons, parfois pour une durée d’un mois, de deux mois, voire de trois mois, avec la participation de réservistes.

L’objectif est de proposer une offre de formations beaucoup plus large, incluant parfois des fonctions simples, comme le désarmement d’engins explosifs improvisés, la protection individuelle ou le combat d’infanterie classique, mais aussi des sujets à plus forte valeur ajoutée. Si nous n’y prenons garde, nous pourrions prendre du retard en ce domaine – pour être honnête, nous en avons déjà pris !

Enfin, nous devons rouvrir nos écoles militaires pour officiers et sous-officiers – j’insiste particulièrement sur ces derniers – sur le territoire national. La fin du service militaire et l’avènement de notre armée de métier étaient des évolutions positives. Toutefois, en raison des différentes réductions budgétaires que le ministère de la défense ou les armées ont connues au fil du temps, les stagiaires des pays amis et partenaires d’Afrique ont été de moins en moins nombreux dans les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan et de Salon-de-Provence ainsi qu’à l’École navale ou à Polytechnique – pour ne citer que ces écoles d’officiers. Dans les années 1980 ou 1990, nous accueillions parfois plusieurs dizaines de jeunes aspirants et sous-lieutenants issus des armées africaines, nous n’en avons plus qu’un, deux ou trois par cohorte. Si nous voulons parler d’influence, cela ne suffit pas. C’est pourquoi j’ai demandé que nos écoles soient rouvertes, avec pour objectif d’accueillir chaque année 600 stagiaires provenant des pays d’Afrique d’ici à 2030. Cette proposition suscite une forte adhésion de la part de nos partenaires.

Enfin, il est essentiel de réfléchir au capacitaire, aux équipements et à l’armement. Notre base industrielle et technologique de défense (BITD), avec toutes ses qualités reconnues, a pris de bonnes habitudes en matière d’exportation d’armes avec de grands contrats vers de grands pays, ce qui est une bonne chose.

Toutefois, il est indéniable que les armées des pays partenaires réalisent également d’importants efforts budgétaires pour monter en puissance. L’armée sénégalaise, l’armée ivoirienne, par exemple, n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient voilà dix ou quinze ans. Or leurs besoins en équipement et en capacités sont toujours présents. Et nos industriels ont parfois pu décourager certaines armées de pays amis, jugeant les contrats trop peu importants. La nature ayant horreur du vide, ce sont nos concurrents qui ont pris la place…

Il y a une réflexion clé à mener avec la direction générale de l’armement (DGA), avec la BITD et avec le monde bancaire, notamment la Banque publique d’investissement (BPI), afin de trouver des solutions pour tous ces pays et leur permettre de continuer à monter en puissance. Nous devons être présents pour les aider dans leurs efforts, ce qui passe également par les équipements.

Un autre point que nous devrons aborder lors des discussions sur le projet de loi de programmation militaire est la nécessité de renforcer notre réseau d’attachés de défense. La ministre a évoqué le renforcement du réseau diplomatique, mais son propos doit s’appliquer aussi aux attachés de défense et aux attachés d’armement. Savez-vous qu’aucune ambassade en Afrique ne dispose actuellement d’un attaché d’armement de la DGA ? C’est évidemment un non-sens.

Nous devons accroître aussi nos capacités expéditionnaires. Nous l’avons vu avec l’opération Sagittaire, notamment lors de l’évacuation de Khartoum, mais aussi dans d’autres opérations. Cela soulève la question de la cohérence et de la masse. Avoir un grand nombre d’A400M, c’est bien, mais encore faut-il qu’ils soient et opérationnels et dotés d’une interopérabilité avec les forces spéciales. Nous avons de nouvelles perspectives de contrats opérationnels en matière expéditionnaire à l’avenir, ce qui nous permettra d’être beaucoup plus agiles dans notre approche.

La question du renseignement, que je n’aborderai pas ici, car elle a été traitée au sein de la délégation parlementaire au renseignement, est évidemment un sujet clé, notamment dans la lutte contre le terrorisme.

Parmi les axes d’effort, j’ai beaucoup parlé des pays francophones, car c’était la directive qui m’avait été donnée pour éclairer le Sénat sur la manœuvre en cours concernant les bases. J’ai donc fait ce choix éditorial, si je puis dire, pour vous éclairer complètement sur ce sujet. Il est clair que les questions de sécurité et de défense concernent également l’Afrique lusophone et anglophone, où nombre d’États sont aussi confrontés à la lutte contre le terrorisme.

La situation du Mozambique, par exemple, nous intéresse directement en raison de notre proximité géographique. Il y a également l’Angola, où le Président de la République s’est rendu récemment – je ne vais pas citer tous les pays concernés.

Dans certains d’entre eux, nous n’avons pas de forces, mais des perspectives de renouvellement ou de renforcement des accords de défense, ainsi que des perspectives en matière de capacité.

Je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que nous avons signé un contrat pour une offre satellitaire avec l’Angola en matière de renseignement. Cela peut sembler peu intuitif de prime abord, mais cet accord montre bien que si nous sommes compétitifs, nous sommes également capables d’aider nos partenaires sur de nouveaux segments technologiques.

Enfin, je souligne que l’esprit de Takuba demeure parmi nos partenaires européens. Parfois, les questions relatives à l’Europe de la défense méritent d’être traitées avec prudence, en dehors de l’Otan et des cercles d’intervention classiques. Grâce aux compétences de l’armée française, nous avons réussi à entraîner de nombreux partenaires européens dans des opérations expéditionnaires, et de nombreux pays européens ont également compris l’intérêt d’aider les pays africains dans leur lutte contre le terrorisme. Il est important que nous puissions maintenir vivant cet esprit de Takuba, car il constitue une véritable avancée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)