Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 307.

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l’adoption 321

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur lensemble des travées.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic
Discussion générale (suite)

Organisation de la navigation aérienne en cas de mouvement social

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic
Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (proposition n° 553, texte de la commission n° 696, rapport n° 695).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrôle aérien est un service public essentiel pour notre pays. Il participe de notre souveraineté, permet d’assurer le contrôle de notre espace aérien et assure un rôle majeur pour nos territoires et pour la connectivité du pays, un rôle régalien. En assurant la sécurité des vols, on garantit notre connectivité, notre ouverture sur le monde.

Ce service public est en cours de modernisation. J’ai été, en 2018, l’auteur d’un rapport d’information assez critique sur l’état de ce service public ; on ne saurait donc me suspecter d’une gentillesse exagérée à son égard. Or je peux dire aujourd’hui que ce service public est engagé dans une modernisation qui lui permet de rejoindre le peloton de tête européen dans le cadre du « ciel unique » et de l’interopérabilité.

J’ai pris l’initiative de cette proposition de loi, parce qu’une difficulté subsiste au sein des règles spécifiques qui s’appliquent aux contrôleurs aériens, une difficulté que chacun connaît et que nous devons essayer de traiter.

Plusieurs de nos collègues ont déposé des propositions de loi à ce sujet ces dernières années. Je veux citer Bruno Retailleau, que je remercie tout particulièrement de s’être associé à la présente proposition de loi : il en avait déposé une, avec son groupe, qui couvrait un champ plus large. Je pense aussi à Joël Guerriau, qui avait lui aussi déposé une proposition de loi sur ce sujet et qui s’est également associé au présent texte.

Nous devons garder en tête le fait que les contrôleurs aériens sont soumis à des règles particulièrement strictes, du respect du survol aux exigences de continuité et de sécurité. À ces règles s’ajoute le cadre européen que j’ai mentionné, le « ciel unique ».

Les contrôleurs aériens ont par conséquent été exclus, dès l’origine, du champ d’application des dispositions de la loi du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, dite loi Diard. En effet, ils étaient déjà soumis à un service minimum, car nous devons évidemment pouvoir assurer à tout moment la continuité du survol du pays, d’autant que la France est un pays particulièrement survolé, avec un trafic complexe.

Néanmoins, ce dispositif de service minimum fonctionne aujourd’hui assez mal ; les difficultés sont très largement documentées.

Des troubles surviennent assez fréquemment, et il arrive que la manière dont le service minimum est calculé conduise en fin de compte à des annulations de vols « à chaud », alors même que l’on avait déjà procédé à des « abattements », selon la formule consacrée, dès le préavis de grève déposé.

Or les annulations « à chaud », annoncées à la dernière minute, causent de grandes difficultés dans les aéroports pour les compagnies, mais aussi à l’évidence pour les voyageurs, qui sont tout de même la finalité du transport aérien.

Il arrive aussi fort souvent, à l’inverse, que la direction générale de l’aviation civile (DGAC) mette en place le service minimum et demande aux compagnies de réduire le nombre de vols, alors que les grévistes sont finalement peu nombreux.

Le système en vigueur aujourd’hui pose donc un certain nombre de grandes difficultés. Il apparaît à certains égards découplé du nombre de grévistes : la réduction du trafic n’est pas proportionnée au nombre de contrôleurs aériens en grève.

C’est en raison de cette difficulté que la France a bien souvent été pointée du doigt, dans un certain nombre de classements européens, comme le pays où l’on trouve le plus de retards et d’annulations de vols. C’est un élément difficile à vivre, et ce même pour les contrôleurs aériens, qui ont l’ambition de développer la capacité de trafic, mais aussi de favoriser ce qu’on appelle des « routes droites » – les trajets aériens les plus directs possible permettent de moindres émissions de CO2 et donc de préserver notre planète. Lorsque la France subit des réductions de capacité, on est amené à en écarter le trafic : notre pays est moins survolé, mais plus de CO2 est émis.

Je précise que ma démarche est sans lien avec certaines procédures, que l’on peut qualifier de « médiatiques », menées par différentes compagnies aériennes étrangères. J’estime simplement, comme je suis attaché à la question de la navigation aérienne, que nous avons le devoir de trouver une solution qui soit conforme à nos traditions.

Il convient bien sûr de respecter le droit de grève : c’est le pilier de cette proposition de loi. C’est bien parce qu’existe ce principe constitutionnel, auquel nous sommes tous attachés et avec lequel il faut concilier le service minimum, que je propose d’organiser de la sorte une prévisibilité quant au nombre de grévistes. Il s’agit finalement de parvenir à une meilleure organisation du service minimum.

Ce dispositif spécifique ne prendra pas place dans le code des transports, mais dans le code général de la fonction publique, parce que les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires. Nous avons essayé de trouver un équilibre, que je vais à présent vous exposer.

Si cette proposition de loi est adoptée et va jusqu’au bout de son examen par le Parlement, les contrôleurs aériens seront astreints à une obligation de se déclarer grévistes quarante-huit heures à l’avance ; en réciprocité, la DGAC devra, elle aussi, leur notifier l’avant-veille leur réquisition en vue du service minimum, celui-ci impliquant des astreintes.

Aujourd’hui, les contrôleurs aériens voient eux-mêmes les conséquences de la désorganisation qui découle de la difficulté de prévoir le nombre réel de grévistes et, partant, la quantité d’astreintes nécessaires pour le service minimum.

Par ailleurs, la multiplication des mouvements de grève suscite de grandes difficultés d’organisation au sein de ces services ; ainsi, les grèves menées depuis le début de l’année contre la réforme des retraites ont donné lieu, sur cinq mois, à quarante jours d’astreinte pour autant de jours de grève.

Or, à chaque fois, on doit réorganiser les tours de service, parfois à la dernière minute, du fait d’un système qui me paraît ancien, daté et devant être revu. Je pense là à l’organisation réglementaire du service minimum ; peut-être M. le ministre pourra-t-il nous confirmer tout à l’heure qu’un nouveau décret sera pris en la matière pour veiller à la conciliation entre service minimum et obligation pour les contrôleurs de se déclarer grévistes quarante-huit heures à l’avance. Ce nouveau décret pourrait aussi permettre de moderniser la liste des aéroports qui font l’objet d’un service minimum.

Cette proposition de loi exprime donc une volonté d’équilibre, au travers d’une double prévisibilité. Ainsi, on améliorera, me semble-t-il, l’organisation du service, tout en évitant qu’il y ait une grosse réduction du trafic si la grève est peu suivie ; en revanche, si la grève est très suivie, il y aura bien une réduction proportionnée du trafic. C’est pourquoi j’ai veillé à ce qu’il soit bien indiqué, dans l’intitulé même de la proposition de loi, que nous cherchions à aboutir à une bonne adéquation entre la réduction du trafic et le nombre de grévistes.

J’ai essayé de proposer une solution à un problème ancien. Je souhaite le faire dans le cadre du dialogue social. Je veux aussi dire combien je suis attaché à la modernisation de cette belle maison qu’est la DGAC. Tout cela ne peut passer que par le dialogue social, par la confiance dans les partenaires sociaux et dans l’ensemble du personnel de cette maison. De fait, je pense que les agents subissent eux-mêmes les conséquences d’un système qui est à bout de souffle et qui a démontré toutes ses limites, que ce soit pour les passagers, les compagnies, les contrôleurs et l’organisation du service.

Voilà l’objet du texte qui vous est soumis, mes chers collègues. C’est une tentative que je juge concertée et aussi proportionnée et adaptée que possible aux réalités de ce métier, qui est un métier essentiel pour nous.

Si nous parvenons à faire aboutir ce texte, je pense que nous aurons fait un pas important ; il restera à la DGAC beaucoup de travaux à mener pour continuer sa propre modernisation. En effet, ce service de pointe, reconnu au niveau mondial, doit continuer à innover. C’est en tout cas, à mes yeux, le sens de cette proposition de loi, car il convient aussi d’innover dans notre capacité à organiser le dialogue. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Julien Bargeton et Jean-Pierre Grand applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Perrot, rapporteure de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner la proposition de loi de notre collègue Vincent Capo-Canellas relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic.

Ce texte porte sur un sujet bien identifié par le grand public : les conséquences sur le trafic aérien des mouvements sociaux des contrôleurs aériens employés au sein de la direction générale de l’aviation civile.

Le cadre actuel de ces mouvements sociaux n’est pas satisfaisant. Certes, les organisations syndicales de la DGAC doivent déposer un préavis de grève cinq jours avant le début de tout mouvement, mais il est très difficile pour l’administration d’anticiper l’ampleur réelle de chaque grève. La DGAC n’a actuellement aucun moyen de savoir avec précision combien d’agents décideront d’y participer.

Il résulte de cette situation d’incertitude que les abattements de vols réalisés par la DGAC sont fréquemment bien plus élevés que nécessaire, afin d’éviter les annulations de dernière minute, dites « à chaud », qui sont les plus pénalisantes pour les compagnies aériennes comme pour les passagers. La réduction du trafic qui résulte de la grève est donc disproportionnée au regard de la participation parfois très faible du personnel au mouvement.

Le fonctionnement actuel est déroutant : il permet aux contrôleurs aériens d’annoncer qu’ils vont faire grève sans avoir besoin de réellement passer à l’action. Comme les « abattements » de vols ont lieu avant le début du mouvement, les effets recherchés de la grève sur la réduction de trafic sont déjà atteints avant même qu’elle ne commence.

Il arrive aussi, parfois, que la DGAC ait une analyse trop optimiste de la situation et annule en amont moins de vols qu’il n’aurait été nécessaire. Il faut alors procéder en urgence à des annulations « à chaud ». Celles-ci désorganisent très fortement le trafic aérien. Des passagers déjà arrivés dans les terminaux, voire dans les avions, voient leur vol annulé. Cela peut donner lieu à des troubles à l’ordre public, liés à la présence dans les aéroports de nombreuses personnes courroucées face à ces situations difficiles.

Cette incertitude est en outre pénalisante pour les contrôleurs aériens eux-mêmes. En cas de grève, il est en effet possible de déclencher un dispositif de service minimum, afin d’assurer la continuité du service public et une certaine partie des opérations, en particulier celles liées aux vols vers la Corse et les outre-mer et au survol du territoire français. La DGAC est donc souvent obligée de déclencher préventivement ce dispositif, et ce même quand le nombre de grévistes s’avère en définitive faible, si bien qu’il n’aurait pas été nécessaire de le mettre en place.

Ce service minimum implique des réquisitions de personnel. Les contrôleurs réquisitionnés ne peuvent, de facto, participer au mouvement de grève, quand bien même ils l’auraient voulu. Le service minimum a aussi pour effet de fragiliser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Parfois, le service minimum peut même être mis en place assez tardivement. Il est alors difficile de notifier aux contrôleurs leur réquisition et il arrive – dans de rares cas, il est vrai – que les forces de l’ordre doivent s’en charger. Cette situation n’est évidemment pas pleinement satisfaisante.

Au cours des derniers mois, ce système a montré ses limites de façon très claire, en particulier le 11 février dernier, quand des contrôleurs aériens ont rejoint une grève de la fonction publique qui n’avait même pas été relayée en interne par les syndicats de la DGAC. Il en a résulté de nombreuses annulations à chaud. Les semaines suivantes, le service minimum a été fréquemment mis en place, ce qui a dégradé le climat de travail à la DGAC, ce dispositif étant lourd de conséquences et complexe à organiser tant pour les contrôleurs aériens que pour leur direction.

La coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques approchant à grands pas, une réforme de ce système est plus que jamais nécessaire.

La présente proposition de loi vise à remédier à cette situation. Elle crée une obligation, pour les contrôleurs aériens, de se déclarer individuellement grévistes l’avant-veille du mouvement de grève, avant midi. Ils ont la possibilité de renoncer à leur participation au mouvement jusqu’à dix-huit heures le même jour.

Sur la base de ces informations, l’autorité administrative pourra décider de mettre en place le service minimum. Elle disposera, pour ce faire, d’un délai contraint : également jusqu’à dix-huit heures l’avant-veille du mouvement.

L’information contenue dans les déclarations permettra à l’autorité administrative de déterminer avec précision le nombre de vols à annuler. Les adaptations du trafic aérien seront donc mieux proportionnées à l’ampleur du mouvement, et les annulations à chaud pourront ainsi, nous l’espérons, être évitées.

Cette déclaration individuelle s’inscrirait dans le prolongement de déclarations similaires existant déjà dans le secteur des transports, depuis 2007 dans le transport terrestre régulier de voyageurs et depuis 2012 pour les autres travailleurs du secteur aérien. Les contrôleurs aériens n’avaient pas été inclus dans le champ de la loi Diard de 2012 créant une obligation de déclaration individuelle de participation à la grève, car ce texte ne concernait que le secteur privé, alors que les contrôleurs relèvent de la fonction publique de l’État.

Le texte adopté par la commission prévoit, pour les déclarations individuelles ainsi créées, une protection équivalente à celle dont bénéficient les déclarations instaurées par la loi Diard. En commission, nous avons adopté un amendement tendant à préciser qu’elles seront couvertes par le secret professionnel. En outre, toute utilisation à d’autres fins que celles prévues dans le texte serait passible de sanctions pénales.

La proposition de loi reprend donc le principe de la loi Diard, mais n’en constitue pas un simple calque. En effet, il était notamment nécessaire de veiller ici à l’articulation entre la déclaration individuelle et le service minimum.

Pour l’examen de cette proposition de loi, j’ai cherché à m’inscrire dans une philosophie de recherche de l’équilibre et de pragmatisme. Le texte adopté par la commission est pleinement en phase avec cette exigence. Il est adapté au cadre d’exercice des contrôleurs aériens et remédie à ses principales insuffisances.

Il crée certes une obligation pour les contrôleurs, la déclaration individuelle, mais il en crée également une pour l’administration, puisque le délai de déclenchement du service minimum est contraint.

Le texte résorbe les principales difficultés du système actuel pour les passagers, puisque moins de vols seront annulés préventivement et « à chaud », mais aussi pour les contrôleurs aériens, puisque le service minimum sera déclenché moins souvent et plus tôt.

Je souhaite donc que cette proposition de loi, saluée par notre commission, puisse être adoptée largement par notre assemblée, afin que la navette se poursuive et que l’Assemblée nationale puisse à son tour, rapidement, faire siennes ces dispositions constructives, qui vont dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui nous rassemble aujourd’hui vise à permettre une organisation plus optimale, plus efficace, du contrôle de la navigation aérienne, notamment dans les périodes de mouvements sociaux.

En tant que ministre chargé des transports, j’ai des échanges très réguliers aussi bien avec les contrôleurs aériens et leurs représentants qu’avec les usagers, les nombreux élus concernés, les dirigeants des compagnies aériennes ou encore les représentants des aéroports.

Aussi, je partage avec M. Capo-Canellas plusieurs convictions très solides.

Nous avons d’abord en commun la conviction que notre service de contrôle aérien est de très grande qualité. La France, compte tenu de sa position géographique, est le pays le plus survolé d’Europe. Il s’agit donc là d’un service public essentiel, qu’il convient de reconnaître et de conforter.

Je partage aussi le constat selon lequel ce service public a parfois affronté de sérieuses difficultés, notamment ces derniers mois, et qu’il est à certains égards, et ce au détriment de la profession elle-même, à bout de souffle.

Enfin, je partage avec vous, monsieur le sénateur, la conviction que nous devons rechercher, pour répondre à ces difficultés, des solutions adaptées, innovantes et équilibrées – cela a été dit par Mme la rapporteure –, des solutions qui soient respectueuses du service public comme du dialogue social.

En effet, notre organisation actuelle conduit le ministre que je suis à décider de déclencher le service minimum, sur proposition de la DGAC, sans pouvoir évaluer précisément à l’avance l’impact du mouvement social annoncé.

Ce déclenchement, nécessaire pour assurer, conformément à la loi, la continuité du service public essentiel de la navigation aérienne, se décide en effet sur la base d’éléments d’information partiels, épars et parfois subjectifs. Pour éviter de devoir annuler des vols « à chaud », ce qui est le plus pénalisant pour les usagers et peut même entraîner des troubles à l’ordre public, en période de grands départs par exemple, l’organisation actuelle nous conduit inévitablement à prendre de manière préventive des décisions d’annulations de vols souvent plus nombreuses que nécessaire et excessivement lourdes de conséquences pour la profession elle-même et pour l’ensemble du secteur.

Nous avons récemment encore constaté que nous sommes régulièrement confrontés au paradoxe étonnant et difficilement justifiable que voici : une mobilisation sociale moindre peut quand même occasionner un impact important sur le service. Cela nuit à l’image du service de la navigation aérienne française et à son attractivité ; plus concrètement, ce sont de nombreuses personnes qui se retrouvent en difficulté.

Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, la grève surprise du 11 février dernier, bien que faible par le nombre de grévistes, a montré les limites de notre système, là encore au détriment du service de la navigation aérienne et de la profession.

Vous savez que je suis également très attaché, comme vous-même, monsieur Capo-Canellas, au respect du droit de grève dans notre pays, notamment dans ce service public.

Le présent texte n’affecte nullement le droit de grève des contrôleurs. À l’aune de l’efficacité de notre service minimum et du respect du droit de grève, la proposition de loi examinée aujourd’hui me semble tout à fait équilibrée.

Ce texte me semble en effet apporter une solution globale nouvelle. À ce titre, je remercie M. Capo-Canellas de s’être emparé de ce sujet et d’avoir mené ces dernières semaines les travaux et concertations qui ont mené au dépôt de ce texte.

La proposition de loi crée, pour les agents du contrôle aérien, une obligation de se déclarer grévistes, à l’instar de ce qui existe notamment dans le secteur des transports terrestres.

Ce texte rend ainsi obligatoire l’envoi d’une déclaration individuelle de participation au mouvement de grève, au plus tard à midi l’avant-veille d’une journée de grève, pour les agents des services de la navigation aérienne qui assument des fonctions de contrôle, d’information de vol et d’alerte, c’est-à-dire ceux dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols. À cet égard aussi, la proposition est équilibrée.

Ce texte exprime à vrai dire un équilibre dans son ensemble : avec cette déclaration préalable, le service minimum sera moins souvent déclenché et les contrôleurs pourront exercer effectivement leur droit de grève sans être systématiquement astreints. Nous aurons ainsi un meilleur service et un exercice garanti et plus efficace du droit de grève.

J’entends les inquiétudes parfois exprimées, mais je les pense déjouées par le texte tel qu’il vous est soumis après beaucoup de concertations.

Aussi, si cette proposition de loi est adoptée, le Gouvernement en tirera toutes les conséquences sur l’organisation du service minimum, qui relève du pouvoir réglementaire. Nous l’adapterons à cette nouvelle donne ; c’est l’engagement que je prends ici devant vous.

Le Gouvernement est donc, vous l’aurez compris, favorable à cette proposition de loi qui, je l’espère, saura recueillir une large majorité des suffrages dans cet hémicycle.

Bien sûr, le dialogue devra continuer avec l’ensemble des parties prenantes pour assurer une mise en œuvre de ce texte qui soit en adéquation avec les besoins de chacun et les grands principes que j’ai rappelés. J’y serai particulièrement et personnellement attentif. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les perturbations liées aux mouvements sociaux chez les aiguilleurs du ciel sont assez fréquentes et ne sont en rien une nouveauté. Pourtant, elles restent mal comprises et surtout mal prises en charge.

La loi du 21 août 2007 instaurant un service minimum en cas de grève est d’application complexe. En effet, ce service minimum n’a rien d’automatique et dépend de l’existence d’une convention prise par l’entreprise ou le secteur concerné. Par ailleurs, il s’agit toujours d’une forme de gestion de la pénurie, le droit de grève restant d’ordre constitutionnel. On a encore pu le constater « à chaud » en ce début d’année avec les contestations massives de la réforme des retraites.

Je salue l’initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas, ancien maire du Bourget, qui vise à apporter une réponse à un problème bien connu des usagers du transport aérien.

Je rappellerai ici l’engagement de notre ancienne collègue et membre du groupe RDSE, Josiane Costes, en faveur des lignes d’aménagement du territoire, les LAT. En 2019, elle avait signé un rapport d’information sur la contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires, en particulier de ceux qu’il faut bien appeler de véritables « îles intérieures », comme son département du Cantal.

Dans nos fonctions de parlementaires, nous sommes souvent confrontés à des perturbations, retards ou annulations de vols, alors que les moyens de transport alternatifs n’existent pas toujours, ou en tout cas pas avec le même temps de transport. Et je ne vous dis pas ce qu’on entend sur les contrôleurs aériens dans les avions ou les aéroports !

À ce propos, monsieur le ministre, qu’en est-il de la stratégie nationale du transport aérien 2025 ? A-t-elle porté ses fruits ? Quel bilan peut-on en tirer aujourd’hui, à mi-parcours, et alors que Paris accueillera en 2024 les jeux Olympiques, exactement un siècle après leur première organisation dans la capitale ?

D’après le rapport sur la présente proposition de loi, entre 2004 et 2016, deux tiers des grèves du contrôle aérien en Europe ont eu lieu en France. Les clichés semblent ainsi, hélas, se vérifier, avec un impact certain sur le trafic en Europe, compte tenu de la situation géographique de notre pays. L’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle est l’un des trois ou quatre premiers aéroports du continent en nombre de passagers annuels. Il serait intéressant de connaître l’évolution depuis 2016.

La situation actuelle se caractérise par un dévoiement des dispositifs liés au droit de grève, dans un sens comme dans l’autre, avec une déconnexion croissante entre l’ampleur d’une grève et son impact sur le trafic, du fait des annulations préventives par la DGAC et du déclenchement du service minimum par précaution, pour pallier le manque d’information.

Face à cette situation, les réquisitions semblent elles-mêmes montrer leurs limites. Il s’agit donc bien d’un problème d’organisation et d’anticipation, auquel cette proposition de loi vise à répondre.

Mme la rapporteure défend même l’idée que ce texte contribuerait paradoxalement à renforcer le droit de grève, en le faisant mieux appliquer dans les faits. Cela dépend sans doute aussi des conditions pratiques de la mise en œuvre du texte, de la qualité du dialogue social et du degré de confiance entre les acteurs.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a apporté au texte des modifications notables. Je salue pour ma part l’application du secret professionnel aux déclarations individuelles de participation à une grève : cela contribue à protéger le droit de grève, qui est, rappelons-le, d’ordre constitutionnel.

En conclusion, les membres du groupe RDSE devraient se prononcer pour l’adoption de cette proposition de loi, à l’exception de quelques abstentions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Julien Bargeton applaudit également.)